N° 1865

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2004

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2005 (n° 1800),

TOME XV

ÉDUCATION NATIONALE, ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE

RECHERCHE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES

PAR M. CLAUDE GATIGNOL,

Député.

--

Voir le numéro : 1863 (annexe 30)

L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires, au plus tard huit jours francs à compter du dépôt du projet de loi de finances. Cette date était donc le 9 octobre. A cette date, environ 35 % des réponses étaient parvenues à votre Rapporteur

INTRODUCTION 5

I.- LE RESPECT DES ENGAGEMENTS GOUVERNEMENTAUX : UNE NETTE PROGRESSION DU BUDGET CIVIL DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE (BCRD) POUR 2005 9

A.- LE RENFORCEMENT DE L'EFFORT PUBLIC DE RECHERCHE 9

1. La hausse significative du BCRD 9

2. La mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur universitaire » et la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances 12

B.- LA REDYNAMISATION DU BUDGET DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE 16

C.- LA CONSOLIDATION DES EMPLOIS PUBLICS DE LA RECHERCHE 17

1. Les EPST 17

2. Les EPIC 20

D.- LA PLACE PARTICULIÈRE DE LA RECHERCHE DUALE, CIVILE ET DE DÉFENSE 21

II.- VERS UNE NOUVELLE ARTICULATION ENTRE RECHERCHE PUBLIQUE ET RECHERCHE PRIVÉE 23

A.- DES AMBITIONS, DES MOUVEMENTS, DES RÉFLEXIONS 23

B.- LES AIDES AU DÉVELOPPEMENT DE LA RECHERCHE EN ENTREPRISE 25

1. La réforme du crédit d'impôt recherche et des fonds communs de placement dans l'innovation 25

2. Les transferts de technologie en direction des PME 26

3. Pôles de compétitivité et contrats de plan Etat-région 30

C.- VERS DE NOUVEAUX OUTILS 31

1. L'agence nationale pour la recherche 31

2. Un haut conseil de la recherche ? 31

3. Un point de rencontre avec l'Europe 33

D.- DE NOUVEAUX ACTEURS POUR DE NOUVELLES PROBLÉMATIQUES 37

1. La place des jeunes chercheurs 37

2. Les fondations 42

EXAMEN EN COMMISSION 47

MESDAMES, MESSIEURS,

Le budget civil de recherche et de développement technologique (BCRD) pour 2005, élaboré dans un cadre de modération des dépenses publiques, traduit la volonté du Gouvernement de respecter les engagements pris, internationalement, avec l'objectif défini en 2002 à Barcelone de porter à 3 % du PIB les dépenses européennes de recherche d'ici 2010 et, nationalement, en réponse au mouvement des chercheurs de l'hiver 2003-2004, de défendre les activités de recherche, publiques et privées.

En effet, l'effort de l'Etat en faveur de la recherche publique est appréciable, puisque le BCRD croît de 4 % pour atteindre 9,285 milliards d'euros auxquels il convient d'ajouter la dotation de la nouvelle Agence nationale pour la recherche, portant ainsi le montant des subventions directes à 9,635 milliards d'euros, en progression de 6 % par rapport à 2004.

Il convient, parallèlement à ces données budgétaires, d'examiner les contours de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur universitaire », qui sera l'axe d'étude, en application de la loi organique relative aux lois de finances, des crédits publics affectés à la recherche. Elle devrait, en particulier, rendre plus lisible l'articulation entre la recherche, la formation supérieure et les moyens qui leur sont affectés reflétant ainsi, de façon plus exacte, le fonctionnement actuel des laboratoires dont les sources de financement comme les équipes sont d'origine multiple.

Au cœur de cet ensemble, le budget du ministère délégué à la recherche connaît la croissance la plus significative, 4,7 %, qui porte particulièrement sur les crédits de paiement et donc sur les capacités de fonctionnement des laboratoires, les crédits des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) progressant ainsi de 31,6 %. La même volonté de renforcer les moyens des laboratoires publics se manifeste dans la consolidation des emplois scientifiques, alors que la loi de finances pour 2005 propose une réduction significative des emplois publics. Après la recréation de 550 postes de chercheurs, ingénieurs et techniciens en 2004, intégrés dans le budget 2005, celui-ci se traduit également par une série de mesures améliorant les déroulements de carrières.

Enfin, cette étude budgétaire doit prendre en compte la recherche duale civile et de défense, dont la place reste sous-estimée.

L'ambition affichée de développer le socle public de la recherche ne s'oppose pas à la volonté de poursuivre l'action, engagée depuis deux ans, pour relancer l'effort privé de recherche et l'innovation. Les réflexions multiples qui ont accompagné les mouvements de chercheurs trouvent en effet une première traduction dans un budget qui, tout en garantissant les moyens d'action du secteur public, renforce les mécanismes incitatifs en direction du secteur privé, dans l'attente du projet de loi d'orientation et de programmation pour la recherche qui devrait être soumis au Parlement au premier semestre de 2005 afin de concrétiser les attentes communes de nos concitoyens et des chercheurs.

Le projet de loi de finances prévoit en effet de consacrer 235 millions d'euros supplémentaires au nouveau dispositif du crédit d'impôt recherche et de renforcer les dispositifs de transfert de technologies en direction des PME.

De même, la mise en place des pôles de compétitivité, s'appuyant sur l'expérience des pôles d'excellence, vise à associer, au sein d'une même région, des laboratoires publics et privés de recherche et des entreprises, adossés à un système de formation supérieur correspondant, et bénéficiant d'aides fiscales et sociales adaptées.

La création d'une Agence nationale pour la recherche, qui devrait pouvoir piloter les priorités de recherche, amplifiant l'action des fonds incitatifs, mérite d'être saluée. Elle conduit à s'interroger sur la pertinence des instances de conseil et d'évaluation de la recherche et sur l'éventuelle création d'un haut conseil de la recherche comme sur la place que pourrait y prendre l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Aux objectifs européens de croissance de la part des dépenses de recherche dans le PIB doit pouvoir répondre un budget européen ambitieux et harmonisé avec les dépenses nationales ; il convient également de réfléchir à la création d'une structure relais entre la recherche française et les organisations européennes.

Le développement de la science et de la culture scientifique suppose que les jeunes chercheurs retrouvent la place qui devrait être la leur dans une société éclairée. Ils font l'objet, dans le projet de loi de finances, de mesures visant à améliorer leur situation aux différents stades de leurs études, puis de leur parcours professionnel.

Onze fondations pour la science, qui s'appuient sur le nouveau Fonds des priorités de recherche et sont souvent le reflet de préoccupations importantes encore peu étudiées, devraient être reconnues cette année.

Enfin, et plus largement, rendre à la science et à la recherche la place qui leur revient, donner à l'ensemble de nos concitoyens les moyens de mieux apprécier les avantages et les risques de l'application de leurs résultats, demande aussi que les études portent librement sur les préoccupations les plus immédiates comme sur les sujets les plus controversés. A cet égard, les récentes déclarations du Président de la République sur les recherches en matière d'OGM, rappellent que le respect des précautions ne s'oppose pas à la nécessité d'aborder ce type de questions en étant éclairé par l'évaluation mais aussi par l'expérience.

L'ensemble de ces éléments conduit votre rapporteur, en conclusion, à vous demander de le suivre dans l'avis favorable qu'il donne à l'adoption des crédits de la recherche pour 2005.

I.- LE RESPECT DES ENGAGEMENTS GOUVERNEMENTAUX : UNE NETTE PROGRESSION DU BUDGET CIVIL DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE (BCRD) POUR 2005

A.- LE RENFORCEMENT DE L'EFFORT PUBLIC DE RECHERCHE

1. La hausse significative du BCRD

Le budget civil de recherche et de développement technologique (BCRD) atteint, dans le projet de loi de finances pour 2005, 9,285 milliards d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement (DO + CP). La progression, de 356 millions d'euros, soit 4 % du montant du budget pour 2004, est la plus forte en volume depuis dix ans. Les autorisations de programme (AP) qui connaissaient une baisse de 5,9 % en 2004 reprennent-elles aussi la voie de la croissance, leur montant étant porté à 3,787 milliards d'euros, en hausse de 3,7 %, traduisant ainsi une volonté de continuité dans le développement des financements des activités de recherche.

L'essentiel de cette dotation supplémentaire, 346 millions d'euros, est destinée directement aux personnels et aux laboratoires, augmentant d'autant le potentiel scientifique de la recherche publique. En outre, la création d'une Agence nationale pour la recherche, dotée d'un budget initial de 350 millions d'euros provenant du compte d'affectation spécial, contribuera, dans le prolongement des fonds ministériels d'incitation (Fonds national de la science, FNS et Fonds de la recherche technologique, FRT) dont elle prend le relais, à appuyer la recherche publique dans son action d'innovation, de transfert et de partenariat avec le secteur privé.

ÉVOLUTION DU BCRD DEPUIS 10 ANS

(en millions d'euros)

LFI

1996

1997

%

1998

%

1999

%

2000

%

DO

4 517,7

4 590,4

1,6

4 710,3

2,6

4 814,3

2,2

4 975,4

3,3

CP

3 567,4

3 384,4

-5,1

3 377,9

-0,2

3 408,0

0,9

3 354,8

-1,6

AP

3 455,5

3 330,1

-3,6

3 393,4

1,9

3 477,5

2,5

3 482,5

0,1

DO + CP

8 085,1

7 974,8

-1,4

8 088,2

1,4

8 222,3

1,7

8 330,2

1,3

LFI

2001

%

2002

%

2003

%

2004

%

2005

%

DO

5 052,9

1,6

5 195,3

2,82

5 501,3

5,89

5 568,0

1,21

5 311,2

-4,61

CP

3 481,8

3,8

3 524,8

1,23

3 343,7

-5,14

3 360,8

0,51

3 973,7

18,24

AP

3 726,0

7,0

3 835,5

2,94

3 880,9

1,18

3 653,2

-5,87

3 787,2

3,67

DO + CP

8 534,7

2,5

8 720,1

2,2

8 845,0

1,4

8 928,8

0,9

9 284,9

4,0

Source : ministère de la Recherche

(remarque : les progressions des années 2001, 2002 et 2003 doivent s'analyser en prenant en compte l'entrée dans le BCRD respectivement de l'Institut de protection et de sécurité nucléaire, du Groupe des écoles des télécommunications et de l'Institut français des pétroles)

La participation publique aux activités de recherche doit évidemment prendre en compte les mesures fiscales, détaillées ultérieurement, qui accompagnent les entreprises d'innovation et de valorisation des résultats. A cet égard, la montée en puissance du dispositif rénové du crédit d'impôt recherche, adopté dans la loi de finances pour 2004, s'accompagne d'une progression budgétaire de 235 millions d'euros.

Enfin, un budget doit s'analyser en prenant en compte les régulations intervenues lors des exercices précédents. Les gels et annulations de crédits décidés au printemps 2003 pour restaurer l'équilibre des finances publiques dans un contexte économique difficile, malgré une libération anticipée destinée à en limiter l'impact, avaient significativement pesé sur le fonctionnement des laboratoires, il convient donc de souligner l'absence de telles mesures en 2004, qui rend tout son impact à la loi de finances votée. La priorité accordée par le gouvernement à la recherche trouve là aussi sa traduction.

BCRD : SYNTHÈSE DES DOTATIONS DES MINISTÈRES

MINISTERES

En millions d'euros

DO

AP

CP

DO+AP

DO+CP

LFI 2004

PLF 2005

_ %

LFI 2004

PLF 2005

_ %

LFI 2004

PLF 2005

_ %

LFI 2004

PLF 2005

_ %

LFI 2004

PLF 2005

_ %

AFFAIRES ETRANGERES

149,401

149,401

0,0%

0,000

0,000

 

0,000

0,000

 

149,401

149,401

0,0%

149,401

149,401

0,0%

- Actions culturelles

5,114

5,114

0,0%

 

 

 

 

 

 

5,114

5,114

0,0%

5,114

5,114

0,0%

- Autres organisations internationales

144,287

144,287

0,0%

 

 

 

 

 

 

144,287

144,287

0,0%

144,287

144,287

0,0%

AGRICULTURE, PECHE

14,707

14,707

0,0%

10,242

10,342

1,0%

9,963

12,944

29,9%

24,949

25,049

0,4%

24,670

27,651

12,1%

CULTURE

71,035

71,622

0,8%

50,460

52,175

3,4%

48,709

50,424

3,5%

121,495

123,797

1,9%

119,744

122,046

1,9%

- Culture hors CSI

23,900

24,015

0,5%

10,790

10,675

-1,1%

10,539

10,424

-1,1%

34,690

34,690

0,0%

34,439

34,439

0,0%

- CSI

47,135

47,606

1,0%

39,670

41,500

4,6%

38,170

40,000

4,8%

86,805

89,106

2,7%

85,305

87,606

2,7%

RECHERCHE & NOUVELLES TECHNOLOGIES

4 174,519

3 908,697

-6,4%

2 334,345

2 449,334

4,9%

2 067,073

2 626,231

27,1%

6 508,864

6 358,031

-2,3%

6 241,591

6 534,928

4,7%

EDUCATION NATIONALE

145,523

151,983

4,4%

419,376

433,594

3,4%

365,852

415,380

13,5%

564,899

585,577

3,7%

511,375

567,363

10,9%

- Enseignement supérieur

132,880

139,248

4,8%

419,376

433,594

3,4%

365,852

415,380

13,5%

552,256

572,842

3,7%

498,732

554,628

11,2%

- Enseignement scolaire

12,643

12,735

0,7%

 

 

 

 

 

 

12,643

12,735

0,7%

12,643

12,735

0,7%

DEFENSE

 

 

 

200,000

200,000

0,0%

200,000

200,000

0,0%

200,000

200,000

0,0%

200,000

200,000

0,0%

DEVELOPPEMENT DURABLE

238,628

239,974

0,6%

11,345

11,345

0,0%

11,035

11,035

0,0%

249,973

251,319

0,5%

249,663

251,009

0,5%

- hors IRSN

3,194

3,194

0,0%

11,345

11,345

0,0%

11,035

11,035

0,0%

14,539

14,539

0,0%

14,229

14,229

0,0%

- IRSN

235,434

236,779

0,6%

 

 

 

 

 

 

235,434

236,779

0,6%

235,434

236,779

0,6%

EQUIPEMENT ET TRANSPORTS

22,267

22,267

0,0%

322,646

312,874

-3,0%

345,322

325,230

-5,8%

344,913

335,141

-2,8%

367,589

347,497

-5,5%

- Programmes aéronautiques civils

 

 

 

269,572

259,800

-3,6%

294,301

272,110

-7,5%

269,572

259,800

-3,6%

294,301

272,110

-7,5%

- Météo-France

14,820

14,820

0,0%

39,330

39,330

0,0%

39,330

39,330

0,0%

54,150

54,150

0,0%

54,150

54,150

0,0%

- Autres (urbanisme, mer)

7,447

7,447

0,0%

13,744

13,744

0,0%

11,691

13,790

18,0%

21,191

21,191

0,0%

19,138

21,237

11,0%

INDUSTRIE

708,247

712,980

0,7%

296,646

309,796

4,4%

305,746

325,555

6,5%

1 004,893

1 022,776

1,8%

1 013,993

1 038,535

2,4%

- Ecoles Mines

36,667

36,900

0,6%

3,828

3,828

0,0%

3,828

3,828

0,0%

40,495

40,728

0,6%

40,495

40,728

0,6%

- ANVAR

66,800

76,800

15,0%

82,600

91,300

10,5%

82,600

91,300

10,5%

149,400

168,100

12,5%

149,400

168,100

12,5%

- CEA

362,230

362,230

0,0%

57,168

57,168

0,0%

57,168

57,168

0,0%

419,398

419,398

0,0%

419,398

419,398

0,0%

- Autres (recherche industrielle)

242,550

237,050

-2,3%

153,050

157,500

2,9%

162,150

173,259

6,9%

395,600

394,550

-0,3%

404,700

410,309

1,4%

INTERIEUR

 

 

 

0,405

0,305

-24,7%

0,305

0,200

-34,4%

0,405

0,305

-24,7%

0,305

0,200

-34,4%

JUSTICE

1,035

1,035

0,0%

1,035

1,035

0,0%

1,035

1,035

0,0%

PLAN

8,650

5,204

-39,8%

0,908

0,649

-28,5%

0,783

0,649

-17,1%

9,558

5,853

-38,8%

9,433

5,853

-38,0%

LOGEMENT

21,553

21,553

0,0%

5,609

5,609

0,0%

5,036

5,036

0,0%

27,162

27,162

0,0%

26,589

26,589

0,0%

TRAVAIL

6,349

5,721

-9,9%

6,349

5,721

-9,9%

6,349

5,721

-9,9%

AFFAIRES SOCIALES

6,107

6,107

0,0%

1,215

1,215

0,0%

0,935

0,935

0,0%

7,322

7,322

0,0%

7,042

7,042

0,0%

TOTAL BCRD

5 568,022

5 311,251

-4,6%

3 653,197

3 787,238

3,7%

3 360,759

3 973,619

18,2%

9 221,219

9 098,489

-1,3%

8 928,781

9 284,870

4,0%

 

 

 

 

TOTAL BCRD hors section Recherche

1 393,503

1 402,555

0,6%

1 318,852

1 337,904

1,4%

1 293,686

1 347,388

4,2%

2 712,355

2 740,459

1,0%

2 687,189

2 749,943

2,3%

Source : ministère de la Recherche

2. La mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur universitaire » et la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances

La mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur universitaire » créée par le Gouvernement pour répondre au souci de présenter au Parlement, de la façon la plus complète possible, les moyens budgétaires que l'Etat consacre à la production, à la transmission et au transfert des connaissances dans les domaines, d'une part de la recherche scientifique et du développement technologique, et d'autre part de l'enseignement supérieur, est construite sur la base des deux ensembles que constituent aujourd'hui le budget coordonné de l'enseignement supérieur (BCES) et le budget civil de recherche et de développement technologique (BCRD), tout en ayant vocation à s'ouvrir, plus largement que le BCRD, à la recherche duale, civile et militaire, soutenue par le ministère de la défense.

