PAR M. BERNARD DEROSIER

Député.

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SOMMAIRE

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Pages

1ERE PARTIE DU RAPPORT

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : L'ATTRACTIVITÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE EN QUESTION 9

I. - LA MESURE DE L'ATTRACTIVITÉ 9

A. UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DES EFFECTIFS EN POSTE 9

B. UNE ÉVOLUTION MAL MAÎTRISÉE 12

II. - LES COMPOSANTES DE L'ATTRACTIVITÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE 14

A. LE SYSTÈME DES CARRIÈRES 14

3. La question des droits et devoirs du fonctionnaire : droit de grève et service minimum 20

B. LES RÉMUNÉRATIONS 27

2EME PARTIE DU RAPPORT

DEUXIÈME PARTIE : LES HÉSITATIONS DE LA RÉFORME DE L'ÉTAT

I. - LA PERPÉTUELLE MODIFICATION DES STRUCTURES DE PILOTAGE

A. LE DISPOSITIF INTERMINISTÉRIEL

B. LES ACTIONS MINISTÉRIELLES DE MODERNISATION

II. - LA POLITIQUE DE SIMPLIFICATION

A. DES ACQUIS IMPORTANTS

B. UNE NOUVELLE MÉTHODE CRITIQUABLE

C. LA PROMOTION DE L'ADMINISTRATION ÉLECTRONIQUE

III. - LES CONSÉQUENCES INCERTAINES DE LA DÉCENTRALISATION

A. LE CARACTÈRE CONTESTABLE DES INITIATIVES GOUVERNEMENTALES

B. LES INCERTITUDES LIÉES AUX PERSONNELS

IV. - LES DÉRIVES DE LA RÉFORME BUDGÉTAIRE

A. LES OBJECTIFS ET LES STRUCTURES DE LA RÉFORME BUDGÉTAIRE

B. UNE MISE EN _UVRE NON CONFORME AUX OBJECTIFS

C. LA QUESTION DÉLICATE DE LA PRISE EN COMPTE DES EFFECTIFS

TROISIÈME PARTIE : LES MOYENS DU MINISTÈRE CHARGÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA RÉFORME DE L'ÉTAT

I. - UN CHANGEMENT DE PÉRIMÈTRE

A. L'AGRÉGAT « FONCTION PUBLIQUE »

B. LES ACTIONS « FONCTION PUBLIQUE » ET « RÉFORME DE L'ÉTAT »

II. - LES CRÉDITS EN FAVEUR DES FONCTIONNAIRES

A. L'ACTION SOCIALE INTERMINISTÉRIELLE

B. LES ACTIONS INTERMINISTÉRIELLES DE RECRUTEMENT ET DE FORMATION CONTINUE

III. - LA MODERNISATION DE L'ÉTAT

A. LES ÉTUDES ET LA COMMUNICATION SUR LA GESTION PUBLIQUE

B. LE FONDS POUR LA RÉFORME DE L'ÉTAT

C. LES CRÉDITS DU FONDS DE DÉLOCALISATION

AUDITION DE M. JEAN-PAUL DELEVOYE, MINISTRE DE LA FONCTION PUBLIQUE, DE LA RÉFORME DE L'ÉTAT ET DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, ET DE M. HENRI PLAGNOL, SECRÉTAIRE D'ÉTAT À LA RÉFORME DE L'ÉTAT

AUDITIONS DU RAPPORTEUR

MESDAMES, MESSIEURS,

Un constat s'impose : les dépenses induites par la fonction publique croissent régulièrement. Pour la seule fonction publique, ces dépenses sont passées de 107 milliards d'euros en 2000 à 113,8 milliards d'euros en 2001 et à 118,3 milliards d'euros en 2002 (). Pour certains, cette progression justifie toutes les remises en cause.

Ainsi, les incertitudes pour la fonction publique s'accumulent. Le régime des pensions a été profondément modifié. Le Gouvernement reste muet sur ses intentions réelles en matière d'évolution à moyen terme des effectifs tout en tenant un discours de rigueur extrême en matière de rémunération. Or, l'évolution démographique « naturelle » des agents publics exige qu'une stratégie claire soit mise en place. En effet, les départs à la retraite vont se multiplier dans les prochaines années sans pour autant que leur compensation en termes de recrutement soit garantie, d'où un risque d'amoindrissement du service public. Parallèlement, le Conseil d'État, dans son dernier rapport public (), relève toute une série de difficultés et récapitule différentes pistes de réforme, dont certaines, si elles étaient mises en _uvre sans nuance, pourraient mettre à mal le principe de neutralité, garant de la loyauté de l'administration. En outre, les valses-hésitations de la décentralisation rendent trouble l'avenir respectif de la fonction publique de l'État et de la fonction publique territoriale.

Le Conseil d'État, dans le document précité, le souligne : « Un dialogue confiant avec des interlocuteurs variés montre que, subjectivement, la demande de visibilité à long terme est très forte. Devant l'amoncellement des interrogations sur la fonction publique, les réactions ne sont évidemment pas identiques, selon le rôle joué sur la scène sociale, mais, en fait, elles expriment une volonté de maîtrise de l'évolution et très souvent, notamment de la part des organisations syndicales, une claire perception de l'ensemble des données à prendre en compte et des faits à anticiper. »

Les blandices des discours incantatoires sur la réforme de l'État, qui se plaisent à multiplier les références aux gains de productivité et à la recherche de la performance, ne suffiront pas à rassurer et à assurer un même niveau de prestations pour un effectif en forte réduction. Il suffit pour s'en convaincre de constater les difficultés éprouvées cette rentrée par nombre d'établissements scolaires privés d'aides éducateurs ou d'examiner les très faibles progrès accomplis dans la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (). La réforme de l'État ne paraît être envisagée que sous l'angle de la réduction des coûts, la fonction publique devenant la seule variable d'ajustement. Dans cette logique, près de 10 000 départs à la retraite ne seront pas remplacés en 2004, soit un taux de non-renouvellement des départs proche de 20 %. Compte tenu de la création de 5 178 postes budgétaires, la destruction nette d'emplois atteindra 4 568 postes, après la suppression de 701 emplois en 2003. Ces baisses d'effectifs sont avancées sans que le Gouvernement n'explique quelles missions de l'État il souhaite réduire en conséquence.

Pourtant, la question de l'attractivité de la fonction publique va se poser avec une acuité croissante. Le dénigrement, non dénué d'arrières pensées, des services publics, qui seraient systématiquement coupables d'inertie - faut-il rappeler qui est responsable in fine de l'administration ? -, ne saurait contribuer à attirer les jeunes vocations vers des métiers où le service de l'intérêt général doit rester la priorité, avant la recherche de l'accroissement des rémunérations individuelles. Ajoutée à l'attrition des effectifs, l'image véhiculée par ce type de discours risque de creuser un fossé entre l'administration et les citoyens et justifier, a posteriori, une réduction drastique des missions des services publics.

Les crédits du ministère chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État quant à eux, consacrés principalement à l'action sociale interministérielle et à la formation des fonctionnaires, sont réduits à un agrégat sur le budget des services généraux du Premier ministre. Après une baisse de 2,12 % l'an dernier, ils connaîtront, en 2004, une progression de 4,37 %, passant de 214,2 millions d'euros à 223,6 millions d'euros compte tenu de divers changements de périmètre.

PREMIÈRE PARTIE 

L'ATTRACTIVITÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE
EN QUESTION

Si l'attractivité de la fonction publique est un phénomène mal connu, faute d'outils adéquats d'évaluation, il est possible d'apprécier certaines de ses composantes, telles que l'évolution des carrières et des rémunérations. De ce point de vue, les réformes engagées par le Gouvernement ne contribuent pas à alimenter les vocations au service de l'intérêt général.

I. - LA MESURE DE L'ATTRACTIVITÉ

Les évolutions retracées par le Conseil d'État dans son dernier rapport public concourent toutes au même constat : dans les années à venir, les administrations publiques connaîtront des difficultés pour recruter les agents dont elles auront besoin pour faire face à leurs missions et aux modifications de ces dernières.

Le rapporteur regrettait, dans son rapport de l'an dernier, les difficultés auxquelles se heurtait tout observateur pour connaître le champ exact de l'emploi public, ce qui ne laissait de biaiser tout débat sur l'évolution des effectifs ou encore sur le nombre de non-titulaires.

Créé par le décret du 13 juillet 2000, l'Observatoire de l'emploi public a permis de mieux définir le contour de la fonction publique. Si l'on peut se féliciter des progrès réalisés dans la connaissance des différentes composantes de l'emploi public, il faut regretter le relatif retard avec lequel les données sont connues. Ainsi, ce n'est qu'en octobre 2002 que les données harmonisées pour les trois fonctions publiques pour 1999 ont pu être connues. Le raccourcissement des délais nécessaires à la confection du tableau de synthèse présentant l'emploi public fait partie des missions confiées à l'Observatoire de l'emploi public. L'Institut national de la statistique et des études économiques (insee) et la direction de la recherche, des études et de l'évaluation des statistiques du ministère chargé de la santé ont engagé pour ce faire une refonte de leurs systèmes d'information. Cette connaissance plus fine de l'emploi public s'avère capitale dans la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances (lolf) du 1er août 2001 qui a introduit une nouvelle présentation des effectifs.

