N° 1112
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2003.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2004 (n° 1093),
TOME XVII
PREMIER MINISTRE
PLAN
PAR M. ANDRÉ CHASSAIGNE,
Député.
--
Voir le numéro : 1110 (annexe 37)
Institutions politiques - Administration - Collectivités locales.
INTRODUCTION 5
I.- LE BUDGET DU PLAN POUR 2004 TRADUIT LE RENONCEMENT DU GOUVERNEMENT À UNE VRAIE POLITIQUE DE PLANIFICATION 7
A.- LES MOYENS DESTINÉS AU PLAN ENREGISTRENT UNE NOUVELLE BAISSE 7
B.- LA RÉFORME DES MISSIONS DU PLAN CONDUIT À PRIVER LA NATION DE SON PRINCIPAL OUTIL D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES 11
1. La réforme du Plan conduit à privilégier ses missions de prospective 11
2. Le Gouvernement prive néanmoins la Nation d'un outil d'évaluation des politiques publiques à l'efficacité reconnue 13
a) La crise de l'évaluation des politiques publiques ne rendait pas pour autant nécessaire sa suppression 13
b) Le Gouvernement n'a pas prévu d'organisme alternatif propre à assurer l'évaluation des politiques publiques 15
ANNEXE : LA NOUVELLE ARCHITECTURE DU COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN 17
II.- LA POLITIQUE DE PLANIFICATION RETROUVERA UNE COHÉRENCE EN ANTICIPANT LES MUTATIONS ÉCONOMIQUES 19
A.- L'INDISPENSABLE PRISE EN COMPTE DE LA DIMENSION EUROPÉENNE DE LA PLANIFICATION 19
1. L'exemple des autres pays européens montre la nécessité d'outils de planification adaptés 19
2. Approfondir la dimension européenne de la planification 21
B.- LA PLANIFICATION DOIT PRÉVOIR LES MUTATIONS ÉCONOMIQUES AU LIEU DE LES SUBIR 22
1. L'exemple de ce qu'il ne faut pas faire : les contrats de site comme simple mesure d'accompagnement social limitée à de rares bassins d'emploi 22
2. L'exemple de ce qu'une politique de planification adaptée aurait permis de faire : anticiper les difficultés liées à la privatisation des entreprises publiques de réseau 23
EXAMEN EN COMMISSION 27
MESDAMES, MESSIEURS,
La planification reste-t-elle l' « ardente obligation » qu'elle était durant les années d'après-guerre ? Le projet de budget qui est soumis à votre examen permet d'apporter une réponse clairement négative à cette question, montrant que le Gouvernement actuel ne mobilise plus les moyens nécessaires à l'accomplissement de cette politique.
Le présent projet de loi prévoit en effet une baisse de près de 5 % des crédits de paiement du Plan, qui passeront de 25,38 millions d'euros à 24,10 millions d'euros. De surcroît, les autorisations de programmes enregistreront une baisse de près de 5,2 %, obérant ainsi l'avenir déjà incertain du Plan.
Si ces réductions de crédits ne sont pas un élément nouveau, votre rapporteur s'alarme néanmoins de constater que l'utilité même des organismes qui forment le Plan fait l'objet d'une remise en cause par l'actuelle majorité. Le rapport d'information de M. Georges Tron (), déposé le 21 mai 2003 en conclusion d'une mission d'évaluation et de contrôle de la Commission des finances, concernant les organismes publics d'évaluation et de prospective économique et sociale, a constaté la prétendue profusion et la confusion des missions de ces organismes, aux termes d'une analyse critiquée jusque dans les rangs de l'actuelle majorité. Tirant les conséquences de ce rapport, le Premier ministre a réformé les missions du Plan par le biais d'une lettre de mission au Commissaire général du Plan, datée du 16 avril 2003, dont la conséquence n'est ni plus ni moins que de priver le Commissariat de ses missions d'évaluations des politiques publiques, sans prévoir, comme le recommandait le rapport de M. Georges Tron, la création d'une instance nationale d'évaluation recueillant l'essentiel de ces missions.
Qui plus est, l'examen du budget du Plan par l'Assemblée nationale est l'occasion pour les membres de la majorité de déposer des amendements de réduction de crédits, ce qui a pour effet de démotiver profondément les équipes concourant à élaborer les évaluations et les prospectives nécessaires à l'appréciation, par le Gouvernement, des enjeux sociaux et économiques du pays.
L'évaluation des politiques publiques et la prospective économique et sociale seraient-elles dépassées en 2004, près de 60 ans après la création du Commissariat général du Plan ? Votre rapporteur estime que la situation économique actuelle prouve exactement l'inverse : les fermetures de grandes entreprises ont été nombreuses en 2003, et le Gouvernement a tenté tardivement d'y pallier en annonçant la signature des contrats de sites. Plutôt que de subir les mutations économiques, votre rapporteur estime nécessaire de les anticiper en amont de manière à pouvoir les orienter, ce qui aura pour effet d'éviter que des régions entières soient sinistrées par les difficultés de tel secteur économique ou de telle filière industrielle.
Votre rapporteur recommande par ailleurs que le Plan puisse être rapproché du Parlement, ce qui permettra à la représentation nationale d'assurer sa mission constitutionnelle de contrôle de l'action gouvernementale.
I.- LE BUDGET DU PLAN POUR 2004 TRADUIT LE RENONCEMENT DU GOUVERNEMENT À UNE VRAIE POLITIQUE DE PLANIFICATION
Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit une baisse de près de 5 % des crédits de paiement du Plan, qui passeront de 25,38 millions d'euros à 24,10 millions d'euros. En outre, les autorisations de programme passeront de 958 000 euros en 2003 à 908 000 euros en 2004, ce qui représente une baisse de 5,2 %.
Ce repli s'explique à titre principal par une baisse des crédits de 4,6 % de paiement du titre III relatif aux moyens des services, ainsi qu'une baisse des crédits de paiement du titre IV relatif aux interventions publiques de 6,2 %. Les crédits de paiement des dépenses en capital sont pour leur part stables entre 2003 et 2004, mais les autorisations de programme sont en baisse marquée, obérant ainsi l'avenir déjà incertain des crédits du Plan.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PLAN ENTRE LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2003 ET LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2004
LFI 2003 |
PLF 2004 |
Évolution 2004/2003 (en %) | |
Titre III-Moyens des services |
15,6 |
14,9 |
-4,4 |
Titre IV-Interventions publiques |
9,0 |
8,4 |
-6,6 |
Total pour les dépenses ordinaires |
24,6 |
23,3 |
-5,2 |
Titre VI-Subventions d'investissement accordées par l'Etat |
0,8 |
0,8 |
- |
Total général |
25,4 |
24,1 |
-5,1 |
Les crédits du Commissariat général du Plan semblent avoir fait les frais des difficultés budgétaires du Gouvernement, puisqu'ils enregistrent les opérations suivantes :
- une réduction des effectifs de trois postes budgétaires ;
- une réduction des crédits de fonctionnement et d'études, inscrits au titre III, à hauteur de 720 000 euros ;
- la non-reconduction des subventions votées dans la loi de finances initiale pour 2002, inscrits au titre IV, d'un montant de 560 000 euros ;
- une mesure nouvelle de 90 000 euros destinée à l'abondement des crédits de vacation du CGP.