S'agissant du volet « recherche », le périmètre de la mission réalise un compromis entre l'exigence d'exhaustivité, qui aurait conduit à inclure la totalité des dotations figurant au BCRD, et le principe de réalité, qui interdisait de construire des programmes à partir des enveloppes des ministères du BCRD faiblement dotées de crédits. Les dotations de très faible montant des ministères en charge de la santé, du travail, de la justice, de l'intérieur et du plan qui, ensemble, représentent moins de 0,3 % du BCRD ne font donc pas partie de la mission tout en ayant vocation à s'inscrire dans la procédure de coordination interministérielle qui sera mise en place pour la piloter. En revanche, les dotations plus importantes, notamment celles à fort contenu technologique des ministères en charge de l'environnement, de l'industrie, de l'équipement et, significativement, de la défense, qui justifient un effort intense de coordination interministérielle des politiques de recherche ont été prises en compte.

A l'inverse, s'agissant du volet « formations supérieures », le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche n'a pas visé l'exhaustivité et s'est volontairement limité, au moins dans un premier temps, au champ couvert par l'enseignement supérieur universitaire et l'enseignement supérieur agricole.

La cohérence de la mission repose sur le constat que la séparation de l'enseignement supérieur et de la recherche dans deux missions distinctes méconnaîtrait la très forte imbrication des politiques, des structures et des personnels des deux domaines. La recherche universitaire est produite au sein d'équipes unissant très fréquemment des enseignants-chercheurs et des chercheurs d'organismes de recherche. Cette situation résulte d'une action volontariste de l'Etat, menée au moyen de la politique contractuelle proposée aux universités, en association avec le CNRS et, depuis 1997, avec d'autres établissements. Aujourd'hui, sur 3 300 équipes de recherche universitaires rassemblant 42 000 enseignants-chercheurs et 14 000 chercheurs, on compte 1 000 unités mixtes avec le CNRS, sur les 1 250 unités de l'établissement, soit 80 % de celles-ci, 100 unités mixtes avec l'INSERM, 50 unités mixtes avec l'INRA, une quinzaine avec d'autres organismes comme le CEA ou l'IFREMER ou des établissements dépendant de ministères tels que le ministère chargé de l'agriculture.

Dans ce contexte, de nombreuses formules de coopération, comme les instituts fédératifs de recherche développées par l'INSERM, ou encore les appels d'offres lancés par plusieurs ministères partie prenante du BCRD pour l'exécution de programmes financés par des fonds incitatifs, permettent le rapprochement des équipes de recherche.

Enfin, le dispositif de formation à la recherche et par la recherche, qui conduit à la délivrance du doctorat, atteste aussi de la continuité qui existe entre les formations supérieures et la recherche au travers des 300 écoles doctorales chargées d'organiser la soutenance des thèses préparées et encadrées dans les laboratoires de 160 établissements d'enseignement supérieur et de 40 établissements de recherche.

Il apparaît donc nécessaire que dans un paysage dominé par la diversité des acteurs, des structures et des procédures, l'unité déjà accomplie soit poursuivie et approfondie. La mission « recherche et enseignement supérieur universitaire » devrait donc être à la fois le miroir et le vecteur de cette évolution.

Le BCRD est avant tout aujourd'hui un instrument de mesure qui se présente comme un agrégat des chapitres et des articles retraçant, dans les différentes sections du budget de l'Etat, les dépenses civiles de recherche des ministères. Mais il est un instrument d'orientation et de coordination très imparfait. Il constitue certes une prérogative, reconnue au ministre chargé de la recherche, de participer aux arbitrages ministériels sur l'ensemble des crédits ministériels participant au BCRD, mais cette prérogative est sans effet au moment du vote du projet de loi de finances, le rapporteur ne pouvant que regretter que la visibilité du budget du seul ministère de la recherche dépasse souvent celle de l'agrégat que représente le BCRD. Cette faculté d'orientation n'existe en réalité qu'au stade de la prévision. Elle est à peu près dépourvue de contenu pendant la phase d'exécution du budget dans la mesure où les crédits du BCRD, inscrits sur les sections budgétaires autres que la section recherche, une fois acquis le vote du Parlement, sont placés sous la pleine responsabilité de gestion de leurs ministres de rattachement respectifs. Dès lors, il faut admettre que le BCRD donne à celui qui en a la charge un pouvoir de pilotage interministériel de la politique de recherche très perfectible.

Le nouveau cadre juridique ouvert par la loi organique relative aux lois de finances offrait deux orientations possibles d'évolution du BCRD. La première était celle du statu quo, la seconde, qui a prévalu, devrait se traduire par un rôle accru du ministre chargé de la recherche.

Le BCRD pouvait en effet se survivre à lui-même, avec un minimum d'adaptations formelles en intégrant le schéma de budgétisation imposé par la loi organique et en se présentant, non plus comme un agrégat de chapitres et d'articles budgétaires, mais comme un agrégat de programmes pour les budgets ministériels où les crédits affectés au BCRD atteignent la masse critique indispensable et d'actions pour les budgets où cette masse critique n'est pas atteinte.

Cette formule risquait dans un premier temps de dégrader le pouvoir de pilotage du ministre de la recherche. En effet, la fongibilité des crédits au sein des programmes instaurée par la loi organique donne aux ministres une liberté accrue de gestion pouvant se traduire par des redéploiements, entre actions mais aussi entre titres, contrariant radicalement les choix retenus lors de la présentation initiale du BCRD en particulier dans les programmes hétérogènes dont l'action « recherche » n'aurait constitué qu'une composante. Plus encore qu'aujourd'hui, la construction du projet de loi de finances risquait de se révéler un exercice tout au plus indicatif, destinée à faire l'objet de profonds remaniements en cours d'exécution, malgré l'obligation faite aux ministres assurant la gestion de programmes d'en rendre compte au travers d'un rapport annuel de performance.

Il n'apparaissait donc pas clairement que la combinaison d'un surcroît de liberté dans la gestion immédiate des crédits par les ministres et de l'obligation nouvelle de transparence et de compte rendu à terme vis-à-vis du Parlement soit à l'avantage des crédits affectés à la recherche, dans un BCRD maintenu dans sa forme actuelle.

Sa transformation a donc été préférée. Elle consiste à mettre en œuvre le concept de mission interministérielle forgé par la loi organique, défini comme un regroupement de programmes relevant de plusieurs ministères et concourant à une politique publique définie.

Cette voie devrait permettre la superposition presque complète de l'unité de discussion, le BCRD, avec l'unité de vote des crédits, la mission. Elle permet, en outre, d'accéder aux nouveaux procédés de pilotage interministériel qui sont en cours de définition et qui, sur le plan de la conduite des politiques publiques, constitueront la conséquence nécessaire de cette nouvelle formalisation budgétaire. Elle offre ainsi l'avantage de mettre en accord la structure organisationnelle de la recherche avec la structure de son financement. Elle permet au ministre de la recherche de se doter des outils de pilotage de la politique qu'il a pour mandat de conduire et qui lui font aujourd'hui en grande partie défaut.

Les principaux programmes de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur universitaire » définissent :

- les formations supérieures et la recherche universitaire. Ce programme correspond, en 2005, à la section « enseignement supérieur » du budget de l'Etat. Dans la perspective de la construction de l'espace européen de l'éducation, il est découpé selon les trois niveaux du cursus : licence, master, doctorat (LMD) ;

- la vie étudiante. Ce programme regroupe les aides directes comme les bourses ou les prêts d'honneur, indirectes comme le logement, la restauration, le transport, les aides médicales et socio-éducatives, réservées aux étudiants et inscrites en 2005 sur la section « enseignement supérieur » du budget de l'Etat ;

- les recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires qui sont inscrites en 2005 sur la section « recherche et nouvelles technologies » et, s'agissant des contributions obligatoires de la France aux organismes de recherche internationaux, sur la section « affaires étrangères ». La segmentation en actions par champ disciplinaire ou grand domaine scientifique et en sous-actions par opérateur devrait permettre au Parlement de disposer d'une meilleure lisibilité des politiques conduites et de la structure de l'appareil de recherche ainsi que de réelles possibilités d'arbitrage. Elle permettra aussi de reconstituer aisément, à partir d'enveloppes fongibles, les budgets globaux alloués aux organismes de recherche rattachés au programme - le CNRS, l'INSERM, l'INRIA, l'INED et l'IPEV - dans le respect de leur autonomie de gestion ;

- la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources. Ce programme de recherche s'applique aux ressources naturelles et vivantes, aux espaces marins et continentaux afin de contribuer au développement durable dans les sociétés développées et les pays du Sud. Il retrace les moyens de l'INRA, du CEMAGREF, de l'IFREMER, du BRGM, de l'IRD et du CIRAD ;

- la recherche spatiale. Les crédits de ce programme sont dédiés au CNES, une part importante étant destinée à être reversée à l'Agence spatiale européenne (ESA) au titre de contribution de la France. Le programme est découpé selon des actions étroitement corrélées aux objectifs du plan stratégique du CNES ;

- l'orientation et le pilotage de la recherche. Le programme regroupe les moyens comme les fonds incitatifs, les allocations de recherche, les conventions CIFRE dont dispose le ministre en charge de la recherche pour orienter l'effort de recherche ainsi que les crédits et emplois de son administration centrale. Il a été choisi comme cadre d'expérimentation de la loi organique dès 2005 de la mission, parallèlement à la création de l'Agence nationale pour la recherche ;

- la recherche duale - civile et militaire. Le programme est calqué sur le chapitre 66-51 de la section défense, dédié au fonds pour la recherche duale ;

- la recherche culturelle et la culture scientifique. Le programme rassemble les moyens dédiés par le ministère de la culture à la recherche en matière de conservation du patrimoine, qu'il soit écrit, monumental ou muséographique et de la création artistique ainsi qu'à la culture scientifique et technique diffusée par la Cité des sciences et des techniques et le Palais de la découverte ;

- l'enseignement supérieur et la recherche agricoles. Le programme réunit les moyens de fonctionnement et d'investissement des établissements d'enseignement supérieur agricole et les crédits de recherche du ministère de l'agriculture inscrits au BCRD.

B.- LA REDYNAMISATION DU BUDGET DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution de la dotation budgétaire du ministère de la recherche depuis 1998 et fait apparaître la nette hausse tant en volume qu'en pourcentage, du budget proposé par le projet de loi de finances pour 2005.

ÉVOLUTION DU BUDGET DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE

(DO+CP)

(en millions d'euros)

Montants

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Montants bruts des PLF

6 039,00

6 099,00

6 077,00

6 157,00

6 208,00

6 131,00

6 242,00

6 535,00

Evolution en données brutes

1,0 %

-0,4 %

1,3 %

0,8 %

-1,2 %

1,8 %

4,7  %

Source : ministère de la Recherche

Cette progression caractérise aussi bien les dotations des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) que les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), comme le montrent les deux tableaux suivants.

DÉPENSES ORDINAIRES, CRÉDITS DE PAIEMENT ET AUTORISATIONS DE PROGRAMME DES EPST

(en millions d'euros)

EPST

graphique
DO

AP

CP

LFI 2003

LFI 2004

PLF 2005

LFI 2003

LFI 2004

PLF 2005

LFI 2003

LFI 2004

PLF 2005

CNRS

1 759,502

1 776,878

1 821,471

457,179

457,179

464,038

340,583

342,083

464,038

INSERM

*

329,369

334,125

342,998

125,011

125,011

132,200

108,148

108,149

132,200

INRA

468,702

474,027

485,246

96,913

96,913

103,817

75,093

75,092

103,817

IRD

136,842

136,704

137,150

31,315

31,315

31,803

28,033

27,034

31,803

CEMAGREF

35,902

36,764

37,896

6,610

6,610

6,699

5,902

5,902

6,699

INRIA

71,835

74,127

76,330

37,579

37,579

45,803

34,315

37,815

45,803

INRETS

29,254

29,571

30,069

7,333

7,333

7,744

6,763

5,763

7,744

LCPC

34,977

35,247

35,886

7,912

7,912

5,971

7,125

4,124

5,971

INED

10,387

10,531

10,818

4,102

4,102

4,429

4,038

4,038

4,429

TOTAL

2 876,770

2 907,973

2 977,863

773,954

773,954

802,504

610,000

610,000

802,504

Source : ministère de la Recherche

DÉPENSES ORDINAIRES, CRÉDITS DE PAIEMENT ET AUTORISATIONS DE PROGRAMME DES EPIC

(en millions d'euros)

EPIC

DO

AP

CP

LFI 2003

LFI 2004

PLF 2005

LFI 2003

LFI 2004

PLF 2005

LFI 2003

LFI 2004

PLF 2005

CEA (hors IRSN)

813,660

798,920

798,920

114,336

114,336

131,080

114,336

114,336

131,080

CNES

139,491

139,969

139,969

1 168,032

1 213,031

1 226,457

1 168,032

1 213,031

1 226,457

CIRAD

92,514

92,578

93,504

24,460

24,460

25,843

23,960

22,790

25,843

IFREMER

82,298

82,298

83,121

70,156

70,156

75,156

70,819

64,108

75,156

ANVAR

36,230

38,230

38,230

121,959

87,600

91,300

102,674

87,600

91,300

BRGM

38,158

38,158

38,539

14,992

14,992

15,479

14,992

13,966

15,479

ADEME

7,819

7,899

7,978

19,669

19,669

20,445

15,297

12,004

20,445

IPEV

11,250

11,700

11,817

6,496

6,496

7,106

5,858

5,617

7,106

TOTAL

1 221,420

1 209,752

1 212,078

1 540,100

1 550,740

1 592,866

1 515,968

1 533,452

1 592,866

Source : ministère de la Recherche

Il convient de souligner que la progression des moyens est particulièrement nette en matière de crédits de paiement, et permet ainsi de remettre à niveau les capacités de fonctionnement des laboratoires. Le CNRS voit en effet ses moyens d'intervention progresser de 36 %, l'INSERM de 22 %, l'INRA de 39 %, et l'ensemble des EPST de 31,6 %. Dans une moindre mesure, qui s'explique par l'importance plus grande de leurs ressources propres, la progression des crédits de paiement des EPIC est, elle aussi, significative, puisqu'elle est de près de 4 % pour l'ensemble de ces établissements et de 15 % pour le financement recherche du seul CEA.

C.- LA CONSOLIDATION DES EMPLOIS PUBLICS DE LA RECHERCHE

1. Les EPST

Indépendamment des réflexions sur les carrières et les statuts des personnels de la recherche en France et, là aussi, conformément aux engagements pris par le Gouvernement à l'issue du mouvement des chercheurs de l'hiver 2003-2004, le projet de loi de finances pour 2005 propose une consolidation des emplois publics consacrés aux activités de recherche, particulièrement sensible dans un contexte de diminution général de ceux-ci.

En effet, les emplois budgétaires inscrits aux budgets des neuf établissements publics à caractère scientifique et technologique s'établiront, en 2005, à 44 643, répartis entre 17 467 chercheurs et 27 176 ingénieurs, techniciens et administratifs.

La répartition entre hommes et femmes fait apparaître, en moyenne, un taux plus élevé d'hommes (55,5 %) que de femmes (44,5 %) dans les effectifs des EPST. Cependant, cette répartition varie suivant les organismes concernés. On observe à l'INRA, l'INRETS et l'INRIA l'écart le plus faible entre la proportion d'hommes et celle de femmes avec des taux assez proche de la moyenne de l'ensemble des EPST. L'écart se creuse en faveur de la population masculine au CNRS (58,3 %), à l'IRD (64 %).A l'inverse, la population féminine est plus importante à l'INSERM (61,9 %) et à l'INED (63,2 %).

Il convient de comparer à ces données concernant les personnels titulaires les effectifs d'agents contractuels des neuf EPST qui étaient, en 2003, au nombre de 2984 soit 1011 contrats à durée déterminée (CDD) sur emploi budgétaire et 1873 CDD sur convention de recherche. Ces effectifs étaient en augmentation de plus de 20 % par rapport à 2000 où il s'élevait à 2468 et sont, depuis 1997, en constante progression. Cette croissance d'emplois dérogatoires sans que soit présentée parallèlement une nouvelle définition des carrières scientifiques dans les EPST n'a pas été sans conséquence sur l'inquiétude des milieux de la recherche qui s'est exprimée l'hiver dernier.

En effet, la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ouvre aux EPST la possibilité de recruter des agents contractuels. Ces agents sont recrutés sur la base de contrats à durée déterminée, dans le cadre de l'article 4 ou de l'article 6, alinéa 2, de la loi du 11 janvier 1984. Des postes budgétaires vacants sont alors gelés pour servir de gage à leur rémunération, l'objectif étant de rendre plus simple la gestion de personnels spécifiques, 1011 équivalents temps plein ayant ainsi été recrutés en 2003 avec des contrats à durée déterminée sur des emplois de titulaires gagés à cet effet.

S'inscrivant dans des actions mieux définies, des recrutements de contractuels sur convention de recherche, dans le cadre strict de l'exécution de celles-ci, sont autorisés en fonction des crédits disponibles. Leur nombre s'élève en moyenne annuelle, sur 2003, à 1873 pour l'ensemble des EPST contre 2183 en 2002, 1929 fin 2001 et 1626 fin 2000. Le maintien de ce volant d'emploi est à mettre en relation avec la poursuite de l'activité contractuelle des organismes. La durée des contrats pour ces personnels est courte et stable avec une durée moyenne de 14 mois, identique à celle de 2002 laquelle enregistrait une tendance à la baisse, la durée observée en 2001 étant de 18 mois. Au demeurant, le recours à ce type de personnels est strictement limité à la durée d'exécution des conventions au titre desquelles ils sont recrutés.

