N° 1111
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2003.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2004 (n° 1093)
TOME III
AFFAIRES SOCIALES, TRAVAIL ET SOLIDARITÉ
FORMATION PROFESSIONNELLE
PAR M. Jean UEBERSCHLAG,
Député.
___
Voir le numéro : 1110 (annexe n° 5).
Travail et emploi
INTRODUCTION 5
I.- UN EFFORT FINANCIER À LA HAUTEUR DES BESOINS ACTUELS DE FORMATION 7
A. DES MOYENS STABILISÉS AU SERVICE D'AMBITIONS MAINTENUES 7
1. Une stabilité des crédits prévus pour 2004 par rapport aux crédits ouverts en 2003 8
2. Des ambitions maintenues à un niveau élevé quoique réaliste 10
3. Un effort global en faveur de la formation professionnelle à apprécier dans un cadre plus large 11
B. UNE RÉPARTITION INTERNE SENSIBLEMENT MODIFIÉE COMPTE TENU DE LA MONTÉE EN CHARGE DE NOUVEAUX ACTEURS 14
II.- LA RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : UN ESSAI À TRANSFORMER 19
A. UN ACCORD HISTORIQUE : UNE DEUXIÈME CHANCE POUR LA FORMATION 19
1. Une illustration exemplaire des difficultés et des vertus du dialogue social 19
2. De nouveaux espaces de formation 20
B. UN NOUVEAU CHANTIER À OUVRIR : UNE MEILLEURE ALLOCATION DES RESSOURCES AUX BESOINS 23
1. Une complexité des financements source de déperditions 23
2. Des pistes de réflexion pour une allocation plus juste et plus efficace des ressources 26
a) Une obligation minimale : dynamiser et rationaliser le financement de la formation professionnelle 26
b) L'enjeu d'une véritable réforme : introduire davantage de justice et d'efficience dans la répartition des ressources 27
3. La nécessité d'un renforcement des contrôles 28
TRAVAUX DE LA COMMISSION 31
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est appelée à se prononcer pour avis sur les crédits destinés à la formation professionnelle inscrits au budget du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Son rapporteur pour avis ne se livrera pas à une analyse détaillée des crédits budgétaires affectés à la formation professionnelle et de l'effort de la Nation en faveur de celle-ci dans la mesure où cet exercice est amplement réalisé par l'annexe explicative au projet de loi de finances - le « jaune budgétaire » - et par le rapport de la commission des finances, de l'économie générale et du plan saisie au fond dudit projet.
Par ailleurs, les moyens globalement affectés à la formation professionnelle sont à l'évidence suffisants pour répondre aux besoins exprimés. Au surplus, l'accord national interprofessionnel signé par l'ensemble des partenaires sociaux et sa prochaine transposition semblent de nature à accroître significativement les ressources dédiées à la formation et à satisfaire ainsi la création de nouveaux droits et de nouveaux espaces de formation.
Toutefois, cet accord met également en relief, notamment au travers de la question de la transférabilité des droits individuels à la formation, l'inadéquation voire l'obsolescence des modes de financement de la formation professionnelle. Le véritable enjeu et la clef d'une véritable réforme de la formation professionnelle résident dans une meilleure allocation des ressources aux besoins.
Complexe, opaque, source de déperditions multiples, le financement de la formation professionnelle doit être clarifié, rationalisé et mieux contrôlé : pour ce faire, le présent rapport se propose d'étudier quelques pistes de réflexion, la principale visant à mettre en place un collecteur unique - à l'instar de ce qui existe en matière fiscale ou de cotisations sociales - garant d'une allocation solidaire et efficace des ressources et interlocuteur aisément identifiable pour les acteurs décentralisés de la formation.
I.- UN EFFORT FINANCIER À LA HAUTEUR DES BESOINS
ACTUELS DE FORMATION
Le projet de loi de finances pour 2004 s'inscrit dans un contexte particulier. Nul n'ignore les contraintes induites par le ralentissement de la croissance et ne peut s'affranchir de l'exigence de la contrainte extérieure. Pour autant, lorsque les chômeurs se comptent par millions tandis que certaines branches connaissent des difficultés de recrutement, le caractère crucial de la formation professionnelle dans la recherche d'une meilleure adéquation entre offre et demande d'emploi impose que cette politique ne soit pas amputée de ses moyens.
Fort heureusement, le présent budget conserve les moyens réellement consacrés à la formation professionnelle en 2003 et les met au service d'objectifs clairs et ambitieux. Le maintien des moyens n'est en outre aucunement le signe d'une absence de volonté forte et d'une reconduction à l'identique du budget précédent, d'abord parce que l'on ne saurait considérer le seul effort budgétaire (A), ensuite parce qu'il se traduit par une profonde modification de l'équilibre entre financeurs (B).
Chaque année, l'examen du projet de loi de finances fait l'objet entre les différents orateurs de querelles de chiffres, de batailles de décimales, d'affrontements entre pourcentages et laisse finalement derrière lui une victime : la clarté. Le rapporteur pour avis souhaiterait qu'il en aille cette fois différemment : si l'on veut être synthétique, l'effort financier prévu pour 2004 en faveur de la formation professionnelle peut être ainsi décrit :
- les crédits budgétaires sont en légère baisse par rapport à ceux inscrits en loi de finances initiale 2003 ;
- ils sont stables si l'on considère les crédits effectivement ouverts cette année ;
- les objectifs qu'ils doivent permettre de réaliser sont comparables à ceux des années précédentes.
Il serait particulièrement vain de ratiociner sur la disparition de deux millions d'euros sur telle ou telle ligne de crédits en comportant des centaines dans le domaine de la profession professionnelle pour deux raisons essentielles : tout d'abord, on ne saurait oublier que les crédits inscrits au présent projet de loi de finances, s'ils sont importants, sont loin de représenter la totalité ni même l'essentiel de l'effort de la Nation en faveur de la formation professionnelle ; par ailleurs, les variations observées les années précédentes n'ont pas significativement affecté, dans un sens ou dans l'autre, l'efficacité de la politique de formation professionnelle. Là ne semble donc pas être la question essentielle.
Le rapporteur pour avis se gardera tout d'abord de se livrer à la comparaison traditionnelle entre la place des crédits consacrés à la formation professionnelle dans la section « travail » du budget dans l'exercice en cours et le présent projet. En effet, l'effort salutaire de transparence consistant à réintégrer les dépenses du défunt FOREC dans le budget de l'Etat se solde par une augmentation de 15,7 milliards d'euros de cette section.
On se rabattra donc sur une comparaison entre les crédits consacrés à la formation professionnelle au cours du présent exercice et ceux proposés dans le présent projet de loi de finances. Il convient de rappeler que les crédits consacrés à la formation professionnelle peuvent faire l'objet de deux présentations.
Une première présentation consiste à distinguer les crédits concourant directement à la formation professionnelle, c'est-à-dire essentiellement ceux des chapitres 43-06 et 43-70, auxquels s'ajoutent les dotations en capital inscrites au chapitre 66-00, qui forment l'agrégat 02 dit « formation professionnelle ».
Agrégat 02 - formation professionnelle (hors dotations en capital)
(en millions d'euros)
LFI 2003 |
PLF 2004 | |
43-06 |
1 389 |
1 826 |
43-70 |
2 571 |
2 072 |
Total |
3 960 |
3 898 |
Une deuxième consiste à identifier tous les articles concourant à cet objectif inscrits dans le fascicule « emploi » du projet de loi de finances. On peut ainsi comptabiliser les moyens affectés aux chapitres :
- 43-06 relatif au financement de la formation professionnelle qui regroupe l'ensemble des dépenses de primes, de compensations d'exonération de cotisations sociales, de rémunérations et d'aides au fonctionnement des dispositifs (figurent notamment dans ce chapitre les dotations décentralisées) ;
- 43-70 relatif au financement de la formation professionnelle ;
- 43-71 relatif à la formation professionnelle des adultes essentiellement constitué de la subvention de fonctionnement à l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ;
- 44-70 relatif aux dispositifs d'insertion des publics en difficulté.
Ce chapitre ne concerne que partiellement la formation professionnelle puisque ne concourent à celle-ci que certains articles, notamment ceux relatifs aux formations des chômeurs de longue durée, au programme TRACE, aux bourses d'accès à l'emploi et au financement du réseau d'accueil des jeunes.