Votre rapporteur dénonce vivement cette dernière mesure, soi-disant destinée à compenser la suppression de trois emplois au CGP. Elle devrait en effet permettre de recourir à des experts extérieurs dans le cadre des groupes de projet concourrant à la réflexion sur la « prospective de l'Etat stratège » demandée par le Premier ministre, et dont la teneur sera exposée dans la deuxième partie de ce rapport. Dans l'immédiat, on peut cependant constater que cette réforme se caractérise par une précarisation de l'emploi public inacceptable, puisque des postes de fonctionnaires seront remplacés par le recours à des experts extérieurs, alors que ces travaux auraient pu être menés par le personnel actuellement en poste, dont les compétences et la qualité sont reconnues de tous.
Votre rapporteur dénonce également la réduction des crédits du Plan, qui porte atteinte à l'accomplissement des missions essentielles réalisées par les différentes instances qui le composent. Cette réduction des crédits est d'autant plus regrettable que l'exécution des crédits votés au titre de l'année 2002 et 2003 peut être considérée comme un exemple pour les autres administrations de l'Etat. Ainsi, en 2002, les crédits destinés à couvrir les dépenses en personnel ont enregistré un taux de consommation de l'ordre de 96 %, tandis que les crédits de fonctionnement ont été engagés à hauteur de 47 %. Au total, les moyens des services ont donc été consommés à hauteur de 70 %. S'agissant des crédits destinés aux interventions publiques, dont la consommation par une administration normale est généralement plus difficile, votre rapporteur ne peut que se féliciter de constater que le taux de consommation du titre IV atteint près de 98 %. Au total, les dépenses ordinaires enregistrent un taux de consommation de 79 % et celui du total des crédits disponibles au titre du Plan (dépenses ordinaires et subventions d'investissement) s'élève à 77 %.
Au titre du premier semestre 2003, votre rapporteur constate que les dépenses ordinaires ont été engagées à hauteur de 44 % et le total des crédits à hauteur de 42,60 %. Ce constat appelle donc deux remarques :
- le CGP a donc fait un effort de gestion louable, qui est bien mal récompensé par la nouvelle baisse des crédits prévue par le présent projet de loi ;
- les taux de consommation importants constatés à l'issue du premier semestre ne laissent pas espérer de reports de crédits importants de 2003 sur 2004, permettant de compenser la baisse des crédits prévue par le projet de loi de finances pour 2004. Ainsi, si les reports de crédits ont atteint près de 7 millions d'euros en 2002, ce qui permettait au Gouvernement de justifier la baisse de crédits prévue par la loi de finances initiale pour 2003, les reports opérés à cette date en 2003 atteignent seulement près de 4 millions d'euros, ce qui est loin de suffire à compenser la baisse des moyens du Plan prévue par le présent projet de loi.
Par ailleurs, il convient de rappeler que le budget du Plan regroupe traditionnellement, outre les crédits du Commissariat général du Plan, les dotations budgétaires destinées à deux types d'organismes :
· les crédits de fonctionnement et d'investissement accordés aux organismes dépendant directement du Commissariat général du Plan :
- le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII), qui emploie 46 personnes et réalise des analyses et projections macro-économiques, ainsi que des études dans les domaines commerciaux et financiers, souvent à l'échelle internationale ;
- le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC), qui emploie 11 personnes et étudie les revenus et les inégalités sociales, ainsi que les liens entre l'emploi, les revenus et la cohésion sociale ;
- le Conseil national de l'Evaluation (CNE), qui emploie 4 personnes et dont les études sont destinées à accroître à la fois la transparence des décisions publiques et l'efficacité de leur mise en oeuvre.
L'évolution des dotations budgétaires des organismes intégrés au Plan est globalement négative, à l'exception des crédits du CEPII qui restent stables entre 2003 et 2004. Les crédits du CGP lui-même sont en repli de 400 000 euros, passant de 8,4 millions d'euros en 2003 à 7,9 millions d'euros, ceux du CERC sont en repli de 2,5 % et ceux du CNE de 10 %. Votre rapporteur voudrait par ailleurs attirer l'attention de l'Assemblée nationale sur la lente précarisation de l'emploi qui touche le CGP comme les organismes qui lui sont rattachés, ce qui est préoccupant dans un service qui relève directement de l'autorité du Premier ministre :
ÉVOLUTION PRÉVUE DES EFFECTIFS DU CGP
ET DES ORGANISMES RATTACHÉS ENTRE 2002 ET 2004
Organismes |
Effectifs au 31 décembre 2002 |
Effectifs prévus |
Effectifs prévus | ||||||
Titulaires |
Contractuels |
Total |
Titulaires |
Contractuels |
Total |
Titulaires |
Contractuels |
Total | |
CGP |
74 |
71 |
145 |
70 |
74 |
144 |
70 |
71 |
141 |
CNE |
- |
4 |
4 |
- |
4 |
4 |
- |
4 |
4 |
CERC |
2 |
9 |
11 |
- |
11 |
11 |
- |
11 |
11 |
CEPII |
13 |
33 |
46 |
13 |
33 |
46 |
13 |
33 |
46 |
Total |
89 |
117 |
206 |
83 |
122 |
205 |
83 |
119 |
202 |
· les crédits alloués à quatre autres organismes, dans le cadre de subventions inscrites au titre IV (action économique, encouragements et interventions).
Ces organismes sont les suivants :
- le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC), qui étudie plus particulièrement la consommation, les besoins et les aspirations de la population en faisant appel aux statistiques, à l'économie, à la sociologie et à la psychologie ;
- le Centre d'études prospectives d'économie mathématique (CEPREMAP), qui effectue de la recherche fondamentale en matière de théorie économique et étudie des modèles de prévision ;
- l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui étudie la situation économique de la France et des pays européens et analyse la réalisation des prévisions économiques ;
- l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES), qui réalise des études économiques et sociales à la demande d'organisations syndicales.
ÉVOLUTION DE LA DOTATION DES ORGANISMES SUBVENTIONNÉS PAR LES CRÉDITS DU PLAN ENTRE 1997 ET 2003
(en milliers d'euros)
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 | |
CREDOC |
839,2 |
839,2 |
845,9 |
850,2 |
860 |
868,1 |
868,1 |
CEPREMAP |
1 166,2 |
1 166,2 |
1 175,5 |
1 181,5 |
1 181,5 |
1 192,6 |
1 192,6 |
OFCE |
3 122,5 |
3 122,5 |
3 130,7 |
3 441,1 |
3 671 |
3 476 |
3 146 |
IRES |
3 162,9 |
3 114,1 |
3 083,6 |
3 203,8 |
3 356,8 |
3 330,4 |
3 100,4 |
Source : Commissariat général du Plan
Votre rapporteur se félicite de constater que la subvention prévue au profit de ces organismes est stable s'agissant du CREDOC et du CEPREMAP. Il regrette néanmoins que les moyens destinés à l'OFCE et à l'IRES soient en recul assez net, ce qui ne peut que porter atteinte à la qualité de l'évaluation de la dimension économique de l'action du Gouvernement. S'agissant des crédits de l'IRES, dont la mission consiste à réaliser des études économiques et sociales à la demande d'organisations syndicales, votre Rapporteur estime qu'il s'agit là d'une atteinte à la liberté syndicale, puisque celles-ci ne pourront plus disposer d'études de qualité pour pouvoir appréhender les options de politique économique du Gouvernement. Pourtant, ces études apparaissent vitales à l'action des syndicats, notamment au regard de la polémique récente autour de l'évaluation des impacts économiques de la législation sur la réduction du temps de travail.
