N° 1114

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2003.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

TOME V

DÉFENSE

MARINE

PAR M. Charles Cova,

Député.

--

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

I. -  LE PROJET DE BUDGET DE LA MARINE POUR 2004 : DES MOYENS SATISFAISANTS 7

A. UN NIVEAU DE DÉPENSES DE PERSONNEL ET DE FONCTIONNEMENT PLUTÔT STABLE, MAIS OFFRANT PEU DE MARGES DE MANOEUVRE 7

1. L'évolution générale des crédits de rémunérations et charges sociales 7

2. La persistance d'un léger sous-effectif 7

3. Les mesures de revalorisation de la condition militaire et de fidélisation 9

4. Les dotations consacrées au fonctionnement 10

B. LA POURSUITE DU REDRESSEMENT DU NIVEAU DES ÉQUIPEMENTS 11

1. L'augmentation, pour la deuxième année consécutive, du titre V du budget de la marine 11

2. Un effort budgétaire réparti dans tous les domaines 12

II. -  LES DÉFIS POUR LA MARINE : UN AVENIR CONDITIONNÉ 19

A. LA NÉCESSITÉ DE PORTER, PLUS QUE JAMAIS, UNE ATTENTION PARTICULIÈRE À LA COMPOSANTE HUMAINE 19

1. Les aspirations des personnels : la marine en questions 19

2. Des effectifs militaires au plus juste 21

3. Les hypothèques résultant d'un recours accru aux personnels civils 22

B. LES VOIES ÉTROITES DE LA MODERNISATION DES ÉQUIPEMENTS 23

1. D'importants projets de renouvellement de la flotte 23

2. Un équilibre budgétaire fragile 25

C. L'ADAPTATION DU SOUTIEN DES FORCES 26

1. La réorganisation de la chaîne logistique 26

2. La réforme de DCN et ses coûts pour la marine 29

III. -  LA DIVERSIFICATION DES MISSIONS : UNE MARINE AU SERVICE DES FRANÇAIS 31

A. LA LUTTE CONTRE LES TRAFICS ET LA SURVEILLANCE DES APPROCHES MARITIMES 31

B. LES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC 32

CONCLUSION 33

TRAVAUX DE LA COMMISSION 35

I. -  AUDITION DE L'AMIRAL JEAN-LOUIS BATTET, CHEF D'ÉTAT-MAJOR DE LA MARINE 35

II. -  EXAMEN DES CRÉDITS 43

INTRODUCTION

La fin de la guerre froide a complètement modifié le concept d'emploi des forces. Le Président de la République a tiré très tôt les conséquences de ce changement stratégique majeur, en décidant la professionnalisation des armées et un recentrage de leurs priorités autour des missions de dissuasion, de prévention, de projection-action et de protection.

La marine nationale prend une part active à la poursuite de ces objectifs. Elle remplit trois types de fonctions :

- la dissuasion, qui « garantit, en premier lieu, que la survie de la France ne sera jamais mise en cause par une puissance majeure animée d'intentions hostiles et prête à recourir à tous les moyens pour les concrétiser » et qui « doit également permettre de faire face aux menaces que pourraient faire peser sur nos intérêts vitaux des puissances régionales dotées d'armes de destruction massive » () ;

- l'action opérationnelle, qui consiste tout à la fois à prévenir les conflits, grâce à une présence précoce à proximité des zones de tension, et à projeter des bâtiments si le besoin d'intervention est réel ;

- la sauvegarde maritime, qui assure la défense du territoire à partir de la mer et contribue à la protection des intérêts de la France, dans et depuis le milieu maritime.

De fait, la marine contribue à la puissance et au rayonnement de la France, ce qui justifie qu'un effort budgétaire particulier lui soit consenti. Le chef d'état-major de la marine, l'amiral Jean-Louis Battet, a d'ailleurs eu l'occasion de le souligner dans un article publié par une revue spécialisée () : « Le nouvel environnement stratégique confirme le "modèle de marine" tourné vers l'action opérationnelle et la pertinence des investissements que notre institution a consacrés, depuis près d'une décennie, à la modernisation de ses capacités de gestion des crises et d'intervention ».

Le projet de loi de finances pour 2004, comme le budget 2003 avant lui, montre que le Gouvernement accorde la plus grande attention au rétablissement des moyens d'une armée durement affectée par l'exécution de la précédente loi de programmation militaire. Le rapporteur, très attaché à la marine pour y avoir servi pendant de nombreuses années, ne peut que s'en réjouir.

Certains se sont crus autorisés à critiquer les ambitions de la loi de programmation militaire 2003-2008, au motif qu'elles ne pourraient pas être respectées. Le projet de loi de finances pour 2004 leur apporte un cinglant démenti. Certes, le chemin qui reste à parcourir d'ici à la complète réalisation du modèle d'armée 2015 est important et les défis qui subsistent pour la marine sont encore nombreux. Il reviendra donc au Parlement d'exercer avec vigilance son rôle de contrôle du Gouvernement. Le rapporteur, membre par ailleurs de la mission d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense, créée au sein de la commission de la défense, s'y emploiera avec constance et détermination.

I. -  LE PROJET DE BUDGET DE LA MARINE POUR 2004 : DES MOYENS SATISFAISANTS

Le projet de loi de finances initiale pour 2004 se caractérise, pour la marine, par une faible diminution du titre III (- 1,2 %), en raison principalement d'un ajustement du niveau des effectifs, et par une augmentation sensible des dépenses en capital inscrites aux titres V et VI (+ 12,2 % en crédits de paiement). Cette tendance reste satisfaisante, en dépit de quelques tensions sur les dépenses de rémunérations et de fonctionnement, ne serait-ce que parce qu'elle permettra de combler une partie des retards d'équipement sur le modèle marine 2015.

Le défi relevé par les armées à l'occasion de leur profonde transformation ne s'éteint pas avec le succès du passage d'une mobilisation de conscrits à un recrutement d'engagés volontaires. La transition d'un mode de fonctionnement à l'autre s'est certes relativement bien déroulée, mais il faut désormais assurer sa cohérence sur la longue durée, c'est-à-dire faire en sorte que le niveau des recrutements soit suffisant pour garantir l'efficacité opérationnelle des unités.

Les rémunérations et charges sociales (RCS) évoluent essentiellement en fonction de la masse salariale. Toute variation des effectifs se répercute donc sur le montant du titre III.

Aux termes du projet de loi de finances pour 2004, les RCS représentent un montant de crédits de 1,53 milliard d'euros. Il est en diminution, de 2,8 %, en euros courants et à structure budgétaire constante, par rapport aux dispositions de la loi de finances initiale pour 2003.

Cette évolution est le résultat d'un ajustement des RCS sur les effectifs réalisés et non sur les postes ouverts. Elle traduit un louable souci de maîtriser les moyens en personnels, dans un contexte budgétaire qui impose à tous les services de l'Etat de faire des sacrifices.

De 1996 à 2002, la marine a perdu plus de 20 % de ses effectifs, soit près de 19 000 emplois à statut militaire, tout en recrutant environ 4 000 personnels civils. Le défi majeur n'est plus désormais la restructuration des unités ou le départ de personnels, mais au contraire la fidélisation des engagés, dont les contrats commencent maintenant à arriver à échéance. Il s'agit là d'un enjeu essentiel, car il touche à la pérennisation de la professionnalisation.

La marine ne dispose pas de la totalité des effectifs militaires nécessaires. En 2003, les effectifs réalisés étaient inférieurs de 1 442 postes par rapport aux effectifs budgétaires prévus. Faute d'une capacité de la marine à pourvoir l'ensemble des postes budgétaires ouverts, le projet de loi de finances initiale pour 2004 prévoit donc de diminuer légèrement les effectifs budgétaires militaires.

Evolution des effectifs militaires de la marine de 2003 à 2004

 

Loi de finances initiale 2003

Projet de loi de finances 2004

Variations

Officiers

4 823

4 832

+ 0,002 %

Officiers-mariniers

29 293

29 297

+ 0,001 %

Militaires du rang

8 550

8 406

- 1,7 %

Volontaires

1 601

1 596

- 0,3 %

TOTAL

44 267

44 131

- 0,3 %

L'enjeu pour la marine est d'améliorer ses effectifs réalisés, car les besoins sont de l'ordre de 551 militaires (181 officiers et 370 non officiers) sur la période 2004-2006. Pour la seule année 2004, la marine les estime à 310 postes (87 officiers et 223 non officiers). Des aménagements internes permettront de couvrir une partie seulement de ces déficits.

La persistance de cette situation empêche de satisfaire les besoins nouveaux, telle la forte demande d'officiers par les organismes interarmées, ni même de suppléer au mieux la transformation de l'ancienne direction des constructions navales (DCN) par la reprise de la gestion des rechanges et du fonctionnement des pyrotechnies, ou encore d'aborder dans de bonnes conditions le passage de la scolarité de l'école navale de deux à trois ans. Il y a tout lieu de craindre que les tensions qui pèsent actuellement sur les personnels engagés s'accroissent. Il faudra, en tout état de cause, que la marine engage des actions en direction des officiers supérieurs et des militaires du rang, sous peine de connaître durablement de sérieux problèmes de fonctionnement quotidien.

La marine nationale doit également faire face à un sous-effectif en personnels civils. Ainsi, sur l'exercice 2003, ce sont 495 emplois budgétaires qui n'ont pas été pourvus.

En outre, certaines difficultés spécifiques subsistent, en ce qui concerne le statut de catégories restreintes, dont le travail a des répercussions importantes sur le moral des équipages et qui ne sont pourtant pas autant disponibles qu'eux. À titre d'exemple, il serait utile de parvenir à l'application de la convention collective des métiers de la restauration aux personnels des cercles et foyers. Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit opportunément 229 créations de postes de personnels civils. Le rapporteur se réjouit de cette mesure, car il semble nécessaire de procéder à des recrutements au sein des bases navales et des services de soutien. Leurs besoins pourront ainsi être mieux couverts.

ÉVOLUTION DES PERSONNELS CIVILS DE LA MARINE

 

Loi de finances pour 2003

Projet de loi de finances pour 2004

Variations 2004/2003

Fonctionnaires

3 918

4 010

+ 2,4 %

Non titulaires

468

455

- 2,8 %

Ouvriers d'Etat

5 676

5 826

+ 2,6 %

TOTAL

10 062

10 291

+ 2,3 %

Les contraintes liées à la professionnalisation, à la réduction du format, mais aussi aux nombreuses opérations extérieures, ont fait naître chez les marins, comme chez leurs camarades des autres armées, une attente collective de compensation des sujétions. Deux types de mesures ont été décidés pour y répondre, certaines étant d'ordre organisationnel et, les autres, indemnitaires.

Depuis le 1er octobre 2000, un dispositif allège les astreintes de service. Il s'applique au service à terre et au mouillage, en dehors des nécessités opérationnelles. A titre d'exemples, le nombre des filtreurs au port-base et les conditions d'accueil à la coupée ont fait l'objet de limitations, tandis que le cérémonial d'accueil à bord des bâtiments a été simplifié. La fermeture complète des petits bâtiments en dehors des heures ouvrables est également à l'étude, ainsi que la mise en _uvre d'un régime de gardiennage allégé. Une autorisation a même pu être donnée aux bâtiments disponibles à quai, susceptibles d'appareiller sous 72 heures, de délivrer des permissions dans la limite de la moitié de leur effectif, sous réserve que les permissionnaires puissent rallier le bord dans un délai de 48 heures.

Grâce à ces mesures, qui ne s'appliquent ni au déroulement du service à la mer, ni aux activités opérationnelles, le temps moyen de permanence annuel a été réduit de 20 %, toutes catégories et tous types d'unités confondus. Le succès de cette politique suppose la mise en _uvre de moyens nouveaux. L'acquisition de systèmes de télésurveillance constitue l'une des solutions, de même que l'allégement des tâches d'entretien courant, qui nécessite un recours accru à l'externalisation.

Le volet indemnitaire de la compensation des sujétions de service s'inscrit dans le cadre du plan de développement de la condition militaire, qui comporte également des dispositions portant sur le temps libre, à travers le concept de temps d'activité et d'obligation professionnelle des militaires (TAOPM), et l'amélioration de la vie quotidienne. A bien des égards, les jours de TAOPM ne conviennent pas aux marins embarqués ; il vaudrait mieux compenser intégralement les sujétions à la mer par des indemnités. Les mesures indemnitaires spécifiques à la marine sont retracées dans le tableau ci-après ; leur revalorisation s'élèvera à plus de 10 millions d'euros en 2004, hors compensation du TAOPM.