Enfin, l'effectif des personnels vacataires dans les EPST, exprimé en équivalents temps plein, était en 2003, de 1244 pour 6310 contrats sur budget, et 364 pour 3640 contrats sur convention de recherche. En 2002 on dénombrait un effectif de 880 équivalents temps plein pour 7400 contrats sur budget, et 360 pour 3600 contrats sur convention de recherche.

Le projet de loi de finances pour 2005 intègre donc le rétablissement des 550 emplois budgétaires de chercheurs (200) et d'ingénieurs et techniciens (350) dans les EPST supprimés dans la loi de finances initiale pour 2004 et recréés en loi de finances rectificative pour 2004. Cette mesure, annoncée le 7 avril 2004 par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, visait à répondre aux inquiétudes exprimées par les communautés scientifique et étudiante. Ces recrutements devraient pouvoir s'inscrire, en 2005, dans le cadre d'un plan pluriannuel de l'emploi scientifique que la future loi d'orientation et de programmation pour la recherche ne manquera pas de définir.

Elle porte sur 190 emplois de chercheurs et 360 emplois d'ingénieurs et techniciens, les autorités de tutelle ayant autorisé l'Institut de recherche pour le développement (IRD) à procéder à une nouvelle répartition, 9 emplois budgétaires de chercheurs sont rétablis au lieu de 19, mais 22 d'ingénieurs et techniciens au lieu de 12.

La répartition, par établissement, des 550 emplois ainsi recréés en gestion 2004 s'établit de la façon suivante : 119 chercheurs au CNRS, 24 à l'INRA, 27 à l'INSERM, 9 à l'IRD, 1 à l'INED, 1 au CEMAGREF, 4 à l'INRETS, 5 au Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC) et 227 ingénieurs et techniciens au CNRS, 77 à l'INRA, 20 à l'INSERM, 22 à l'IRD, 1 à l'INED, 6 au CEMAGREF, 5 à l'INRETS, 2 au LCPC.

Par ailleurs, le schéma général de l'emploi scientifique et technique pour 2005 prévoit des mesures de transformations d'emplois de « type EPST » dans le cadre de la poursuite d'une politique d'adaptation et d'amélioration du pyramidage interne aux corps des directeurs et chargés de recherche de manière à garantir la fluidité des carrières (10 au CNRS, 10 à l'INRA, 8 à l'INSERM, 14 à l'INRIA, 1 à l'INED, 1 au LCPC). Chaque établissement bénéficie également de mesures catégorielles ou fonctionnelles portant, au total, sur 132 emplois des corps d'ingénieurs et de techniciens qui leur sont spécifiques.

Sont également inscrites dans le projet de loi de finances, des mesures adaptées de transformations d'emplois, concernant traditionnellement le CNRS (conversion de 35 emplois de techniciens de physique nucléaire en emplois des corps d'ingénieurs et de techniciens des EPST), le LCPC (transformation de 44 emplois au sein de corps relevant du ministère de l'équipement) et le CEMAGREF (renforcement du potentiel scientifique de l'organisme, 4 emplois de chercheurs se substituant à 4 emplois d'ingénieurs et techniciens).

Dans la continuité du budget 2004, la politique d'accueil sur crédits permettant le recrutement de contractuels à durée déterminée (CDD), ayant pour objectif de renforcer le potentiel de recherche et non de remplacer des emplois de titulaires, est renforcée par l'attribution de 200 capacités nouvelles de recrutement de « CDD d'accueil de haut niveau », au-delà des 235 déjà réalisées, sur subvention d'Etat.

Associé à l'emploi statutaire, ce type de recrutement sur des emplois à haute valeur ajoutée répond, dans ce cas, à un souci de gestion plus souple des personnels des EPST, notamment en matière d'adaptation de l'emploi scientifique à des besoins n'ayant pas un caractère pérenne, ou d'amélioration de la réactivité des laboratoires aux projets de recherche. Cette mesure s'inscrit également dans l'objectif de rendre la recherche française plus opérationnelle et plus compétitive.

Il convient de souligner que la même volonté de consolidation des effectifs des personnels travaillant à des activités de recherche apparaît dans les données statistiques des emplois publics présentées pour 2005 par l'ensemble des autres départements ministériels participant au BCRD, ceux-ci s'élevant à 5337, dont 1924 chercheurs contre 5340 en 2004.

2. Les EPIC

Les emplois rémunérés par les EPIC en 2004 étaient de 17 324 et de 2 833 par les fondations et instituts. Le projet de loi de finances ne devrait pas modifier sensiblement ces effectifs.

Cependant, le ministère de la recherche a lancé une réflexion qui vise à utiliser au mieux le renouvellement des effectifs auxquels les EPIC vont être confrontés dans les dix prochaines années. L'année 2004 a donc été marquée par la nécessité de poursuivre, en leur sein, le mouvement entrepris, afin de restaurer la rotation nécessaire au rajeunissement des personnels ainsi qu'à l'acquisition de compétences nouvelles. Compte tenu d'un certain vieillissement de la pyramide des âges des personnels et d'une situation marquée par une rotation réduite des effectifs, le recrutement de personnels jeunes paraît indispensable dès aujourd'hui afin de permettre la continuité de l'investissement technique en termes de transfert de compétences et de savoir faire.

Aussi, afin de faciliter la rotation des personnels, les EPIC viennent d'être autorisés à favoriser le départ en retraite des personnels entre 60 et 65 ans dès lors que ces derniers ont acquis leur quota d'annuités.

Il convient de remarquer que, dans un certain nombre de cas, les contraintes financières accompagnées d'une gestion rigoureuse ont conduit les EPIC à limiter le niveau de leurs recrutements à un taux inférieur à celui autorisé par les plafonds d'emplois fixés par leurs tutelles.

Ainsi, l'IFREMER a dû réduire ses effectifs qui s'avèrent désormais inférieurs au plafond autorisé (1385) de façon à contenir sa masse salariale, un redéploiement des moyens au profit du fonctionnement s'étant avéré nécessaire en 2004. L'effectif du Bureau de recherches géologiques et minières (de l'ordre de 830 équivalent temps plein à ce jour) est inférieur au plafond d'emploi fixé à 838 pour 2003 et 2004. Les effectifs du CNES, qui a mis en œuvre des mesures de réorganisation et de redéploiement, restent stables en 2004, le plafond d'emplois étant de 2 516. Tel est également le cas des effectifs de l'ADEME. L'effectif budgétaire du CEA, de 10 843 hors IRSN présente quant à lui une réduction de 0,3 % par rapport à l'effectif réalisé fin 2003. Enfin, les effectifs réels présents à l'ANVAR passent de 2003 à 2004 de 460 à 475 équivalents temps plein, cette augmentation étant liée à l'élargissement des missions et des compétences de l'agence.

Il semble souhaitable que la souplesse de gestion et de recrutement dont disposent les EPIC par rapport aux EPST ne soit pas pénalisée dans leurs capacités de recherche par la diminution de leurs moyens humains, alors même que la croissance de leurs capacités de financement est moindre.

D.- LA PLACE PARTICULIÈRE DE LA RECHERCHE DUALE, CIVILE ET DE DÉFENSE

A l'image de ce qui se pratique avec un réel succès aux Etats-Unis, il convient d'être attentif aux moyens de la recherche duale, qui permet en particulier à la recherche civile de bénéficier des acquis de la recherche menée en matière de défense.

Le montant des transferts en provenance du ministère de la défense s'est élevé à 190,56 millions d'euros pour 2002 et 2003, et à 200 millions d'euros pour 2004. Si, en 2002 et 2003, cette contribution était entièrement dédiée aux programmes spatiaux menés par le CNES, en 2004, la répartition, à la fois en autorisations de programmes et en crédits de paiement s'est établie de la façon suivante : 130 millions d'euros pour le CNES, 35 millions d'euros pour le CEA, 5 millions d'euros pour l'ANVAR, et 15 millions d'euros pour chacun des deux fonds incitatifs (Fonds de la recherche technologique et Fonds national de la science).

La plupart des activités soutenues par ces établissements et ces fonds incitatifs ont un fort potentiel de dualité. Il convient en effet de remarquer que s'agissant du CEA et du CNES, les transferts respectent les objectifs, eux-mêmes doubles, de recherche et de défense, poursuivis lors de la création de ces établissements. Le ministère de la défense est d'ailleurs présent dans leurs instances de direction et d'orientation.

Parmi les activités duales directement ou indirectement (par l'intermédiaire de l'Agence spatiale européenne) financées par le CNES figurent la filière Ariane et les services de lancement, les satellites d'observation (SPOT, Pléiades), les satellites de télécommunications (la plate-forme alphabus, le projet Agora d'internet haut débit par satellite), les satellites de météorologie (Meteosat deuxième génération, METOP), les satellites d'océanographie (Jason 1 et 2), les systèmes de navigation de positionnement et de datation (EGNOS, Galileo) et les filières de plateformes micro et mini-satellites.

La recherche duale du CEA porte sur les nouvelles sources d'énergie, les énergies embarquées, les assemblages et mises en œuvre de matériaux avancés, les capteurs de détection, les systèmes embarqués, les objets communicants, la radio-toxicologie et les bio-puces, le bioterrorisme et les imageries médicales.

Les projets duaux du Fonds de la recherche technologique (FRT) ont concerné les biotechnologies, les technologies pour la santé, les micro et nanotechnologies, le projet « techno-vision » sur l'imagerie, les piles à combustible, les matériaux, des applications spatiales, et ceux du Fonds national de la science (FNS) les sciences du vivant, l'environnement, la sécurité informatique, les nanosciences, les systèmes complexes, le traitement des masses de données.

Enfin l'ANVAR a traité un certain nombre de dossiers relatifs aux PME travaillant pour la défense nationale.

Dans le projet de loi de finances pour 2005, le montant des transferts en provenance du ministère de la défense s'élève à 200 millions d'euros répartis en 165 millions d'euros pour le CNES et 35 millions d'euros pour le CEA, à la fois en autorisations de programmes et en crédits de paiement.

II.- VERS UNE NOUVELLE ARTICULATION ENTRE RECHERCHE PUBLIQUE ET RECHERCHE PRIVÉE

A.- DES AMBITIONS, DES MOUVEMENTS, DES RÉFLEXIONS

L'utilité sociale de la recherche et de l'innovation reste, et il convient de s'en réjouir, peu contestée. Les investissements dans ce domaine ont des effets majeurs à moyen et surtout à long terme. Les retards pris y sont souvent irréversibles ; tel fut le cas, par exemple, des échecs européens en informatique des années 1970 ayant entraîné des sous-développements de ce secteur qui ne sont pas résorbés. Partant de cette constatation et de l'analyse qu'il était déjà possible de faire de la situation mondiale des financements et des développements de la recherche, se traduisant par un net recul européen au profit des Etats-Unis et de l'Asie, les sommets européens de Lisbonne en 2000, puis de Barcelone en 2002 ont fixé un objectif de 3 % du PIB consacré au financement de la recherche, 1 % relevant des administrations et 2 % des entreprises. Le tableau ci-dessous retrace l'évolution, en France, des parts respectives de ces financements.

FINANCEMENT ET EXÉCUTION DE LA RECHERCHE ET DU DÉVELOPPEMENT
EN FRANCE

 (en millions d'euros)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

 

 

révisé

 

 

révisé (2)

 

 

estimé

FINANCEMENT

 

 

 

 

 

 

 

 

D N R D

28 091

28 006

28 724

29 885

32 081

33570

34 759

34 577

Part de la DNRD dans le PIB [%]

2,32

2,24

2,2

2,21

2,26

2,28

2,28

2,22

Taux de croissance annuel en volume [%]

0,5

-1,7

1,6

3,5

-

2,8

1,3

-2,0

Financement par les administrations (1)

13 718

12 981

12 859

13 267

14 404

14 673

15 677

16 071

Variation en volume [%]

-0,9

-6,6

-1,9

2,6

-

0,1

4,5

1,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Financement par les entreprises

14 373

15 025

15 865

16 618

17 677

18 897

19 082

18 506

Variation en volume [%]

1,8

3,2

4,6

4,2

-

5,0

-1,3

-4,5

Source : ministère de la Recherche

(1) Administrations publiques et privées (Etat, enseignement supérieur et institutions sans but lucratif).

(2) Les chiffres 2000 ne sont pas directement comparables à ceux de 1999 compte tenu de changements méthodologiques intervenus dans le calcul de la dépense de R&D des administrations.

A méthode constante, la croissance de la DNRD est estimée à 4,2 % et celle de la DIRD à 3,8 % entre 1999 et 2000.

En 2002, la dépense nationale de recherche et développement (DNRD), représentant le financement par des entreprises ou des administrations françaises des travaux de recherche réalisés en France ou à l'étranger, s'élevait à 34,8 milliards d'euros, en augmentation de 3,5 % en valeur et 1,3 % en volume par rapport à 2001, la part relative de la DNRD dans le PIB restant stable par rapport à 2001 et s'établissant à 2,28 %. Il convient de remarquer que la progression du financement global des travaux de recherche et de développement est le fait des administrations, dont la contribution financière augmente de 4,5 % en volume alors que celle des entreprises recule (- 1,3 % en volume). En 2002, les entreprises contribuaient ainsi au financement national de la recherche à hauteur de 54,9 % et les administrations à 45,1 %.

Si entre 1992 et 1998, le volume des financements publics avait lentement diminué (de 2,3 % en taux de croissance annuel moyen) et, depuis 1995, la contribution des entreprises au financement national de la recherche dépassé celle des administrations, la reprise des financements publics à partir de 1999 a donc depuis, stabilisé la part des administrations dans la DNRD autour de 45 %.

Les prévisions faites par les administrations et les entreprises pour l'année 2003 s'inscrivaient en rupture par rapport à la hausse de la DNRD observée depuis 1999. La DNRD s'élèverait à 34,6 milliards d'euros, soit une baisse de 0,5 % en valeur et 2,0 % en volume par rapport à 2002. Ces évolutions seraient le fait des entreprises avec une chute de leur contribution financière de 4,5 % en volume. Compte tenu d'une prévision de progression du PIB de 0,5 % en volume, la part de la DNRD dans le PIB atteindrait 2,22 % en 2003 (contre 2,28 % en 2002).

Il s'agit là d'estimations provisoires faites, pour les entreprises, sur la base d'une enquête conjoncturelle menée au premier semestre 2004. Une enquête approfondie sur les dépenses 2003 est actuellement en cours et pourrait venir modifier ces premières estimations. Il était donc particulièrement nécessaire d'inciter les entreprises à redresser leurs activités de recherche, à la fois en mettant en place de nouveaux dispositifs incitatifs, en particulier fiscaux, ces mesures nouvelles ayant caractérisé la loi de finances pour 2004 et se prolongeant dans le projet de loi de finances pour 2005, tout en accentuant l'effort public de recherche auquel l'effort privé peut s'adosser, ce que traduit le BCRD pour 2005.

Présentant le rapport d'étape des états généraux de la recherche, qui se déroulent à Grenoble les 28 et 29 octobre 2004, les auteurs précisent que la crise de la recherche, dont l'évidence a été révélée à nos concitoyens en janvier 2004 par le développement du mouvement : « Sauvons la recherche » est ancienne, et s'accompagne de la certitude que l'avenir de la recherche implique un redressement rapide et vigoureux et une organisation adaptée à ses objectifs. Cette inquiétude s'était également exprimée dans le lancement par M. Francis Mer, comme président de l'Association nationale de la recherche technique, fin 2001, de l'opération FutuRIS, pour évoquer à la fois le futur, la recherche , l'innovation et la société, dont le rapport vient d'être publié. Ce constat du péril dans lequel se trouvait le système français de recherche était donc partagé.

L'exercice de présentation d'une loi de finances ne permet évidemment pas d'anticiper sur les résultats et les conclusions auxquelles devraient aboutir ces réflexions, et qui devraient trouver leur place dans la loi d'orientation et de programmation pour la recherche annoncée par le gouvernement. Cependant le budget de la recherche et du développement technologique pour 2005 s'inscrit dans le redressement attendu et propose d'ores et déjà des orientations qu'il convient d'apprécier.

B.- LES AIDES AU DÉVELOPPEMENT DE LA RECHERCHE EN ENTREPRISE

1. La réforme du crédit d'impôt recherche et des fonds communs de placement dans l'innovation

Avant d'aborder les développements de la réforme du crédit d'impôt recherche mise en place par la loi de finances pour 2004, il n'est pas inutile de présenter le dernier bilan de l'ancien dispositif.

En 2003, 5 907 entreprises avaient ainsi souscrit une déclaration de crédit d'impôt au titre de l'année 2002, contre 6253 en 2002 et 6344 en 2001. Parmi celles-ci, 2 760 ont déclaré un crédit positif pour un montant cumulé de 489 millions d'euros contre 2810 pour un montant de 519 millions en 2002 et 3060 pour 529 millions en 2001, confirmant l'impact déclinant de la mesure et la nécessité de la réformer.

L'examen de la ventilation des dépenses de recherche et développement déclarées montre que les frais de personnel constituaient, comme antérieurement, le principal poste de dépense, soit près de 40 % des dépenses brutes de recherche, avant déduction des subventions et 70 % de celles-ci si on leur ajoute les frais de fonctionnement.

En 2003, les travaux confiés à des organismes agréés représentent 18,91 % soit un léger tassement, et les dépenses liées aux brevets 1,77 % des dépenses totales.

Comme précédemment, les petites et moyennes entreprises, ayant un chiffre d'affaires inférieur à 40 millions d'euros ont été les principales bénéficiaires du crédit d'impôt, puisque le système reposait sur l'accroissement des dépenses de recherche et non leur volume.

L'article 87 de la loi de finances pour 2004 avait donc pour objectif d'améliorer le dispositif du crédit d'impôt recherche afin d'en renforcer l'impact. Ses dispositions s'appliquant au crédit d'impôt calculé au titre des dépenses exposées à compter du 1er janvier 2004, seront déclarées en 2005.