Il faut en outre rappeler que l'OFCE et l'IRES avaient déjà fait l'objet d'une réduction importante de leurs crédits en 2003. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, la diminution des crédits de l'OFCE en 2003 a déjà conduit à revoir ou différer une partie du programme de développement souhaité par son Président, rendant par ailleurs inefficace le renforcement des équipes de chercheurs prévu par le précédent Gouvernement en 2001 et 2002.
B.- LA RÉFORME DES MISSIONS DU PLAN CONDUIT À PRIVER LA NATION DE SON PRINCIPAL OUTIL D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
Le rapport d'information de M. Georges Tron, déposé le 21 mai 2003 en conclusion d'une mission d'évaluation et de contrôle de la Commission des finances de l'Assemblée nationale sur les organismes publics d'évaluation et de prospective économique et sociale (), dresse un état des lieux très sévère du fonctionnement des organismes du Plan. Après avoir constaté une grande confusion dans les champs d'intervention des organismes concernés, et la production d'évaluations soi-disant « embryonnaires », à cause de procédures trop lourdes et d'un manque de coordination entre les différentes structures, le rapporteur plaide pour une réorganisation de l'architecture des différents organismes d'évaluation et de prospective de l'Etat, en créant d'une part une instance nationale de l'évaluation venant à l'appui du travail parlementaire, sous la forme d'une autorité administrative indépendante, et d'autre part une délégation à la prospective nationale et territoriale.
Votre rapporteur doit faire état de son désaccord de fond avec les propositions formulées par le rapporteur de cette mission d'évaluation et de contrôle, pour les raisons suivantes :
- la création de l'instance nationale de l'évaluation sous la forme d'une autorité administrative indépendante est paradoxale, lorsque l'on entend en faire un outil à la disposition du Gouvernement ;
- l'instance nationale de l'évaluation proposée par le rapport serait constituée par fusion de divers organismes comme le Conseil national de l'évaluation et probablement le Conseil des impôts. Il paraît cependant évident que la fusion des deux structures entraînerait la confusion de leur mission. Il paraît en outre préférable de considérer que l'évaluation des politiques du Gouvernement ne s'identifie pas à sa politique fiscale ;
- la délégation à la prospective nationale et territoriale serait créée par un rapprochement de la DATAR et des fonctions de prospective du Commissariat général du Plan. Outre le fait que ce rapprochement entraînerait un démantèlement du CGP, auquel votre rapporteur n'est pas favorable, le Conseil général du Plan ne cesse de souligner l'importance d'allier évaluation des politiques publiques et prospective, tant il est vrai que la prospective est impossible sans disposer d'éléments précis sur les politiques mises en _uvre par le Gouvernement et leurs effets.
En dépit de ces considérations de bon sens, le Gouvernement a pris acte des conclusions de la MEC, en modifiant les missions du CGP par la lettre de mission du Premier ministre adressée au Commissaire général du Plan le 16 avril 2003.
Lettre de mission du Premier ministre au Commissaire général du Plan
Paris le 16 avril 2003
Monsieur le Professeur,
Depuis quelque temps, nous voyons se modifier le périmètre de l'Etat dans la société française sous l'effet de décisions nationales, européennes ou internationales. La politique que mène mon gouvernement en matière de décentralisation, de privatisations, de simplification contribue et contribuera encore à transformer le rôle de l'Etat dans les années à venir.
La plupart des acteurs politiques et économiques sont soucieux d'accompagner ces évolutions, mais, justement préoccupés par l'avenir des organisations dont ils ont la responsabilité, ils ne peuvent se consacrer à penser les évolutions de l'Etat dans notre société et notre économie. Je suis, pour ma part, convaincu que nous devons réfléchir au nouveau rôle de l'Etat stratège dans les configurations qui se dessinent aujourd'hui car, au-delà des réformes qu'ils conçoivent, les ministres et les administrations qui sont sous leur autorité ont besoin d'un éclairage sur le long terme.
Votre qualité de philosophe, vos écrits et l'expérience que vous avez accumulée par vos relations avec les entreprises et les organisations professionnelles ou syndicales, me conduisent à vous confier une mission sur cette question du nouveau rôle de l'Etat stratège.
C'est à partir du Commissariat général du Plan que cette mission me semble pouvoir être accomplie dans les meilleures conditions. C'est pourquoi il me semble opportun de vous confier les fonctions de Commissaire au Plan, afin de réfléchir aux moyens qui permettront de transformer le Commissariat en instance de prospective dont la mission serait redéfinie au regard des évolutions de l'Etat et des problèmes auxquels seront confrontées notre société et notre économie dans les années à venir.
Tout en menant, avec les équipes qui vous seront nécessaires, cette réflexion sur le long terme que je juge à la fois urgente et essentielle, vous voudrez bien me faire toutes suggestions et propositions pour que le gouvernement soit doté d'un organisme, placé auprès du Premier ministre, qui dispose effectivement des moyens pour approfondir dans les années à venir cette question du rôle et de la stratégie de l'Etat dans les évolutions sociales et économiques. Dans cette perspective, vous vous inspirerez notamment des travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale sur les organismes publics d'évaluation et de prospective, dont les conclusions seront rendues le 7 mai prochain.
Je veillerai personnellement à ce que vous puissiez travailler en bonne intelligence avec les diverses cellules de prospective qui existent dans différents ministères et à ce que des moyens adéquats soient mis à la disposition de la mission que je vous confie.
Je vous prie de croire, Monsieur le Professeur, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.
Jean-Pierre RAFFARIN
En application de cette lettre de mission, le CGP a dû procéder à une réorganisation interne de grande ampleur, afin de recentrer ses missions autour de la «prospective de l'Etat stratège », selon l'expression particulièrement sibylline du Premier ministre.
Pour répondre à l'impératif de réactivité imposé par le Gouvernement, le CGP a été contraint d'éclater ses groupes de travail en 32 groupes de projets, dont les compétences, les dénominations et les relations pour le moins complexes sont exposées en annexe de cette première partie.
Votre rapporteur estime que cette réforme des missions de prospective du CGP peut être intéressante à condition que la réorganisation ne soit pas de pure forme. Ce souhait suppose une meilleure prise en compte des expertises du CGP par le Gouvernement.
Il est regrettable que la réorganisation fonctionnelle du CGP ait conduit à suivre partiellement les recommandations critiquables de la MEC en abandonnant purement et simplement ses fonctions d'évaluation des politiques publiques.
Dans la « Lettre du Commissariat général du Plan » de septembre 2003, le Commissaire général du plan est explicite à ce sujet : à la question de savoir ce que deviendrait l'évaluation des politiques publiques, celui-ci répond « en arrivant au plan, j'ai eu l'occasion de lire plusieurs rapports concernant l'évaluation des politiques publiques. Ils sont de qualité. Mais la démarche intellectuelle de l'évaluation n'est pas celle de la prospective. L'évaluation requiert des méthodes d'analyse, de quantification, de rigueur. La prospective fait davantage appel à l'imagination, à la créativité, à l'invention de scenarii différents. Nous n'avons pas les forces pour remplir deux missions à la fois. C'est pourquoi, dans la continuité du rapport Tron, j'ai proposé au Premier ministre que l'évaluation des politiques publiques revienne à une instance indépendante. Il me paraîtrait plus sain qu'un ministère évalue tous les autres... ».
