N° 1113

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2003

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2004 (n° 1093),

TOME I

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

AFFAIRES EUROPÉENNES

(ARTICLE 41 : ÉVALUATION DU PRÉLÈVEMENT OPÉRÉ SUR LES RECETTES DE L'ÉTAT AU TITRE DE LA PARTICIPATION DE LA FRANCE AU BUDGET DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES)

PAR M. ROLAND BLUM,

Député

--

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LE PREMIER BUDGET DE L'EUROPE ÉLARGIE 7

II - LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DE L'UNION 25

III - LA CONVENTION EUROPEENNE : RÉSULTATS QUANT
      À LA PESC ET LA PESD
35

CONCLUSION 41

EXAMEN EN COMMISSION 43

ANNEXE 49

Mesdames, Messieurs,

Le Conseil de l'Union européenne a adopté en première lecture, le 16 juillet 2003, le projet de budget de budget communautaire pour 2004. Ce projet de budget s'élève à 111,9 milliards d'euros en crédits d'engagement (+12,3%) et 100,1 milliards d'euros en crédits de paiement (+2,7%).

Votre Rapporteur souligne que le présent projet de budget est le premier de l'Europe élargie. L'adhésion des dix nouveaux Etats membres prenant officiellement effet le 1er mai 2004, le projet de budget comporte deux phases : une première phase prévue pour les Quinze, dans laquelle les dépenses consacrées à ces dix pays figurent dans la rubrique « pré-adhésion », puis une seconde phase, dans laquelle ces dépenses rejoignent les rubriques des politiques internes de l'Union.

L'adaptation du budget communautaire à l'élargissement s'est s'effectuée dans le plein respect des perspectives financières adoptées par les institutions européennes au Conseil européen de Berlin en 1999. Pourtant, cet accord, qui établissait un plafond de dépenses pour les années 2000 à 2006, prévoyait un élargissement à six nouveaux Etats, et non à dix comme c'est aujourd'hui le cas.

Le projet de budget est issu de plusieurs étapes : l'accord franco-allemand au Conseil européen de Bruxelles en octobre 2002, puis le « paquet » financier adopté à ce même Conseil européen, enfin, l'accord conclu avec les pays candidats lors du Conseil européen de Copenhague, réuni les 12 et 13 décembre 2002.

Comment a-t-on pu faire face aux dépenses afférentes à une Europe à vingt-cinq dans un budget prévu pour vingt-et-un ? Plusieurs faits, que Votre Rapporteur exposera, l'expliquent.

Le surcoût de dépenses est compensé par d'autres facteurs, parmi lesquels la sous-consommation de nombreux crédits par les Quinze Etats membres et les dix pays candidats. En outre, s'il est prévu une application pleine et entière de la politique régionale aux nouveaux membres, cela n'est pas le cas pour la politique agricole, dont les dépenses à destination des dix nouveaux membres vont connaître une montée en puissance progressive.

Votre Rapporteur conçoit cependant certaines inquiétudes sur l'impact financier de l'élargissement, se demandant s'il n'est pas sous-évalué si on se réfère au coût qu'a représenté l'aide pour la remise à niveau des nouveaux Länder pour l'Allemagne. La situation n'est pas semblable évidemment, néanmoins l'Union devra aider les nouveaux membres, dont le PIB par habitant est inférieur de 40% à la moyenne communautaire, à effectuer leur transition.

Le PIB par habitant des futurs membres varie en effet de 74% de la moyenne des Quinze (Chypre) à 33% pour la Lettonie. Ces pays connaissent un grand besoin d'infrastructures pour effectuer leur rattrapage au niveau du marché européen dans le domaine des transports et réseaux (eau potable, assainissement par exemple), de la protection de l'environnement ou de la mise en _uvre des normes de qualité, par exemple.

L'Union européenne devra participer à cette mise à niveau au moyen de sa politique régionale, et en particulier par sa composante sociale (aides du Fonds social européen). Or, à politiques constantes - agriculture et fonds structurels notamment- ces actions pourraient entraîner une augmentation rapide du volume du budget européen, de l'ordre de 40% entre 2004 et 2013, cette hypothèse devant être ajustée en fonction de la mise en place de la nouvelle politique agricole commune. En outre, cette prévision ne prend pas en compte l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie.

Les Quinze actuels membres semblent donner leur préférence à un maintien du budget communautaire dans son volume actuel. Pourtant, il faudra bien financer, dans les nouveaux Etats membres, les politiques dont ont bénéficié les Etats qui ont rejoint l'Union à l'occasion des précédents élargissements. Et ces financements devront conserver un impact significatif sur le développement des régions aidées.

La contribution française au budget s'établit à 16,4 milliards d'euros. Ce prélèvement reste stable par rapport au prélèvement qui devrait être effectivement réalisé pour 2003.

I - LE PREMIER BUDGET DE L'EUROPE ÉLARGIE

A - L'adaptation du budget de l'Union à l'élargissement

L'Union européenne doit intégrer dix nouveaux Etats membres le 1er mai 2004. Cela implique une adaptation exceptionnelle de la procédure budgétaire. Le budget est tout d'abord négocié et adopté sur la base d'une Union à Quinze. Puis, conformément au Traité d'Athènes, un budget rectificatif et supplémentaire devra être adopté et entrer en vigueur au 1er mai pour inscrire tant les crédits supplémentaires en dépenses que les ressources nouvelles en recettes.

Afin de faciliter le déroulement de ces étapes et d'éviter de nouveaux débats en 2004, la Commission européenne a présenté un avant-projet de budget à 25 en distinguant le budget à 15, qui sera adopté cette fin d'année, et les crédits relevant de l'élargissement, sur lesquels les autorités budgétaires se mettront d'accord politiquement, l'adoption formelle devant avoir lieu en 2004 sans nouveaux débats.

1) Le cadre financier de l'Union à quinze : un budget de stagnation

La Commission proposait dans son avant-projet de budget présenté le 30 avril une augmentation modeste des crédits de paiement malgré l'élargissement : 3,3% d'augmentation pour les dépenses de l'Europe à 25.

Pour l'Europe des Quinze, la Commission proposait un budget de 99,8 milliards d'euros en crédits d'engagement (+0,2%) et 95 milliards d'euros en crédits de paiement (-2,5%).

Cette stagnation des engagements pour l'Europe des Quinze s'explique par une modération de la dépense agricole, par la croissance limitée des dépenses des fonds structurels et, enfin, par la diminution de 51% des engagements pour les aides de préadhésion. En effet, ces aides prennent fin le 31 décembre 2003, même si les paiements se poursuivent jusqu'à l'achèvement des programmes.

La proposition de la Commission s'est donc inscrite cette année dans le strict respect des perspectives financières pluriannuelles de l'Union, marquant un choix de rigueur pour la deuxième année consécutive. En outre, la Commission n'a pas même sollicité le recours à l'instrument de flexibilité de 200 millions d'euros qu'elle avait voulu mobiliser l'année dernière pour faire face aux dépenses administratives liées à l'adhésion.

Le Conseil réuni le 16 juillet 2003 s'est, en toute logique, félicité du respect par la Commission des limites posées par le Conseil européen de Copenhague. Il a procédé à des économies de paiement supplémentaires, estimant les prévisions de la Commission encore surévaluées pour ce qui concerne l'agriculture, certaines initiatives communautaires relevant de la politique régionale ainsi que pour les aides de préadhésion. Il a également accru les marges disponibles sous les plafonds de plusieurs rubriques pour faire face à des besoins imprévus : ajoutant 60 millions d'euros pour les actions extérieures, par exemple.

En fin de compte, le projet de budget pour 2004 s'établit à 111,9 milliards d'euros en crédits d'engagement (+12,3%) et 100,1 milliards d'euros en crédits de paiement (+2,7%).

2) Le cadre financier de l'Union à vingt-cinq : le coût de l'élargissement

Les perspectives financières arrêtées en 1999 avaient inclus des enveloppes importantes destinées au financement de l'élargissement : environ 58 milliards d'euros en crédits d'engagements et 45 milliards en crédits de paiement sur une période commençant en 2002, qui était alors la date prévue pour les premières adhésions, avec une montée en puissance des crédits jusqu'en 2006.

L'adaptation de ces données était prévue : elle a eu lieu, en avril 2003, sur la base d'un accord global intervenu au Conseil européen de Copenhague de décembre 2002. Cet accord a été obtenu après une année entière de difficiles négociations entre les Quinze, et aussi entre l'Union et les pays candidats.

Sans décrire ici les différents moments de cette négociation, on rappellera que la principale difficulté était de financer chez les nouveaux Etats membres, dès 2004, les aides directes agricoles, le renforcement de l'aide au développement rural ainsi que les programmes de développement régional au moyen des fonds structurels. L'Allemagne refusait l'extension des aides directes à taux plein aux pays candidats. La France considérait que la définition de la PAC impliquait une obligation d'en assurer le financement, même au prix d'un dépassement du plafond des crédits pour paiements.

Trouver une solution à cette difficulté supposait un accord entre la France et l'Allemagne. Cet accord a été élaboré au Conseil européen de Bruxelles, les 24 et 25 octobre 2002.

En ce qui concerne les dépenses agricoles, volet le plus délicat des négociations, l'Allemagne a accepté le versement des aides directes agricoles aux candidats sur la base d'une montée en puissance des aides, allant de 25% en 2004 à 100% en 2013 (« phasing in »). La France a accepté la stabilisation des dépenses de marché et des paiements directs à vingt-cinq, de 2007 à 2013, au niveau du plafond de 2006, soit 45,306 milliards d'euros, majoré d'un taux d'inflation de 1% par an.

Enfin, les deux pays ont demandé, et obtenu des Quinze, une limitation de l'enveloppe des fonds structurels à 23 milliards d'euros.

Cet accord franco-allemand a permis aux Quinze de présenter aux nouveaux membres un « paquet » financier, tout en laissant à la Présidence danoise une marge de manoeuvre pour clore la négociation avec ces dix pays.

L'accord finalement conclu porte sur une enveloppe globale de 40,853 milliards d'euros en crédits d'engagement et 25,143 milliards d'euros en crédits de paiement pour le financement de l'adhésion des dix nouveaux membres de 2004 à 2006, (soit une diminution de 18 milliards en crédits d'engagement par rapport aux prévisions de 1999).

Le coût total du « paquet » de Copenhague est plus élevé que les montants inscrits en annexe de l'Acte d'adhésion des nouveaux membres (annexe XV). La raison en est que la date prévue pour l'adhésion a été initialement fixée au 1er janvier 2004, or elle est reportée au 1er mai pour donner un délai suffisant aux ratifications du traité d'Athènes. Toutefois, les dix nouveaux membres percevront les aides prévues sur douze mois, mais ne verseront leur contribution au budget communautaire qu'au prorata de huit mois. En comptabilisant cette perte de recettes communautaires évaluée à 1,6 milliards d'euros, on aboutit à un « paquet final » de 42,5 milliards d'euros.