Selon une approche de comptabilité nationale, l'emploi désigne les personnels des administrations publiques financées par prélèvements obligatoires. Cet ensemble était formé de 5,6 millions de personnes au 31 décembre 1999, ce qui représente 26,3 % des salariés de métropole et des départements d'outre-mer. Au sein de cet ensemble, seuls 3,7 millions sont des titulaires relevant des titres II, III et IV du statut de la fonction publique.

Selon une approche juridique, le nombre de personnes qui relevaient d'administrations ou d'organismes dans lesquels le recrutement de droit commun relève des titres précités du statut s'élève à 5,2 millions. Parmi elles, 4,6 millions de titulaires et de non-titulaires exerçaient leur activité principale dans les administrations ou dans des établissements publics administratifs, soit 21,5 % des salariés de métropole et des départements d'outre mer. À ce chiffre s'ajoutaient 317 000 agents bénéficiant de contrats aidés et près de 300 000 agents travaillant pour des établissements publics à caractère industriel et commercial pouvant employer des agents de droit public et pour La Poste.

Parmi les 4,6 millions d'agents employés par les administrations et les établissements publics administratifs, 2,4 millions appartiennent à la fonction publique d'État, 1 million à la fonction publique territoriale et 0,7 million à la fonction publique hospitalière, le solde étant constitué par les agents bénéficiant de contrats aidés. Les fonctionnaires titulaires sont 3,8 millions tandis que les non-fonctionnaires, incluant les ouvriers d'État, les non-titulaires, les assistantes maternelles et le personnel médical sont 0,8 million.

Entre 1990 et 1999, les effectifs de la fonction publique de l'État ont progressé de 7 %, ceux de la fonction publique territoriale de 14 % et ceux des hôpitaux publics de 6 %. La part de l'emploi public dans l'emploi global a faiblement progressé sur la même période : elle atteint ainsi 0,25 point pour la fonction publique de l'État.

Le projet de budget pour 2004 se caractérise par la destruction nette de près de 4 600 emplois et par la création de près de 48 600 postes budgétaires au titre de différentes mesures d'ordre, au rang desquelles figure l'inscription, sur des postes budgétaires, des assistants d'éducation et d'enseignants non titulaires de l'enseignement scolaire.

LES EFFECTIFS BUDGÉTAIRES DE L'ÉTAT DE 2003 À 2004

Catégories

Nombre d'emplois

Emplois inscrits au budget 2002

2 181 985

Emplois inscrits au budget 2003

2 180 240

Évolution des emplois budgétaires en 2003

- 4 561

Mesures d'ordre en 2004

+ 48 578

      - dont inscription, sur postes budgétaires, des assistants d'éducation et enseignants non titulaires de l'enseignement scolaire

+ 48 796

      - dont emplois transférés dans divers établissements publics

- 508

      - dont régularisations diverses

+ 196

      - dont titularisations opérées sur postes budgétaires nouveaux et transferts d'emplois entre fonction publique d'État et fonction publique territoriale


+ 94

Emplois inscrits au projet de budget 2004

2 224 257

Source : d'après ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Sur la décennie 1990-1999, le poids des non-titulaires a baissé dans l'emploi total.

Les travaux de l'Observatoire ont montré l'importance des effectifs de non-titulaires dans les trois fonctions publiques : au 31 décembre 2000, ils représentent 24 % des effectifs dans la fonction publique territoriale (321 000 agents), 9 % dans ceux des ministères (206 000 agents) et 6 % dans ceux des hôpitaux (46 000 agents). Parmi les agents non titulaires de l'État travaillant dans des ministères civils, une grande majorité (116 000) exerce des fonctions « spécifiques » (exemple des maîtres d'internat et surveillants d'externat ou des attachés temporaires d'enseignement et de recherche) et ne sont donc pas susceptibles de bénéficier du protocole d'accord du 10 juillet 2000 sur la résorption de l'emploi précaire. Parmi les 81 900 agents qui ne font pas partie de ces catégories particulières, 15 600 sont en contrat à durée indéterminée et donc seules 66 300 personnes seraient concernées par le plan de résorption de l'emploi précaire. Ces chiffres, extraits des fichiers de paye traités par l'insee, ne tiennent pas compte de l'effet de renouvellement, qui doit être particulièrement pris en compte pour ce type de population : ainsi, le nombre de non-titulaires n'appartenant pas à des catégories particulières ayant travaillé deux mois entre juillet 1999 et juillet 2000, hors contrats à durée indéterminée, s'élève à 105 300 personnes. Les enquêtes menées par les différents ministères évaluent ce nombre à 86 100 agents.

Ces données permettent une évaluation approximative de la population concernée, mais n'offrent pas la possibilité de déterminer combien remplissent les deux conditions requises par le protocole de juillet 2000, à savoir la condition de diplôme et la condition de durée cumulée de service de trois ans en équivalent temps plein au moment de la présentation au concours de titularisation.

En outre, les différences de champ et de définition qui existent entre les trois fonctions publiques rendent très délicate l'appréhension du phénomène de la précarité dans l'emploi public. C'est pourquoi il faut se féliciter du travail complémentaire entrepris par l'Observatoire de l'emploi public pour étendre le champ de l'analyse aux établissements publics administratifs de l'État et à l'ensemble des établissements du secteur médico-social dépendant de la fonction publique hospitalière. La notion de non-titulaires devra être précisée. Pour la fonction publique territoriale, la confrontation des données issues de l'enquête sur les collectivités territoriales de l'insee à celles des bilans sociaux devrait permettre de mieux définir les différentes catégories de non-titulaires.

Le premier élément de cette évolution est constitué par la diminution tendancielle de la population active. De 26,4 millions de personnes en 2001, elle passerait, à législation inchangée et à taux de chômage stable, à 26,9 millions de personnes en 2006 avant de diminuer à 24 millions de personnes d'ici 2020 selon l'insee (). Ces perspectives rejoignent celles qui avaient été dressées par les rapports « Cieutat » et « Vallemont » (). Le deuxième élément de l'évolution des besoins de la fonction publique est constitué par les départs massifs à la retraite que le rapporteur a largement évoqués dans son rapport de l'an passé. Cette tendance, valable pour l'emploi public, l'est également pour le secteur privé, ce qui renforcera la concurrence entre les deux secteurs. Les besoins en recrutement de jeunes seraient dans la décennie 2000-2010 nettement supérieurs aux flux annuels d'entrée observés dans la période 1990-2000, ce qui entraînera des tensions importantes sur le marché du travail. Cette difficulté sera particulièrement élevée pour les plus hauts niveaux de qualification.

L'Observatoire de l'emploi public l'a relevé dans son rapport d'octobre 2002, « plus que le secteur privé, les fonctions publiques seront confrontées au défi démographique ». Cela s'explique par la situation démographique particulière des fonctions publiques, par le poids important des personnels qualifiés dans les recrutements de la fonction publique de l'État et par la baisse d'attractivité des fonctions publiques quand le marché du travail s'améliore.

En effet, la proportion de personnes de cinquante ans et plus (30 %) est nettement plus importante dans les administrations d'État que dans le privé (18 %). 50 000 fonctionnaires de l'État partent à la retraite aujourd'hui. Ils seront 65 000 en 2007. 460 000 titulaires quitteront la fonction publique de l'État entre 2001 et 2008. Dans la fonction publique hospitalière, un vieillissement sensible des personnels peut être observé en liaison avec les recrutements massifs qui sont intervenus entre 1975 et 1985 et réduits dans la décennie quatre-vingt-dix et avec le fait que trois agents sur quatre peuvent faire valider leur droit à la retraite dès l'âge de cinquante-cinq ans. Dans la fonction publique territoriale, le nombre de départs progressera significativement jusqu'en 2017.

SORTIES DÉFINITIVES (1) PRÉVISIBLES DE TITULAIRES ENTRE 2003 ET 2018
PAR PÉRIODE DE DEUX ANS

Ministère

Effectif réel concerné au 31.12.2000

2003
2004

2005
2006

2007
2008

2009
2010

2011
2012

2013
2014

2015
2016

2017
2018

Ensemble 2003/2018

Éducation nationale
(enseignement scolaire)

951 000

68 400

71 500

75 100

71 300

65 000

59 400

55 200

53 100

519 000

Économie et finances

186 900

9 300

11 600

14 600

15 100

15 300

14 800

14 500

13 700

108 900

Intérieur

160 200

11 800

11 600

11 400

10 900

10 300

9 900

9 600

9 000

84 500

Universités

119 500

6 900

7 800

8 900

8 800

8 500

7 900

7 000

6 400

62 200

Équipement, transports

96 500

5 900

6 800

7 800

8 200

8 200

8 000

7 600

6 800

59 300

Justice

62 200

3 200

3 400

3 800

4 100

4 400

4 400

4 400

4 400

32 100

Autres ministères civils

84 800

4 300

4 900

5 800

6 200

6 400

6 500

6 500

6 300

46 900

Ensemble

1 661 100

109 800

117 600

127 400

124 600

118 100

110 900

104 800

99 700

912 900

(1) Retraites, décès, démissions..., hors congé de fin d'activité.

