N° 1865

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2004.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2005 (n° 1800),

TOME IX

ÉCONOMIE, FINANCES et INDUSTRIE

POSTE et TÉLÉCOMMUNICATIONS

PAR M. ALFRED TRASSY-PAILLOGUES,

Député.

--

Voir le numéro : 1863 (annexe 19)

L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires, au plus tard huit jours francs à compter du dépôt du projet de loi de finances. Cette date était donc le 9 octobre. A cette date, environ 73 % des réponses étaient parvenues à votre Rapporteur, proportion somme toute assez satisfaisante, qui démontre l'efficacité de la démarche en amont consistant à établir, autant que possible, pour chaque secteur d'activité concerné, un questionnaire commun pour l'ensemble des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.

INTRODUCTION 7

L'évolution des moyens 8

La mise en œuvre de la LOLF 13

Les actions en cours 14

LE SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS 19

I.- UN DOUBLE CHANGEMENT SYNCHRONISÉ 19

A.- LE CHANGEMENT RÉGLEMENTAIRE 19

1. Un régime plus souple d'une portée plus large 19

a) L'assouplissement du régime 20

b) L'élargissement du champ d'application 21

2. Le repositionnement de la fonction de régulation 23

a) La renforcement du contrôle des opérateurs puissants 23

b) L'accent mis sur la satisfaction du consommateur final 25

B.- LE CHANGEMENT TECHNOLOGIQUE 30

1. La recomposition de l'offre en téléphonie fixe 30

a) La télévision sur ADSL 30

b) La téléphonie sur IP 32

2. La consolidation de l'offre en téléphonie mobile 34

a) L'arrivée progressive de l'UMTS 35

b) La régulation incitative de l'oligopole 38

II.- LA RÉDUCTION DE LA FRACTURE NUMÉRIQUE 41

A.- LA LEVÉE DES FREINS JURIDIQUES 42

1. Le raccordement à haut débit 42

a) La solution satellitaire 42

b) Le dispositif du « L. 1425-1 » 43

c) La levée du principe de spécialité d'EDF et de GDF 44

2. La couverture des zones blanches 45

a) Le processus pragmatique en cours 45

b) L'hypothèse d'une intégration au service universel 47

B.- L'APPORT DE FRANCE TÉLÉCOM 48

1. L'élargissement de l'offre Internet à haut débit 48

a) La diffusion de la technologie ADSL 48

b) L'investissement sur les technologies alternatives 49

2. La rencontre d'un intérêt privé avec l'intérêt général 50

a) La logique du nénuphar 50

b) L'effet des progrès du dégroupage total 52

LE SECTEUR DES POSTES 55

I.- L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE 55

A.- UN « MONOPOLE » DÉJÀ TRÈS PERMÉABLE 55

1. L'exposition actuelle à la concurrence 55

a) Le marché totalement ouvert du colis 56

b) La dimension concurrentielle du courrier 57

2. La portée effective de la transposition en cours 59

a) La détermination du cadre du marché postal 59

b) La fixation des principes de la régulation 61

B.- LA PROBLÉMATIQUE DE LA DISTORSION DE CONCURRENCE 62

1. Une capacité d'adaptation entravée 62

a) Des résultats financiers insuffisants 62

b) Un faible niveau de performance 63

2. Des charges imparfaitement compensées 66

a) Le poids net des missions d'intérêt général 67

b) Des contraintes exorbitantes sur la gestion du personnel 69

II.- LA PRÉSERVATION DES ACTIVITÉS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL 71

A.- LA PRÉSENCE TERRITORIALE 71

1. Une présence multiforme 71

a) Une couverture territoriale imparfaite 71

b) Des modes d'implantation diversifiés 72

2. Un financement problématique 73

a) La voie des contributions compensatoires 74

b) L'apport de la distribution des services financiers 76

B.- L'ACCÈS SOCIAL AUX SERVICES FINANCIERS 77

1. La lettre et la pratique 77

a) Des fondements juridiques ténus 77

b) Les conséquences concrètes 79

2. La prise en charge financière 80

a) L'absence d'aide directe de l'Etat 81

b) L'adossement à l'ensemble des services financiers 82

CONCLUSION 84

EXAMEN EN COMMISSION 85

MESDAMES, MESSIEURS,

Le budget des postes et télécommunications est assez atypique puisque, d'une part, il concerne assez paradoxalement les moyens affectés au pilotage de deux secteurs désormais presque complètement ouverts à la concurrence, et d'autre part, il mobilise pour ce faire des crédits très limités en volume : 395 millions d'euros dans la loi de finances pour 2005, en diminution de 45 millions (10 %) par rapport aux crédits accordés par la loi de finances pour 2004, mais seulement 150 millions d'euros, si l'on met à part la compensation accordée par l'Etat à la Poste pour la prise en charge du transport de la presse à tarif réduit.

Cette compensation pour le transport de presse supporte la quasi-totalité de la baisse de 45 millions, si bien que le montant total du budget des P&T hors cette compensation reste au même niveau que dans le budget pour 2004, en légère augmentation même, de 2 %.

Ces 150 millions d'euros sont à rapprocher des chiffres d'affaires sur le marché français des télécommunications, 35 milliards d'euros, et sur le marché français des postes, 16 milliards d'euros (dont 14 milliards pour La Poste). Ils représentent à peine 0,35 % de ces masses.

C'est dire si ce budget est en fait un budget à «effet de levier», les leviers s'appuyant sur de petites structures administratives remplissant soit des missions d'animation ou de conception, effectuées par exemple au niveau des sous-directions compétentes de la DIGITIP (61 personnes), soit des missions d'encadrement et de contrôle, telles qu'elles sont dévolues à l'Autorité de régulation des télécommunications (165 personnes), et à l'Agence nationale des fréquences (372 personnes).

L'évolution des moyens

En fait, le fascicule budgétaire du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, fait apparaître les crédits en faveur du secteur des télécommunications sous quatre intitulés (l'Agence nationale des fréquences, l'Autorité de régulation des télécommunications, le Groupe des écoles des télécommunications, les subventions à des organismes concourant à l'amélioration de l'environnement des entreprises), ceux en faveur de la Poste sous deux intitulés (le Médiateur postal, l'aide à la presse), et les crédits communs aux deux secteurs sous deux intitulés (la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, les subventions à des organismes publics et internationaux).

Si l'on met à part la forte diminution du fait de la réduction de la compensation versée par l'Etat à La Poste pour l'aide que celle-ci accorde au transport de presse, ces crédits sont donc stabilisés. Ceux accordés à l'Agence nationale des fréquences baissent, mais en contrepartie d'une augmentation des crédits de paiement. Les moyens de l'Autorité de régulation des télécommunications, et ceux du Groupe des écoles des télécommunications sont renforcés.

·  L'Etat participe à la prise en charge du coût du « service public du transport et de la distribution de la presse » institué par l'article 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom en vertu de l'article 38 du cahier des charges de la Poste, qui précise : « les sujétions particulières, supportées par La Poste à raison du régime d'acheminement et de distribution de la presse mentionné à l'article 6 du présent cahier des charges font l'objet d'une juste compensation financière ».

Les accords Galmot conclus le 4 juillet 1996 ont permis de fixer, entre l'Etat, La Poste et la presse, un cadre de financement appliqué jusqu'à la fin de l'année 2004. Ils se sont traduits par une aide de l'Etat de 289 millions d'euros pour chaque année de 2001 à 2004, laissant à La Poste un peu moins de 40 % de la charge totale de financement des réductions accordées à la presse.

Les travaux menés dans le cadre de la mission de M. Henri Paul depuis décembre 2002 ont permis de dégager les termes d'un nouvel accord signé le 22 juillet 2004. Le montant de l'aide versée à La Poste a été ramenée à 242 millions d'euros, dont 176 sont inscrits au budget du ministère de l'industrie, pour la compensation des surcoûts liés à la distribution en zone peu dense, et 66 au budget des services du Premier ministre, pour le soutien à la diffusion des publications d'information politique et générale. Le surcroît de charge apparent qui en résulte pour La Poste, de 48 millions d'euros, doit être compensé par des gains de productivité dans l'activité de distribution, ainsi que par une réaffectation comptable d'une partie des coûts de cette activité sur d'autres postes de dépenses.

·  L'Agence nationale des fréquences (ANFr) est le seul des postes de dépenses du budget des P&T à disposer à la fois de crédits de fonctionnement (dépenses ordinaires) et de crédits d'investissement (crédits de paiement pour les dépenses en capital).

La subvention de fonctionnement enregistre une baisse de 860 000 euros, ce qui la ramène à un niveau un peu inférieur à celui du budget pour 2003, après qu'elle a été majorée de 730 000 euros dans le budget pour 2004, en raison du transfert de l'ancienne dotation aux organismes des postes et télécommunications d'Outre-Mer (cellules des postes et télécommunications de Mayotte, de Polynésie française, et office des postes et télécommunications en Nouvelle-Calédonie), dont l'ANFr a récupéré les missions.

Cependant l'ANFr, dont la subvention pour 2004 a été amputée d'une annulation d'un million par le décret n° 2004-962 du 9 septembre 2004, est de fait parvenue à intégrer ces activités supplémentaires à effectif interne constant. De plus, elle prévoit pour 2005, sur la partie de ses recettes budgétaires qui lui sont propres, des ressources complémentaires liées aux prestations techniques qu'elle fournit au Conseil supérieur de l'audiovisuel pour la surveillance de la bande FM, ou pour la gestion des plaintes relatives au brouillage.

Ses crédits de paiement continuent à croître, puisqu'ils seront majorés de 25 % en 2005, après une augmentation de plus de 50 % en 2004, afin de lui permettre de maintenir la qualité de ses équipements de contrôle des brouillages, et de faire face à la multiplication des opérations de réaménagement du spectre des fréquences, dans un contexte de développement rapide des technologies hertziennes, avec la télévision numérique, l'Internet par satellite, la Wi-Fi.

Grâce aux crédits de paiement, le total des dotations à l'ANFr est globalement en légère augmentation de 0,4 %.

·  L'Autorité de régulation des télécommunications (ART) bénéficie, pour la deuxième année consécutive, d'une augmentation de crédit de l'ordre d'un million d'euros, soit de plus de 5 %. L'augmentation sur le budget de 2004 était répartie à peu près également entre les moyens de fonctionnement et les moyens en personnel. L'augmentation prévue pour le budget de 2005 est presque entièrement consacrée à des dépenses de personnel.

Ces augmentations de crédits ne concernent pas les activités touchant aux télécommunications, mais interviennent en préparation de l'extension des missions de l'Autorité au secteur postal, dans le cadre de l'institution future de l'« Autorité de régulation des communications électroniques et des postes » (ARCEP), prévue par le projet de loi relatif à la régulation des activités postales.