On ne mentionnera que pour mémoire les dotations en capital des chapitres 66-00 et 66-71. Il est en effet difficile d'inclure dans une comparaison entre deux exercices annuels des dépenses à caractère pluriannuel : même les crédits de paiement, régis par l'annualité, sont en effet susceptibles de varier fortement en fonction du rythme de déroulement des opérations.
Budget de la formation professionnelle par chapitres budgétaires
(hors dotations en capital)
(en millions d'euros)
Chapitres |
LFI 2003 |
PLF 2004 |
43-06 |
1 389 |
1 826 |
43-70 |
2 571 |
2 072 |
43-71 |
723 |
721 |
44-70 |
487 |
454 |
Total |
5 170 |
5 073 |
Même s'il convient de préciser que certains transferts, notamment celui de 10,28 millions d'euros relatifs à la rémunération des stagiaires réfugiés et immigrés en formation à dominante linguistique au profit de la section solidarité, contribuent à diminuer artificiellement les crédits, on peut donc constater, quelle que soit la présentation retenue, moyens consacrés stricto sensu à la formation professionnelle ou prise en compte des crédits destinés à l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et des crédits destinés à l'insertion des publics les plus en difficulté, que les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2004 sont en légère diminution de 1,57 % dans le premier cas, de 1,88 % dans le second.
On ne saurait se contenter de cette analyse statique, de date à date. Les crédits inscrits en loi de finances initiale sont parfois loin de correspondre aux crédits finalement ouverts en fin d'exercice. On rappellera ainsi que l'exercice 2002 s'était soldé par des annulations d'un montant de 281,7 millions d'euros. L'exercice 2003 s'est d'ores et déjà traduit par une annulation d'un montant de 33,5 millions d'euros par décret du 14 mars, une mise en réserve le 21 mars de 47,1 millions d'euros et un gel des reports le 22 avril de près de 252 millions d'euros. Il est par ailleurs envisagé de procéder à l'annulation de plus d'une centaine de millions d'euros sur les crédits gelés ou mis en réserve.
En conséquence, sans se risquer à affirmer que les crédits sont en hausse, on doit souligner que les moyens réellement mis par ce budget à la disposition des acteurs de la formation professionnelle ne seront en tout cas pas inférieurs à ceux dont ils auront disposé en 2003. Toutefois, le rapporteur pour avis regrette que le mécanisme pervers consistant à reporter d'année en année des crédits sous-consommés (du fait de retards dans l'exécution des actions, de la régulation budgétaire ou du caractère tardif des reports) complique la comparaison entre les différents exercices.
Cette stabilité des crédits est d'ailleurs attestée par le maintien d'objectifs comparables à ceux des années précédentes. Le présent projet de loi de finances a fait le choix de retenir des prévisions d'entrée réalistes dans les dispositifs de formation et d'insertion, tenant compte d'un rythme ralenti par la faible croissance et fondé sur la capacité d'accueil de ces dispositifs les années antérieures.
Tel est notamment le cas pour les entrées dans les contrats en alternance.
Flux annuels d'entrées en contrats de formation en alternance (France métropolitaine)
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Prévisions 2003 |
PLF 2004 | |
En contrat d'apprentissage |
223 837 |
232 769 |
235 516 |
227 831 |
230 000 |
235 000 |
En contrat de qualification (jeunes) |
116 677 |
132 274 |
130 398 |
122 902 |
100 000 |
125 000 |
En contrat de qualification (adulte) |
3 207 |
6 548 |
8 375 |
8 524 |
10 000 |
13 000 |
TOTAL |
328 768 |
371 591 |
374 289 |
359 257 |
340 000 |
373 000 |
Source : MASTS-DGEFP
Les prévisions d'entrées dans les stages de formation et contrats aidés connaissent une évolution contrastée.
Les contrats aidés dans le secteur marchand sont en augmentation afin de répondre à quatre objectifs : encourager l'insertion des chômeurs en entreprise ; prévenir le risque d'une hausse du chômage de longue durée que comporte le ralentissement actuel des embauches ; développer, par le recours au CIE, l'emploi des salariés âgés en renforçant l'incitation à embaucher les demandeurs d'emplois de plus de cinquante ans et répondre aux besoins en main d'_uvre des petites entreprises.
Il faut par ailleurs, s'agissant des entrées dans les contrats aidés dans le secteur non marchand, distinguer la situation des différents contrats. Le nombre de CES connaît une progression relative par rapport à la LFI 2003 . Les CEC sont en revanche en forte diminution.
Cette orientation s'explique par la volonté du gouvernement de recentrer les contrats aidés vers le secteur marchand, qui offre une insertion plus durable que les contrats aidés dans le secteur non-marchand (ainsi le CIE permet une insertion durable pour 75 % des bénéficiaires).
Cette évolution du nombre d'entrées dans les emplois aidés doit par ailleurs être apprécié en tenant compte de la création du contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) et de la mise en place en 2004 du revenu minimum d'activité.
Les évolutions du nombre d'entrées dans les emplois aidés
Evolution du volume des emplois aidés |
1999 Réalisé |
2000 Réalisé |
2001 Réalisé |
2002 LFI |
20002 Réalisé |
2003 Prévisions |
2004 PLF |
En SIFE collectifs |
126 600 |
108 200 |
102 195 |
90 000 |
94 167 |
84 734 |
40 000 |
En SIFE individuels |
32 000 |
28 300 |
24 618 |
25 000 |
24 339 |
26 667 |
15 000 |
En SAE |
24 600 |
22 100 |
17 577 |
20 000 |
13 760 |
15 916 |
10 000 |
En CIE |
157 000 |
140 300 |
90 870 |
90 000 |
52 735 |
70 000 |
80 000 |
En CES (1) |
405 000 |
354 700 |
294 544 |
260 000 |
294 250 |
240 000 |
170 000 |
En CEC (1) |
45 600 |
50 500 |
47 062 |
45 000 |
41 988 |
25 000 |
15 000 |
En FNE Cadres (2) |
5 000 |
3 400 |
|||||
CIVIS |
2 778 |
70 833 | |||||
Total |
795 800 |
707 500 |
576 866 |
530 000 |
521 239 |
465 095 |
403 333 |
Source : MASTS-DGEPP
(1) : Total des contrats rémunérés
(2) : A partir de 2001, le FNE cadres est intégré dans le SIFE (programme de chômeurs de longue durée)
Au total, ce budget est, dans un contexte rigoureux, un budget préservé.
La simple analyse de l'évolution des crédits budgétaires entre 2003 et 2004 ne saurait suffire à mesurer l'effort financier accompli en faveur de la formation professionnelle.
Trois critères complémentaires d'analyse sont à retenir.
_ Le premier consiste à apprécier les tendances longues de l'évolution des crédits budgétaires.
Présentation des crédits 2001 à 2004 par objectifs
(en millions d'euros)
2001 |
2002 |
2003 |
2004 | ||
Exécution |
Exécution |
Exécution au 30 juin 2003 |
PLF |
Prévision de dépense en gestion | |
Agrégat 01 : Gestion de la politique de l'emploi |
2.401 |
2.600 |
1.211 |
2.680 |
2.680 |
1.3 - Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et autres organismes de formation (pour mémoire) |
748 |
781 |
357 |
777 |
777 |
Agrégat 02 : Participation de l'Etat à la formation professionnelle (pour mémoire) |
4.043 |
3.556 |
2.353 |
3.884 |
3.884 |
2.1 - Soutien aux contrats de formation en alternance |
2.005 |
1.729 |
759 |
1.443 |
1.443 |
2.1.1 : Financement de l'apprentissage |
1.563 |
1.316 |
560 |
1.057 |
1.057 |
2.1.2 :Contrat de qualification |
436 |
413 |
199 |
386 |
386 |
2.1.3 : Contrat de qualification « adultes » |
6 |
||||
2.2 - Actions de formation à la charge de l'Etat |
786 |
524 |
258 |
616 |
616 |
2.2.1 : Dépenses de fonctionnement de la formation professionnelle |
166 |
151 |
27 |
196 |
196 |
2.2.1.1 : La validation des acquis de l'expérience |
1 |
22 |
22 | ||
2.2.1.2 : La politique contractuelle de formation des salariés |
39 |
32 |
6 |
40 |
40 |
2.2.1.3 : Contrats de plan Etat-Régions |
55 |
54 |
11 |
62 |
62 |
2.2.1.4 : Programme national de formation professionnelle |
72 |
64 |
10 |
72 |
72 |
2.2.2. : Rémunération des stagiaires |
608 |
365 |
231 |
403 |
403 |
2.2.2.1 : Rémunération des stagiaires de l'AFPA |
169 |
142 |
66 |
140 |
140 |
2.2.2.2 : Rémunération des stagiaires |
141 |
145 |
93 |
163 |
163 |
2.2.2.3 : Allocation de fin de formation |
298 |
78 |
72 |
100 |
100 |
2.3 - Dotations globales de décentralisation |
1.252 |
1.307 |
1.333 |
1.822 |
1.822 |
Total |
4.791 |
4.341 |
3.127 |
4.658 |
4.658 |
On peut constater que le PLF 2004 s'inscrit dans une fourchette normale de dépenses.