Source : estimation de la direction générale de l'administration et de la fonction publique à partir des fichiers de paie des agents de l'État.

Les besoins en personnels qualifiés sont plus importants dans la fonction publique. Les recrutements en catégorie A ont représenté plus de la moitié des agents entrés en fonction en 2000. Sur la dernière décennie, l'amélioration générale du niveau d'étude a plus profité aux fonctions publiques qu'au secteur privé. En revanche, le nombre des candidatures aux concours de la fonction publique de l'État a baissé. En conséquence, le nombre de candidats présents pour un admis a fortement diminué : il est passé de 13 en 1997 à 9,5 en 2000.

Le premier écueil qui se présente lorsqu'on s'intéresse à l'attractivité de la fonction publique est l'absence d'études globales sur la question. L'Observatoire de l'emploi public, par l'organisation de colloques, notamment sur la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences, sur l'évolution du recrutement, sur le développement d'une approche par métier, a pu présenter quelques éléments d'appréciation. L'évolution de la sélectivité des concours a pu être abordée dans ses rapports de juin 2001 et octobre 2002.

Mais nombre de questions restent sans réponse. Quels sont les facteurs, tels que l'image de la fonction publique ou le rôle de l'État dans la vie publique, qui favorisent l'attractivité de la fonction publique ? Quel rôle joue la situation économique ? Quelles sont les différences objectives de carrière entre le secteur public et le secteur privé ?

Mal connu, le phénomène de l'attractivité de la fonction publique se compose néanmoins de plusieurs éléments dont l'interaction est mal connue, mais qui, séparément, peuvent faire l'objet d'une appréciation assez précise.

II. - LES COMPOSANTES DE L'ATTRACTIVITÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE

Devant faire face à des besoins croissants dans les années qui viennent et dans un contexte de concurrence accrue avec le secteur privé, la fonction publique doit de nouveau attirer les compétences. Or, les évolutions envisagées par le Gouvernement en matière de statut, de carrière et de rémunération ne peuvent que rendre ce défi plus difficile à surmonter.

Le comité interministériel pour la réforme de l'État du 15 novembre 2001 a arrêté deux séries d'orientations concernant les modes de recrutements : la diversification des modes et l'amélioration des procédures de recrutement.

Dans le respect du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics, la diversification des voies de recrutement vise un double objectif : l'élargissement des « viviers » de recrutement et leur diversification et origines socio-économiques des fonctionnaires.

Ainsi, les concours sur titres seront développés en complément des concours sur épreuves, ce qui permettra à l'administration de pouvoir recruter des agents aux compétences spécialisées. Les troisièmes concours, réservés aux candidats justifiant d'une expérience professionnelle dans le secteur privé ou associatif ou de l'exercice d'un mandat électif local, seront généralisés. Seront également expérimentés des pré-recrutements, qui permettent à des jeunes de s'orienter plus tôt dans leurs cursus scolaire ou universitaire vers la fonction publique et de bénéficier en contrepartie d'un accompagnement sous la forme d'une aide financière ou d'un tutorat. La loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique a prévu la mise en place de recrutement sans concours en échelle 2, qui correspond au grade de début de la catégorie C. L'objectif de ce nouveau mode de recrutement, expérimenté pour une période de cinq ans, est de réduire l'auxiliariat, mais également de diversifier l'origine sociale des recrutements.

Parallèlement, plusieurs dispositifs de simplification des recrutements ont été mis en place. Les concours de recrutement externes, jugés souvent trop académiques, ont été professionnalisés. La déconcentration des concours, en particulier des concours interministériels, a été poursuivie, tandis qu'une réflexion a été engagée pour définir des épreuves communes aux concours des trois fonctions publiques. Enfin, le recours aux listes complémentaires sera élargi pour améliorer le rendement des concours.

Enfin, une série de mesures a été prise pour faciliter la reconnaissance de l'expérience professionnelle et l'organisation de « secondes carrières ». La loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale s'applique de droit aux fonctionnaires comme à tout salarié. De plus, la loi du 3 janvier 2001 a prévu deux systèmes propres à la fonction publique. Le premier est celui des troisièmes concours. Le second est la possibilité pour l'administration de dispenser de diplôme les candidats aux concours externes justifiant d'une « expérience professionnelle conduisant à une qualification équivalente à celle sanctionnée par le diplôme requis ». Les modalités d'application de ce dispositif ont été définies pour les concours réservés aux agents non titulaires par un décret du 12 septembre 2001 (). Son extension aux concours externes est en cours. La question des « secondes carrières » pose celle de la mobilité (voir infra).

L'École nationale d'administration (ena) continue de focaliser l'attention, bien qu'elle ne soit pas la pourvoyeuse unique de hauts fonctionnaires. En effet, le nombre de fonctionnaires non issus de l'ena qui entrent dans les corps auxquels permet d'accéder l'ena est plus grand que celui des fonctionnaires issus de l'ena, et ce par le jeu du tour extérieur et des concours exceptionnels (dans le corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par exemple).

L'année 2003 a été marquée par la remise d'un rapport sur la réforme de l'ena, cible facilement identifiable de toute réforme de l'État. L'une des pistes privilégiées par les auteurs du rapport consisterait à ouvrir, en sus de l'entrée par le biais de l'ena alors réservée aux candidats de moins de vingt et un ans, un recrutement direct par les administrations pour les titulaires d'un diplôme sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat. Ce système privilégierait la segmentation des filières, irait à l'encontre du caractère interministériel de la formation mis en place en 1945 avec la création de l'ena et recréerait un système d'autorecrutement par chaque administration - avec le risque de reformation des « écuries » d'avant-guerre -, portant ainsi atteinte à l'égalité des candidats. Le poids de l'Institut d'études politiques de Paris, dont le cursus est désormais allongé à cinq ans, et l'unicité du recrutement s'en trouveraient accentués. Enfin, il n'est pas impossible de voir se généraliser les inégalités de carrière et l'existence d'un clivage au sein de chaque corps selon le type de recrutement, comme cela peut d'ores et déjà être constaté dans les corps qui font appel régulièrement à des recrutements exceptionnels directs.

La mobilité des hauts fonctionnaires, qui peut paraître à certains égards relativement faible, et le dialogue entre les différentes administrations et les différents corps, dont le manque est si souvent stigmatisé, ne s'en trouveraient pas renforcés. Le développement du concours interne et de la troisième voie semble un meilleur gage d'ouverture de la haute fonction publique.

La mobilité constitue un élément essentiel d'attractivité. Des avancées significatives ont été réalisées ces dernières années dans la fonction publique. Mais peu d'études permettent d'apprécier leurs résultats, qu'il s'agisse de la mobilité entre les trois fonctions publiques ou des passages entre secteur privé et secteur public ou encore de la mobilité entre les États de l'Union européenne ou entre les différentes régions, dont on sait combien elle était importante pour apprécier le processus de décentralisation. De plus, le fonctionnement de la bourse de l'emploi public n'a fait l'objet d'aucun bilan.

Quatre niveaux peuvent être déterminés : la mobilité au sein de la fonction publique de l'État, celle entre les trois fonctions publiques, celle des fonctionnaires au sein de l'Union européenne et celle qui peut intervenir entre secteur public et secteur privé.

- Au sein de la fonction publique de l'État

Dans le prolongement du protocole d'accord sur la résorption de l'emploi précaire dans les trois fonctions publiques et sur une meilleure gestion de l'emploi public, signé le 10 juillet 2000, et des comités interministériels pour la réforme de l'État du 12 octobre 2000 et du 15 novembre 2001, la nécessité de réformer le système de mobilité a été mise en avant.

Le décret n° 2002-684 du 30 avril 2002 est venu modifier le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'État et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions. Les modalités de réintégration propres à chaque position ont été revues, afin de rendre la mobilité moins pénalisante et moins risquée. En matière de détachement, le principe de la réintégration immédiate, au besoin en surnombre, assorti d'un délai de « prévenance » de trois mois, a été substitué à celui de la réintégration à première vacance dans le corps. Ainsi, dès lors que le délai de « prévenance » est respecté, la réintégration est prononcée immédiatement. Ce mécanisme de « prévenance » s'applique également à l'expiration des positions de hors cadre et de disponibilité. En outre, les conséquences négatives des détachements sur la promotion interne dans les corps d'accueil ont été supprimées.