La montée en charge pour la dévolution des moyens nécessaires à la prise en charge de cette nouvelle compétence a été étalée sur trois années. En 2004, le cadre d'emplois avait été augmenté de 151 à 159. En 2005, il est prévu un passage de 159 à 165 de l'effectif budgétaire, soit le recrutement de 6 personnes, dont un membre supplémentaire pour le collège, conformément à ce qui a été décidé, en concertation avec le Gouvernement, lors de l'examen du projet de loi par le Sénat en janvier 2004. Une nouvelle augmentation de l'effectif budgétaire de trois emplois devrait intervenir dans le budget pour 2006.

Ainsi une nouvelle unité « Autorisations et Service universel postal » a été mise en place, qui s'emploie déjà, dans un premier temps, à établir une cartographie économique du secteur postal français, qui reste une terra incognita à ce jour, l'arbre immense de La Poste ayant caché la forêt hétéroclite des autres opérateurs.

Le retard pris dans l'attribution par la loi de cette nouvelle compétence postale de la future ARCEP justifie cependant l'annulation de 600 000 euros (moitié au titre des frais de personnel, moitié au titre des frais de fonctionnement), qui a été opérée sur les crédits de 2004 par le décret n° 2004-962 du 9 septembre 2004, ainsi qu'un report sur l'année 2004, par gel et dégel, d'un crédit de 1 153 000 euros inscrits initialement dans la loi de finances pour 2003. (1)

·  Le Groupe des écoles des télécommunications (GET) continue à bénéficier d'un effort particulier. Après avoir vu sa subvention majorée d'environ un million d'euros dans chacun des budgets pour 2003 et pour 2004, elle est à nouveau majorée de 1,930 millions d'euros en 2005, ce qui correspond à une augmentation de 3,5 %.

Cependant les crédits de soutien à la recherche dans le secteur des télécommunications ne se limitent pas à cette dotation spécifique au GET. Ils englobent la totalité des fonds mis à la disposition du Réseau national de recherche en télécommunication (RNRT), qui regroupe depuis 1998 les efforts de recherche des principaux acteurs des télécommunications : laboratoires publics, équipementiers, opérateurs, pouvoirs publics. Il s'organise autour de 220 projets représentant un investissement cumulé de plus de 423 millions d'euros, dont 237 millions d'euros résultent d'un soutien des pouvoirs publics, apporté par le ministère de l'Industrie pour les projets pré-compétitifs, et par le ministère de la Recherche pour les projets exploratoires. Au total, l'apport nouveau de fonds publics a représenté 14 millions d'euros en 2003. Mais aucun appel à propositions n'a été lancé en 2004 du fait des contraintes budgétaires.

Les entreprises, tout en participant au RNRT, conduisent parallèlement leur propre effort de recherche et développement. L'IDATE, cabinet spécialisé dans les études sur le secteur des télécommunications, a estimé à 2,1 milliards d'euros cet effort en France en 2003 (1,5 pour les équipementiers et 0,6 pour les opérateurs). Les dotations publiques à la recherche ont donc un effet de levier important.

Pour sa part, France Télécom, depuis l'arrivée à sa tête fin 2002 de l'ingénieur Thierry Breton, amorce une relance de ses dépenses de recherche et développement, qui devraient représenter 1,3 % du chiffres d'affaires en 2004 contre 1,1 % en 2003.

·  Les autres crédits sont maintenus à leur niveau du budget pour 2004, notamment ceux du Médiateur du service universel postal, qui joue, au service de l'amélioration des prestations postales, un rôle pilote très utile dans l'attente de la mise en place législative du dispositif de régulation des activités postales prévu par le droit européen.

·  On peut observer que le montant total des crédits alloués au budget des télécommunications est du même ordre de grandeur que la principale contribution du secteur aux « voies et moyens » : il s'agit des recettes collectées par le canal des redevances d'usage des fréquences radioélectriques (ligne 339), dont le produit est évalué pour 2005 à 115 millions d'euros, après avoir représenté 100 millions d'euros en 2004. En 2003, l'ANFr avait recouvré environ 20 millions d'euros sur les réseaux indépendants, et l'ART presque 100 millions d'euros sur les opérateurs ouverts aux publics.

CRÉDITS DU BUDGET DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS

(en euros)

Chapitre

LF 2004

nouveau

PLF 2005

TELECOMMUNICATIONS

Agence nationale des fréquences

· Fonctionnement

36-10 (71)

28 430 000

-860 000

27 570 000

· Investissement (CP)

63-04

4 000 000

1 000 000

5 000 000

Autorités de régulation des télécommunications

· Fonctionnement

37-06

17 750 483

956 041

18 706 524

Groupe des écoles des télécommunications (GET)

· Fonctionnement

36-10 (72)

54 630 000

1 930 000

56 560 000

GET. Recherche

· Fonctionnement

36-10 (73)

37 350 000

37 350 000

Subventions à des organismes concourant à l'amélioration de l'environnement des entreprises 1

· Fonctionnement

44-80 (40)

52 442

52 442

TOTAL

142 212 925

3 026 041

145 238 966

POSTES

Médiateur du service postal

· Fonctionnement

34-98 (15)

244 898

244 898

Transport de presse : Industrie 2

· Fonctionnement

44-80 (60)

289 653 133

-113 653 133

176 000 000

Transport de presse : Premier ministre 3

· Fonctionnement

41-11 (40)

66 000 000

66 000 000

TOTAL

289 898 031

-47 653 133

242 244 898

CREDITS COMMUNS

Commission supérieure du service public des postes et télécommunications

· Fonctionnement

34-98 (33)

241 235

241 235

Subventions à des organismes publics et internationaux 4

· Fonctionnement

41-10 (40)

8 059 218

8 059 218

TOTAL GENERAL

440 411 409

-44 627 092

395 784 317

1 : part de ces subventions attribuées à l'Association française des utilisateurs de télécommunications.

2 : compensation des surcoûts de distribution dans les zones peu denses.

3 : aide à la diffusion postale des publications d'information politique et générale.

4 : en faveur de l'Union postale universelle, de l'Union internationale des télécommunications, de la Conférence européenne des postes et télécommunications, du Bureau européen des fréquences, de l'Institut européen des normes de télécommunications, de l'Office européen des télécommunications.

La mise en œuvre de la LOLF

Ce rapport pour avis sur le secteur des postes et des télécommunications est peut-être un des derniers du genre, puisque l'année prochaine le budget de l'Etat sera examiné suivant des découpages par programme, dans le cadre des « budgets opérationnels de programme », et qu'aucun programme ne coïncide avec ce secteur.

Ce qui s'appellera l'« action » relative au « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information » sera absorbé au sein du programme « Développement des entreprises » qui englobera aussi les suivis budgétaires de la politique de l'énergie, du développement des PME, de l'environnement des entreprises industrielles, de l'offre de formation aux entreprises, de l'accompagnement des mutations industrielles, et du développement international de l'économie française.

DÉVELOPPEMENT DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, DES POSTES
ET DE LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION
(présentation à titre indicatif selon la nomenclature LOLF)

2004

2005

AE

CP

AE

CP

Titre 2 : Personnel

260 935

260 935

198 111

198 111

Rémunérations d'activité

171 992

171 992

172 852

172 852

Cotisations et contributions sociales

83 530

83 530

19 811

19 811

Prestations sociales et alloc.diverses

5 413

5 413

5 448

5 448

Titre 3 : Fonctionnement

29 732 898

32 674 898

27 814 898

32 814 898

Dép. autres que celles de personnel

244 898

244 898

244 898

244 898

Subv. pour charges de service public

29 488 000

32 430 000

27 570 000

32 570 000

Titre 6 : Intervention

297 712 351

297 712 351

185 859 218

185 859 218

Transferts aux entreprises

289 653 133

289 653 133

176 000 000

176 000 000

Transferts aux autres collectivités

8 059 218

8 059 218

9 859 218

9 859 218

TOTAL

327 706 184

330 648 184

213 872 227

218 872 227

AE : Autorisations d'engagement ; CP : Crédits de paiement.

La déclinaison des programmes en « budgets opérationnels », comportant des objectifs et des indicateurs, encore en phase d'étude au sein des services, devrait être arrêtée pour la fin de l'année 2004.

Néanmoins, la dimension stratégique de ces deux secteurs conduira peut-être à maintenir un avis de la commission des affaires économiques sur les crédits de l'« action » relative au « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information », dans la mesure où un tel avis budgétaire fournit l'occasion, à échéance régulière, d'assurer un utile suivi d'ordre politique des évolutions en cours, complémentaire des bilans annuels effectués par les institutions à vocation plus technique, et mettant éventuellement le Parlement en situation d'alerter le Gouvernement sur des problèmes importants.

Les actions en cours

L'existence d'« effets de levier » conduit à ce que le budget des postes et télécommunications ne renvoie qu'une image assez imparfaite de la politique gouvernementale dans les deux secteurs concernés, car celle-ci passe principalement par des actions de coordination et d'incitation, comme c'est le cas dans le domaine du traitement de la fracture numérique, ou encore par des canaux n'ayant aucune incidence financière, comme cela a été le cas pour le redressement de France Télécom, la contribution budgétaire en la matière correspondant uniquement à l'adoption législative de l'article 80 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002, qui a accordé la garantie de l'Etat à l'emprunt de 9 milliards d'euros contracté par l'ERAP pour participer à l'augmentation de capital de l'opérateur, le 24 mars 2003.

Au cours des deux précédentes années, l'action gouvernementale dans les secteurs des postes et des télécommunications s'est trouvée confrontée à des urgences, dont le point d'application s'est cependant déplacé :

- à l'automne 2002, l'urgence concernait l'opérateur dans le secteur des télécommunications, puisque France Télécom était en grande difficulté financière, et la régulation dans le secteur postal, du fait de l'exigence communautaire de la mise en place d'un régulateur ;

- à l'automne 2003, au contraire, la situation de France Télécom s'étant redressée et la démarche législative d'instauration d'une régulation des activités postales ayant été engagée au Sénat, elle concernait la régulation dans le secteur des télécommunications, avec l'obligation de la transposition du « paquet télécoms », et l'opérateur dans le secteur postal, dont l'avenir semblait problématique au point de rendre incertain l'aboutissement de la négociation devant permettre d'élaborer un nouveau contrat de plan avec l'Etat.

A l'automne 2004, les tensions se sont estompées dans le secteur des télécommunications alors qu'elles se sont avivées dans le secteur des postes, pour ce qui concerne aussi bien la régulation que l'opérateur.