En conclusion, ce paquet atteint exactement le plafond des dépenses pour l'élargissement fixé à 42,59 milliards d'euros à Berlin en 1999 pour la période 2004-2006.

Les Etats membres principaux contributeurs au budget de l'Union ont pu être satisfaits, puisque le cadre budgétaire déjà ancien a « résisté » à des données nouvelles, à savoir l'adhésion de dix nouveaux Etats au lieu de six.

Les perspectives financières adaptées pour l'Union à 25 sont récapitulées dans le tableau suivant :

Perspectives financières de l'Union pour les années 2000-2006

(en millions d'euros, en prix courants pour les cinq premières années,

prix 2004 pour les suivantes)

CREDITS POUR ENGAGEMENTS

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

1. AGRICULTURE

Dépenses PAC (à l'exclusion du développement rural)

Développement rural et les mesures d'accompagnement

41 738

35 352

4 386

44 530

40 035

4 495

46 587

41 992

4 595

47 378

42 680

4 698

49 305

42 769

6 536

50 431

43 724

6 707

50 575

43 735

6 840

2. ACTIONS STRUCTURELLES

Fonds structurels

Fonds de cohésion

32 678

30 019

2 659

32 720

30 005

2 715

33 638

30 849

2 789

33 968

31 129

2 839

41 035

35 353

5 682

41 685

36 517

5 168

42 932

37 028

5 904

3. POLITIQUES INTERNES

6 031

6 272

6 558

6 796

8 722

8 967

9 093

4. ACTIONS EXTERIEURES

4 627

4 735

4 873

4 972

5 082

5 093

5 104

5. ADMINISTRATION (1)

4 638

4 776

5 012

5 211

5 983

6 154

6 325

6. RESERVES

Réserve monétaire

Réserve pour aides d'urgence

Réserve pour garantie de prêts

906

500

203

203

916

500

208

208

676

250

213

213

434

0

217

217

442

0

221

221

442

0

221

221

442

0

221

221

7. AIDES DE PRE-ADHESION

Agriculture (SAPARD)

Instruments structurels de pré-adhésion (ISPA)

PHARE (pays candidats)

3 174

529

1 058

1 587

3 240

540

1 080

1 620

3 328

555

1 109

1 664

3 386

564

1 129

1 693

3 455

3 455

3 455

8. COMPENSATION

       

1 410

1 299

1 041

TOTAL DES CREDITS POUR ENGAGEMENTS

93 792

97 189

107 672

102 145

115 434

117 526

118 967

TOTAL DES CREDITS POUR PAIEMENTS - UE à 15

91 322

94 730

100 078

102 767

111 380

112 260

114 740

Plafond de crédits pour paiements en % du RNB (SEC 95)

Marge pour imprévus

Plafond des ressources propres

1,07%

0,17%

1,24%

1,08%

0,16%

1,24%

1,11%

0,13%

1,24%

1,10%

0,15%

1,24%

1,08%

0,16%

1,24%

1,06%

0,18%

1,24%

1,06%

0,18%

1,24%

(1) S'agissant des dépenses de pensions, les montants pris en compte sous le plafond de cette rubrique sont calculés nets des contributions du personnel au régime

Source : Commission européenne

3) L'équilibre du « paquet » financier adopté à Copenhague

Pendant la négociation d'adhésion, plusieurs pays candidats avaient fait état des difficultés budgétaires qu'ils rencontreraient du fait de l'impact du paiement intégral de leur contribution, alors que certaines aides ne seraient versées que progressivement. Quatre pays ont protesté contre le risque d'être contributeurs nets au budget dès leur adhésion, ce qui pourrait être mal compris par leur opinion publique.

Ces demandes ont eu pour conséquence les concessions suivantes de la part des Quinze :

- une « facilité de trésorerie » de 2,398 milliards d'euros pour 2004-2006, versée au budget national pour atténuer l'impact de la contribution au budget communautaire ;

- une compensation budgétaire dégressive de 987 millions d'euros de 2004 à 2006 pour éviter à Chypre, à la République tchèque, à Malte et à la Slovénie d'être contributeurs nets dès leur adhésion.

Trois types de mesures spécifiques ont également été décidées :

- une facilité de renforcement institutionnel, dénommée "facilité transitoire" (prévue par l'article 34 de l'Acte d'adhésion). Elle est dotée de 380 millions d'euros de 2004 à 2006. Il s'agit de poursuivre le renforcement des capacités administratives des dix nouveaux membres en prenant le relais des actions financées jusque là sur les crédits de pré-adhésion PHARE (en effet, les engagements au titre de PHARE, ISPA et SAPARD seront arrêtés le 31 décembre 2003. La France a obtenu que cette facilité couvre les domaines de la justice et des affaires intérieures (notamment les contrôles aux frontières extérieures, le renforcement du système judiciaire et la lutte contre la corruption), la sécurité alimentaire et la protection des intérêts financiers de la Communauté.

- une « facilité Schengen » dotée de 858 M€ de 2004 à 2006, destinée à renforcer les contrôles aux futures frontières extérieures de l'Union, ainsi que l'application dès l'adhésion d'une partie des dispositions de l'acquis de Schengen. Cette facilité concerne les pays adhérents qui auront à surveiller une frontière extérieure terrestre de l'Union dès l'adhésion, c'est à dire tous sauf la République tchèque, Chypre et Malte.

- une facilité nucléaire de 375 M€ de 2004 à 2006 pour le démantèlement des centrales nucléaires d'Ignalina en Lituanie (285 M€) et Bohunice V1 en Slovaquie (90 M€).

Le montant des crédits d'engagement fixés pour la fin de la période pluriannuelle, soit 2004 à 2006, figure dans le tableau suivant.

Crédits d'engagement maximaux liés à l'élargissement

Pour les dix nouveaux Etats membres

 
 

2004

2005

2006

Rubrique 1: Agriculture

1 897

3 747

4 147

dont:

1a - Politique agricole commune

1b - Développement rural

327

1 570

2 032

1 715

2 322

1 825

Rubrique 2: Actions structurelles

6 070

6 907

8 770

dont:

Fonds structurels

Fonds de cohésion

3 453

2 617

4 755

2 152

5 948

2 822

Rubrique 3: Politiques internes et dépenses transitoires

1 457

1 428

1 372

dont:

Politiques existantes

Facilité de sûreté nucléaire (Lituanie et Slovaquie)

Facilité de renforcement institutionnel

Facilité Schengen

846

125

200

286

881

125

120

302

916

125

60

271

Rubrique 5: Dépenses administratives

503

558

612

Compensations budgétaires

1 273

1 173

940

Total maximal des CE

11 200

13 813

15 840

Plafonds de Berlin

11 610

14 200

16 780

Marge

410

403

924

(en millions d'euros - prix 1999)

Le coût de l'élargissement est donc de 40,9 milliards d'euros en crédits d'engagement et le montant des crédits de paiement destinés aux nouveaux Etats membres s'élève à 27,875 milliards d'euros pour les trois années 2004 à 2006 (au prix 1999, soit 33,4 Mds d'euros en prix courants). Ces paiements seront consacrés pour environ 2 milliards à l'agriculture et 23 milliards à la politique régionale.

B - Un projet de budget prenant en compte les excédents des exécutions précédentes

Le projet de budget, tel qu'il s'appliquera aux vingt-cinq Etats membres à partir du 1er mai 2004, est présenté dans le tableau ci-dessous. Les autres éléments - projet de budget à Quinze et dépenses d'élargissement - se rapportant au quatre premiers mois de l'année 2004 sont joints en annexe au présent rapport.

Budget communautaire 2004 - Union européenne à 25

En millions d'euros


Rubriques


CE


CP

Evolution 2003/2004
CE

Evolution 2003/2004
CP

Marge sous plafond des perspectives financières

Agriculture

44.713

46.625

+ 6,6 %

+ 6,6 %

1.591,2

Actions structurelles


41.035


30.522


+ 20,8 %


- 8,0 %

0

Politiques internes


8.608


7.474


+ 26,8 %


+ 20,6 %


113,4

Actions extérieures


4.936


4.764


+ 2,7 %


+ 1,5 %


145,9

Administration

6.028,5

6.028,5

+ 12,5 %

+ 12,5 %

128,5

Réserves

442

442

+ 1,8 %

+ 1,8 %

0

Aide à la pré-adhésion


1.732


2.856


- 51,0 %


- 0,2 %


1.722

Compensations

1.409,5

1.409,5

   

0,5


TOTAL


111.906


100.123


+ 12,3 %


+ 2,7 %


3 702

1) La politique agricole

Le projet de budget prévoit une progression de 6,6% des dépenses agricoles en crédits de paiement. Il se distingue peu de l'avant-projet de la Commission : le Conseil a cependant effectué une coupe de 160 millions d'euros sur les dépenses de marché afin de disposer d'une marge plus importante en cas de crise agricole. La France aurait souhaité le maintien de crédits plus importants pour ces dépenses.

En fait, l'exécution des dépenses agricoles en 2002 a connu, comme en 2001, une sous-exécution portant sur 3% des crédits, soit 1 milliard d'euros. Elle concerne surtout les dépenses de marché : reprise du secteur de la viande bovine, par exemple, qui a diminué les besoins d'intervention, ou encore faible consommation des sommes inscrites pour la compensation des pertes liées à la crises de la fièvre aphteuse en Grande-Bretagne. Les dépenses de développement rural ont eu un taux de consommation de 95%. L'exercice 2003 pourrait connaître une plus forte consommation des crédits, puisque les conséquences de la sécheresse, par exemple, ne sont pas encore chiffrées.

L'augmentation de 6,5% de la dépense agricole prévue pour 2004 - soit 2,9 milliards d'euros - correspond exclusivement à l'intégration des nouveaux Etats membres. L'accord de Copenhague ayant décidé la mise en _uvre progressive des aides directes de la PAC, les nouveaux membres recevront en 2004 (l'impact a lieu sur le budget 2005) 25% du montant des aides accordées aux Quinse, le versement à taux plein étant atteint en 2013.

On soulignera que ces pays pourront compléter ces aides agricoles par des crédits nationaux, et également par des crédits communautaires pris sur l'enveloppe consacrée au développement rural. C'est cette enveloppe qui jouera le rôle principal pour réaliser l'intégration agricole des dix nouveaux membres.

2) La politique régionale

Le Conseil européen de Copenhague de décembre 2002 a voulu réaffirmer la priorité accordée à la cohésion économique et sociale de l'Union, en augmentant significativement l'enveloppe de la politique régionale pour 2004-2006, de façon à la mettre en _uvre dans les dix nouveaux Etats membres.

Le budget de la politique régionale devrait connaître une augmentation de 20,8% en crédits d'engagement, destinée aux nouveaux membres (la hausse des crédits d'engagement ne concerne les Quinze que pour 1%), et une baisse de 8% en crédits de paiement.