Dans son rapport budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2003, votre rapporteur a fait état de la crise que traversait l'évaluation des politiques publiques par le CGP, mais les recommandations n'étaient pas, loin s'en faut, de supprimer cette compétence quasi-historique du CGP.
Votre rapporteur estime nécessaire de rappeler les missions assumées jusqu'à présent en matière d'évaluation des politiques publiques :
· assurer le secrétariat du Conseil national de l'évaluation (CNE), organisme qui a remplacé, depuis le décret du 18 novembre 1998, l'ancien Conseil scientifique de l'évaluation
En vertu du décret du 18 novembre 1998, pour mieux prendre en compte le rôle croissant des collectivités locales dans l'action publique, le nouveau CNE, installé le 16 février 1999, a intégré plusieurs représentants des élus locaux. La procédure suivie, fixée par une circulaire du 28 décembre 1998, prévoit que le Premier ministre arrête un programme d'évaluation sur proposition du CGP, qui est chargé d'assurer le secrétariat du CNE, le suivi des travaux, la gestion des crédits du Fonds national de développement de l'évaluation (FNDE), ainsi que d'examiner la suite donnée par les administrations aux évaluations réalisées.
Le premier programme, lancé le 13 juillet 1999, a permis de mener trois évaluations sur les thèmes de la préservation de la ressource destinée à la production en eau potable, des nouveaux services-emplois jeunes dans le secteur de la jeunesse et des sports, et sur les mesures d'aide aux emplois du secteur non marchand. La dernière évaluation de ce programme, relative à la politique de lutte contre le sida, a été rendue publique en novembre 2002.
Quant aux évaluations décidées par le Premier ministre lors du Comité interministériel de la réforme de l'Etat du 12 octobre 2000 (deuxième programme), elles ont été achevées entre janvier et mai 2003, avec des évaluations relatives à la formation professionnelle continue des agents de l'Etat, la mise en _uvre de la politique nationale de sécurité routière par les systèmes locaux de contrôle et de sanction, et enfin une évaluation des politiques de développement rural. S'agissant de cette dernière étude, votre Rapporteur doit souligner qu'il s'est personnellement investi dans sa lecture, qui lui a fourni des éléments fondamentaux de compréhension de la politique qui peut être menée dans ce secteur en vue du débat sur le projet de loi relatif au développement rural en janvier 2004.
Enfin, le Premier ministre a approuvé le 2 août 2001 le troisième programme d'évaluation proposé par le CNE centré sur les thèmes suivants :
- fonds structurels et politiques régionales ;
- politique du service public des déchets ménagers ;
- aide aux très petites entreprises ;
- politique de contractualisation avec les universités ;
- pratiques de recours à des opérateurs externes pour la mise en _uvre des politiques actives d'emploi ;
- politique de transport combiné rail/route ;
- étude de faisabilité d'une évaluation sur les politiques d'amélioration de l'accès à la prévention et aux soins.
Entre septembre 2001 et février 2002, les instances chargées de mener à bien ce troisième programme ont été installées et ont toutes engagé les procédures de commandes d'études. Votre rapporteur s'interroge sur l'avenir de ces études dans le cadre de la réorganisation du CGP.
· animer le dispositif d'évaluation des contrats de plan Etat-régions
Les modalités de cette évaluation ont été fixées par une circulaire du Premier ministre du 25 août 2000, chargeant le CGP de mettre à la disposition des préfets de régions les crédits nécessaires et de faire bénéficier les acteurs régionaux de son aide méthodologique. La procédure s'appuie essentiellement sur l'échelon régional, même si une instance nationale présidée par le Commissaire général du plan supervise l'ensemble des travaux.
Cette évaluation s'étend en réalité aux contrats de ville et d'agglomération, aux contrats de pays et aux contrats conclus avec les parcs naturels régionaux inscrits dans un contrat de plan Etat-régions. Les thèmes d'évaluation les plus courants ont trait à l'environnement, à l'emploi, aux aides aux entreprises, aux technologies de l'information et de la communication et aux infrastructures.
Compte tenu du retard qui a été pris dans l'installation des conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire (CRADT) et de leur section spécialisée, de la mise en _uvre médiocre des CPER si l'on considère le taux d'engagement de leurs crédits à mi-parcours, des difficultés rencontrées pour lancer les contrats d'agglomération et les contrats de pays, votre rapporteur juge tout à fait inopportune la suppression de cette mission du CGP, seule à même de rendre à avis indépendant sur ces questions.
· contribuer au développement de l'évaluation dans l'administration
Dans ce domaine, le Commissariat général du Plan a pris l'initiative, début 2002, de bâtir, en association avec le CNE, un site Internet consacré à l'évaluation des politiques publiques, qui permet d'échanger les expériences pour encourager les « bonnes pratiques ».
Par ailleurs, le CGP accueille des visiteurs étrangers et participe à des séminaires de formation organisés à l'initiative d'administrations centrales (par exemple la direction générale de la comptabilité publique), d'établissements publics de formation (tels que l'École nationale d'administration ou l'École nationale de la santé publique) ou d'acteurs régionaux.
Enfin, le CGP participe aux travaux du groupe de travail « évaluation » du Conseil national pour l'aménagement et le développement du territoire (CNADT) et à l'animation du Club de l'évaluation.
Ce panorama rapide des travaux effectués par le CGP dans le domaine de l'évaluation des politiques publiques montre que son activité était réelle ; votre rapporteur se pose donc la question de bon sens de savoir quel organisme prendra en charge ces missions, rappelant par ailleurs que le rapport de M. Georges Tron précité propose la création d'une instance nationale de l'évaluation aux compétences élargies.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, créé par la loi n° 83-609 du 8 juillet 1983, a fourni jusqu'à présent un travail reconnu et apprécié de tous, mais ses compétences sont limitées, et ses moyens ne lui permettent pas de remplir les missions assumées par le CGP dans ce domaine.
En outre, l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques composée de deux délégations, l'une à l'Assemblée nationale et l'autre au Sénat, semble avoir mal fonctionné jusqu'à maintenant, dans la mesure où sa composition bicamérale crée des situations de blocage en cas de cohabitation et parce que les procédures à mettre en _uvre pour le faire fonctionner sont lourdes et compliquées.
Enfin, l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, créé par la loi n° 96-516 du 14 juin 1996, fait apparaître un bilan très pauvre, puisque seulement deux rapports ont été publiés depuis sa création.
En dehors de ces trois instances, il n'existe pas d'organisme propre à permettre une évaluation des politiques publiques. A moins d'en revoir profondément le fonctionnement et surtout de les doter en moyens, essentiellement humains, à hauteur de ceux du CGP, votre rapporteur ne peut que déplorer le fait que le Gouvernement ait privé la Nation, et singulièrement la représentation nationale, du seul organisme apte à fournir des évaluations des politiques menées par le Gouvernement entourées d'une certaine impartialité, en dépit de son rattachement aux services du Premier ministre.
