N° 1113

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2003

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2004 (n° 1093),

TOME II

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

PAR M. RICHARD CAZENAVE,

Député

--

Mesdames, Messieurs,

Sous l'impulsion du Président de la République Jacques Chirac et du Ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin, la politique extérieure menée depuis dix-huit mois vaut à la France, partout dans le monde, respect et admiration.

Dans un monde complexe et dangereux, il est heureux que notre pays sache prendre sereinement ses responsabilités, en se faisant le chantre du respect de la légalité internationale, mais également d'un monde plus solidaire et plus juste.

Pour mener à bien ses ambitions diplomatiques, qui sont légitimes, la France doit pouvoir compter sur des structures performantes et en nombre suffisant. Le budget 2004, sur lequel porte ce rapport pour avis, doit ainsi permettre à l'appareil diplomatique de la France de mettre en _uvre les priorités affichées par le président de la République, malgré une conjoncture économique difficile.

Mais au-delà de 2004, notre capacité de soutien d'une action extérieure forte requiert de poursuivre l'adaptation de nos moyens aux évolutions du monde. A cet égard, il faut une nouvelle fois saluer la volonté clairement affirmée du Ministre des affaires étrangères qui a su, en dépit d'une actualité internationale particulièrement troublée, garder le cap qu'il s'était fixé l'an dernier : celui d'une réforme ambitieuse de l'action extérieure de l'Etat.

I - UN BUDGET DES AFFAIRES ETRANGÈRES POUR 2004
QUI PERMET DE FINANCER DES PRIORITÉS
DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE DIFFICILE

A - Les grandes caractéristiques du budget 2004

1) Un effort de rigueur de la part de l'administration

Il faut d'emblée préciser que le ministère des Affaires étrangères s'est de longue date inscrit dans un processus de rationalisation. Ces efforts importants sont souvent trop mal connus, et ne lui ont d'ailleurs valu aucune reconnaissance de la part du ministère des Finances, le Quai d'Orsay restant l'un des départements les plus touchés par la régulation. Il nous faut ainsi rappeler que :

- la part du budget des Affaires étrangères (hors FED) dans le budget général de l'Etat est passé de 1,45 % en 1996 à 1,28 % en 2002 (elle est remontée à 1,32 % en 2003 et dans le projet de loi de finances pour 2004),

- les effectifs du Ministère des affaires étrangères ont été réduits entre 1993 et 2003 de 872 emplois, soit une baisse de 9,5 % des effectifs. Quel autre département ministériel en a fait autant ?

En dépit de ces efforts passés, le ministère des Affaires étrangères continuera à être exemplaire en 2004 en matière de rigueur. En effet, hors Aide publique au développement, le budget du Ministère est en baisse de 1,16 %, ce qui se traduit par une rigueur particulière sur les crédits de personnel et fonctionnement (Titre III).

En effet, les crédits du titre III dans leur ensemble subissent une baisse de 2,37 % qui s'explique par :

- un effort réel en matière d'emplois : en 2004, 116 emplois seront supprimés, soit un taux de non remplacement des départs en retraite proche de un sur deux (46 %), objectif dont on connaît la difficulté pour la fonction publique dans son ensemble ;

- une politique de rémunération particulièrement rigoureuse : compte tenu de la part des primes dans la rémunération des agents du Ministère des affaires étrangères, et de leur modulation possible, ce ministère sera le seul dont la masse salariale diminuera en 2004. Cela est dû certes pour partie à un effet change lié à l'appréciation de l'euro qui permet une économie de 19 millions d'euros, mais également à une refonte du système des indemnités de résidence à l'étranger qui se traduit par une économie de 20 millions d'euros ;

- des économies réalisées sur les frais de fonctionnement de l'administration centrale et du réseau qui sont stables en valeur. Cependant, une partie de ces crédits de fonctionnement (4 millions d'euros) seront provisionnés dès le vote de la loi de finances et ne seront dégelés que si les recettes nouvelles issues des frais de dossier des demandes de visa dépassent 10 millions d'euros. Si votre Rapporteur se félicite que l'administration des Affaires étrangères puisse bénéficier d'une partie du produit des recettes engendrées par l'instauration de ces frais de dossier sur les visas, comme il en avait fait la demande dans l'avis présenté sur le projet de loi de finances pour 2003, il faut néanmoins remarquer que ces crédits éventuels ne seront pas utilisés pour moderniser les services des visas, ils permettront seulement d'empêcher une baisse des crédits de fonctionnement. Il aurait été préférable de créer un fonds de concours spécifique, mais il en a été arbitré autrement.

Enfin, des économies ont également été dégagées sur les crédits d'investissement, qui ne dépasseront pas 42 millions d'euros pour l'administration centrale et l'ensemble des postes (en baisse de 11,5 %). Les grands chantiers prévus sont donc reportés, tel ceux des ambassades de France à Pékin et Tokyo, ou celui des archives du ministère à La Courneuve. Ces « économies » ne seront que conjoncturelles et pourront difficilement être reconduites les années suivantes.

Au total, on constate que pour tout ce qui a trait au « train du vie » de la diplomatie française, le ministère des affaires étrangères s'avère exemplaire, soucieux de concentrer, au maximum, les économies sur des crédits dont la baisse ne se traduise pas par un affaiblissement de ses moyens d'action.

Or, dans ce contexte budgétaire particulièrement contraint, avec un objectif de stabilisation des dépenses civiles en volume, le ministère des Affaires étrangères a su faire des efforts de rigueur remarquables, afin de pouvoir financer par ailleurs l'une des grandes priorités du quinquennat du Président Chirac : l'augmentation de l'aide publique au développement de 50 % sur cinq ans.

2) La poursuite de l'effort en faveur de l'aide publique au développement

La loi de finances pour 2003 a marqué un coup d'arrêt de la tendance régulière à la baisse de l'aide publique au développement (APD), passée de 0,57 % du PIB en 1994 à 0,32 % en 2000. Dans ce contexte, le Président de la République a pris l'engagement courageux d'augmenter de 50 % l'APD de la France pendant le quinquennat, pour parvenir à l'objectif très ancien de 0,7 % du PIB dans 10 ans. En 2003, la France devrait ainsi consacrer l'équivalent de 0,41 % du PIB à l'APD, taux qui devrait être de 0,43 % pour 2004.

Si la part de l'Aide publique au développement gérée par le ministère des Affaires étrangères reste modeste (environ 25 %), ce dernier participe pleinement à la réalisation de l'objectif fixé par le Président de la République. La loi de finances pour 2004 en est une bonne illustration. En effet, les crédits destinés à l'aide publique au développement augmentent de 141 millions d'euros, soit une hausse très significative de 9,5 %.

Cette hausse s'explique certes d'abord par la poursuite de la montée en puissance du IXème fonds européen de développement (FED) (2002-2007), auquel il faut rappeler que la France contribue pour 24,3 % du financement. Son impact budgétaire est d'autant plus important que le FED a, heureusement, accéléré sensiblement les décaissements : il en résulte donc des appels de fonds plus nombreux et la nécessité de prévoir davantage de crédits de paiement en loi de finances initiale, en 2004 ces crédits seront portés à 565 millions d'euros, soit +14 %.

Pour autant, cet effort en faveur de l'APD européenne ne se traduit pas, du moins en loi de finances, par un délaissement de la coopération bilatérale. En effet, après une forte remontée des autorisations de programme du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) et des projets de l'Agence française de développement (AFD) en 2003, les crédits de paiement insuffisants jusqu'alors augmenteront fortement en 2004 (+25 % pour le FSP et +15,33 % pour l'AFD).

Quant à l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (IPPTE), elle continue sa montée en puissance, notamment par l'intermédiaire des Contrats de désendettement et de développement (C2D) créés par la loi de finances pour 2003. Au total, les concours financiers divers progressent de 28,7 %, à 159 millions d'euros.

3) Le financement des autres priorités du ministère

La poursuite de la priorité donnée à l'aide au développement ne permet pas de réaliser de tels efforts dans tous les domaines. Cependant, malgré un contexte budgétaire difficile, le ministère a su dégager un nombre limité de priorités pour 2004 sur lesquelles il a concentré ses demandes de mesures nouvelles. Cela montre une capacité d'adaptation du ministère à l'évolution de l'environnement international et une faculté à mettre en _uvre les priorités politiques définies par les plus hautes autorités de l'Etat.

L'une de ces priorités est la sécurité, dans un monde incertain où les communautés d'étrangers expatriés peuvent être des victimes faciles du terrorisme ou de l'insécurité. Cet effort se traduit par un maintien des crédits de fonctionnement des postes destinés à la sécurité et par une augmentation des crédits pour la protection des Français de l'étranger, qui avaient déjà fortement évolué en 2003.

Par ailleurs, dans le droit fil des engagements pris par le Président de la République au sommet de la Francophonie de Beyrouth en novembre 2002, les crédits finançant la francophonie multilatérale augmentent de 10 millions d'euros, soit une progression de 27,2 %.