LES REVALORISATIONS INDEMNITAIRES
PRÉVUES PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2004

Indemnités concernées

Coût
(en millions d'euros)

Indemnité de sujétion pour absence du port base (ISAPB)

2,75

Indemnité pour charge militaire (ICM)

2,60

Indemnité pour service en campagne (ISCA)

0,14

Indemnité de sujétion d'alerte opérationnelle (ISAO/OPER)

0,31

Prime de qualification des officiers diplômés ou issus de certaines écoles

0,90

Prime de qualification des officiers-mariniers

2,80

Attribution de la prime de service des officiers mariniers après 2 ans d'ancienneté (contre 3 actuellement)

0,40

Création d'un quatrième échelon normal de capitaine de frégate pour les officiers des services

0,20

TOTAL

10,10

Des mesures indemnitaires de fidélisation sont également prévues, à travers le fonds de consolidation de la professionnalisation, institué par la loi de programmation militaire 2003-2008. Une indemnité de haute technicité sera ainsi accordée pour le personnel non officier de plus de vingt ans de service, pour un coût de 2,74 millions d'euros, et une indemnité réversible des spécialités critiques sera attribuée, grâce à une dotation de 1,71 million d'euros. Pour ce qui concerne les conditions de logement, une aide destinée à l'accompagnement de la mobilité a été dégagée et de nouvelles procédures d'organisation des déménagements sont à l'étude. D'autres mesures suivront pour la prise en charge du dépôt de garantie, l'amélioration des prêts d'accession à la propriété, la construction de nouvelles crèches et l'augmentation de l'aide à la garde d'enfants en horaires atypiques.

Le titre III, hors RCS, recouvre un ensemble de dépenses diverses et plus ou moins en rapport avec l'activité réelle des unités. De fait, il n'est pas facile de donner une véritable lisibilité budgétaire à cet agrégat. La tendance est toutefois à la diminution (- 4,08 % à périmètre budgétaire constant).

ÉVOLUTION DU TITRE III, HORS RCS
ET CRÉDITS CONSACRÉS À LA GLOBALISATION

(en millions d'euros courants)

   

En valeur

En pourcentage

 

Loi de finances initiale 2003

Projet de loi de finances 2004

Évolution 2004/2003

Évolution à périmètre budgétaire constant

Évolution 2004/2003

Évolution à périmètre budgétaire constant

Alimentation

57,6

53,6

- 4,0

- 2,1

- 6,93 %

- 3,67 %

Produits pétroliers

72,5

67,1

- 5,3

- 5,3

- 7,35 %

- 7,35 %

Entretien programmé (titre III)

15,3

0

- 15,3

- 15,3

- 100,0 %

- 100,0 %

Fonctionnement courant

288,8

305,4

+ 16,6

+ 4,8

+ 5,74 %

+ 1,68 %

Subventions

2,3

2,5

+ 0,2

+ 0,2

+ 10,0 %

+ 10,0 %

Total hors RCS

436,4

428,6

- 7,8

- 17,8

- 1,78 %

- 4,08 %

Cette évolution des crédits du titre III, hors RCS, résulte du transfert de l'enveloppe consacrée à l'entretien programmé des matériels sur le titre V, conformément à ce que les autres armées ont entrepris ces dernières années, et d'économies réalisées sur les produits pétroliers et l'alimentation. Des crédits nouveaux seront néanmoins dégagés pour l'externalisation de services divers ; l'enveloppe prévue à cet effet sera majorée de 5 millions d'euros.

Le projet de loi de finances pour 2004 est marqué par une augmentation significative du montant des titres V et VI du budget du ministère de la défense. La marine en bénéficiera, comme les autres armées.

Pour l'année 2004, le montant des titres V et VI du budget de la marine s'établira à près de 4,74 milliards d'euros en autorisations de programme et à environ 3,84 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une variation respective de 16,7 % et 12,2 % en euros courants par rapport aux montants inscrits en loi de finances initiale pour 2003. L'essentiel de l'effort porte sur le titre V, puisque les dotations affectées au titre VI, qui n'ont pas d'incidence directe sur les programmes d'équipement, diminueront dans une proportion assez significative.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES EN CAPITAL DE LA MARINE

(en millions d'euros)

 

Loi de finances initiale 2003

Projet de loi de finances 2004

Évolution

Chapitres

AP

CP

AP

CP

AP

CP

    51.61 : Espace. Systèmes d'information et de communications

158,36

121,94

113,64

128,81

- 28,2 %

+ 5,6 %

    51.71 : Forces nucléaires

1 144,63

719,90

858,97

836,36

-25,0 %

+ 16,2 %

    52.81 : Études

2,43

2,38

0,5

2,27

- 79,4 %

- 4,6 %

    53.71 : Équipements communs et interarmées

475,70

376,58

348,26

523,58

- 26,8 %

+ 39,0 %

    53.81 : Équipement des armées

759,97

1 130,72

2 179,43

1 041,03

+ 186,8 %

- 7,9 %

    54.41 : Infrastructure

130,52

113,03

135,05

117,91

+ 3,5 %

+ 4,1 %

    55.11 : Soutien des forces

536,96

316,88

375,04

428,13

- 30,1 %

+ 35,1 %

    55.21 : Entretien programmé des matériels

845,02

620,70

725,38

756,62

- 14,2 %

+ 21,9 %

    Total titre V

4 053,58

3 402,13

4 736,27

3 834,01

+ 16,8 %

+ 12,7 %

    66.50 : Participation à des travaux d'équipement civil et subvention d'équipement social intéressant la collectivité militaire

4,63

17,50

-

1,37

- 100,0 %

- 92,2 %

    67.10 : Subventions aux organismes sous tutelle

1,82

1,41

1,83

2,24

+ 0,5 %

+ 58,9 %

Total titre VI

6,45

18,91

1,83

3,61

- 71,6 %

- 80,9 %

TOTAL

4 060,03

3 421,04

4 738,10

3 837,62

+ 16,7 %

+ 12,2 %

Cette appréciation doit néanmoins être replacée dans un contexte d'exécution budgétaire marqué par deux incertitudes majeures :

- en premier lieu, certaines prestations fournies par DCN en 2003 n'ont pas encore été payées par la marine, en raison des retards de facturation induits par le changement de statut de l'entreprise au 1er juin dernier. Une partie de ces charges pourrait être reportée sur l'exercice budgétaire 2004, mais il n'est pas sûr qu'il en aille de même pour les ressources correspondantes ;

- en second lieu, une partie de l'enveloppe du titre V prévue par le projet de loi de finances initiale pour 2004 est destinée à participer à l'apurement des comptes de DCN et à financer l'application de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la taxe professionnelle ainsi que certaines assurances. Les 332 millions d'euros de crédits de paiement concernés, contribution au fonds d'adaptation industrielle incluse, ne peuvent donc être assimilés à une augmentation nette du pouvoir d'achat de la marine.

Malgré ces hypothèques, le budget d'équipement de la deuxième annuité de la loi de programmation militaire 2003-2008 s'annonce néanmoins en augmentation nette de 1,0 % pour les crédits de paiement. Au regard du contexte économique et budgétaire actuel, ce respect des engagements pris par l'Etat à l'égard de l'institution militaire mérite d'être souligné.

La marine fait face à des échéances de modernisation de ses matériels à la fois nombreuses et coûteuses. L'enveloppe des crédits d'équipement se répartit donc entre plusieurs programmes importants.

Après avoir rallié dès l'an 2000 son format d'armée professionnalisée, soit environ 80 bâtiments de combat et 140 aéronefs, la marine doit à présent moderniser des équipements vieillissants, et notamment sa flotte de surface. Les forces amphibies sont tout particulièrement concernées puisque deux transports de chalands de débarquement (TCD), les bâtiments Ouragan et Orage, entrés en service respectivement en 1965 et 1968, seront remplacés fin 2005 et 2006 par les deux bâtiments de projection et de commandement (BPC) Mistral et Tonnerre. L'intérêt croissant porté à l'aéromobilité dans les opérations et la recherche d'une complémentarité avec les TCD Foudre et Siroco, plus récents, ont conduit à privilégier l'option de porte-hélicoptères polyvalents, similaires aux navires américains de la catégorie des landing helicopter deck (LHD).

Les BPC pourront embarquer un premier échelon de force interarmées, soit un état-major de commandement, 450 hommes et 60 véhicules ainsi qu'une vingtaine d'hélicoptères (Tigre et NH 90). Pour des raisons d'économies budgétaires, ils seront construits selon des normes civiles dans le cadre d'une coopération industrielle entre DCN, maître d'_uvre de l'ensemble et des systèmes de combat, et les Chantiers de l'Atlantique, responsables de la partie avant des bâtiments et du mode de propulsion par nacelles, ou « pods ». Sur ce dernier point, les difficultés rencontrées par cette technologie sur des paquebots civils invite à la plus grande prudence, même si l'on est en droit d'attendre que ces problèmes techniques soient résolus d'ici à 2005. Les moyens d'autodéfense des BPC seront assez réduits (artillerie de petit calibre et missiles antiaériens Mistral, essentiellement). Les deux bâtiments comporteront également un hôpital embarqué. Le coût prévisionnel du programme est de 623,3 millions d'euros. Le projet de loi de finances pour 2004 contribuera à sa réalisation à hauteur de 19,3 millions d'euros d'autorisations de programme et de 104 millions d'euros de crédits de paiement.

Le renouvellement de la flotte de surface concerne également les frégates et avisos. D'ici une quinzaine d'années, les trois quarts des frégates de premier rang devront avoir été remplacées. Il s'agit, par conséquent, d'une priorité.

Dans le domaine de la lutte antiaérienne, le programme des frégates Horizon permettra d'assurer la relève des bâtiments les plus anciens. Depuis le retrait du service de la frégate lance missiles Suffren, le 1er avril 2001, la marine ne dispose plus que de trois frégates antiaériennes au lieu des quatre prévues par le modèle 2015. Or, ce format de quatre bâtiments antiaériens est minimal pour assurer la permanence de la protection du groupe aéronaval ou d'un groupe amphibie.

évolution du parc de frégates antiaériennes

TYPE

BÂTIMENT

Date admission au service

Date prévisionnelle de retrait du service

Date prévisionnelle de remplacement

FLM

Duquesne

1970

2008

2008

FAA

Cassard

1988

Avant 2015

Avant 2015

Jean Bart

1991

Vers 2015

Vers 2015

Glossaire : FLM : frégate lance missiles ; FAA : frégate antiaérienne.

Le programme de frégates Horizon, réalisé dans le cadre d'une coopération européenne dont le Royaume-Uni s'est retiré en 1999, comporte deux volets :

- la réalisation à proprement parler des coques des bâtiments, effectuée en commun par DCN et les chantiers italiens Fincantieri, à raison de deux unités chacun ;

- le développement et la réalisation du système de combat PAAMS (principal anti-air missile system), auxquels le Royaume-Uni reste associé.

La première frégate (Forbin) devrait être livrée à la marine en décembre 2006. La seconde (Chevalier Paul) sera opérationnelle en mars 2008. Le coût total du programme de ces deux bâtiments est estimé à 1,94 milliard d'euros (2,6 milliards d'euros si l'on inclut le système d'armes). Le projet de loi de finances initiale pour 2004 prévoit à cet effet 23,9 millions d'euros en autorisations de programme et 257,1 millions d'euros en crédits de paiement. Pour tenir compte des impératifs de renouvellement des frégates de la classe Cassard, la loi de programmation militaire 2003-2008 a prévu d'anticiper la commande d'un troisième bâtiment en 2007, pour une livraison en 2012. Le coût de cette frégate supplémentaire devrait avoisiner 600 millions d'euros (hors développement et sans système d'armes).

La flotte anti-sous-marine () et les avisos, vieillissants, devront eux aussi être renouvelés. Le concept de frégates européennes multimissions (FREMM) répond à ce besoin : dix-sept bâtiments devraient être construits pour un coût total de 5,3 milliards d'euros.

évolution du parc des frégates anti-sous-marines et des avisos

type

bâtiment

Date admission au service

Date prévisionnelle de retrait du service

Date prévisionnelle de remplacement

F67

Tourville

1974

2008

2008

De Grasse

1977

2009

2009

F70

Dupleix

1981

2011

2011

Montcalm

1982

2012

2012

Jean de Vienne

1984

2014

2014

Primauguet

1986

2015

2015

La Motte-Picquet

1988

2016

2016

Latouche-Tréville

1990

2017

2017

AA69

LV Le Hénaff

1979

2009

2009

LV Lavallée

1980

2010

2010

PM L'Her

1981

2011

2010

Cdt Blaison

1982

2012

2012

EV Jacoubet

1982

2012

2013

Cdt Ducuing

1983

2013

2013

Cdt Birot

1984

2014

2014

Cdt Bouan

1984

2014

2015

Cdt L'herminier

1985

2015

2016

Glossaire : A 69 : avisos.

La construction de ces bâtiments s'effectuera sur la base d'une plate-forme unique, dont les fonctions seront dissociées entre la lutte anti-sous-marine (ASM) et l'action vers la terre (AVT). Ces frégates devraient être servies par des équipages réduits, d'environ 95 membres. La cadence de construction avoisinera trois bâtiments tous les deux ans. La première livraison devrait intervenir en 2008. Huit exemplaires pourraient ainsi entrer en service d'ici à 2010.

Il est bien sûr prématuré de savoir si ce pari pourra être rigoureusement tenu, d'autant plus que le principe d'une coopération franco-italienne entre DCN et les chantiers Fincantieri est acquis, obligeant les différents industriels à négocier, afin de parvenir à un équipement satisfaisant tant pour la marine nationale que pour son homologue italienne. Le projet de loi de finances initiale pour 2004 prévoit un montant d'autorisations de programme d'environ 1,7 milliard d'euros ainsi que 54,2 millions d'euros de crédits de paiement ; ces enveloppes permettront de passer la commande des quatre premières unités.