·  En effet, le secteur des télécommunications dispose désormais d'un cadre législatif de régulation conforme au droit communautaire, puisque les trois lois devant permettre la mise à jour de ce cadre ont été publiées. Il s'agit de :

- la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, qui a réorganisé les conditions de fonctionnement du service universel des télécommunications, et a rendu possible la privatisation de France Télécom ;

- la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, qui a créé le concept de « communications électroniques », et réformé le jeu des règles s'imposant aux opérateurs en vertu de la transposition du « paquet télécoms » européen ;

- la loi pour la confiance dans l'économie numérique, qui a regroupé tout un ensemble d'évolutions législatives touchant au développement de l'usage des communications électroniques, aussi bien en ce qui concerne l'Internet que la téléphonie mobile.

Désormais, la mise en œuvre de ce nouveau cadre normatif dépend de la publication des décrets prévus.

Dix-sept décrets d'application de la loi du 31 décembre 2003 sur le « statut de France Télécom » sont d'ores et déjà parus ; le projet de décret relatif au service universel (composantes et modalités de calcul du coût et des contributions) a fait l'objet des consultations obligatoires en juin dernier, puis a été soumis au Conseil d'Etat. Une consultation publique sur neuf des quatorze décrets d'application de la loi du 9 juillet 2004 sur les « communications électroniques » a eu lieu en septembre, et les projets ont déjà été soumis à différentes instances techniques consultatives. Les quatorze décrets d'application de la loi du 21 juin sur « l'économie numérique », dont la mise au point suppose un travail interministériel complexe, car ils ne relèvent pas de la compétence exclusive du ministère de l'industrie, en sont encore au stade de l'élaboration.

·  L'opérateur historique des télécommunications, sous la direction tout à fait remarquable de M. Thierry Breton, a par ailleurs poursuivi son redressement, puisqu'avec un chiffre d'affaires consolidé de 46,1 milliards d'euros en 2003, en légère baisse de 1 %, il a dégagé un résultat d'exploitation de 9,5 milliards d'euros en hausse de 40 % par rapport à celui de 2002. Sa dette financière nette, qui avait culminé à 68 milliards d'euros au 31 décembre 2002, a été ramenée au 31 décembre 2003 à 44 milliards d'euros.

Cette situation financière a même semblé assez bonne d'abord pour que l'opérateur procède à l'intégration totale de ses filiales Orange (en décembre 2003) et Wanadoo (en février 2004), ensuite pour que l'Etat mette en œuvre le processus de transfert du groupe au secteur privé rendu possible par la loi du 31 décembre 2003.

Ce transfert a été autorisé par le décret n° 2004-387 du 3 mai 2004. Il a porté, le 1er septembre 2004, sur 10,85% du capital de France Télécom. A son issue, l'Etat détient désormais, directement et indirectement (via l'ERAP), 42,25 % du capital de France Télécom.

Ce transfert au secteur privé va accroître les marges de manœuvre de l'entreprise pour s'adapter aux évolutions futures des marchés des télécommunications, puisque, dans cette perspective, elle pourra compter sur un capital plus flexible et une base d'investisseurs élargie. L'opération a rapporté 5,1 milliards d'euros qui ont été affectés au désendettement des administrations publiques.

·  Ce passage à un régime de croisière dans le secteur des télécommunications fait contraste avec l'accumulation des tensions dans le secteur postal, où l'institution du dispositif de régulation exigée par le droit européen, ainsi que l'établissement des remèdes aux difficultés structurelles de La Poste mis en évidence par le contrat « de performances et de convergences » pour les années 2003-2007, signé le 13 janvier 2004 avec l'Etat, se font attendre en raison du délai d'adoption du projet de loi relatif à la régulation des activités postales, qui a fait l'objet d'une première lecture en janvier 2004 au Sénat. Ce texte reste en effet en instance de discussion devant l'Assemblée nationale, la date d'examen étant repoussé de mois en mois.

Ainsi que l'illustrait le titre du rapport d'information du sénateur Gérard Larcher en juin 2003, « La Poste : le temps de la dernière chance », La Poste a vitalement besoin des adaptations juridiques devant lui permettre de continuer à assumer ses missions d'intérêt général tout en rattrapant son retard de performance sur ses deux grandes concurrentes allemande (Deutsche Post) et hollandaise (TPG). Le rapport de la Cour des comptes sur « Les comptes et la gestion de la Poste de 1991 à 2002 », paru en octobre 2003, a mis en évidence un net retard de compétitivité, mais aussi de véritables handicaps structurels face à la concurrence, résultant de l'insuffisante compensation par l'Etat de plusieurs charges très lourdes qui sont imposées à la Poste au nom de l'intérêt général. Cette insuffisante compensation a également été pointée par le rapport de juillet 2003 de nos collègues Philippe Douste-Blazy et Michel Diefenbacher, présenté à l'issue des travaux de la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques.

La demande récente de La Poste faite au ministre délégué à l'Industrie en vue de pouvoir relever le prix du timbre de cinq centimes à compter du 1er février 2005 s'inscrit dans cette démarche de rattrapage, dans la mesure où le tarif français du service postal de base est resté depuis une dizaine d'années sensiblement inférieur au niveau moyen du tarif de base dans les pays de la Communauté européenne, créant à la longue un lourd différentiel au niveau de la capacité à dégager des marges d'autofinancement.

Le tarif moyen dans les pays de la Communauté européenne se situe en effet à 0,53 euro. L'ajustement souhaité à 0,55 euro se justifie par des contraintes géographiques particulières, liées notamment à l'étendue des zones à faible densité, qui sont génératrices de coûts d'exploitation supplémentaires.

Le contrat « de performances et de convergences » prévoit d'ailleurs que « La Poste procède aux ajustement tarifaires rendus nécessaires par l'ouverture du marché des envois postaux et par l'adaptation de la structure tarifaire à ses coûts ». La dernière hausse tarifaire date du 1er juin 2003, et avait porté le prix du timbre pour la lettre de moins de 20 grammes de 0,46 à 0,50 euro.

La création d'une filiale ayant le statut d'établissement de crédit et reprenant toutes les activités financières de La Poste, élargies pour l'occasion au crédit immobilier sans épargne préalable, fait partie des mesures préconisées par le contrat de « de performances et de convergences » pour consolider la situation de La Poste, consolidation qui paraît indispensable pour qu'elle puisse continuer à assumer ses missions de présence territoriale et d'accès social aux services financiers.

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Ce rapport est donc l'occasion, s'agissant du secteur des télécommunications, de faire un bilan de l'évolution du cadre législatif et d'apprécier les premières retombées pratiques de ces évolutions, notamment s'agissant de la résorption de la fracture numérique, et pour ce qui concerne le secteur postal, de présenter les principaux points appelant des adaptations urgentes, ainsi que les solutions passant par l'adoption du projet de loi relatif à la régulation des activités postales.

Un noyau administratif efficace et réactif est indispensable pour piloter les mutations en cours, et une mobilisation souple et ciblée des instruments budgétaires limités mis au service des deux secteurs des postes et des télécommunications reste donc plus que jamais d'actualité.

LE SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Le secteur des télécommunications a été soumis au cours des derniers mois à un double changement : le premier est d'ordre institutionnel, et lié à la mise en place d'un cadre de régulation plus souple ; le second est lié à l'arrivée sur le marché d'une offre technologique nouvelle, en gestation depuis plusieurs années, dont les caractéristiques donnent tout son sens au cadre réglementaire nouveau.

Dans ce contexte renouvelé, les instruments de la réduction de la fracture numérique territoriale se sont multipliés, l'entreprise publique France Télécom étant ainsi incitée à renforcer son offre pour une meilleure couverture géographique des raccordements à haut débit.

I.- UN DOUBLE CHANGEMENT SYNCHRONISÉ

Le droit des télécommunications n'a cessé d'évoluer depuis le début des années quatre-vingt-dix pour s'adapter à la réalité technologique en évolution très rapide de ce secteur. La loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 avait organisé la libéralisation au 1er janvier 1998 d'un ensemble assez disparate de techniques de pure télécommunication, au sein duquel la téléphonie fixe conservait une place prépondérante. Trois lois successives adoptées entre décembre 2003 et juillet 2004 ont remodelé ce paysage réglementaire afin de l'adapter, d'une part, au processus de convergence des technologies, qui permet aujourd'hui le passage sur un même support de signaux de télécommunication et de signaux de communication audiovisuelle, et d'autre part, à la place croissance qu'occupent les communications électroniques dans la vie quotidienne.

A.- LE CHANGEMENT RÉGLEMENTAIRE

A la faveur de la transposition de directives européennes qui ont su anticiper au bon moment les évolutions fondamentales à l'œuvre dans le secteur des télécommunications, trois lois ont récemment adapté les règles encadrant l'activité des opérateurs et la fonction de régulation.

1. Un régime plus souple d'une portée plus large

Le code des postes et des communications électroniques tel qu'il résulte des modifications apportées par la transposition du « paquet télécoms » définit un régime plus souple pour les opérateurs, mais étend en même temps sa portée à des univers techniques englobés dans une approche nouvelle des télécommunications.

a) L'assouplissement du régime

L'allégement des contraintes imposées aux opérateurs, dans une perspective d'ouverture des marchés et de renforcement de la concurrence, s'est effectué dans le cadre de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle ; il s'agit là d'une dimension essentielle du nouveau cadre juridique des télécommunications. Cet allègement normatif prend la forme emblématique de deux dispositions : la suppression de l'autorisation préalable, et la mise en place de la procédure dite « des marchés pertinents ».

·  La disparition du régime d'autorisation préalable pour les opérateurs résulte de la transposition de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive dite « autorisation »).

Il lui est substitué un régime de simple déclaration préalable auprès de l'autorité de régulation (article L. 33-1 du code des P&T).

Cette suppression de l'autorisation ne souffre d'exception que dans deux cas, correspondant à l'utilisation de « ressources rares » : ceux du recours à des fréquences radioélectriques (en téléphonie mobile) ou à des numéros d'appel. Conformément aux règles attachées à l'occupation du domaine public, l'octroi de ces autorisations ne vaut que pour une période donnée, et demeure subordonné au versement d'une redevance.

La loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 a prévu la liste fermée des seules conditions dont peut être assorti l'exercice de l'activité d'opérateur, au titre du respect d'« exigences essentielles », comme la confidentialité des messages, la sécurité des transmissions, l'interopérabilité des services, la gratuité de l'acheminement des appels d'urgence.

Les articles L. 42-1 et L. 44 du code des P&T établissent également la liste fermée des conditions spécifiques d'utilisation associées par ailleurs, de manière spécifique, à l'octroi de fréquences ou de numéros : limitation des brouillages et de l'exposition du public, pour les fréquences ; respect des prescriptions relatives à la portabilité, pour les numéros.