ANNEXE : LA NOUVELLE ARCHITECTURE DU COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN
1.- Une trentaine de groupes de projet aux missions circonscrites
AGORA
L'État et les conditions de la démocratie
Chef de projet : Michèle Debonneuil
ALEPH
Prospective de l'État stratège et de ses fonctions anticipatrices
Chef de projet : Bruno Hérault
ANCHISE
Le rôle de la capitalisation dans le financement des retraites
Chef de projet : Michèle Debonneuil
ASTYPALEA
La promotion par l'État d'un environnement financier favorable au développement des entreprises
Chef de projet : Olivier Passet
BIBRACTE
Prospective de la demande d'État stratège de la part des collectivités territoriales
Chef de projet : Patrice Diebold
CADUCEE
La préservation de la santé à long terme de la population et les devoirs de l'État stratège
Chef de projet : Stéphane Le Bouler
COSMOS
La stratégie de l'État dans les mutations des médias
Chef de projet : Sylvie Bénard
DELOS
Nouvelles pistes pour restaurer le plein emploi en France
Chef de projet : Michèle Debonneuil
DEMETER
Rôle de l'État dans la formation professionnelle
Chef de projet : Benoît Lajudie
EQUILIBRES
Le rôle de l'État stratège face aux enjeux de développement durable
Chef de projet : Alain Ayong Le Kama
GESTE
Les politiques publiques d'État et la prise en charge de la fin de vie
Chef de projet : Sébastien Doutreligne
GLOSSA
Intervention de l'État dans la régulation financière
Chef de projet : Marc-Antoine Kleinpeter
HERMES
Normes de marché et résolution des conflits dans l'économie mondiale
Chef de projet : Jérôme Sgard, CEPII
JONAS
Les usages opérationnels du principe de précaution
Chef de projet : Stéphane Le Bouler
MANON
Prospective des conflits d'usage dans les espaces ruraux et périurbains
Chef de projet : Marc Guérin
MIDI
La politique d'immigration de la France, élément d'une politique d'aide au développement
Chef de projet : Lionel Fontagné, CEPII
MOSTRA
L'action de l'État dans les champs de la relation de travail, de l'emploi et de la formation professionnelle
Chef de projet : Bernard Simonin
ORFEO
Le rôle de l'État dans l'emploi culturel et les activités artistiques
Chef de projet : Michel Mirandon
PERICLES
Projet sur l'effort de recherche intensif compatible avec les exigences de la soutenabilité
Chef de projet : Paul Zagamé
PERROUX
Localisation des activités pour les régions françaises dans une Union européenne élargie
Chef de projet : El Mouhoub Mouhoud
PIETA
Prospective de la propriété intellectuelle
Chef de projet : Rémi Lallement
POLES
L'organisation territoriale du système de santé
Chef de projet : Sandrine Chambaretaud
PROMETHEE
Prospective des métiers et qualifications
Chef de projet : Christine Afriat
SARASWATI
État et attractivité de la France dans le domaine des activités de recherche-développement-innovation
Chef de projet : Mohamed Harfi
SIGMA
Prospective de l'intégration sociale
Chef de projet : Lucile Schmid
SIRENE
La stratégie d'attractivité culturelle de la France
Chef de projet : Gilles Arnaud
SISYPHE
La conduite du changement dans le secteur public
Chef de projet : Lucile Schmid
SYNAPSE
Les activités aéronautiques françaises dans un cadre européen
Chef de projet : Dominique Namur
TELEMAQUE
Prospective des risques financiers et de l'instabilité économique
Chef de projet : Guilhem Bentoglio
THESEE
L'État face aux mutations de la relation au travail
Chef de projet : Annick Guilloux
THOMAS
Prospective des règles de la négociation sociale
Chef de projet : Laurent Duclos
UTILITIES
L'État stratège face à l'évolution des services publics en réseaux
Chef de projet : Luc Baumstark
Votre rapporteur félicite le Commissariat général du Plan pour les références qui ont conduit à la dénomination des différents groupes de projet, mais s'interroge sur l'opportunité d'intituler « SISYPHE » le groupe de projet destiné à étudier « la conduite du changement dans le secteur public ».
2.- Une collaboration en réseau
II.- LA POLITIQUE DE PLANIFICATION RETROUVERA UNE COHÉRENCE EN ANTICIPANT LES MUTATIONS ÉCONOMIQUES
Après avoir abandonné toute volonté planificatrice, ce dont le projet de budget du Plan pour 2004 témoigne encore une fois, le Gouvernement actuel est en train de remettre en cause les organismes en charge de cette politique, ce dont votre rapporteur ne peut que s'alarmer.
Il apparaît cependant dangereux de continuer à laisser ainsi la planification tomber dans l'oubli, alors que les instances communautaires et nos partenaires européens, si souvent pris en exemple pour faire évoluer nos réglementations sociales, prennent au contraire acte du fait que le domaine économique ne saurait être appréhendé sans une vision de long terme propre à le réguler.
Si le terme de planification n'est pas utilisé dans tous les pays, on y retrouve de nombreux organismes chargés de mener à bien des études prospectives détaillées destinées à servir de fondement à une politique soit de prévention, soit au contraire d'accompagnement.
- En Allemagne, la faible tradition planificatrice dans un Etat fédéral a toujours entraîné les organismes compétents à élaborer plus de prévisions que de véritables prospectives. Les études sur les évolutions économiques prévisibles ont cependant connu un regain d'intérêt certain depuis le début des années 1990, en lien notamment avec la réunification du pays. Ce mouvement s'est traduit par une relance des activités de planification dans le domaine des infrastructures publiques, des réseaux de transport, de l'aménagement du territoire et de la recherche scientifique et technique. Pourtant l'Allemagne ne dispose pas d'outils aussi performants que le CGP, mais d'un dispositif de plusieurs organismes indépendants adossés aux différents ministères et financés par eux.
Le plus connu est le Conseil des Cinq sages, créé en 1963, composé d'experts universitaires présentant chaque année au chancelier un rapport sur la situation économique d'ensemble de la nation et sur son évolution prévisible, en mettant l'accent sur les risques qui se profilent et les moyens de les maîtriser. Il existe par ailleurs cinq grands instituts de recherche et de conjoncture (IFO-Munich, IFW-Kiel, DIW-Berlin, HWWA-Hamburg, et RWI-Essen) auxquels a été adjoint dernièrement le IHW de Halle. Ces instituts remplissent une fonction d'analyse et de conseil des pouvoirs publics, travaillant directement pour le Gouvernement fédéral et les Länder. Ils sont très influents en matière de prévision de la conjoncture, mais les pouvoirs publics utilisent aussi leurs sources documentaires sur des sujets plus structurels. Les six instituts rendent compte, deux fois par an et collectivement, de la situation du pays au moyen d'un rapport remis au ministre fédéral chargé de l'économie. Par ailleurs, le Gouvernement les charge à tour de rôle d'études plus sectorielles. En outre, compte tenu de la structure fédérale de l'Etat, l'Allemagne dispose de nombreux organismes de planification au niveau du Land, qui réalisent des diagnostics territoriaux et prospectifs permettant de faire valoir leurs intérêts auprès de l'Etat fédéral. A titre d'exemple le Bade-Wurtemberg a créé une commission ayant des missions proches du CGP dénommée « Economie 2000 », la Bavière et la Saxe ont créé en commun une « Commission sur l'avenir » et la Rhénanie du Nord-Westphalie a même créé un « Secrétariat aux études du futur ». Enfin, au niveau fédéral, les grands ministères possèdent tous des services d'observation et de conseil sur leur secteur, notamment la célèbre « Direction de la politique économique » du ministère chargé de l'Economie. Les ministères ont également souvent recours à des travaux ponctuels réalisés par des instituts fédéraux mais indépendants des ministères, comme le Bundesinstitut für Bevölkerungsforschung de Wiesbaden, compétent en matière d'évolution démographiques, le Bundesinstitut für Berufsbildung de Bonn en matière de formation professionnelle, et le très connu Bundesanstalt für Arbeit, dans le domaine de l'emploi.