Rappelons que les aménagements apportés concernent la plupart des éléments constitutifs du régime du crédit d'impôt recherche. Cependant, l'innovation majeure consiste en la prise en compte de deux composantes pour le calcul du crédit d'impôt recherche, une part en volume, qui ouvre droit à un crédit d'impôt égal à 5 % des dépenses engagées et une part en accroissement, qui ouvre droit à un crédit d'impôt égal à 45 % au lieu des 50 % précédents.

En outre, l'option pour le dispositif devient annuelle, sous réserve du cas des sociétés de personnes pour lesquelles elle est quinquennale ; de nouvelles catégories de dépenses sont prises en compte afférentes aux frais de défense de brevets ou relatives à la veille technologique. Les dépenses de recherche confiées aux organismes de recherche publics, aux universités et aux centres techniques exerçant une mission d'intérêt général sont retenues pour le double de leur montant afin de clairement encourager la valorisation par la recherche privée des résultats de la recherche publique.

Enfin, le plafond du crédit d'impôt est relevé de 6,1 à 8 millions d'euros, le crédit d'impôt négatif est imputé sur le crédit issu de l'accroissement des dépenses des cinq années suivantes et non plus sans limitation de durée et les entreprises nouvelles peuvent bénéficier du remboursement immédiat de leur créance née du crédit d'impôt, sous certaines conditions. De même, les entreprises placées en redressement ou liquidation judiciaire peuvent demander le remboursement de leur créance non utilisée à la date du jugement qui a ouvert ces procédures.

Il convient de noter que la règle de la prescription quinquennale s'applique également aux crédits négatifs constatés avant 2004. Ainsi, les crédits négatifs constatés en 1998 ou au titre d'une année antérieure ne seront pas imputés sur les crédits constatés à compter de 2004 et sont donc annulés.

Le projet de loi de finances pour 2005 inscrit 235 millions d'euros supplémentaires pour accompagner le développement de ce dispositif, dont le succès est à la fois un précieux indicateur du redressement de l'investissement privé de recherche et de l'adaptation des aides publiques à leur objet.

Ce dispositif est complété par une série de mesures en faveur de l'innovation. Le bilan des créations d'entreprises montre que la voie suivie est encourageante, 9 000 des 200 000 entreprises créées annuellement l'étant dans les secteurs technologiquement innovants. Il a donc été décidé de créer un nouveau contrat d'assurance-vie davantage orienté vers l'innovation et d'élargir le spectre des entreprises financées par les fonds communs de placement dans l'innovation, en particulier en leur permettant de financer les sociétés innovantes par le biais de holdings. L'objectif poursuivi est d'accentuer l'effort en faveur des moyennes entreprises, de 250 à 2000 salariés, afin de les aider à acquérir la taille critique nécessaire à leur développement international.

2. Les transferts de technologie en direction des PME

Plusieurs dispositifs, mis en place par la direction de la technologie du ministère chargé de la recherche, ont pour objectif de favoriser l'introduction, dans les PME, d'innovations technologiques tant en matière de procédés que de produits industriels. Outre les réseaux de recherche et d'innovation technologiques. Il existe un ensemble de structures spécifiquement consacrées à l'appui technologique et aux transferts de technologies en faveur des PME, soutenues dans chaque région.

Les réseaux de recherche et d'innovation technologiques associent des laboratoires publics et des laboratoires privés et sont ouverts à l'ensemble des entreprises. Ils privilégient le soutien à de grands programmes très sélectifs. La création de ces réseaux a permis de mutualiser les moyens matériels, financiers et humains des différents partenaires et de garantir une meilleure diffusion des résultats des recherches dans l'ensemble de l'économie. Ils permettent aussi de mieux identifier dès l'origine les obstacles technologiques et les problèmes qui se posent aux entreprises et donc de mettre en œuvre, de façon plus adaptée, les recherches nécessaires afin d'apporter plus rapidement les solutions.

Les 16 réseaux actuels contribuent donc à améliorer le transfert de la recherche amont vers l'industrie, à accélérer l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, à structurer la politique de la recherche, à promouvoir la diversification énergétique et à renforcer certains secteurs économiques. Quatre réseaux ont été créés dans le domaine des technologies de l'information, des télécommunications et du multimédia, cinq dans le domaine des sciences de la vie et huit réseaux couvrent les domaines du transport, de l'énergie, de l'environnement et des matériaux.

En termes de financement, les réseaux bénéficient de financements incitatifs. Entre 1998 et 2003, le ministère chargé de la recherche a financé les seize réseaux pour un montant total de 371 millions d'euros par l'intermédiaire du Fonds de la recherche technologique (FRT) et a soutenu ainsi 904 projets labellisés. En 2003, le financement des réseaux par le FRT était de 71,8 millions d'euros pour 170 projets. D'autres financements, provenant en particulier d'autres départements ministériels, y participent. Il conviendrait sans doute qu'ils soient, en 2005, de la compétence de l'Agence nationale pour la recherche.

Les réseaux semblent assez unanimement appréciés par les scientifiques qui y participent, qu'ils relèvent des secteurs public ou privé. En outre, une évaluation conduite par l'OCDE en 2003 a montré le rôle positif qu'ils ont eu en matière d'orientation et de structuration de la recherche technologique.

La politique active de soutien à l'innovation et au développement technologique dans les PME-PMI, facteurs essentiels de la croissance économique et de la création d'emplois, menée par les pouvoirs publics et les collectivités territoriales depuis vingt ans s'est également traduite par la mise en place de structures d'appui technologique aux entreprises : les 200 centres régionaux d'innovation et de transfert de technologie (CRITT), qui font le lien entre la recherche publique et la demande des entreprises. Ce dispositif s'est enrichi, depuis la fin de l'année 2000, des plates-formes technologiques (PFT), en lien avec les établissements d'enseignement de tout niveau ainsi mieux à même d'associer formation et débouchés. De plus, les établissements publics d'enseignement supérieur et les organismes de recherche développent leurs services de valorisation et de transfert de technologie, dont les actions bénéficient en partie aux PME. Enfin les incubateurs d'entreprises issues de la recherche ou liées à la recherche publique jouent un rôle essentiel dans le transfert de technologie vers de nouvelles PME.

Parallèlement, les réseaux de développement technologique (RDT) créés en 1990, ont un champ plus large d'investigation et regroupent dans chaque région, en un réseau informel mais coordonné, les acteurs publics et parapublics impliqués dans le transfert de technologie ou le développement industriel, les directions régionales de la recherche ou de l'industrie, l'ANVAR, les conseils régionaux, les chambres consulaires, les CRITT, mais aussi les universités, les lycées techniques et les organismes de recherche.

Les RDT regroupent les 1 600 prospecteurs de terrain qui ont pour mission, à travers environ 25 000 visites chaque année, de prospecter les PME-PMI pour les sensibiliser à l'innovation, les aider à formaliser leurs problèmes technologiques, les orienter vers les structures compétentes et les accompagner dans la conduite de leurs projets. Il est à noter que 90 % des entreprises visitées ont moins de cinquante salariés et 55 % moins de 10.

Les RDT sont aujourd'hui présents dans les 22 régions de France métropolitaine. S'appuyant sur une association support, les RDT sont coordonnés au niveau national par le Réseau interrégional de diffusion technologique (RIDT), équipe légère située au sein de l'ANVAR qui en assure par ailleurs le financement.

Enfin, à la veille de l'élaboration de la loi d'orientation et de programmation pour la recherche, il convient de rappeler que la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche prévoyait, pour les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche, la possibilité de créer des services d'activités industrielles et commerciales (SAIC), véritables dispositifs professionnels de valorisation. Cependant, un certain nombre d'établissements ont opté pour une autre forme de gestion de la valorisation des résultats de la recherche et ont créé des filiales. C'est le cas, en particulier, de FIST pour le CNRS, de CEA Valorisation, d'INSERM Transfert, d'INRA Transfert et d'INRIA Transfert pour les autres organismes. La structure associative, enfin, est également utilisée par certains établissements.

Les différents types de structures de valorisation de la recherche et de transfert de technologie répondent à la diversité des situations, les établissements ayant, le plus souvent, choisi la solution qui correspondait le mieux à leurs besoins.

L'action de l'ensemble de ces structures de valorisation et de transfert de technologie est complétée par celle des incubateurs qui accueillent les projets de création d'entreprises liés à la recherche publique.

Afin d'encourager plus spécifiquement la création d'entreprises innovantes valorisant les travaux des laboratoires publics de recherche, le ministère chargé de la recherche soutient 31 incubateurs sélectionnés après l'appel à projets « Incubation et capital-amorçage des entreprises technologiques » lancé en 24 mars 1999 avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et le secrétariat d'Etat à l'industrie. Le financement de l'Etat au travers du FRT, et avec le concours du Fonds social européen, a été de 26,4 millions d'euros sur 4 ans pour la période initiale (2000-2003), avec un complément apporté pour l'essentiel par les collectivités territoriales.

Après évaluation en 2003 de l'ensemble des incubateurs, le ministère chargé de la recherche a décidé de poursuivre son soutien sur la période 2004-2006. 20 millions d'euros ont ainsi été engagés en 2004 pour cette action sur le FRT, également avec le concours du Fonds social européen.

Sur une durée d'activité moyenne de trois ans et demi environ au 31 décembre 2003, les 31 incubateurs ont accueilli au total 964 projets d'entreprise qui se répartissent en sciences de la vie et biotechnologies (35 %), en technologies de l'information et de la communication (30 %) et en sciences pour l'ingénieur (29 %). Les sciences sociales et humaines ou les activités de service représentent le reste.

Les projets accompagnés par les incubateurs ont abouti, fin 2003, à la création de 520 entreprises innovantes dont 70 % ont cessé d'être hébergées par les incubateurs, qui totalisent 2 030 emplois, soit près de 4 emplois en moyenne par société créée. Ainsi, les incubateurs ont contribué à la création en moyenne de 150 entreprises et de 600 emplois par an.

Le renforcement de la valorisation de la recherche et du transfert de technologie fait bien sûr l'objet de réflexions multiples. Elles portent principalement sur le cadre réglementaire de la valorisation et du transfert, son organisation et ses moyens.

Il conviendrait sans doute de préciser et de simplifier le statut fiscal des établissements d'enseignement supérieur et des organismes de recherche et de préciser, par la loi, le recours aux différents types de structures, associations, fondations ou filiales, actuellement mal défini, comme on l'a vu.

Il serait également souhaitable d'encourager la mutualisation des moyens engagés par les établissements d'un même site ou d'une même spécialité, pour mieux utiliser des services partagés, de généraliser et de renforcer le principe du mandataire unique pour les projets de transfert et de valorisation de la recherche.

Enfin, il serait bien sûr nécessaire de ne pas sous-estimer l'importance des moyens budgétaires nécessaires à l'accompagnement du développement de ces services comme de leur montée en puissance, afin de soutenir financièrement la maturation de projets de transfert de technologie entre les laboratoires et le marché, tout en incitant davantage, par des mesures spécifiques, des financiers, publics ou privés, français ou européens, à participer à ces développements à travers différentes formes d'investissements.

3. Pôles de compétitivité et contrats de plan Etat-région

L'article 12 du projet de loi de finances, en application des décisions du Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, permet la création de pôles de compétitivité centrés sur les activités de recherche et de développement. Ils sont définis comme le regroupement dans une zone géographique d'entreprises consacrant dans un ou plusieurs domaines industriels tout ou partie de leur activité à la recherche et au développement et d'organismes publics ou privés exerçant une activité identique ou complémentaire. Les entreprises ainsi réunies dans ce pôle bénéficieraient de mesures fiscales et sociales incitatives, sous forme d'exonérations d'impôts d'Etat ou locaux et d'allègements de la part patronale des cotisations sociales, l'ensemble les apparentant à des zones franches de la recherche et du développement. Il est évidemment trop tôt pour en apprécier l'impact ; toutefois, l'apparition, de fait, de pôles d'excellence, depuis plusieurs années, regroupant établissements d'enseignements supérieur, organismes publics ou privés de recherche et entreprises à haut potentiel de valorisation donne la direction que cette mesure nouvelle vise à renforcer et à développer.

Parallèlement à cette nouvelle initiative, il convient de présenter la place des régions dans les activités de recherche, afin de mieux cerner les futurs développements de ces pôles.

Les contrats de plan Etat-région 2000-2006 (CPER) ont été signés en 2000. Fin mai 2004, 930 projets avaient été soumis dont 681 expertisés favorablement, retenus pour recevoir un financement du ministère. Sur ces projets, 111 ont bénéficié d'un avis favorable sans qu'un financement soit demandé au ministère. Par ailleurs, 24 projets sont en cours d'expertise, 58 sont en attente de réception d'un complément de dossier demandé à l'issue de l'expertise et 50 ont dû être reformulés.

Le montant total des engagements de l'Etat au titre du volet recherche sur les sept années d'exécution prévues s'élève à 1,002 milliard d'euros.

Sur ces sept années, on peut estimer la contribution du ministère délégué à la recherche et des organismes de recherche, à travers le BCRD à 639 millions d'euros, celle destinée aux constructions universitaires à 333 millions d'euros et les contributions des autres départements ministériels à 30 millions d'euros.

A la fin du mois de mai 2004, la réalisation des engagements de l'Etat sur l'ensemble des régions s'élève à 391 millions d'euros correspondant à 86 % de l'engagement moyen estimé sur 5 ans, ou bien à 61 % de l'engagement total sur 7 ans contre 316 millions d'euros et un engagement de 50 % un an auparavant.

Les principales orientations du ministère en termes d'actions régionales restent définies par les principes de déconcentration, comme en témoigne la délégation régionale des actions d'incitation, d'information et de communication et du soutien à la recherche technologique ou encore des actions d'information et de culture scientifiques et techniques (chapitre 56.06) et de renforcement de pôles d'excellence présentant la double compétence d'une recherche en entreprise forte et d'une recherche publique développée, les deux entretenant des liens étroits, tant en matière de moyens mis en œuvre, de recherches menées que de résultats.

Les pôles d'excellence doivent aussi assurer une forte visibilité internationale et être attractifs. Ces deux aspects, étudiés dans le cadre des mesures proposées au CIADT du mois de septembre 2004, devraient donc pouvoir s'exprimer dans les pôles de compétitivité qui en sont issus.

C.- VERS DE NOUVEAUX OUTILS

1. L'agence nationale pour la recherche

Afin de répondre avec souplesse aux priorités de recherche telles qu'elles sont définies, en interaction entre le monde de la recherche, le monde politique et les citoyens, le gouvernement a pris l'initiative de créer une Agence nationale pour la recherche. Celle-ci devrait pouvoir fonctionner dès janvier 2005, sous la forme d'un Groupement d'intérêt public. Sa dotation initiale, de 350 millions d'euros, provient du compte d'affectation spéciale.

Relayant les actions incitatives qui relevaient jusque-là des fonds d'intervention, FNS et FRT, elle s'y substitue en assurant leurs engagements, les crédits de paiement correspondant aux actions engagées s'élevant à 183 millions d'euros en 2005, ses capacités de financement seront donc portées à plus de 500 millions d'euros.

L'action de ces fonds depuis leur création permet d'anticiper partiellement le mode d'intervention de l'Agence, en particulier comme cadre incitatif et fédérateur des recherches des établissements publics, et de considérer sa subvention comme devant bénéficier prioritairement à leurs programmes.

Enfin, la possibilité de doter en capital des fondations de recherche reconnues d'utilité publique devrait lui permettre de coordonner l'action du Fonds de priorité de recherche, créé cette année.

2. Un haut conseil de la recherche ?

Les problèmes et les questions auxquels sont confrontés les chercheurs, la recherche et l'innovation en France qui se sont traduits par les mouvements de l'hiver dernier pourraient laisser penser à une insuffisance des instances de conseil et d'évaluation. Or il n'en est rien. La recherche publique dispose en effet, à chaque niveau de son organisation, de dispositifs de conseil. Ceux-ci, selon les cas, ont reçu pour mission d'éclairer, d'analyser, d'aider à définir, de dresser des bilans. Ils remplissent donc une fonction de prospection ou d'évaluation, avec une approche scientifique ou stratégique et ce, avec une qualité de débats qui devrait garantir l'efficacité de leurs missions.

La difficulté ne réside donc pas dans l'absence d'instance de ce type, mais plutôt dans la complexité et la diversité de leurs interventions. Une présentation succincte devrait permettre d'en juger.

Au niveau national, on peut distinguer ces instances par l'objet de leurs investigations, mais aussi selon qu'elles sont ou non rattachées aux directions administratives centrales du ministère délégué à la recherche.

Ainsi, le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT), créé en 1982 comme une instance de concertation et de dialogue avec les acteurs et les partenaires de la recherche, consultée sur tous les grands choix de la politique scientifique du gouvernement, le Comité national d'évaluation de la recherche (CNER), institué en 1989 pour apprécier la mise en œuvre et les résultats de la politique nationale de recherche et de développement technologique définie par le gouvernement, le Conseil national de la science (CNS) créé en 1998 pour éclairer les choix du gouvernement en matière de politique de recherche et de technologie (et plus réuni depuis 2001), le Comité national d'évaluation (CNE) chargé d'évaluer la place de la recherche dans la politique de l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur, le Conseil national des universités, compétent en matière de recrutement et de suivi de la carrière des enseignants chercheurs ou encore la récente Académie des technologies, rendent compte de leurs missions respectives à des autorités différentes, et selon des statuts et des formes différents, mais ont en commun de ne pas exercer leurs missions sous l'autorité des directions administratives centrales du ministère.

Il n'en est pas de même d'autres instances consultatives directement rattachées à la direction de la recherche ou à la direction de la technologie. A la direction de la recherche, sont rattachés le comité de coordination des sciences du vivant, le comité de coordination des sciences de la planète et de l'environnement, le comité national de coordination des sciences humaines et sociales, le comité de concertation pour les données en sciences humaines et sociales. A la direction de la technologie, sont rattachés le comité de coordination des sciences et des technologies de l'information et de la communication et le comité de coordination des matériaux.