Le décret du 30 avril 2002 a également procédé à la suppression de la disponibilité pour exercer une activité d'intérêt public dans une entreprise publique ou privée, laquelle avait perdu sa cohérence. Parallèlement, la durée de la disponibilité pour convenances personnelles a été étendue à dix ans.

La réorganisation et l'harmonisation des systèmes de primes et l'application d'un principe de transparence offrent la possibilité de lever l'un des principaux freins à la mobilité des agents entre les administrations.

- Entre les trois fonctions publiques

En vertu de l'article 14 de la loi de 1983, tel qu'il résulte de l'article 51 de la loi n° 93-1093 du 16 décembre 1993, « l'accès des fonctionnaires de l'État, des fonctionnaires territoriaux et des fonctionnaires hospitaliers aux deux autres fonctions publiques, ainsi que leur mobilité au sein de chacune de ces fonctions publiques, constituent des garanties fondamentales de leur carrière. À cet effet, l'accès des fonctionnaires de l'État, des fonctionnaires territoriaux et des fonctionnaires hospitaliers aux deux autres fonctions publiques s'effectue par voie de détachement suivi ou non d'intégration. » Les statuts particuliers peuvent prévoir cet accès par voie de concours interne et, le cas échéant, de tour extérieur.

Il paraît particulièrement important de renforcer les relations entre les trois fonctions publiques. Cette exigence apparaît d'autant plus impérative que l'approfondissement de la décentralisation, envisagé par le Gouvernement, va nécessiter le développement de nouvelles compétences de la part des fonctionnaires territoriaux et entraîner une plus grande diversité dans le traitement des demandes des citoyens. L'intensification des échanges entre les fonctions publiques permettra de sauvegarder une culture du service public commune et rendra plus fluides les relations entre l'État et les collectivités locales.

Aussi l'Observatoire de l'emploi public a d'ores et déjà renforcé ses liens avec le Centre national de la fonction publique territoriale et l'Observatoire national des emplois et des métiers de la fonction publique hospitalière. À ce titre, le rapporteur ne peut que se réjouir de la volonté affichée par le ministre chargé de la fonction publique, lors de la réunion du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le 16 octobre 2002, de mettre en place une Conférence des conseils supérieurs des trois fonctions publiques.

Mais rassembler les fonctions publiques par le haut ne suffira pas. Pour établir de véritables échanges entre les différentes fonctions publiques, il convient de multiplier les passerelles et de dégager une culture commune. L'une des voies de ce progrès passe nécessairement par la possibilité pour les cadres de la fonction publique territoriale d'accéder aux instituts régionaux d'administration, destinés aujourd'hui aux seuls cadres de l'État.

En outre, plusieurs corps de l'État ont été ouverts en 2002 et 2003 au détachement des trois fonctions publiques. C'est le cas du corps des personnels de direction d'établissement ou de formation, de l'emploi de secrétaire général d'administration sociale et universitaire et des corps des ingénieurs et agents spécialisés de police technique et scientifique de la police nationale. L'accès à certains corps et emplois a été élargi : inspecteurs d'académie, inspecteurs pédagogiques régionaux de l'éducation nationale, ingénieurs et personnels techniques et administratifs de recherche et de formation de l'éducation nationale, professeurs de sport et conseillers d'éducation populaire et de la jeunesse...

Enfin, il convient de noter que l'article 71 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites améliore les droits à pension des fonctionnaires détachés dans une autre fonction publique que celle à laquelle il appartient afin de favoriser précisément la mobilité entre les trois fonctions publiques.

- Au sein de l'Union européenne

S'agissant de la mobilité des fonctionnaires au sein de l'Union européenne, dans le cadre du principe de libre circulation des personnes, l'article 5 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit d'accueillir des fonctionnaires relevant de la fonction publique d'un autre État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'Espace économique européen dans un corps de la fonction publique de l'État, par la voie du détachement.

Le Conseil d'État, dans son dernier rapport public, a identifié les difficultés que la mise en _uvre de ce principe pose. Le premier type de difficultés découle de la méthode retenue pour l'accès à la fonction publique. Faut-il ouvrir tous les corps à tous les ressortissants communautaires ou bien réserver aux Français par des réglementations appropriées l'accès aux emplois liés à la puissance publique ? Le deuxième type de difficultés concerne l'impact potentiel de la libre circulation sur la promotion interne constituant un principe de notre système de fonction publique. Le troisième type de difficultés porte sur l'accès même à la fonction publique, en cours de carrière, de ressortissants européens ayant démontré dans leur pays leur aptitude à exercer les fonctions auxquelles ils souhaitent accéder en France, pour lesquelles l'exigence du concours, en tant du moins que moyen de vérifier cette aptitude, est contestée (). Le quatrième type de difficultés est relatif aux incidences de la distinction, imposée par le droit communautaire, entre emplois ouverts et emplois non ouverts à la libre circulation sur le principe d'unité de la fonction publique, qui sous-tend la construction statutaire française.

Le décret n° 2002-759 du 2 mai 2002 est venu préciser les conditions d'application de l'article 5 quater de la loi du 13 juillet 1983 et d'accueil, en détachement, dans les corps dont les attributions sont séparables de l'exercice de la souveraineté ou ne comportant aucune participation à l'exercice de prérogatives de puissance publique, des fonctionnaires relevant d'un autre État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'Espace économique européen. Il est ainsi prévu de prendre en compte l'expérience antérieure des fonctionnaires ainsi détachés au titre des services qu'ils ont accomplis antérieurement pour le compte d'une ou de plusieurs autres fonctions publiques en Europe. Une commission d'équivalence est chargée de vérifier l'adéquation entre les emplois précédemment occupés et le corps d'accueil. Les fonctionnaires accueillis en détachement seront affectés pour une durée maximale de cinq ans.

Il est servi au fonctionnaire détaché un niveau de rémunération correspondant à l'indice que détiendrait un fonctionnaire français ayant acquis la même ancienneté dans le corps dans lequel le fonctionnaire détaché sera classé. Il pourra également bénéficier du régime indemnitaire afférent à son emploi et des possibilités d'avancement d'échelon et de grade, à l'instar des autres membres du corps.

Le décret du 2 mai 2002 prévoit également le détachement des fonctionnaires de l'État dans une administration d'un autre État membre. Pendant le détachement, le fonctionnaire français est régi par les règles afférentes à l'emploi de détachement en vigueur dans l'administration d'accueil. Une convention passée entre celle-ci et l'administration d'origine définit la nature et le niveau des activités confiées au fonctionnaire, ses conditions d'emploi et de rémunération ainsi que les modalités de contrôle et de l'évaluation desdites activités.

Ces mesures ont été étendues aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale par le décret n° 2003-672 du 22 juillet 2003 relatif à l'accueil en détachement de fonctionnaires d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'Espace économique européen autre que la France dans la fonction publique territoriale et modifiant le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadre, de disponibilité, de congé parental et de congé de présence parentale des fonctionnaires territoriaux.

- Vers le secteur privé

Le départ de fonctionnaires vers le secteur privé, traditionnellement qualifié de « pantouflage », pose la question de l'attractivité comparative de la fonction publique et du secteur privé. Jusqu'à aujourd'hui, ce départ n'a été envisagé que sous l'angle de la déontologie. De manière paradoxale, faciliter ce passage permettrait, selon le Gouvernement, de donner de la fonction publique une image ouverte et offrirait à des jeunes fonctionnaires, qui ne souhaitent pas exercer le même métier toute leur vie, des perspectives autres de carrière. C'est pourquoi, par lettre du 5 mars 2003, le ministre chargé de la fonction publique a confié à M. Guy Berger, président de chambre à la Cour des comptes, une mission de réflexion sur l'évolution des dispositions législatives et réglementaires applicables aux fonctionnaires envisageant d'exercer une activité privée, de manière temporaire ou définitive.

Les fonctionnaires peuvent exercer des fonctions dans un secteur public en position de détachement, en position hors cadre ou en disponibilité pour convenances personnelles. Dans les conditions fixées par l'article 72 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, ils peuvent également exercer une activité dans le secteur privé après cessation définitive de leurs fonctions par le biais de la retraite ou de la démission. Il existe des dispositions similaires pour les deux autres fonctions publiques.

Au 31 décembre 1998, 6 744 fonctionnaires de l'État étaient détachés au titre des articles 14-4° et 14-5° du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'État et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions. Parmi ces détachements, qui représentaient alors 19 % du nombre total des fonctionnaires détachés, 1 270 intervenaient auprès d'une entreprise publique et 112 auprès d'une entreprise privée. En outre, à la même date, 394 fonctionnaires de l'État était placés en position hors cadre pour exercer des fonctions au sein d'une entreprise publique ou d'un établissement public industriel et commercial. Enfin, 1 068 fonctionnaires de l'État bénéficiaient d'une disponibilité pour convenances personnelles pour exercer une activité d'intérêt public ou pour reprendre une entreprise. Il n'existe aucune donnée sur les fonctionnaires ayant cessé définitivement leurs fonctions pour en exercer une dans le secteur privé.