La marine, par l'intermédiaire de la force océanique stratégique (FOST), met en _uvre la principale composante de la dissuasion. Alors que, pendant la guerre froide, trois sous-marins patrouillaient simultanément, l'adaptation au nouveau contexte stratégique a conduit le Président de la République à réduire la FOST à quatre sous-marins, dont trois dans le cycle opérationnel, armés à deux équipages :

- deux d'entre eux, L'Indomptable et L'Inflexible, sont des sous-marins du type Le Redoutable, admis au service actif respectivement en 1976 et 1985 ;

- les deux autres sont des SNLE de nouvelle génération (SNLE-NG) : Le Triomphant, prototype de la série, a été admis au service actif en 1997, alors que Le Téméraire a rejoint la FOST en 1999. Ces sous-marins de nouvelle génération sont plus longs et beaucoup plus lourds que leurs prédécesseurs ; leur vitesse de déplacement est sensiblement supérieure.

A la fin de l'année 2004, L'Indomptable sera retiré après vingt-huit ans de service opérationnel, pour céder la place au troisième SNLE-NG, Le Vigilant. En 2010, Le Terrible achèvera la relève lorsque L'Inflexible, en service depuis 1985, sera retiré de la FOST. Les quatre SNLE-NG auront coûté au total environ 14 milliards d'euros ; les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 s'élèvent à 426,6 millions d'euros en autorisations de programme et 394,8 millions d'euros en crédits de paiement.

le calendrier du programme snle-ng

SNLE/NG

Commande

Essais officiels

Service actif

Le Triomphant

18 juin 1987

30 juin 1994

21 mars 1997

Le Téméraire

18 octobre 1989

28 juillet 1998

23 décembre 1999

Le Vigilant

27 mai 1993

décembre 2003

décembre 2004

Le Terrible (en version M 51)

28 juillet 2000

juillet 2009

juillet 2010

La marine dispose également de six sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) de la classe du Rubis, modernisés au standard Améthyste (amélioration tactique, hydrodynamique, silence, transmissions, écoute), admis en service entre 1983 et 1993. Ces bâtiments ont une durée de vie de trente ans et leur retrait du service devrait s'échelonner entre 2010 et 2030. Le programme Barracuda, dont la phase de définition a été lancée en octobre 1998, doit assurer la relève. Les SNA de nouvelle génération, comme leurs prédécesseurs, rempliront des missions de sûreté au profit du déploiement de la FOST et du groupe aéronaval. Ils pourront également mener des opérations de renseignement grâce à des capacités d'écoute et à la possibilité de mettre en _uvre des commandos de nageurs de combat. En 2015, ils seront dotés de moyens de frappe dans la profondeur, leurs tubes lance-torpilles pouvant lancer des missiles de croisière navals. D'un tonnage de 4 000 tonnes, ils pourront naviguer à une vitesse supérieure à vingt-deux n_uds. Le premier Barracuda devait initialement être opérationnel en 2010, mais cette date a été repoussée de deux ans. A partir de 2012, le rythme des livraisons devrait être de l'ordre d'un sous-marin tous les deux ans. Le coût total du programme avoisine 5,4 milliards d'euros. Le projet de loi de finances initiale prévoit 59,4 millions d'euros d'autorisations de programme et 87,3 millions d'euros de crédits de paiement afin de financer les études de définition.

En complément des forces sous-marines, une flotte de treize chasseurs de mines tripartites (CMT), conçus avec la Belgique et les Pays-Bas, assure en permanence la sûreté du déploiement de la FOST, protège les approches des principaux ports français et contribue à la sécurité des déplacements des bâtiments de guerre et de commerce. La modernisation de ces CMT doit valoriser leurs capacités face aux mines les plus récentes, plus discrètes grâce à leur taille réduite, à l'emploi de matériaux absorbants et à leur forme furtive. Les travaux de modernisation, commencés en juillet 2001, portent sur l'ensemble de la flotte de CMT, qui se répartit en trois versions de chasseurs (les types Eridan, Sagittaire et CMT franco-belge). La première livraison d'un CMT modernisé est intervenue en juin 2002. Le coût total du programme, jusqu'à 2005, est estimé à près de 137,9 millions d'euros. Les montants inscrits dans le projet de loi de finances initiale pour 2004 sont de 1,6 million d'euros en autorisations de programme et 20,1 millions d'euros en crédits de paiement.

Comme d'autres composantes de la marine, l'aviation embarquée présente une moyenne d'âge assez élevée. D'ici 2015, son renouvellement aura été presque complet. Encore faut-il que les calendriers de livraison, qui ont déjà été fortement rééchelonnés, soient respectés.

Le modèle d'armée 2015 prévoit une dotation de soixante avions polyvalents Rafale pour l'aéronavale, en trois versions : les standards F 1 (interception aérienne), F 2 (chasse et attaque au sol) et F 3 (chasse, air-sol, reconnaissance et bombardier nucléaire). La constitution des flottilles de Rafale a été souvent malmenée par des reports de commandes et de livraisons, en raison de contingences budgétaires. Depuis 1997, vingt-cinq appareils ont été commandés en trois fois ; treize exemplaires supplémentaires doivent l'être en 2003. La première flottille de neuf Rafale standard F 1 ne sera pas opérationnelle avant fin 2003-début 2004 et les flottilles aux autres standards entreront en service en 2007 et 2010. Aucune nouvelle livraison n'est attendue avant 2006. Au total, la marine devrait disposer de vingt-cinq appareils monoplace et de trente-cinq aéronefs biplace, dont les premières livraisons devraient intervenir à l'horizon 2008. Le projet de loi de finances initiale pour 2004 consacre à ce programme 248,3 millions d'euros d'autorisations de programme et 351,3 millions d'euros de crédits de paiement.

Les Super Etendard modernisés demeureront les seuls avions de projection de puissance de la marine, dans l'attente des nouveaux Rafale. Leur mise aux standards 4 (capacités de renseignement), puis 5 (attaque de nuit et bombardement à haute altitude) permettra à l'aéronavale d'assurer la transition jusqu'en 2011 pour un coût global de transformation estimé à 260 millions d'euros.

La marine a également entrepris de revaloriser son groupe aérien embarqué ainsi que ses appareils de patrouille et de surveillance maritime. En décembre 2003, le troisième avion de guet Hawkeye sera livré et les deux premiers appareils en service seront remis à niveau début 2004. D'ores et déjà, les Atlantique 2 (ATL 2) de patrouille maritime, en service depuis 1984, bénéficient d'une baie Comint (moyen de guerre électronique du type communication intelligence) Pelican et de la torpille MU 90. Enfin, les quatre Falcon 50 M de surveillance maritime possèderont des capacités nouvelles, notamment en matière de détection des nappes d'hydrocarbures.

Pour ce qui concerne les équipements héliportés, la version navale du NH 90 (nato frigate helicopter -NFH) permettra à la marine de remplir des missions de lutte anti-sous-marine et anti-surface, de soutien d'alerte avancée, de recherche et de sauvetage. Un tel programme a vocation à remplacer les Super Frelon, puis les Lynx (dont les taux de disponibilité, à respectivement 59,1 % et 33,0 % pour le premier semestre 2003, restent insuffisants), par un seul hélicoptère bi-turbine de la classe des 9-11 tonnes. Le 30 juin 2000, la France a signé un contrat d'industrialisation et la commande ferme de vingt-sept exemplaires pour la marine, en deux variantes : treize hélicoptères de soutien et quatorze de combat. L'échéancier des livraisons a malheureusement été revu à la baisse : un seul appareil sera livré en 2005, et non trois, comme initialement prévu ; ensuite, deux exemplaires seront livrés chaque année jusqu'en 2018, au lieu de quatre par an jusqu'en 2011. Le coût de ce programme est estimé à 1,78 milliard d'euros. A ce titre, 37,3 millions d'euros d'autorisations de programme et 96,5 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits dans le projet de loi de finances initiale pour 2004.

Les armements sont de plus en plus perfectionnés et, par là même, de plus en plus coûteux. Alors que la durée de vie d'un bâtiment est relativement longue, celle de ses composants électroniques et de ses systèmes de combat peut rapidement être dépassée. Il faut donc leur consacrer sans arrêt de lourds investissements.

Au premier plan de ces systèmes d'armes figure le programme de missiles « famille sol-air futur » (FSAF), mené conjointement par la France et l'Italie pour équiper leurs forces armées de systèmes de défense aérienne modernes. Il comprend un système d'autodéfense missile (SAAM) pour les marines française et italienne et un système de défense de zone sol-air moyenne portée/terre (SAMP/T) pour les armées de terre et de l'air françaises et l'armée de terre italienne. De fait, le SAAM s'apparente à un système d'armes de courte portée (Aster 15), à capacités multicibles, destiné à être embarqué sur des bâtiments de surface de tonnage supérieur à 2 000 tonnes. Le premier bâtiment de la marine équipé de ce système est le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle. Il est envisagé d'en doter également les futures frégates multimissions.

Les frégates antiaériennes ne seront pas dotées du SAAM, mais du « principal anti-air missile system » (PAAMS). Mené en coopération franco-italo-britannique, ce programme confère aux unités qui en sont dotées une capacité de défense des bâtiments navigant à leur proximité contre des missiles aérodynamiques supersoniques. Le PAAMS, qui comprend un radar multifonctions, six lanceurs verticaux et quarante-huit missiles Aster 15 et 30 tirés à partir des lanceurs verticaux, peut contrer simultanément une attaque reposant sur des aéronefs et des missiles supersoniques, dans un rayon de 70 kilomètres. En 2000, soixante missiles Aster ont été commandés pour un objectif total de quatre-vingts Aster 15 et cent soixante Aster 30. Les livraisons seront de nouveau effectuées à partir de 2005. Le coût prévisionnel du développement et de la fabrication de deux systèmes PAAMS avec cent vingt munitions Aster s'établit à 671,5 millions d'euros. Au titre de l'exercice budgétaire 2004, 33,8 millions d'euros sont inscrits en autorisations de programme et les crédits de paiement s'élèvent à 66,4 millions d'euros.

Un autre système d'armes intéresse particulièrement la marine nationale : les missiles de croisière navale. À la différence de leurs homologues américains ou britanniques, les SNA français et les frégates de premier rang ne peuvent pas tirer de missiles de croisière vers la terre. La mise en service de tels armements ne devrait pas intervenir sur les frégates multimissions avant 2011 et sur les SNA avant 2015. Les échéances seront respectées à la condition qu'une première commande d'au moins deux cent cinquante missiles intervienne d'ici 2006, conformément aux dispositions de la loi de programmation militaire 2003-2008. Les crédits de paiement inscrits dans le projet de budget pour 2004 s'élèvent à 7 millions d'euros.

À titre accessoire, il convient de mentionner également :

- la poursuite du programme de torpille légère européenne MU 90, qui doit équiper les ATL 2 et NH 90. Une première commande globale franco-italienne de cinq cents exemplaires, dont trois cents pour la France, a été notifiée en janvier 1998 ; la marine allemande, quant à elle, a commandé deux cent quatre-vingt cinq MU 90. Des difficultés techniques ont conduit, en mars 2003, à la suspension des tirs d'essai à la mer et à un décalage des livraisons. Ce problème devait être réglé au début de l'automne. Le projet de budget pour 2004 programme soixante-quinze nouvelles livraisons. En 2006, cent cinquante exemplaires supplémentaires devraient être achetés ;

- la modernisation de l'avionique et de la propulsion des missiles anti-surface de la famille des Exocet (version MM 40 block 3), dont la durée de service a été prolongée jusqu'à l'horizon 2020, à la suite de la décision intervenue, au terme de l'exercice 1999, de suspendre le développement du missile anti-navire futur (ANF). Trente et un MM 40 block 3 seront commandés pour une livraison en 2007 ; les autres missiles en stock bénéficieront d'une mise à niveau. Le projet de loi de finances initiale pour 2004 prévoit 53,5 millions d'euros en autorisations de programme et 54,5 millions d'euros en crédits de paiement à cet effet.

II. -  LES DÉFIS POUR LA MARINE : UN AVENIR CONDITIONNÉ

L'efficacité de la marine dépend de trois facteurs : ses effectifs, ses équipements et le soutien logistique. Dans chacun de ces domaines, des problèmes se posent. De fait, l'avenir de la marine ne peut pas être apprécié indépendamment d'une évaluation des enjeux à moyen terme, surtout depuis la professionnalisation.

Pour avoir vécu la condition des marins, le rapporteur mesure à quel point il est indispensable de tenir compte des spécificités opérationnelles du service, sur les bâtiments comme dans les bases navales. Cela est d'autant plus nécessaire que l'achèvement de la professionnalisation a placé la marine, comme les autres armées, dans une situation de recrutement non captif et qu'il lui faut désormais fidéliser ses personnels. L'écoute des attentes des personnels est, par conséquent, un impératif de bonne gestion des ressources humaines. Cette conviction, le rapporteur se l'est appliquée à lui-même, en se rendant, comme l'an passé, à la rencontre des commandants d'unités, à Brest et à Toulon, afin de préparer son travail. Comme toujours, ce dialogue s'est révélé instructif ; il méritera d'être poursuivi.