Le rapport de la Cour des comptes sur le ministère de la recherche et ses moyens d'actions s'interrogeait sur le nombre important de ces différents conseils dont les attributions ne paraissent pas toujours cohérentes entre elles. Il souhaitait qu'une démarche de clarification soit engagée par le ministère de la recherche afin de rendre le dispositif des conseils plus lisible et plus opérationnel.

Cette réflexion devrait intervenir dans le cadre de l'application de la loi organique relative aux lois de finances avec la mise en place des outils de pilotage de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » décrite précédemment.

Le nombre et le rôle des différents conseils ou comités existants aujourd'hui doit être redéfini en distinguant ceux qui sont un lieu de débat et de consultation au sein de la communauté scientifique de ceux qui, placés auprès du ministre, ont vocation à fixer des orientations, émettre des avis, produire des évaluations, voire prendre des décisions.

Autant les premiers peuvent connaître une certaine prolifération pour répondre aux besoins de réflexion et d'expertise qui accompagnent nécessairement l'activité scientifique, autant les attributions et la composition des seconds doivent être maîtrisées. La réorganisation de cet ensemble est un exercice délicat qui devrait faire l'objet d'une réflexion complémentaire.

Il conviendrait en effet d'éviter le dédoublement des structures de conseil entre celles placées auprès des directeurs de l'administration centrale et celles placées auprès du ministre, de renforcer la capacité de pilotage et d'arbitrage de ces instances en les plaçant au plus haut niveau de l'organisation et en veillant à leur composition, de maintenir un conseil à vocation consultative qui représente l'ensemble des acteurs et des usagers du système national de la recherche et du développement technologique et, enfin, de renforcer la complémentarité de mission entre les instances d'évaluation à compétence nationale.

Il appartiendra à loi de programmation et d'orientation de la recherche d'opérer cette clarification, mais il semble nécessaire,au rapporteur, à ce stade, de souligner que l'institution d'un haut conseil de la science, comprenant des représentants du Parlement, désigné par exemple au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, placé auprès du Premier ministre ou du Président de la République et cordonnant ces efforts, réels mais dispersés, pourrait être une première contribution à la nécessaire réorganisation du système de conseil et d'évaluation de la recherche.

3. Un point de rencontre avec l'Europe

Alors que le Président de la République, s'inscrivant dans les engagements pris à Barcelone de porter les dépenses de recherche à 3 % du PIB en 2010, vient de proposer de sortir les dépenses de recherche du pacte de stabilité pour permettre à l'Europe de rester compétitive en impulsant un financement public accru de la recherche, il n'est pas sans intérêt de présenter l'état des moyens que l'Union européenne lui consacre.

Sur la méthode, il convient de noter que la construction de l'Espace européen de la recherche suppose d'éviter l'écueil du critère du « juste retour » qui risque de bloquer l'Europe de 25 membres et qui semble peu compatible avec le développement, à l'échelle continentale, de pôles d'excellence hautement compétitifs, mais peut sans doute se développer autour de coopérations renforcées initiées par un petit nombre d'états partenaires sur une question précise. Certains programmes universitaires illustrent assez bien cette coopération variable, ainsi le réseau de recherche turbulence in space plasmas (la turbulence des plasmas spatiaux) financée par le Vème PCRD, qui regroupe des universités italiennes, norvégienne, anglaise, grecque et française.

Le VIème programme cadre de recherche et de développement (PCRD) européen doit contribuer à la réalisation de l'Espace européen de la recherche pour renforcer l'innovation en Europe, parallèlement à l'ensemble des efforts faits en ce sens aux plans national et régional. Les trois grands principes qui ont présidé à la définition du VIème PCRD pour 2002-2006 illustrent la rupture recherchée par rapport à ses prédécesseurs.

Il concentre les ressources sur un nombre restreint de thèmes prioritaires, afin de privilégier une concentration de moyens sur des points forts, stratégiques pour l'Europe. Il définit de nouveaux instruments d'intervention structurant les activités de recherche et de développement technologiques communautaires et nationales. Enfin, il vise à alléger la gestion et à simplifier les procédures pour faciliter l'accès aux soutiens financiers européens et favoriser l'impact des résultats.

Le volet « Communauté européenne » du programme se décompose en trois grandes parties.

Il vise d'abord à concentrer et à intégrer la recherche européenne sur sept domaines thématiques afin de rassembler une masse critique indispensable pour atteindre un réel impact. Ces domaines répondent à des enjeux économiques et de société définis lors des consultations conduites pour l'élaboration de l'Espace européen de la recherche.

Une huitième ligne budgétaire est également prévue pour anticiper sur les besoins de recherche de l'Union en appui au développement des politiques communes et pour les interventions urgentes qui pourront apparaître nécessaires pendant l'exécution du programme cadre, soit pour apporter des solutions à des problèmes socio-économiques inattendus, soit pour assurer une présence européenne de premier plan sur des sujets nouveaux.

Il vise ensuite à structurer l'Espace européen de la recherche en optimisant l'ensemble des ressources matérielles et d'infrastructures à l'échelle de l'Europe, en suscitant des ressources humaines plus abondantes et plus mobiles et en renforçant la dimension sociale de la science, et enfin à renforcer la coordination et la cohérence des politiques de recherche et d'innovation menées en Europe.

Le volet Euratom comprend également trois parties, les domaines thématiques prioritaires de recherche comme le traitement et le stockage des déchets et la fusion thermonucléaire contrôlée ; les activités dans le domaine de la sûreté et de la sécurité nucléaires ; les activités nucléaires du Centre commun de recherche, elles aussi concentrées sur la sûreté et la sécurité nucléaires et les mesures et les matériaux de référence.

Il convient de souligner que le programme « fusion » est arrivé, en 2004 à un tournant puisque l'Union européenne est associée, avec ses partenaires du programme international ITER, au lancement d'une nouvelle étape de la recherche avec la construction du nouveau réacteur expérimental.

LE BUDGET PRÉVISIONNEL DU VIÈME PCRD,
(DÉCISION ADOPTÉE PAR LE CONSEIL LE 3 JUIN 2002)

 

Types d'activités

en millions d'euros

%

1

CONCENTRER ET INTEGRER

LA RECHERCHE COMMUNAUTAIRE

13 345

76,3

 

Domaines thématiques prioritaires de recherche

11 285

64,5

 

 SCIENCES DU VIVANT, GENOMIQUE ET BIOTECHNOLOGIES POUR LA SANTE

2 255

12,9

 

. Génomique avancée et ses applications pour la santé

1 100

6,3

 

. Lutte contre les principales maladies

1 155

6,6

 

 TECHNOLOGIES POUR LA SOCIETE DE L'INFORMATION

3 625

20,7

 

 NANOTECHNOLOGIES ET NANOSCIENCES, MATERIAUX MULTI-FONCTIONNELS, NOUVEAUX PROCEDES ET DISPOSITIFS DE PRODUCTION

1 300

7,4

 

 AERONAUTIQUE ET ESPACE

1 075

6,1

 

 QUALITE ET SURETE ALIMENTAIRES

685

3,9

 

 DEVELOPPEMENT DURABLE, CHANGEMENT PLANETAIRE ET ECOSYSTEMES

2 120

12,1

 

. Systèmes énergétiques durables

810

4,6

 

. Transports de surface durables

610

3,5

 

. Changement planétaire et écosystèmes

700

4,0

 

 CITOYENS ET GOUVERNANCE DANS UNE SOCIETE DE LA CONNAISSANCE

225

1,3

 

Activités spécifiques couvrant un champ de recherche plus vaste

1 300

7,4

 

- Soutien aux politiques et émancipation des besoins scientifiques et technologiques

555

3,2

 

- Activités de recherche horizontales intéressant les PME

430

2,5

 

- Mesures spécifiques d'appui à la coopération internationale

315

1,8

Activités du Centre Commun de Recherche

760

4,3

2

STRUCTURER L'ESPACE EUROPEEN DE LA RECHERCHE

2605

14,9

 

 Recherche et innovation

290

1,7

 

 Ressources humaines et mobilité

1580

9,0

 

 Infrastructures de recherche

655

3,7

 

 Science / société

80

0,5

3

RENFORCER LES BASES DE L'ESPACE EUROPEEN

DE LA RECHERCHE

320

1,8

 

 Soutien à la coordination des activités

270

1,5

 

 Soutien au développement cohérent des politiques R&D

50

0,3

4

RECHERCHE ET FORMATION DANS LE DOMAINE

NUCLEAIRE (EURATOM)

1230

7,0

 

 Domaines thématiques prioritaires de recherche

890

5,0

 

Fusion thermonucléaire contrôlée

750

4,3

 

Gestion des déchets radioactifs

90

0,5

 

Radioprotection

50

0,3

 

 Autres activités dans le domaine des technologies et de la sûreté nucléaires

50

0,3

 

 Activités du Centre Commun de Recherche

290

1,7

 

TOTAL (UE-15)

17 500

100

Source : ministère de la Recherche

La commission a proposé une augmentation du montant total de 1 735 millions d'euros afin de faire face à l'élargissement de l'Union; le total devrait donc atteindre 19 235 millions d'euros. L'avant-projet de budget pour 2005 s'établit à 5 047 millions d'euros, soit une hausse de 232 millions d'euros par rapport à 2004 soit 4,8 %.

RÉPARTITION DES CRÉDITS 2004-2005 DU VIÈME PCRD
PAR THÈME

(en millions d'euros)

Domaine politique

Budget 2004

Avant-projet de budget 2005

Evolution (%)

Entreprise

73 800

75 598

+ 2,4

Énergie et transports

234 300

242 300

+ 3,1

Recherche

3 157 000

3 292 900

+ 4,3

Société de l'information

1 047 600

1 119 502

+ 6,8

Recherche directe

288 900

298 900

+ 3,4

Pêche

13 400

17 800

+ 32,8

Total

4 815 000

5 047 000

+ 4,8

Source : ministère de la Recherche

Un premier bilan des appels d'offres au VIème PCRD est disponible. Ses résultats sont évidemment provisoires.

Cependant, l'intérêt de la communauté scientifique pour le programme cadre est indéniable puisque 12 787 propositions ont été reçues au 30 avril 2004 en réponse aux appels à propositions 2003-2004, dont plus de la moitié pour les seules actions de mobilité dans le cadre des bourses Marie-Curie, faisant apparaître une demande de financement, au travers des propositions, très supérieure aux ressources financières disponibles.

Les résultats obtenus par les équipes françaises sont plutôt encourageants. Les données actuellement disponibles montrent que le taux de participation française dans les projets retenus est de 11,9 % en légère baisse par rapport au Vème PCRD où il était de 12,3 %. En revanche, 14,4 % des projets retenus seront coordonnés par des Français, contre seulement 12,4 % dans le précédent programme. Enfin 14,5 % des contributions financières de l'Union européenne devraient revenir aux équipes françaises. Ce taux, qui est sans doute la meilleure image de la répartition de l'activité entre les différents Etats, était inférieur à 14 % dans le précédent PCRD.

Le rapporteur estime que la mise en place à Bruxelles d'une structure légère mais efficace une « task force » qui établirait un lien entre les besoins exprimés par la recherche française et les financements européens du PCRD serait de nature à améliorer sensiblement ces résultats.

Le 21 juin 2004, le rapport du groupe de haut niveau dit « Marimon » sur l'évaluation des nouveaux instruments du VIème PCRD à mi-parcours a montré que les fortes attentes de la communauté scientifique et technologique n'avaient été que partiellement satisfaites. Des critiques sont exprimées sur le fonctionnement des procédures dans leur conception actuelle et sur le manque de clarté dans les objectifs respectifs des différents instruments, notamment pour les réseaux d'excellence. Les propositions du rapport devraient, pour certaines, pouvoir être prises en compte dès les derniers appels à propositions du programme cadre.

Si l'on se réfère au PIB 2004 de l'Union européenne à 25 membres, 10 145 milliards d'euros, selon la dernière prévision Eurostat disponible et qu'on lui compare la part réservée au programme cadre au sein de l'avant-projet de budget 2005, 5 milliards d'euros, il apparaît que cette part représente 0,05 % du PIB global 2004 ; la part nationale des dépenses de recherche reste donc extrêmement prépondérante pour atteindre les objectifs fixés en 2010. Il convient en outre de souligner que l'Espace européen de la recherche ne devrait pas s'envisager dans la seule perspective de son outil essentiel qu'est le PCRD, mais aussi prendre en compte l'initiative Eurêka, en matière de recherche technologique et d'innovation et des projets comme le European research council pour le financement de la recherche fondamentale ou l'Agence de recherche de défense.

D.- DE NOUVEAUX ACTEURS POUR DE NOUVELLES PROBLÉMATIQUES

1. La place des jeunes chercheurs

L'analyse de la situation des jeunes chercheurs doit prendre en compte la mise en œuvre du schéma licence master doctorat (LMD) qui a conduit à une inflexion de la politique menée au sein des écoles doctorales en matière de formation à /et par la recherche. La séparation de fait entre les masters et les écoles doctorales, prise pour favoriser la mobilité des étudiants, doit conduire maintenant les écoles doctorales à établir une procédure de recrutement des doctorants plus ouverte.

Le 19 septembre 2003, les ministres de l'enseignement supérieur des 37 pays prenant part à l'Espace européen de l'enseignement supérieur, lancé en 1998 lors de la conférence de la Sorbonne par la France, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni, se sont retrouvés à Berlin afin de dresser le bilan des progrès accomplis et de définir des priorités pour l'avenir.

L'Espace européen de l'enseignement supérieur rejoint ainsi l'Espace européen de la recherche comme le deuxième pilier de la société fondée sur la connaissance.

Les études doctorales devaient donc être intégrées, comme le 3ème cycle du processus d'harmonisation engagé. Les ministres ont souligné l'importance de la recherche, de la formation à la recherche et de la promotion de l'interdisciplinarité pour le maintien et l'amélioration de la qualité de l'enseignement supérieur. Ils ont appelé à une mobilité accrue aux niveaux doctoral et post-doctoral et ont encouragé les institutions concernées à accroître leur coopération dans les domaines des études doctorales et de la formation des jeunes chercheurs.

Trois enquêtes du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) permettent d'analyser l'évolution des débouchés professionnels des docteurs depuis le milieu des années 90. Si, globalement, les conditions de leur insertion professionnelle se sont améliorées, les différences entre disciplines se sont accrues, aussi bien à l'intérieur des sciences exactes que des sciences humaines et sociales.

Si l'on considère la situation des docteurs trois ans après leur soutenance, en 2001, date des dernières données complètes disponibles, les docteurs en chimie et sciences de la vie et de la terre connaissaient des taux de chômage sensiblement plus importants (10,2 %) des contrats à durée déterminée (CDD) plus importants également (26 %) et des salaires mensuels médians sensiblement moins élevés - 1 920 euros - que les autres diplômés de sciences exactes. Les diplômés en sciences de la vie étaient moins souvent au chômage, 6,7 %, que les chimistes mais avaient un salaire médian inférieur, 1 710 euros par mois. La situation la plus favorable était celle des docteurs en mécanique, en électricité, en sciences de l'ingénieur et en informatique avec un taux de chômage de 1,5 %, un salaire médian de 2 130 euros mensuels et des CDD pour 7 % d'entre eux. Celle des docteurs en mathématiques et en physique était également très satisfaisante avec un taux de chômage de 4,5 %, un salaire médian de 2 030 euros mensuels et des CDD pour 14 % d'entre eux.

En sciences humaines et sociales, les conditions d'emploi des docteurs en droit, en économie et en gestion se sont améliorées entre 1999 et 2001 pour tendre vers celles des docteurs en sciences exactes les plus avantagés. A l'inverse, l'insertion des docteurs en lettres et en sciences humaines s'est détériorée puisque leur taux de chômage a quadruplé entre 1999 et 2001 pour atteindre 20,3 %, leur salaire médian étant de 1 830 euros par mois et la part de contrats à durée déterminée de 29 %.

Le panorama de l'emploi des docteurs trois ans après leur sortie a également évolué : la fonction publique occupe de moins en moins de docteurs (les 2/3 en 1997 contre 53 % en 2001), mais les docteurs en sciences humaines et sociales s'y dirigent encore massivement (environ 70 % en 2001 contre 97 % en 1997), alors que les docteurs en sciences exactes s'y orientent moins fréquemment (47 % en 2001 contre 61 % en 1997).

A l'inverse, ces derniers s'orientent majoritairement vers le secteur privé sur des emplois nettement plus valorisés que ceux de leurs homologues en sciences humaines et sociales, aussi bien du point de vue salarial que statutaire.

La situation des docteurs ingénieurs est également intéressante à observer : si leur taux d'accès à la fonction publique s'est réduit de moitié entre 1997 et 2001 passant de 66 à 35 %, leur orientation vers les activités de recherche du secteur privé a, en revanche, plus que doublé durant cette période (40 % en 2001 contre 19 % en 1997).

Le taux de chômage des docteurs, un an après la soutenance, était relativement faible et en nette diminution en 2001, cette tendance étant plus marquée que pour tous les autres niveaux de sortie du système de formation.

D'une manière générale et en dépit de substantielles différences selon les disciplines, l'analyse des conditions d'entrée sur le marché du travail des jeunes docteurs montre donc une évolution favorable au cours des cinq dernières années. Il faut cependant préciser que cette amélioration a concerné, à des degrés divers, l'ensemble des sortants du système éducatif. Elle était très liée à l'embellie de l'emploi observée entre 1993 et 1997, d'une part, et 1999 et 2001, d'autre part. En outre, durant cette même période, le panorama de l'emploi des docteurs s'est transformé et le secteur privé s'est davantage ouvert aux jeunes chercheurs issus de l'université.

Les trajectoires des jeunes docteurs doivent cependant être distinguées selon les disciplines et les pratiques des milieux professionnels concernés. La formule des stages post-doctoraux après la thèse est répandue dans les sciences dites « dures », 39 % des docteurs en sciences de la terre et de l'univers, 33 % en biologie, médecine et santé, 26 % en chimie, effectuent un post-doctorat, contre seulement 3 % en sciences humaines et sociales. Mais il est à noter qu'une part importante des étudiants concernés était déjà salariée lors de son inscription en thèse.