·  La procédure des « marchés pertinents » constitue une innovation juridique tout à fait originale du « paquet télécoms », et plus particulièrement de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive dite « cadre »). Elle consiste à confier au régulateur sectoriel le soin d'organiser la transition progressive vers l'application du droit commun de la concurrence, à mesure que les marchés deviennent concurrentiels. Le dispositif de contrôle peut ainsi s'ajuster de manière dynamique à la réalité des différentes composantes du marché.

Le régulateur décompose le secteur des télécommunications en « marchés pertinents » pour y apprécier l'état de la concurrence et limiter son contrôle a priori aux seuls cas où des déséquilibres forts entre opérateurs sont constatés : lorsqu'un marché est identifié comme concurrentiel, les litiges auxquels il donnera lieu ne doivent plus ensuite relever que du seul Conseil de la concurrence.

C'est là une manière de prendre en compte la vitesse des évolutions technologiques, que les modes classiques de production des normes, lois ou décrets, soumis à des procédures d'élaboration complexes, ne permettent pas toujours de suivre avec suffisamment de souplesse.

Globalement, la procédure des « marchés pertinents » s'inscrit dans une perspective d'assouplissement liée à la fin progressive de la perception des télécommunications comme formant un secteur économique spécial du point de vue des mécanismes de la concurrence.

b) L'élargissement du champ d'application

Le « paquet télécoms » a prévu que le régime plus souple qu'il instituait devait en même temps s'appliquer à un ensemble plus large d'opérateurs, relevant aussi bien du secteur de l'audiovisuel que de celui de l'Internet.

·  La loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 précitée a concrétisé juridiquement l'idée sous-jacente au « paquet télécoms » que désormais les supports de télécommunications devraient bénéficier du même régime quelle que soit l'utilisation qui en serait faite : c'est là la prise en compte du phénomène de « convergence » technologique, favorisé par les progrès de la numérisation.

A une logique de régulation par type de contenu transporté se trouve ainsi substituée une logique de régulation disjointe du contenu et du support.

La création en droit du concept de « communication électronique » marque cette volonté de conférer une dimension transversale au régime juridique des opérateurs.

Le secteur concerné au premier chef par ce nouveau découpage juridique est celui de l'audiovisuel, qui régulait ses supports de façon spécifique dans le cadre de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Ce n'est donc pas un hasard si la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 visait aussi, en son titre II, les « services de communication audiovisuelle », puisqu'il était dès lors nécessaire de modifier toutes les dispositions de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 touchant à la régulation des supports, pour en réajuster le dispositif sur la seule régulation des services transportés.

La mise en œuvre de ce principe de neutralité technologique permettra en particulier au secteur du câble de se trouver placé à égalité de concurrence avec les autres supports de diffusion de l'information, alors qu'il faisait jusque là l'objet de règles spécifiques.

·  L'autre secteur qui a été amené à réorganiser son régime juridique dans la logique de la « convergence » est celui de l'Internet. C'est là l'œuvre de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique qui apparaît de ce point de vue comme complémentaire à la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 précitée.

Auparavant, les opérateurs de l'Internet, fournisseurs d'accès et hébergeurs, voire intermédiaires techniques, étaient placés dans un contexte juridique ambigu. D'une part, ils étaient définis dans le cadre de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, au chapitre VI du titre II, chapitre relatif aux « services de communication en ligne autres que de correspondance privée », ce qui les plaçait implicitement sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel. D'autre part, notamment en vertu de l'ancien article L. 32-3-1 qui les visait explicitement (2), ils relevaient du code des postes et des télécommunications, et donc de l'Autorité de régulation des télécommunications, pour ce qui concernait par exemple la contribution au service universel des télécommunications.

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique a clarifié cette situation, puisqu'elle a abrogé le chapitre VI du titre II de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, et repris à son compte la définition des opérateurs de l'Internet, ainsi que de l'Internet lui-même, en se constituant ainsi comme une loi fondatrice nouvelle pour ce mode de communication électronique particulier.

Elle établit de manière claire les conditions d'application du principe de convergence à l'Internet :

- d'une part, la définition qu'elle retient pour l'Internet, sous la désignation de « communication au public en ligne », en fait un « procédé de communication électronique », relevant par conséquent, en tant que « support », du code des postes et des communications électroniques ;

- d'autre part, la définition de la « communication audiovisuelle » qu'elle insère dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, a pour effet d'établir que toute diffusion sur Internet d'un service de communication audiovisuelle relève du régime, placé sous le contrôle du CSA, de ce type particulier de « contenu ».

La diffusion sur Internet des « contenus » qui ne relèvent pas de la « communication audiovisuelle », c'est-à-dire en pratique des écrits éventuellement enrichis d'illustrations ou d'images fixes, qui constituent la part largement prépondérante de l'information mise en ligne, se trouve ainsi soumise à l'ensemble des règles du droit commun, ainsi qu'aux prescriptions particulières de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, sans qu'aucune disposition spécifique de la loi du 30 septembre 1986 puisse leur être applicable.

Les prescriptions particulières de la loi pour la confiance dans l'économie numérique concernent par exemple les conditions de la responsabilité des intermédiaires techniques en cas de diffusion de contenus illicites, ou les obligations de publication d'informations auxquelles ils sont astreints.

Ainsi, de la même façon que la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques a unifié le régime du « support», quel que soit le « contenu » transporté, la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique a unifié le régime de la « communication audiovisuelle », quel que soit le « support » utilisé.

L'architecture ainsi créée a libéré un espace pour un droit autonome de l'Internet venant, à l'instar du droit de l'audiovisuel, compléter le droit commun, car tout droit spécifique ne se justifie que par un besoin de compenser certaines insuffisances du droit commun, mais tout en restant disjoint du droit de l'audiovisuel.

2. Le repositionnement de la fonction de régulation

Le droit issu du « paquet télécoms » accorde une place plus importante qu'auparavant à l'autorité de régulation, qui définit son propre champ d'intervention à travers l'analyse des « marchés pertinents », et dispose de moyens juridiques renforcés pour recueillir des informations et faire appliquer ses décisions. Cette consolidation est plus particulièrement évidente s'agissant des outils de contrôle des opérateurs dits « puissants ». En contrepartie de cette évolution, le législateur a eu le souci de recaler la fonction de régulation par rapport à ses objectifs fondamentaux, vis-à-vis en particulier de la satisfaction du consommateur final, afin que celle-ci ne soit pas traitée exclusivement comme un produit secondaire de la concurrence.

a) La renforcement du contrôle des opérateurs puissants

La loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques a doté l'autorité de régulation d'une panoplie très large d'outils pour le contrôle des opérateurs puissants, et lui a fourni aussi des instruments lui permettant de vérifier l'application de ses décisions. Le législateur a cependant veillé à ce que ces moyens ne soient pas utilisés à gêner l'innovation technologique.

·  Vis-à-vis des opérateurs qu'elle a identifiés comme « puissants », juridiquement définis par le code des postes et des communications électroniques comme « exerçant une influence significative sur un marché », l'autorité de régulation est mise à même de disposer, en vertu des articles L. 38 et L. 38-1 de ce code, de toute une palette d'obligations qu'elle peut imposer, sur les marchés de gros comme sur les marchés de détail.

S'agissant des marchés de gros, ces obligations définies par l'article L. 38 visent essentiellement à préserver les conditions d'interconnexion et d'accès, et permettent, le cas échéant, de contraindre les opérateurs puissants à publier des offres techniques et tarifaires détaillées d'interconnexion ou d'accès (dont l'autorité de régulation peut d'ailleurs imposer des modifications), à fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires, à faire droit à des demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés, à se voir interdire de pratiquer des tarifs ne reflétant pas les coûts correspondants, ou à isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès.

C'est dans le cadre de ces obligations sur les marchés de gros, dont la mise en œuvre est conditionnée par une analyse préalable de marché, que doit s'inscrire notamment le traitement de la question de la « revente de l'abonnement », revendication majeure des opérateurs alternatifs qui tiennent à pouvoir proposer un service complet à leurs clients, faisant disparaître le maintien d'une facturation à part, par France Télécom, de l'abonnement d'utilisation du réseau de téléphonie fixe.

S'agissant des marchés de détail, les obligations pouvant être imposées aux opérateurs puissants sont énumérées par l'article L. 18-1, et conduisent, si elles sont mises en œuvre, à leur interdire de fournir des prestations de façon discriminatoire, de proposer des offres abusivement couplées, de pratiquer des tarifs ne reflétant pas les coûts correspondants. Elles peuvent conduire également à leur imposer le respect d'un encadrement pluriannuel des tarifs, ou aussi un contrôle préalable sur les nouveaux tarifs, l'autorité de régulation ayant alors un droit d'opposition sur décision motivée.

Le nouveau cadre normatif ainsi défini met explicitement l'accent sur la régulation des marchés de gros, le contrôle des marchés de détail n'intervenant qu'en deuxième instance. Ainsi, le contrôle a priori des tarifs de détail aura vocation à être significativement allégé dans le temps au profit d'un contrôle a posteriori au travers du droit commun de la concurrence.

Cette palette d'outils juridiques d'encadrement s'accompagne de dispositions devant assurer leur efficacité. Ainsi l'autorité de régulation peut assortir sa décision d'imposer une obligation à un opérateur puissant, de la contrainte supplémentaire de tenir une comptabilité des services et des activités qui permettent de vérifier le respect de cette obligation. En outre, la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004, en modifiant l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, a conféré à l'autorité le droit de prendre des mesures conservatoires en cas d'urgence, ou en cas de défaut de respect d'une décision, de demander au juge (en l'occurrence, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat statuant en référé) une condamnation à des astreintes. Il s'agit là d'un alignement sur la batterie des moyens de contrôle d'ores et déjà mis, en France, à la disposition de la Commission de régulation de l'énergie.

Le recours à ses divers moyens de contrôle demeure cependant encadré à l'échelle communautaire, puisque l'autorité de régulation française doit accomplir sa mission en coordination avec les régulateurs des autres pays membres, et sous le contrôle de la Commission européenne.

·  Le débat parlementaire relatif à la transposition du « paquet télécoms » a soulevé la question des conditions dans lesquelles le contrôle de l'autorité de régulation pouvait s'exercer en cas d'innovation technologique.

Une innovation technologique ayant par nature un impact déséquilibrant sur le marché, puisqu'elle détourne plus ou moins vers elle, par un effet de substitution, la demande adressée aux produits classiques, il existe un risque qu'elle déclenche la mise en œuvre de certaines procédures prévues pour contrôler un comportement trop agressif des opérateurs puissants.