Le centre de suivi des ressources humaines de la marine (CSRHM) a récemment mené une enquête () auprès des marins au sujet de leurs conditions de travail, des contraintes militaires et, plus généralement, de leur considération au sein de l'institution militaire. Le rapporteur se félicite de cette initiative, qui traduit les efforts de l'état-major de la marine pour répondre aux attentes des personnels. L'étude du CSRHM est intéressante, car elle permet de mettre en évidence un certain nombre de questions auxquelles des réponses devront être apportées. Il apparaît notamment qu'une majorité d'officiers-mariniers déplore une dégradation de leurs conditions matérielles, depuis cinq à six ans, comme l'illustre le tableau ci-après.

Le sentiment des officiers-mariniers
sur l'évolution de leurs conditions de travail depuis cinq-six ans

    Nature du

          constat

Causes

amélioration

pas d'évolution

dégradation

sans réponse

Conditions matérielles de travail

14,4 %

31,5 %

51,3 %

2,8 %

Contraintes (disponibilité, astreintes)

34,0 %

24,8 %

38,0 %

3,2 %

Encadrement (rapport avec la hiérarchie directe)

16,7 %

57,3 %

22,4 %

3,6 %

Source : étude du CSRHM.

Ces taux varient avec les spécialités ou le type d'affectation : si 59,9 % des officiers-mariniers embarqués sur des bâtiments de surface jugent que leurs conditions de travail se sont dégradées, cette proportion s'élève à 74,5 % chez leurs homologues sous-mariniers. L'adhésion au mode de fonctionnement de la marine s'en trouve affectée et 45 % de ceux qui se plaignent du contexte matériel de leur travail remettent en cause les valeurs de la marine, contre 38,7 % en moyenne. Il est également inquiétant de constater que 56 % des officiers-mariniers, en moyenne, se déclarent pessimistes quant à leurs perspectives de carrière. Il apparaît donc urgent de restaurer l'attractivité de leurs missions, sous peine de faire face, à des échéances assez brèves, à un véritable problème de fidélisation.

Pour ce qui concerne les officiers, les difficultés tiennent davantage aux lourdeurs institutionnelles. Ils sont entre 22,3 % et 24,5 %, selon qu'ils occupent une affectation opérationnelle ou non, à s'en plaindre. S'y ajoutent des problèmes de manque de personnels ou de matériels. Là aussi, l'adhésion au mode de fonctionnement de la marine s'en ressent, puisque 20,7 % des officiers déclarant rencontrer des difficultés remettent en cause les valeurs auxquelles ils se déclaraient attachés auparavant.

Cette relative perte de confiance dans l'institution militaire se trouve confortée par le jugement que portent les personnels de la marine sur les contraintes liées à leur statut. De ce point de vue, les sentiments des officiers et des officiers-mariniers se rejoignent, comme le montre le tableau ci-dessous.

Les contraintes militaires qui pèsent le plus sur les personnels de la marine

Contraintes

Officiers

Officiers-mariniers

Incertitude liée aux programmes d'activité

18,7 %

23,7 %

Mobilité géographique

20,1 %

21,4 %

Pesanteur hiérarchique

14,2 %

13,7 %

Astreintes

6,9 %

10,9 %

Durée des absences

8,6 %

9,5 %

Obligations particulières et restrictions de certains droits

4,5 %

6,7 %

Disponibilité

2,6 %

3,5 %

Devoir de réserve

3,0 %

2,6 %

Risques

0,5 %

1,4 %

Discipline, rigueur

0,1 %

0,4 %

Non réponses / autres

5,8 %

2,9 %

Aucune

15,1 %

3,4 %

Source : étude du CSRHM.

   

Il ne faut pas pour autant tirer de conclusions alarmistes de cette étude, bien au contraire. Elle traduit une volonté des personnels de participer de manière plus active à l'évolution de la marine. L'état-major de la marine a entrepris, de son côté, d'approfondir et d'améliorer son dialogue social interne. Le travail des correspondants du personnel et la création du bureau « condition du personnel » sont autant de pas dans la bonne direction. Le redressement du niveau du budget est également un facteur psychologique important. Il faudra néanmoins aller plus loin, peut-être à l'occasion de la révision du statut général des militaires.

La marine ne se trouve pas dans une situation très confortable du point de vue de ses effectifs militaires. Les besoins ne sont pas intégralement satisfaits. Cette situation semble malheureusement appelée à perdurer.

L'état-major de la marine, lors de la préparation de la programmation militaire en vigueur, a évalué à 738 postes les effectifs militaires supplémentaires nécessaires sur la période 2003-2008. Ce nombre incluait notamment 40 officiers et 300 officiers-mariniers au titre de la sollicitation des forces, ainsi que 110 officiers pour la mise en place d'une troisième année d'étude à l'école navale à partir de 2004. La loi de programmation militaire 2003-2008 n'a que partiellement répondu à cette attente.

Les variations des effectifs militaires de la marine prévues
par la loi de programmation militaire 2003-2008

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Total

Officiers

-

-

+ 1

+ 1

+ 1

+ 2

+ 5

Officiers-mariniers

-

-

+ 20

+ 20

+ 20

+ 23

+ 83

Militaires du rang

-

-

-

-

-

-

-

Volontaires

-

-

+ 40

+ 40

+ 40

+ 42

+ 162

TOTAL

-

-

+ 61

+ 61

+ 61

+ 67

+ 250

Source : ministère de la défense.

Cette situation risque de poser des problèmes très concrets. À titre d'exemple, les besoins interarmées devraient requérir plus de 25 officiers supplémentaires dans les trois années à venir. De même, l'assistance de la marine à certains contrats passés par l'industrie navale française à l'exportation devrait mobiliser une trentaine d'officiers. Dans les deux cas, faute de créations de postes, les conditions de travail s'en trouveront nécessairement affectées.

À plus long terme, la mise en service du second porte-avions fera apparaître de nouveaux besoins en effectifs militaires. Le recrutement de l'équipage du bâtiment, qui devra avoisiner 800 hommes, n'est pas prévu par la loi de programmation militaire 2003-2008. Il reste que la mise en service, concomitamment à celle du second porte-avions, des frégates européennes multimissions, dont les équipages seront restreints par rapport aux avisos et aux frégates actuelles, permettra sans doute de dégager des marges de man_uvre d'ici l'adoption de la prochaine loi de programmation militaire.

La concurrence du secteur privé reste forte dans certaines spécialités pour lesquelles les salaires d'embauche proposés à de jeunes techniciens sont sans commune mesure avec la solde d'officiers-mariniers en début de carrière. Ce phénomène est certes susceptible de s'atténuer avec l'évolution moins favorable, pour le moment, de la conjoncture économique. Il n'empêche qu'une marine désormais professionnelle a besoin de trouver les moyens de fidéliser des catégories de personnels vis-à-vis desquelles elle doit assumer de lourdes charges de formation.

Ces difficultés perdurent depuis plusieurs années, notamment pour les fonctions tout à fait spécifiques d'atomicien, d'informaticien, de marin-pompier ou de fusilier-marin. D'autres secteurs d'activité, qui jusqu'alors ne posaient pas un tel problème, sont également concernés, à l'exemple des personnels infirmiers. Un recrutement plus marqué localement (emplois proposés à proximité du domicile, par exemple) a permis de régler partiellement ces problèmes.

Les besoins sont apparemment les plus importants en personnels peu qualifiés, voire ouvriers. La marine réfléchit donc à plusieurs mesures d'attractivité, telles que l'octroi de facilités de logement aux jeunes gens qui suivent une formation en alternance, afin de les familiariser avec le milieu des équipages, la création de classes professionnelles dans les lycées militaires ou encore l'attribution de spécialités (hôtelières, mécaniques, entre autres) pour les jeunes qui passent leur baccalauréat professionnel. Le rapporteur considère que de telles mesures seraient bienvenues, car elles permettraient d'attirer des engagés plus jeunes, qui pourraient être fidélisés par des parcours qualifiants et non uniquement sur une base indemnitaire.

Bien entendu, la mise en place du fonds de consolidation de la professionnalisation est complémentaire de cette démarche. En 2005, une indemnité de fidélisation pourrait inciter les catégories de personnels actuellement déficitaires, comme les atomiciens et informaticiens, à prolonger leur engagement deux ou trois ans au-delà des quinze ans initiaux. Une amélioration de la situation est ainsi attendue à partir de 2005-2006, mais, dans l'intervalle, la marine connaîtra des situations tendues.

Plus que toute autre armée, la marine a choisi de transférer un certain nombre de tâches auparavant dévolues aux effectifs militaires à des personnels civils, lors du processus de professionnalisation. Leur nombre est ainsi passé de 6 495, en 1995, à 10 062 en 2003.

Cette option, supposée plus économique, pourrait paradoxalement se retourner contre la marine, en raison du cumul de difficultés de recrutement avec le non renouvellement de tous les fonctionnaires partant à la retraite. Les transferts d'ouvriers d'Etat de DCN, à l'occasion de son changement de statut, ne seront pas suffisants pour pallier les manques.

Une remise en cause du volant d'effectifs civils poserait très clairement des problèmes de cohérence vis-à-vis du modèle marine 2015. Il est donc indispensable de garantir, au minimum, le maintien des effectifs civils à leur niveau actuel.

La marine s'est engagée dans de nombreux programmes majeurs dont les échéances de financement, lorsqu'elles se cumuleront, pèseront lourdement sur le titre V. D'aucuns parlent d'une « bosse de financement », c'est-à-dire d'un accroissement des besoins financiers, qui devrait intervenir à la fin de la loi de programmation militaire actuelle et tout au long de la suivante. L'ensemble des projets devrait néanmoins pouvoir être mené à son terme si ces textes sont intégralement respectés. Les marges de man_uvre budgétaires de la marine resteront donc très faibles pour assurer la nécessaire modernisation de ses équipements.

Depuis 1995, seuls le porte-avions Charles de Gaulle, les frégates La Fayette, le TCD Siroco et le bâtiment hydrographique et océanographique Beautemps-Beaupré sont entrés en service au sein de la flotte de surface. Deux SNLE-NG ont également rajeuni la flotte en 1997 (Le Triomphant) et en 1999 (Le Téméraire).

De fait, le vieillissement moyen des bâtiments de la marine s'est accentué, faute de renouvellement des unités les plus anciennes. Cette situation pèse non seulement sur la disponibilité opérationnelle des bâtiments, comme l'a souligné à juste titre notre collègue Gilbert Meyer dans son rapport d'information sur l'entretien des matériels (), mais également sur le moral des équipages. Le rapporteur a pu en juger lors de ses rencontres avec des commandants et leurs adjoints.

âge des principaux bâtiments de la marine, en 2003

 

catégorie de bâtiments

nombre d'unités

âge moyen (1)

Porte-avions

1

2 ans

Porte-hélicoptères

1

39 ans

Sous-marins nucléaires d'attaque

6

15 ans

Transports de chalands de débarquement (2)

4

25 ans

Frégates lance-missiles

1

33 ans

Frégates antiaériennes

2

13 ans et demi

Frégates de type La Fayette

5

5 ans

Frégates de lutte anti-sous-marine F-67

2

27 ans et demi

Frégates de lutte anti-sous-marine F-70

7

18 ans

Avisos A-69

10

21 ans

Pétroliers-ravitailleurs

4

18 ans et demi

Bâtiment atelier polyvalent

1

27 ans

Bâtiments de soutien mobile

3

36 ans

Remorqueurs de haute mer

2

29 ans

(1) En années à compter de la date de mise en service.

(2) Cette catégorie n'est pas très significative statistiquement, car elle est composée de deux séries de bâtiments d'âges différents : 36 ans et demi en moyenne pour les deux premiers, et 9 ans en moyenne pour les autres.

Source : ministère de la défense.

 

les prévisions de la loi de programmation militaire 2003-2008
en faveur de la modernisation des équipements de la marine

Unités en service en 2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

1 porte-avions

   

Commande du second

     

10 Rafale et 50 Super Etendard modernisés (SEM)

     

16 Rafale et 49 SEM

22 Rafale et 49 SEM

29 Rafale et 44 SEM

2 Hawkeye

Livraison du troisième

         

4 TCD

   

Premier BPC remplace le TCD Ouragan

Second BPC remplace le TCD Orage

   

6 SNA type Rubis

   

Commande Barracuda n° 1

   

Commande Barracuda n° 2

3 frégates anti-aériennes

     

Livraison de la première Horizon

 

Livraison de la seconde Horizon et désarmement du Duquesne

8 frégates anti-sous-marines et 9 avisos

 

Commande de 4 frégates multimissions

   

Commande de 4 frégates multimissions

Livraison première frégate multimissions

2 bâtiments de soutien mobile

     

Désarmement du Garonne

   

1 bâtiment de commandement de guerre des mines

         

Désarmement du Loire

13 chasseurs de mines tripartites, dont 1 modernisé

5 modernisés, 8 non modernisés

9 modernisés, 4 non modernisés

13 modernisés

     

Source : ministère de la défense.