Enfin, et il s'agit là encore d'un engagement présidentiel, pris lors de l'allocution télévisée du 14 juillet 2002, un effort particulier est consenti pour le financement de la réforme de l'asile. Cette réforme, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 25 juin 2003 et par le Sénat le 23 octobre 2003, rénove profondément les procédures d'asile, en unifiant le dispositif. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est dorénavant seul compétent pour l'ensemble des dossiers d'asile (conventionnel et « subsidiaire » qui remplacera l'asile territorial). En conséquence, la charge de travail de l'OFPRA, mais aussi de la Commission des recours des réfugiés, dont l'activité sera par ailleurs accrue du fait d'une ouverture plus large du droit au recours, va être considérablement alourdie : l'OFPRA en 2002 instruisait 53000 dossiers, ce nombre est estimé à 85000 pour 2004 ! Afin d'éviter que cette augmentation ne se traduise en un allongement des durées d'instruction des demandes, alors que la réforme a pour objectif de diminuer ce délai et de rendre moins attractif le « statut » de demandeur d'asile, il est indispensable que l'OFPRA et la CRR disposent des moyens supplémentaires nécessaires pour assurer leurs nouvelles missions.

Votre Rapporteur se félicite donc de l'adaptation des moyens accordés à l'OFPRA et à la CRR qui augmenteront en 2004 de 34,7 % à 38,2 millions d'euros, contre 28,5 en 2003 et 22,8 en 2002. Au total 196 emplois seront créés dont 105 par consolidation de contrats à durée déterminée et 91 créations nettes.

4) Des lacunes persistantes

Votre Rapporteur avait montré, dans l'avis présenté au nom de la Commission des affaires étrangères sur le projet de loi de finances pour 2003, que le budget du ministère des Affaires étrangères présentait traditionnellement certaines lacunes, en espérant qu'il y soit remédié à l'avenir : la situation budgétaire ne le permettra malheureusement pas en 2004.

Ainsi, les contributions volontaires de la France aux organismes relevant des Nations unies restent structurellement insuffisamment dotées. Il n'est pas nécessaire de rappeler les conséquences de cette situation sur l'influence de la France dans les organisations internationales. Cela est d'autant plus absurde que les sommes concernées (48,8 millions d'euros pour 2004 comme en 2003, ce qui fait de la France le 12ème contributeur volontaire aux organismes relavant des Nations unies) sont marginales, notamment par rapport aux contributions obligatoires (environ 700 millions d'euros par an pour la France qui est 4ème contributeur). Ainsi, au total, l'influence de la France dans ces enceintes, qui dépend avant tout de l'effort volontaire, est sans commune mesure avec notre effort financier global. Il faut noter que le ministère des Affaires étrangères avait réclamé une hausse de 6 millions d'euros sur ce chapitre qui n'a finalement pas été obtenue.

De même, nous regrettions l'an dernier la réduction des crédits de coopération militaire, ceux-ci sont certes maintenus en 2004 à 93,5 millions d'euros, mettant ainsi fin à une érosion entamée en 1998, mais ils restent loin de leur niveau d'avant 1998. Pourtant, la politique de la France en matière de gestion des crises régionales consiste à chercher à s'appuyer sur des troupes issues de pays de la région concernée. Il est donc indispensable de pouvoir compter sur des troupes bien formées, ce qui passe au préalable par des actions de coopération militaire.

B - Les limites de la portée de l'autorisation budgétaire

Les grandes orientations du projet de loi de finances pour 2004 pour le ministère des Affaires étrangères sont donc dans l'ensemble assez satisfaisantes. Cependant, il est rare que les crédits votés par le Parlement en loi de finances correspondent à ceux qui sont effectivement dépensés au cours d'un exercice budgétaire, en raison de la pratique récurrente de la régulation budgétaire qui, en 2003, a tout particulièrement touché le ministère des Affaires étrangères. Ainsi, si votre Rapporteur avait pu se montrer particulièrement satisfait de la loi de finances pour 2003, il n'est pas possible d'en dire autant après régulation.

1) Une exécution budgétaire très contrainte

Sous la pression d'une conjoncture économique déprimée et des contraintes liées au pacte de stabilité et de croissance, le ministère des Finances a procédé en 2003 à des mesures de régulation très sévères. Le ministère des Affaires étrangères a, comme cela est traditionnel, été particulièrement sollicité.

En effet, alors qu'en 2002, les crédits réellement consommés étaient inférieurs de 98 millions d'euros aux crédits votés en loi de finances, en 2003, les opérations de régulation pourraient dépasser 250 millions d'euros, correspondant à 6 % de l'ensemble des crédits votés, et à 15 % des dépenses qui n'ont pas à un caractère obligatoire (rémunérations et engagements internationaux).

En 2003, toute la gamme des instruments de régulation a été utilisée par le ministère du budget :

- des annulations de crédit : 31 millions d'euros en mars, 67 millions en octobre ;

- des gels de crédits particulièrement importants (constitution d'une « réserve d'innovation » de 91 millions d'euros et d'une « réserve de précaution » de 63 millions d'euros) qui n'ont été par la suite que très partiellement dégelés ;

- un gel, inattendu, des crédits de reports le 15 avril 2003 de 134 millions d'euros. Certains crédits non consommés (les crédits d'investissement par exemple) peuvent en effet être reportés sur l'année suivante. L'annulation de ces crédits de report, qui concernaient bien souvent des dépenses précédemment « gelées », a donc pour conséquence concrète de réduire les crédits effectivement disponibles pour l'année en cours, mais aussi, par répercussion, pour les années suivantes.

2) Des conséquences inquiétantes

Les conséquences négatives de la régulation budgétaire sont connues, mais il faut cette année encore les rappeler compte tenu de leur ampleur.

La régulation perturbe tout d'abord l'organisation même des services, lorsqu'il faut par exemple, comme cela est arrivé en 2003, interrompre l'activité de la valise diplomatique ou annuler des concours de recrutement, faute de crédits pour louer des salles !

Mais surtout, le principal inconvénient de la régulation budgétaire est qu'elle ne peut porter que sur les dépenses « non automatiques », comme les dépenses d'intervention par exemple, c'est-à-dire les dépenses qui font la « valeur ajoutée » d'une action extérieure. En effet, si les dépenses de « structure » (frais de personnel...) ne sont pas touchées, il faut rappeler que leur raison d'être est de porter une politique qui passe nécessairement par des interventions. Si les crédits d'action culturelle d'un poste à l'étranger par exemple sont gelés, les salaires des agents concernés continueront à être versés, mais on pourra alors légitimement s'interroger sur « l'utilité » de cette dépense, puisque ces agents n'auront pas les moyens de mener à bien des projets. C'est là toute l'absurdité du mécanisme de la régulation : il permet certes de faire des économies, mais, au total, il réduit l'efficacité moyenne de la dépense publique. Par exemple, les économies réalisées en 2003 sur les dépenses d'entretien des bâtiments, des parcs informatique ou automobile se traduiront inévitablement par une obsolescence accélérée de ces matériels, coûteuse pour les deniers publics.

Enfin, la régulation a, au ministère des Affaires étrangères, une conséquence spécifique particulièrement fâcheuse sur notre coopération bilatérale. En effet, l'augmentation sensible de nos contributions au IXème FED a un caractère automatique, qui provoque un effet d'éviction au détriment de nos instruments bilatéraux d'aide au développement, qui subissent les plus fortes mesures de régulation. Le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) s'est ainsi trouvé dès le mois de mai en situation de quasi cessation de paiements, A l'inverse, les crédits alloués au FED, qui sont dorénavant effectivement consommés et devront peut être même être amendés en loi de finances rectificative, ne cessent d'augmenter.

Ainsi, l'augmentation très réelle de l'aide publique au développement de la France ne se traduit pas, du fait de la régulation, par une visibilité de cet effort sur le terrain :

- l'effort fourni en faveur du FED pèse sur nos instruments de coopération bilatérale, dont les projets sont utiles et visibles ;

- l'efficacité du FED est critiquée par beaucoup, ce qui explique les propos du Président de la République tenus au Niger le 23 octobre 2003 : compte tenu de l'importance des sommes consacrés par la France a ce programme, nous somme en effet en droit d'attendre qu'il permette la réalisation de projets concrets.

3) Une nécessité : mieux « organiser » la régulation

Malheureusement, on ne peut pas exclure que l'exercice budgétaire 2004 soit victime d'une nouvelle régulation. Même si son ampleur ne pourra en aucun cas atteindre le record 2003, n'est-il pas nécessaire de mieux « organiser » cette régulation ?

Tout d'abord, il faut résister à la tentation de présenter des budgets optiquement en hausse alors que l'on sait qu'une partie des crédits ne sera pas consommée. A cet égard, le budget 2004 du ministère des Affaires étrangères est assez vertueux, qui prévoit des réductions de crédits sur certains chapitres (fonctionnement...) alors que les crédits qui sont en augmentation répondent à des besoins réels. Ce travail a-t-il été fait dans les grands ministères dépensiers ?