On soulignera que de nombreuses régions des nouveaux pays membres seront éligibles à l'objectif 1 de la politique régionale, visant les régions en retard de développement. Cet objectif regroupait 22% de la population de l'Union à quinze, et concernera dorénavant 34,5% de la population de l'Union à vingt-cinq. Le Conseil européen a augmenté de 26% la dotation des fonds structurels au profit de cet objectif. De même, le fonds de cohésion a vu sa dotation augmenter de 18 à 25 milliards d'euros pour financer des grands projets d'infrastructure de transports ou dans le domaine de l'environnement.

Les actions structurelles souffrent toujours d'une sous-consommation des crédits : 71% seulement des crédits ont été consommés en 2002. Les engagements restant à liquider s'élèvent au total à 60 milliards d'euros pour les fonds structurels, dont une partie risque d'être annulée sous l'effet de l'application de la règle de dégagement d'office. Le taux de réalisation des paiements atteint, pour la France, 73,8%, ce qui place notre pays en onzième position. Mais ce taux de consommation n'est que de 30% pour les régions les plus en retard : Martinique, Centre et Nord-Pas-de Calais notamment pour l'utilisation des crédits du Fonds social européen. La France risque donc de perdre une part des aides qui lui ont été attribuées au titre des années 2000 et 2001.

Enfin, on mentionnera que le fonds de solidarité, créé en 2002, a reçu une enveloppe de 728 millions d'euros afin de financer des actions d'urgence à la suite des inondations de 2002. La France n'y a pas été éligible, les dommages subis n'étant pas aussi importants que ceux subis par les pays d'Europe centrale. Pour 2003, la Commission a annoncé une aide au Portugal touché par les incendies ; la France a sollicité ce fonds à ce titre également.

3) Les politiques internes

Le plafond des dépenses de cette rubrique du budget a été augmenté de 4,7 milliards d'euros sur la période 2004-2006, afin de tenir compte de l'adhésion des nouveaux Etats membres. Ce montant inclut l'enveloppe supplémentaire de 0,48 Md d'euros obtenue par le Parlement européen, au-delà des montants arrêtés à Copenhague.

Le projet de budget du Conseil retient pour cette rubrique un montant de 8,6 milliards d'euros en crédits d'engagement et 7,4 milliards d'euros en crédits de paiement. La forte augmentation des crédits d'engagement (+ 1,8 milliard soit + 26,7 %) et celle, corrélative, des crédits de paiement, sont liées essentiellement à l'impact de l'élargissement.

Cette dotation permet l'extension des programmes existants aux dix nouveaux Etats membres (979 millions d'euros) et le financement d'actions spécifiques (654 millions) pour l'adaptation aux critères d'adhésion à l'espace Schengen, pour la sûreté nucléaire et le renforcement des capacités institutionnelles. Il prend en compte le financement des priorités du Conseil, notamment le renforcement des actions relatives au contrôle des frontières extérieures (programme ARGO : + 15 M€), suite aux conclusions du Conseil européen de Thessalonique.

La politique des réseaux transeuropéens pourrait connaître un nouvel élan - dont la traduction budgétaire reste à définir - sous la Présidence italienne.

Celle-ci devrait en effet faire de la relance de la politique des réseaux transeuropéens l'une de ses priorités. Elle s'appuie notamment sur le rapport préparé à la demande de la Commission par un groupe d'experts dirigé par Karel Van Miert, ancien Commissaire européen à la concurrence.

Ce groupe a rendu fin juin 2003 un rapport faisant le point sur les grands travaux lancés au Conseil européen d'Essen (1994) et concluant à la nécessité d'accélérer la mise en place d'un réseau transeuropéen de transports. Le rapport retient ainsi une série de projets d'infrastructures prioritaires sur la période 2004-2020, pour un volume d'investissements estimé à 257 milliards d'euros, dont au moins 32 pour la partie française. Leur financement reposerait sur différentes sources : outre un appel aux Etats membres et au budget communautaire, le rapport met surtout l'accent sur le développement des partenariats public-privé et sur le rôle de la Banque européenne d'investissement, au travers de nouveaux instruments à définir.

Parallèlement, la Présidence italienne a proposé une « initiative européenne de croissance » axée essentiellement sur de grands travaux d'infrastructure. Le Conseil européen de Thessalonique, en juin 2003, a approuvé cette initiative, demandant la poursuite de la réflexion. Le champ exact de cette initiative et son cadrage financier (la présidence italienne avançant le chiffre de 0,5 à 1,0 % du PIB européen sur une période non définie) restent toutefois à déterminer.

Un rapport est attendu en vue du Conseil ECOFIN du 25 novembre et de la réunion du Conseil européen des 12 et 13 décembre 2003. L'analyse portera sur l'impact économique d'une telle initiative.

Une partie de la rubrique 3 (2,4 % dans le projet de budget 2004 de l'Union à quinze est consacrée à la justice et aux affaires intérieures (JAI). Ceci est une conséquence de l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, qui a prévu la communautarisation d'une partie du troisième pilier relatif à la justice et aux affaires intérieures, et l'intégration sous cette rubrique de l'acquis de Schengen. Ainsi, le budget communautaire finance Eurojust, nouvelle unité de procureurs, magistrats ou officiers de police des États membres créée pour renforcer la coopération judiciaire entre Etats membres, notamment dans la lutte contre les formes graves de criminalité organisée. Ces dépenses sont appelées à croître dans les prochaines années en raison de la priorité accordée par le Conseil à l'élaboration d'une politique commune en matière d'asile et d'immigration, comme il relève des conclusions du Conseil européen de Thessalonique.

4) Les dépenses administratives

Les dépenses administratives sont d'une importance comparable à celles des politiques internes et des actions extérieures. Depuis une vingtaine d'années, elles ont fortement augmenté, au rythme des différents élargissements et de la création de nouvelles institutions, passant de 501,6 millions d'écus en 1977 à 5,3 milliards d'euros dans le budget 2003. Dans le même temps, les effectifs ont connu une très forte progression, passant de 14 728 à 32 966 agents.

Les dépenses de cette rubrique vont enregistrer un nouveau ressaut avec l'élargissement de 2004. Les perspectives financières adaptées à Copenhague pour l'Union à 25 ont prévu une enveloppe spécifique pour financer les besoins à ce titre : 503 M€ en 2004, 558 M€ en 2005 et 612 M€ en 2006 (en prix 1999).

Le Conseil s'est efforcé de dégager une position permettant de couvrir de manière prioritaire les besoins liés à l'élargissement, tout en préservant les conditions d'une évolution maîtrisée de la dépense. Le projet de budget a été fixé par le Conseil à 6 milliards d'euros soit une augmentation de 12,5 % par rapport au budget 2003.

Il est construit sur les bases suivantes :

- la progression des dépenses courantes hors élargissement est limitée à 2,7 % ; les créations d'emplois non liées à l'élargissement et les revalorisations d'emplois sont écartées, sous réserve de quelques exceptions (20 emplois pour le Conseil et 3 pour le Médiateur) ; l'économie attendue sur les dépenses de personnel grâce à la réforme statutaire en cours est évaluée à 13 M€ ;

- les besoins en fonctionnement et en investissement découlant de l'élargissement sont satisfaits. Le projet de budget prévoit la création de 1 688 emplois ; toutes les demandes en postes de linguistes ont été retenues en priorité. Ces créations bénéficient proportionnellement plus aux « petites » institutions, celles-ci disposant d'une souplesse d'organisation et d'une capacité de redéploiement plus limitées.

5) Les aides de préadhésion

L'exercice 2004 est pour la rubrique 7 un exercice charnière, dans la mesure où les aides consacrées aux dix nouveaux membres vont disparaître de cette rubrique :

- les crédits d'engagement de SAPARD, ISPA et PHARE sont réduits de plus de moitié pour tenir compte de l'adhésion de dix candidats sur les douze qui bénéficiaient de ces programmes en 2003 ;

- les dotations en faveur de la Roumanie et de la Bulgarie sont substantiellement accrues conformément aux conclusions du Conseil européen de Copenhague.

Le Conseil européen de Copenhague a décidé de transférer les crédits d'aide à la Turquie, figurant dans la rubrique 4 des actions extérieures, vers la rubrique 7 de la préadhésion. Ces crédits sont augmentés de façon significative : ils passent de 149 M€ en 2003 à 242 M€ pour 2004 en crédits d'engagement, soit une augmentation de 63%.

Votre Rapporteur tient à souligner qu'il ne peut comprendre une telle décision, qui lui paraît céder à la facilité. Même si la candidature de la Turquie a été acceptée, ce pays ne satisfait pas aux critères de Copenhague et même si cela était le cas, l'éventualité de son adhésion reste sujette à de grande dissensions au sein de l'Union.

C - La place de la France dans le budget communautaire

1) Les contributions des Etats membres

Le tableau suivant représente la part relative de chaque Etat membres dans le financement du budget communautaire. Les taux de contribution indiqués ne sont pas totalement représentatifs, car les nouveaux membres ne paieront, comme on l'a déjà souligné, que huit mois de contribution, à partir de leur adhésion le 1er mai 2004.

Part relative de chaque État membre dans le financement du budget communautaire (%)

 

1999 (1)

2000 (2)

2001 (2)

2002 (3)

2003 (4)

2004 (5)

Belgique

3,9

3,9

4,4

4,0

4,0

3,8

Danemark

2,0

1,9

2,2

2,1

2,2

2,1

Allemagne

25,5

24,8

24,4

23,3

22,9

22,1

Grèce

1,6

1,5

1,7

1,7

1,8

1,8

Espagne

7,6

7,3

8,2

8,2

8,6

8,3

France

17,0

16,5

17,9

17,7

17,9

17,0

Irlande

1,3

1,2

1,5

1,3

1,3

1,3

Italie

13,0

12,5

14,4

14,4

14,2

13,8

Luxembourg

0,2

0,2

0,3

0,2

0,2

0,2

Pays-Bas

6,2

6,2

6,8

6,1

5,8

5,5

Autriche

2,5

2,4

2,6

2,3

2,3

2,2

Portugal

1,5

1,4

1,6

1,5

1,5

1,5

Finlande

1,5

1,4

1,5

1,5

1,6

1,5

Suède

2,8

3,0

2,9

2,6

2,8

2,7

Royaume-Uni

13,4

15,8

9,6

13,0

12,9

13,0

République Tchèque

         

0,5

Estonie

         

0,1

Chypre

         

0,1

Lettonie

         

0,1

Lituanie

         

0,1

Hongrie

         

0,6

Malte

         

0,0

Pologne

         

1,4

Slovénie

         

0,2

Slovaquie

         

0,2

(1) Données issues des rapports annuels de la Cour des comptes européennes.

(2) Données issues du rapport de la Commission sur les dépenses réparties

(3) Chiffres budget 2002 modifié hors restitution des frais de perception 2001

(4) Chiffres budget 2003 modifié

(5) Avant projet de budget pour 2004

La contribution des nouveaux Etats membres peut être estimée à 3,1 milliards d'euros en 2004.