L'encouragement à la mobilité en direction du secteur privé ne doit pas se substituer à une revalorisation des carrières dans la fonction publique. Par ailleurs, il conviendrait d'éviter que l'investissement que l'État réalise dans la formation de ses fonctionnaires ne soit utile qu'au secteur privé. Enfin, il faut s'assurer que le passage vers le secteur privé, dans les meilleures conditions possibles, ne constitue pas la seule motivation du fonctionnaire dans sa façon de servir l'intérêt général.

À ce jour, le ministère chargé de la fonction publique n'a pas reçu de bilan chiffré complet des retenues sur traitement réalisées pour les journées de grève des mois de mai et juin 2003. Il a toutefois publié au Journal officiel du 5 août 2003 une circulaire rappelant les modalités de mise en _uvre des mesures de retenue sur la rémunération des agents publics de l'État en cas de cessation concertée du travail. Cette circulaire invite également les départements ministériels à transmettre chaque année à la direction générale de l'administration et de la fonction publique un bilan des retenues réalisées.

Le droit de grève reconnu aux agents du secteur public trouve sa source dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 a confirmé ce principe en prévoyant que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Il appartient donc aux pouvoirs publics de concilier la défense des intérêts professionnels, susceptible de s'exprimer par la grève, avec la nécessaire sauvegarde de l'intérêt général. De fait, la loi du 31 juillet 1963, codifiée aux articles L. 521-2 à L. 521-6 du code du travail, a encadré la pratique de la grève dans le secteur public. Elle s'applique à l'ensemble des personnels de l'État, des régions, des départements et des communes comptant plus de 10 000 habitants ainsi qu'aux agents des entreprises, organismes et établissements publics ou privés chargés de la gestion d'un service public.

La cessation concertée du travail doit impérativement être précédée d'un préavis, qui doit parvenir à l'autorité concernée au moins cinq jours francs avant le début de la grève et en préciser le lieu, la date, l'heure de commencement ainsi que la durée. Cette période doit être consacrée à la négociation afin que soit recherchée dans la mesure du possible une résolution du conflit en amont du mouvement prévu. Par ailleurs, le législateur a interdit certaines modalités d'exercice de la grève. Les grèves tournantes sont ainsi prohibées. En tout état de cause, l'inobservation de ces différentes dispositions entraîne des sanctions, prévues par les réglementations applicables aux personnels concernés.

Indépendamment de cette réglementation générale du droit de grève dans le secteur public, plusieurs lois en ont retiré l'exercice à certains agents publics, en particulier les magistrats, les militaires ainsi que les personnels de police, du service des transmissions du ministère de l'intérieur et de l'administration pénitentiaire. En outre, certains agents peuvent être astreints par la loi à un service minimum. Il en est ainsi par exemple des personnels de la navigation aérienne. Ces limitations apportées par le législateur à l'exercice du droit de grève ont pour objectif de préserver le fonctionnement des éléments du service dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays, afin de concilier le droit de grève avec le principe constitutionnel de continuité des services publics tel que défini, par exemple, par les décisions du Conseil constitutionnel des 25 juillet 1979 et 28 juillet 1987. D'autres principes constitutionnels, comme la protection de la santé ou la sécurité des personnes, peuvent également justifier des restrictions de l'exercice du droit de grève.

Enfin, en l'absence de textes législatifs, les ministres ou les chefs de service disposent, en vertu de la jurisprudence du Conseil d'État Dehaene en date 7 juillet 1950, du pouvoir de réglementer l'exercice du droit de grève au sein de leurs services, en assurant notamment l'organisation d'un service minimum. Ainsi, les responsables des personnes morales chargées d'une mission de service public peuvent édicter des règles relatives à l'exercice du droit de grève au sein de ces structures. Toutefois, les limitations susceptibles d'être instaurées par le pouvoir réglementaire ne sauraient outrepasser celles rendues strictement nécessaires par la conservation des installations et du matériel, par la préservation de la sécurité physique des personnes ou par l'exigence du bon fonctionnement des services indispensables à l'action gouvernementale. Elles font l'objet d'un contrôle du juge qui se montre le plus souvent défavorable aux interdictions à caractère général et absolu.

Le service minimum constitue donc d'ores et déjà une réalité dans certains services ou établissements publics. Néanmoins, la proposition visant à en affirmer le principe par la loi est souvent avancée. Le Premier ministre a indiqué, dans son discours de politique générale du 3 juillet 2002, que l'idée même de service garanti recueille tout l'intérêt du Gouvernement. L'organisation par voie législative d'un service minimum soulève de très nombreuses interrogations, de nature tant juridique que sociale, dont il convient préalablement d'apprécier tous les aspects. L'extension de dispositifs de prévention et de régulation des conflits sociaux, négociés dans les entreprises publiques ou les administrations, pourrait constituer un autre vecteur, là encore à expertiser, pour promouvoir un service minimum adapté aux exigences de chaque situation concrète. La reconnaissance des nécessités du service ne doit pas se traduire par une suppression de fait du droit de grève dans la fonction publique. Le rapporteur attend une clarification de la position du Gouvernement sur cette question fondamentale.

La réforme des retraites, engagée sans négociation réelle avec les syndicats représentatifs des fonctions publiques ni sur la pénibilité des métiers, ni sur le déroulement des carrières, ni sur les inégalités d'espérance de vie, fait peser une partie du poids de la réforme sur les fonctionnaires, en exonérant les rentiers, les détenteurs de patrimoine et les entreprises.

La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a modifié le régime de retraite des agents des fonctions publiques de l'État, territoriale et hospitalière, ainsi que celui des ouvriers d'établissements industriels de l'État, à l'exclusion des régimes spéciaux des entreprises publiques. D'une part, cette loi rapproche les régimes de retraite des fonctionnaires de celui des salariés du régime général. D'autre part, elle prend en compte les impératifs issus du principe communautaire d'égalité de rémunération entre hommes et femmes.

Dans l'état de la législation, le droit à pension est acquis aux fonctionnaires ayant accompli quinze années de services civils et militaires effectifs et, sans condition de durée de services, aux fonctionnaires radiés des cadres pour invalidité résultant ou non de l'exercice des fonctions. La pension ne peut être attribuée qu'après radiation des cadres.

La loi du 21 août 2003 distingue les différentes situations de radiation des cadres : mise à la retraite, démission, licenciement, révocation... (article 42). Elle rappelle que la radiation est une condition nécessaire pour obtenir la liquidation, mais qu'elle n'ouvre pas droit à une liquidation immédiate de la pension (article 54).

En outre, elle précise la liste des périodes d'activité prises en compte pour la constitution des droits à pension et accélère la procédure de validation des services auxiliaires (articles 43 et 66).

Les services à temps plein intègrent les services accomplis par les fonctionnaires titulaires et stagiaires. La loi précise ainsi que peuvent être comprises d'éventuelles périodes de stages accomplies avant l'âge de dix-huit ans. S'y ajoutent les services militaires. Les périodes de services accomplies à temps partiel seront désormais comptées, dans la constitution des droits, pour la totalité de leur durée. En outre, sont pris en compte les services d'auxiliaires, de temporaire, d'aide ou de contractuel. L'état du droit autorise la validation de ces services sans délai. La loi impose que la demande intervienne dans un délai de deux années à compter de la titularisation. Cette mesure répond aux critiques de la Cour des comptes, qui, dans son rapport particulier sur les pensions des fonctionnaires civils de l'État d'avril 2003, relevait la lourdeur de la procédure et la longueur des délais de traitement.

La validation des périodes d'interruption d'activité est modifiée à la marge (article 44). Les périodes d'interruption ou de réduction d'activité pour élever ou soigner un enfant seront validées gratuitement. Si le principe selon lequel n'entre pas dans la constitution du droit à pension le temps passé dans une position statutaire ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs reste posé, il est atténué par de nouvelles dérogations : en effet, désormais, les périodes ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs pourront être validées pour une durée cumulée maximum de cinq ans à condition que les fonctionnaires concernés se soient acquittés sur cette période des retenues pour retraite.

―  Le calcul de la pension

La règle selon laquelle le salaire de référence pris en compte pour la détermination de l'assiette de calcul de la pension est égal aux six derniers mois de traitement du fonctionnaire est maintenue. Les avancements intervenus dans les trois années précédant la mise à la retraite donneront lieu à un rapport annuel adressé au ministre pour éviter les promotions intervenant dans les mois précédant le départ à la retraite dans le seul but d'augmenter le montant de la pension (article 68). Si le salaire de référence reste le même, la loi aménage le régime sous trois aspects.

En premier lieu, le principe d'une condition de durée d'assurance pour les tous les régimes pour bénéficier d'une pension à taux plein est désormais fixé (article 51).