Ensuite, compte tenu du caractère dorénavant prévisible de la régulation budgétaire, il faut sensibiliser les gestionnaires à cette éventualité afin que ceux-ci prennent en compte cette donnée dans les choix qu'ils font. Ainsi, il vaut mieux se concentrer sur un petit nombre de projets afin d'être certain de les mener à bien, plutôt que de lancer tous les projets que permet apparemment la loi de finances mais devoir les interrompre tous en cours d'année. D'ailleurs, il faut souligner que le ministère des Affaires étrangères a su tirer en 2003 les leçons des difficultés de 2002 en ce qui concerne le niveau des frais de fonctionnement délégués aux ambassadeurs : ceux-ci ont été fixés d'emblée à un niveau bas, ce qui a permis aux gestionnaires locaux de s'adapter a priori. En revanche, comme on l'a vu, tel n'a pas été le cas pour les dépenses d'intervention, mais il est très difficile d'opérer une programmation efficace dans un contexte d'incertitude sur les crédits qui seront effectivement disponibles : ainsi, en 2003, la programmation des engagements de crédits avait été faite en tenant compte des reports, l'annulation inattendue de ceux-ci a donc eu des effets particulièrement gênants pour les gestionnaires.

Il est indispensable que les services gestionnaires disposent d'une capacité à gérer les priorités et d'outils adaptés de prévision et de gestion de crédits, afin de pouvoir gérer au mieux une certaine « incertitude » sur les crédits qui seront effectivement disponibles et pour tenir compte de la complexité induite par les gels et reports de crédits. Cet impératif sera encore plus évident dans le cadre de la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances : celle-ci ne remettra en effet pas en question le principe même de la régulation, mais en donnant une liberté plus grande aux gestionnaires, elle pourrait leur permettre d'en anticiper les conséquences.

II - LA RÉFORME DE L'ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT :
UN EFFORT À POURSUIVRE

A - Développer une approche interministérielle de l'action extérieure de l'Etat

1) Interministérialité et organisation budgétaire

Les crédits du ministère des Affaires étrangères ne représentent que 44 % des dépenses consacrées à l'action extérieure de l'Etat (hors prélèvement communautaire), contre 11 % pour le ministère des Finances et les charges communes, 14 % pour les comptes spéciaux du trésor, 11 % pour le ministère de la Recherche, 17 % pour les autres ministères. Dans ces conditions, il est extrêmement difficile d'avoir, dans la discussion budgétaire, une vision cohérente de l'action extérieure de la France. Pour y remédier, il est nécessaire d'agir dans deux directions.

En premier lieu, il conviendrait de transférer sur le budget du ministère des Affaires étrangères un certain nombre de crédits figurant sans raison sérieuse dans d'autres budgets. Il est ainsi incompréhensible que l'aide alimentaire soit assurée à la fois par le ministère des Affaires étrangères (16,8 millions d'euros au chapitre 42-28) et par le ministère de l'Agriculture (21,15 millions au chapitre 44-43) ! De même, l'ensemble des contributions françaises, volontaires ou obligatoires, à des organisations internationales ou à divers fonds (on songe par exemple à la participation de la France au fonds ONUSIDA gérée par le ministère des finances) devrait être inscrit directement au budget du ministère des Affaires étrangères.

En second lieu, il faut profiter de l'opportunité offerte par la mise en _uvre, à partir de la loi de finances pour 2006, de la Loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF). Les crédits devront être dorénavant répartis en fonction des finalités qu'ils poursuivent, et non plus en fonction des structures administratives dont ils relèvent et de la nature des dépenses (fonctionnement ou investissement). Une présentation en « missions » et « programmes » se substituera donc à l'actuelle répartition par titre et par ministère.

Dans le cadre de cette nouvelle approche, votre Rapporteur avait donc souhaité dès l'an dernier la constitution d'une mission « Action extérieure de l'Etat » regroupant l'ensemble des programmes concourant à cet objectif. Une telle présentation aurait l'avantage d'offrir aux parlementaires une vision synthétique de l'action extérieure de l'Etat. Il est important de souligner que cela ne bouleverse nullement l'organisation actuelle des services, puisque la constitution d'une mission interministérielle n'aurait pas d'incidence sur l'identité du ministère de tutelle. Dans une telle hypothèse, les agents de la Direction des relations économiques extérieures (DREE) continueraient à relever du ministère des Finances, la seule différence étant que la discussion sur les crédits de leur réseau aurait lieu en même temps que celle sur les autres crédits d'action extérieure.

Ainsi, le Ministre des Affaires étrangères a proposé au Premier ministre et au Ministre délégué au budget la création d'une mission interministérielle «  action extérieure de l'Etat » regroupant l'ensemble de ses propres programmes, ainsi que les programmes d'autres ministères regroupant des crédits d'action internationale. La création de cette mission se heurte à un certain nombre d'obstacles :

- des difficultés pratiques, qui tiennent à la faible importance des crédits d'action internationale de très nombreux ministères, qui rend problématique la constitution de programmes internationaux au sein des ministères. Dans ce cas, il faut envisager tout simplement des transferts de crédits ;

- des oppositions de principe, généralement dans les ministères qui pourraient sans difficulté créer des programmes internationaux compte tenu de l'importance de leur action extérieure, notamment au ministère des Finances. En effet, celui-ci considère que l'action internationale d'un ministère, hormis en ce qui concerne l'aide au développement, est le simple prolongement à l'étranger des politiques publiques, et non pas une politique spécifique. Dès lors, les crédits « internationaux » d'une politique, par exemple celle de soutien aux PME, ne doivent pas, selon ce principe, être dissociés des autres crédits concourant à cette politique.

Votre Rapporteur ne conteste pas par principe cette dernière interprétation : cependant, il est possible de distinguer, parmi les crédits internationaux, ceux qui ne sont effectivement que le simple prolongement d'une politique nationale et ceux qui relèvent vraiment d'une politique d'action extérieure spécifique. A cet égard, il ne me semble pas possible de considérer que l'action de la DREE ne fait pas partie de l'action extérieure de la France : avec ses 166 missions économiques et ses 1755 agents (soit 20,73 % de l'ensemble des effectifs budgétaires à l'étranger), le réseau extérieur de la DREE joue un rôle central dans la mise en _uvre de l'action extérieure de la France. A l'étranger, ces missions sont considérées comme le service économique de l'Ambassade de France en vertu du décret du 1er juin 1979 « relatif aux pouvoirs des ambassadeurs et à l'organisation des services de l'Etat à l'étranger ». D'ailleurs les attributions de ces missions sont généralement assurées chez nos partenaires sous l'autorité directe de l'Ambassadeur.

Dans l'état actuel de la réflexion, le ministère des Finances serait prêt à constituer en son sein un programme « Aide publique au développement », ce qui est une avancée non négligeable dans la mesure où Bercy (en comptant le budget des charges communes) gère 3,39 milliards d'euros d'APD, soit 50 % de l'APD totale de la France. En revanche, il est opposé à la constitution d'autres programmes internationaux en son sein, notamment, ce qui est regrettable, dans le domaine de l'expansion économique. Rappelons, encore une fois, qu'il ne s'agit pas de transférer les crédits mais seulement de permettre au Parlement d'avoir une vision d'ensemble d'une politique !

2) Développer l'interministérialité sur le terrain

S'il est important de pouvoir permettre aux parlementaires de disposer d'une vision cohérente de l'action extérieure de l'Etat, il importe également de s'assurer que l'interministérialité est une réalité de terrain, dans les réseaux de nos postes à l'étranger. Ce n'est pas la LOLF qui règlera cela. Il faut malheureusement constater que cela est encore loin d'être le cas, tant pour des raisons techniques (par exemple les réseaux informatiques et de communication des Affaires étrangères et des Finances ne sont pas compatibles entre eux), de sociologie administrative (les chefs de mission économique dépendent finalement plus de leur hiérarchie à Paris que de l'Ambassadeur) ou à cause des habitudes.

Votre Rapporteur se félicite donc de l'avancement de la réflexion dans ce domaine, qu'elle soit interne au ministère des Affaires étrangères ou qu'elle soit menée avec d'autres administrations : Dominique de Villepin et Francis Mer ont ainsi signé le 10 juin 2003 un relevé d'orientations sur le renforcement de la coopération entre le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministère des affaires étrangères. Ces différentes réflexions ont ainsi débouché sur des idées intéressantes dans le but de rapprocher concrètement les différents réseaux de représentation à l'étranger des ministères.

Tout d'abord, pour améliorer la coordination de l'action dans chaque pays, il sera institué des « plans d'action de l'Ambassade ». ils seront présentés par l'Ambassadeur dans les six mois de sa prise de fonctions, en tenant compte des objectifs et orientations proposés par l'ensemble des chefs de poste relevant d'autres ministères. Ces plans seront validés en interministériel afin de s'assurer de leur cohérence globale. Cette coordination ira plus loin dans les pays de l'Union européenne, où sera instituée une structure souple de coordination sur les sujets communautaires, par nature transversaux, dont le chef de la mission économique sera membre à part entière.

Par ailleurs, les administrations concernées, au premier chef les Finances et les Affaires étrangères, ont décidé d'intensifier leurs échanges d'informations. Cela passera notamment par une utilisation plus fréquente du chiffre diplomatique par les missions économiques, permettant ainsi le partage réciproque de l'information.

La coordination de l'action de l'Etat sera également renforcée au niveau régional. A cette fin, le ministère des Affaires étrangères va développer la régionalisation du travail diplomatique, en tenant compte de l'organisation régionale instituée par le ministère des Finances en 2002 (constitution de 25 services régionaux).