A cet égard, la recommandation de la commission du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante, a indiqué dans son considérant 15 : « les marchés nouveaux et émergents, sur lesquels des entreprises peuvent être puissantes grâce aux «avantages du précurseur», ne devraient pas être soumis en principe à une réglementation ex ante. »

Le législateur a donc été amené à donner une traduction juridique de cette nuance introduite par l'expression « en principe », en prévoyant que les opérateurs intervenant sur les marchés émergents ne sont pas susceptibles de faire l'objet des dispositions relatives aux opérateurs puissants, sauf si cette absence de régulation porte atteinte aux objectifs fondamentaux assignés par l'article L. 32-1 à la régulation (maintien du service universel, exercice de la concurrence au bénéfice des consommateurs, développement du marché, etc.).

Si néanmoins des mesures de contrôle devenaient indispensables, l'autorité de régulation ne pourrait les décider que par une décision dûment motivée « indiquant au cas par cas ceux des objectifs auxquels il est porté atteinte, et justifiant l'adéquation des obligations imposées » (paragraphe II de l'article L. 38-1 du code des P&T).

b) L'accent mis sur la satisfaction du consommateur final

La réorganisation du droit des télécommunications a fourni l'occasion de prendre en compte une dimension jusque là un peu oubliée dans la fonction de régulation, à savoir la satisfaction du consommateur final. Indépendamment du service universel, qui organise par ailleurs la couverture des besoins fondamentaux de la population, il s'agit pourtant là d'une justification fondamentale de la concurrence.

Les prescriptions de la loi relativement à cette dimension de la concurrence ont été enrichies de quelques dispositions très ciblées, mais fortement symboliques. Par ailleurs, le Parlement s'est doté de nouveaux moyens de contrôle lui permettant de se constituer en gardien de cette conception d'une concurrence à finalité humaine.

·  Dans son organisation générale, le dispositif de régulation du secteur des télécommunications vise pour l'essentiel les opérateurs et leurs comportements industriels, sans se référer directement à la satisfaction du consommateur final. Celle-ci est considérée comme découlant implicitement du bon fonctionnement de la concurrence, selon la logique à l'œuvre dans le modèle classique de marché.

Quelques dispositions du code des postes et des communications électroniques, mises à jour par les lois récentes, rappellent néanmoins que certains objectifs de bien-être des consommateurs doivent guider la régulation du marché.

L'article L. 32-1, modifié par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques, indique que les deux autorités réglementaires concernées, à savoir le ministre chargé des communications électroniques et l'autorité de régulation, doivent veiller notamment à ce que leurs décisions respectent :

- « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques » ;

- le « secret des correspondances » et le « principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis », ainsi que « la protection des données à caractère personnel » ;

- « la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements ».

Aux marges de la régulation des télécommunications proprement dite, la même loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004, et la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ont de même, aux articles L. 34 et L. 33-4-1 du code des postes et des communications électroniques, adapté le régime de la protection des données personnelles, et celui de la prospection directe en mettant en œuvre notamment le principe du consentement préalable, respectivement pour la constitution d'annuaires de téléphonie mobile et la sollicitation commerciale en ligne des personnes physiques.

Mais, au-delà de l'affirmation de principes généraux, ou du renforcement des dispositifs protecteurs de la vie privée, le souhait que la régulation veille effectivement à ce que la concurrence s'exerce « au bénéfice des utilisateurs », ont conduit les évolutions récentes de la législation des télécommunications à faire une place à des dispositions de nature plus spécifiquement sociale.

L'occasion en a été donnée par le besoin de répondre à certaines préoccupations des consommateurs modestes concernant l'utilisation de la téléphonie mobile :

- la première de ces préoccupations concerne les modes de facturation des services de téléphonie mobile. Celles-ci prennent des formes très disparates, entre les cartes prépayées et les divers forfaits disponibles, ce qui rend difficile pour le consommateur d'effectuer une comparaison entre les offres proposées. Par ailleurs les cartes prépayées, très largement utilisées par les personnes en difficulté, qui n'ont pas toujours un lieu de résidence permanent, ou qui n'ont pas les moyens de supporter le coût récurrent de l'abonnement d'un téléphone fixe, sont en outre présentées comme offrant une durée de communication différente de la durée effective, puisque le décompte intègre les frais de connexion de chaque appel.

La loi pour la confiance dans l'économie numérique, en créant l'article L. 113-4 du code de la consommation, a imposé aux opérateurs de tenir à la disposition de tous leurs clients une proposition de contrat reposant sur une facturation à la seconde, de manière à assurer une meilleure comparabilité des offres concurrentes. Elle a imposé aussi que les dispositifs de règlement prépayé fassent désormais l'objet d'un décomptage à la seconde, « dès la première seconde » ;

- la seconde préoccupation concerne la facturation des numéros spéciaux de type « 0800 ». Il s'agit de services gratuits pour l'appelant, dont le coût est en fait supporté par l'appelé, qui cherche ainsi à faciliter l'établissement du contact avec ses usagers. Des services sociaux offrent notamment par ce canal des services gratuits d'assistance ou d'orientation.

La difficulté vient de ce que la gratuité, dans ces dispositifs de numéros spéciaux, ne valait jusque là que pour des appels en téléphonie fixe. Cette limitation résulte de ce que les appels depuis des téléphones mobiles, du fait des frais d'interconnexion, coûtent plus chers que les appels en téléphonie fixe, voire occasionnent des dépenses particulièrement lourdes en cas de communication depuis l'étranger ; l'offreur du service sur numéro spécial risquerait donc de voir fortement augmenter sa charge budgétaire de maintien de la gratuité, si celle-ci était étendue brusquement, au risque même de ne plus avoir les moyens d'offrir son service.

Pour tenir compte de cette dimension du problème, la loi pour la confiance dans l'économie numérique, en son article 55, a décidé l'instauration, à destination exclusive des services sociaux, d'une tranche de numéros spéciaux pouvant assurer la gratuité d'appel aussi bien en téléphonie mobile qu'en téléphonie fixe. La prise en charge en est partagée entre opérateurs et fournisseurs de services, selon des principes définis par l'Autorité de régulation des télécommunications à l'issue d'une consultation publique.

Ces deux dispositions emblématiques n'ont été finalement inscrites dans la loi pour la confiance dans l'économie numérique qu'après un large débat qui s'est déroulé aussi pour partie au cours de la discussion de la loi relative aux communications électroniques. Elles n'ont donc rien d'anecdotique, et traduisent au contraire une ferme volonté du législateur d'infléchir le dispositif de régulation pour assurer le bénéfice de la concurrence sur le marché des télécommunications au plus grand nombre.

·  En complément de ces dispositions ciblées donnant au régulateur les moyens de résorber des difficultés identifiées, le législateur a renforcé ses instruments d'évaluation de l'action de régulation, à trois niveaux :

- d'abord, par l'obligation qui est faite à l'autorité de régulation de produire un bilan des mesures qu'elle a antérieurement prises sur les segments concernés, chaque fois qu'elle lance une nouvelle analyse de marché ;

- ensuite, par l'intégration d'une évaluation de l'action de l'autorité de régulation, dans le rapport annuel de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques ;

- enfin, et surtout, par l'introduction de la possibilité pour une commission permanente du Parlement de lui demander, dans le cadre d'une audition, de rendre compte de son action de façon précise, en fonction des objectifs de la régulation (ceux définis par l'article L. 32-1 du code des P&T).

Ce renforcement des moyens de supervision du Parlement vise, sans porter atteinte à l'indépendance de l'autorité de régulation, à vérifier que la régulation intègre bien la finalité du bien-être collectif. Les analyses produites dans ce cadre devraient faciliter la mise en évidence d'éventuels décalages entre les progrès effectués dans l'organisation du marché et les attentes des consommateurs finals. L'autorité de régulation devrait disposer, en retour, de plus d'informations sur la manière de définir, au mieux de l'intérêt national, les priorités de son action, quitte à ce qu'elle fasse connaître le cas échéant les limites de ses moyens juridiques d'intervention relativement à certaines questions.

Ce dispositif de guidage répond à un besoin inhérent à la structure oligopolistique du marché des télécommunications. En effet, les instruments habituels de mesure de la concurrence, qui sont calés sur le modèle théorique du marché dit de « concurrence pure et parfaite », bien adapté au cas d'une myriade de producteurs offrant un produit identique, fonctionnent mal dans le cas d'un marché réduit à un petit nombre d'opérateurs, qui rend possible des stratégies d'entente « informelle » entre les entreprises.

Cette situation d'entente « informelle » est illustrée par le schéma dit de « la courbe de la demande coudée » que l'on peut décrire ainsi : l'offre cumulée des entreprises se cale, comme s'il s'agissait de l'offre d'une seule entreprise en monopole, au niveau où le coût marginal égale le prix marginal, c'est-à-dire à un niveau inférieur à celui que permettrait une parfaite concurrence ; mais aucune entreprise n'a intérêt à engager une guerre sur le prix pour augmenter son offre, car sitôt que l'une baisserait son prix, les autres ne pourraient que suivre pour protéger leur part de marché, et celle qui aurait baissé la première ne pourrait donc retrouver, au niveau des quantités vendues, la compensation du sacrifice qu'elle aurait initialement consenti au niveau du prix ; au terme de la guerre, toutes se retrouveraient in fine avec la même part de marché, avec un prix plus bas, donc perdantes. En conséquence, la diminution d'offre liée à l'écart entre l'équilibre d'entente « informelle » et l'équilibre de concurrence parfaite perdure, comme perdure la frustration du consommateur qui résulte de cette offre moindre.

Les comparaisons internationales s'agissant des télécommunications n'ont par ailleurs, en raison de la différence des environnements économiques nationaux, qu'une valeur très relative, dès lors qu'il s'agit de constater autre chose que des retards technologiques ou des écarts de prix importants.

Il faut donc que le régulateur puisse disposer d'autres guides de son action que les indicateurs théoriques, et c'est cette forme d'aide au pilotage que peut lui apporter occasionnellement le Parlement, les élus étant à même de connaître les attentes insatisfaites des consommateurs dans leur circonscription.

Le mécanisme de remontée d'informations ainsi institué a d'autant plus de pertinence qu'il s'enrichit implicitement d'un filtrage écartant les demandes aberrantes, puisque le Parlement module les revendications initiales des consommateurs.

Les mécanismes de supervision institués par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques marquent donc une volonté du législateur d'infléchir le positionnement de l'autorité de régulation : en la plaçant, d'une certaine manière, dans la mouvance du Parlement, il renforce la légitimité de cette autorité tout en la mettant en situation de mieux prendre en compte la satisfaction finale des consommateurs.