En deuxième lieu, la loi aligne la durée d'assurance requise sur celle exigée des salariés du secteur privé, selon une version simpliste de l'équité. La durée nécessaire pour obtenir une pension complète au taux maximum de 75 % hors bonification est ainsi fixée à 160 trimestres, soit quarante annuités, à partir de 2008. Le passage des 150 trimestres exigés aujourd'hui à 160 trimestres se fera progressivement entre 2004 et 2008. À compter de 2009, la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une pension complète sera déterminée comme dans le régime général avec la majoration d'un trimestre par année pour atteindre quarante et une annuités en 2012 et quarante et une annuités trois quarts en 2020.

En troisième lieu, la loi donne aux fonctionnaires travaillant à temps partiel la possibilité de cotiser au-delà du montant normal de cotisation afin d'augmenter le nombre de trimestres pris en compte dans la durée d'assurance (article 47). Le nombre de trimestres supplémentaires ne pourra dépasser quatre trimestres. Cette capacité de « surcotiser » sera également ouverte aux fonctionnaires handicapés atteints d'une incapacité permanente au moins égale à 80 %.

Enfin, l'article 76 de la loi prévoit la mise en place, à compter du 1er janvier 2005, d'un régime public de retraite additionnel obligatoire, afin de permettre aux fonctionnaires l'acquisition de droits à retraite assis sur une « fraction maximale », déterminée par décret, des éléments de rémunération, tels que les primes ou les indemnités, qui ne sont pas pris en compte dans l'assiette de calcul des pensions. L'ouverture des droits à prestations sera subordonnée à la condition que les bénéficiaires aient atteint l'âge de soixante ans et aient été admis à la retraite.

―  Le montant de la pension

La loi institue une décote. Si la condition de durée d'assurance n'est pas remplie, la pension liquidée sera calculée en appliquant un coefficient d'anticipation (la « décote ») qui réduira la pension par trimestre manquant pour atteindre, soit la durée d'assurance nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum de liquidation (75 %), soit la limite d'âge applicable au corps auquel appartient le fonctionnaire concerné (entre cinquante-cinq ans et soixante-cinq ans). L'abattement sera limité à vingt trimestres, soit cinq annuités. Un système progressif, jusqu'en 2020, permet de faire entrer progressivement en vigueur ce système de décote (article 66).

Inversement, un coefficient de prolongation ou « surcote » sera créé (article 51). Ce mécanisme permettra d'augmenter le montant de la pension de 0,75 % par trimestre supplémentaire travaillé au-delà de l'âge de soixante ans et de la durée de services nécessaires pour obtenir le taux plein. Ce coefficient sera intégralement appliqué dès l'année 2004, dans la limite également de vingt trimestres.

La loi supprime le système actuel selon lequel les pensions des fonctionnaires se voient appliquer l'évolution de la valeur du point d'indice de la fonction publique, ainsi que les mesures de revalorisation de carrière accordées aux actifs et les réformes statutaires dont bénéficient ces mêmes actifs (article 51). Les pensions seront revalorisées chaque année par décret en fonction de l'évolution prévisionnelle de l'indice des prix à la consommation hors tabac.

Le minimum garanti de pension est revalorisé. Il sera porté à 993 euros au 1er janvier 2004 pour quarante années de services effectifs. Son mode d'évolution est fixé par ailleurs jusqu'en 2013. À cette date, le montant du minimum garanti après quinze années de services correspondra à 57,5 % du montant total auxquels s'ajouteront 2,5 % par année supplémentaire de services effectifs entre quinze et trente ans puis 0,5 % par année supplémentaire au-delà et jusqu'à quarante années.

―  La liquidation de la pension

L'article 53 de la loi précise les conditions dans lesquelles un fonctionnaire peut obtenir la liquidation de sa pension, qui peut intervenir dans cinq cas : la radiation d'office par limite d'âge, la mise à la retraite sur demande du fonctionnaire, la mise à la retraite pour invalidité, le départ anticipé sans condition d'âge des femmes fonctionnaires ayant eu trois enfants, le départ anticipé lorsque le fonctionnaire ou son conjoint est atteint d'une infirmité ou d'une maladie incurable.

Pour les fonctionnaires ne remplissant pas ces conditions, l'article 54 de la loi précise à quel moment peut intervenir la liquidation de la pension : pour les fonctionnaires, elle ne peut avoir lieu avant soixante ans ou cinquante-cinq ans, après quinze ans de services en « catégorie active » ; pour les officiers de carrière et sous contrat, la limite est fixée à cinquante ans et, pour les officiers radiés des cadres par mesure disciplinaire ne réunissant pas vingt-cinq ans, elle est fixée à la limite d'âge qui leur aurait été applicable et, en tout cas, pas avant cinquante ans. Durant la période comprise entre la radiation des cadres et la mise en paiement de la pension, le traitement ou solde est revalorisé comme les pensions de retraite.

―  Les bonifications

Le principe communautaire d'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes a amené le législateur à revoir le dispositif de bonifications pour enfant accordé aux femmes.

Ainsi, la bonification d'un an par enfant des années de services effectuées par les femmes fonctionnaires sera remplacée par une validation, pour les hommes comme pour les femmes, des périodes d'interruption ou de réduction d'activité effectivement consacrées à l'éducation d'un enfant ou aux soins donnés à un enfant malade (article 44). La période validée pourra atteindre une durée de trois ans par enfant. Une majoration de durée d'assurance de deux trimestres par enfant est prévue pour les femmes en compensation des désavantages de carrière qu'implique l'interruption de service liée à l'accouchement (article 49). Une majoration est créée pour les parents élevant à leur domicile un enfant gravement handicapé.

Le pourcentage maximal de liquidation de la pension ne pourra être augmenté de plus de cinq points au titre des bonifications, soit un maximum de 80 % du salaire de référence (article 48).

Des dispositions particulières ont été adoptées pour les enseignants qui souhaitent accéder à une deuxième carrière dans la fonction publique (article 77), pour les personnels en service actif de la fonction publique hospitalière (article 78) et pour les fonctionnaires exerçant un mandat parlementaire qui devront attendre d'avoir soixante ans pour obtenir la liquidation immédiate de leur pension, tandis que les fonctionnaires pourront tous racheter par le versement des cotisations nécessaires des années d'études accomplies dans l'enseignement supérieur.

Pour compenser l'augmentation de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein, le législateur a tenté de favoriser l'allongement de la durée d'activité. L'article 46 de la loi permet aux fonctionnaires de dépasser la limite d'âge les empêchant de poursuivre leur activité pour compléter leurs droits à pension.

Parallèlement le régime de cumul d'un emploi et de la retraite a été modifié (article 64) : le cumul de la pension avec une activité exercée dans le secteur privé sera autorisé sans restriction, tandis que le cumul de la pension avec une activité exercée pour le compte d'un employeur public sera possible dans certaines conditions.

Le régime de la cessation progressive d'activité (cpa) est réformé par l'article 73 de la loi. Ce nouveau régime s'appliquera aux agents qui entreront après le 1er janvier 2004 dans ce dispositif, qui permet de travailler selon différentes formules de temps partiel rémunérées plus que proportionnellement à la durée effectivement travaillée. Les agents dont la limite d'âge est fixée à soixante-cinq ans, âgés de cinquante-sept ans à partir de 2008 (cinquante-cinq ans dans le système actuel) et comptant trente-trois années de cotisation pourront être admis à bénéficier d'une cpa. Le dispositif sera ouvert aux agents non titulaires qui ont été recrutés par un contrat à durée indéterminée à temps complet. Le temps passé dans ce dispositif compte comme des périodes de service à temps complet pour la constitution du droit à pension, mais, pour la liquidation, ce temps est pris en compte au prorata de la durée des services effectués à temps partiel.

In fine, le niveau des pensions risque de baisser et une partie non négligeable des retraites de demain sera amputée. En effet, le passage de trente-sept annuités et demi à quarante et une annuités trois quarts modifie le pourcentage du calcul de l'annuité, le taux passant de 2 % à 1,875 %. Les salariés n'ayant pas les quarante annuités sont également pénalisés deux fois avec, d'une part, le calcul sur 1,875 % par annuité et, d'autre part, l'application d'une décote de 3 %, puis de 5 % par année manquante. Or, la durée validée aujourd'hui est bien en-deçà des trente-sept annuités et demi. Par exemple, un fonctionnaire de l'État cotise en moyenne trente-quatre annuités et les femmes trente-deux annuités. Dans la fonction publique territoriale, la moyenne de cotisation est de vingt-neuf annuités pour les hommes et de vingt-deux annuités pour les femmes. Pour les entreprises publiques, la moyenne est de trente-trois annuités en moyenne et de trente annuités pour les femmes. L'étude d'impact, jointe au projet de loi, faisait état d'une diminution du taux moyen de remplacement fondé uniquement sur le dernier traitement indiciaire de 68 % en 2003 à 54,1 % en 2013.