L'exemple de l'Allemagne conduit à penser que l'existence de plusieurs organismes d'analyse prospective est intéressante, dans la mesure où elle permet de confronter les analyses. En outre, dans la perspective de la décentralisation, il paraît fondamental que les régions et les départements disposent d'organismes prospectifs territoriaux.
- Dans les pays du Benelux, la tradition planificatrice est forte, y compris aux Pays-Bas. La Belgique dispose d'un bureau fédéral du Plan, comparable à notre Commissariat général du Plan, également placé sous l'autorité du Premier ministre. Le Gouvernement dispose également du Conseil central de l'économie et du Conseil fédéral du développement durable (créé en 1997), dans les secteurs plus particuliers respectivement de l'économie et des questions sociales, et de l'environnement. Aux Pays-Bas, la planification et la prospective jouent un rôle fondamental, avec le Bureau pour l'analyse de la politique économique, anciennement dénommé Bureau central du Plan, ayant un statut d'agence indépendante rattachée au ministère de l'Economie. En outre le Conseil scientifique de la politique gouvernementale, créé en 1972, est le principal organisme chargé d'assister le Gouvernement dans l'élaboration de ses décisions politiques. Son programme de travail comprend des sujets établis pour cinq ans, auxquels des sujets d'actualité peuvent être ajoutés.
- Les pays du sud de l'Europe sont également empreints d'une forte tradition planificatrice. En Espagne, un Commissariat au Plan existe depuis 1962, mais joue désormais un rôle de planification régionale. En revanche, au niveau de l'Etat, les organismes de planification sont assez éclatés, suivant une logique sectorielle. En Grèce, la planification est un objectif constitutionnel, puisque l'article 106 de la Constitution dispose que « dans le but de consolider la paix sociale et de protéger l'intérêt général, l'Etat planifie et coordonne l'activité économique dans le pays ». Votre rapporteur juge remarquable le fait que l'impératif de planification figure dans la Constitution de ce pays. De ce fait, la planification est très active dans les domaines de l'économie, grâce au Centre pour la planification et la recherche économique, mais aussi dans les domaines de l'aménagement du territoire et de l'environnement. En Italie, le Comité interministériel pour la programmation économique, créé en 1967, succédant au comité pour la reconstruction, a pour fonction d'établir les grandes lignes de la politique économique et financière, et de coordonner les programmes sectoriels et régionaux. En outre, l'Italie s'est dotée en 1998 d'un important Institut d'études et d'analyses économiques, provenant du rapprochement de l'institut d'études de la conjoncture et de l'institut d'études pour la planification économique. Enfin, l'Agence pour les nouvelles technologies, l'énergie et l'environnement a pour objectif d'élaborer une planification dans le domaine du développement durable.
- Au Royaume-Uni, l'activité de prospective dans le secteur public est fortement ancrée depuis l'après-guerre. Le Delivery and reform group est plus particulièrement chargé de la planification, dans la mesure où il identifie les défis stratégiques et les problèmes relevant des pouvoirs publics, mais contribue aussi à l'évaluation des politiques publiques. Cet organisme est structuré en différentes unités, notamment la Delivery unit créée en juin 2001 pour aider le Gouvernement à définir ses priorités dans les domaines de l'éducation, de la santé et des transports. En outre, l'Office of public services reform, créé également en 2001 est destiné à aider le Gouvernement à réaliser son objectif de modernisation de l'administration.
A travers ce panorama volontairement exhaustif, votre rapporteur voudrait montrer que les différents pays européens, au-delà des différentes organisations politiques et des traditions en matière de planification, ont tous plusieurs organismes en charge de la prospective ou de la planification, mais aussi que dans de nombreux pays, ces structures ont été récemment renforcées pour orienter l'Etat vers une meilleure anticipation des évolutions économiques et sociales.
Votre rapporteur est d'avis que la planification française doit s'inscrire davantage dans une dimension européenne, faute de quoi les instances communautaires se retrouveront seules à même de décider quelle planification doit être menée en France.
Cette réflexion est particulièrement vérifiée s'agissant des missions d'évaluation du CGP, qui ne portent que très rarement sur des sujets de dimension européenne. Aucun des sujets du premier programme décidé le 13 juillet 1999 ne permettait d'intégrer une dimension européenne. Sur les sujets étudiés dans le cadre du deuxième programme, seul le rapport sur les politiques de développement rural permettait de mettre en synergie des éléments d'analyse nationaux et communautaires - par le biais de fonds structurels. Dans le troisième programme, approuvé par le Premier ministre le 2 août 2001, seul un sujet semble a priori comporter une dimension européenne, puisque l'étude s'intitule « les fonds structurels et les politiques régionales », mais on peut regretter que cette question ait déjà été abordée dans le cadre du second programme.
En évaluant plus souvent les politiques menées dans le cadre de l'Union européenne, sans forcément se limiter aux questions agricoles, et en intégrant cette dimension dans les analyses prospectives, le Plan gagnerait en efficacité et en crédibilité, permettant également de prévenir les effets souvent déstructurant sur la politique nationale des décisions qui sont prises au niveau communautaire.
Le Gouvernement actuel donne à votre rapporteur l'impression de ne prendre conscience des mutations économiques qu'au moment où les tensions, voire les crises sociales apparaissent.
Ainsi, une mission interministérielle sur les mutations économiques a été mise en place le 28 janvier 2003, avec pour objectif l'amélioration de l'intervention publique en matière de mutations économiques, afin que l'impact social et territorial des restructurations économiques et industrielles soit mieux pris en compte par le Gouvernement. La création de cette mission a été accompagnée des annonces de façade à l'égard desquelles votre rapporteur reste très circonspect ; ainsi, l'action de la mission devait s'appuyer sur de nouveaux outils tels qu'un « tableau de bord de risques » centré sur le court terme ayant pour finalité de développer une démarche organisée et coordonnée de détection et de prévention des risques de suppression d'emploi, ou encore sur un « observatoire des mutations économiques », censé être un outil de veille à long terme visant à renforcer la dynamique de développement et d'emploi.
Le premier résultat de ce travail de veille a été annoncé dès le 12 février 2003, soit seulement 15 jours après la création de la mission, à travers les « contrats de sites » dont le Gouvernement a désiré faire bénéficier les régions françaises particulièrement touchées par les restructurations économiques pour un montant total de 350 millions d'euros. Ainsi, quatre contrats de sites ont été préparés au profit de Lens, affectés par la fermeture de l'usine Metaleurop nord, au profit de Longwy, suite à la fermeture de l'usine Daewoo, à Romorantin ainsi qu'à Angers. Parallèlement, avec le soutien de l'Etat, Giat Industries doit s'engager dans un vaste programme de revitalisation de sept territoires touchés par la restructuration de l'industrie d'armement, à savoir les bassins d'emploi de Bourges, Tulle, Vichy-Cusset, Roanne, Saint-Chamond, Tarbes, Toulouse. Ce programme, d'un montant de 127 millions d'euros comprend un engagement de 45 millions d'euros de Giat Industrie.
Votre rapporteur estime que cette intervention de l'Etat n'est en aucune manière le fruit d'une quelconque veille économique de la mission interministérielle, qui n'aurait pas eu matériellement le temps de produire un diagnostic en l'espace de deux semaines. En outre, la situation de crise de ces bassins d'emplois était parfaitement connue de nombreux élus, parfois du grand public, et surtout du Gouvernement qui a laissé les tribunaux de commerce prononcer la liquidation judicaire de ces entreprises sans intervenir.