En ce qui concerne la gestion budgétaire locale, une innovation sera expérimentée dès cette année, celle du « budget-pays » qui permettra à l'Ambassadeur, ordonnateur secondaire unique des dépenses de l'Etat à l'étranger, de disposer d'une vision globale des crédits affectés à notre action extérieure dans son pays de résidence. A l'automne, une conférence d'orientation budgétaire sera organisée par l'Ambassadeur avec l'ensemble des chefs de service. Ceux-ci lui feront connaître les demandes budgétaires qu'ils font à leur propre ministère afin de donner à chacun une information réciproque et une vue d'ensemble de la politique de la France dans le pays. Par ailleurs, à partir de 2006, un service administratif et financier unique sera mis en place dans chaque ambassade pour mettre fin à la situation de dispersion actuelle dans un domaine où il est facile de dégager des économies d'échelles.

Enfin, au-delà des textes et des procédures, l'interministérialité ne pourra fonctionner que si l'aspect humain est également pris en compte. Trop souvent, le travail sur le terrain est pénalisé par des querelles de chapelles et des cloisonnements entre agents relevant d'administrations différentes. Pour y mettre fin, il est donc indispensable d'établir des passerelles entre les diverses administrations concourant à l'action extérieure de l'Etat. Ces échanges devront se faire dans les deux sens :

- il faudra ouvrir le Quai d'Orsay à des fonctionnaires issus d'autres ministères, y compris pour occuper des postes d'ambassadeurs. Il faudra en effet montrer que le développement de l'interministériel n'a pas pour but de favoriser une catégorie de fonctionnaires par rapport à d'autres. De plus, cela permettra de mieux adapter le recrutement des ambassadeurs aux spécificités du pays de destination : dans certains pays, il peut ainsi être utile de nommer un spécialiste des questions économiques, dans un autre un expert des questions de sécurité...,

- les diplomates devront à l'inverse faire des passages dans d'autres ministères afin de mieux connaître les thèmes traités par ceux-ci et en faire profiter le Quai d'Orsay à leur retour. Afin de développer ce phénomène, le ministère a entamé le processus de modification des textes sur la mobilité des diplomates qui ne sont pas actuellement tenus par une obligation de mobilité dans un autre ministère. Des moyens financiers adaptés devront donc être dégagés pour la formation ;

- il faut noter que, dans le cadre du renforcement de leur coopération, les ministères des Finances et des Affaires étrangères ont décidé une « généralisation des échanges d'agents » portant en permanence sur une demi-douzaine d'agents dans chacun des deux ministères.

B - La réforme interne du ministère : un chantier bien engagé

1) Rendre le ministère des affaires étrangères plus souple et plus efficace

La volonté de réformer l'action extérieure de l'Etat passe donc par un renforcement des structures interministérielles dans ce domaine. Pour autant, la réflexion en cours, notamment dans le cadre de l'élaboration du « plan d'action stratégique Affaires étrangères 2007 » vise aussi à moderniser l'administration du ministère. Si le ministère a fourni des efforts remarquables depuis une dizaine d'années, notamment en termes d'emploi, la taille de son réseau reste une source de critiques que votre Rapporteur juge aujourd'hui excessives.

En effet, il est logique pour la France de disposer d'un réseau diplomatique (deuxième réseau mondial derrière les Etats-Unis) et consulaire (deuxième derrière l'Italie) en adéquation avec ses ambitions mondiales. Plus intéressantes peuvent être les critiques portant sur la mauvaise répartition des ressources disponibles entre les pays du monde afin de tenir compte des évolutions géopolitiques. Votre Rapporteur soulignait ainsi l'an dernier la nécessité de réduire notre présence consulaire dans les pays de l'Union européenne et d'augmenter au contraire notre visibilité dans certains pays émergents. Or, sur ces points, les réflexions en cours au sein du ministère des Affaires étrangères permettent d'espérer des évolutions intéressantes. Ces dernières concernent principalement un réseau consulaire particulièrement étoffé par rapport à nos principaux partenaires (105 postes consulaire, contre 79 pour les Etats-Unis, 72 pour le Royaume-Uni et 49 pour l'Allemagne).

Ainsi, il est tout d'abord proposé de tirer toutes les conséquences de la construction européenne en matière consulaire. En effet, les Français installés dans un autre pays de l'Union n'y sont pas tout à fait des étrangers puisqu'ils sont aussi titulaires de la citoyenneté européenne : la construction européenne a en effet profondément changé la nature des métiers consulaires, ce que l'évolution de la carte consulaire ne semble pas encore traduire. Afin de changer cette situation, certaines propositions méritent d'être relevées :

- regrouper à Nantes les activités d'état-civil de nos consulats en Europe afin de tenir compte des progrès des communications, ce qui permettra de réaliser des économies budgétaires ;

- intervenir pour le compte de nos partenaires européens et réciproquement. Compte tenu de la communautarisation des matières « visas, asile, immigration et libre circulation des personnes », il n'est plus justifiable que chaque pays de l'Union dispose dans chaque pays tiers d'une représentation consulaire propre. A terme, il est même souhaitable, dans certains pays, de disposer de bureaux communs de l'Union européenne, même si cela n'est pas encore possible dans l'état actuel du droit international ;

- favoriser des installations communes des pays de l'Union dans certains pays tiers afin de faire des économies d'échelle.

Plus globalement, c'est l'ensemble du métier consulaire qu'il faut repenser en passant d'une vision spécialisée du rôle de consul à une vision beaucoup plus généraliste. Les postes consulaires doivent être davantage considérés comme des « relais d'ambassades », dotées d'une véritable capacité d'action politique, économique et culturelle. Cette évolution sera expérimentée dès 2004 dans certains pays européens.

Concrètement, ces évolutions doivent signifier une réduction du nombre d'agents consulaires dans l'Union européenne, voire une diminution des implantations. En dépit de la disparition de certains consulats depuis une dizaine d'années, il semble encore possible d'aller plus loin et de redéployer nos moyens sur d'autres missions du ministère.

2) La mise en place des « programmes » dans le cadre de la nouvelle organisation budgétaire : un élément essentiel de la réforme de l'Etat

Le but de la réforme budgétaire est de passer d'un modèle structuré par nature de moyens à un modèle structuré autour des finalités des politiques publiques, contrôlé par les résultats obtenus. Ce bouleversement permettra à la fois :

- un contrôle démocratique accru puisque l'autorisation budgétaire sera directement liée à la mise en _uvre des politiques publiques, ce qui réduit l'opacité de la gestion publique et permet de faire de véritables choix politiques ;

- une modernisation de la gestion publique : il y aura une centaine de programmes, contre 850 chapitres budgétaires actuellement, ce qui donnera aux gestionnaires une marge de man_uvre nettement supérieure dans l'affectation des crédits. En échange, leur action sera plus facilement évaluable, puisqu'à chaque programme correspondra une dotation budgétaire globalisée et un objectif de politique publique facilement identifiable.

En conséquence, les crédits seront répartis en missions, ministérielles ou interministérielles, regroupant différents programmes ; le choix de leur périmètre est décisif. En effet, les programmes seront à la fois l'unité de vote et de spécialité des crédits : les parlementaires fixeront une enveloppe globale pour chaque programme, qui sera mise à disposition des gestionnaires. Ensuite, ceux-ci pourront répartir comme ils l'entendent les crédits votés entre les différentes actions d'un programme : c'est ce que l'on appelle la fongibilité. D'où l'importance de la cohérence de ces programmes : car s'il est légitime de donner aux gestionnaires une souplesse accrue afin de réaliser les objectifs qui leur sont fixés, il est en revanche contraire à l'esprit de la LOLF de permettre aux gestionnaires de procéder à des arbitrages strictement politiques. C'est pourquoi les programmes doivent correspondre à des politiques clairement identifiées et ne pas regrouper des crédits destinés à des objectifs différents.

En outre, afin de pouvoir réellement évaluer le rapport coût/efficacité d'une politique, il est indispensable que les programmes, correspondant à des objectifs clairement identifiés, regroupent l'ensemble des dépenses concourant à la mise en _uvre de cette politique. Ainsi, la constitution de « programmes support » ou de « services polyvalents » n'est admissible que s'il est réellement impossible, ou contre-productif, d'affecter un certain type de dépenses à une politique déterminée. Il pourrait donc être acceptable de regrouper dans un même programme l'ensemble des crédits de fonctionnement du réseau à l'étranger car il est utile de permettre de faire des économies d'échelle, en mutualisant les dépenses courantes (immobilier, parc automobile, électricité...).

Dans un premier temps, la réflexion interne au ministère des Affaires étrangères, il avait été envisagé de répartir les crédits du ministère en trois programmes correspondant à ses trois principales missions :

- un premier programme aurait regroupé les crédits destinés à assurer le rayonnement de la France dans le mode, c'est-à-dire l'action diplomatique, la politique culturelle (audiovisuel, politique linguistique), la francophonie...,

- un deuxième programme aurait regroupé l'ensemble des crédits destinés à l'aide publique au développement, quel que soit l'instrument utilisé (Contributions au Fonds européen de développement, FSP...),

- un troisième programme aurait regroupé les crédits destinés au fonctionnement des « Services publics du ministère » (consulats, lycées français, gestion de l'asile...).