L'amélioration de l'insertion professionnelle des docteurs est donc au cœur du dispositif des écoles doctorales chargées, à côté de la formation scientifique dans les équipes de recherche, d'aider les doctorants à préparer leur avenir professionnel, soit dans l'enseignement et la recherche publics, soit dans l'entreprise et les milieux socio-économiques où plus de la moitié des doctorants est destinée à trouver un emploi.

Il convient, en outre, de rappeler que la recréation de 550 postes statutaires dans les organismes de recherche conforte d'autant les capacités de recrutement de titulaires dans ces établissements et s'est accompagnée d'un nouveau développement des emplois de maîtres de conférence.

Enfin, depuis deux ans, un dispositif devant permettre l'accueil dans des laboratoires relevant des EPIC et des EPST, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de dix-huit mois, de 400 jeunes docteurs de nationalité française ou étrangère, sur la base d'un projet scientifique et d'un projet d'insertion professionnelle ultérieur a été établi.

Cette nouvelle mesure, souple, gérée directement par les établissements, sans contrainte de calendrier quant à la date de prise d'effet, doit permettre aux meilleurs jeunes docteurs de réaliser une mobilité à partir de leur laboratoire de formation initiale, d'acquérir une expérience complémentaire de recherche de haut niveau et ainsi de se préparer, dans de bonnes conditions, sans rupture après la fin de la thèse, à un recrutement ultérieur pérenne dans une entreprise ou un laboratoire de recherche français ou étranger.

Le dispositif vise également à accroître le potentiel scientifique de notre pays, à renforcer son attractivité vis-à-vis des jeunes docteurs étrangers, et à permettre, notamment, à des jeunes docteurs français partis un temps à l'étranger de revenir en France, pour se présenter à un concours de recrutement statutaire.

Pour répondre à ces objectifs, chaque établissement devait indiquer et diffuser ses priorités thématiques et les laboratoires qui en sont les supports, rechercher les candidats adéquats et définir avec eux un projet scientifique en fonction d'une perspective d'insertion professionnelle ultérieure et mettre en place un processus garantissant l'encadrement et le suivi des jeunes chercheurs pour la durée du contrat post-doctoral.

Les candidats devaient, quant à eux, être docteur au moment du recrutement, titulaire d'un doctorat français ou étranger de niveau équivalent, et ne pas avoir exercé antérieurement une activité de recherche au sein de l'unité d'accueil visée ou d'autres unités implantées sur le même site.

Le bilan montre que la totalité des possibilités a été utilisée puisque 400 recrutements étaient effectivement réalisés au 1er janvier 2004. Un quart des lauréats sont de nationalité étrangère. Le poids relativement important des lauréats français s'explique par le fait que ce dispositif avait précisément pour objectif de relancer l'accueil des candidats français en s'inspirant des dispositifs d'accueil post-doctoraux étrangers préexistants.

Sur un plan plus qualitatif, plusieurs enseignements peuvent être tirés du bilan de cette première série de recrutement. La procédure souple et déconcentrée de gestion a été appréciée par l'ensemble des établissements qui ont, par ailleurs, respecté globalement l'esprit des objectifs différenciés et les règles de mise en œuvre du dispositif, en l'adaptant à leurs spécificités.

Les post-doctorants ont été recrutés de façon privilégiée sur les priorités thématiques définies dans les contrats pluriannuels des établissements. Sur les 600 contrats en cours, 320 sont accueillis par le CNRS, 62 par l'INRA et 35 par le CEA.

En 2004, 22,5 millions d'euros sont consacrés au financement de ces contrats dont les 400 recrutés en 2003 financés sur une durée d'un an en 2004 et les 200 nouveaux entrants, financés sur une durée de six mois. Un comité de suivi se réunira à la fin de l'année 2004 pour examiner le bilan de la campagne annuelle et formuler des propositions pour les recrutements à venir.

Enfin, le ministère de la recherche poursuit ses engagements à l'égard des étudiants préparant leur thèse, puisque l'enveloppe consacrée aux allocations de recherche s'élève, dans le projet de loi de finances, à 252,5 millions d'euros, en augmentation de 11,57 millions d'euros permettant de recruter 4000 nouveaux allocataires à la rentrée 2005 et portant ainsi leur nombre total à près de 12 000. Le montant mensuel de l'allocation a été revalorisé le 1er mai 2004, ce qui en porte la hausse à 15 % depuis 2002. Parallèlement l'amélioration de la couverture sociale des étudiants bénéficiant de libéralités se poursuit, 2 millions d'euros lui étant consacrés.

L'ambition gouvernementale de valoriser l'accès des jeunes à la recherche en interaction avec l'entreprise se traduit par un renforcement des Conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) qui repose sur l'embauche d'un doctorant par une entreprise pendant la durée de sa thèse.

L'exercice 2003 a permis de notifier 860 nouvelles conventions contre 810 en 2002, 800 en 2001 et 720 en 2000. L'objectif fixé qui était de 860 conventions sur l'année a donc été atteint.

Le coût unitaire annuel, 14 635 euros, n'a pas varié depuis 1997 ; 32,76 millions d'euros ont été engagés par le ministère délégué à la Recherche en 2003.

Rappelons qu'il a été décidé, dans le cadre du plan gouvernemental en faveur de l'innovation, que ces conventions de formation seraient développées pour atteindre 1500 CIFRE par an en 2010. Pour réaliser cet objectif, le contingent de nouvelles conventions sur l'exercice 2004 a été fixé à 1160 pour un budget de 35,991 millions d'euros.

En 2005, une mesure nouvelle portant sur le financement de 40 conventions supplémentaires est inscrite au projet de loi de finances. Le nombre total de convention serait ainsi porté à 1 200.

Enfin, l'autre dispositif de formation et d'aide à l'innovation que sont les Conventions de recherche pour les techniciens supérieurs (CORTECHS) vise, rappelons-le, à favoriser l'embauche d'un jeune technicien titulaire d'un BTS ou d'un DUT par une PME, de préférence de moins de 250 salariés, sur un projet de développement technologique mené avec le soutien d'un centre de compétences. La convention est exclusivement réservée à des structures de droit privé et sa durée est d'un an.

Si, en 2001, 500 conventions ont été passées sur l'ensemble du territoire, dont 355 financées par le ministère chargé de la recherche, en 2002, environ 450 conventions ont été financées, dont 266 par l'Etat pour un montant de 3,34 millions d'euros. En 2003, compte tenu des contraintes budgétaires, le ministère chargé de la recherche n'a pu financer que 80 conventions pour un montant de 0,7 million d'euros. En 2004, le budget, prévu d'un montant de 4,8 millions d'euros, permet de financer 255 nouvelles conventions.

Cependant, la mise en place progressive de conventions passées entre les régions et l'ANVAR confiant à celle-ci l'instruction et la gestion de ces aides a eu pour effet de diversifier la source des financeurs. En 2002, l'ANVAR a ainsi instruit et géré 333 conventions, dont 47 pour le compte des conseils régionaux.

L'insertion de l'innovation à tous les échelons du processus de production est un élément clef du développement industriel dans un monde ouvert ; le rapporteur estime donc souhaitable que le financement des CORTECHS puisse suivre la courbe ascendante des CIFRE.

En effet, l'analyse des secteurs concernés par les CORTECHS montre qu'elles touchent des entreprises des secteurs traditionnels, situées dans des régions à faible potentiel technologique, et encore peu concernées par les aides publiques. Les PME de ces secteurs recrutent plus volontiers des techniciens supérieurs que des docteurs, encore peu représentés.

En outre, en termes d'embauches, ces conventions continuent à être une entrée efficace dans l'entreprise, la majorité des conventions s'effectuant dans le cadre de contrats à durée indéterminée et conduisant à une embauche définitive.

2. Les fondations

La France, se distinguant en cela de grands pays industrialisés comme le Royaume-Uni, les Etats-Unis ou le Japon, utilise trop peu les fondations comme outil de financement de la recherche.

Or le rapporteur estime que les fondations paraissent particulièrement adaptées, à plusieurs titres, pour prendre une place importante dans l'objectif de croissance de la dépense nationale de recherche que le Gouvernement s'est fixé. Les fondations permettent tout d'abord de mobiliser, dans des conditions fiscales avantageuses, des ressources privées provenant de personnes physiques ou d'entreprises. En outre, le but d'une fondation répond aux choix des fondateurs privés et suit les préoccupations sociales et économiques de nos concitoyens. Enfin, le mode de fonctionnement de la plupart des fondations de recherche permet de financer des équipes sur des projets précis, évalués avec rigueur, ce qui est un facteur positif pour la compétitivité de la recherche.

Ces constatations ont conduit le Gouvernement à prendre, dès 2003, une série de mesures visant à favoriser les dons aux fondations existantes et la création de nouvelles fondations de recherche.

En avril 2003, de nouveaux statuts-types pour les fondations d'utilité publique, qui en accélèrent et assouplissent les conditions de création ont été adoptés. Le régime fiscal des donateurs a été amélioré par la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Ses dispositions augmentent, notamment, le taux de réduction d'impôt à 60 % et relèvent les plafonds à 20 % du revenu imposable pour les particuliers et 0,5 % du chiffre d'affaires des entreprises. Une cellule opérationnelle d'appui à la création de nouvelles fondations a été mise en place au ministère de la recherche.

La création par la loi de finances pour 2004 du Fonds prioritaire de la recherche, doté de 150 millions d'euros provenant du compte d'affectation spéciale et dédié aux « dotations en capital aux fondations reconnues d'utilité publique du secteur de la recherche » complète bien sûr ce dispositif.

Les résultats sont appréciables puisqu'à la fin du mois d'août 2004, onze projets de nouvelles fondations d'utilité publique, qui bénéficieront de l'ensemble de ces mesures, ont été déposés au ministère de l'intérieur afin d'en lancer la procédure de reconnaissance.

L'année 2005 devrait donc voir se développer les projets suivants :

- la Fondation « habitat sans effet de serre » qui soutiendra les recherches d'intérêt général permettant de faire progresser les technologies du bâtiment, notamment dans les domaines de l'isolation, de la ventilation et de l'efficacité des systèmes de chauffage et de refroidissement, intégrant les énergies renouvelables. Les progrès doivent bénéficier aux bâtiments neufs mais aussi aux bâtiments existants en développant de nouvelles approches pour les réhabilitations. Ce projet de fondation associe quatre partenaires industriels : Lafarge, Arcelor, EDF et GDF pour un apport total, en capital, de 4 millions d'euros ;

- la Fondation « cœur et artères » qui sera créée dans le but de favoriser et de valoriser la recherche sur les maladies du cœur et des artères et leur prévention : l'obésité, le diabète, les risques vasculaires et cardio-vasculaires. Les fondateurs sont les sociétés Bonduelle, Mac Cain, Sanofi, Genfit, Unilever, Auchan et Crédit du Nord qui apportent collectivement un capital de 10 millions d'euros ;

- la Fondation « aéronautique et espace » qui encouragera les recherches concernant la sécurité et la sûreté des transports aériens ainsi que la réduction de leur impact sur l'environnement. Elle associera les industriels suivants : Airbus France, EADS France, EADS Astrium, EADS Space Transportation, Eurocopter France, Latecoere, Snecma et Thalès. Une dotation privée de 9 millions d'euros est prévue ;

- la Fondation « institut europlace de finance » qui soutiendra des recherches dans des domaines tels que les activités de marché, la gestion de portefeuille, l'analyse et la gestion du risque, l'analyse financière, la micro-économie et la macroéconomie. De nombreux partenaires, dont des banques, sont associés pour doter ce projet d'une dotation privée de 1,875 million d'euros ;

- la Fondation « santé et radio fréquences » qui a pour projet de renforcer les recherches conduites sur les effets des champs de radiofréquences sur la biologie et la santé. Les partenaires de ce projet sont les sociétés Orange France, Bouygues Télécom, Alcaltel, TDF, Ericson France, Motorola, SFR et Towercast qui apportent un capital de 2,4 millions d'euros ;

- la Fondation « recherche en alimentation » qui a pour but de soutenir des thèmes de recherche qui s'inscrivent dans deux dimensions spécifiques : la sécurité chimique et microbiologique et la qualité et la perception sensorielles des aliments. Le cercle fondateur de ce projet comprend les sociétés Fromageries Bel, Bongrain, Pernod SA et Ricard SA et l'interprofession Interfel (fruits et légumes). Leur apport total en capital est de 3,4 millions d'euros ;

- la Fondation « sécurité routière » qui appuiera des projets répondant a cette priorité nationale réaffirmée par le Président de la République, que ce soit par l'étude des comportements ou des technologies mises en œuvre dans les véhicules et les infrastructures. Un premier cercle de fondateurs constitué des principaux constructeurs de véhicules (Renault, PSA, Renault Trucks, IRISBUS), a porté ce projet qui a été élargi à d'autres industriels pour atteindre une dotation totale, d'origine privée, de 2,95 millions d'euros ;

- la Fondation Garches a pour objet de favoriser la recherche technologique, la diffusion des résultats et la formation au service du handicap. La dotation privée s'élèvera à 650 000 euros ;

- la Fondation européenne contre les leucodystrophies a pour objet des recherches sur les leucodystrophies (atteintes cérébrales sévères, génétiques ou acquises). Elle est créée par l'Association européenne contre les leucodystrophies (ELA) et sa dotation privée s'élèvera à 10 millions d'euros ;

- une fondation pour l'étude du cerveau est en voie de création par un couple de mécènes anciens chercheurs. La dotation privée s'élèvera à 685 000 euros ;

- la Fondation de recherche pour la gouvernance du changement global proposée par l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri, association loi 1901) et ses partenaires publics et privés, a pour objet d'engager des programmes de recherches et des études sur les questions internationales de l'environnement et du développement. Sa dotation privée s'élèvera à 1,21 million d'euros ;

Tous les projets déposés l'ont bien sûr été avec, comme condition suspensive, une dotation de l'Etat du même ordre de grandeur que la dotation privée. Cette dotation de l'Etat sera versée entièrement en 2004 alors que le versement de la dotation privée pourra s'échelonner sur plusieurs années. Rappelons, enfin, que tous les projets de fondation déposés ont pour objet de financer des recherches des laboratoires publics ou privés, et non de les effectuer, à la différence, par exemple, de l'Institut Pasteur.

Une dizaine d'autres projets sont en préparation, à des stades différents de maturation. Ils pourront donner lieu soit à des créations de fondations d'utilité publique, soit à des créations de fondations abritées au sein de fondations existantes, soit à des dons d'industriels à une fondation existante dédiés à un objet précis. Ils pourront dans les trois cas bénéficier d'un financement du compte d'affectation spéciale à la hauteur des apports privés.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du jeudi 14 octobre 2004, la Commission a entendu M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche, sur les crédits de son département pour 2005.

Après avoir remercié le Ministre de sa présence, rappelé que la Commission des affaires économiques était particulièrement sensible aux problématiques relevant de son champ d'intervention et regretté que la Commission n'ait pas, l'année dernière, auditionné son prédécesseur, Mme Claudie Haigneré, M. Yves Coussain, président, a souhaité que soient apportés des éléments d'information sur les projets du Gouvernement en matière de recherche et d'encouragement à l'innovation. Il a observé que l'important mouvement des chercheurs de l'hiver 2003-2004 avait conduit à un remarquable effort budgétaire puisqu'un milliard d'euros supplémentaires étaient consacrés à la recherche dans le projet de loi de finances pour 2005.

Il s'est ensuite interrogé sur l'articulation entre les Etats généraux de la recherche, animés par le Comité d'initiative et de proposition (CIP), dont les travaux devraient aboutir à la fin du mois, à Grenoble, et le projet de loi d'orientation et de programmation de la recherche annoncé par le Gouvernement, ainsi que sur le calendrier envisagé pour l'examen de ce projet de loi.

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche, a souhaité présenter brièvement le cadre dans lequel s'élaborait la loi d'orientation et de programmation de la recherche. Il a rappelé que les membres du comité d'initiative et de proposition (CIP) présidé par MM. Baulieu et Brézin présenteraient, mi-novembre, les conclusions des Etats généraux de la recherche qui s'achèveront à Grenoble à la fin du mois d'octobre. Il a remarqué que le mouvement des chercheurs de l'hiver dernier avait conduit à engager une réflexion profonde sur l'adaptation du système national de la formation et de la recherche aux réalités nouvelles, dans un cadre européen et mondial lui-même en pleine mutation, l'attractivité traditionnelle des Etats-Unis, mais aussi celle, nouvelle, de l'Asie pour les jeunes chercheurs, parallèlement au développement des activités de recherche au Japon et en Chine, mais aussi en Corée, à Taiwan et à Singapour, impliquant d'en reconsidérer l'organisation. Il a souligné que l'internationalisation des activités de recherche se traduisait dans tous les domaines, le classement récent, par l'université de Shanghai, des universités mondiales plaçant la première université française en 65ème position. La loi d'orientation devra prendre en compte le « continuum » recherche et innovation, de la recherche fondamentale et académique jusqu'à la recherche finalisée et applicable, le système d'innovation mis en place conditionnant la compétitivité et la croissance nationales, même si son impact est moins linéaire que naguère. Le Ministre a également insisté sur la nécessité d'une approche de la recherche utilisant mieux les complémentarités des compétences, les pôles de compétitivité devant être une osmose réussie de chercheurs, d'ingénieurs, de managers et de financiers, afin de développer des formes de « clusters », de synergies compétitives, comme cela se met en place à Grenoble, mais aussi dans l'Ouest parisien, à Toulouse, à Sophia-Antipolis. Il a enfin précisé le calendrier d'examen du projet de loi, dont le texte devrait être élaboré dans ses deux composantes, structurelle pour l'orientation et financière pour la programmation, à la fin du premier trimestre de 2005 afin d'en permettre l'examen par le Parlement à la fin du premier semestre de 2005 et qui devra, enfin, pouvoir s'articuler avec le 7ème Programme cadre de recherche et de développement (PCRD) européen.