2) La stabilité de la contribution française malgré l'élargissement

Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne est évalué à 16,4 milliards d'euros en 2004. Cette estimation repose sur le projet de budget adopté en première lecture par le Conseil, mais avec des correctifs apportés afin de tenir compte de variations prévisibles en exécution. Ainsi par exemple, un report de solde excédentaire de l'exercice 2003 est anticipé : ce solde est évalué à 6 milliards d'euros qui viendront réduire la ressource PNB due par la France en 2004 de 980 millions d'euros par rapport à ce que la France devrait en principe verser.

Au total le montant de ce prélèvement est stable par rapport à la prévision d'exécution du prélèvement sur recettes pour 2003, bien que le budget des Communautés pour 2004 soit le premier budget à vingt- cinq Etats membres. Cette stabilité s'explique d'abord par le fait que l'élargissement n'a encore qu'un impact limité sur les crédits de paiement inscrits au budget (5 milliards soit 5% du total, contre 11 milliards d'engagements), partiellement compensé par la réduction des crédits de paiement à quinze (-3,1%, cette baisse étant due à la forte réduction des CP des fonds structurels) ainsi que par le fait que les nouveaux États membres contribueront dès mai 2004 au budget de l'Union.

3) La France bénéficiaire des politiques communautaires

Deux catégories de dépenses constituent la plus grande part des versements de l'Union européenne à la France : en 2001, 81% des dépenses de l'Union en France proviennent du FEOGA-Garantie et 13% des fonds structurels.

En 2002, la France a bénéficié de 22,6% des dépenses agricoles communautaires, pour un taux de contribution moyen au budget de l'Union de 17,8% cette même année. La France reste le premier bénéficiaire de la politique agricole commune, loin devant l'Allemagne (15,7%), l'Espagne (13,8 %), l'Italie (13,1%) et le Royaume-Uni (8,4%).

Le taux de retour dont la France a bénéficié en 2002, deuxième exercice concerné par la réforme de la PAC de 1999, est légèrement supérieur à 2001, année pour laquelle il était de 22,0%. En volume, le niveau des soutiens communautaires reçus par la France a progressé de 5% par rapport à 2001 (504 M€), essentiellement du fait de l'augmentation des aides directes induite par la réforme de 1999. Ceci se reflète dans un taux de retour sur les dépenses de marché passant de 22,9% en 2001 à 23,4% en 2002.

La part de financements reçue par la France au titre du développement rural, second pilier de la PAC, est de 15,1%, y compris l'impact des 21 millions d'euros dont notre pays ne bénéficiera pas du fait de la sous-exécution des mesures au titre de 2001. Cette part a progressé de 1,1 point par rapport à 2001, traduisant la montée en puissance du plan de développement rural de la France. En 2002, la France a respecté ses prévisions de dépenses, ce qui la met à l'abri d'une nouvelle pénalité, mais reste néanmoins encore en dessous de son taux de retour potentiel (17,5%) sur la base de la répartition des enveloppes décidée à Berlin.

Les financements au titre de la politique de cohésion, destinés à aider les régions européennes les plus défavorisées, sont évidemment moins favorables à la France.

Sur la période 2000-2006, les versements communautaires prévus au titre de la politique régionale au profit de la France représentent environ 6,7 % des dépenses totales (7,5 % hors fonds de cohésion). On rappellera que, pendant la programmation 1994-1999, le taux de retour français s'établissait en moyenne à 8,9 % (9,8 % hors fonds de cohésion).

Il importe de souligner dès aujourd'hui que dans le contexte de l'élargissement, qui devrait accroître massivement les disparités entre les régions et entre les Etats membres, la baisse du taux de retour français apparaît inéluctable pour la prochaine période de programmation, qui commencera en 2007. Il faut se préparer à une diminution sensible des aides à destination de notre pays, tant en valeur absolue qu'en valeur relative. Se posera alors la question d'une nouvelle articulation entre les politiques nationales d'aménagement du territoire et la politique régionale européenne.

4) L'alourdissement progressif de la contribution française

Le montant du prélèvement communautaire est passé de 4,1 milliards d'€ en 1982 à 16,4 milliards d'€ en 2004. L'année prochaine, la France devrait consacrer 6,5 % de ses recettes fiscales nettes au budget communautaire.

Votre Rapporteur avait exposé, dans son avis consacré au projet de budget 2003, quel était l'impact du nouveau système de ressources propres entré en vigueur en 2002. Il implique une évolution de la composition du prélèvement : les ressources propres traditionnelles restent stables, la ressource TVA diminue mais se trouve compensée par la ressource assise sur le PNB. En 2004, cette ressource PNB représente près de 70% des recettes du budget communautaire.

En 2003, la contribution de la France à ce titre était évaluée à 736 millions d'euros, avec un surcoût net réel de 488 millions, compte tenu de la restitution à notre pays de certains frais de perception.

La France est un pays structurellement contributeur net au budget communautaire. Pour l'année 2001, le solde net de la France s'établit à -2,7 milliards d'euros. Il s'est donc légèrement accru par rapport à l'année 2000, pour laquelle il était de 2 milliards d'euros.

La comparaison avec les autres Etats membres montre que la France est le deuxième contributeur en volume en 2001 et le deuxième bénéficiaire de la dépense communautaire. La France se place au quatrième rang des contributeurs nets, derrière l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Italie, qui figure cette fois parmi les forts contributeurs nets pour avoir sous consommé leurs dotations au titre des fonds structurels.

Si l'on rapporte les soldes nets au PNB, la France, avec l'Italie, le Danemark et la Finlande, bénéficie d'une situation médiane entre les forts contributeurs nets que sont la Suède, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Autriche et le Royaume-Uni et les bénéficiaires nets.

La situation du Royaume-Uni n'est pas significative en 2001 : ayant bénéficié au cours de cet exercice d'une importante régularisation de sa correction au titre des exercices antérieurs, il n'apparaît que faiblement contributeur net. Les données pour les années antérieures montrent cependant que le Royaume-Uni reste en tendance, même après correction, un important contributeur net au budget communautaire

Parmi les bénéficiaires nets il faut enfin distinguer d'une part le Luxembourg et la Belgique, qui accueillent les institutions communautaires et bénéficient donc de retours importants au titre des dépenses administratives, et d'autre part les pays de la cohésion (Espagne, Portugal, Grèce, Irlande) qui bénéficient largement des fonds structurels.

En conclusion, on constatera que ce projet de budget laisse une marge élevée de 0,16% sous le plafond des ressources propres fixé à 1,24% du revenu national brut communautaire, alors que le plafond des crédits pour paiements s'établit à 1,08%.

Cette rigueur appliquée à la dépense communautaire, qui devrait se maintenir en 2005 et 2006, permettra t-elle d'assumer les coûts liés à l'élargissement ? La Commission européenne présentera en novembre ses propositions sur les prochaines perspectives financières pour les années 2007 et suivantes. Elle présentera aussi son troisième rapport sur la cohésion économique et sociale de l'Union, ainsi qu'un projet de réorientation de la politique régionale après 2006. La question se posera d'une augmentation de la masse du budget communautaire pour maintenir le niveau des fonds structurels et l'impact de la politique de cohésion sur le territoire européen élargi à dix nouveaux pays. A défaut d'une réelle augmentation du budget, il pourrait être question de relever les dépenses communautaires jusqu'au plafond de 1,24%. La saturation du plafond des ressources propres représenterait alors pour la France un surcoût annuel de 3,5 milliards d'euros.

II - LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DE L'UNION

A - L'évolution générale des crédits

Cette année, comme l'année précédente, la Commission a tenu compte du problème récurrent de sous-consommation des crédits de la rubrique 4. Elle a donc proposé un budget ne remettant pas en cause les plafonds de la rubrique. Le Conseil a peu modifié la proposition de la Commission, mais a renforcé la marge disponible sous le plafond de la rubrique 4 en la portant de 86 M€ à 146 M€.

Actions extérieures : budget 2003 et projet de budget pour 2004

(en millions d'euros)

 

Budget 2003

Projet de budget

2004

Variation en % budget 2003

CE

CP

CE

CP

CE

CP

Aide alimentaire

425,6

446,8

419,0

399,6

- 1,6

- 10,6

Aide humanitaire

441,6

441,6

490,0

493,0

+ 10,9

+ 11,6

Asie

562,5

482,7

598,0

525,0

+ 6,3

+ 8,8

Amérique Latine

337,0

304,2

307,0

286,2

- 8,9

- 5,9

Afrique Australe

127,0

152,7

134,0

153,1

+ 5,5

+ 0,3

Méditerranée

753,8

599,4

839,0

662,0

+ 11,3

+ 10,4

BERD

0,0

8,4

0,0

8,4

-

0,0

Europe orientale

507,4

515,1

530,2

551,6

+ 4,5

+ 7,1

Balkans

684,6

775,0

676,9

730,2

- 1,1

- 5,6

Autres actions de coopération

505,5

485,8

498,9

489,1

- 1,3

+0,7

Démocratie et droits de l'Homme

106,0

107,5

106,0

102,0

0,0

- 5,1

Accords de pêche

192,5

197,6

194,0

200,2

+ 0,8

+1,4

Volet externe des politiques communautaires

86,4

96,3

90,3

91,0

+ 4,6

- 5,4

PESC

47,5

50,0

52,6

52,6

+ 10,7

+ 5,2

Préadhésion pays méditerranéens *

25,0

25,2

0,0

19,4

- 100

- 23,0

Réserves pour dépenses administratives

4,4

5,2

0,0

0,0

- 100,0

- 100,0

TOTAL RUBRIQUE

4 806,0

4 694,0

4 936,0

4 763,0

+2,7

+1,5

PLAFOND

4 972,0

 

5 082,0

     

Marge

166,0

 

146,0

     

* Le montant 2003 des aides versées à la Turquie sur la rubrique 4 était de 143 M€ en crédits d'engagements.

Le budget des actions extérieures ne progresse donc que faiblement : 2,7% en crédits d'engagement et 1,5% en crédits de paiement.

On rappellera que la sous-exécution affectant cette rubrique se traduit par l'accumulation d'engagements restant à liquider. Ceux-ci représentent environ 2,5 années du montant de la rubrique, avec toutefois de fortes différences selon les programmes : moins d'une année pour l'aide humanitaire, de l'ordre de quatre années de RAL pour les programmes bénéficiant à l'Asie ou à l'Amérique Latine et près de cinq ans pour la Méditerranée.

Ces engagements ont été annulés pour partie en 2001 (620 M€), aussi constate t-on une stabilisation du montant des RAL autour de 12,7 milliards. Pour autant, le ratio CP/CE reste inférieur à 100% (77% en 2000, 87% en 2001 et 2002) et explique que le montant des RAL continue de s'accroître, même si c'est de manière plus modeste (+1% entre 2001 et 2002).