Les réflexions internes au ministère des Affaires étrangères ont conduit le Ministre à finalement modifier ce schéma, en favorisant une approche plus traditionnelle, davantage centrée sur les structures existantes. Pourtant, comme il est indiqué dans un fascicule annexé au Projet de loi de finances 2004, « se donner des objectifs, politique par politique, contraint nécessairement à dépasser les organisations internes des services des ministères ».

Ainsi, le périmètre dorénavant envisagé pour les futurs programmes est le suivant :

- le programme n°1 porte toujours le nom de « rayonnement et influence de la France », mais certains des crédits concourant à cet objectif (les crédits d'action culturelle) n'y figurent pas. A l'inverse, les crédits du FED, qui relèvent de l'aide publique au développement, seraient inscrits dans ce programme.

- le programme n° 2 « coopération et action culturelle » regrouperait l'ensemble des crédits de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), soit à la fois des crédits destinés à l'action culturelle et à l'aide au développement. Contrairement à la logique voulue par la LOLF, ce programme privilégie une approche en termes de structure plutôt qu'en termes d'objectifs.

- le programme n° 3 dit « réseau et services publics à l'étranger » contiendrait notamment les crédits destinés à l'ensemble des services à l'étranger (fonctionnement courant et personnels), quel que soit le type de politique pour lesquels ils sont utilisés. Le regroupement des dépenses de personnel de l'ensemble des réseaux au sein d'un même programme revient à réintroduire la notion de « nature » de la dépense que la LOLF devait remplacer par celle de « finalité » de la dépense.

Interrogé sur ce point par votre Rapporteur lors de la présentation du budget 2004 devant la Commission des Affaires étrangères, le Ministre a toutefois indiqué sa disponibilité à poursuivre la réflexion à ce sujet et souligné son attitude d'ouverture aux propositions des parlementaires à ce sujet.

Votre Rapporteur souhaite que le ministère des Affaires étrangères, qui peut revendiquer plus que tout autre l'action exemplaire engagée pour la réforme de l'Etat, et fort du crédit qu'il peut en retirer pour réclamer légitimement la constitution d'une mission interministérielle « action extérieure de l'Etat », s'inscrive pleinement dans l'esprit de la LOLF.

Il n'en serait que plus fort pour demander à d'autres de se plier à une logique de finalité politique qu'il s'appliquerait à lui-même.

Encore une fois, la LOLF n'a nullement pour objectif de « casser » les outils existants ni de soustraire tel crédit ou tel organisme à la tutelle de tel service ou de tel ministère, mais seulement d'améliorer la transparence de la discussion et du contrôle budgétaires et la pertinence des politiques.

CONCLUSION

Dans un contexte économique difficile, le budget 2004 du ministère des Affaires étrangères est probablement le meilleur possible. Encore faut-il souligner que, s'il permet de financer les priorités de l'action extérieure de la France, c'est au prix d'un effort de rigueur en termes de fonctionnement et de personnel, exemple qui pourrait utilement être suivi par d'autres ministères, et en particulier ceux qui se posent volontiers en donneurs de leçons.

Il est cependant utile de rappeler que la qualité de l'action du ministère des Affaires étrangères en 2004 dépendra davantage des crédits effectivement disponibles que des crédits votés en loi de finances. Le volume de ces derniers est en effet suffisant pour permettre à la France d'assumer ses responsabilités internationales. Votre Rapporteur vous recommande donc de donner un avis favorable à l'adoption des crédits des affaires étrangères pour 2004.

AUDITION DES MINISTRES

Audition de M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères
et de M. Pierre-André Wiltzer, Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, devant la Commission des Affaires étrangères,

le mardi 28 octobre 2003

M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères, a insisté sur la cohérence du budget face à la nécessité de réduire la dépense publique, de réformer l'Etat, de moderniser le ministère et de respecter les grands objectifs du Président de la République et du Gouvernement.

Il a d'abord souligné la contribution de ce budget à l'effort de réduction de la dépense publique en rappelant que l'année 2003 s'était traduite par une régulation budgétaire sans précédent, amputant le budget de 247 millions d'euros, soit près de 15 % des crédits hors rémunérations et engagements internationaux. L'exécution du budget 2003 fut donc très difficile, remettant en cause la programmation budgétaire, en matière de coopération internationale et d'aide publique au développement (APD).

Le projet de budget pour 2004 s'élève à 4,2 milliards d'euros, ce qui représente une progression de 2,6 % par rapport à 2003 mais, si l'on exclut les crédits consacrés à l'aide publique au développement (APD), ce budget est en baisse de 1,6 %. Le Ministre des Affaires étrangères a détaillé les mesures sur lesquelles porterait cette baisse : suppression de 116 emplois en 2004, économie de 20 millions d'euros sur les indemnités de résidence, réduction de 2% des frais de fonctionnement de l'administration centrale et du réseau à l'étranger par rapport à 2003, diminution des crédits immobiliers de 10,3 % en crédits de paiement et de 23,5 % en autorisations de programmes ce qui conduira à réexaminer le financement des campus diplomatiques de Pékin et de Tokyo et le déménagement des archives du ministère des Affaires étrangères à La Courneuve.

En revanche, il a fait valoir que certaines dotations, même si elles demeurent insuffisantes, avaient été reconduites : les contributions volontaires aux organismes internationaux, les subventions aux opérateurs de l'audiovisuel, la coopération militaire et de défense, les dépenses diverses au titre de l'aide alimentaire et l'enseignement français à l'étranger.

M. Dominique de Villepin a ensuite détaillé les innovations préfigurant la réforme de l'action extérieure de l'Etat, en cohérence avec le projet de plan d'action stratégique, « Affaires étrangères 2007 », en cours de validation. Ce plan propose de changer les mentalités plus que les structures en affirmant le rôle interministériel du Quai d'Orsay, en renforçant sa capacité stratégique, en consolidant le budget de l'action extérieure de l'Etat, et en instaurant dans le cadre de la loi organique sur la loi de finances (LOLF) une mission interministérielle « action extérieure de l'Etat » qui pourra être complétée d'un ou de plusieurs programmes coordonnés de politique interministérielle.

La création d'un Conseil d'orientation stratégique, ouvert aux autres ministères et à la société civile, voire à des personnalités étrangères, la mise en place d'une direction collégiale, composée du Secrétaire général et de trois ou quatre secrétaires généraux adjoints veillant à la coordination des programmes identifiés en application de la LOLF font également partie des propositions avancées dans ce plan.

De même, la cohérence interministérielle devra se traduire par la rédaction d'un « plan d'action de l'ambassade » associant tous les services de l'Etat présents dans le pays ; l'animation du réseau des postes diplomatiques sera confiée aux directions géographiques.

Le Ministre des Affaires étrangères a souhaité que le ministère soit plus opérationnel en adoptant des méthodes de travail plus souples et un système de déconcentration maximale des crédits, en se concentrant sur les tâches qui relèvent directement de l'Etat, en insufflant la culture de l'évaluation, en rendant les nominations plus transparentes à tous les niveaux, grâce à la création d'un comité diplomatique et consulaire, et en développant la formation, une priorité pour le ministère dans le cadre d'une charte de la formation.

De plus, il a annoncé le réaménagement des réseaux diplomatiques, consulaire et culturel d'ici 2007, pour dégager les marges de financement de la réforme, en jouant sur toutes les variables (polyvalence des sites et des hommes, transfert d'attributions à des postes voisins mieux dotés, coopération renforcée avec nos partenaires de l'Union européenne, l'Allemagne et le Royaume-Uni en particulier, etc.). Selon le Ministre des Affaires étrangères, il faudra également procéder à une analyse coût-efficacité de la présence française en terme d'immobilier ou de personnel.

En outre le plan d'action propose d'accentuer la modernisation de la gestion en la dynamisant par la déconcentration et la globalisation des moyens de fonctionnement, le regroupement des fonctions de soutien en services administratifs et financiers uniques, l'instauration de « budgets-pays » et de conférences d'orientation budgétaire, la création d'une direction du contrôle de gestion composée de professionnels issus du secteur privé.

Le Ministre des Affaires étrangères a évoqué un mécanisme d'intéressement à la productivité avec une restitution partielle des gains obtenus dans le traitement des dossiers consulaires. L'économie de 20 millions d'euros effectuée sur les indemnités de résidence sera en partie redéployée pour permettre la revalorisation des rémunérations des recrutés locaux (4,2 millions d'euros) et l'abondement des primes de l'administration centrale (3,8 millions d'euros), une expérimentation de la LOLF dès 2004 dans cinq pays (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Italie et Chine) sera mise en place. Cette procédure de « budget-pays LOLF » permettra aux ambassadeurs concernés d'appliquer la fongibilité des crédits du titre III.

M. Dominique de Villepin a jugé le budget 2004 conforme aux priorités du Président de la République et du Gouvernement en insistant sur le respect de l'objectif de progression de l'APD, qui atteindra 0,43 % du PIB pour un objectif de 0,5 % du PIB en 2007.

Avec 141 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2003, soit une hausse de près de 10 %, l'APD est la première priorité du ministère. Cette progression concerne pour près de 14 % le Fonds européen de développement (FED), pour près de 25% les crédits de paiement du Fonds de solidarité prioritaires (FSP), pour 15,3 % ceux de l'Agence française de développement et pour 29 % le concours financier comprenant les contrats dits de désendettement développement.