A titre d'exemple, le dépôt de bilan de l'usine Metaleurop de Noyelles-Godault a été annoncé le 17 janvier 2003, suite à la décision de la société Metaleurop S.A. de ne plus soutenir financièrement sa filiale française qui avait enregistré des résultats négatifs en 2001 et 2002. La liquidation a été prononcée par le tribunal de commerce de Béthune le 10 mars 2003, sans que le Gouvernement intervienne pour sauver l'entreprise.
En outre, alors que M. Alain Bocquet ainsi que plusieurs députés du groupe communistes et républicains déposaient à l'Assemblée nationale une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête « chargée d'établir l'ensemble des effets entraînés par l'annonce du groupe Metaleurop de fermer son site de Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais et de définir avec toutes les parties concernées les conséquences économiques, sociales, écologiques et humaines d'une telle décision, et les responsabilités en cause, notamment au regard des enjeux de préservation de l'activité économique et de l'emploi, de protection sanitaire des populations et de dépollution du site », cette proposition de résolution a été rejetée par la Commission des Affaires Économiques, de l'Environnement et du Territoire, pour partie sur le fondement d'une lettre du Garde des Sceaux, M. Dominique Perben informant le président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Louis Debré, qu'une procédure pénale avait été ouverte, relative à d'éventuelles infractions qui auraient pu être commises à l'occasion du dépôt de bilan de l'entreprise.
Votre rapporteur estime par conséquent que, s'agissant de l'accompagnement des mutations économiques, le Gouvernement actuel agit davantage en sapeur-pompier qu'en « Etat stratège », puisqu'il s'agit là de l'objectif affiché par le Premier ministre M. Jean-Pierre Raffarin dans sa lettre de mission remise au Commissaire général du Plan le 16 avril 2003. En revanche, il estime particulièrement intéressante l'idée de créer un « observatoire des mutations économiques » destiné à analyser les difficultés sectorielles et territoriales des différents domaines économiques ou industriels, permettant d'alerter le Gouvernement suffisamment en amont pour que celui-ci puisse aider une entreprise, une filière ou une région par des mesures appropriées. Cette proposition pourrait faire l'objet d'une réforme du CGP plus porteuse que celle visant à le départir de ses missions d'évaluation des politiques publiques.
Le ministère chargé de l'aménagement du territoire et les différents ministères qui concourent à cette politique semblent découvrir tardivement les difficultés liées au maintien des prestations de service public dans les régions enclavées, que ce soit en matière de service public postal, de couverture en téléphonie mobile ou d'accès aux techniques de communication et d'information à haut débit. Certains membres de la majorité annoncent la fermeture de 900 bureaux de poste ; le Gouvernement tarde à formaliser le contrat de plan avec la Poste. Et dans le même temps, ce gouvernement signe une convention visant à développer la couverture du territoire en téléphonie mobile, en se félicitant d'une participation financière de l'Etat à hauteur de 44 millions d'euros. Ces mesures contradictoires font dire à votre rapporteur que le Gouvernement actuel n'a pas de stratégie clairement établie en la matière, qu'un travail approprié du Commissariat général du Plan aurait permis de définir préalablement à tout processus de privatisation des entreprises publiques de réseau.
La recherche sur l'économie des réseaux et les conséquences de la privatisation des opérateurs dits historiques a pourtant été très importante durant les années 1990, montrant que toute ouverture à la concurrence d'un tel secteur devait être anticipée par une réflexion très précise, pour chaque réseau, sur les notions de subventions croisées, de charge d'interconnexion, de régulation des nouveaux entrants et de financement du service universel, faute de quoi le Gouvernement serait ni plus ni moins que responsable de l'éclatement du réseau, comme le rappelle Nicolas Curien dans son ouvrage de référence sur « L'Economie des réseaux » () : « Dans un contexte d'ouverture à la concurrence, cette question du « qui paye pour qui ? » revêt une importance stratégique, des écarts de coûts et tarifs ne pouvant être maintenus sans provoquer un éclatement progressif du réseau : les marchés des services qui sont la source de subventions croisées, c'est-à-dire dont les prix sont supérieurs aux coûts, sont en effet menacés d'écrémage par les entrants potentiels ».
Cet auteur note également que les secteurs des télécommunications et de l'électricité sont symboliques des difficultés qui peuvent accompagner l'ouverture à la concurrence de ces secteurs. Ainsi, au sujet des dispositions introduites par la loi n° 96-659 de réglementation des télécoms, cet auteur note que « dans le secteur français des télécommunications, les pouvoirs de l'ART sont limités à l'instruction des dossiers pour l'attribution des licences importantes, qui est en définitive arrêtée par le ministre. Cette disposition traduit en partie l'absence de doctrine qui prévalait, au moment de l'établissement de la loi de réglementation des télécoms, quant au rôle qu'il était souhaitable d'accorder au contrôle des licences dans la régulation des marchés ». Il note par ailleurs que « la séparation des responsabilités respectivement dévolues à l'ART et au Gouvernement a été la source de tensions récurrentes entre l'Autorité et le ministre chargé des télécommunications, qui pourraient à terme fragiliser l'édifice mis en place ».
Enfin, cet auteur souligne les difficultés techniques liées au maintien du service universel une fois que l'on s'est engagé dans l'ouverture à la concurrence, ce que semblent confirmer les mesures contradictoires évoquées précédemment, entre désengagement de l'Etat et intervention financière en faveur de l'aménagement du territoire. Notant la spécificité du modèle français, dans lequel les entreprises publiques sont devenues des instruments utilisés par l'Etat à des fins de politique sociale, industrielle ou conjoncturelle, il distingue les missions d'intérêt général, qui relèvent du budget des Etats, et les missions de service universel, anciennement financées par des subventions croisées et pouvant justifier la préservation d'un secteur réservé ou la mise en place d'un système de compensation associant les autres acteurs de ce secteur.
Mais il évoque le coût important du service universel dans un environnement libéralisé, souvent très mal évalué par le législateur. Ainsi, suite à la loi de réglementation des télécoms, l'ART a évalué en 1997 son coût à 5 milliards de francs (760 millions d'euros), restant à la charge de l'Etat.
Votre rapporteur estime que l'ensemble de ces problématiques auraient dues être abordées par les gouvernements successifs, qui se sont engagés dans une politique de privatisation des entreprises publiques de réseaux sans analyse précise de ses conséquences en matière de régulation du réseau et surtout de maintien des services publics. Les conséquences des politiques de déréglementation en France et dans le reste du monde sont pourtant catastrophiques (coupures de courant aux Etats-Unis, chemins de fer britanniques...) alors qu'elles étaient prévisibles.
Votre rapporteur est d'avis que ces éléments auraient pesé grandement lors du vote de la loi de réglementation des télécoms, et qu'ils devraient être abordés si d'aventure le Gouvernement envisageait une ouverture du capital d'EDF. Enfin, il paraît évident que le Plan est le seul organisme apte à conseiller le Gouvernement et la Parlement sur des questions aussi techniques.
*
* *
Votre rapporteur considère donc que la nouvelle baisse des crédits destinés à la politique de planification traduit le manque d'ambition du Gouvernement à guider les dynamiques économiques plutôt qu'à se laisser guider par elles.