_ Le deuxième critère consiste à rappeler que les crédits budgétaires ne représentent pas la totalité, ni même une part prépondérante de l'effort de la Nation en faveur de la formation professionnelle dont on peut observer qu'il reste constant sur la durée. En 2000, la France a en effet dépensé un peu plus de 21 milliards d'euros pour la formation professionnelle et l'apprentissage. Cet effort, qui représente 1,6 % du PIB, est proche de celui réalisé en 1990.
Il associe différents financeurs dont l'effort respectif est retracé dans le tableau suivant.
Structure de la dépense (y compris investissement) par financeur final
(en millions d'euros)
1990 |
1995 |
1996 (r) |
1997 (r) |
1998 (r) |
1999 (r) |
2000 |
1999 |
2000 |
Evolution | |
État |
7 460 |
8 430 |
8288 |
8 040 |
8 218 |
8 303 |
8 255 |
38,4 |
38,1 |
- 0,6 |
Régions |
890 |
1 671 |
1 928 |
1 990 |
2 084 |
2 101 |
2 020 |
9,7 |
9,3 |
- 3,8 |
Autres collectivités territoriales |
22,7 |
36,1 |
24,5 |
21,2 |
22,1 |
22,9 |
23,5 |
0,1 |
0,1 |
2,7 |
Autres administrations publiques et Unédic |
611 |
1 688 |
1 753 |
2 134 |
1 747 |
1 702 |
1 536 |
7,9 |
7,1 |
- 9,7 |
Entreprises |
6 443 |
7 723 |
8 489 |
8 266 |
8 533 |
8 934 |
9 290 |
41,4 |
42,9 |
4,0 |
Ménages |
222 |
338 |
399 |
436 |
498 |
535 |
531 |
2,5 |
2,4 |
- 0,8 |
TOTAL |
15 649 |
19 866 |
20 882 |
20 887 |
21 102 |
21 597 |
21 655 |
100,00 |
100,00 |
0,3 |
(r) : Séries révisées de 1996 à 1999 |
Source : DARES
_ Le troisième critère d'analyse est la comparaison avec nos partenaires étrangers.
Il est difficile, du fait de biais méthodologiques et de l'absence de données relatives aux efforts de financement global, de se livrer à des comparaisons précises. On estime que son niveau de dépense publique place la France au quatrième rang au sein de l'Union européenne, assez loin derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni (1,8 % du PIB) et le Danemark (1,07 % du PIB). Elle partage des traits communs avec l'ensemble des Etats de l'Union : les dépenses publiques visent pour l'essentiel à promouvoir la formation des publics dits « en difficulté » (jeunes, demandeurs d'emploi) ; en matière de formation professionnelle continue, l'effort financier de ses entreprises place la France dans une position médiane en Europe, proche de celle du Royaume-Uni, de la Finlande et de l'Irlande.
Les études internationales réalisées par Eurostat ou l'OCDE ont établi que le système de financement français ne souffre pas d'une insuffisance globale de ressources. Encore convient-il de s'interroger, sur la base des mêmes études, sur l'efficience de notre système de formation dont les performances ne sont pas à la hauteur des moyens consacrés. Il semble notamment qu'elles puissent s'expliquer par la faiblesse de l'effort de formation des PME.
En bref, l'effort de l'Etat comme celui des autres financeurs sont adaptés aux besoins actuels de formation mais se pose la question de l'adéquation de l'actuelle allocation des ressources.
Les modifications de la répartition des compétences entre acteurs de la formation professionnelle intervenues ces dernières années sous le double effet de la décentralisation (il conviendrait même de parler des décentralisations) et de l'implication croissante de l'UNEDIC par une démarche d'activation des dépenses du régime d'assurance chômage ont un impact sur la part respective de ces financeurs.
Sur la décennie 1990, la dépense de formation professionnelle se caractérise donc par les trois évolutions suivantes :
- les entreprises sont devenues le premier financeur (42,9 % de la dépense globale en 2000 contre 41,2 % en 1990) devant l'Etat (38,1 %, contre 47,7 %) ;
- les régions demeurent un financeur de second rang (9,3 % contre 5,7 %) même si leur part est appelée à croître rapidement compte tenu des transferts opérés en vertu de la loi relative à la démocratie de proximité de 2002 et des transferts envisagés en 2004 ;
- enfin, le rôle croissant joué par l'UNEDIC transparaît à travers l'augmentation du poids financier des « autres administrations publiques » (7,1 % contre 3,9 %).
Ces évolutions de fond se traduisent naturellement dans la structure du présent projet de loi de finances.
Pour l'année 2003, la dotation de décentralisation de « formation professionnelle » s'élève à 1 388,5 millions d'euros, correspondant aux transferts de compétences prévus :
- par la loi du 7 janvier 1983, concernant l'apprentissage et la formation professionnelle continue, notamment la promotion sociale (article 10) ;
- par la loi quinquennale du 20 décembre 1993 qui a décentralisé la formation des jeunes demandeurs d'emploi en deux temps, soit un transfert immédiat des formations qualifiantes et au terme d'une période de 5 ans des formations préqualifiantes, les régions pouvant prendre cette compétence, par délégation, dès le début de la période ;
- par la loi dite de démocratie de proximité du 27 février 2002 qui a transféré aux régions l'indemnité compensatrice forfaitaire aux employeurs d'apprentis. Ce transfert concernant les nouveaux contrats conclus à compter du 1er janvier 2003 ne sera achevé qu'en 2006.
L'article 107 de la loi précitée a transféré aux régions la prise en charge de l'indemnité compensatrice forfaitaire versée aux employeurs à laquelle ouvrent droit les contrats d'apprentissage enregistrés par les services de l'Etat et a compensé ce transfert sur la base de la dépense supportée par celui-ci au titre de ce dispositif en 2002, soit 691 millions d'euros environ. Il évolue désormais dans les conditions suivantes : dans la mesure où les dépenses en cause s'effectuent dans un cadre pluriannuel, lié notamment à la durée des contrats d'apprentissage, la compensation est versée progressivement aux régions selon un échéancier défini par la loi ; les régions disposent ainsi de 6 % du montant total de la compensation en 2003, 63 % en 2004, 97 % en 2005 et de la totalité en 2006. Les montants correspondants seront actualisés selon les règles de droit commun (indexation sur la DGD).
En conséquence, le montant de la dotation allouée en 2003 aux régions au titre de la décentralisation des primes à l'apprentissage s'élevait en conséquence à 42,4 millions d'euros qui alimentent le fonds régional de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue. La dotation prévue pour 2004 est de 454,3 millions d'euros.
Cela explique naturellement pour l'essentiel, outre l'indexation des dotations en fonction du taux retenu pour l'évolution de la dotation générale de décentralisation
- soit 2,13079 % - la progression de près de 31 % des crédits du chapitre 43-06 dans le projet de loi de finances pour 2004 de 1,39 à 1,83 milliard d'euros soit près de 40 % de l'effort budgétaire.
Avec la convention du 1er janvier 2001 relative au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage transposé par la loi de 2001 portant diverses dispositions d'ordre social et culturel et la loi de modernisation sociale (mise en place du pré-PARE), le financement de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi a été profondément modifié.