La baisse des autorisations de programmes (AP) pour le FSP permettra de réduire le décalage chronique sur ces chapitres entre les autorisations de programme et les crédits de paiement. Le Ministre des Affaires étrangères a estimé que ce budget reflétait le rôle privilégié de la francophonie dans le rayonnement culturel et intellectuel de la France car les crédits alloués au Fonds multilatéral unique augmentent de 10 millions d'euros.

De même, la qualité des services rendus aux Français est également prise en compte car les moyens consacrés au Français de l'étranger seront renforcés, en particulier en faveur de la sécurité et de la solidarité à l'égard des plus démunis. Les crédits liés à la sécurité sur les chapitres de fonctionnement sont maintenus et ceux consacrés aux actions de prévention au service des communautés françaises augmentent de 36 %, par redéploiement. Au sein du budget de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, qui poursuit sa modernisation et adapte la carte de ses implantations, la dotation destinée aux bourses pour les enfants français devrait à nouveau progresser.

Enfin, dans le cadre de la réforme du droit d'asile, les crédits destinés à l'OFPRA et à la Commission de recours des réfugiés augmentent de presque 10 millions d'euros, soit une croissance de 34,4 % par rapport à la LFI pour 2003. Cela permettra de pérenniser les renforts mis à la disposition de ces deux organismes par la loi de finances rectificative de la fin 2002 et de créer 100 nouveaux emplois.

M. Pierre-André Wiltzer, Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, a déclaré que le projet de budget pour 2004 s'inscrivait dans la perspective de l'objectif fixé par le chef de l'Etat d'une aide publique au développement (APD) représentant 0,50 % de notre PIB en 2007. Le montant de cette dernière est passé de 0,32 % en 2001 à 0,41 % cette année et devrait atteindre 0,43 % l'an prochain. La part de notre aide bilatérale poursuit sa progression en 2004 puisque de 62 % du total de l'aide en 2001, elle en représentera 72 % en 2004, malgré l'augmentation de notre contribution au Fonds européen de développement (FED). Au-delà du soutien apporté à l'Afrique dans les enceintes multilatérales, notre aide bilatérale lui a été destinée à hauteur de 72 % l'an dernier et cette proportion devrait augmenter au cours des prochains exercices. Une part importante de l'APD va aux opérations d'allégement de la dette : 2 milliards d'euros y seront consacrés en 2004 contre seulement 470 millions d'euros en 2001. Notre aide est aussi prioritairement utilisée dans le cadre de l'initiative pour les pays pauvres très endettés et les contrats de désendettement développement qui permettent de conjuguer un effort exceptionnel des créanciers avec la mise en _uvre par les pays bénéficiaires d'une stratégie de lutte contre la pauvreté.

Les crédits de coopération du ministère des Affaires étrangères progressent de 141 millions d'euros en 2004, ce qui traduit une priorité politique claire. Il est vrai que l'exercice 2003 a été marqué par des régulations qui ont entraîné un report de charges d'environ 90 millions d'euros. Notre contribution au FED augmente de près de 14 %, les crédits de paiement alloués à l'Agence française de développement progressent de plus de 15 %, ceux du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) de 25 % et les concours financiers de 29 %. Des opérations de développement plus immédiates et plus visibles que les annulations de dettes pourront ainsi être menées par notre pays. Enfin, les autorisations de programmes du titre VI ont diminué de 10 % dans un souci de clarté budgétaire dû au décalage croissant avec les crédits de paiement alloués chaque année.

Les régulations budgétaires ont par ailleurs entravé la mise en _uvre du plan de relance de la Francophonie annoncé par le Président de la République lors du Sommet de Beyrouth. La situation pour 2004 devrait être meilleure en raison de l'allocation de crédits du titre IV et du Fonds multilatéral unique à hauteur de 20 millions d'euros. L'importance qu'attache notre pays à son rayonnement culturel est ainsi clairement exprimée.

Avant de répondre aux questions relatives à ce projet de budget 2004, le Ministre des Affaires étrangères, à la demande du Président Edouard Balladur, a donné à la Commission les précisions suivantes sur la Conférence des donateurs pour l'Irak qui s'est tenue à Madrid. Le montant total des promesses pour la période 2004 - 2007 s'élève à 33 milliards de dollars dont 20 milliards proviennent des Etats Unis. La communauté internationale contribuera pour environ 13 milliards de dollars, dont les deux tiers seront constitués par des prêts et un tiers par des dons. La Banque mondiale sur ce dernier total apportera un montant de 3 à 5 milliards de prêts et le FMI 2,5 à 4 milliards en prêts également. Nous sommes donc encore loin des 56 milliards de dollars nécessaires à la reconstruction du pays, selon la Banque mondiale. Néanmoins le montant est significatif en comparaison d'autres conférences de donateurs, et il devrait saturer la capacité d'absorption de ces sommes par l'Irak pour 2004.

La plupart des délégations ont exprimé des inquiétudes quant à la sécurité de l'Irak et insisté sur la nécessité politique de donner plus de pouvoir et de responsabilités aux Irakiens, ainsi que sur la sécurité juridique et technique indispensable pour pouvoir mettre en _uvre les prêts qui ont été annoncés. Les donateurs ont souhaité la transparence et la coordination de la gestion de l'aide. Face à ces interrogations, Washington comme les Irakiens ont encore peu de réponses.

La France a appuyé l'effort fait par l'Union européenne (200 millions d'euros), elle a rappelé les aides déjà engagées en faveur de l'Irak et annoncé qu'elle était disposée à étudier, dans le cadre du Club de Paris, un traitement de la dette de l'Irak plus adapté à sa capacité actuelle de remboursement.

Répondant au Président Edouard Balladur sur l'apport des autres pays européens, le Ministre des Affaires étrangères a indiqué que l'Espagne et la Grande-Bretagne avaient, au sein de l'Union européenne, apporté les contributions les plus importantes. Le Japon est le deuxième contributeur après les Etats-Unis, avec l'annonce d'une aide de 5 milliards de dollars, dont 3,5 de prêts. La France ne s'est pas engagée pour le moment à réduire la dette de l'Irak, mais a seulement proposé d'examiner cette question dans le cadre des procédures habituelles au sein du Club de Paris.

Après avoir déclaré soutenir l'action du Gouvernement sur la scène internationale visant à défendre les conceptions françaises, M. Jacques Myard s'est dit préoccupé par les annonces de suppressions d'emplois contenues dans le projet de budget du ministère des Affaires étrangères pour 2004. Depuis dix ans, la perte d'emplois a atteint 10 %, ce qui est disproportionné par rapport à ce que doit être l'action de la France dans le monde. Pour cette raison, il a indiqué son intention de déposer des amendements visant à annuler ces suppressions d'emplois.

M. François Rochebloine a tout d'abord demandé à quelle date devait être prise la décision définitive de transférer l'Institut de France de Tel-Aviv dans de nouveaux locaux. Puis il a demandé des précisions quant aux difficultés que paraissent rencontrer actuellement les étudiants étrangers pour obtenir des visas. S'agissant de la proposition de M. Bernard Brochand de créer une chaîne généraliste francophone regroupant les missions de RFO et TV5, il a souhaité connaître le sentiment du Ministre des Affaires étrangères en la matière. Enfin, il a posé la question de la réalisation de la Maison de la Francophonie.

M. Guy Lengagne a estimé que les étudiants étrangers n'étaient pas suffisamment incités à venir en France. Par exemple, sur 25 étudiants turcs qui se rendent en Europe pour étudier, un seul vient en France. Selon lui, l'attribution de bourses aux étudiants étrangers souffre sans doute d'un manque de moyens financiers, mais le problème est également lié à la question de l'attribution des visas. Par ailleurs, il s'est intéressé à la part des autres partenaires dans le financement de l'Institut du monde arabe.

M. Jacques Godfrain a demandé si l'inventaire des projets lancés et risquant de ne pas aboutir du fait des gels de crédits avait été fait. Puis il a souhaité savoir si le ministère des Affaires étrangères envisageait de soutenir la réalisation d'un plan développement.

M. Dominique de Villepin a répondu aux intervenants.

Concernant la politique des emplois, il a admis que la baisse constatée depuis dix ans était importante (9,5 %). L'effort fourni en 2004 relève de la contribution du ministère de Affaires étrangères à l'effort global revendiqué par le Gouvernement, visant à ne remplacer que la moitié des fonctionnaires partant à la retraite. Grâce à une gestion adéquate, notamment en réduisant le taux de vacances de postes, ces réductions n'ont pas pénalisé le fonctionnement du ministère. Mais il est certain qu'il ne sera plus possible de continuer dans cette voie. A l'avenir, les futures rationalisations devront concerner l'ensemble des réseaux de l'Etat à l'étranger : il faudra pouvoir apprécier dans chaque pays le nombre d'agents nécessaires par ministère selon une vision d'ensemble de l'action extérieure de l'Etat. La mise en place d'une polyvalence des agents est nécessaire afin de mettre fin aux cloisonnements entre ministères possédant un réseau à l'étranger. De plus, afin de prendre en compte les évolutions du monde, par exemple celles liés à l'élargissement de l'Europe, la présence française à l'étranger doit pouvoir s'adapter.