Cette inflexion institutionnelle crée l'embryon d'une conception nouvelle de l'indépendance de l'autorité de régulation, rapprochant celle-ci du modèle de la Federal Communications Commission, « agence » indépendante certes du Gouvernement, mais directement responsable devant le Congrès des Etats-Unis.

La réforme du collège de l'autorité de régulation qui a été engagée dans le cadre du projet de loi relatif à la régulation des activités postales, le nombre de ses membres étant augmenté de cinq à six en contrepartie de l'extension de l'activité de l'autorité au secteur postal, irait dans le même sens, puisque les personnalités désignées par les présidents des deux chambres du Parlement, quatre au total, y deviendraient majoritaires.

Une telle évolution ne serait pas contraire au droit européen, qui met l'accent sur l'indépendance par rapport aux opérateurs, et plus particulièrement par rapport aux opérateurs publics, et donc à la tutelle gouvernementale, dont l'autorité de régulation doit être « juridiquement distincte et fonctionnellement indépendante » (article 3 de la directive 2002/31/CE, dite directive « cadre », pour les communications électroniques, et article 22 de la directive 97/67/CE pour les postes).

B.- LE CHANGEMENT TECHNOLOGIQUE

L'évolution du cadre normatif du secteur des télécommunications est intervenue au moment même où ont émergé de nouvelles offres technologiques illustrant le phénomène de « convergence » conduisant à la diffusion de services audiovisuels sur des supports techniques utilisés jusque là pour transporter les signaux élémentaires de la voix et des données. Cette évolution a concerné aussi bien la téléphonie fixe que la téléphonie mobile.

1. La recomposition de l'offre en téléphonie fixe

Les progrès technologiques, en matière de compression de données notamment, ont transformé les lignes classiques de téléphonie fixe en véritables réseaux informatiques numériques, capables de transporter des informations complexes, au nombre desquelles figurent désormais des services de télévision. Parallèlement, le développement des réseaux informatiques a permis l'émergence de la téléphonie sur IP.

a) La télévision sur ADSL

L'apparition de la télévision sur les liaisons Internet à haut débit intervient dans le cadre de l'effort des fournisseurs d'accès Internet pour enrayer la baisse du chiffre d'affaires par abonné, mais constitue aussi un moyen pour les opérateurs de téléphonie fixe de valoriser leur réseau.

En raison de l'intensité de la concurrence, une baisse très sensible des prix d'accès à Internet est intervenue au cours des derniers mois, que l'IDATE, pour les cinq pays suivants : l'Allemagne, l'Espagne, la France, l'Italie, et le Royaume-Uni, évalue à 25 % entre juin 2003 et juin 2004. Cette baisse de prix entraînerait en tendance une baisse du chiffre d'affaires par utilisateur de 6 % par an d'ici 2008, que l'augmentation de l'offre de services, dont la télévision, permettrait de limiter à 3 % par an. Par ailleurs, cette amélioration de l'offre devrait augmenter la base des abonnés.

Par ailleurs, les opérateurs de réseaux classiques de téléphonie fixe sont confrontés à une baisse des revenus dans ce segment d'activité, puisque le trafic correspondant connaît depuis plusieurs années un fort ralentissement, voire une diminution. En France, l'ART a mis en évidence un recul du volume des communications au départ du téléphone fixe de l'ordre de 5 % par an en 2002 et 2003. Le recul touche également de plus en plus les bases d'abonnés, sous l'effet de la substitution au profit de la téléphonie mobile : ce phénomène, sensible en Amérique du Nord et Europe de l'Ouest, s'observe également dans des pays émergents. En Europe de l'Est notamment, le téléphone cellulaire a pallié d'emblée les carences des réseaux fixes.

Même si le trafic de téléphonie fixe a profité du développement de l'Internet à bas débit, celui-ci a représenté seulement en 2003, selon l'IDATE, entre le tiers et la moitié du trafic fixe des opérateurs historiques européens, cette substitution d'usage se traduisant malgré tout par un « manque à gagner » important, puisque le prix moyen de la minute de connexion à Internet est partout très sensiblement inférieur à celui de la minute de communication vocale. Avec la montée en puissance de l'Internet à haut débit, dont la tarification s'effectue au forfait, la perte de revenu par substitution d'usage au profit de l'Internet du réseau de téléphonie fixe, se trouve encore aggravée.

Cette substitution d'usage amène de plus en plus le réseau téléphonique à n'être qu'une autre forme de réseau informatique, ce qui justifie pleinement l'intégration, opérée par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004, du concept de « fourniture du service téléphonique au public » (ancien article L. 34-1 du code des P&T) dans celui de « fourniture au public de services de communications électroniques » (nouvel article L. 33-1 du code des P&CE).

La télévision sur ADSL, et plus largement la télévision sur IP (c'est-à-dire transportée par l'Internet) constitue l'une des plus emblématiques manifestations de cette « convergence » qui conduit le réseau classique de téléphonie fixe à se transformer en réseau informatique, et le réseau informatique à se transformer en support pour la diffusion de services audiovisuels. Cette technologie, qui ne pouvait apparaître avant que des raccordements à très hauts débits ne soient disponibles, puisqu'elle nécessite des vitesses de transfert de données de 3 à 4 Mbits/s, a émergé d'abord en Italie, en octobre 2002, à l'initiative du fournisseur d'accès Fastweb.

A ce jour, elle est exploitée commercialement dans cinq pays d'Europe : en Italie (4 offres), en Allemagne (2 offres), en Grande-Bretagne (2 offres), en Espagne (1 offre), et en France, où trois opérateurs de télécommunications l'intègrent désormais à leur offre. La première, celle de Free et de Canal Plus, en novembre 2003, distribuée par l'intermédiaire d'un modem multiservices, la Freebox, a été suivie de celle de France Télécom et TPS (filiale de TF1 et de M6), avec le service TPSL ouvert sur Lyon en décembre 2003, et, depuis fin mars, à Paris et en région parisienne ; 9Telecom et Canal Plus ont lancé leur offre en mars 2004 à Marseille.

La mise en place de cette distribution de la télévision par la voie du réseau téléphonique filaire est venue directement concurrencer l'offre des câblo-opérateurs, dont la vocation première était de fournir un accès à un service de télévision, et qui se sont attachés pour certains à mettre en œuvre les technologies de transport sur IP pour améliorer la qualité de leurs services. Noos (du groupe Suez-Lyonnaise) exploite depuis juillet 2001 trois chaînes accessibles sur ce mode ; NC Numéricâble (du groupe Vivendi) a lancé en mai 2004 un service de télévision sur IP dans la région parisienne comportant un bouquet de cinq chaînes. UPC France a ouvert également un service de télévision sur IP en mai 2004.

Par ailleurs, cette concurrence externe pousse à la consolidation tant attendue dans ce secteur, longtemps bloquée par la limite des huit millions d'habitants pour la zone desservie, et qui a été supprimée par la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 : Noos et UPC devrait ainsi fusionner en 2005 sous l'égide de leur nouvel actionnaire commun UGC (UnitedGlobalCom), tandis que de leur côté, NC Numéricâble et France Télécom Câble devraient faire prochainement l'objet d'une vente conjointe.

La distribution de la télévision sur ADSL a déjà donné lieu à des litiges entre opérateurs, Free et 9Telecom, invoquant d'une part un refus de TF1 et M6 de négocier avec eux la diffusion de leurs services de télévision, et d'autre part les obstacles mis par France Télécom à la mise en place des dispositifs techniques nécessaires à la télévision sur ADSL sur les lignes téléphoniques dégroupées. Par une décision du 15 avril 2004, le Conseil de la concurrence a prononcé trois mesures :

- une injonction faite à TPS et à France Télécom d'informer sur tous leurs supports publicitaires, les consommateurs de l'incompatibilité de l'offre TPSL avec le dégroupage par un opérateur alternatif de la ligne de l'abonné pour l'accès à Internet haut débit ;

- une injonction faite à France Télécom d'autoriser la société 9Telecom à installer, dans ses locaux, les matériels de vidéo ADSL nécessaires au déploiement de son offre de télévision par ADSL et à procéder à la migration des lignes dégroupées sur ces nouveaux matériels ;

- une injonction faite à France Télécom de facturer séparément le transport des flux vidéo et la desserte locale de services ADSL-vidéo, de telle sorte que ces deux prestations ouvertes à la concurrence soient commercialement indépendantes et non liées.

b) La téléphonie sur IP

La téléphonie classique s'appuie sur une technologie dite de « commutation », où la communication passe sous la forme d'un courant faible sur un chemin fait de circuits préexistants raccordés entre eux, ce courant faible faisant finalement vibrer, dans l'écouteur du destinataire, une membrane reproduisant le son initialement émis. La téléphonie sur IP repose sur une numérisation préalable du message vocal, qui est ensuite envoyée par « paquets » sur le réseau Internet, ces « paquets » étant réorganisés à l'arrivée pour reconstituer le fichier numérisé, que le destinataire écoute par le moyen d'un logiciel de lecture.

La téléphonie sur IP suppose d'une part, des vitesses de transfert suffisantes pour reconstituer la voix dans des conditions acceptables pour l'oreille, d'autre part, une disponibilité du réseau sans faille, tout conflit avec le transit d'autres signaux venant perturber la communication.

C'est pourquoi, ce type de technologie s'est développé plutôt, au départ, dans le contexte des réseaux fermés d'entreprise. Elle présente dans ce contexte certains avantages, puisqu'elle permet de réduire les coûts de maintenance technique, un seul réseau servant à la fois pour les données informatiques et téléphoniques ; elle supprime le coût du passage par la téléphonie commutée pour toutes les communications entre les sites éloignés d'une entreprise dès lors que ces sites sont raccordés entre eux par le réseau informatique ; elle facilite la mise en place d'outils s'appuyant à la fois sur des données téléphoniques et informatiques, comme un service d'annuaire unifié ou de messagerie, ou une base de données sur les clients ; elle peut servir de support à la vidéo conférence.

L'IDATE estime que d'ici 2009, près de 40 % des lignes en entreprise fonctionneront sous IP (180 millions de lignes), alors que seulement 2,5 % des lignes en entreprises fonctionnaient sous IP à la fin de 2003 (10 millions de lignes). Cela devrait se traduire à cette échéance, dans les entreprises, par la disparition de près d'un tiers des lignes traditionnelles analogiques et RNIS, ainsi que par une baisse moyenne des charges de communication de près de 50 %, du fait de la tarification plus avantageuse de la voix sous IP et de la pression à la baisse ainsi exercée sur les prix de la téléphonie commutée.