Il considère en outre que la nouvelle organisation du Commissariat général du Plan est inacceptable, dans la mesure où elle retire à cet organisme ses fonctions fondamentales d'évaluation des politiques publiques, sans qu'une autre instance ne se voie confier ces missions qui permettent à la Nation de comprendre les résultats de la politique menée par le Gouvernement.
Pour ces raisons, votre rapporteur émet un avis très défavorable sur les crédits du Plan pour 2004.
Lors de sa réunion du mercredi 15 octobre 2003, la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a examiné pour avis, sur le rapport de M. André Chassaigne, les crédits du Plan pour 2004.
M. André Chassaigne, rapporteur pour avis des crédits du Plan, a estimé que le budget du Plan pour 2004 traduisait, encore une fois, le renoncement du Gouvernement à réaliser une véritable politique de planification, compte tenu du fait que les crédits de paiement baissent en effet de 5 % et les autorisations de programme de 5,2 %. Cette baisse des crédits se traduira par la suppression de trois postes budgétaires, et une réduction des crédits de fonctionnement et d'études à hauteur de 720 000 euros.
Indiquant que 90 000 euros seraient versés au profit du Commissariat général du Plan (CGP) afin de financer ses crédits de vacation, il a dénoncé cette mesure destinée à permettre de recourir à des experts extérieurs au CGP, mais conduisant à une certaine forme de précarisation de l'emploi public par ailleurs vérifiée dans l'ensemble des organismes constituant le Plan, puisque le nombre de titulaires a été réduit de 6 postes depuis 2002, alors que deux postes de contractuels ont été créés.
Il s'est par ailleurs interrogé sur l'avenir réservé au Plan par le Gouvernement, sachant que le rapport de la mission d'information et de contrôle présidée par M. Georges Tron, déposé le 21 mai 2003, avait proposé de priver le CGP de ses missions d'évaluation des politiques publiques, afin de les intégrer dans une nouvelle « instance nationale de l'évaluation ».
Il a néanmoins noté que le Gouvernement n'avait que partiellement répondu à cette proposition, puisque le Premier ministre, par une lettre de mission remise au Commissaire général du Plan, avait recommandé au CGP de recentrer ses recherches sur la prospective dite « de l'Etat stratège », en retirant au CGP ses missions d'évaluation des politiques publiques, sans créer de nouvelle instance d'évaluation, ce qui prive la Nation d'un important outil de contrôle de l'action du Gouvernement.
Il s'est en outre interrogé sur le point de savoir s'il n'était pas par nature paradoxal de vouloir faire de la prospective de long terme, en étant soumis à un impératif de réactivité de court terme.
Désireux de faire également des propositions concrètes, il s'est appuyé sur une étude du CGP montrant que les pays européens étaient en train de créer ou de renforcer leurs outils de planification pour proposer de renforcer les moyens du CGP afin qu'il puisse être saisi par le Parlement, voire rattaché à lui, lorsque certaines questions techniques méritaient une étude d'experts.
Il a estimé que, de cette manière, l'Etat pourrait véritablement orienter les mutations économiques, en se comportant en « Etat stratège », selon l'expression du Premier ministre, et non pas en sapeur-pompier comme c'est le cas actuellement. Il a en effet estimé qu'en annonçant la signature d'une dizaine de « contrats de sites » au profit de régions particulièrement touchées par les restructurations industrielles ou par le retrait progressif de Giat Industrie, le Gouvernement témoignait de son incapacité à prévoir et planifier les mutations économiques territoriales, et a estimé que la création d'un véritable « observatoire des mutations économiques », proposé par le Gouvernement, pour redonner un contenu concret à sa politique de planification était sans objet puisque cet observatoire existait déjà à travers le CGP.
Notant en conclusion que le terme même de Commissariat général du Plan n'avait même pas été utilisé par le ministre, il a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du Plan pour 2004 et s'est interrogé sur les points suivants :
- quelle sera l'instance en charge de mener les missions d'évaluation des politiques publiques dont était chargé le CGP entre 1946 et 2003 ?
- Quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour améliorer son anticipation des mutations économiques des territoires ?
- Quelle est la position du Gouvernement à l'égard d'un éventuel rapprochement du CGP du Parlement, dont il deviendrait l'outil d'expertise propre à assurer la qualité de sa mission de contrôle du Gouvernement ?
Le président Patrick Ollier a noté que de nombreuses remarques émises par le rapporteur pour avis sur les crédits du Plan étaient de bon sens, mais a souligné que priver le Commissariat général du Plan de son budget n'était pas la bonne solution. Il a jugé préférable d'alerter le Gouvernement sur la nécessité de faire évoluer cette institution.
M. Léonce Deprez, s'exprimant au nom du groupe UMP, faisant observer la récurrence des débats portant sur cette institution au sein de la Commission, s'est déclaré frappé par les propos de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire et a jugé qu'il serait tout à fait pertinent de rattacher à son ministère le Commissariat général du Plan. En effet, a-t-il observé, la politique d'aménagement du territoire consiste à se projeter dans l'avenir et cette instance s'inscrit dans la même logique. Il a jugé qu'une telle solution serait d'autant plus opportune que la France est entrée dans un nouveau siècle caractérisé par une forte concurrence entre territoires. Il a donc appelé ses collègues à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du Plan, tout en plaidant en faveur d'une nouvelle dynamique.
Le président Patrick Ollier a estimé que ces observations pourraient utilement être communiquées au ministre concerné lors de l'examen des crédits du Plan en séance publique et a déclaré qu'il soutiendrait une telle position.
M. François Brottes, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a annoncé que son groupe émettrait un avis défavorable à l'adoption des crédits du Plan, soulignant néanmoins qu'il souscrivait à l'analyse de M. Léonce Deprez et qu'il convenait de ne pas laisser tomber le Commissariat général du Plan en désuétude mais au contraire de le reconvertir et le dynamiser.
Le président Patrick Ollier a souligné qu'il avait toujours été défavorable, à titre personnel, à une fusion de la DATAR et du Commissariat général du Plan, la première inscrivant son action dans l'espace et le second dans le temps. Il a estimé qu'une fusion de ces deux structures comporterait plus d'inconvénients que d'avantages. Il a réitéré son souhait que lors de l'examen du projet de budget en séance publique, il soit demandé au ministre de maintenir les moyens du Commissariat général du Plan et d'accompagner la mutation de cette instance.
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Contrairement aux conclusions de M. André Chassaigne, rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du Plan pour 2004.
N° 1112 tome 17 : Avis de M. André Chasseigne sur le projet de loi de finances pour 2004 : Plan
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() Rapport d'information AN n° 876 de M. Georges Tron relatif aux organismes d'évaluation et de prospective économique et sociales, 21 mai 2003.
() Rapport d'information AN n°876 de M. Georges Tron relatif aux organismes d'évaluation et de prospective économique et sociales, 21 mai 2003
() Nicolas CURIEN, « L'Économie des réseaux », 2000. Cet ouvrage est un travail de vulgarisation d'une étude de référence du même auteur, intitulée « Réseaux de communication, marchés et territoire », réalisée en 1996. Rappelons par ailleurs que M. Nicolas Curien, ancien élève de l'École polytechnique et ingénieur en chef des télécommunications, est professeur d'économie au Conservatoire national des arts et métiers, membre de la Commission supérieure du service public des Postes et Télécommunications, et spécialiste reconnu au niveau européen dans ce domaine.