La marine se trouve désormais dans la nécessité de remplacer une grande partie de la flotte, tout en continuant de renouveler la FOST. De surcroît, la loi de programmation militaire 2003-2008 prévoit la commande d'un second porte-avions dont les coûts de possession ne sauraient être excessifs. Les objectifs d'évolution des capacités de la marine, s'ils sont ambitieux, ne permettront pas de satisfaire tous les besoins. Le rapporteur en veut pour preuve le non remplacement du bâtiment école Jeanne d'Arc, qui pourrait être désarmé en 2006. La solution alternative à un nouveau bâtiment devrait consister à répartir les élèves sur des frégates multimissions en déploiement de longue durée, mais cette configuration ne pourra pas intervenir avant 2008-2009, ce qui pose le problème de la transition d'un régime de formation à l'autre, ou des BPC qui, eux, entreront en service à partir de 2006.

L'adage « Nécessité fait loi » est on ne peut plus approprié pour décrire le contexte dans lequel se trouve la marine. La loi de programmation militaire 2003-2008 se borne à pallier des besoins réels et nombreux.

Le montant des annuités budgétaires nécessaires aux programmes engagés par la marine est appelé à augmenter dans des proportions importantes, au fur et à mesure que les projets majeurs, tels le second porte-avions, les SNA Barracuda et les frégates multimissions entreront dans leur phase de réalisation. Certes, d'ici là, les deux BPC seront en service, de même qu'au moins une frégate Horizon. Il reste qu'il est nécessaire que l'enveloppe des crédits d'investissement, par nature plus exposée aux mesures de régulation budgétaire, soit maintenue à un niveau significatif.

Estimation des besoins annuels de crédits d'équipement pour les principaux programmes de la marine sur la période 2003-2008

(crédits de paiement en millions d'euros 2003)

 

2004

2005

2006

2007

2008

Second porte-avions

20,0

126,0

128,0

128,0

148,0

SNA Barracuda

90,0

151,4

256,0

286,5

347,0

Frégates multimissions

115,0

178,4

247,0

386,0

260,0

Frégates Horizon

308,0

222,3

155,8

116,9

60,2

PAAMS

85,8

63,2

26,8

27,1

35,0

total

618,8

741,3

793,6

944,5

790,2

Pour être complètement exhaustif, il faudrait ajouter aux estimations qui figurent ci-dessus l'ensemble des autres dépenses en capital auxquelles la marine ne pourra pas se soustraire. Ces dépenses portent en particulier sur la FOST, les infrastructures ou le maintien en condition opérationnelle des matériels. Au total, la charge du renouvellement des équipements s'annonce très importante, avec notamment deux paliers à franchir en 2005 et 2007.

À plus long terme, cette tendance devrait même s'amplifier, en raison notamment de la construction du second porte-avions et des premiers SNA Barracuda, alors qu'il faudra moderniser en même temps la flotte logistique avec le programme de pétroliers-ravitailleurs de nouvelle génération. C'est dire que le plein aboutissement du format de marine 2015 s'inscrit dans un contexte budgétaire conditionné et extrêmement exposé à toute mesure de régulation éventuelle. Pour cette même raison, en dépit des assurances en faveur d'une « sanctuarisation » du budget de la défense nationale, il est souhaitable que la définition des programmes futurs prenne en considération la contrainte financière et s'opère au moindre coût. Il ne doit pas non plus être exclu d'envisager des acquisitions de bâtiments par le biais de financements innovants. Pourquoi ne pas imaginer que les frégates européennes multimissions soient financées par leasing, c'est-à-dire sur la base d'une location à un opérateur industriel ou financier ? Cette éventualité mérite assurément réflexion.

De la sorte seulement, la marine recouvrera des marges de man_uvre. Parce que les engagements d'aujourd'hui ont des incidences sur la décennie à venir, il apparaît indispensable de se prémunir au maximum de difficultés dont on ne peut raisonnablement exclure que, d'ici à 2015, elles puissent survenir.

Il n'est pas de stratégie militaire réussie sans logistique opérationnelle organisée et efficace. Les marins ne le savent que trop, eux qui, ces dernières années, ont rencontré d'innombrables difficultés au jour le jour pour pouvoir permettre à leur bâtiments de naviguer dans des conditions correctes. Le soutien des forces dépend pour partie du chef d'état-major de la marine, qui s'appuie pour assumer cette responsabilité sur le commissariat de la marine, le service de soutien de la flotte (SSF), la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) et le service des systèmes d'information et de communication (SERSIM). Cependant, l'environnement logistique de la marine est également le résultat de prestations industrielles, elles-mêmes fonction de la situation des entreprises du secteur de la construction navale, au premier rang desquelles se trouve la toute nouvelle société nationale issue de l'ancienne direction des constructions navales : DCN-SN.

De nombreuses réformes ont été entreprises ces dernières années pour améliorer significativement les conditions d'entretien des matériels et la logistique des forces. Elles ont trouvé leur aboutissement en 2003 et devraient logiquement porter leurs fruits à court terme.

La disponibilité des unités résulte directement de l'efficacité de l'environnement logistique. L'objectif de disponibilité technique pour la flotte et les aéronefs, c'est-à-dire d'une disponibilité de ces matériels sous faible préavis et en incluant les durées d'entraînement opérationnel des équipages, est de 75 %. La marine en est encore loin avec 66,5 % pour la force d'action navale et 55 % pour l'aéronavale sur le premier semestre 2003. Pour autant, l'état-major de la marine n'a pas attendu que la situation se dégrade irrémédiablement pour entreprendre de moderniser la chaîne logistique de la flotte et des flottilles. Le 1er juillet 2000, les bases navales de Toulon, Brest et Cherbourg ont été érigées en forces maritimes à part entière, afin de fournir un soutien de proximité aux bâtiments. Elles assurent ainsi le fonctionnement des ports militaires et garantissent leur protection, la sécurité et les servitudes. Parallèlement, des services chargés de superviser le maintien en condition opérationnelle des aéronefs (la SIMMAD) et des bâtiments (le SSF) ont été créés, respectivement en 1999 et en 2000.

La première structure créée afin d'améliorer les conditions d'entretien des matériels de la marine est la SIMMAD. Elle gère 95 % des crédits destinés à l'entretien des matériels de l'aéronautique navale, le solde relevant du service de l'aéronautique navale pour l'entretien du matériel de soutien et l'équipement des ateliers. La SIMMAD est également en charge du maintien en condition opérationnelle des appareils aériens des autres armées. Au 1er septembre 2003, son effectif total avoisinait 900 personnes venant des différentes armées et de la délégation générale pour l'armement (DGA), dont 120 issues de la marine. Les dotations prévues pour la SIMMAD dans le projet de loi de finances initiale pour 2004 au profit de la marine s'élèvent à 292 millions d'euros en autorisations de programme et 255,9 millions d'euros en crédits de paiement.

L'efficacité des actions entreprises en faveur des aéronefs de la marine est tangible. La disponibilité globale des appareils a progressé, grâce à une meilleure adéquation des rechanges, mais, depuis le début de l'année 2003, cette évolution s'est stabilisée, en raison de problèmes de qualité des prestations de l'atelier industriel de l'aéronautique (AIA) de Cuers-Pierrefeu, notamment.

Service composé, au 1er mai 2003, de 1 523 personnes issues de la marine et de la DGA, le SSF est exclusivement consacré au suivi du maintien en condition opérationnelle des bâtiments de la marine. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il est placé sous la seule autorité du chef d'état-major de la marine, à la différence de la SIMMAD qui possède un comité de pilotage rassemblant les différents chefs d'état-major. Il est constitué d'une direction centrale à Paris, de directions locales à Brest (641 personnes au 31 août 2003) et Toulon (750 personnes à la même date), ainsi que d'antennes décentralisées à Cherbourg et outre-mer. La station d'essais des combustibles et lubrifiants de la flotte (SECLF) lui est également rattachée. Depuis trois ans, il a conduit quatre grands chantiers :

- la reprise de la gestion des rechanges, auparavant assumée par DCN. Depuis le début de l'année 2003, le SSF est responsable des achats et de l'organisation des ravitaillements des unités en pièces de rechanges (11 millions rien qu'à Toulon), leur magasinage relevant du commissariat de la marine ;

- le transfert de DCN à la marine, au 1er janvier 2003, de l'intégralité des activités pyrotechniques des ports de Brest et Toulon, à l'exception des compétences exercées par DCN à l'Ile Longue et dans l'atelier des torpilles de Toulon ;

- la contractualisation de l'exploitation des immobilisations portuaires, notamment les bassins, qui sont nécessaires aux industriels pour assurer le maintien en condition opérationnelle des bâtiments ;

- la mise en place d'un système d'information logistique (SIGLE) pour rendre le recueil et le traitement des besoins de maintenance plus rapide et plus efficace, tout en prenant en compte le retour d'expérience.

Peu à peu, le SSF s'est écarté de sa fonction originelle de maîtrise d'_uvre pour remplir aussi des tâches de maîtrise d'ouvrage, comme un industriel. Il n'est pas sûr que cette diversification soit un gage d'efficacité accrue, d'autant plus que le changement de statut de DCN a reporté sur le SSF les contraintes du code des marchés publics, dont la nouvelle rédaction ne facilitera pas davantage les travaux de maintenance sur des équipements militaires. La solution passe certainement par une meilleure anticipation et par des contrats forfaitaires, pièces et main d'_uvre négociés avec les industriels. Peut-être faudrait-il également envisager, à moyen terme, de déléguer la gestion des pyrotechnies aux bases navales ou à une structure spécialisée, de type direction centrale du matériel.

L'ultime corollaire de la création du SSF consistera à mettre en concurrence les prestataires de l'entretien des bâtiments. C'est déjà le cas sur de petites unités. De fait, le SSF est devenu un maillon indispensable de la chaîne logistique de la flotte. Son action a d'ores et déjà amélioré la disponibilité des bâtiments de surface. Le projet de loi de finances initiale pour 2004 favorisera ses efforts, grâce à 423,7 millions d'euros en autorisations de programme et 489,5 millions d'euros en crédits de paiement d'équipement.

Le SERSIM, dernier né des services de soutien qui concernent de près ou de loin la marine, a vu le jour le 1er juillet 2003. Il supervisera l'entretien des systèmes de commandement et d'information, ce qui constitue une fonction stratégique.

La rénovation et la rationalisation des installations portuaires devront se poursuivre au long de la décennie en cours.

PRINCIPAUX INVESTISSEMENTS PRÉVUS PAR LA LOI DE PROGRAMMATION
MILITAIRE 2003-2008 EN FAVEUR DES INFRASTRUCTURES DE LA MARINE

(en millions d'euros 2003)

Infrastructures portuaires

- adaptation de l'accueil des sous-marins à Brest :

- rénovation et refonte des installations techniques portuaires de Toulon et Brest :

- conséquences des restructurations de DCN dans les ports de Toulon et Brest :

- restructuration des directions locales du SSF :

- réorganisation des bases de l'aéronautique navale :

- maintien en condition opérationnelle des ouvrages maritimes :

- maintien en condition opérationnelle des infrastructures aéroportuaires :

100

70

52

15

43

49
14

Condition des personnels

- programme de modernisation des casernements :

- programme de modernisation des services de restauration :

- infrastructures sportives et sociales :

- amélioration fonctionnelle des installations de la marine :

66

34

14

27

Source : ministère de la défense

Pour ce qui concerne les conditions de vie des militaires, la marine a engagé, en 2001, un vaste plan de réhabilitation des casernements d'ici à 2006, pour 76 millions d'euros. En 2004, 17 millions d'euros permettront de financer de nouveaux investissements. L'objectif est de 6 800 lits aux nouveaux standards en 2006. Tous les ports-bases sont concernés.

Les infrastructures portuaires seront elles aussi modernisées. Des travaux doivent notamment permettre, à Brest, de résoudre les problèmes de stabilité des bassins n° 2 et 3 (pour 30 millions d'euros), de renouveler les installations portuaires de l'Ile longue (pour 66 millions d'euros) et, éventuellement, d'adapter le bassin n° 10 des SNLE-M4 aux indisponibilités périodiques pour entretien et réparations des SNA existants et futurs (pour 75 millions d'euros) (). De même, à Toulon, les caractéristiques des bâtiments futurs impliquent une adaptation et une réhabilitation de nombreux quais, ainsi que la remise à niveau des bassins de Castigneau et Missiessy (pour un montant global de 45,5 millions d'euros). La consolidation de la grande jetée est également prévue, la dernière opération de ce genre sur cet ouvrage remontant à 1955. A Cherbourg, la réalisation d'une grande digue à vocation civile et militaire bénéficiera de financements conjoints de la marine et du ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, pour une charge d'entretien annuelle supérieure à 2 millions d'euros chacun. Outre-mer, les redéploiements opérés dans les forces ainsi que le non remplacement des bâtiments mobiles ont conduit à des aménagements et à la création d'ateliers d'entretien naval dans la base de Port-des-Galets (Réunion) et à Fort de France (Martinique).