L'Institut français de Tel-Aviv est un projet résultant d'une décision conjointe franco-israélienne prise à la suite des conclusions rendues par un groupe de travail de haut niveau. Cette décision étant définitive, elle sera mise en _uvre dans un délai maximum de trois ans. Les études sont en cours ; le coût devrait être de 5 millions d'euros.

Le nombre des étudiants étrangers en France ne dépend pas seulement du niveau des bourses, mais aussi de l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur par rapport à celui de pays comme les Etats-Unis ou le Canada. En dépit du faible coût des études, le système français attire moins que le système américain où existent de grandes facilités de financement des études universitaire proposées par les banques. Il faut donc réfléchir pour améliorer l'attractivité de notre système dans un cadre européen qui doit être mieux coordonné et prendre en compte la question délicate de la mise en place de filières anglophones. Quant à notre politique de visas étudiants, elle s'est délibérément orientée vers une augmentation importante du nombre de visas délivrés.

En ce qui concerne l'Institut du monde arabe, il est vrai que certains Etats sont en retard dans le versement de leurs cotisations ; leur attention a été attirée sur ce problème, et les arriérés ont été versés sur un fonds de réserve dont le produit des placements financiers compensera les aléas des versements de cotisations.

Au sujet de la politique télévisuelle, il faut rappeler que TV5 est une chaîne francophone multilatérale et que toute modification la concernant doit tenir compte de nos partenaires et de nos obligations vis-à-vis de cette chaîne.

M. Pierre-André Wiltzer, Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, a répondu qu'en trois ans le nombre d'étudiants étrangers accueillis dans notre pays avait augmenté de 48 %, renouant ainsi avec l'effectif le plus élevé jamais atteint. Si notre pays, avec plus de 221 000 étudiants, se place derrière le Royaume-Uni qui accueille plus de 242 000 étudiants, il se place nettement devant l'Allemagne avec environ 187 000 étudiants. Le nombre de bourses accordées est de 23 438, dont plus de la moitié au profit d'étudiants africains.

La création d'une Maison de la francophonie regroupant l'ensemble des opérateurs sur un même site est une initiative du Président de la République, rendue publique lors du Sommet de Beyrouth. Une mission a été confiée à un membre de la Cour des Comptes pour la mise en _uvre de ce projet qui doit être réalisé en 2006. Les conclusions de cette mission ont retenu cinq localisations à Paris intra-muros qui viennent d'être soumises aux instances de la Francophonie.

Le gel des crédits a entraîné le report de plusieurs opérations de coopération sur le prochain exercice. Le renforcement des crédits de paiement au titre du FSP et de l'AFD devrait permettre de réaliser ces projets l'an prochain. Enfin, le projet de plan épargne investissement au profit des ressortissants des pays africains est actuellement à l'étude à l'AFD et dans plusieurs réseaux bancaires. Le Mali et le Maroc font partie des pays partenaires privilégiés pour la mise en _uvre de ce programme, qui devrait rapidement déboucher sur la définition de nouveaux produits financiers facilitant l'investissement.

Observant une nouvelle répartition des crédits inscrits au titre IV chapitre 42-31, relatifs à notre contribution aux opérations de maintien de la paix (OMP), M. Gilbert Gantier en a demandé la justification. Sur la réforme de l'ONU, il a souhaité connaître l'état d'avancement des travaux.

M. Richard Cazenave a questionné le Ministre des Affaires étrangères sur la part des programmes de 2003 qui seront imputés sur 2004, ainsi que sur les crédits disponibles pour de nouvelles actions. Par ailleurs, il s'est inquiété de savoir si des enseignements avaient été tirés de 2003 permettant d'élaborer une stratégie de réplique à la régulation budgétaire afin de n'engager qu'à coup sûr certains programmes. Enfin, le calendrier de la LOLF se rapprochant, il a interrogé le Ministre des Affaires étrangères sur les résultats de la réflexion portant sur l'organisation des programmes dans le cadre d'une action interministérielle de l'Etat, espérant que les rapporteurs budgétaires puissent être associés à ces travaux.

M. Jean-Paul Bacquet a souhaité connaître exactement l'évolution sur les vingt ou trente dernières années du nombre d'étudiants africains venant en France, ayant l'impression que ceux-ci étaient beaucoup plus nombreux par le passé.

Soulignant l'importance des efforts de rationalisation budgétaire engagés, M. Loïc Bouvard a demandé comment le ministère des Affaires étrangères comptait agir. Un appel à des cabinets spécialisés en organisation est-il envisagé ? Si oui, quels sont ces cabinets et dispose-t-on d'un budget pour cela ?

M. Dominique de Villepin a répondu que la diminution de crédits observée en matière d'OMP était liée au taux de change, c'est-à-dire à l'effet dollar/euro. La contribution est en fait la même en euros constants.

La réforme des Nations unies est un grand projet évoqué depuis de nombreuses années. M. Kofi Annan l'a mise à l'ordre du jour de la nouvelle session : elle a un caractère ambitieux, puisque qu'elle devrait notamment modifier la représentativité des groupes régionaux au sein du Conseil de sécurité. Plusieurs pays sont candidats au Conseil de sécurité, et chacune de ces candidatures suscite des contre-candidatures. Aussi, le travail d'un Comité des Sages sera-t-il nécessaire pour y voir plus clair. S'ajoute à cela le projet de réforme du Conseil économique et social, pour le transformer en un Conseil de sécurité économique et sociale susceptible de faire des propositions et d'apporter des rationalisations de l'action des Nations unies dans ce domaine. Pourraient aussi être évoquées certaines idées proposées par notre pays, telles que la création d'un corps d'inspection dans le domaine de la non-prolifération ou d'un corps d'inspection dans le domaine des droits de l'Homme. Ces derniers permettraient de disposer de plus d'information pour mieux ajuster la politique de l'organisation internationale et de l'appuyer par des inspections plus intrusives.

Ces projets constituent un grand chantier, et la France est à l'origine du plus grand nombre de propositions pour ces réformes, en concertation étroite avec nos partenaires européens, notamment les Britanniques très soucieux aussi d'avancer dans ce domaine. Le Secrétaire général des Nations unies présentera, le moment venu, ses conclusions et propositions et il faut espérer que celles-ci feront l'objet de toute l'attention nécessaire, eu égard aux menaces qui pèsent sur le monde et exigent l'efficacité de l'organisation.

En ce qui concerne la régulation budgétaire, le report de charges pour 2004 devrait être de l'ordre de 90 millions d'euros dont 20 pour le FSP ; c'est pourquoi il a été demandé que soient dégelés en priorité les crédits de l'aide publique au développement. Le budget pour 2004 prévoit des hausses substantielles pour cette APD (FSP, AFD, aide budgétaire, FED) pour un total de plus de 150 millions d'euros. La programmation pour 2004 a été conçue en intégrant une diminution a priori des enveloppes de chaque pays, ce qui permettra d'adapter nos projets aux disponibilités finales en crédits.

A ce stade, le Ministre des Affaires étrangères a indiqué qu'il proposait pour la LOLF la construction suivante en trois programmes dotés chacun de 1,3 milliard d'euros.

Le premier programme serait intitulé « rayonnement et influence de la France » ; il comporterait les crédits de l'action diplomatique de la France, des directions géographiques, des contributions aux organisations internationales, l'action humanitaire et de maintien de la paix, la coopération en matière de défense.

Le deuxième programme serait celui de la coopération et de l'action culturelle qui regrouperait une grande partie des crédits de la DGCID. Une logique plus thématique « aide au développement » aurait été possible, regroupant les seuls crédits de l'aide au développement, mais cela supposerait en parallèle la création de la mission « action extérieure de l'Etat ». Le Ministre a dit souhaiter la création de cette mission, la jugeant incontournable, mais a souligné qu'il s'agissait d'un choix politique lourd de conséquences pour l'ensemble des autres administrations.

Le troisième programme intitulé « réseaux et services publics à l'étranger » regroupe essentiellement les crédits de la direction des Français à l'étranger, de la direction générale de l'administration, du Cabinet, du Secrétariat général et dans un premier temps des réseaux à l'étranger.

M. Pierre-André Wiltzer a ajouté que son premier objectif était de revenir sur la forte décroissance des années précédentes : la France doit faire face à une très forte demande d'accueil d'étudiants étrangers, en particulier de l'Afrique du Nord (qui constitue la moitié de l'effectif des étudiants africains en France). Pour ces étudiants, beaucoup plus répartis qu'avant sur tout le territoire, la France reste une destination privilégiée. Une question mériterait un débat en profondeur : faut-il continuer à proposer toujours davantage de places pour former les élites de ces pays, sachant qu'une grande partie de ces étudiants ne retourne pas dans son pays, ou bien faut- il compléter notre action par la mise en place de pôles de formation de haut niveau pour faire face à ces besoins ? Cette solution éviterait l'aspiration des étudiants formés vers l'Europe au détriment du pays d'origine.

M. Dominique de Villepin a ajouté que le ministère n'avait pas fait appel à des consultants privés pour la réforme ; un comité de pilotage a été mis en place, réunissant des personnes venant pour certaines de l'entreprise. Un contrôleur de gestion issu du privé a été sélectionné et nommé au sein du ministère, une consultation des postes et des agents du réseau a eu lieu. Un plan d'action stratégique, étalé sur quatre ans, va être définitivement adopté dans les prochains jours.