Le rôle de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) a été accru : à un financement conjoint par l'Etat et l'UNEDIC des dépenses de formation se substitue un financement assuré pour l'essentiel par l'UNEDIC. Celle-ci a acquis le pouvoir de sélectionner les formations qui donneront droit au versement des aides à la formation. Par ce biais, les Associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC) participent à la structuration de l'offre de formation locale. L'Etat participe encore de manière résiduelle au financement de la formation des demandeurs d'emploi par le biais de l'allocation de fin de formation (AFF) et de la rémunération des chômeurs non éligibles au régime d'assurance-chômage mais son désengagement est sensible. En effet, par rapport aux montants engagés pour l'allocation de formation reclassement en 2001, le financement de l'AFF représente une économie annuelle de 270 millions d'euros.
Eléments relatifs au financement de la formation des demandeurs d'emploi
(en M€)
Financeurs |
2001 |
2002 |
Etat |
||
- Versement de l'UNEDIC au titre de l'AFR et de l'AFF |
228,67 |
38,11 |
- Programme en faveur des chômeurs longue durée (fonctionnement + rémunération) |
387,56 |
391,36 |
- dont rémunération |
185,84 |
198.05 |
- Organismes de formation professionnelle, dont AFPA |
905,15 |
918,44 |
UNEDIC |
||
- Allocation de retour à l'emploi-formation |
110,4* |
|
- aides de formation |
160 |
320 |
- Allocation Formation Reclassement (dépenses techniques) |
301 |
92 |
- Participation UNEDIC-Association pour la gestion des conventions de conversion |
302 |
48 |
- Rémunération des demandeurs d'emploi non éligibles au PARE/PAP |
31,2 |
Source : L'équilibre financier de l'assurance-chômage, 14 mars 2002, UNEDIC
Toutefois, l'action de l'Etat en matière de solidarité est maintenue et l'effort financier en la matière s'accroît par exemple dans le présent projet de loi de finances de 27 millions d'euros. En effet, la réforme du régime d'assurance chômage du 20 novembre 2002 a conduit à une baisse de la durée d'indemnisation et donc à une augmentation des entrées en AFF ainsi qu'à celle de sa durée moyenne de versement.
Le rôle financier de l'Etat demeure essentiel, qu'il assume directement la dépense ou qu'il irrigue par ses concours irriguent l'ensemble des segments de la formation et bénéficient à tous les autres financeurs. Son action transite par trois voies essentielles : la voie budgétaire (avec notamment les dotations décentralisées), la voie fiscale, reposant principalement sur le mécanisme de crédit d'impôt-formation, et celle des exonérations de cotisations sociales en matière de formation en alternance, d'apprentissage et de contrats de qualification adulte.
Principaux flux financiers de l'Etat
- crédit d'impôt
- primes et exonérations
- EDDF
On ne peut que regretter compte tenu de la place centrale dont il jouit dans le financement de la formation professionnelle, même s'il intervient de moins en moins en tant qu'acteur direct, que l'Etat ne dispose pas d'une instance lui permettant une véritable vision d'ensemble.
A cet égard, il conviendrait de rétablir la Commission nationale des comptes de la formation professionnelle supprimée à tort sous la précédente législature par l'article 154 de la loi dite de modernisation sociale et de lui confier la mission qui semble aujourd'hui essentielle : l'évaluation de la régularité, de l'efficacité et de l'efficience de la dépense de formation professionnelle.
II.- LA RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE :
UN ESSAI À TRANSFORMER
L'an dernier, la formation professionnelle semblait incarner l'un des pires échecs du dialogue social. En dépit de l'invitation faite par M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, aux partenaires sociaux de reprendre la négociation, peu nombreux étaient ceux qui auraient parié sur la conclusion un an plus tard d'un accord national interprofessionnel signé par tous les partenaires sociaux.
Cet accord qui sera rapidement soumis à notre assemblée, afin d'en autoriser la transposition législative, est historique. Il ouvre incontestablement de nouveaux espaces de formation et marque une révolution dans la perception de celle-ci (A).
Peut-on pour autant s'arrêter sur ce succès ? La publication du Livre blanc sur l'apprentissage montre bien que l'ambition du gouvernement est autre. Celle du rapporteur pour avis également. Les carences connues de longue date du financement de notre système de formation plaident pour sa réforme ambitieuse, d'ailleurs nécessaire à une application efficace de l'accord conclu (B).
L'histoire de la formation professionnelle reflète depuis ses débuts la place ambiguë de la négociation collective dans la construction et l'évolution du droit social français.
En 1970, c'est la signature par les organisations syndicales et patronales d'un accord national interprofessionnel (ANI) qui fonde le système actuel de la formation professionnelle Près de trente ans plus tard, le contraste est saisissant : l'échec des négociations interprofessionnelles en octobre 2001 a semblé au contraire témoigner de l'incapacité du système de formation professionnelle à se réformer par la négociation.
Le partage des rôles entre pouvoirs publics et partenaires sociaux en matière de formation professionnelle s'est révélé beaucoup plus complexe que ne le laissait escompter l'accord fondateur, en dépit d'avancées régulières issues du dialogue social. Une première source d'ambiguïté résulte de l'immixtion du législateur dans le domaine de la négociation : de ce point de vue, les trente-cinq heures offrent un exemple saisissant : alors que la première loi Aubry invitait à faire de la formation un thème de la négociation, il aura fallu que le Conseil constitutionnel censure la deuxième loi Aubry afin que tous les accords négociés dans l'intervalle soient remis en cause. Il y a assurément chez les partenaires sociaux une méfiance profonde quant à la capacité de l'Etat à respecter les accords négociés.
Un deuxième frein à la négociation résulte de la revendication par l'Etat d'un droit d'intervention directe sur la formation de certains publics. Sous l'effet de la montée du chômage dans les années 70 et 80, chacun s'est accommodé de la prise en charge par l'Etat au titre d'une forme de solidarité de la définition, voire du financement, de la formation professionnelle des chômeurs et des jeunes sans qualification.
Enfin, un troisième facteur de blocage résulte de la dépossession des partenaires sociaux de thèmes qui auraient dû relever de leur compétence. L'impérialisme de la loi de modernisation sociale sur le thème de la validation des acquis de l'expérience en est un bon exemple. L'affirmation du principe est intéressante : est-il opératoire dès lors que n'existe pas le système de certification qui doit aller de pair et qui ne peut être mis en _uvre que par les partenaires sociaux ?
Ces freins expliquent la difficulté qu'ont rencontrée les partenaires sociaux à négocier le volet formation du projet de « refondation sociale ». On ne peut que saluer la détermination affichée par le gouvernement, qui s'est notamment traduite l'an dernier par l'invitation à la reprise des négociations faite aux partenaires sociaux, dans la gestion de ce dossier. La ferme intention de voir se mettre en place une réforme, fût-ce à défaut d'accord par la voie législative, le temps laissé à la négociation pour aboutir et l'engagement de respecter la volonté des négociateurs constituent une illustration exemplaire de ce que devrait être l'articulation entre la loi et la négociation collective.
Historique, l'accord national interprofessionnel du 20 septembre dernier l'est à plusieurs titres : tout d'abord, par son existence, il est le symbole du rétablissement d'un dialogue social grippé par plusieurs années d'interventionnisme étatique ; ensuite par sa signature par l'ensemble des partenaires sociaux ; enfin par l'ampleur des droits ainsi créés qui modifient fortement le cadre de la formation professionnelle.
En préambule, le projet d'accord rappelle les enjeux de la réforme et évoque ainsi : « Une économie de plus en plus ouverte sur le monde », « la nécessité d'une adaptation maîtrisée [des entreprises] à leur environnement », « le renouvellement accéléré des techniques de production et de distribution des biens et des services [qui] sollicite toujours davantage l'initiative de la compétence de chacun des salariés », « l'évolution démographique de la France »... Sa nécessité d'écoule également d'un constat unanime et démontré notamment par les travaux de l'INSEE, celui des inégalités d'accès à la formation et d'une ambition commune, celle de « favoriser l'appétence à la formation du plus grand nombre ».
L'accord décline les mesures de mise en _uvre du droit à la formation tout au long de la vie, engagement fort du Président de la République lors de la campagne présidentielle et en phase avec nos engagements au sein de l'Union européenne : formations dans le cadre du plan de formation ; contrats ou périodes de professionnalisation ; droit individuel à la formation (DIF) ; bilans de compétences ; entretiens professionnels ; validation des acquis de l'expérience (VAE) ; congé individuel de formation (CIF) ; formations réalisées en dehors du temps de travail du salarié.