L'année 2002 a toutefois été marquée par une hausse sensible de la consommation pour certains programmes traditionnellement en retard, qu'il s'agisse de MEDA (pays méditerranéens : +45%), d'ALA (+18% pour l'Asie et +19% pour l'Amérique Latine) ou de l'Afrique Australe (+20%). D'autres connaissent une évolution inverse (ainsi le programme CARDS pour les Balkans : -18% ; aide alimentaire et aide humanitaire : -15% ; TACIS : -6%) mais conservent une situation plus favorable au regard du stock de RAL.

Le Conseil a souhaité, comme l'année dernière, préserver une marge importante de 146 millions d'euros pour faire face, le cas échéant, à de nouvelles crises internationales en 2004. C'est pourquoi il a adopté pour 2004 un ensemble de diminutions des crédits d'engagements. Le montant des crédits de paiement a été adapté en conséquence (- 28 M€).

La diminution des crédits d'engagement a principalement porté sur les lignes des programmes MEDA (- 20 M€), Asie (- 12 M€), TACIS (- 8 M€), aide alimentaire (- 8 M€), mécanisme de réaction rapide (- 5 M€), Amérique latine (- 2 M€).

La rubrique PESC a été modifiée par deux transferts : 3,1 millions d'euros ont été ajoutés, en provenance du budget du Conseil (rubrique 5) pour les représentants spéciaux de l'UE et 2 millions d'euros ont été soustraits en faveur de la rubrique 4 (Balkans - administration provisoire) pour soutenir le pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-est.

La France avait souhaité une progression du budget de la PESC, afin de donner au Secrétaire général, Haut-représentant, davantage de moyens pour conduire l'action de l'Union face aux crises internationales, mais elle n'a pas été suivie par ses partenaires.

Par ailleurs, le Parlement européen, sous l'impulsion du groupe PPE, a souhaité augmenter le budget de la rubrique pour apporter une aide de 500 millions d'euros à la reconstruction en Irak. La Commission s'est opposée à ce montant jugé trop élevé, et propose une aide de 200 millions pour 2004. L'Union interviendrait cependant si certains préalables sont acquis, à savoir la sécurité des personnels européens et une gestion des aides indépendante de celle des Etats-Unis. L'Union souhaite enfin coordonner la définition des priorités de l'aide avec les autorités irakiennes.

A ce stade, votre Rapporteur souhaite insister sur certains aspects particulièrement actuels de l'action extérieure de l'Union.

B - Donner un nouvel essor au partenariat euro-méditerranéen

Le processus euro-méditerranéen avait été créé lors de la Conférence de Barcelone de 1995, dans le contexte du lancement du processus de paix du Proche-Orient.

Le processus de Barcelone est confronté aujourd'hui à des difficultés et de nouveaux défis. Le contexte actuel, après le 11 septembre, marqué par la crise de l'Irak et les incertitudes du processus de paix, l'élargissement de l'Union d'autre part, rendent nécessaire de réaffirmer notre attachement à la fois à ce cadre de dialogue et à cette forme de partenariat. De plus, les partenaires du Sud émettent des doutes sur les possibilités de réussite de ce processus, aussi faut-il de façon urgente à la fois le renforcer et lui adjoindre de nouvelles formes d'action.

L'actuelle Présidence italienne a l'ambition de faire aboutir de nouvelles mesures. La France est elle aussi attachée à ce que soient mis en place, dès le prochain sommet de Naples, les 2 et 3 décembre, des projets jugés très importants, qui pourraient permettre une véritable relance du partenariat.

C'est sur le volet politique du processus que les avancées demeurent les plus modestes. Les difficultés du processus de paix au Proche-orient, apparues dès l'origine du processus (été 1996), ont interdit d'abord l'adoption des mesures de confiance prévues à Barcelone, puis empêché la conclusion du projet de Charte euro-méditerranéenne de paix et de stabilité proposé par la France pendant sa Présidence. Toutefois, la Commission vient de lancer une initiative sur la démocratisation de la Méditerranée, avec une approche incitative sous la forme de plans d'actions sur une base volontaire, et l'octroi de crédits MEDA supplémentaires pour les pays qui s'engageraient dans cette voie.

Les résultats sur le volet économique et financier sont plus significatifs.

Des accords d'association ont été conclus avec tous les partenaires méditerranéens, le dernier étant en négociation avec la Syrie. Le démantèlement tarifaire a déjà un impact significatif sur les économies marocaine et tunisienne, et rend nécessaire une accélération des réformes dans ces pays. Reste néanmoins que le libre-échange des produits agricoles, très demandé par ces pays, n'est mentionné que comme objectif dans ces accords, qui se limitent au libre échange industriel.

En application du plan d'action de Valence (avril 2002), la Banque européenne d'investissement (BEI) a renforcé ses opérations en faveur de la Méditerranée au sein d'une nouvelle Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP), lancée en octobre 2002. Cette initiative doit permettre une progression de 40% en volume des financements de la BEI dans la région d'ici à 2006, pour atteindre 7,5 milliards d'euros contre 5,4 actuellement, et d'augmenter les ressources consacrées au secteur privé.

La FEMIP fait actuellement l'objet d'une évaluation, qui permettra de décider si cette « facilité » est maintenue, ou si l'on décide de créer une banque euro-méditerranéenne à part entière, qui pourrait être une filiale de la BEI. Ce projet doit être étroitement articulé avec le cadre euro-méditerranéen et les financements qui lui seraient consacrés doivent bien être additionnels aux crédits MEDA.

Sur le plan financier, la Commission a amélioré son rythme d'engagement et de décaissement des crédits du programme MEDA depuis la création d'Europeaid. Le taux de décaissement a atteint 90% en 2002 contre 26% à l'époque du programme MEDA I en 1995-1999.

L'intégration régionale des pays de la région ne progresse que lentement ; elle a cependant connu un progrès avec le paraphe à Amman, le 11 janvier 2003, de l'accord d'Agadir prévoyant la mise en place d'ici 2006 d'une zone de libre échange entre le Maroc, la Tunisie, la Jordanie et l'Egypte. La Commission soutiendra cette importante initiative par une assistance technique à hauteur de 4 millions d'euros.

Le volet culturel, social et humain a connu un regain d'intérêt depuis les événements du 11 septembre. A la Conférence de Crète (26-27 mai 2003), les principes directeurs du dialogue des cultures et des civilisations ont été adoptés, de même qu'un accord a été trouvé sur les objectifs et les domaines d'intervention de la future Fondation culturelle euro-méditerranéenne, dont le principe avait été établi lors de la Conférence de Valence en 2002.

La France appuie fermement la création de la Fondation pour le dialogue des cultures, considérant que ce cadre privilégié pour le dialogue euro-méditerranéen des cultures est nécessaire ; elle soutient aussi la création de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée en tant qu'instance de coordination interparlementaire, qui aurait un rôle consultatif sur le déroulement du partenariat.

Des perspectives à échéance plus lointaine se dessinent.

Des discussions sont en cours avec la Commission pour améliorer et compléter ses propositions en matière d'Etat de droit et de droits de l'homme.

La France a proposé que soit créé un comité de personnalités de haut niveau pour réfléchir à l'avenir du processus de Barcelone.

Afin de renforcer la dimension subrégionale de la coopération euro-méditerranéenne, conformément à l'objectif fixé à Marseille sous la présidence française, notre pays a lancé une initiative en faveur d'un partenariat renforcé avec le Maghreb. Il s'agirait de définir avec les trois pays du Maghreb central (Maroc, Algérie, Tunisie) des programmes et projets communs qui favoriseraient l'intégration régionale, en particulier dans le domaine des infrastructures, auxquels l'aide de l'UE (fonds MEDA associés à des prêts de la BEI) pourrait être consacrée. Les secteurs des transports, de l'énergie, des technologies de l'information voire de l'immigration pourraient être envisagés. Cette coopération sous-régionale avec le Maghreb constituerait une « expérience pilote », destinée à être généralisée, dans son principe, à l'ensemble des pays partenaires. La France souhaiterait l'adoption de cette initiative à Naples.

Enfin, on mentionnera que le Conseil européen d'Athènes a approuvé l'initiative lancée par la Commission en mars dernier sur le nouveau partenariat qui pourrait être proposé par l'Europe élargie à ses nouveaux voisins, notion qui inclut la Méditerranée. Cette nouvelle vision du continent européen et de son environnement tend à renforcer le partenariat en ouvrant aux pays voisins la perspective, à terme, d'une participation au marché intérieur et aux « quatre libertés » (libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux). En contrepartie, les Etats intéressés s'engagent dans un processus de rapprochement des législations et dans une gestion rigoureuse du partenariat.

D - L'appui européen à la stabilisation de l'Afghanistan

En 2002, l'Union aura été le principal contributeur au processus de reconstruction de l'Afghanistan : la contribution européenne consolidée s'est élevée à 850 millions d'euros, en comptabilisant les annonces de la Commission et des Etats membres. Les Etats membres ont apporté 570 millions d'euros et la Commission 280 millions (207 millions au titre de la reconstruction et 73 millions au titre de l'aide humanitaire via l'Office européen ECHO). L'engagement des Quinze a donc dépassé les 625 millions d'euros annoncés au départ.

L'aide communautaire a permis d'entreprendre des projets importants. On citera par exemple : la consolidation du système de santé (construction et modernisation de cliniques) et du système éducatif primaire, le développement rural et la réhabilitation urbaine avec création d'emplois, la réouverture de la route Kaboul-Jalabad-Torkham, des opérations de déminage, de modernisation du secteur public. L'Union veut aussi jouer un rôle dans la promotion de la société civile et des média, ainsi que dans le domaine de l'aide aux réfugiés. On notera que certaines « spécialisations » sont apparues (santé, police, gestion de l'eau pour l'Allemagne, agriculture et sécurité alimentaire pour l'Italie, sécurité et gouvernance pour le Royaume-Uni, assistance à l'armée pour la France et le Royaume-Uni), alors que les Pays-Bas et le Danemark apportent une contribution directe aux fonds fiduciaires internationaux.

Les financements européens consolidés ont représenté plus du tiers des financements qui avaient été annoncés à la conférence de Tokyo pour l'année 2002 (au total, 1,8 Md$ pour 2002 et 10 à 15 Md$ à terme pour 2002-2006). Pour comparaison, le Japon a annoncé à Tokyo une aide d'environ 470 millions d'euros jusqu'en 2004 et les Etats-Unis 296 millions d'euros pour 2002 uniquement. L'aide américaine a cependant dépassé les 600 millions d'euros en 2002 (aide surtout destinée à l'armée afghane).

L'Union s'est engagée à Tokyo au maintien d'une aide substantielle jusqu'en 2006. La Commission mobilisera, avec l'accord des Etats membres, 200 millions d'euros chaque année pour l'Afghanistan pendant cinq ans (soit un milliard d'euros sur 5 ans). Ajoutée aux aides bilatérales des Etats membres, l'aide de l'Union devrait s'élever à environ 750 millions d'euros pour l'année fiscale (afghane) 2003/2004 (contre 600 millions d'euros pour les Etats-Unis).