En outre, certaines installations techniques de DCN, situées dans les ports de Toulon et de Brest, Ile Longue comprise, ont été transférées à la marine nationale, à savoir : les installations nucléaires à terre (INAT) ;  les pyrotechnies principales et leurs annexes (Guenvenez, Térénez, St-Nicolas, Tourris, Fontvieille) ; les équipements des quais et bassins (grues, apparaux de man_uvre, libres de tins, stations de pompage, portes de bassin) ; les réseaux électriques (production et distribution). Un effort financier de 169 millions d'euros est prévu pour mettre ces installations en conformité avec les règles d'hygiène et de sécurité, voire en état de fonctionnement. Le financement des déménagements liés aux restructurations de DCN et à la redistribution des emprises avoisinera 45 millions d'euros.

Enfin, l'aménagement des infrastructures de l'aéronavale à Landivisiau, Lann-Bihoué, Lanvéoc-Poulmic, Nîmes-Garons et Hyères devrait se poursuivre grâce à une dotation globale, bases d'outre-mer incluses, de 20,9 millions d'euros. Les travaux de casernement et de confort de vie bénéficieront de financements à hauteur d'environ 7,7 millions d'euros. Les installations nécessaires aux simulateurs pour le Rafale (à Landivisiau) et pour le NH90 (à Hyères) mobiliseront la plus forte proportion des crédits prévus avec un budget de 8,85 millions d'euros. A moyen terme, les efforts devraient porter principalement sur l'adaptation de la base d'Hyères à l'entrée en service du NH90.

Entre la création de DCN International pour commercialiser les produits de la direction des constructions navales à l'exportation, en 1991, et la mise en place d'un statut de société nationale, le 1er juin 2003, DCN a accumulé les réformes internes. Sur cette période, l'activité a diminué de 40 %. Les effectifs ont été réduits d'autant : à la fin du premier semestre 2003, 13 100 personnes travaillaient pour DCN, soit 10 000 de moins qu'en 1993. Les effectifs devront de nouveau diminuer, à 12 300 personnes fin 2005. Des embauches permettront néanmoins de compenser les départs en retraite, à hauteur d'un millier de salariés, ce qui permettra d'atténuer l'hémorragie des compétences qui touche l'entreprise et pose de sérieuses difficultés pour l'entretien des matériels les plus anciens.

A présent, conformément à l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001, DCN est une entreprise « régie par le code du commerce, dont le capital est détenu en totalité par l'Etat ». L'Etat et DCN ont défini un contrat pluriannuel, qui fixe leurs relations financières, les objectifs économiques et sociaux de l'entreprise et un certain niveau de commandes du ministère de la défense en contrepartie. Aux termes de ce document, DCN devra réaliser un chiffre d'affaires moyen de 1,8 milliard d'euros sur la période 2003-2008 et atteindre un résultat net de 4 % en 2008, l'objectif étant de présenter des comptes positifs dès 2005. Pour ce faire, les coûts de production seront réduits de 12 % et l'Etat s'engage à investir quelque 860 millions d'euros dans l'outil de production, dont environ 560 millions d'euros pour la capitalisation de l'entreprise. Cette capitalisation ne sera pas imputée sur le budget du ministère de la défense, rompant ainsi avec une pratique trop longtemps utilisée par le passé.

perspectives d'activité pour dcn sur la période 2003-2008,
aux termes du contrat d'entreprise

(en millions d'euros)

Maintien en condition opérationnelle

Equipements neufs pour la marine nationale

Exportation (Inde, Arabie Saoudite, Singapour, Portugal)

2 800

4 200

1 900

Source : DCN.

La marine et ses personnels attendent beaucoup du changement de statut de DCN. Or, n'étant plus soumise aux contraintes du code des marchés publics, qui entravaient le bon déroulement de l'activité industrielle de la direction des constructions navales, la société DCN adopte parfois un comportement commercial qui n'est pas sans dérives : ainsi, il semblerait que la facturation de certaines prestations de maintien en condition opérationnelle ait substantiellement augmenté (d'au moins 20 %). DCN doit également s'acquitter de la TVA et des impôts locaux, ce qui se traduira par des surcoûts, de l'ordre de 700 millions d'euros sur cinq ans. La neutralité fiscale du changement de statut de DCN a été garantie à la marine ; 129 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus à cet effet dans le titre V. Cette compensation de charges supplémentaire ne saurait néanmoins être considérée comme une revalorisation du budget d'équipement de la marine.

Il reste que, même si elle est souvent décriée, DCN joue un rôle majeur pour la marine, de sorte que leurs destins sont liés. Pour cette même raison, le succès de la modernisation du secteur français de la construction navale est dans l'intérêt de tous. Il semble que le management de DCN ait pris conscience des enjeux, car, tant à Toulon qu'à Brest, la réactivité de l'entreprise s'améliore sensiblement.

Toutefois, ce succès de la réforme de DCN dépend également de la tournure que prendra la restructuration du secteur de la construction navale en Europe. DCN a déjà noué des partenariats industriels prometteurs, avec les chantiers espagnols Izar pour la fabrication des sous-marins conventionnels, avec Thales pour l'exportation et la commercialisation de ses produits, et avec Fincantieri pour la construction des frégates antiaériennes Horizon (). De tels liens, à commencer par ceux avec Thales, doivent être approfondis, afin de participer avec des chances de succès aux concentrations qui s'esquissent sur le continent et qu'illustre l'épisode de la revente de Howaldtswerke Deutsche Werfte (HDW) par le fonds d'investissement américain One Equity Partner.

III. -  LA DIVERSIFICATION DES MISSIONS : UNE MARINE AU SERVICE DES FRANÇAIS

La marine n'a pas seulement une vocation militaire, puisqu'elle exerce également des missions de service public qui relèvent de l'action de l'Etat en mer et dont l'importance est trop souvent méconnue. Ces missions ont représenté 27 % de son activité au premier semestre 2003. Elles recouvrent des domaines d'action disparates : surveillance des côtes et protection des approches maritimes, lutte contre les pollutions, recherche et sauvetage en mer, hydrographie et recherche océanographique.

Comme l'a souligné le Premier ministre : « Nos frontières de sécurité ne coïncident plus avec nos frontières géographiques. Elles vont bien au-delà et bien au-deçà, là où s'exerce la menace terroriste » (). Pour cette raison, le concept de « sauvegarde maritime » replace la protection des espaces côtiers au c_ur des missions. Suite à l'échouage du cargo East Sea avec ses passagers clandestins sur les côtes du Var, le 17 février 2001, il a été décidé d'accentuer les patrouilles au large, afin d'accroître le préavis des autorités pour réagir à tout incident. En outre, depuis janvier 2002, une frégate est déployée en permanence en Méditerranée orientale, dans le cadre de l'opération « Amarante », afin de pister les navires suspects. A titre d'illustration de l'efficacité de ce dispositif, on mentionnera l'arraisonnement, en mars 2002, du cargo Monica, transportant près de 1 000 passagers clandestins. Une coopération avec la marine italienne est aussi en place.

La veille sur le littoral est également un aspect indispensable de la sauvegarde maritime. Elle est essentiellement assurée par les cinquante-neuf sémaphores et vigies de la marine. Cette mission comporte deux aspects : protéger les installations maritimes les plus importantes pour la défense nationale () et surveiller la navigation, afin de prévenir des pollutions et de sauvegarder des vies humaines, en coordination avec les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS).

La loi de programmation militaire 2003-2008 prévoit de moderniser ce dispositif. La gendarmerie maritime bénéficiera de vingt-quatre nouvelles vedettes de 40 tonnes, grâce à une enveloppe budgétaire globale de 5,2 millions d'euros. Le premier bâtiment de la série, l'Elorn, a été présenté au chef d'état-major de la marine et au directeur général de la gendarmerie nationale le 9 juillet 2003. De même, il sera procédé à une mise en réseau de l'ensemble des sémaphores et des moyens de surveillance d'autres administrations (CROSS, centres opérationnels des douanes notamment). Ce projet, dénommé « Spatio.nav » (système naval de surveillance des approches maritimes et des espaces sous juridiction nationale), permettra l'exploitation automatique des informations radar, l'appréciation centralisée de la situation des approches maritimes et la consultation de bases de données contribuant à une meilleure connaissance des navires en transit. À partir de 2004, le dispositif de surveillance de la façade méditerranéenne sera renforcé grâce à 4,5 millions d'euros ; de 2005 à 2010, le réseau sera étendu aux autres façades maritimes avant d'être modernisé.

La marine joue un rôle déterminant pour la préservation du littoral national des pollutions accidentelles, la surveillance des pêches et la sauvegarde des personnes en détresse. Cet engagement quotidien au bénéfice des Français mérite d'être salué, car son coût humain et financier n'est pas négligeable.

Pour ce qui concerne la lutte contre les pollutions, le naufrage du pétrolier Prestige au large de la Galice, le 19 novembre 2002, a rappelé combien les côtes des Etats européens sont exposées. La France est bien placée pour le savoir, elle qui a déploré de trop nombreuses marées noires. La marine a plus particulièrement pour responsabilité de prévoir les moyens maritimes de lutte contre ces pollutions. En métropole, ce sont également les commandants de zone ou d'arrondissement maritime (Atlantique, Manche-mer du Nord et Méditerranée) qui, sous l'autorité du Premier ministre, sont chargés de coordonner les interventions en mer, en leur qualité de préfets maritimes.

Les moyens de lutte contre les pollutions et de sauvetage en mer mis en _uvre par la marine sont essentiellement constitués de remorqueurs de haute mer affrétés à temps plein, qui sont basés à Brest (L'Abeille Flandre), Cherbourg (L'Abeille Languedoc) et Toulon (Le Mérou), d'un remorqueur co-affrété avec la maritime and coastguard agency (MCA) britannique (l'Anglian Monarch), qui est stationné dans le Pas-de-Calais, et de bâtiments de soutien en haute mer (BSHM), aux capacités anti-pollution renforcées (l'Alcyon, l'Ailette et le Carangue). Le budget prévu en 2003 pour mettre en _uvre tous ces équipements représente 17,42 millions d'euros. Les moyens maritimes sont complétés par quatre avions de surveillance Falcon 50 M, ainsi que par douze hélicoptères de recherche Dauphin (appareils légers entrés en service à partir de 1994) et Super Frelon (hélicoptères lourds, en service depuis 1970).

Ce dispositif sera modernisé grâce à l'affrètement d'un nouveau BSHM, rebaptisé bâtiment de soutien, d'assistance, d'intervention et de dépollution (BSAID), en 2004, puis l'affrètement de deux nouveaux remorqueurs de haute mer, en 2005, qui permettra de prédisposer les Abeilles Flandre et Languedoc dans le golfe de Gascogne et à Toulon. A plus long terme, la marine a prévu d'acquérir, par le biais de financements innovants, six à huit bâtiments de soutien de région de nouvelle génération (BSR-NG), dotés des équipements nécessaires à la lutte contre les pollutions en mer. En revanche, un programme de navire de pompage de grandes quantités d'hydrocarbures en mer n'est pas envisagé. De fait, ce sont les équipements héliportés qui suscitent le plus d'inquiétudes : les Super Frelon ont un âge avancé et ils ne seront pas remplacés par les NH90 avant 2007, ce qui est fort regrettable dans la mesure où il y va de la vie des personnels et de celle des naufragés.

CONCLUSION

Comme l'an passé, le projet de loi de finances initiale présenté par le Gouvernement comprend des dispositions satisfaisantes pour la marine. Paradoxalement, c'est le titre V qui évolue le plus favorablement, car les effectifs stagneront, en dépit de besoins réels. Les dépenses de rémunérations et de fonctionnement ont longtemps fait figure de montants incompressibles, au détriment des investissements. La priorité porte désormais sur les équipements, dans une logique de rattrapage nécessaire.

Les orientations de la loi de programmation militaire 2003-2008 seront donc respectées, conformément à l'engagement pris par le Président de la République. C'est la preuve que tout est affaire de volonté politique.

Il reste que, malgré la revalorisation sensible de son budget, la marine ne dispose pas de grandes marges de man_uvre. Tout d'abord, le modèle 2015 implique désormais un profond renouvellement de la flotte et, par conséquent, de substantielles dépenses en capital ; or, la fidélisation des engagés et des personnels civils nécessite aussi un effort significatif en faveur de l'amélioration des conditions de vie et/ou de travail, qu'il convient de ne pas sous-estimer. De surcroît, la marine devra contribuer au redressement de DCN. Enfin, trop de contraintes réglementaires affectent l'exécution du budget. L'engagement des crédits commence souvent en avril pour se ralentir très sérieusement à partir de septembre. Même si les choses se sont améliorées cette année, il faudra continuer à faciliter les dépenses votées, en attendant que l'application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 renforce cette exigence, à partir de l'exercice budgétaire 2006.