Au titre des nouveautés, il convient d'insister sur quelques mesures :
- Chaque salarié qui le souhaite pourra posséder un passeport formation ; il sera responsable de son utilisation. Ce document recensera notamment les diplômes et titres obtenus en formation initiale, les stages, les formations suivies dans le cadre de la formation continue. Il est destiné à favoriser la mobilité interne ou externe du salarié.
- Chaque salarié - dès lors qu'il aura au moins deux ans d'activité dans une même entreprise - pourra bénéficier tous les deux ans d'un entretien professionnel. Les décisions éventuellement prises en matière de formation lors de ces entretiens pourront être portées dans le passeport formation.
- Le DIF sera ouvert aux salariés en contrat à durée indéterminée (CDI) à temps plein ayant une ancienneté dans l'entreprise d'au moins un an. Chaque salarié verra son DIF crédité chaque année de vingt heures (sauf dispositions conventionnelles plus favorables) à raison d'un minimum de cent vingt heures sur six ans. Sa mise en oeuvre relèvera de l'initiative du salarié en liaison avec son entreprise. Le choix de l'action de formation - qui pourra être diplômante ou qualifiante - sera arrêté après accord entre le salarié et l'employeur, en tenant compte, le cas échéant des priorités définies par l'accord de branche dont relève l'entreprise. Frais de formation et d'accompagnement, ainsi qu'éventuels frais de transport seront à la charge de l'entreprise. Pendant la durée de la formation, lorsqu'elle s'effectue en dehors du temps de travail, le salarié bénéficiera d'une allocation de formation versée par son employeur, égale à 50% de sa rémunération nette de référence. Il est ouvert au prorata temporis aux salariés en contrat à durée déterminée (CDD) au bout de quatre mois dans l'entreprise.
- Est créé un contrat (ou période) de professionnalisation destiné à favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle des jeunes de moins de 26 ans qui se substituerait aux contrats en alternance, hors apprentissage, et des demandeurs d'emploi, ou le maintien dans l'emploi de certains salariés en CDI (qualification inadaptée, salariés de plus de 45 ans qui totalisent 20 ans d'activité professionnelle, salariés qui souhaitent créer ou reprendre une entreprise, femmes reprenant une activité professionnelle après un congé parental et travailleurs handicapés. Il s'agira d'un dispositif qualifiant fondé sur une individualisation des parcours de formation et une alternance des périodes de formation et d'exercice d'une activité professionnelle. La rémunération correspondra à 55 % du SMIC pour les bénéficiaires âgés de moins de 21 ans, 70 % du SMIC pour les bénéficiaires âgés de 21 ans et moins de 26 ans, et 85 % du minimum conventionnel pour les plus de 26 ans.
- Est également créé un dispositif dit de formation qualifiante différée. Elle concernera les salariés ayant arrêté leur formation initiale avant ou au terme du premier cycle de l'enseignement supérieur, et en priorité ceux qui n'ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue et souhaitent poursuivre ultérieurement des études en vue d'une promotion sociale. Elle sera mise en oeuvre notamment dans le cadre du CIF.
Au titre de l'amélioration des dispositifs existants et de l'amélioration des moyens, on doit évoquer :
- l'invitation à négocier un accord national interprofessionnel sur la validation des acquis de l'expérience professionnelle au cours du premier semestre 2004 ;
- une confirmation du principe selon lequel les actions de formation conduites dans le cadre du plan de formation sont mises en oeuvre pendant le temps de travail et donnent lieu au maintien par l'entreprise de la rémunération du salarié mais affirmation du principe selon lequel en revanche elles ne s'imputent pas - sous certaines réserves - sur le contingent d'heures supplémentaires, ne donne pas lieu aux compensations afférentes à celles-ci et ne s'impute pas non plus sur les forfaits pour les personnels concernés ;
- les actions de développement des compétences doivent donner lieu à une reconnaissance par l'entreprise et, si elles se déroulent hors temps de travail, elles donnent lieu au versement par l'entreprise d'une allocation de formation équivalant à 50 % de la rémunération nette ;
- tout salarié présent dans l'entreprise depuis au moins un an pourra, après vingt ans d'activité professionnelle et, en tout état de cause, à partir de quarante-cinq ans, bénéficier d'un bilan de compétences en dehors du temps de travail et d'une priorité d'accès à une VAE, dont la prise en charge sera assurée dans le cadre du CIF et du DIF.
- la période durant laquelle le salarié peut utiliser ses droits à congés dans le cadre du compte épargne temps (CET) sera portée de cinq à dix ans lorsque celui-ci est utilisé pour financer des périodes de formation. Pour les plus de 45 ans, la durée d'utilisation des droits à congés ne sera plus limitée.
- les moyens de la formation professionnelle indispensables à la mise en _uvre de l'ensemble de ces droits découlent des mesures suivantes : contribution « CIF » portée à 0,15 % de la masse salariale ; contribution minimale des entreprises de plus de dix salariés portée à 1,6 % dont 0,20 % affecté au financement du CIF ; contribution minimale des entreprises de plus de dix salariés portée à 0,40 % à compter du 1er janvier 2004 (au lieu de 0,15 % + 0,10 % aujourd'hui) et à 0,55 %, à compter du 1er janvier 2005.
Le ministre des Affaires sociales a transmis vendredi 10 octobre 2003 aux partenaires sociaux une première version du projet de loi relatif à la formation tout au long de la vie et au dialogue social. Il retranscrit dans ses grandes lignes l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle. Les membres de la commission permanente du Conseil national de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi ont d'ailleurs estimé, vendredi 17 octobre 2003, que cette transcription juridique était pour l'essentiel « assez fidèle » à l'accord signé par les cinq organisations représentatives de salariés malgré quelques « imprécisions » et « omissions ».
Aussi peut-on estimer qu'avec l'adoption de cette loi, un pas majeur sera franchi dans la réforme de notre système de formation professionnelle. Toutefois, l'accord, s'il aborde la réforme sous l'angle des financeurs et des destinataires, ne s'attaque pas aux tuyaux qui n'ont rien à envier à ceux de la sécurité sociale. La mise en _uvre d'une réelle assurance emploi impose que ces droits nouveaux soient transférables d'une entreprise à l'autre et pose donc avec une acuité brûlante la question de l'allocation des ressources, de leur mutualisation et de leur fongibilité.
L'article L. 900-1 du code du travail dispose que « La formation professionnelle constitue une obligation nationale. [...] L'Etat, les collectivités locales, les établissements publics, les établissements d'enseignement publics et privés, les associations, les organisations professionnelles syndicales et familiales, ainsi que les entreprises concourent à [l'] assurer ».
La formation professionnelle continue se caractérise ainsi par un mode d'organisation et de financement qui associe une pluralité de partenaires. De plus, le système français se caractérise par deux traits qui le distinguent profondément de ceux de nos partenaires européens. A la différence de nombre d'Etats européens qui ont mis à la charge des entreprises une obligation légale de formation mais au sein de laquelle les employeurs jouissent d'une liberté totale dans l'allocation des fonds ou qui ont préféré une obligation de financement sur une base conventionnelle, la France a instauré une obligation de participation financière enfermée dans trois dispositifs : plan de formation, formation en alternance et congé individuel de formation. Par ailleurs, le système de financement français repose sur une solidarité financière entre entreprises et confie aux partenaires sociaux le soin de promouvoir le droit à la formation auprès des salariés et des employeurs. Les employeurs peuvent s'acquitter de leur obligation légale par un versement libératoire à des organismes paritaires collecteurs agrées (OPCA) chargés d'une fonction de mutualisation : les sommes qu'ils perçoivent des entreprises sont employées selon une politique de formation définie par leurs instances paritaires, et les prestations servies sont indépendantes des versements effectués par les entreprises.
L'apprentissage, qui relève quant à lui, de la formation professionnelle initiale, repose sur des bases quelque peu différentes : là aussi, il y a pluralité de financeurs (primes, exonérations de charges sociales à la charge de l'Etat, financements complémentaires des régions et participation des entreprises sous forme d'une obligation de nature fiscale - la taxe d'apprentissage). Le système repose également sur une forme d'intermédiation financière dont les modalités diffèrent de celle de la formation continue : la gestion des organismes collecteurs relève des seules organisations patronales, ceux-ci assurent également des missions de formation, et les entreprises disposent d'une liberté d'affectation de leurs concours aux centres de formation des apprentis (CFA).