Le Ministre a ensuite indiqué que le projet de loi de finances pour 2005 prévoyait de dégager un milliard d'euros supplémentaire en faveur de la recherche, traduisant ainsi un engagement politique fort en faveur de dépenses qui constituent, en réalité, un investissement national de long terme même lorsqu'il s'agit de dépenses de fonctionnement au sens comptable.

Il a précisé que cette somme se répartissait en trois tiers à peu près égaux dont deux tiers pour la recherche publique, avec d'une part, 356 millions d'euros supplémentaires en dotations aux organismes de recherche et 350 millions d'euros supplémentaires en faveur des actions incitatives coordonnées, notamment, par la nouvelle Agence nationale pour la recherche, et un tiers pour le soutien à la recherche des entreprises sous la forme de l'augmentation de dépenses fiscales liée, notamment, à la réforme du crédit d'impôt recherche qui bénéficie toutefois également, indirectement, aux organismes de recherche publics participant avec des entreprises à des laboratoires mixtes.

Puis, il a indiqué que ces moyens provenaient soit du budget de l'Etat au sens strict, y compris sous la forme de dépenses fiscales, soit du compte d'affectation spéciale alimenté par des recettes de privatisation.

Il a précisé que le budget civil de recherche et développement (BCRD) ferait l'objet, cette année, de sa plus forte hausse en volume depuis dix ans en atteignant 9,3 milliards d'euros en 2005. Il a ajouté que la progression du BCRD en 2005 était quatre fois supérieure à celle intervenue en 2004 et qu'elle était plus rapide que la croissance du produit intérieur brut (PIB).

Puis, le Ministre a rappelé qu'au regard de l'objectif fixé au niveau européen de porter, en 2010, l'effort de recherche à 3 % du produit intérieur brut (PIB) soit 1 % du PIB pour la recherche publique et 2 % du PIB pour la recherche des entreprises, la difficulté pour la France, dont l'effort global de recherche atteignait, en 2003, environ 2,2 % du PIB, résidait surtout dans le développement de la recherche des entreprises dans la mesure où l'effort en faveur de la recherche publique est déjà très proche de l'objectif de 1 %.

Relevant une tendance inquiétante de certains grands groupes à délocaliser à l'étranger leurs centres de recherche, citant l'exemple de groupes comme Danone ou Valeo qui ont installé des laboratoires en Chine, il a toutefois nuancé le risque d'une perte de substance scientifique de l'Europe en soulignant que son territoire et le territoire national pouvaient rester attractifs pour la création de centres de recherche comme l'attestait la décision de Philips de créer un centre de recherche à Caen.

Rappelant, en évoquant l'exemple de l'installation de laboratoires de General Electric à Munich, l'importance, dans les décisions d'implantation, d'un environnement attractif, il s'est félicité de la création des pôles de compétitivité en indiquant qu'ils constitueraient des sortes de zones franches pour la recherche. Il a également indiqué que la fusion entre Sanofi et Aventis constituait une excellente nouvelle pour la recherche française dans la mesure où elle conduirait Aventis à revenir sur sa politique de transfert vers les Etats-Unis de son activité de recherche.

Il a ensuite estimé qu'il convenait de développer la recherche en entreprises dans tous les secteurs d'activité. S'agissant du secteur des télécommunications, il a rappelé que France Télécom relançait son effort de recherche mais que celui-ci avait fortement diminué pour ne plus représenter qu'environ 1,9 % du chiffre d'affaires il y a trois ans contre environ 4 % il y a dix ans. Dans ce secteur, il a vivement regretté l'absence d'effort de recherche des opérateurs de téléphonie mobile, qui acquièrent à l'étranger les innovations technologiques qu'ils utilisent, et souhaité que les pouvoirs publics, et en particulier l'autorité de régulation des télécommunications, leur imposent des obligations à l'occasion des autorisations qui leur sont délivrées.

Il a également souhaité que le secteur pétrolier renforce son effort de recherche et a regretté la suppression de la taxe perçue au profit de l'Institut français du pétrole (IFP) et le fait que l'investissement du groupe Total dans la recherche sur les énergies de l'avenir reste insuffisant.

Puis, il a estimé que la recherche devait également être développée dans des secteurs où elle n'est pas traditionnellement forte, y compris dans le secteur des services, citant l'exemple de la grande distribution qu'il a jugé, en pratique, solidaire notamment de l'ensemble de la filière alimentaire et dont il a estimé qu'elle devrait en conséquence participer aux recherches relatives à la sécurité alimentaire.

Il a également regretté la faible proportion des diplômés de l'École polytechnique choisissant des carrières de chercheurs et le fait qu'un grand nombre de ceux qui le font travaillent sur les mathématiques financières pour rejoindre, leur doctorat obtenu, des institutions financières, souvent à Londres. Il a jugé qu'il serait, en conséquence, cohérent que le secteur bancaire participe au financement de la recherche dans le domaine des mathématiques appliquées.

D'une manière générale, il a jugé souhaitable d'inciter davantage les entreprises à investir dans la recherche, voire de développer des formes contractualisées d'obligation qui pourraient notamment être mises en place dans le cadre des politiques sectorielles de régulation. Puis, le Ministre a indiqué que 97 % de l'augmentation des moyens du BCRD étaient consacrés aux dépenses de personnel et de fonctionnement des laboratoires des établissements de recherche et des universités.

Il a précisé que les subventions des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) progressaient en moyenne de 7,5 %, cette progression étant de 7,9 % pour les moyens du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de 9 % pour ceux de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), de 7,4 % pour ceux de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et de 7,3 % pour ceux de l'Institut national de recherche agronomique (INRA).

Puis, il a indiqué que les subventions des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), dont le financement dépendait exclusivement du Ministère de la recherche, progressaient en moyenne de 7,9 %.

Il a ajouté que, s'agissant des crédits de paiement, la progression serait de 32 % pour les EPST, de 22 % pour les EPIC et de 13 % pour les dotations aux laboratoires de recherche universitaires.

Le Ministre a précisé que ces crédits permettraient de couvrir l'ensemble des engagements, et notamment ceux pris dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, de financer en 2005 des investissements lourds comme le synchrotron Soleil et d'accroître les moyens de base des laboratoires. Il a indiqué que ces moyens seraient répartis entre les unités de recherche selon des critères d'évaluation objectifs privilégiant la performance scientifique et que l'allégement des contraintes administratives serait recherché dans la gestion du budget.

En ce qui concerne l'emploi, le Ministre a souligné l'objectif de croissance du potentiel scientifique des établissements de recherche. Il a précisé que tous les emplois statutaires étaient maintenus, les départs, notamment les départs à la retraite qui pourraient être moins nombreux que prévus compte tenu de la mise en œuvre de la réforme des retraites, étant systématiquement remplacés.

Il a indiqué que le budget prévoyait, en outre, la création de 200 postes d'accueil de haut niveau, offrant, pour des contrats de trois ans, des rémunérations brutes de 60 000 euros par an, permettant d'attirer sur notre sol des chercheurs étrangers ou des chercheurs français partis à l'étranger. Puis, il a rappelé que le budget prévoyait également l'accueil de 4 000 nouveaux allocataires de recherche bénéficiant d'une allocation revalorisée de 15 % en deux ans et la création de 40 nouvelles conventions industrielles de formation par la recherche, ou contrats CIFRES. Il a également indiqué que le ministère demandait aux organismes de recherche de doubler le nombre de « packages » qu'ils proposent, sous des formes diverses (ATIP au CNRS « Avenir » à l'INSERM, « jeunes équipes » à l'INRA), aux jeunes chercheurs. Il a ajouté que le programme « initiative post docs » se poursuivrait et que l'effort de résorption des libéralités, c'est-à-dire des bourses, accordées souvent par des fondations, et n'ouvrant pas droit à une couverture sociale, serait amplifié.

Le Ministre a ensuite évoqué la création de l'Agence nationale pour la recherche en soulignant que l'objectif était de disposer, de manière stable dans la durée grâce au financement par un compte d'affectation spéciale, de crédits incitatifs permettant de soutenir des priorités qu'il appartiendra à la future loi d'orientation pour la recherche de dégager et qui devraient pouvoir prendre en compte, en 2005, trois thèmes importants, les biotechnologies, les sciences et les technologies de l'information et de la communication et le développement durable. Il a précisé que 350 millions d'euros supplémentaires étaient affectés au financement de ces actions, les moyens du Fonds de la recherche technologique (FRT) et du Fonds national de la science (FNS) étant maintenus à environ 200 millions d'euros pour poursuivre le financement des programmes engagés.

Il a précisé que des propositions relatives aux modalités de fonctionnement de l'Agence seraient formulées au terme de la concertation conduite dans le cadre des états généraux de la recherche et que, pour l'instant, une structure souple, sous la forme juridique d'un groupement d'intérêt public (GIP), était retenue. Il a souligné que la composition du conseil d'administration de l'Agence restait à définir et qu'il souhaitait que celui-ci comprenne, outre évidemment des chercheurs, des représentants du monde économique ainsi que des parlementaires. Il a, en effet, jugé que si la liberté des chercheurs était essentielle, des pistes de recherche pertinentes pouvaient être définies hors du monde de la recherche, par exemple par le Parlement, l'exemple de la faiblesse des recherches faites sur les effets sanitaires de la canicule illustrant la possibilité que des sujets importants soient oubliés.

Enfin, le Ministre a abordé les dépenses fiscales prévues en faveur de la recherche qui découlent de deux instruments, les pôles de compétitivité, qui se traduiront par une dépense fiscale d'environ 65 millions d'euros, et le crédit d'impôt recherche, qui, cette année, donnera lieu à une dépense fiscale supplémentaire d'environ 235 millions d'euros. Après avoir indiqué qu'un nombre d'entreprises plus important que prévu initialement bénéficiait de l'élargissement du crédit d'impôt, notamment grâce à la prise en compte du volume de la dépense et non plus seulement de son accroissement, prises en compte que certains jugent encore insuffisante, il a estimé que si la stabilité du cadre juridique était souhaitable, des précisions pouvaient être encore nécessaires pour éviter des contentieux fiscaux autour de la définition de l'acte de recherche notamment dans le domaine des logiciels. Il a également indiqué que si un dispositif similaire existait dans la plupart des pays, sauf en Allemagne, une discussion était engagée avec les autorités communautaires sur la question de la prise en compte des dépenses effectuées dans d'autres Etats membres.

En conclusion, le Ministre a estimé qu'il présentait, dans un contexte budgétaire pourtant difficile, un budget traduisant un engagement fort en faveur de la recherche concrétisant les priorités du Gouvernement avec un milliard d'euros supplémentaires dès cette année, s'inscrivant dans l'objectif fixé d'un accroissement de trois milliards d'euros de crédits pour la recherche sur trois ans.

Le président Patrick Ollier a remercié le Ministre de la qualité de son exposé et s'est félicité, au nom de la Commission, de l'augmentation des crédits de la recherche.

M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis des crédits de la recherche, après avoir observé que la recherche et la science intéressaient beaucoup les médias, pour leurs bienfaits, mais aussi, trop largement pour leurs méfaits, s'est félicité qu'on ne puisse reprocher au projet de budget son insuffisance de moyens ; il a rappelé l'attachement de la commission des affaires économiques à la recherche mais aussi à l'innovation, qui en est l'application et a souhaité que les scientifiques prennent la place centrale qui devrait leur revenir dans la société tout en émettant le vœu qu'ils prennent parfois mieux en compte les attentes de la population.

Il a ensuite souligné que l'attribution d'un milliard d'euros de crédits publics supplémentaires à la recherche constituait incontestablement une prise en compte quantitative des demandes exprimées par les chercheurs durant le mouvement de l'hiver 2003-2004 et le respect des engagements du Gouvernement. Après avoir noté la progression de 356 millions d'euros du BCRD, il a demandé si elle s'accompagnait d'une amélioration des pratiques budgétaires par l'abandon des régulations, des gels, des annulations ou des dégels tardifs des crédits, et par la réduction des délais de versement des subventions dont se plaignent régulièrement les établissements de recherche, en particulier les EPST ; il s'est enquis de l'évolution éventuelle de la forme de ces établissements, EPST ou EPIC, comme de leurs structures administratives excessivement centralisées.

Il s'est également félicité de l'augmentation de 235 millions d'euros des sommes affectées au crédit d'impôt recherche tout en demandant que soient précisées les entreprises éligibles, afin que soient mieux prises en compte les dépenses de recherche de haute technologie à forte valorisation et que l'amélioration du dispositif existant se fasse dans le sens d'une clarification des recherches que l'on souhaite stimuler.

S'agissant de la nouvelle Agence nationale pour la recherche, dotée de 350 millions d'euros, le rapporteur a souhaité que son périmètre et son mode de fonctionnement soient précisés, ainsi que sa gouvernance. Il s'est ainsi demandé si elle ne devrait pas s'accompagner de la mise en place d'un haut conseil de la science, auquel pourrait participer l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et développer une culture de projets plutôt que d'établissements.

S'agissant de l'articulation de la recherche française et de la recherche européenne, il a souhaité que soit étudiée la mise en place d'une cellule d'appui, une « task force » à Bruxelles, chargée d'aider à la constitution de dossiers de demandes de crédits européens, dans le cadre des PCRD.

Il s'est également interrogé sur la prise en compte qualitative des inquiétudes du monde de la recherche, en particulier s'agissant de la place accordée à la culture scientifique et à sa revalorisation dans notre pays, se demandant si le « socle commun des indispensables » que définit le rapport que vient de rendre M. Claude Thélot prenait suffisamment en compte cette préoccupation. Citant Claude Bernard : « le hasard ne favorise que les esprits bien préparés », il a souhaité que la prochaine loi d'orientation sur l'éducation permette une meilleure formation des jeunes dans ce domaine.

S'agissant de la loi d'orientation et de programmation de la recherche, il a demandé que soient précisées les places respectives de la recherche universitaire et des établissements de recherche, comme les mesures envisagées, y compris sous leurs aspects budgétaires, pour réhabiliter les carrières scientifiques et renforcer leur attractivité, depuis les études secondaires et universitaires jusqu'à l'exercice d'une profession scientifique.

Enfin, il a souhaité que soient développées les recherches menées en matière d'énergie, sur l'hydrogène, le charbon (dont les gisements sont énormes et potentiellement riches si l'on en contrôle les effluents) ou les bioénergies, comme celles menées en matière d'environnement, s'interrogeant sur la prise en compte, par les institutions de recherche, des questions environnementales, dont le traitement des déchets par l'ADEME. Il a souligné que ces réponses aux préoccupations immédiates de la population compléteraient harmonieusement un projet de budget qui témoigne de l'intérêt que porte le Gouvernement à la recherche et pour l'adoption duquel il a demandé à la commission de donner un avis favorable.

M. Pierre Cohen, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a précisé que le montant global des crédits alloués à la recherche, s'il augmentait en effet par rapport aux exercices 2003 et 2004, ne faisait selon lui que renouer avec la dynamique des exercices 2001 et 2002, après deux ans d'asphyxie.

Il a ensuite estimé qu'en dépit de cette augmentation, le budget de la recherche ne traduisait pas une priorité gouvernementale puisqu'il ne permettait pas de développer les activités de recherche à la mesure de la demande exprimée par le mouvement des chercheurs.

Il a indiqué que s'il partageait le diagnostic du Ministre concernant l'importance de la recherche, elle ne représentait pour le Gouvernement qu'une priorité relative puisqu'elle consistait à maintenir, au niveau qu'il avait atteint précédemment, le budget de la recherche dans un contexte de compression générale de la dépense publique.

Il a également souligné l'importance du maintien et du développement de la recherche publique, en contrepoint de la recherche privée, puisque, comme le Ministre l'avait relevé, la recherche privée tendait à être délocalisée vers les nouveaux pays émergents alors que la recherche publique restait basée en France. Il a estimé qu'en conséquence, le développement de la recherche publique était une condition du maintien d'un tissu industriel en osmose avec une dynamique de recherche, d'innovation et de produits.

Il a poursuivi son propos en regrettant que l'objectif défini à Barcelone de consacrer 3 % du PIB à la recherche d'ici 2010, soit, dans les projets gouvernementaux, fondé sur l'hypothèse de répartition de 2 % pour la recherche privée et de 1 % pour la recherche publique. Il a donc jugé que la réalisation de cet objectif était très incertain s'il fallait compter sur un effort massif d'investissement des entreprises dans la recherche, quels que soient les dispositifs incitatifs que le gouvernement déploie à cette fin.

Il a ensuite insisté sur l'importance d'une action européenne en faveur de la recherche, à l'image de l'action européenne dans le domaine de l'espace. Il a estimé qu'il appartenait à la France de promouvoir cette politique européenne de la recherche. Il a également noté qu'un certain nombre d'autres pays, à l'image du Japon, augmentaient considérablement les moyens de leur recherche publique, qui était pourtant initialement aussi bien dotée que la recherche française.

Revenant plus précisément sur le budget 2005 de la recherche, il a souligné que les 356 millions d'euros du BCRD constituaient une dotation minimale nécessaire au strict maintien des laboratoires, tant les gels successifs de crédits récemment intervenus en avaient menacé la survie même.

Il s'est déclaré favorable au report de l'examen parlementaire du projet de loi d'orientation et de programmation de la recherche promis par le Gouvernement, estimant raisonnable qu'après le mouvement des chercheurs et les travaux d'information du Parlement sur la question, il soit déposé au premier semestre 2005.

Il a regretté que la mise en place d'une agence de la recherche intervienne au moment même où deux des trois fonds qu'elle fusionnera commençaient à gagner quelque visibilité. Il a estimé que, pour une plus grande efficacité des institutions de la recherche, ces fonds auraient dû être maintenus au moins un an de plus dans leur configuration actuelle, afin de mieux débattre des meilleures institutions possibles pour encadrer et favoriser la recherche.