Devant l'importance des défis qu'elle doit relever, la marine ne peut se permettre d'écarts par rapport aux enveloppes et aux échéanciers fixés par la loi de programmation militaire. Il conviendra par conséquent de veiller à ne pas lui imputer de nouvelles charges indues ou des investissements superflus. Il y va de la cohérence de son format et, partant, d'une efficacité opérationnelle qui, jusqu'à présent, n'a jamais fait défaut.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. -  AUDITION DE L'AMIRAL JEAN-LOUIS BATTET, CHEF D'ÉTAT-MAJOR DE LA MARINE

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu l'amiral Jean-Louis Battet, chef d'état-major de la marine, sur le projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093), au cours de sa réunion du mercredi 8 octobre 2003.

Indiquant que le projet de loi de finances initiale pour 2004 alloue à la marine, titres V et III confondus, 5 834 millions d'euros, soit une augmentation de 7,4 % en euros courants par rapport à 2003, l'amiral Jean-Louis Battet a observé que les objectifs fixés par les plus hautes autorités de l'Etat seraient maintenus. Ce budget permettra ainsi de poursuivre la modernisation et le redressement du maintien en condition opérationnelle des bâtiments, sans pour autant exonérer la marine d'un effort de maîtrise de ses dépenses de fonctionnement.

Pour la deuxième année consécutive, les dotations budgétaires consacrées aux investissements sont conformes aux dispositions de la loi de programmation militaire 2003-2008. Cette appréciation doit néanmoins être mise en perspective avec l'exécution du budget pour 2003, qui, s'il a permis d'atteindre sans trop de difficultés les grands objectifs de la première annuité de la programmation militaire, reste marqué par les conséquences du changement de statut de DCN, le 1er juin.

La marine a soutenu cette démarche, dont la réussite conditionne très directement celle de la loi de programmation militaire. Il est vital que DCN améliore sa productivité et conquière de nouveaux marchés, ce qui suppose un carnet de commandes suffisant, une organisation performante et des processus réactifs, notamment en matière de facturation. Or, c'est justement ce dernier point qui conditionne le résultat de la gestion de l'exercice 2003, avec de possibles répercussions sur le budget pour 2004. Le changement de statut de DCN ayant conduit à une interruption des facturations pendant plusieurs mois, certains crédits du budget 2003 pourraient ne pas être consommés alors que les prestations de DCN ont été réalisées. Il faudra absolument les reporter sur l'exercice 2004, afin de ne pas obérer l'équilibre de celui-ci au moment où la société DCN devra être effectivement payée.

Il apparaît également indispensable de doter la marine, en loi de finances rectificative de fin d'année, des crédits de paiement nécessaires à la compensation du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et au financement du volet industriel de la transformation de DCN, comme cela était prévu lors de l'élaboration du projet de loi de finances initiale pour 2003. Une disposition identique devra d'ailleurs être mise en _uvre en 2004 au niveau des autorisations de programme afin de respecter la neutralité fiscale prévue par la loi de programmation militaire, car les capacités de la marine à passer ses commandes à DCN en dépendent.

Les crédits de paiement du titre V du budget de la marine, qui s'élèvent à 3 838 millions d'euros, affichent une augmentation de 12,2 % en euros courants par rapport à 2003. La modernisation de la flotte classique se poursuivra, grâce notamment à 1 100 millions d'euros consacrés aux fabrications nouvelles et plus particulièrement aux capacités de projection.

Dans le domaine de la projection de puissance, le programme Rafale au standard F 2 et celui des frégates antiaériennes Horizon seront les principaux bénéficiaires de ces crédits, afin de renforcer les moyens de protection et de frappe du groupe aéronaval. En outre, les études préliminaires relatives au deuxième porte-avions continueront, financées par des crédits d'études amont. Le choix de l'option retenue sera fait prochainement, le développement du programme devant commencer en 2005.

Pour ce qui concerne la projection des forces, la fabrication des bâtiments de projection et de commandement (BPC) respectera son calendrier, avec une mise en service du premier bâtiment, le Mistral, fin 2005.

Le renouvellement des unités qui constituent le c_ur de la marine s'engagera avec le début de la réalisation, en coopération avec les Italiens, des frégates multimissions, dont les quatre premiers exemplaires seront commandés en 2004. Le projet de sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda suivra son cours et quatre chasseurs de mines modernisés ainsi que soixante-quinze torpilles MU 90 seront livrés, au titre de la cohérence opérationnelle.

La force océanique stratégique (FOST) disposera, quant à elle, de 859 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 16 % en valeur, ce qui correspond à la livraison du troisième sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG), Le Vigilant, et à l'accélération de la construction du quatrième exemplaire, Le Terrible.

Parallèlement, l'effort budgétaire consenti en faveur du maintien en condition opérationnelle des bâtiments sera poursuivi, puisque les crédits de paiement prévus à cet effet augmenteront de 14 % en volume, à 994 millions d'euros. Il reste que, malgré un début d'amélioration essentiellement dû à la prise en charge de la gestion des rechanges par la marine et à une mobilisation accrue de l'encadrement de DCN, le redressement total de la disponibilité de la flotte sera plus long qu'escompté. De toute manière, les crédits affectés à cette priorité ne pourront plus guère augmenter, puisqu'ils atteignent 26 % des ressources de la marine et ne sauraient obérer le renouvellement de la flotte.

L'aspect le plus contraignant du budget d'investissement de la marine est sans conteste l'ampleur des charges issues du changement de statut de DCN. Le budget de la défense supportera, sous enveloppe, un coût de 330 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 129 millions d'euros au titre de la compensation des taxes désormais applicables aux prestations de DCN. Le budget de la marine se verra imputer l'essentiel de ces coûts. En prenant en considération d'autres charges nouvelles partagées entre toutes les autres armées, ce sont globalement 330 millions d'euros qui affectent l'enveloppe globale du titre V de la marine. Si les reports des crédits non dépensés fin 2003 n'étaient pas accordés, la marine se retrouverait dans une situation extrêmement difficile.

Les autorisations de programme s'élèveront à 4 738 millions d'euros, en augmentation de 16,7 % en valeur par rapport à 2003. Les commandes prévues pourront être passées, mais la réalisation des objectifs de la loi de programmation militaire imposera de consommer une part significative de la réserve d'autorisations de programme non engagées en fin d'année, avec d'inévitables répercussions sur la gestion 2005. Il n'existe plus de marges de man_uvre sur le déroulement des programmes.

Doté de 1 996 millions d'euros, le titre III du budget de la marine diminuera de 0,6 % en valeur, ou 2,1 % en volume. Cette évolution répond à la volonté de la ministre de la défense de faire participer les armées à l'effort général, sans pour autant compromettre la restauration de leurs capacités militaires.

Pour mener ses missions au meilleur coût, la marine modernise son organisation et ses modes de gestion. Des économies seront notamment dégagées sur les produits pétroliers, la communication, les frais de déplacement temporaire et l'alimentation. L'extension des mesures d'externalisation devrait également engendrer des économies. Enfin, le financement de l'entretien programmé des matériels ne sera plus imputé sur le titre III et les charges correspondantes seront prises sous enveloppe.

Avec 10 291 agents, les effectifs civils de la marine affichent une hausse apparente de 230 postes. En fait, cette augmentation aurait dû être de 382 emplois pour tenir compte de l'accueil de personnels de DCN. Sur les 152 postes manquants, qui constituent une seconde source d'économie, 52 résultent du non-remplacement de personnels civils partant en retraite, les autres étant liés à des redistributions vers d'autres services de la défense. Les effectifs militaires diminueront, quant à eux, de 136 postes. Avec 44 131 personnes, ils atteignent un chiffre plancher, qui devrait augmenter à partir de 2005 grâce au rattrapage progressif des 250 postes non obtenus en 2002 pour clore la phase de professionnalisation. Cette remise à niveau permettra d'atténuer les tensions, qui sont de plus en plus sévères en raison d'un accroissement des demandes en personnels qualifiés, notamment officiers, pour les instances interarmées ou internationales. Pour la première fois, la dotation des rémunérations et charges sociales a été calculée sur la base des effectifs réalisés, soit un sous-effectif de 3 %.

Le titre III du budget de la marine comporte d'indéniables sujets de satisfaction, comme la poursuite de l'effort au profit du plan d'amélioration de la condition militaire qui sera doté des 10 millions d'euros prévus. Il en est de même de l'accroissement des crédits destinés au fonds de consolidation de la professionnalisation et à la réserve opérationnelle, dont les ressources augmenteront respectivement de 7,7 millions d'euros et de 3,7 millions d'euros. Enfin, de nouvelles actions d'externalisation pourront être engagées grâce à une enveloppe de 5 millions d'euros supplémentaires.

Dans la logique de la réforme de l'Etat, la marine a décidé d'élargir le champ de la déconcentration, puis de simplifier les tâches administratives en facilitant le dialogue entre les forces et l'état-major central. La déconcentration porte tout à la fois sur la gestion d'une partie des ressources humaines et sur la gestion des moyens financiers par les commandants de forces. Dans le premier cas, elle permettra de mieux concilier les intérêts des marins avec ceux de leur hiérarchie, alors que la déconcentration financière favorisera une plus grande responsabilisation budgétaire des commandants de forces et des commandants territoriaux.

L'efficacité de cette réforme suppose une évolution des modes de management et une bonne connaissance des coûts. C'est dans cette perspective que la marine s'est attachée, depuis deux ans, à développer une démarche de contrôle de gestion à tous les niveaux, complétée par une démarche concernant la qualité, qui se traduit déjà par la certification d'une vingtaine d'unités, notamment dans le domaine du soutien. Ces démarches seront complétées par la mise en place progressive d'un outil de connaissance analytique des coûts, dont la première phase, liée à la capacité de facturation aux unités, interviendra en 2004. Ces évolutions doivent, à terme, aboutir à une déconcentration de fait de certaines décisions, qui n'avaient que trop tendance à remonter jusqu'à Paris.

Enfin, dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), du 1er août 2001, la marine, à l'instar des autres armées, va mener une expérimentation de globalisation des crédits au sein d'une formation, le centre d'instruction navale (CIN) de Saint-Mandrier. Pour ce faire, les crédits de rémunérations et charges sociales des personnels civils et militaires (hors élèves), les crédits de fonctionnement et certains crédits du titre V ont été regroupés sur deux articles d'un chapitre spécifique. C'est ce qui explique certaines des évolutions du titre III. Dans l'optique de la mise en _uvre de la fongibilité asymétrique, le commandant du CIN aura une certaine latitude pour redéployer ses crédits en cours de gestion. Cette expérimentation doit être comprise comme un laboratoire destiné à bien définir les mécanismes de gestion qui seront mis en _uvre avec la LOLF.

Pour conclure, l'amiral Jean-Louis Battet s'est montré satisfait de la poursuite de l'effort consenti, qui confirme la volonté de réaliser la loi de programmation militaire. Cette satisfaction doit toutefois être tempérée par le volume des charges qu'il faut prendre sous enveloppe du titre V. Plus encore que les années précédentes, l'exécution budgétaire en 2004 sera extrêmement sensible aux conditions de la fin de gestion de 2003. Pour éviter d'accroître les tensions qui se développent sur les objectifs de la programmation militaire, il faudra réexaminer objectivement la possibilité de recourir à des financements innovants pour le programme des frégates multimissions. Cette formule serait particulièrement bien adaptée au franchissement d'une « bosse » budgétaire liée à la remise à niveau de DCN, normalement suivie par une baisse des coûts et donc des prix.

Le président Guy Teissier a souhaité connaître la nature et le montant des dépenses pour 2003 qui nécessiteront l'ouverture de crédits en loi de finances rectificative de fin d'année.

L'amiral Jean-Louis Battet a précisé que la date du changement de statut de DCN n'étant pas connue avec précision lors de l'élaboration du budget pour l'année 2003, le financement de la compensation des taxes désormais applicables aux prestations de DCN n'avait été pris en compte dans la loi de finances initiale qu'au niveau des autorisations de programme. Cette « neutralité fiscale » du changement de statut de DCN nécessite 119 millions d'euros de crédits de paiement pour l'année 2003. Il faut y ajouter 69 millions d'euros pour le financement du volet industriel de la réforme de DCN.

M. Gilbert Le Bris a demandé des précisions sur le déroulement du programme de second porte-avions, alors que des études sont en cours afin de définir les options retenues par la France. Soulignant la nécessité de prendre une décision dans des délais raisonnables, il a souhaité connaître l'état d'avancement du programme et la chronologie de son déroulement.

Il a ensuite évoqué le renouvellement des remorqueurs de haute mer affrétés par la marine et a rappelé que la candidature de la société Les Abeilles International, dont les compétences sont largement reconnues, a été retenue. Il est actuellement envisagé que les deux remorqueurs soient construits par un chantier naval norvégien. M. Gilbert Le Bris a mis en avant la portée symbolique que revêtirait une telle décision, alors que ces bâtiments sont destinés à assumer des missions de service public, que leur construction donnera lieu à l'application de mesures fiscales favorables et que les chantiers français disposent d'un savoir-faire reconnu dans un tel domaine. Précisant que la différence de coût constatée entre les chantiers norvégien et français s'élève à 10 % seulement, il a demandé si les implications résultant du choix de l'option norvégienne avaient fait l'objet d'une analyse suffisamment poussée par l'état-major de la marine.