Les deux systèmes de financement rencontrent cependant des difficultés de nature comparable qui imposent de réfléchir à leur réforme dans le sens d'une allocation plus efficiente et mieux contrôlée des ressources.
On peut très schématiquement distinguer les sources de difficultés suivantes.
Tout d'abord, le système revêt une grande complexité du fait de la multiplication des financeurs et de l'importance des financements croisés. On peut l'illustrer avec l'identification des sources de financement de l'apprentissage.
Deuxièmement, la mutualisation semble aujourd'hui présenter plus d'inconvénients que d'avantages dans son organisation présente.
La mutualisation des fonds va croissant dans la dépense des entreprises.
La mutualisation en proportion de la dépense de formation professionnelle continue
des entreprises de plus de dix salariés
(Mds €)
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 | |
Total dépenses déductibles |
5,52 |
5,95 |
6,22 |
6,89 |
6,63 |
6,80 |
6,94 |
6,72 |
6,91 |
Dont versement aux OPCA |
1,48 |
1,65 |
1,81 |
1,63 |
2,55 |
1,98 |
2,59 |
2,71 |
2,97 |
Ration (en %) |
27,6 |
27,7 |
29,2 |
23,6 |
38,4 |
29,1 |
37,4 |
40,4 |
43,0 |
(Source : CEREQ)
En 2000, la collecte globale des OPCA s'élevait à 3,5 milliards d'euros pour des dépenses totales de 7,25 milliards d'euros. Sur longue période, le taux de participation financière des entreprises a cru de 1,6 % en 1974 à 3,2 % en 2000 (avec une phase d'accélération entre 1971 et 1980). La création et le développement des organismes collecteurs ont certainement joué un rôle majeur dans cet accroissement global de l'effort de formation, en particulier pour les PME (81,20 % de PME de moins de dix salariés dans les entreprises recourant à la mutualisation) qui peuvent ainsi répondre à un besoin de formation dépassant leur capacité de financement et s'appuyer sur l'expertise des OPCA pour mettre en _uvre leur plan de formation.
Ce phénomène pourrait être jugé positif ; on pourrait en particulier en attendre qu'il établisse une répartition plus équitable des ressources entre les différents acteurs. En réalité, le dispositif semble aujourd'hui plus marqué par les défauts de l'intermédiation que par les avantages de la mutualisation.
Tout d'abord, en dépit de leur caractère mutualisé, la proximité des organismes collecteurs et la faiblesse de la redistribution réelle favorisent la tendance naturelle des entreprises à voir dans leur versement un droit de tirage naturel en actions de formation auprès de l'organisme collecteur. Paradoxalement, en dépit du coût de gestion des OPCA, leur rôle consiste davantage en un rôle de trésorier qu'en celui de redistributeur des ressources.
Par ailleurs, en dépit des progrès apportés par la loi quinquennale, le souci de préserver le rôle et l'autonomie des partenaires sociaux fait que le réseau de collecte est profondément inefficient. On distingue ainsi des collecteurs nationaux professionnels (40 OPCA de branche), des OPCA interprofessionnels, disposant d'un agrément national (AGEFOS-PME) ou régional (24 OPCAREG,) et les OPCA gestionnaires du congé individuel de formation (OPACIF) répartis en 26 FONGECIF disposant d'un agrément régional et 5 AGECIF collecteurs des contributions d'entreprises et établissements publics. Il existe deux réseaux de collecte interprofessionnels, celui des AGEFOS affilié à la CGPME et celui des OPCAREG affilié au MEDEF.
L'existence de ces deux réseaux de collecte affaiblit la mutualisation interprofessionnelle et laisse la primauté à la mutualisation de branche. Or celle-ci, par nature structurée historiquement autour de professions industrielles, tient mal compte de l'évolution des métiers, notamment de la tertiarisation, et donc de celle des besoins de formation. Elle ne tient pas compte non plus de la nécessaire territorialisation des politiques de formation professionnelle et des exigences de la décentralisation. On peut même estimer que la logique de branche constitue une entrave à la bonne allocation des ressources, par exemple du fait de phénomènes de « collecte captive » (instauration d'un versement obligatoire à l'OPCA de branche dans la limite de 90 % du taux de l'obligation légale ou dérogations aux obligations de reversement au profit des OPCA interprofessionnels).
Alors que les OPCA sont destinataires de 48 % de la dépense de formation professionnelle des entreprises et que la mutualisation devrait porter sur la totalité de la collecte, elle est limitée par exemple à 5 à 8 % des contributions au titre du plan de formation.
Troisièmement, phénomène lié au précédent, la péréquation financière entre collecteurs est structurellement insuffisante.
La péréquation des fonds de la formation professionnelle continue des entreprises repose sur deux mécanismes : une péréquation entre tous les collecteurs et une péréquation des OPCA de branche vers les OPCA interprofessionnels. Elle est largement insuffisante pour plusieurs raisons : assise sur des excédents de trésorerie, elle incite précisément les collecteurs à une gestion minimisant leurs disponibilités et tend donc à s'auto-assécher ; elle fait fi, compte tenu des règles de comptabilité publique applicable, notamment de l'annualité, du caractère pluriannuel des besoins exprimés auprès des collecteurs ; enfin, les prélèvements opérés par l'Etat sur les recettes de l'AGEFAL (208 millions d'euros en 1997, 76 en 1998) et du COPACIF (76 millions d'euros en 1996 et en 2000) ont asséché leur trésorerie et durablement affaibli la péréquation.
L'ensemble de ces phénomènes est observable, dans des proportions encore plus critiquables souvent, s'agissant de la collecte de la taxe d'apprentissage.
Le réseau des organismes collecteurs constitue un ensemble très éclaté d'organismes très hétérogènes : aux côtés des 297 collecteurs agréés, on dénombre 300 collecteurs non agréés. Les montants collectés varient de 0,1 million d'euros à plus de 185 millions d'euros pour la seule chambre de commerce et d'industrie de Paris. Le grand nombre de services compétents pour délivrer les agréments de collecte accroît encore l'opacité du système, opacité dénoncée l'inspection générale des affaires sociales, l'inspection générale des finances et la mission d'évaluation et de contrôle du Parlement.
Des dérives importantes ont été dénoncées et l'on ne reprendra que quelques-unes de celles évoquées par le Livre blanc sur la formation professionnelle rédigé en 1999 à la demande de Mme Nicole Péry, à l'époque secrétaire d'Etat à la formation professionnelle : « les circuits de collecte et de redistribution de la taxe d'apprentissage et de la contribution des entreprises à l'alternance se caractérisent par une grande opacité. [...] Des liaisons organiques ou historiques entre collecteurs et formateurs biaisent l'allocation des fonds. Pour la taxe d'apprentissage, des frais de collecte sont prélevés, alors que la réglementation l'interdit. Les pratiques de fongibilité entre les fonds de l'alternance et de l'apprentissage ne visent pas toujours l'objectif pour lequel elles ont été instaurées. Enfin, les organismes collecteurs tendent à thésauriser les liquidités pour les placer ».
En dépit de l'amorce de rationalisation de la collecte esquissée par la loi de modernisation sociale (la collecte est désormais assurée soit au niveau national, soit au niveau régional, à l'exclusion du niveau départemental ; par ailleurs, un plancher de collecte a été institué, l'objectif étant de réduire le nombre de collecteurs régionaux de 600 à 250 et celui des collecteurs nationaux de 28 à 14), les bases du système restent les mêmes et, en conséquence, le constat également.
De même, la péréquation prévue entre régions ne fonctionne pas de façon satisfaisante du fait de plusieurs facteurs. Tout d'abord, le potentiel fiscal en matière de taxe d'apprentissage diffère fortement entre régions. Ensuite, la liberté d'affectation par les entreprises du produit de leur contribution se traduit par d'importants transferts financiers entre régions (jusqu'à 60 % du produit de la taxe à Paris, par exemple), de façon paradoxale non par une réduction des inégalités mais par une concentration des ressources. Enfin, la nature de l'organisme collecteur gestionnaire perpétue les inégalités de financement des CFA : la part moyenne de la taxe d'apprentissage dans le total des recettes varie ainsi de 10,4 % pour les CFA de chambres de métiers à 37,4 % pour les CFA de chambres de commerce et d'industrie.