Au début 2004, la voix sur IP était utilisée dans 25 % à 30 % des entreprises américaines, et 23 % des grandes entreprises japonaises. En Europe, le taux de pénétration atteignait de 15 % à 20 %. L'Europe a effectué à cet égard un effort de rattrapage important à la fin 2003 et au début 2004, en premier lieu au Royaume-Uni, puis en Europe du Nord.

Transposant la logique des réseaux internes d'entreprise à l'ensemble de leur parc d'abonnés, un nombre croissant d'opérateurs annoncent leur passage à la téléphonie sous IP dans les prochaines années. NTT et British Télécom ont déjà engagé leur projet de migration. Télécom Italia a déployé une infrastructure de transport de la voix par paquet pour le trafic national dès la fin 2003.

Depuis 2002, le développement des accès Internet à haut débit a par ailleurs permis l'émergence d'une offre de téléphonie sous IP à destination du grand public : ainsi, au début de l'année 2004, le japonais YahooBB offrait ses services à plus de 3,6 millions d'abonnés, tandis qu'aux Etats-Unis, Vonage annonçait près de 115 000 abonnés, et que Skype revendiquait 400 000 utilisateurs actifs.

En France, Free en août 2003, et 9Télécom en septembre 2003 ont été les premiers opérateurs à offrir ce type de service. Ils ont été suivis au cours de l'année 2004 par Netpratique, Tiscali et Wanadoo.

Ce service fonctionne sur les lignes terminales de France Télécom qui ont été préalablement « dégroupées », c'est-à-dire rendus accessibles aux opérateurs concernés, afin qu'ils puissent ainsi y raccorder leur propre réseau.

En principe, il suffit d'un dégroupage dit « partiel » qui donne accès uniquement à la bande passante de l'ADSL, qui fournit le support IP nécessaire à la communication. Dans ce cas, le client reste redevable de l'abonnement au titre du raccordement physique au réseau de France Télécom. Par ailleurs, il doit évidemment payer à son opérateur de téléphone (France Télécom, ou un autre) toutes les communications qu'ils continuerait à passer en mode classique. Les tarifs avantageux de l'offre en téléphonie sur IP ne concernent que les appels effectués au travers du terminal spécifique (« freebox », « 9box », « livebox », « triway », ou « routeur N-Pack », selon l'opérateur concerné).

Free et 9Télécom proposent également une offre de téléphonie sur IP en dégroupage « total », lequel conduit à raccorder physiquement la ligne terminale du client à leur propre réseau, rompant ainsi le lien physique avec le réseau de France Télécom, et par conséquent l'exigibilité de l'abonnement. La partie de la ligne utilisée habituellement par la téléphonie classique est rendue disponible pour mettre en œuvre des modes DSL de transfert de données plus rapides : jusqu'à 6 Mbits/s au lieu des 2 Mbits/s en mode ADSL courant.

En téléphonie sur IP, les appels entre abonnés d'un même opérateur sont gratuits, mais, hors effet de stratégie commerciale, les appels vers les abonnés des autres opérateurs doivent être rémunérés puisque ces appels font nécessairement intervenir des coûts d'interconnexion. Le forfait couvre ainsi généralement la gratuité commerciale des appels sur téléphone fixe en France métropolitaine, sauf dans l'offre de NetPratique, qui applique également dans ce cas un tarif à la seconde.

Juridiquement, et conformément au principe de « convergence » fondant le cadre normatif des communications électroniques, les opérateurs de téléphonie sur IP doivent respecter l'obligation de la déclaration préalable auprès de l'ART, et sont tenus aux mêmes règles que les opérateurs de téléphonie commutée. Ces règles concernent aussi bien les conditions de publication des listes d'abonnés (article L. 34 du code des P&CE), la conservation des données conformément aux besoins de recherche des infractions pénales (article L. 34-1 du code des P&CE), que l'obligation de garantir l'acheminement gratuit des appels d'urgence (article L. 33-1 du code des P&CE).

2. La consolidation de l'offre en téléphonie mobile

Alors que les évolutions technologiques ont pour effet de recomposer le paysage de la téléphonie fixe en y intensifiant la concurrence, elles changent peu la situation sur le marché de la téléphonie mobile, où les trois opérateurs semblent plutôt avancer de conserve sur le terrain des innovations. Le risque qu'une lenteur implicitement concertée dans l'intégration de certains progrès ne joue finalement au détriment du consommateur a conduit les autorités publiques à jouer un rôle incitatif sur quelques dossiers critiques.

a) L'arrivée progressive de l'UMTS

D'un point de vue technologique, le secteur de la téléphonie mobile reste essentiellement marqué, comme au cours des deux dernières années, par l'arrivée échelonnée des offres de troisième génération, qui doivent illustrer à leur manière le phénomène de la « convergence », en combinant les atouts pratiques de la téléphonie portable et la richesse des services de l'Internet.

Le lancement commercial de l'UMTS (Universal Mobile Telecommunications System), initialement prévu pour 2002 dans l'Union européenne, a finalement démarré vers la fin 2003 après de multiples difficultés, dont la première était liée à la situation financière difficile des opérateurs, en raison notamment du coût d'achat initial des licences UMTS et des vastes opérations financières de la période de la « bulle spéculative » du tournant du siècle, qui les a contraint, à l'instar des maisons mères d'Orange et de SFR, à privilégier le désendettement sur l'investissement.

La mise au point des équipements s'est avérée également plus difficile que prévue, l'expérience des opérateurs japonais ayant permis finalement d'ouvrir la voie. Ces équipements sont disponibles désormais, mais à un prix élevé, de 400 à 500 euros pour le terminal. Les opérateurs, comme ils l'ont fait sur le GSM, devront sans doute en prendre une part à leur charge pour ramener ce prix pour le grand public à 100 ou 150 euros.

En outre, les services offerts en Europe sur la technologie intermédiaire du GPRS (3) ou du EDGE (4) n'ont pas rencontré un franc succès comparable à celui de l'« i-mode » au Japon. Cela a induit un doute sur la rentabilité de l'offre de services sur un terminal mobile rapide, qui n'a pas joué en faveur de son développement. D'autant que l'UMTS ne permet d'atteindre en pratique qu'un débit de 330 Kbits/s, double certes de celui du EDGE, mais bien inférieur aux 2 Mbits/s envisagés initialement.

Enfin, lors du déploiement des infrastructures de réseaux propres à l'UMTS, à côté de celles déjà en place du GSM, les opérateurs ont dû surmonter des obstacles opérationnels liés à de nouvelles règles d'ingénierie et aux craintes suscitées dans la population par les risques éventuels de ces installations pour la santé.

ETAT DU DÉPLOIEMENT DE L'OFFRE UMTS DANS LE MONDE

Pays

Opérateur

Date

Ouverture du service

Europe

Autriche

3

Mai-03

service ouvert

Autriche

Mobilkom Austria

Avr-03

service ouvert

Autriche

T-Mobile

Dec-03

service ouvert

Belgique

Proximus

Mai-04

service ouvert

Croatie

VIPNet

Mai-03

essai

Rep. Tchèque

Eurotel

Févr-03

essai

Danemark

3

Oct-03

service ouvert

Estonie

EMT

Sept-03

essai

Finlande

TeliaSonera

Dec-03

essai

France

Orange

Feb-04

essai

France

SFR

Mai-04

service ouvert

Allemagne

O2

Avr-04

service ouvert

Allemagne

Vodafone

Fev-04

service ouvert

Allemagne

T-Mobile

Avr-04

service ouvert

Allemagne

E-Plus

Juin-04

service ouvert

Grèce

Telestel

Juil-03

service ouvert

Grèce

Cosmote

Mai-04

service ouvert

Irlande

3

Oct-03

essai

Irlande

Vodafone

Juil-04

service ouvert

Irlande

O2

Dec-03

essai

Ile de Man

Manx Télécom

Déc-01

essai

Italie

3

Mar-03

service ouvert

Italie

Vodafone

Fev-03

service ouvert

Italie

TIM

Mai-04

service ouvert

Luxembourg

P&T Luxembourg

Juin-03

essai

Luxembourg

Tango

Mai-03

essai

Monaco

Monaco Télécom

Juin-01

essai

Pays-Bas

KPN Mobile

Juil-04

service ouvert

Pays-Bas

Vodafone

Fev-04

service ouvert

Portugal

Vodafone

Fev-04

service ouvert

Portugal

TMN

Avr-04

service ouvert

Slovénie

Mobitel

Dec-03

service ouvert

Espagne

Telefonica Mobiles

Fev-04

service ouvert

Espagne

Vodafone

Fev-04

service ouvert

Suède

3

Mai-03

service ouvert

Suède

Vodafone

Fev-04

service ouvert

Suède

Tele2

Juin-04

service ouvert

UAE

Etisalat

Dec-03

service ouvert

Royaume-Uni

3

Mar-03

service ouvert

Royaume-Uni

Vodafone

Fev-04

service ouvert

Royaume-Uni

T-Mobile

Fev-04

essai

Royaume-Uni

Orange

Juil-04

service ouvert

Asie

Australie

3

Avr-03

service ouvert

Honk-Kong

3

Juil-04

service ouvert

Japon

NTT Docomo

Oct-01

service ouvert

Japon

J-Phone

Déc-02

service ouvert

Singapour

Singtel

Déc-03

essai

Corée du Sud

KTF

Dec-03

service ouvert

Source : UMTS forum

En France, les deux sociétés Orange et de SFR ont prévu d'investir chacune près de 4 milliards d'euros pour la construction de leur réseau UMTS en France. Des tests à grande échelle sont en cours. Le réseau 3G de SFR couvre déjà Paris, Lyon, Toulouse, Lille et Nantes, et l'ouverture des services commerciaux d'Orange en UMTS aura lieu d'ici fin 2004 dans les plus grandes agglomérations métropolitaines.

Bouygues Télécom, qui n'a acquis sa licence UMTS qu'en décembre 2002, soit plus d'un an après ses concurrents, et qui commence à peine à rentabiliser son réseau GSM, a privilégié le développement, pour l'accès au « i-mode », de la technologie intermédiaire du EDGE, en visant la mise en place d'une couverture nationale à la fin de 2006. Son entrée dans la troisième génération ne devrait intervenir qu'en 2007, sur la base du protocole HSDPA, qui, contrairement à l'UMTS, serait en mesure de tenir effectivement la promesse d'une fourniture de services à un débit de 2 Mbits/s.