Ainsi, même si le prolongement de l'activité est encouragé, il est à craindre que la durée minimale ne soit guère atteinte en moyenne. Malgré l'effet « prime », et notamment l'abondement au titre de la caisse de retraite complémentaire créée par la loi, et sans doute gérée par la Caisse des dépôts et consignations, on peut craindre une baisse très importante du pouvoir d'achat pour l'ensemble des fonctionnaires, quelles que soient les fonctions publiques.

En outre, la notion de pénibilité n'est prise en compte que pour des catégories très limitées de fonctionnaires : les enseignants et certaines catégories du secteur hospitalier.

Trois questions se posent : celle de l'évolution globale des dépenses liées à la rémunération des agents publics ; celle de la progression du pouvoir d'achat ; celle du mode de rémunération.

Les dépenses induites par la fonction publique de l'État, qui regroupent les dépenses de rémunérations, les cotisations et les prestations sociales, les pensions, les subventions aux établissements privés, ont atteint, en 2002, 118,3 milliards d'euros, soit une progression de 3,9 % par rapport à 2001 (113,8 milliards d'euros). Cette croissance succède à une progression de 6,3% en 1999, de 4,1 % en 2000 et de 1,1 % en 2001. Sur quatre exercices, les dépenses ont donc augmenté de près de 10 %.

BUDGET GÉNÉRAL ET DÉPENSES INDUITES
(1992-2002)

(montants en milliards d'euros)

Agrégats

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Masse salariale

45,53

48,31

49,32

51,53

53,25

54,47

56,03

58,25

60,34

61,36

63,18

Pensions

16,80

17,83

18,75

19,48

20,26

22,01

22,96

26,57

28,58

29,42

30,98

Dépenses induites

84,51

85,86

88,44

92,14

95,01

98,85

101,77

108,18

112,66

113,85

119,25

Charges de l'État (1)

205,81

215,05

227,85

232,42

245,13

249,72

253,99

264,06

262,52

275,46

281,93

(1) Dépenses définitives nettes hors FMI et charge nette des opérations temporaires.

Entre 2003 et 2004, les seules rémunérations, charges de pension et charges sociales connaissent apparemment une diminution de 1,57 %. Le rapporteur souligne en particulier la baisse des rémunérations d'activité enregistrée tant au sein des ministères civils que du ministère de la défense, comme le montre le tableau ci-après. Cependant, l'essentiel de cette évolution tient à un changement de périmètre. En effet, certaines des dépenses comptabilisées sur les chapitres en 31 et 32 des différents ministères ont été transférées, dans le cadre de la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, sur les chapitres en 37 et 39, au sein desquels les crédits de personnel ne sont plus identifiables. Ainsi, comme le rapporteur aura l'occasion de l'analyser dans la deuxième partie du présent avis, la mise en _uvre de la loi organique se traduit par une perte de lisibilité et rend difficile toute comparaison d'un exercice sur l'autre.

LA PROGRESSION DES CHARGES DE PERSONNEL DE L'ÉTAT
(2003-2004)

(en millions d'euros)

Catégories

Crédits 2003

Services votés

Mesures nouvelles

Crédits 2004

Écart

Évolution
(en %)

Ministères civils

88 779,88

2 014,00

90 793,88

86 776,43

- 2 003,45

- 2,26

- Rémunérations d'activité

53 786,35

425,76

54 212,11

50 690,46

3 095,89

- 5,76

- Pensions et allocations

24 156,14

1 520,09

25 676,22

25 676,24

1 520,10

6,29

- Charges sociales

10 837,39

68,15

10 905,55

10 409,73

427,66

- 3,95

Défense

22 874,47

347,52

23 221,98

23 090,90

216,43

0,95

- Rémunérations d'activité

12 592,09

67,28

12 659,37

12 544,71

47,38

- 0,38

- Pensions et allocations

8 893,81

269,19

9 162,99

9 162,99

269,18

3,03

- Charges sociales

1 388,57

11,05

1 399,62

1 383,20

- 5,37

- 0,39

Total budget général

111 654,36

2 361,51

114 015,87

109 867,33

- 1 787,03

- 1,60

- Rémunérations d'activité

66 378,44

493,04

66 871,48

63 235,17

3 143,27

- 4,74

- Pensions et allocations

33 049,95

1 789,27

34 839,22

34 839,23

1 789,28

5,41

- Charges sociales

12 225,97

79,20

12 305,17

11 792,93

433,04

- 3,54

Budgets annexes

956,92

3,60

960,54

974,01

17,09

1,79

TOTAL

112 611,28

2 365,11

114 976,41

110 841,34

1 769,94

- 1,57

Source : d'après direction du budget.

Selon l'insee, entre 2000 et 2001, le salaire net moyen des agents de l'État a augmenté de 2 % en euros courants, cette évolution étant due pour 1,8 point aux revalorisations salariales et pour 0,2 point à l'évolution de la qualification moyenne des agents. 13,8 % du salaire brut étaient constitués de primes et de rémunérations annexes. En euros constants, le salaire net mensuel n'augmente que de 0,3 % pour s'établir à 1 983 euros par mois, après une croissance de 1,2 % entre 1998 et 1999 et de 0,3 % entre 1999 et 2000. À structure constante, c'est-à-dire en figeant la structure des effectifs par corps, grade et échelon au niveau atteint en 2000, la progression du salaire moyen n'atteint plus que 0,1 % en euros constants en 2001.

L'augmentation du pouvoir d'achat du salaire net de l'ensemble des fonctionnaires entre 2000 et 2001 a progressé de 2,2 % en euros courants, c'est-à-dire sans tenir compte d'un taux d'inflation de 1,7 %. En 1999, cette augmentation atteignait 3 % avec une inflation de seulement 0,5 %.

La moitié des agents titulaires gagnent moins de 1 879 euros par mois. Le pouvoir d'achat des cadres de la fonction publique a baissé de 0,8 %, après une réduction de 0,7 % en 2000. Cette perte, qui pose des problèmes en termes d'attractivité, s'explique, pour l'essentiel, par la faiblesse des salaires d'entrée dans la fonction publique qui tire la moyenne des salaires vers le bas. Elle s'accompagne d'une réduction des écarts de rémunérations. L'écart par rapport au salaire net moyen ne cesse de se réduire, puisqu'il est passé de 27 % en 1998 à 25 % en 1999, 24 % en 2000 et à 22 % en 2001.

Cette relative stagnation masque la tendance à l'accroissement des qualifications qui ne fait que se confirmer depuis quelques années. Cette tendance s'explique en partie par les différents plans de carrière mis en place depuis 1989. Plusieurs plans pluriannuels de revalorisations catégorielles ont permis d'améliorer la carrière d'un grand nombre d'agents.

Le protocole « Durafour » a concerné, sur longue période, les trois catégories. Ont suivi des mesures en faveur des agents percevant les salaires les moins élevés : prévues dans l'accord salarial de février 1998, dont l'application a pris fin en décembre 1999, elles ont notamment amélioré les échelles indiciaires de catégorie C. S'y ajoute la poursuite de l'application des mesures spécifiques aux personnels enseignants (plans « Jospin » et « Lang »), avec, en particulier, le passage des professeurs d'enseignement général des collèges dans le corps des professeurs certifiés, les promotions analogues au sein des professeurs des lycées professionnels et les transformations des emplois d'instituteurs en professeurs des écoles.

Le précédent Gouvernement, pour améliorer l'attractivité de la haute fonction publique, avait décidé, en février 1999, de lancer un plan de revalorisation de l'encadrement supérieur qui est aujourd'hui en voie d'achèvement. La hors échelle B a été attribuée aux administrateurs civils, qui ont vu leur corps restructuré en deux grades, ce qui permet une meilleure évolution des carrières. Une même démarche a concerné les conseillers des tribunaux administratifs et de cours administratives d'appel et les conseillers des chambres régionales des comptes ainsi que le corps de l'expansion économique à l'étranger et le corps des sous-préfets. Les inspections générales ministérielles ont été restructurées et revalorisées. Enfin s'est engagée l'attribution effective de la nouvelle bonification indiciaire aux emplois de direction des administrations centrales et des services déconcentrés.

Rien ne semble prendre le relais de ces avancées, alors même qu'un nouvel effort s'avérera nécessaire face aux départs massifs à la retraite qui toucheront, plus particulièrement, les cadres de catégorie A.

Tous les signes de la rigueur salariale ont été donnés, alors même que l'ouverture de négociations salariales est demandée depuis un an. Une décision sur cette question est annoncée pour le 15 novembre prochain. Le rapporteur regrette que cette donnée ne soit pas connue avant l'examen du budget devant notre Assemblée. Les dernières revalorisations du point d'indice ont été décidées par le précédent Gouvernement (0,7 % en mars et 0,6 % en décembre 2002, après une progression de 0,5 % et 0,7 % en mai et novembre 2001). Pour la construction du projet de loi de finances pour 2004, la valeur du point retenue correspond à la valeur du point fonction publique au 1er décembre 2002, date de la dernière revalorisation, soit 52,49 euros. Aucune provision n'a été inscrite, dans le budget des charges communes, au chapitre 31-94 - Mesures générales intéressant les agents du secteur public.