Au total, le système de financement français est donc opaque, coûteux et inégalitaire.
Les cofinancements communautaires, en dépit de leur poids réduit, jouent un rôle stratégique dans nombre d'actions de formation. Ils portent en effet souvent sur les projets les plus innovants, les plus visibles ou ceux dont les effets d'entraînement sont les plus importants. De plus, les financements communautaires appellent obligatoirement d'autres financements en vertu du principe de contrepartie. Les dysfonctionnements que rencontrent actuellement les financements par le Fonds social européen (FSE) doivent donc trouver solution sous peine de voir cette source de financement remise en cause, en particulier dans le cadre des perspectives pluriannuelles 2007-2013. Deux pistes méritent d'être explorées : la première consisterait en un mécanisme d'avance par l'Etat compte tenu des délais de mise en place de ces crédits communautaires ; l'autre, plus prometteuse, consisterait à permettre aux régions de disposer plus rapidement des fonds communautaires par une accélération de la procédure au niveau étatique ou par le versement direct des fonds européens aux régions bénéficiaires. Une telle expérimentation est menée en Alsace : il conviendra de suivre attentivement ses progrès.
La rationalisation du dispositif de collecte apparaît comme une réforme minimale.
A cette fin, il semble nécessaire tout d'abord de veiller à l'application effective des dispositions réglementaires en matière de plafonds de frais de gestion et de seuils de collecte. Un relèvement des seuils de collecte est également nécessaire. Il semble également nécessaire d'inviter les organisations patronales à négocier une fusion des deux réseaux de collecte interprofessionnelle ; une telle fusion en apparence douloureuse constituerait en réalité un gain pour chacune des parties du fait des économies d'échelle réalisées et d'une attractivité accrue de ce réseau unique. Dans le même esprit, il convient de mettre fin aux phénomènes de collectes captives et de supprimer les exemptions à la mutualisation interprofessionnelle afin d'accroître l'adéquation entre ressources et besoins.
Il apparaît en effet nécessaire de restaurer la mutualisation et une réelle péréquation. Outre les mesures évoquées dans le cadre de la rationalisation de la collecte, il faut mettre fin à la pratique des droits de tirage et, pour ce faire, instaurer un véritable contrôle sur la réalité des actions de formation des OPCA assorti de sanctions. En matière de péréquation, un changement d'assiette des fonds donnant lieu à péréquation et une réforme des règles comptables seraient de nature à renforcer l'efficacité du dispositif.
Outre ces mesures minimales, il convient de réfléchir à présent à une vraie réforme du financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage : l'intermédiation devait répondre à un triple objectif de mutualisation des fonds, de gestion paritaire et de proximité, laquelle garantirait l'adéquation entre ressources et besoins. Force est de constater qu'en dehors de sa gestion paritaire (encore est-elle remise en cause dans la collecte interprofessionnelle), le système ne répond plus à ces objectifs.
Dès lors, le rapporteur pour avis propose de :
- supprimer le lien entre les activités de collecte et d'allocation des fonds dont le non cumul avait d'ailleurs été initié par la loi du 20 décembre 1993 en renouant avec une logique de prélèvements obligatoires ;
- préserver la compétence des partenaires sociaux sur l'allocation des ressources mutualisées par le biais d'organismes réellement paritaires ;
- confier la collecte de ces fonds assimilés à une cotisation ou une contribution sociale à un collecteur unique, les URSSAF, au profit d'un organisme type UNEDIC qui gérerait ainsi la péréquation des ressources ;
- donner aux entreprises toute liberté pour affecter leur obligation de financement à l'organisme de leur choix sous réserve de l'obligation de versement au titre de la mutualisation (par exemple un plancher de 20 ou 30 % de l'obligation légale de financement).
Un tel système dégagerait des économies d'échelles, garantirait l'efficacité de la collecte et sa mutualisation, supprimerait la pratique des droits de tirage et inciterait les organismes collecteurs à la performance. Il suppose néanmoins une réflexion sur le financement des organisations d'employeurs et de salariés qui pourrait, d'après le rapporteur pour avis, passer par un financement public inspiré de celui des partis politiques, ce qui conduirait à un assainissement du système actuel. Il ne remet en revanche aucunement en cause la compétence des partenaires sociaux qui disposeraient au contraire de la lisibilité et de la fongibilité nécessaires à la définition de véritables orientations.
Dans le même esprit de justice et d'efficacité pourrait être instauré - de façon progressive, en liaison avec les régions et en fonction de leur potentiel fiscal en matière de taxe d'apprentissage - comme base de la péréquation en matière de taxe d'apprentissage le critère de la collecte de taxe par apprenti, la péréquation ne bénéficiant qu'aux régions dont la collecte par apprenti serait inférieure à la moyenne nationale. On notera qu'un tel mécanisme s'apparente à ceux existants par exemple en Allemagne.
A la multiplicité des financeurs et des intermédiaires s'ajoute l'atomisation de l'offre de formation professionnelle continue : 46 000 organismes de formation, dont 7 500 exercent à titre principal. L'absence de certification et la faiblesse du contrôle pédagogique des actions de formation créent une incertitude sur la qualité des prestations de formation. De plus, le rendement de la formation est incertain : c'est un bien dont la qualité ne peut être appréciée qu'après l'achat, ce qui rend le choix particulièrement difficile pour les PME.
La question du contrôle des fonds de la formation professionnelle est donc majeure, en raison de l'importance des fonds concernés et du nombre d'acteurs intéressés. Or il souffre de faiblesses évidentes :
- Au niveau des entreprises et des organismes collecteurs d'abord : qui va veiller au bon usage des fonds ? Il n'existe pas de structures de contrôle indépendantes des instances dirigeantes et celles-ci de même que les représentants du personnel s'intéressent peu à l'usage des versements libératoires.
- Le contrôle de légalité et de régularité est insuffisant en dépit du principe d'un contrôle administratif et financier par l'Etat de l'ensemble des acteurs de la formation professionnelle du fait de la multiplicité des services censés assurés le contrôle financier et surtout de l'insuffisance des moyens humains. En 2002, le Groupe national de contrôle (GNC) et les services régionaux de contrôle (SRC) des directions régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP) ne comptaient que 134 fonctionnaires assignés au contrôle financier, soit un contrôle à exercer sur 150 millions d'euros par personne. En outre comme l'a relevé, la Cour des comptes, ce personnel est employé à des tâches administratives au détriment des opérations de contrôle proprement dites.
- La multiplicité des services (concurrence par exemple entre les SRC et les services fiscaux) nuit à la définition d'une stratégie de contrôle globale, affectée en outre par le rattachement des SRC au préfet de région, chacun faisant valoir ses propres orientations. Il n'y a par exemple de définitions des domaines ou organismes à risques.
- Les moyens de contrôle sont parfois insuffisants : ainsi, le plan comptable des OPCA ne permet pas d'obtenir une image fiable de la solvabilité et de la liquidité de ces organismes ; de même, lorsqu'une action de formation professionnelle est exclusivement financée par la région, il ne peut être procédé directement à des redressements à l'encontre des organismes de formation.
- Enfin les sanctions qu'elles soient pénales, fiscales et administratives souffrent d'un manque de crédibilité, car rarement prononcées.
Au total, au cours de l'année 2002, le pôle suivi des financements du GNC, érigé cette année en sous-direction du contrôle national de la formation (SDCN) a procédé à un examen sur pièces des états statistiques et financiers communiqués par les organismes collecteurs paritaires agréés au titre du congé individuel de formation. Certaines vérifications ont débouché sur des demandes de versements d'excédents au COPACIF. Un OPACIF a fait l'objet d'un contrôle par un service régional de contrôle (contrôle encore non finalisé). En revanche, aucun OPACIF n'a fait l'objet d'une procédure de contrôle sur place de la part de la SDCN.
Le ministère admet bien volontiers que le contrôle n'est automatique « qu'en l'absence de versement spontané ou lorsque des dysfonctionnements significatifs sont relevés ». On comprend aisément la raison du faible nombre de ces contrôles : la fréquence des contrôles est de l'ordre de trente ans pour une entreprise, de vingt-trois pour un organisme de formation et de trente-six pour un organisme d'accueil.