Une convention de financement a été signée lors du Forum stratégique de haut niveau pour l'Afghanistan qui s'est tenu à Bruxelles le 17 mars 2003 , sous l'égide de la Commission et de la Banque mondiale, et a réuni le gouvernement afghan et la communauté des donateurs internationaux. La contribution de la Commission pour les années 2003 et 2004 se concentrera surtout sur : le développement rural et la sécurité alimentaire (103 millions d'euros) ; l'infrastructure économique (93 millions d'euros) ; la réforme du secteur public (98 millions d'euros) ; le soutien au secteur de la santé pour réduire la mortalité infantile et maternelle (25 millions d'euros) ; la lutte contre la production d'opium en 2003 (10 millions d'euros).

De son côté, l'office ECHO a prévu en 2003 une aide humanitaire à hauteur de 55 millions d'euros.

E - Les relations Union européenne-Russie : rééquilibrer les relations politiques et économiques après l'élargissement

Après l'Accord de partenariat et de coopération entré en vigueur en 1997, après la Stratégie commune adoptée en 1999, les relations entre l'Union européenne et la Russie vont entrer dans une nouvelle phase, dont les caractéristiques ont été définies par les deux partenaires lors du dernier sommet, tenu à Saint-Pétersbourg les 30 et 31 mai 2003.

La déclaration adoptée en commun à l'issue du sommet reprend l'idée française de relations renforcées, basées sur la création d'espaces communs en matière économique, en matière de sécurité intérieure et de sécurité et stabilité extérieures. Cette perspective, qui répond à la demande russe d'un cadre de dialogue renforcé, s'inscrit dans le moyen voire long terme. Cependant, il faut souligner que certains processus pourront débuter très prochainement.

L'organisation de la coopération telle qu'elle est formulée rejoint involontairement le découpage en trois piliers du Traité sur l'Union européenne :

1) La création d'un espace économique européen commun

Après la décision d'octroi du statut d'économie de marché à la Russie en mai 2002, l'Union européenne et la Russie ont entamé des négociations portant sur la création d'un espace économique européen commun : l'EEEC. L'objectif est le rapprochement des législations des deux parties afin de permettre la mise en place d'une zone de libre échange. Les parties souhaitent l'aboutissement des négociations avant le sommet du 6 novembre 2003, qui se tiendra à Rome. On soulignera que l'initiative « nouveaux voisins » de la Commission européenne, déjà mentionnée, propose l'instauration progressive d'un tel espace économique avec les pays concernés, sur la base d'une convergence législative réalisée par étapes selon un calendrier préétabli.

Mais cet espace économique commun pourra inclure bien d'autres domaines tel que l'énergie, le nucléaire (pas seulement la sécurité nucléaire, mais aussi la diversification des sources d'énergie), l'investissement privé (avec des tables rondes de participation de sociétés des secteurs gazier et pétrolier), l'environnement (mer Baltique), les transports et les communications, la coopération aéronautique et spatiale, la coopération en recherche et formation, le tourisme et les contacts entre les sociétés civiles.

- un espace de sécurité interne

Cet espace se basera sur le plan d'action en matière de lutte contre la criminalité organisée (adopté en avril 2000) et le plan d'action UE-Russie contre le terrorisme international (adopté en décembre 2001). Un financement des actions dans le domaine de la justice et des affaires intérieures aura lieu dans le cadre du programme TACIS (le document indique à cet égard que 100 millions d'euros devraient être bientôt alloués). Enfin, une coopération Russie-Europol sera instituée. Les domaines jugés prioritaires sont la réadmission, le développement de la coopération judiciaire, policière et douanière, la lutte contre la criminalité organisée, la gestion des frontières, le blanchiment de capitaux. L'édification de cet espace de sécurité commun pourra aboutir à l'établissement progressif d'un régime de libre circulation entre la Russie et l'Union, ce qui est une priorité de la Russie. La Russie souhaite une rationalisation mutuelle de la procédure d'émission de visas pour certains groupes de personnes, dont le principe a été accepté à Saint-Pétersbourg. Ainsi par exemple, la possibilité de visas d'un an à entrées multiples pour les personnalités du monde de la politique, des affaires, de la recherche scientifique, a été évoquée.

- un espace commun de sécurité et de stabilité

L'espace commun de sécurité et de stabilité sera le cadre du développement de la coopération avec la Russie en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et de politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Concernant la PESC, l'Union souhaite renforcer son dialogue avec la Russie sur les questions d'intérêt commun à court terme (Transnistrie, initiative « nouveaux voisins » concernant la partie occidentale de la CEI, Balkans, Afghanistan, démocratisation et bonne gouvernance) et à long terme (Caucase, Asie centrale, développement, terrorisme). On soulignera que l'Union a engagé une coopération, encore débutante, avec la Russie dans les domaines de la PESD, et l'associe à certaines mesures. Cette coopération progresse rapidement, surtout en ce qui concerne la gestion de crises, la coopération en matière de protection civile, la finalisation des discussions sur le transport aérien stratégique, la non-prolifération et le désarmement.

Cette notion d'espaces vise à lever les réticences de la Russie face au processus d'élargissement, parfois encore considéré comme un « décalage » du mur de Berlin plus à l'Est. Les « espaces » incluraient la Russie sans l'impliquer dans les institutions.

La future coopération apparaît ainsi à la fois plus visible et plus cohérente, en replaçant les multiples coopérations existantes dans un cadre unique, ambitieuse aussi, puisqu'elle comporte une feuille de route pour des résultats concrets. Toutefois, ce cadre n'entraîne pas de changement sur le fond ; il ne prévoit pas de champs de compétence nouveaux, considérant qu'ils sont déjà très nombreux.

Cette perspective a eu le mérite de rallier les futurs Etats membres, méfiants face à une implication trop grande de la Russie dans les rouages de l'Union, ainsi que la Russie elle-même qui souhaite des avancées : les sommets organisés en mai et juin à Saint-Pétersbourg portaient très symboliquement le titre de « 300 ans d'Europe unifiée », impliquant qu'Europe, Russie et CEI occidentale doivent être unies dans le même espace géopolitique.

III - LA CONVENTION EUROPÉENNE :
RÉSULTATS QUANT A LA PESC ET LA PESD

A - Un futur Ministre des Affaires étrangères ?

Le résultat obtenu par la Convention dans ce domaine suscite des sentiments mêlés. La création d'un ministre des Affaires étrangères de l'Union, cumulant les fonctions de Haut-représentant pour la Pesc et de commissaire européen chargé des relations extérieures, est un progrès, qui devrait conférer à l'action européenne plus de crédibilité et de cohérence. Mais le blocage encore insurmonté sur l'extension du vote à la majorité qualifiée, dans ce domaine, limite l'efficacité du dispositif.

Le futur ministre conduit la politique étrangère et de sécurité commune, contribue à son élaboration et l'exécute en tant que mandataire du Conseil. Il en est de même pour la politique de sécurité et de défense. Il devrait être logiquement nommé pour cinq ans, puisqu'il est également vice- président de la Commission, ce qui lui confère une forte stabilité. On soulignera qu'il bénéficie d'un statut spécial au sein de la Commission, car il n'est pas soumis à la collégialité dans les domaines couverts par ces deux politiques.

Il dispose des services de la Commission et des représentations extérieures de l'actuel commissaire chargé des relations extérieures. Il devrait aussi disposer d'un service diplomatique conjoint, réunissant des moyens issus du secrétariat général du Conseil, de la Commission, et de diplomates détachés par les Etats membres.

Dans ces conditions, le ministre des Affaires étrangères pourra définir et proposer une véritable politique étrangère de l'Union, en incluant les éléments relevant de la politique commerciale de l'Union, ceux relevant de son action humanitaire comme ceux relatifs à la défense et à l'action militaire.

Qu'en est-il des procédures de décision ? L'unanimité demeure la règle et la majorité qualifiée, qui existe déjà depuis le traité de Maastricht, l'exception (elle s'applique en fait déjà aux mesures d'exécution). La proposition franco-allemande de généraliser la majorité qualifiée, hors les questions ayant des implications de défense, n'a pas été suivie par les conventionnels.

Quelques ouvertures sont cependant prévues, qui pourraient entraîner une évolution de la pratique diplomatique de l'Union comme des Etats membres.

Le projet de constitution permet au Conseil des ministres de statuer à la majorité qualifiée lorsqu'il intervient sur une proposition présentée par le ministre des affaires étrangères à la demande du Conseil européen. La majorité qualifiée commencerait alors à jouer dans le domaine des Affaires étrangères le même rôle que dans le domaine communautaire, c'est-à-dire un rôle de forte incitation à l'élaboration d'un consensus. Cette procédure confère un fort pouvoir au ministre, qui par ses décisions suscitera ou non un vote à la majorité.

La deuxième ouverture est plus utopique : c'est la « passerelle » permettant à l'avenir au Conseil européen de décider, à l'unanimité, que le Conseil des ministres se prononcera à la majorité qualifiée dans de nouveaux cas. Il s'agit certes là d'un élément de flexibilité, qui permettrait d'évoluer sans entreprendre une autre réforme institutionnelle à cette fin, mais peut-on réellement imaginer que les futurs vingt-cinq ou trente Etats membres déciderons un jour unanimement de faire passer un domaine nouveau à la majorité qualifiée ? L'utilisation de la clause passerelle prévue par le traité d'Amsterdam n'a encore jamais eu lieu.

En tout cas, la nomination d'un ministre des Affaires étrangères permettra de combler un manque qui ne l'avait été que partiellement avec la création du Haut-représentant, laquelle a cependant conféré à la Pesc une visibilité et une continuité réelles.

Il est intéressant de noter que la clôture des travaux de la Convention a coïncidé avec l'acceptation par les Quinze d'entrer dans une réflexion autonome sur les grandes questions stratégiques actuelles telles que le terrorisme, la prolifération des ADM, les « Etats voyous » ou encore bien d'autres menaces pesant sur l'environnement mondial. Il est en effet urgent que l'Union dispose des procédures et moyens d'élaborer une approche stratégique sur ces questions, afin de ne pas laisser aux Etats-Unis le monopole de la formulation des approches stratégiques. L'Union semble en avoir pris conscience, en approuvant, lors du Conseil européen de Thessalonique, le document de stratégie présenté par le Haut-représentant Javier Solana pour ouvrir cette réflexion.

La crise irakienne aura-t-elle suscité chez les Européens l'aspiration à développer des approches et des analyses communes, ce qui serait un grand progrès si l'on considère que les Quinze n'ont pas pu ou pas souhaité, pendant la crise irakienne, mener ensemble une analyse de la menace ?

Peut-il y avoir une volonté réelle des vingt-cinq sur ce sujet ? Certains nouveaux membres sont peu intéressés par le développement d'une politique étrangère et de défense ; leur intérêt réside plutôt - si l'on prend l'exemple des pays baltes, dans la préservation de l'identité et de l'indépendance récemment acquises du pays que dans une intervention sur la scène mondiale. L'acceptation ou non des dispositions du projet, à vrai dire minimales, par les Etats lors de la Conférence intergouvernementale, permettra de constater ou non l'existence de cette volonté.