Avec une hypothèse de progression des prix de 1,7 % en 2003 (mais 2 % avec les prix du tabac), sans revalorisation de la valeur du point fonction publique, la rémunération moyenne des personnes en place (rmpp) () devrait progresser de 2,3 %. En 2004, avec une hypothèse d'inflation de 1,5 % (hors tabac, mais 1,8 % avec les prix du tabac), la progression de la rmpp sera limitée à 1 %, soit la progression la plus basse enregistrée depuis 1987. Cette progression est d'autant plus limitée qu'elle n'intègre pas la hausse des prix du tabac, particulièrement forte en 2003 et pour 2004, ni l'effet glissement vieillesse technicité négatif.

ÉVOLUTION DE LA RÉMUNÉRATION MOYENNE DES PERSONNES EN PLACE (rmpp)
(1992-2002)

(en %)

Agrégats

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Mesures générales

2,5

1,4

0,5

1,1

1,2

1,1

0,9

1,3

0,7

0

Mesures catégorielles (1)

0,9

0,8

0,6

0,9

0,6

0,8

0,7

0,7

1,2

0,5

gvt positif

2,0

2,0

2,0

2,0

2,0

2,0

2,0

2,0

2,0

2,0

rmpp brute

5,4

4,2

3,1

4,0

3,8

3,9

3,6

4,0

4,0

2,5

rmpp nette

3,7

2,3

2,0

3,4

3,3

2,3

2,0

2,2

2,3

1,0

(1) Indemnité de compensation de la cotisation sociale généralisée en 1998, accord « Zuccarelli » et points différenciés de 1998 à 2002, mesures sur les bas salaires « Sapin » en 2001 et 2002, plans « Jospin » et « Lang » de 1995 à 2002, mesures catégorielles ministérielles et plan « Durafour » de 1995 à 2002.

Source : d'après direction du budget.

Ces évolutions, appréciées en moyenne, sont d'autant plus inquiétantes qu'elles sont corroborées par une évolution défavorable depuis 2000 de la valeur du point fonction publique par rapport à la hausse des prix, comme le montre le graphique ci-dessous. Des efforts avaient été entrepris en 2000, 2001 et 2002. Dans ces conditions, il paraît difficilement acceptable de n'accorder aucune revalorisation du point fonction publique en 2003 et en 2004.

À la suite des observations faites à plusieurs reprises par la Cour des comptes, notamment dans ses deux rapports particuliers relatifs à la fonction publique de décembre 1999 et avril 2001, un effort important a été engagé pour améliorer la transparence des rémunérations publiques, en particulier de certains régimes indemnitaires. Cet effort a été poursuivi en 2003. Selon une étude publiée par l'insee, le 16 septembre dernier, l'évolution des rémunérations des agents publics est caractérisée par une progression de la part des primes dans la rémunération, marque de la prise en compte plus affirmée des primes. Elles ont progressé de 2,8 % entre 2000 et 2001 pour atteindre 13,8 % de la rémunération moyenne des fonctionnaires de l'État.

Au-delà des questions de régularité des primes se pose celle, plus générale, du caractère incitatif du système de rémunération public.

Le ministre chargé de la fonction publique a annoncé, le 13 septembre dernier, sa volonté de réformer le mode de rémunération des agents publics en vue d'une plus grande prise en compte de la performance individuelle. Cette réforme apparaît aujourd'hui suffisamment floue pour ne pas emporter l'adhésion. Il n'est pas certain qu'un tel système favorise le travail en équipe et n'écarte pas l'agent public de la recherche de l'intérêt général. La question des critères d'évaluation, de ce point de vue, est primordiale. L'arbitraire du chef du bureau doit-il remplacer le confort de la grille ? Le Conseil d'État, à ce propos, dans un avis du 7 juin 1990 (), recommandait de ne pas déconcentrer les actes impliquant une appréciation des mérites respectifs des agents d'un même corps lorsque l'effectif de ce corps au niveau local était inférieur à cinquante agents.

Par ailleurs, pour citer les propos récents du ministre de l'éducation nationale, « les professeurs ne sont pas meilleurs si on les paie 800 francs de plus par mois » (). Le Conseil d'État, dans son dernier rapport public, fait le point sur cette question : « Toute avancée en la matière suppose une condition de base qui n'est pas aisée à remplir : que la distinction en fonction du mérite intervienne sur des fondements objectifs, et puisse être perçue par les agents comme pleinement légitime et compris de façon non déraisonnablement différente dans les différentes circonscriptions où s'exerce le nouveau pouvoir » (). Avec raison, il insiste sur le fait que la rémunération ne fait pas tout et qu'il conviendrait, en tout état de cause, de prendre également en compte les conditions de travail, la possibilité d'enrichir ses compétences et les perspectives de carrière.

Par ailleurs, il existe déjà une série d'instruments qui peuvent être utilisés par les gestionnaires responsables pour récompenser une plus grande implication dans le travail des agents : existence de multiples primes, nouvelle bonification indiciaire, diversité des emplois susceptibles d'être occupés par des personnes de même grade, statuts d'emploi et de fonction, indices fonctionnels... Pour ne prendre que le cas de la nouvelle bonification indiciaire, l'effet de levier, tant en termes d'effectif concerné que de montant, est loin d'être négligeable et ce d'autant plus que cet outil incitatif a été complété par des mesures accompagnant la politique de la ville (18 millions d'euros) ainsi que par un plan de revalorisation de l'encadrement supérieur (11 millions d'euros). Près de 232 957 fonctionnaires en bénéficient pour un montant total de près de 175 millions d'euros.

Dans ce cadre, le dispositif de notation des fonctionnaires a d'ores et déjà été réformé, sa procédure modernisée et l'entretien d'évaluation rendu obligatoire.

En effet, dans le prolongement des conclusions rendues, en juillet 2001, par le comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, le décret n° 2002-682 du 29 avril 2002 a introduit le principe de mérite individuel dans le dispositif de notation. Pour éviter l'inflation traditionnelle des très bonnes notes, des arrêtés ministériels doivent intervenir avant le 1er janvier 2004 : ils dresseront la liste des responsables et définiront la procédure de notation adaptée à chaque ministère ; ils définiront les niveaux des notes, leur marge d'évolution, les critères d'appréciation des agents et les conditions d'harmonisation préalable des notes. Des réductions d'ancienneté bénéficient d'ores et déjà aux fonctionnaires appréciés comme les plus méritants. Les décrets dérogatoires existants, applicables à La P  aux agents de France Télécom, aux personnels enseignants, aux personnels actifs de la police nationale et aux fonctionnaires de l'administration pénitentiaire sont maintenus en vigueur.

Un Observatoire des salaires de la fonction publique devrait être mis en place sur le modèle de l'Observatoire de l'emploi public.


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© Assemblée nationale

() Les données pour 2003 et 2004 ne sont pas disponibles.

() Conseil d'État, Rapport public 2003 - Perspectives pour la fonction publique, Études et documents n° 54, 2003.

() Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

() insee, Insee-Première, n° 838, mars 2002.

() Commissariat général du Plan, Bernard Cieutat (dir.), Fonctions publiques : enjeux et stratégies pour le renouvellement, Paris, La documentation française, mars 2000 ; Serge Vallemont, Gestion des ressources humaines dans l'administration, rapport au ministre chargé de la fonction publique, Paris, La documentation française, 1999.

() Décret n° 2001-835 du 12 septembre 2001 portant organisation de concours et examens professionnels réservés d'accès à certains corps de fonctionnaires de l'État des catégories A, B et C en application de l'article 1er de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.

() Cour de justice des Communautés européennes, 9 septembre 2003, arrêt dans l'affaire préjudicielle C-285-01, Isabel Burbaud : un ressortissant communautaire souhaitant intégrer la fonction publique hospitalière française, ne peut se voir imposer un concours d'admission de l'École nationale de la santé publique s'il atteste d'une formation équivalente obtenue dans un autre État membre.

() Rémunération des personnels présents sur deux exercices consécutifs dans la fonction publique de l'État, la rmpp intègre l'évolution du point fonction publique, les mesures allouées à tous les agents, celles allouées à certaines catégories, ainsi que l'effet structurel des promotions et de l'avancement, c'est-à-dire l'effet glissement vieillesse technicité (gvt) positif.

() Conseil d'État, Rapport public 1990, Études et documents n° 41, page 223.

() Entretien sur Europe 1 du 14 septembre 2003.

() Conseil d'État, Rapport public 2003 - Perspectives pour la fonction publique,Études et documents n° 54, 2003, page 362.