Le Président Edouard Balladur a rappelé qu'il y a une dizaine d'années, alors qu'il était Premier Ministre, la question du coût de l'installation des archives du ministère des Affaires étrangères à La Courneuve était déjà une préoccupation. Il s'est étonné que depuis dix ans rien ne se soit passé et a demandé si des crédits étaient disponibles pour cette action, qui, semble-t-il, doit prendre la forme d'une construction nouvelle.

Le Ministre des Affaires étrangères a répondu qu'en effet rien n'avait eu lieu car le choix du lieu avait fait l'objet de nombreuses discussions interministérielles depuis dix ans ; en outre, le ministère n'avait pas eu les moyens financiers permettant de réaliser ce projet et a espéré que ces moyens seraient à présent disponibles. Le problème est le même pour différents projets d'ambassades toujours dans les tiroirs (Tokyo ou Pékin par exemple), programmes qui ont fait les frais du manque de crédits de paiement disponibles ces dernières années.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 4 novembre 2003, la Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Richard Cazenave, les crédits des Affaires étrangères pour 2004.

M. Richard Cazenave, Rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué que le budget 2004 devait permettre à l'appareil diplomatique de la France de mettre en _uvre les priorités affichées par le Président de la République, malgré une conjoncture économique difficile.

Il a ainsi fait remarquer que ce budget se caractérisait par un effort de rigueur remarquable de la part de l'administration du ministère des Affaires étrangères. En effet, hors Aide publique au développement, le budget du ministère est en baisse de 1,16 %, grâce à un réel effort réel en matière d'emplois (116 emplois seront supprimés, soit un taux de non remplacement des départs en retraite proche de un sur deux), en matière de rémunérations (baisse des primes d'expatriation), et grâce à des économies réalisées sur les frais de fonctionnement et sur les crédits d'investissement.

M. Richard Cazenave a cependant estimé que ce budget permettait de financer les grandes priorités de l'action extérieure de la France. La première priorité concerne l'aide publique au développement, dont les crédits augmenteront de 9,5 %. Les autres priorités qui sont également financées sont la sécurité, la francophonie multilatérale et le financement de la réforme de l'asile.

Compte tenu du contexte budgétaire, ce n'est malheureusement pas cette année que seront comblées certaines des lacunes traditionnelles du budget des Affaires étrangères, par exemple dans le domaine des contributions volontaires de la France aux organismes relevant des Nations unies ou en ce qui concerne la coopération militaire.

Le Rapporteur pour avis a également abordé le problème de la régulation budgétaire, qui pourrait dépasser 250 millions d'euros en 2003, soit l'équivalent de 15 % des dépenses qui n'ont pas à un caractère obligatoire (rémunérations et engagements internationaux). Or, les conséquences de la régulation sont particulièrement perturbatrices tant pour l'organisation des services que pour la visibilité de l'action extérieure de la France. Si l'on peut penser que la régulation devrait être moins forte en 2004 qu'en 2003, il faut néanmoins continuer de réfléchir à une pratique plus « intelligente » de la régulation, qui exigerait une programmation plus fine et plus souple des décaissements.

M. Richard Cazenave a ensuite évoqué le chantier de la réforme de l'action extérieure de l'Etat, ouvert par M. Dominique de Villepin. A ce sujet, il a souhaité que l'on profite de l'opportunité offerte par la mise en _uvre de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), en créant une Mission « Action extérieure de l'Etat » regroupant l'ensemble des programmes concourant à cet objectif. Il faut malheureusement constater que cette proposition s'est heurtée à un certain nombre d'oppositions, notamment de la part du ministère des Finances. Bercy serait disposé à créer un programme « Aide publique au développement », ce qui n'est pas négligeable, mais refuse d'isoler les dépenses de la DREE, c'est-à-dire des missions économiques à l'étranger qui relèvent pourtant naturellement de l'action extérieure de l'Etat.

Pour autant, afin de convaincre les autres ministères de respecter l'esprit novateur de la LOLF, il faut que le ministère des Affaires étrangères soit exemplaire dans la mise en place de celle-ci en son sein. Il faut donc être extrêmement vigilant quant à la définition des « programmes » qui regrouperont les crédits du ministère. Il faut s'assurer que ces derniers correspondent réellement à des politiques clairement identifiables.

Ainsi, M. Richard Cazenave a estimé qu'il serait souhaitable que les programmes correspondent aux trois grandes missions du ministère : le rayonnement et l'influence de la France (dépenses diplomatiques, action culturelle...), l'aide publique au développement, et enfin la gestion des services publics du ministère (asile, lycées français, assistance aux français de l'étranger...). Cependant, les programmes actuellement envisagés ne correspondent pas à des politiques clairement identifiées et regroupent au contraire des crédits destinés à des objectifs différents, en privilégiant les structures administratives existantes : les crédits d'aide au développement par exemple sont répartis entre les différents programmes, empêchant ainsi d'avoir une vision générale quel que soit le type de politique pour lesquels ils sont utilisés, alors que l'ensemble des crédits destinés au réseau à l'étranger sont concentrés au sein d'un même programme.

M. Richard Cazenave a conclu que, dans un contexte économique difficile, le budget 2004 du ministère des Affaires étrangères était probablement le meilleur possible, et a recommandé à la Commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits des affaires étrangères pour 2004.

M. Serge Janquin a souhaité savoir quel était le montant des crédits annulés du fait de la régulation budgétaire. Le ministère est-il concerné par les efforts devant être consentis pour satisfaire à nos engagements vis-à-vis de la Commission européenne ? L'expression pudique de la « rationalisation des moyens » ne sert-elle pas à masquer l'insuffisance des crédits, qui risque de mettre en difficulté le réseau diplomatique, le réseau culturel et les établissements de l'AEFE ?

M. Didier Julia a demandé quels établissements d'enseignement implantés au Proche-Orient relevaient de la francophonie multilatérale. Le Président de la République aurait déclaré que les effectifs de certaines ambassades, comme celle de Washington, étaient excessifs ; quelle suite a été donnée à ces propos ?

M. Noël Mamère a estimé que l'effort accompli en matière d'aide publique au développement demeurait insuffisant. Par ailleurs, le désengagement du Ministère des Affaires étrangères au profit du Ministère de l'Intérieur vis-à-vis de l'OFPRA est tout à fait inquiétant et contraire à la vocation même de cette organisation.

Le Rapporteur pour avis a répondu que les crédits du ministère annulés en raison de la régulation s'élevaient à 250 millions d'euros pour le présent exercice. Cette situation s'explique par l'écart entre la croissance réellement constatée et l'hypothèse de croissance retenue dans la loi de finances initiale pour 2003. Elle a durement affecté les crédits d'intervention et l'on peut espérer qu'il ne sera pas nécessaire de renouveler une telle pratique du fait de l'amélioration de la situation économique en 2004. En tout état de cause, la régulation ne doit pas conduire à privilégier l'abondement du FED au détriment de notre aide bilatérale. La Commission des Affaires étrangères devra être vigilante sur ces différents points.

S'agissant de la part que représente le budget du ministère des Affaires étrangères dans le budget global de l'Etat, celle-ci a diminué entre 1996 et 2002, passant de 1,45 % à 1,28 %, avant de remonter à 1,32 % en 2003 : la situation actuelle est donc moins mauvaise que dans le passé.

Il existe un établissement relevant de la francophonie multilatérale implanté au Proche Orient : il s'agit de l'Université Léopold Senghor à Alexandrie, qui est l'un des opérateurs de la francophonie. Quant aux redéploiements au sein du réseau diplomatique, il convient d'y procéder en tenant compte de l'évolution des métiers, par exemple en revoyant les missions des consulats implantés dans l'Union européenne.

L'aide publique au développement est en forte hausse, puisque après être passée de 0,57 % du PIB en 1994 à 0,32 % en 2000, elle remonte à 0,43 % dans le projet de loi de finances pour 2004. Cette progression doit permettre à notre pays de respecter les engagements pris lors de l'élection présidentielle et des élections législatives, d'accroître l'aide de 50 % en cinq ans et de la doubler dans les 10 ans.

Il est inexact d'affirmer que l'OFPRA relève désormais davantage du ministère de l'Intérieur que du ministère des Affaires étrangères, car la suppression de l'asile territorial, qui relevait précédemment des préfectures, a conforté le rôle de l'OFPRA, qui demeure sous la tutelle du Quai d'Orsay et qui est désormais en charge de l'intégralité des demandes d'asile.

M. François Loncle a souhaité rectifier les propos du rapporteur en faisant observer que si la part du budget du ministère des Affaires étrangères dans le budget global avait diminué entre 1995 et 2000, elle s'était stabilisée entre 2000 et 2002.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des Affaires étrangères pour 2004.

N° 1113 tome II - Avis de M. Richard Cazenave sur le projet de loi de finances pour 2004 : Affaires étrangères


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Les contributions aux organisations internationales spécialisées sont généralement assurées par les ministères « techniques » : le ministère de l'Environnement finance par exemple en partie la contribution française au PNUE, le programme des Nations unies pour l'environnement

Avis 259-II de M. Richard Cazenave sur les crédits des Affaires étrangères