B - Un cercle restreint de défense ?

Le projet de constitution permet d'envisager une défense européenne « à deux étages », prenant ainsi acte du besoin de flexibilité dans le cadre d'une Europe à vingt-cinq membres.

Pour ce qui concerne la politique européenne de sécurité et de défense à vingt-cinq, il étend les missions et engagements de l'Union par rapport aux missions actuelles dites « de Petersberg » (missions de maintien et de rétablissement de la paix), en y intégrant notamment la lutte contre le terrorisme, y compris par un soutien aux Etats tiers sur leur propre territoire. Le projet inscrit par ailleurs dans la Constitution une clause de solidarité : « une coopération plus étroite est instaurée, dans le cadre de l'Union, en matière de défense mutuelle ». Cette clause, qui reprend plus ou moins l'article 5 du traité sur l'Union de l'Europe occidentale (UEO), lie les Etats volontaires qui s'engagent à mobiliser des moyens civils ou militaires en cas d'agression armée sur le territoire de l'un d'eux.

Il ne s'agit pas d'une clause de sécurité collective, qui ne serait acceptée ni par les pays neutres de l'Union ni par la Grande-Bretagne, et cette clause demeure du ressort de l'Otan. L'élaboration d'une « défense commune » est cependant envisagée par le projet comme un processus, mais elle ne pourra être décidée qu'à l'unanimité.

Le projet consacre aussi la création d'une Agence européenne de l'armement, avec la participation de tous, ce qui constitue un élément majeur du système de défense européen, ainsi qu'un engagement de tous à « améliorer progressivement leurs capacités militaires ».

Pour ce qui concerne le « deuxième étage », qui impliquerait un engagement plus ambitieux et plus exigeant, le projet rend possible la constitution d'un cercle restreint, qui pourra, si ses membres le souhaitent, être axé sur l'élaboration d'une défense commune intégrée.

Ce cercle sera une coopération dite « structurée », nouvelle possibilité qui marque une évolution importante depuis les dispositions du traité de Nice, qui avait formellement exclu une telle coopération en matière de défense, et illustre l'évolution de la position de certains Etats membres, ainsi le Royaume-Uni.

Le cercle restreint est ouvert aux Etats membres satisfaisant à des critères de capacité militaires élevés et à des engagements plus contraignants en vue de missions plus exigeantes. Ceci devra être défini par un protocole en cours de négociation par les Etats intéressés au sein de la conférence intergouvernementale, et qui dressera la liste des Etats participants. Le cercle pourra être élargi à d'autres Etats ultérieurement, si les critères définis par le protocole sont considérés comme remplis par le conseil des ministres (dans une formation évidemment limitée aux Etats membres de la coopération structurée).

Quatre pays de l'Union - l'Allemagne, la Belgique, la France et le Luxembourg, ont annoncé le 29 avril 2003 le lancement d'une coopération restreinte, baptisée Union européenne de sécurité et de défense (UESD). Elle comporte notamment le projet d'un commandement intégré autonome par rapport aux structures de l'OTAN, capable de conduire des opérations militaires décidées par les Européens. Cette coopération impliquerait la croissance des capacités militaires et la création d'un quartier général aux moyens de planification autonomes. L'un des objectifs de cette structure est d'améliorer l'interopérabilité des armées concernées, problème en effet crucial au moment où l'interopérabilité des armées au sein de l'OTAN s'affaiblit faute d'exercices communs et peut-être de volonté.

Ce noyau de coopération -à quatre, avant que d'autres Etats ne souhaitent le rejoindre, pourrait-il certainement réintégrer le cadre institutionnel de l'Union si les dispositions du projet de constitution étaient adoptées.

Cette intégration dans la structure même des institutions européennes permettrait peut-être de mieux faire accepter la coopération restreinte par les autres Etats membres ou candidats, dont plusieurs se sont montrés très réticents, comme la Pologne, voire critiques. L'Irlande semble actuellement considérer que les mentions du projet quant à la défense commune seraient incompatibles avec sa constitution.

La position de la Grande-Bretagne, qui craint l'affaiblissement de l'OTAN et la création d'une Europe de la défense à plusieurs vitesses, semble actuellement évoluer.

Il faut souhaiter que les Etats accepteront ces dispositions relatives à la PESD, dispositions autant réalistes et pragmatiques qu'ouvertes à l'évolution, en permettant la constitution d'un cercle de défense.

La Conférence intergouvernementale montrera si la division entre partisans et adversaires de la défense européenne se réduit ou s'approfondit au contraire. Les Etats définissent actuellement leur position d'un côté ou de l'autre. Ainsi, le gouvernement autrichien a manifesté l'intention de participer à une véritable défense européenne ; de son côté, la Pologne s'oppose à l'idée d'une coopération structurée. Les positions différent également sur le projet d'état-major autonome pour les opérations de l'Union européenne ; ainsi par exemple l'Italie et la Pologne seraient plutôt favorables à la proposition britannique de création d'une cellule de planification européenne dans les bâtiments de Shape à Mons. Certains nouveaux membres ne perçoivent pas le besoin d'une organisation européenne de sécurité, l'Otan leur suffit. Il est probable que certains pays, baltes notamment, ont davantage confiance en l'Amérique ou en l'Organisation atlantique pour garantir leur sécurité qu'en la France, l'Allemagne ou même la Grande-Bretagne, qui préfèreront, selon eux, de bonnes relations avec la Russie à la défense de leurs intérêts.

Outre cette avancée institutionnelle indispensable, votre Rapporteur veut souligner que la politique européenne de défense exige un effort accru de la part de chacun des pays européens quant aux moyens techniques, financiers et humains consacrés à ce domaine. Il faudra dépenser mieux, notamment par une industrie européenne commune, et dépenser plus. Si cet effort n'était pas consenti, il ne servirait à rien de déplorer, comme on le fait aujourd'hui, l'impuissance de l'Europe.

CONCLUSION

L'adoption du projet de budget en première lecture par le Parlement européen doit avoir lieu la 20 octobre. Elle sera suivie de l'adoption en deuxième lecture par le Conseil Ecofin le 24 novembre, et, enfin, de l'arrêt définitif du budget par le Parlement européen vers le 18 décembre 2003.

Le cadre budgétaire pluriannuel adapté en fonction de l'élargissement est encore valide pour trois années. Les vingt-cinq Etats membres devront adopter de nouveaux engagements pour 2007 et au-delà, à l'unanimité, à moins que la Conférence intergouvernementale n'en décide autrement.

La Commission européenne a annoncé qu'elle présenterait dès le mois de novembre une communication - l'Agenda 2007 - comportant ses propositions, s'agissant tant des recettes que des dépenses futures de l'Union. La négociation du prochain cadre financier pluriannuel va donc s'engager, de façon officielle ou informelle, dès 2004.

Le financement actuel des différentes politiques peut en ressortir totalement réformé. La révision à mi-parcours de la PAC décidée par les ministres de l'agriculture le 26 juin 2003 a défini le cadrage financier de cette politique jusqu'en 2013, en instaurant un plafonnement des dépenses agricoles de marché. Mais le débat sur la réforme de la politique régionale de l'Union va s'ouvrir sans a priori. Lors des précédents « paquets », Delors I et Delors II, le Conseil européen avait décidé de doubler le montant des fonds structurels. En 2006 à nouveau, le choix est ouvert entre le maintien ou l'augmentation de l'enveloppe globale de la politique régionale.

Notre pays doit se préparer à cette négociation difficile, qui peut redessiner la structure du budget de l'Union, en ayant le courage de définir ses objectifs. Le budget reste aujourd'hui un budget d'intervention structurelle : en 2004, 42,6% des crédits vont à la politique agricole, et 36,7% à la politique régionale. Que souhaitons nous pour l'avenir de l'Union et des pays qui la composent ?

Souhaitons nous conserver des retours significatifs au titre de la politique régionale ou pouvons nous admettre qu'elle s'adresse en priorité aux régions les plus défavorisées du continent européen ? Acceptons nous une augmentation des fonds structurels pour conférer une crédibilité et éviter le saupoudrage à la politique régionale pour 25 pays, puis 27 ? Accepterions nous une augmentation substantielle du budget communautaire ?

Par ailleurs, l'Union a adopté la Stratégie de Lisbonne, afin de stimuler la croissance et la compétitivité de l'Union. Cela suppose de donner plus de moyens aux politiques de recherche-développement, aux infrastructures, au capital humain. Souhaitons nous faire les efforts nécessaires ?

Toutes ces questions appellent des choix vigilants et des réponses courageuses, si nous ne voulons pas nous voir imposer les changements indispensables par nos partenaires.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 8 octobre 2003, la Commission a examiné pour avis les crédits des Affaires européennes pour 2004.

M. Roland Blum, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de budget communautaire pour 2004, adopté par le Conseil de l'Union le 16 juillet dernier, s'élève à 111,9 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit une augmentation de 12,3%, et 100 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 2,7% seulement. Il fait l'objet d'un relatif consensus entre les institutions.

Ce budget sera le premier de l'Europe élargie. L'adhésion des nouveaux Etats membres prenant officiellement effet le 1er mai 2004, le projet de budget comporte deux phases : une première phase prévue pour les Quinze, dans laquelle les dépenses consacrées aux dix nouveaux pays figurent dans la rubrique « pré-adhésion », puis une seconde phase, dans laquelle ces dépenses figureront dans les rubriques des politiques internes de l'Union.

L'adaptation du budget à l'élargissement s'est effectuée dans le plein respect des perspectives pluriannuelles adoptées lors du Conseil européen de Berlin en 1999. Pourtant, cet accord, qui établissait un plafond de dépenses pour les années 2000 à 2006, prévoyait un élargissement à six nouveaux Etats, et non à dix comme c'est aujourd'hui le cas.

En outre, le budget de l'Europe élargie n'atteint pas le plafond des ressources propres de 1,27% du PNB communautaire fixé en 1999 (qui équivaut à 1,24% du revenu national brut selon le réajustement fait en 2001).

Le cadre financier adapté pour l'Union à vingt-cinq fait apparaître le coût de l'élargissement : il sera de 40 milliards d'euros en crédits de paiement, mais seulement de 25 milliards en crédits de paiement, sur les trois années 2004-2006.

Néanmoins, les pays candidats ont obtenu satisfaction sur différentes aides qu'ils avaient demandées : la facilité de trésorerie versée au budget national pour atténuer l'impact de la contribution au budget communautaire, la compensation budgétaire pour les pays qui auraient été contributeurs nets, ainsi que la facilité Schengen et la facilité nucléaire pour la Lituanie et la Slovaquie.

Le Rapporteur a souligné que la contribution française au budget communautaire s'établit pour 2004 à 16,4 milliards d'euros, prélèvement parfaitement stable  par rapport au prélèvement de 2003.