L'amiral Jean-Louis Battet a souligné que les études actuelles sur le choix de la propulsion du second porte-avions ne devaient pas occulter l'essentiel, c'est-à-dire le choix par le Gouvernement de construire un tel bâtiment. Il s'est félicité d'avoir demandé la conduite de trois études sur les options envisagées, tout en soulignant que c'est à la délégation générale pour l'armement (DGA) qu'il incombe d'analyser les différentes offres commerciales, dont le périmètre est parfois mal connu, sur la base de critères objectifs. Pour ce qui concerne l'opportunité d'une coopération avec le Royaume-Uni sur ce programme, les spécifications retenues par les autorités britanniques sont en cours d'évolution et sans doute le tonnage des futurs porte-avions de la Royal Navy sera-t-il revu à la baisse, ce qui favoriserait une coopération avec la France et permettrait alors de réaliser des économies d'échelle. De toute manière, il apparaît nécessaire que la décision française n'intervienne pas trop tardivement, de façon à clore un débat trop envenimé et de nature à perturber l'idée même du deuxième porte-avions.

Le chef d'état-major de la marine a ensuite mis en exergue l'importance de l'effort consenti par la marine pour le renforcement des remorqueurs de haute mer qu'elle affrète, leur nombre devant passer de deux à quatre. Le marché de construction n'a pas encore été notifié, mais les procédures ont été scrupuleusement respectées. L'état-major de la marine ne peut intervenir dans le déroulement de l'appel d'offres sans tomber sous le coup de la loi. D'ailleurs, les remorqueurs actuels ont déjà été construits par les chantiers norvégiens qui sont en lice dans l'appel d'offres.

M. Jean-Yves le Drian a évoqué la prise en charge par la marine de dépenses résultant du changement de statut de DCN. Après avoir souligné que la dotation en fonds propres de la nouvelle société était satisfaisante, il a demandé ce qu'incluaient les dépenses de 330 millions d'euros assumées par la marine en 2004, notamment en ce qui concerne le financement de la capitalisation de DCN, et si cette somme était appelée à perdurer dans les prochains budgets de la marine. Pour ce qui concerne le programme de frégates multimissions, qui devrait être mené en coopération franco-italienne, il a souhaité savoir s'il existait des divergences de préconisations techniques entre les états-majors français et italien qui pourraient perturber le lancement du programme. Enfin, après s'être félicité de ce que le débat récurrent sur la création de garde-côtes français soit désormais clarifié, l'organisation maritime française ne faisant plus l'objet de remises en cause, il a voulu avoir des précisions sur les modalités de l'action de l'Etat en mer, dont l'importance a été de nouveau mise en lumière lors du naufrage du pétrolier Prestige.

L'amiral Jean-Louis Battet a indiqué qu'il avait été décidé que le ministère de la défense et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie prendraient chacun à sa charge la moitié des dépenses nécessaires à la transformation de DCN, le ministère de l'économie ayant vocation à financer la dotation en capital et une partie importante de l'insuffisance des actifs de la nouvelle société et le budget de la défense, pour sa part, prenant en compte les encours non contractualisés, d'importants travaux de remise à niveau des infrastructures ainsi que le plan social de DCN qui vient compléter le fonds d'adaptation industriel qui existait déjà. Le coût des assurances s'est tardivement ajouté au montant global de l'opération, alors qu'il va peser lourdement sur les prix. Au total, ce sont donc 330 millions d'euros qui sont prévus, au titre de la transformation de DCN, dans le titre V du budget pour 2004. Cette enveloppe représente la première des cinq annuités prévues, les deux suivantes étant, avec elle, les plus lourdes. La neutralité fiscale prévue est assurée par une compensation intégrale du montant des taxes supplémentaires qui s'appliquent à présent à DCN ; elle n'est pas comprise dans ce total.

Quatre commandes de frégates multimissions sont prévues en 2004. La marine italienne a très récemment décidé de reprendre les négociations sur les spécifications et le dialogue entre les états-majors a beaucoup progressé. Les industriels sont désormais au pied du mur. Le dossier peut donc être de nouveau abordé avec un optimisme prudent.

En matière de sécurité maritime, il convient de rappeler tout ce qui a été réalisé depuis deux ans pour répondre aux défis posés par l'immigration clandestine, par l'augmentation du trafic de drogue aux Antilles et les conséquences des attentats du 11 septembre 2001. D'importants moyens ont été affectés à ces tâches : une permanence de frégate a été assurée pendant un an au large des côtes libanaises pour lutter contre l'immigration clandestine et 40 % du temps d'utilisation d'une frégate est désormais dévolu aux patrouilles au large des Antilles. La réallocation des moyens de la marine s'est aussi traduite par le réarmement ininterrompu de certains sémaphores, la commande de vingt-quatre vedettes de gendarmerie maritime, celle de deux remorqueurs supplémentaires. Enfin, les moyens basés outre-mer ont été renforcés. La marine a vocation à intervenir en haute mer, elle intervient aussi dans les eaux territoriales et adjacentes avec les autres administrations sous l'autorité des préfets maritimes, dont les pouvoirs de coordination viennent d'être renforcés. Le système ainsi mis en place est sans doute le moins cher en raison de l'absence de duplication des moyens et des chaînes de commandement. On notera que les Espagnols sont intéressés par l'organisation française pour la surveillance de leurs côtes et que les Américains réfléchissent actuellement à la possibilité de réaffecter les moyens des garde-côtes pour partie à l'US Navy, pour partie à la Homeland Defense.

M. Bernard Deflesselles a souligné les avantages du modèle français de sauvegarde maritime, qui donne un rôle prépondérant à la marine. Sa récente participation, en tant qu'observateur, à la tenue d'un important exercice de lutte antipollution en Méditerranée lui a permis de juger sur le terrain de la qualité du dispositif. Il a demandé si la marine sera en mesure d'atteindre le taux cible de disponibilité des matériels, fixé à 63 %, ainsi que le taux cible d'entraînement de cent jours à la mer.

L'amiral Jean-Louis Battet a indiqué que le taux de disponibilité des matériels s'améliorerait progressivement avec l'arrivée de moyens modernes de gestion des rechanges. Il reste cependant des problèmes, comme en témoigne l'indisponibilité actuelle des sous-marins nucléaires d'attaque, notamment en raison de l'absence de pompes de rechange, qui sont en cours de commande. Les objectifs de disponibilité des matériels, qui se situent à des niveaux raisonnables, seront atteints, de même que ceux qui concernent l'entraînement des équipages et des bâtiments. Sur les cent jours à la mer, la part consacrée à l'outre-mer est destinée à s'accroître, notamment en raison de la décision gouvernementale de mettre l'accent sur la surveillance des pêches en Polynésie.

M. Jean-Michel Boucheron a souhaité savoir quel est l'état des moyens de transmission de données de la marine, fortement sollicités lors d'opérations de projection dans le cadre de coalitions, et quelles sont les principales insuffisances, les nécessités de renforcement des moyens satellitaires et les capacités interarmées de la marine.

L'amiral Jean-Louis Battet a relevé que la victoire américaine en Irak résultait largement de la rapidité et des capacités offertes par les systèmes de télécommunications modernes. La guerre du futur est une guerre en temps réel. Afin de maîtriser davantage ce domaine capital, il a été décidé de créer le service des systèmes d'information de la marine (SERSIM), en regroupant les diverses structures s'occupant jusqu'ici des transmissions et des télécommunications. Il devrait permettre une gestion plus globale des systèmes d'information et de communication, à terre et en mer.

Dans le cadre de la prise de commandement par la France de la Task Force 150 (TF 150), au large des côtes somaliennes, un crash programme a été mis en _uvre sur la frégate de lutte anti-sous-marine Tourville, de manière à permettre au commandement opérationnel de disposer de moyens efficaces. Ce système apparaît tout à fait remarquable aux alliés, y compris américains. Il reste que c'est un domaine où il reste beaucoup à faire et où les investissements seront importants. La marine dispose toutefois d'une importante expérience d'intégration dans des dispositifs multinationaux, comme l'a prouvé l'opération Héraclès au large de l'Océan indien.

M. Philippe Vitel a demandé des précisions sur l'évolution des relations entre DCN et le service de soutien de la flotte (SSF) et sur le calendrier de l'opération de réarmement des sémaphores.

L'amiral Jean-Louis Battet a souligné que désormais le SSF et DCN entretiennent des relations commerciales. La réorganisation du SSF progresse et commence à produire ses effets. Ce service s'est vu confier de nombreuses missions nouvelles, telle la gestion des rechanges et celle des pyrotechnies, à tel point que certains y ont vu la reconstitution d'une « DCN bis ». Il s'agissait seulement de parer au plus pressé. À terme, il conviendra de séparer les activités de donneur d'ordre et celle de fabricant pour recentrer le SSF sur sa mission de maîtrise d'ouvrage.

La réactivation du réseau complet des sémaphores est en cours. Elle est en train de se terminer pour la Corse. Toutefois, il s'agit d'un projet ambitieux avec la volonté de doter les sémaphores d'équipements radar et de transmission de données avec les centres de commandement et les avions de patrouille maritime. Ce programme dénommé « Spatio.nav » devrait s'étendre sur cinq à six ans, puisque son financement commence en 2004. Il n'en est donc qu'à ses débuts.

Le président Guy Teissier a souhaité savoir si, à Mayotte, les patrouilleurs La Boudeuse et La Rieuse avaient pu prendre la mer simultanément, mettant fin au système de cannibalisation mutuelle qui lui avait été dénoncé à l'occasion de son déplacement, avec une délégation de la commission, l'hiver dernier. Il apparaît en effet essentiel de renforcer le dispositif de la marine auprès de Mayotte, surtout dans l'objectif de lutter contre l'immigration clandestine.

L'amiral Jean-Louis Battet a souligné que le renforcement du dispositif de la marine à Mayotte est prévu, notamment grâce à l'installation de radars, au prépositionnement d'une vedette supplémentaire et à l'augmentation des patrouilles. Dans un autre cas de figure, il était envisagé d'envoyer un troisième patrouilleur en Guyane pour compléter les deux vedettes de gendarmerie locale en panne continuelle, mais, face à l'allongement de l'IPER du premier, il a été décidé d'envoyer un aviso pour assurer la mission. Cet exemple illustre la souplesse du dispositif de la marine, qui permet, le cas échéant, la mobilisation de bâtiments de combat pour la surveillance maritime.

Les deux bâtiments évoqués par le président de la commission naviguent simultanément depuis un mois. Ils sont actuellement en stage de mise en condition opérationnelle.

II. -  EXAMEN DES CRÉDITS

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Charles Cova, les crédits de la marine pour 2004, au cours de sa réunion du 8 octobre 2003.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. René Galy-Dejean a souhaité savoir si le déroulement du programme de missile nucléaire stratégique M51, qui doit succéder au missile M45, dont les derniers lots ont été livrés, était conforme à l'échéancier prévu.

M. Charles Cova, rapporteur pour avis, a répondu que le programme de missile M51 se poursuivait sans retard et que ce vecteur équiperait le quatrième SNLE-NG, lors de son admission au service actif.

Le président Guy Teissier a souhaité savoir de quel missile serait doté le troisième SNLE-NG, en service en 2004.

M. Charles Cova, rapporteur pour avis, a répondu que le troisième SNLE-NG sera armé par le missile M45, le M51 ne devant équiper la force océanique stratégique (FOST) qu'à l'horizon 2010.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la marine pour 2004.

*

* *

Au cours de sa réunion du mercredi 29 octobre 2003, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la défense pour 2004, les membres du groupe socialiste votant contre.

--____--

N° 1114 - tome V - Avis de M. Charles Cova au nom de la commission de la défense sur le budget de la marine du projet de loi de finances pour 2004


- Cliquer ici pour retourner au sommaire général

- Cliquez ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires



© Assemblée nationale

() Discours du Président de la République devant l'institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN), le 8 juin 2001.

() Défense nationale, octobre 2002 : « une stratégie maritime renforcée », p.37.

() Depuis 2002, les sept frégates F 70 ont fait l'objet, à tour de rôle, de réparations au niveau de leur structure résistante et de leur stabilité. Seul le bâtiment Jean de Vienne est désormais concerné. Le projet de loi de finances initiale pour 2004 prévoit 1,4 million d'euros à cet effet.

() La marine en questions, publiée dans le magazine Cols Bleus, n° 2 664 à 2 667, juin et juillet 2003.

() Rapport d'information n° 328 : « L'entretien des matériels : un sursaut nécessaire ».

() Sur ce dernier point, il convient de souligner qu'un éventuel transfert de l'escadrille des SNA à Brest nécessiterait trois ans de préavis.

() Cette coopération devrait se prolonger sur le programme de frégates multimissions, conformément à l'accord bilatéral signé en ce sens par les ministres français et italien de la défense, lors du sommet de Rome, le 7 novembre 2002.

() Discours du Premier ministre devant l'IHEDN, le 14 octobre 2002.

() Décret n° 73-237 du 2 mars 1973, relatif à la défense maritime du territoire.