En outre, il a estimé que la constitution de pôles de compétitivité allait dans le sens d'un mouvement européen dont on ne cerne pas très nettement les fins. Il a souligné à ce propos que la constitution de ces pôles était de nature à contrarier certaines initiatives locales et à couvrir un redéploiement des moyens de recherche publique qui irait au détriment de certains pôles existants.

Sur la question du crédit d'impôt recherche, il a dénoncé les effets d'aubaine que ce dispositif engendre. Il a donc souhaité que soit remis un rapport d'évaluation détaillé de l'application ce dispositif.

S'agissant des jeunes chercheurs, il a regretté que l'augmentation du nombre des allocations recherche ne s'accompagne pas d'un accroissement de leur montant ; il a rappelé que leur versement avait été retardé et a considéré que les jeunes n'étaient pas suffisamment incités à embrasser la carrière de chercheur.

Enfin, concluant son propos, M. Pierre Cohen a noté que les politiques de promotion de la culture scientifique et technologique, sous les différents gouvernements, étaient très en retrait de ce qui serait nécessaire, tout en regrettant la concentration des moyens de ces politiques sur la seule Cité des sciences à Paris, appelant à en programmer une meilleure déconcentration.

M. Claude Birraux, s'exprimant au nom du groupe UMP, a partagé la satisfaction du président Patrick Ollier de constater que dans un contexte de contraintes budgétaires extrêmement fortes, le budget de la recherche augmentât d'un milliard d'euros, dont les deux tiers pour la recherche publique, et un tiers pour la recherche privée.

Il a regretté la querelle sémantique qui vise à opposer la recherche publique et la recherche privée, soulignant qu'aux Etats-Unis, 20 à 40 % du financement de la recherche privée, selon les secteurs, provenait de subventions publiques, ce continuum public-privé étant tout à fait remarquable puisque s'il est une science d'avenir à valoriser, c'est celle de ces interfaces.

Il a souligné le maintien, dans le cadre du budget de la recherche, de la totalité des emplois, alors que, globalement, la moitié des emplois publics ne seront pas remplacés.

Faisant écho aux travaux de l'Office parlementaire, et aux consultations des chercheurs dans les laboratoires lors des déplacements, de M. Pierre Cohen à Toulouse, ou de lui-même en Europe, qui ont amené les parlementaires à rencontrer plus de cinq cents personnes, M. Claude Birraux a exprimé son inquiétude sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances et ses effets sur l'organisation des directions du ministère.

Il a rappelé la nécessité de soutenir la recherche fondamentale et de lui garantir une totale liberté. Rappelant que ce n'est pas en cherchant à améliorer la bougie que l'on a inventé l'électricité, il a estimé que l'opposition de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée constituait un faux débat, puisque seule la première peut alimenter la seconde. Il a illustré son propos en indiquant avoir visité un laboratoire du CNRS à Gif-sur-Yvette où cinquante chercheurs travaillaient sur les mécanismes de la mémoire chez les drosophiles et permettaient, par leurs travaux, des progrès considérables dans la connaissance de la maladie d'Alzheimer.

Il a ensuite regretté le cloisonnement des structures, et la complexité des mesures. Evoquant les annonces du Ministre sur la nouvelle Agence, le FNS, le FRT, les pôles de compétitivité et les mesures d'incitation et de soutien, M. Claude Birraux a assuré que pour ne pas désespérer les chercheurs, il faudrait annoncer dès le 1er janvier 2005 les simplifications attendues, sans attendre la publication de la loi sur la recherche.

Abordant la situation des jeunes chercheurs, il s'est félicité de la revalorisation de l'allocation de recherche, mais a affirmé la nécessité de poursuivre la résorption d'une précarité que l'on peut qualifier souvent de « travail au noir », voire considérer comme une certaine forme d'esclavage.

Il s'est également déclaré préoccupé par l'insertion des post-doctorants, notant que celle-ci était beaucoup plus facile dans les pays de tradition libérale, comme la Grande-Bretagne, qu'en France et a souligné que le départ en retraite de la moitié des chercheurs, dans les dix prochaines années, devrait être l'occasion de leur offrir de nouvelles perspectives. M. Claude Birraux a également proposé de lier le bénéfice du dispositif du crédit d'impôt recherche à l'emploi de scientifiques par les entreprises.

Enfin, il a souligné les problèmes spécifiques de la recherche à l'Université, des moyens qui lui sont consacrés, et de la situation des enseignants chercheurs et conclu en souhaitant qu'une réflexion soit engagée sur la question, abordée dans toutes les rencontres des parlementaires avec les acteurs de la recherche, de son évaluation, réflexion à laquelle le regard extérieur de l'Office parlementaire pourrait apporter une contribution utile.

Le président Patrick Ollier a fait part de son inquiétude concernant le montant des crédits finançant l'Institut français du pétrole, question à laquelle, en tant que maire de Rueil-Malmaison, où se trouve le siège de l'IFP, il est particulièrement sensible ; soulignant le rôle moteur de l'Institut en matière de formation des chercheurs étrangers et de recherche à l'étranger, il a qualifié d'erreur stratégique la baisse des crédits qui lui sont alloués.

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche, a tout d'abord souligné, s'agissant de l'IFP, que si les crédits alloués par l'Etat baissaient effectivement, les moyens de l'Institut seraient stables grâce à la vente d'un certain nombre de participations de l'établissement public. Il s'est en outre interrogé sur le bien-fondé de la suppression de la taxe sur l'industrie pétrolière, qui permettait de pallier l'absence d'engagement de l'industrie pétrolière, notamment du groupe Total, dans la recherche fondamentale sur les énergies nouvelles.

Il a ensuite précisé que la hausse de 4 % des crédits du BCRD intervenait indépendamment de toute modification de périmètre, contrairement aux hausses annoncées en 2001 et 2002. Après avoir reconnu que le budget de la recherche avait fait l'objet d'annulations de crédits aux cours des deux exercices précédents, il a souligné que les crédits de paiement avaient couvert les autorisations de programme maintenues, les autres ayant été annulées.

S'agissant des déductions auxquelles le crédit d'impôt recherche donne droit, il a souligné que les entreprises pouvaient parfaitement choisir de les faire porter sur des dépenses de recherche menées par des laboratoires publics, les contrats passés avec ceux-ci comptant double. Rappelant que les effets positifs du crédit d'impôt recherche sur les dépenses de recherche faisaient l'objet d'un constat partagé, il a salué les efforts des entreprises plaçant l'effort d'innovation au cœur de leur démarche, citant le cas de la Sagem. Il a ajouté que cet effort était d'autant plus remarquable qu'il n'était pas général, et a déploré qu'Alcatel, par exemple, ne s'inscrive pas dans une telle perspective.

Le Ministre a précisé qu'il n'y aurait pas de régulation budgétaire en 2004 pour les EPST, soulignant combien il est important, pour la vie interne des organismes de recherche, que leurs budgets ne connaissent pas de soubresauts.

Il a annoncé que trois organismes bénéficieraient, à titre expérimental d'une libération du contrôle financier a priori.

Il a ensuite répondu à une remarque sur la lourdeur et la centralisation excessive des structures, en mettant cependant en garde contre toute généralisation et a cité l'exemple de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), qui compte plus de trois cents unités organisées selon une structure en râteau, alors même que six cents personnes travaillent au siège de l'INSERM, il n'apparaît pas très raisonnable que le directeur général se trouve face à trois cents interlocuteurs, presque sans intermédiaire. Il a également observé que le niveau des frais de gestion en France n'était pas comparable aux ratios des pays étrangers, et qu'il était nécessaire de faire porter les efforts sur ce point.

Le Ministre a souligné que les départs à la retraite à venir devaient permettre une redistribution des emplois à l'intérieur des EPST en transformant par exemple certains emplois administratifs en emplois d'ingénieurs de laboratoire.

Constatant que la lourdeur des procédures et celle des structures s'alimentant mutuellement, le Ministre a souhaité que la simplification administrative pour les organismes de recherche soit une priorité de la loi d'orientation et de programmation pour la recherche, la crise récente ayant de multiples explications, au nombre desquelles une certaine frustration devant les modalités de fonctionnement de l'action publique, les directeurs de laboratoires passant par exemple trop de temps à accomplir des tâches administratives, au détriment de leurs activités de recherche.

Quant à la forme des structures et des établissements, le Ministre a insisté sur la solidité des institutions de recherche. Reconnaissant la nécessité de trouver des systèmes fédérant les recherches, il a en revanche considéré avec prudence la possibilité d'aller au-delà, le besoin de fusionner des structures qui semblent parfois se recouper devant toujours être évalué avec précision, une plus grande efficacité de la recherche devant être le seul critère à retenir.

S'agissant des programmes cadres de recherche et de développement (PCRD) européens, le Ministre a affirmé la nécessité de développer l'Europe de la recherche, remarquant que celle-ci restait dominée par une culture de fonctionnement anglo-saxonne, le Conseil européen de la science constituant un projet particulièrement intéressant pour le financement d'une recherche fondamentale libre dans ses propositions, mais soumise à une exigence d'excellence. Le Ministre a observé que, s'ils fonctionnaient très bien pour l'aéronautique, les PCRD souffraient en revanche, dans les sciences de la vie, d'un éparpillement des projets, et parfois d'une concurrence entre les équipes, y compris entre équipes françaises et qu'il fallait donc rationaliser la présentation des projets, et répondre au déficit français, anciennement constaté, en matière d'experts investis à Bruxelles ou de travaux préparatoires étayés.

Reprenant le constat de M. Pierre Cohen, le Ministre a souligné, en pleine Fête de la science, l'importance de la culture scientifique. Le rapport Thélot sur l'avenir de l'Ecole a bien inscrit les technologies de l'information et de la communication et les sciences et technologies au rang des savoirs communs indispensables, mais le Ministre aurait souhaité des dispositions encore plus énergiques sur les études scientifiques. Il s'est en effet alarmé des résultats d'un récent sondage faisant apparaître qu'à neuf ans, 80 % des enfants envisageaient de devenir chercheur, alors qu'à dix-huit ans, seuls 10 % des jeunes songeaient encore à embrasser cette carrière. Il a noté que la culture scientifique ne lui semblait pas assez développée, ni assez partagée entre Paris et la province.

Enfin, le Ministre a abordé la question des fondations de recherche scientifique dont onze étaient actuellement en cours de reconnaissance, en indiquant que les reliquats du budget du Fonds prioritaire de la recherche, créé en 2003 à leur intention, ne s'imputaient pas sur les 350 millions d'euros de la nouvelle Agence, mais s'y ajouteraient.

Le Ministre a rappelé que, dans la mesure où 4 000 allocations de recherche nouvelles avaient été attribuées cette année, leur nombre total s'élevait désormais à 11 700. Il a également souligné le fait que la revalorisation de ces allocations n'avait pas été retardée mais au contraire avancée, puisqu'elle avait été effectuée le 1er mai au lieu du 1er octobre. Il a indiqué qu'en conséquence, il n'y aurait pas de revalorisation prévue en 2005. Puis, il a approuvé l'idée selon laquelle des efforts supplémentaires étaient nécessaires, notamment à l'égard des jeunes chercheurs. Notant que dans aucun pays, les allocations n'étaient ouvertes à tous les chercheurs, il a également indiqué que l'amplification de la politique de résorption des libéralités, dotée de crédits en hausse de deux millions d'euros, tendait à mettre fin à la précarité de la situation sociale des allocataires.

M. Alain Gouriou, rendant hommage à l'exposé sans complaisance de M. Claude Birraux, a rappelé que d'ici 2012, 40 % des chercheurs français allaient partir en retraite. Il a par conséquent souligné la nécessité, pour l'Etat, de consentir un effort supplémentaire afin de maintenir leurs effectifs à un niveau convenable. Puis, abordant la question des nouvelles technologies de l'information et de la communication, il a rappelé le problème du glissement des unités de recherche françaises vers l'Asie du Sud Est, à l'instar de l'entreprise Alcatel qui s'était délocalisée à Shanghai, mais également vers l'Inde.

Enfin, indiquant que la question des pôles de compétitivité avait été évoquée lors du CIADT en 2002 et en 2003, il s'est exprimé en faveur de la création d'un centre de recherche en télécommunications en Bretagne. Rappelant l'important effort de recherche réalisé par France Télécom, il a néanmoins noté que cet effort se concentrait sur la recherche-développement, plutôt que sur la recherche fondamentale. Or, il a insisté sur le fait que dans un secteur tel que les télécommunications, la France doit aujourd'hui faire face aux pays émergents, en particulier la Corée, qui a fait des avancées remarquables, même par rapport au Japon.

Mme Arlette Grosskost s'est, elle aussi, interrogée sur l'articulation des pôles de compétitivité avec la recherche fondamentale. Elle a, en outre, évoqué les conditions d'application du crédit d'impôt recherche aux entreprises, leur crainte d'être l'objet d'une reprise systématique par l'administration fiscale et souhaité la production d'un rescrit fiscal.

Enfin, M. Jacques Le Guen a demandé des précisions sur le projet de création d'un pôle scientifique autour des problèmes maritimes, comprenant notamment l'IFREMER et la marine nationale, à Brest.

En réponse aux différents intervenants, le Ministre a d'abord indiqué que, l'application à la recherche de la loi organique relative aux lois de finances se traduirait par une déclinaison du budget en programmes au sein de la mission « recherche et enseignement supérieur ». Il a ainsi insisté sur le fait que la loi organique n'apporterait aucun changement du point de vue des interlocuteurs, ces quatre programmes étant attribués au ministère de la recherche.

S'agissant des recherches sur les sources d'énergie de demain, et particulièrement du projet ITER de construction d'un réacteur à fusion thermonucléaire, il a indiqué que la décision définitive d'implantation sur le site de Cadarache serait prise fin novembre lors du Conseil-compétitivité de l'Union européenne, dans le prolongement de la position déjà adoptée lors du précédent ; que cette décision, outre la confirmation du choix du site, entérinerait la participation au projet de l'Inde, du Brésil, et de la Suisse, derniers Etats à avoir formulé leur candidature, donnerait mandat à la Commission pour discuter d'éventuelles compensations pour ce choix avec les Etats-Unis, le Japon, la Corée, et fixerait l'enveloppe financière mobilisée, d'un montant de 4,570 milliards d'euros, dont l'Union européenne assumera une part de 40 %.

Il a convenu que certaines préoccupations quotidiennes, comme le traitement des déchets, n'étaient pas assez prises en compte par la recherche et observé qu'un effort devait être fait pour améliorer les conditions d'utilisation du charbon pour produire de l'énergie, les réserves de charbon restant importantes dans le monde, tandis que les réserves d'hydrocarbures devraient s'épuiser à échéance relativement rapprochée.

Il a indiqué que, d'une façon générale, il importait de resituer l'analyse des questions énergétiques dans une approche d'ensemble, incluant les perspectives de court, moyen et long terme, et de prendre en considération chaque source d'énergie sous l'angle de sa filière, une focalisation exclusive sur la recherche risquant d'occulter le besoin d'exploiter les résultats de celle-ci au niveau industriel.

Il a souligné qu'une attention particulière devait être accordée à l'effort de recherche des entreprises privées, dont l'un des rôles est d'assurer le lien entre les découvertes fondamentales et leur exploitation commerciale à grande échelle, rappelant qu'en Allemagne, l'effort de recherche des entreprises privées représentait l'équivalent de l'effort total de recherche en France, d'origine publique ou privée. Si l'investissement du secteur privé dans la recherche répondait, certes, à des objectifs intéressés, le Ministre a observé que ce serait raviver un débat idéologique d'un autre âge que de dédaigner cette contribution, et que le Gouvernement préférait, en la matière, faire preuve d'un pragmatisme qui pouvait également conduire à remédier à un engagement insuffisant des laboratoires privés, comme dans le cas des recherches sur les maladies rares, et à renforcer les moyens de la recherche universitaire par la création de postes supplémentaires et par des moyens de paiement en augmentation de 13,5 %.

Le Ministre a ensuite reconnu que les délocalisations avaient un impact regrettable sur les capacités créatrices du pays mais présentaient, pour une part, un caractère inévitable ; il a donc souligné que les efforts devaient porter sur le renforcement de l'attractivité du territoire. Il a constaté à cet égard qu'il convenait d'être vigilant au moment où certains pays émergents sont en train d'asseoir leur position mondiale comme pays de recherche fondamentale.

S'agissant des télécommunications, et plus particulièrement de l'UMTS et de l'Internet, il a rappelé que leur usage était appelé à un très grand développement au cours des prochaines années, et qu'il convenait de mettre l'accent sur ces questions dans le cadre des programmes réseaux.

Il a ensuite insisté sur le rôle de catalyseur de création d'entreprises que les futurs pôles de compétitivité devraient jouer, en privilégiant non seulement les synergies géographiques mais aussi fonctionnelles, par l'association avec la recherche publique et l'Université. Il a expliqué que, dans le cadre des appels à projets, aucune limite de taille ne serait imposée , la taille critique requise variant en fonction de ceux-ci. Il a précisé que ces pôles de compétitivité pourraient commencer à fonctionner dès janvier 2006.

S'agissant enfin de l'IFREMER, il a rappelé que les hausses de crédits sur les dépenses ordinaires et les crédits de paiement atteindraient 8,1 %.

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La Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a ensuite examiné les crédits de la recherche pour 2005.

M. Claude Birraux s'exprimant au nom du groupe UMP, s'est félicité du rétablissement du budget de la recherche que traduit le projet de loi de finances pour 2005 et, suppléant M. Claude Gatignol, a demandé à la Commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche pour 2005.

M. Alain Gouriou s'exprimant au nom du groupe socialiste, tout en constatant que ce projet de budget tendait à pallier les insuffisances des années passées, a souligné que le retard accumulé en matière d'emploi en particulier n'était pas résorbé et a annoncé que son groupe donnait un avis défavorable à l'adoption des crédits de la recherche pour 2005.

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Puis, conformément aux conclusions de M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche pour 2005.

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N° 1865 - 15 : Avis sur le projet de loi de finances pour 2005 : Education nationale, enseignement supérieur et recherche - recherche et nouvelles technologies (Claude Gatignol)


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