Il a ensuite précisé quels étaient les crédits affectés aux différentes politiques de l'Union. Il a notamment souligné que le budget de la politique régionale connaîtrait une augmentation de 20,8% en crédits d'engagement, destinée aux nouveaux membres.

Le budget des actions extérieures de l'Union stagne : 2,7% seulement d'augmentation en crédits d'engagement et 1,5% en crédits de paiement. Il est au total d'un peu moins de 5 milliards d'euros. Ce budget a fait l'objet de dissensions entre la Conseil et le Parlement européen, qui a demandé une augmentation de 500 millions d'euros pour financer une intervention à un niveau plus significatif en Irak. Finalement, c'est une aide de 200 millions qui sera apportée par l'Union à la reconstruction de l'Irak l'année prochaine. La France avait également plaidé pour que des moyens plus importants soient alloués aux actions extérieures de l'Union et surtout à la PESC, mais elle n'a pas obtenu gain de cause.

Toutefois le Conseil a souhaité, comme l'année dernière, préserver une marge importante de 146 millions d'euros pour faire face à de nouvelles crises internationales en 2004, au prix de diminutions des crédits d'engagements sur de nombreux programmes.

Le Rapporteur a évoqué le projet de la Commission européenne de budgétiser le Fonds européen de développement, auquel la France est le premier contributeur.

Evoquant les crédits consacrés aux aides de préadhésion, qui diminueront de 50%, le Rapporteur a noté que les crédits destinés à la Turquie - en augmentation - avaient été transférés de la rubrique 4 des actions extérieures à la rubrique 7 de la préadhésion. Il a jugé étonnante cette décision du Conseil européen, alors que les Quinze n'ont pas statué au fond sur l'ouverture ou non de négociations d'adhésion avec ce pays.

Le Rapporteur a ensuite évoqué la place de la France dans le budget communautaire. Notre pays est, en 2001, deuxième contributeur en volume et deuxième bénéficiaire de la dépense communautaire. Il se place au quatrième rang des contributeurs nets, derrière l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Italie.

En 2002, la France a bénéficié de 22,6% des dépenses agricoles communautaires, et de 15 % des financements au titre du développement rural. Sur la période 2000-2006, les versements communautaires prévus au titre de la politique régionale au profit de la France représentent environ 6,7 % des dépenses totales.

Le Rapporteur a ensuite évoqué certains dossiers d'actualité de l'action extérieure de l'Union, parmi lesquels le soutien à la stabilisation de l'Afghanistan et le lancement d'une nouvelle phase de relations avec la Russie, phase qui verra la création de trois espaces communs : un espace économique européen, un espace de sécurité interne et un espace de sécurité et de stabilité.

Le partenariat euroméditerranéen, né en 1995, doit aujourd'hui faire l'objet d'une relance dynamique. Notre pays souhaite que le sommet de Naples des 2 et 3 décembre aboutisse à des décisions importantes : par exemple la création de la Fondation pour le dialogue des cultures, qui pourrait être un cadre privilégié pour le dialogue euroméditerranéen des cultures. La France soutient aussi la création de l'Assemblée parlementaire en tant qu'instance de coordination interparlementaire, qui aurait un rôle consultatif sur le déroulement du partenariat.

Enfin, le Rapporteur a évoqué certaines dispositions du projet de constitution élaboré par la Convention.

Il a expliqué que la procédure de définition des perspectives financières pluriannuelle serait intégrée au traité. Cela aurait comme conséquence une décision à la majorité qualifiée et non plus à l'unanimité ; de même en ce qui concerne, par exemple, la compensation britannique. Il a rappelé les réformes proposées dans le domaine des affaires étrangères, avec la création du ministre des Affaires étrangères, et la perspective d'instauration d'une défense européenne.

M. Jacques Remiller a demandé des précisions sur les efforts financiers que l'Union européenne entendait déployer dans la lutte contre le terrorisme.

M. Roland Blum a répondu qu'il était difficile de donner un montant précis car il n'existe pas de ligne budgétaire affectée à ces actions. Celles-ci peuvent relever d'une coopération policière dont le financement n'est pas communautaire, ou d'aides à des pays tiers sur les fonds de l'action extérieure de l'Union.

Le Président Edouard Balladur s'est étonné que le budget n'augmentât que de 2,7 % en crédits de paiement alors que l'on annonce que l'élargissement va coûter très cher.

M. Roland Blum a expliqué que les paiements connaîtront une montée en puissance d'année en année. L'année 2004 sera consacrée à préparer les programmes et les projets de développement régional dans les régions des nouveaux Etats membres, et les paiements n'interviendront que plus tard, lorsque les dossiers auront été approuvés.

Le Président Edouard Balladur a demandé ce qu'il en était des dépenses agricoles.

Le Rapporteur a expliqué que les dépenses agricoles n'augmenteront que progressivement. L'accord intervenu entre la France et l'Allemagne à Bruxelles en octobre 2002 a abouti à la solution du « phasing in » des aides directes agricoles aux pays candidats, c'est-à-dire une montée en puissance des aides. Les aides versées seront, en 2004, de 25% des sommes qui auraient été dues en cas d'application pleine des règles de la PAC et augmenteront d'année en année pour parvenir à 100% en 2013. La France a accepté dans cet accord la stabilisation des dépenses de marché et des paiements directs à vingt-cinq, de 2007 à 2013, au niveau du plafond de 2006, soit 45, 3 milliards d'euros. Cet accord a en fait réalisé une « sanctuarisation » des dépenses jusqu'en 2013, ce qui correspondait aux attentes de notre pays.

Le Président Edouard Balladur a ensuite souhaité savoir quelle sera la situation en régime de croisière, c'est-à-dire au-delà de 2007, quand les versements aux 10 nouveaux Etats membres au titre de la politique agricole et de la politique régionale auront notamment atteint leur plein niveau de 100%.

M. Roland Blum a répondu que si l'on connaît l'enveloppe globale des dépenses de marché et des paiements directs agricoles jusqu'en 2013, l'on ne peut encore savoir quel sera le montant des dépenses liées à la politique régionale. En effet, le prochain « paquet » de dépenses pour les années 2007 et au-delà doit faire l'objet de négociations entre les Vingt-cinq dans les prochaines années, pour une adoption au plus tard en 2006.

Le Président Edouard Balladur s'est dit surpris que la Commission européenne n'ait pas fait d'extrapolation en la matière. Il est étonnant que, à l'échéance de 2007, on ne soit pas en mesure de préciser quel sera le budget de l'Union.

Le Rapporteur a indiqué que la Commission européenne doit présenter une proposition d'ensemble en novembre prochain, dans laquelle figurera un projet de réforme de la politique régionale. En fonction des choix qui seront faits par les Etats membres, il faudra ou non augmenter le budget communautaire.

M. François Loncle a précisé que la masse des dépenses de l'Union dépendait des Etats membres, dans la mesure où le plafond de 1,24 % du PIB n'est pas atteint d'année en année.

Le Président Edouard Balladur a estimé qu'avec une richesse communautaire de 100 milliards d'euros à quinze Etats membres et de 104-105 milliards à vingt-cinq Etats membres, si l'on passait de 1 point de PIB à 1,24, le budget de l'Union atteindrait alors environ 130 milliards d'euros. Dans cette hypothèse, la participation de la France, qui est actuellement de 16 %, augmenterait alors de 4,8 millions d'euros, ce qui est loin d'être négligeable pour l'équilibre de nos finances publiques. Il est donc important d'obtenir des précisions le plus tôt possible sur les perspectives budgétaires de l'Union.

Le Rapporteur a rappelé que M. Michel Barnier, commissaire européen chargé de la Politique régionale, avait en effet souligné que l'on disposait déjà d'une marge d'action sous le plafond de 1,24% du revenu brut communautaire. Aujourd'hui, le budget communautaire n'atteint que 1,1% de ce revenu, et il est prévu qu'il atteigne en 2006 1,06%, en crédits de paiement. La saturation du plafond des ressources propres représenterait pour la France un surcoût de 3,5 milliards d'euros.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 41 du projet de loi de finances pour 2004.

ANNEXE

Budget communautaire pour 2004

Union européenne à quinze

   

Budget 2003

Projet de budget

   
 

CE

CP

CE

CP

Marge

   
       

Montant

n/n-1%

Montant

n/n-1%

Montant

 

1. Agriculture

44780,4

44780,4

45625,9

1,9%

45625,9

1,9%

1565,1

Plafond

42378,0

 

47211,0

       

2. Fonds structurels

33990,0

33173,1

34326,0

1,0%

28762,4

-13,3%

 

Plafond

33968,0

 

34326,0

     

0,0

3. Politique interne

6789,3

6198,4

6975,2

2,7%

6555,0

5,8%

 

Plafond

6796,0

6198,4

7053,0

     

77,8

Marge

             

4.Actions extérieures

4806,9

4694,0

4936,1

2,7%

4736,9

1,5%

 

Plafond

4972,0

 

5082,0

     

145,9

5.Administration

5360,1

5360,1

6028,5

12,5%

6028,5

12,5%

 

Plafond

5381,0

           

6. Réserves

434,0

434,0

442,0

1,8%

442,0

1,8%

 

Plafond

434,0

     

442,0

   

7. Préadhésion

3535,0

2862,9

1732,3

-51,0%

2856,2

-0,2%

 

Plafond

3396,0

 

3455,0

     

1722,7

TOTAL UE 15

99685,7

97502,9

100066

0,4%

95033,9

- 2,5%

 

Plafond

102315

     

102274

   

    Elargissement (hors dépenses administratives)

 

1. Agriculture

 

2087,9

 

999,9

     

Plafond

 

2094,0

     

6,1

   
 

2. Fonds structurels

 

6709,0

 

1759,9

     

Plafond

 

6709,0

       

3. Politique interne

 

1633,5

 

919,5

   

Plafond

 

1669,0

       

8. Compensations

 

1409,5

 

1409,5

   

Plafond

 

1410,0

       

Total élargi

 

11839,9

 

5088,9

   

Plafond

 

11882,0

     

42,1

N° 1113-01 - Avis sur le projet de loi de finances pour 2004 : affaires européennes (M. Roland Blum)


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© Assemblée nationale

Prévision du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, in Rapport du 1er octobre 2003 du Conseil économique et social « Les nécessaires évolution du financement de l'Union européenne » (M. Georges de La Loyère, rapporteur).

Conférence des donateurs d'aide tenue à Tokyo en janvier 2002, qui a rassemblé 60 pays et 19 organisations internationales en vue de reconstruire l'Afghanistan et de l'assister à long terme. Elle a abouti à la création du fonds spécial pour l'Afghanistan géré par la Banque mondiale.

L'année fiscale afghane s'étend, ici, de mars 2003 à mars 2004.

A cette conférence, les donateurs internationaux se sont engagés à apporter une aide de 1,87 Mds$ en 2003, soit un montant équivalent à celui de 2002 (1,83 Mds$).