Résultats du contrôle des actions de formation en 2002
Résultats du contrôle en 2002 |
Nombre de contrôles |
Montants vérifiés |
Rejets de dépenses |
(en Millions d'euros) | |||
Entreprises |
1 294 |
140,50 |
10,44 |
Organismes de formation |
331 |
127,40 |
11,32 |
Organismes collecteurs des fonds de formation |
3* |
217,64 |
0,00 |
Organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage |
17 |
10,25 |
0,70 |
Réseau d'accueil, CBC, CARIF, APP, autres |
10 |
5,73 |
0,20 |
Conventions du FSE |
211 |
101,39 |
3,70 |
TOTAL |
1 866 |
602,91 |
26,35 |
* contrôles en cours (décisions éventuelles en 2003)
Dès lors, il convient de poursuivre l'effort de renforcement des effectifs et d'accroître la crédibilité et la lisibilité du contrôle et d'assurer une présence équilibrée concernant les différents champs et acteurs reposant sur des priorités claires. De ce point de vue, la circulaire n° 2003/02 du 31 janvier 2003 fixant les axes nationaux de contrôle en 2003 et 2004 constitue un progrès indéniable à poursuivre.
*
En conclusion, le rapporteur pour avis invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits à la hauteur des besoins. Il invite surtout à une mobilisation pour que ces crédits soient employés au mieux et que les partenaires sociaux et les pouvoirs publics, en parfaite coordination comme ils l'ont été sur le premier volet de la réforme de la formation professionnelle, s'attellent rapidement et avec détermination à son achèvement par une refonte du système de financement dans le sens d'une plus grande efficience et d'une justice accrue, bref dans le sens de la modernité.
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de Jean Ueberschlag, les crédits de la formation professionnelle pour 2004, au cours de sa séance du mercredi 29 octobre 2003.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
Le président Jean-Michel Dubernard a également souligné l'importance de l'accord du 20 septembre 2003, qui donne un nouvel élan au dialogue social et apporte des réponses à certaines des interrogations soulevées par le présent rapport. Il est évident que si « l'essai est transformé », pour reprendre les termes du rapporteur, le paysage de la formation professionnelle et la vie professionnelle seront profondément modifiés.
Rejoignant ces propos, M. Bernard Perrut a tout d'abord estimé qu'il s'agit d'un accord historique, dans la mesure où il comporte des modifications profondes visant à donner une deuxième chance aux salariés, en renforçant leur droit à une formation continue tout au long de la vie. Il s'inscrit, d'autre part, dans le cadre de la réflexion actuelle sur la décentralisation, puisque les régions jouent un rôle croissant dans ce domaine depuis plusieurs années.
Le rapport relaie par ailleurs les préoccupations exprimées à de nombreuses reprises concernant l'atomisation de l'offre de formation professionnelle. En effet, avec plus de cinquante mille organismes de formation, on ne peut que s'interroger sur l'adaptation de cette offre aux besoins réels de formation sur l'ensemble du territoire, en particulier dans les zones rurales. Cette question appelle par conséquent un renforcement des contrôles.
Enfin, le rapporteur pour avis dispose-t-il d'informations complémentaires sur les contrats de professionnalisation prévus par l'accord du 20 septembre et destinés à favoriser l'insertion et la réinsertion professionnelle des jeunes de moins de vingt-six ans ? De quelle façon ces contrats doivent-ils s'insérer dans le dispositif actuel, s'agissant notamment des contrats jeunes en entreprise, qui rencontrent un franc succès, ainsi que des programmes TRACE (trajet d'accès à l'emploi) et des formations dispensées par les missions locales ?
Mme Hélène Mignon a déclaré partager cette inquiétude et a formulé les observations suivantes :
- Contrairement aux propos tenus par le rapporteur pour avis, le budget pour 2004 ne semble pas aujourd'hui à la hauteur des besoins de formation professionnelle. Un décalage persiste en effet entre la main-d'oeuvre et les postes actuellement disponibles. Il est donc nécessaire de mieux répondre aux besoins des entreprises.
- Il paraît, d'autre part, paradoxal de centraliser la collecte des fonds alors que, dans le même temps, davantage de compétences sont confiées aux régions dans ce domaine.
- Enfin, le rapporteur pour avis a estimé, qu'en matière de droit du travail, on avait peut-être trop légiféré au cours de ces dernières années, tout en concluant son rapport sur la nécessité d'envisager à terme une obligation de formation continue : quelles en seraient les modalités ?
M. Maxime Gremetz a estimé que, même s'il était améliorable, l'accord du 20 septembre constitue une avancée importante, en ce qu'il permet d'instituer un droit individuel à la formation (DIF).
Il convient à cet égard de souligner que si 25 % des salariés bénéficient d'une formation, il ne s'agit en réalité que des personnes les plus qualifiées. Ainsi, les personnes qui en ont le plus besoin sont de fait privées de formation. En outre, il sera nécessaire d'améliorer cet accord sur la question de la formation hors temps de travail lors de l'examen du projet de loi relatif au dialogue social et à la formation professionnelle.
Le projet de loi de finances pour 2004 appelle par ailleurs les observations suivantes :
- Le budget de la formation professionnelle a diminué de 1,3 %, en passant de 4,682 à près de 4,5 milliards d'euros.
- Le transfert de compétences aux régions ne s'accompagne pas du transfert de l'ensemble des moyens nécessaires, s'agissant notamment des primes à l'apprentissage.
- En dépit de la volonté affichée d'inciter les chômeurs à créer leur entreprise, les crédits concernés diminuent de 20 %.
- De même, les bourses pour l'emploi disparaissent progressivement du budget, passant de 25 à 4 millions d'euros, alors qu'il est nécessaire de favoriser l'emploi des jeunes.
- Les crédits attribués aux programmes destinés aux chômeurs de longue durée diminuent également, passant de 180 à 107 millions d'euros.
L'accord du 20 septembre ne résout donc pas l'ensemble des problèmes actuels et il est nécessaire de s'interroger sur le devenir de l'« argent inutilisé » évoqué par le rapporteur.
M. Georges Colombier s'est pour sa part inquiété de l'avenir des formations en alternance.
En réponse aux différents intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :
- Les contrats de professionnalisation ont vocation à s'adresser aux publics bénéficiaires des actuels contrats d'alternance, notamment des contrats de qualification, dont ils reprennent certaines caractéristiques comme l'alternance entre enseignement théorique et travail en entreprise. De ce point de vue, ils se distinguent nettement des contrats jeunes en entreprise.
- Aujourd'hui, l'offre de formation ne répond pas effectivement aux besoins réels de l'ensemble du territoire mais une réforme a été engagée afin de durcir le régime déclaratif auquel était antérieurement assujetti les organismes de formation. Le nombre important de chômeurs au regard des emplois non pourvus est cependant paradoxal et témoigne incontestablement d'une prise de conscience insuffisante du lien existant entre emploi et formation.
- Il est nécessaire de centraliser la collecte des fonds, dans la mesure où celle-ci doit être faite de façon rationnelle et cohérente. De plus, la collecte des fonds au niveau national permettrait d'assurer leur mutualisation et leur péréquation, mais également de garantir le caractère transférable du droit individuel à la formation ;
- Le budget de la formation professionnelle est effectivement en baisse, mais cette situation est de toute façon préférable à des reports ou à des annulations de crédits : il faut raisonner en termes d'exécution budgétaire. Il est d'autre part nécessaire de mieux utiliser l'ensemble des crédits.
- Enfin, les dotations à la décentralisation dans le domaine de la formation professionnelle sont en augmentation de 31 % entre 2003 et 2004.
Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la formation professionnelle pour 2004.
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N° 1111 Tome III - Avis de M. Jean Ueberschlag sur le projet de loi de finances pour 2004 : formation professionnelle
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Le déroulement de l'exercice 2003 a en effet été modifié par les annonces de la table ronde pour l'emploi du 18 mars 2003 qui ont porté les entrées à 240 000)
Elle sera majorée de dix points si le bénéficiaire a un baccalauréat professionnel ou un titre ou diplôme de même niveau.
Par exemple, en matière d'apprentissage, le contrôle financier des CFA, à l'exception des CFA nationaux, est en principe assuré par les régions alors que le code du travail donne compétence au service d'inspection de l'apprentissage pour administrative et financière des CFA et des sections d'apprentissage.