A l'échelle mondiale, le Japon demeure de loin le pays le plus en pointe dans la diffusion des technologies récentes de téléphonie mobile. Déjà les services « i-mode » de génération 2,5G lancés au début de 1999 par NTT DoCoMo , puis par KDDI et Vodafone KK (« VodafoneLive! ») avaient connu un grand succès. Les services mobiles de troisième génération (sur la base des technologies FOMA et CDMA, alternatives à l'UMTS) y sont apparus dès septembre 2001. Fin 2003, selon l'IDATE, le pays comptait 13,8 millions d'abonnés pour l'offre en FOMA de NTT DoCoMo et Vodafone KK, et 11,8 millions d'abonnés pour celle de KDDI en CDMA.

Aux Etats-Unis, l'hétérogénéité initiale des normes de deuxième génération a freiné le déploiement des services de données mobiles. Ils n'y représentent que 3 % des revenus des opérateurs mobiles, contre 16 % en Europe de l'Ouest et 24 % au Japon. Des services de troisième génération y ont néanmoins été déployés par les trois opérateurs Verizon, Sprint et Cingular Wireless.

En Europe, la société Hutchinson a joué un rôle précurseur sous la marque commerciale « 3 ». Elle annonçait un afflux de 20 000 nouveaux abonnés par jour en juin 2004, franchissant à cette date la barre du million d'abonnés en Italie.

Parallèlement au déploiement, l'effort d'innovation des opérateurs porte sur la nature des services fournis, avec l'idée notamment d'offrir la « télévision mobile » sur le téléphone portable de troisième génération. Cette nouvelle illustration de la « convergence » est déjà opérationnelle en Corée du Sud, qui en ce domaine, possède un temps d'avance sur le Japon, où ce type de service ne devrait être disponible qu'en 2006.

b) La régulation incitative de l'oligopole

Le marché de la téléphonie mobile en France, avec ses trois opérateurs de taille comparable, même si Bouygues Télécom y fait figure de « frère cadet », constitue presque un cas d'école pour illustrer le fonctionnement d'un oligopole. Comme l'analyse le modèle de « la courbe de la demande coudée » (voir plus haut), une telle configuration se prête spontanément aux mécanismes d'entente implicite entre les entreprises, dont les intérêts sont trop convergents pour qu'elles ne fassent pas preuve de compréhension réciproque vis-à-vis de leur comportement respectif sur certains aspects de leur activité.

C'est précisément une fonction de l'autorité de régulation que de contrôler ce genre de dérive. Dans le nouveau cadre normatif des « marchés pertinents », elle va du reste être amenée à déclarer comme « puissants » les trois opérateurs à la fois, de manière à pouvoir maîtriser leur comportement grâce aux outils fournis par les nouveaux articles L. 38 et L. 38-1 du code des postes et des communications électroniques.

Mais l'autorité de régulation, institution administrative et juridictionnelle, ne peut intervenir qu'en détectant des anomalies sur une base objective, et certaines d'entre elles peuvent être difficile à établir de manière absolue du fait de la difficulté à trouver des points de référence sur un si petit nombre d'acteurs de marché.

Les associations de consommateurs ont donc un rôle d'alerte à jouer pour identifier les situations devenues inacceptables du point de vue du client final, et les autorités politiques sont en mesure de conférer une légitimité à certaines de leurs revendications, donnant ainsi une assise incontestable à l'intervention de l'autorité de régulation, dans des cas où cette intervention risquerait autrement de passer pour arbitraire.

Selon cette logique, le Parlement a été amené, comme décrit plus haut, à s'emparer directement des dossiers de la facturation à la seconde et de la gratuité d'appel des services sociaux, confiant au Gouvernement et à l'autorité de régulation le soin de la mise en œuvre des solutions adoptées. Mais le Gouvernement, au travers du ministre chargé des communications électroniques, a lui aussi été amené à jouer directement, au cours des derniers mois, cette fonction de légitimation des attentes des consommateurs, en particulier sur les dossiers des MVNO, du tarif des SMS, et du coût des appels « fixe vers mobile ».

·  En mai 2004, le ministre chargé des communications électroniques a engagé des consultations avec les opérateurs de téléphonie mobile en vue d'organiser l'arrivée de MVNO (Mobile Virtual Network Operator : opérateurs mobiles « virtuels ») sur le marché français. Ces opérateurs offrent leurs services en s'appuyant sur la location d'infrastructures existantes, selon un modèle déjà largement répandu à travers l'Europe, la société Télé2 notamment étant présente sur le marché de téléphonie mobile de plusieurs pays à ce titre.

SFR a été le premier opérateur à ouvrir son réseau, en juin 2004, à la société allemande Debitel. Orange a signé un accord similaire avec la société The Phone House. Cette société devrait offrir prochainement des services mobiles régionaux sous le nom commercial Breizh Mobile à des tarifs qui devraient être compétitifs, notamment pour les communications locales. D'autres offres proposées par des opérateurs mobiles virtuels devraient apparaître sur le marché au cours des prochains mois. Ces accords sont de nature à élargir l'offre faite au consommateur et à stimuler la concurrence entre les opérateurs, ce qui devrait favoriser une baisse des prix.

Il convient néanmoins d'observer que l'effet sur la concurrence se trouve relativisé par le rattachement de chaque MVNO à un seul opérateur, ce qui le conduit à positionner son offre en simple complément de la gamme de celui-ci.

·  La baisse du prix unitaire des SMS a été souhaitée par le Premier ministre lors de ses voeux à la presse, en janvier 2004. Cette baisse semblait nécessaire en raison du faible développement des SMS en comparaison de la place qu'ils tenaient dans les communications des pays voisins. Leur prix au consommateur s'élevait à 15 centimes d'euro, pour un prix de revient estimé par les opérateurs eux-mêmes à environ 7 centimes. A la suite d'un dialogue initié par le ministre chargé des communications électroniques, deux opérateurs ont annoncé en mai 2004 des baisses de tarif.

·  Le surcoût imposé pour un appel d'un téléphone fixe vers un téléphone mobile, dénoncé depuis longtemps par les associations de consommateurs, a été désigné comme une anomalie par le ministre chargé des communications électroniques en octobre 2004, qui a rappelé, notamment à l'occasion de sa réponse à une question au Gouvernement du 19 octobre, que le droit européen imposait que les tarifs d'interconnexion reflètent les prix de revient. En l'occurrence, le tarif s'élevait à 15 centimes d'euros la minute pour un prix de revient variant entre 6 et 8 centimes.

L'ART a d'ores et déjà engagé la procédure nécessaire pour traiter le problème dans le nouveau cadre normatif des « marchés pertinents », puisqu'elle a publié en avril 2004 son analyse du « marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles ». Elle était déjà intervenue en 1999 pour que les tarifs d'interconnexion d'Orange France et de SFR baissent. Le tarif de 15 centimes la minute résultait d'ailleurs d'une baisse de 40 % qu'elle avait imposée en 2001 pour la période 2002-2004. Aux termes de l'analyse de marché engagée, elle propose que le niveau de la charge de terminaison d'appel continue à baisser pour tendre en 2007 vers un niveau cible correspondant aux coûts d'un opérateur efficace, excluant les coûts commerciaux. A cette fin un contrôle tarifaire doit être établi, avec des prix plafonds pour les années 2005, 2006 et 2007.

Le Conseil de la concurrence, dans sa décision du 14 octobre 2004, suite à une saisine par l'association professionnelle de télécommunications Tenor (aujourd'hui Etna), a condamné France Télécom à payer une amende de 18 millions d'euros, et Cegetel une amende de 2 millions d'euros, pour avoir faussé le jeu de la concurrence dans les appels de téléphones fixes vers les mobiles entre 1999 et 2001, en profitant de leur position intégrée sur les marchés de la téléphonie fixe et mobile, position permettant un reversement interne de la rente capturée par leur branche de téléphonie mobile, pour proposer des tarifs qui ne couvraient pas « les coûts variables encourus pour la fourniture de ces prestations », créant ainsi un effet de « ciseau tarifaire » ne laissant pas d'espace suffisant aux concurrents pour le téléphone fixe.

Dans son avis du 14 octobre 2004, le Conseil s'est en outre déclaré favorable à une régulation ex ante, par l'ART, du marché de l'offre de gros pour les appels « fixe vers mobile », notant au passage (point 56) que si les MVNO « sont de simples revendeurs sous leur propre marque des services de leurs hôtes, il est peu probable que leur existence apporte de réels changements sur le marché. »

Le passage par un processus de légitimation politique des plaintes des consommateurs permet d'ajuster en fonction des circonstances l'arbitrage entre les intérêts divergents en jeu. Il est ainsi évident que les revenus prélevés par les opérateurs sur les consommateurs dans le cadre de la tarification « fixe vers mobile », qui s'élèveraient à 800 millions d'euros par an, s'ils sont perçus aujourd'hui comme une forme de spoliation, ont pu être considérés au moment de l'émergence de la téléphonie mobile comme une contribution au financement de la mise en place d'infrastructures très coûteuses ayant permis la fourniture d'une offre d'un type nouveau.

A cet égard, il serait hâtif de considérer que le taux de marge élevé des opérateurs mobiles constitue en soi l'indice d'un manque de concurrence, car les télécommunications sont un secteur où l'intensité capitalistique est très forte, et la régulation doit en conséquence y tenir compte des efforts d'investissement engagés.

II.- LA RÉDUCTION DE LA FRACTURE NUMÉRIQUE

Au fur et à mesure des progrès de la diffusion des technologies de l'information dans la société française, le différentiel, au détriment des zones peu denses, de la couverture territoriale en offre de ces services désormais pleinement intégrés à la vie courante a été de plus en plus vivement ressenti, nourrissant une attente sociale pour une intervention publique en faveur de la réduction de cette « fracture numérique », au nom de la solidarité nationale.

Les blocages juridiques à la mise en œuvre des diverses solutions techniques possibles pour réduire cette « fracture » sont désormais levés. L'ouverture du panel des moyens disponibles a créé un climat concurrentiel incitant l'opérateur historique à se positionner beaucoup plus fortement sur l'offre de raccordement à haut débit des zones peu denses.

A.- LA LEVÉE DES FREINS JURIDIQUES

Les avancées législatives dans le domaine de la réduction de la fracture numérique territoriale ont concerné tant le raccordement à haut débit que la couverture en téléphonie mobile. Elles s'inscrivent dans une approche délibérément pragmatique, venant pallier l'impossibilité juridique, en l'état du droit européen, de traiter ces questions dans le cadre du service universel.

1. Le raccordement à haut débit

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique restera probablement dans l'histoire comme la loi ayant donné les moyens juridiques de la diffusion territoriale de l'accès aux nouvelles technologies de l'information. Cependant, la levée du principe de spécialité d'EDF et de GDF à l'occasion de la transposition des directives 2003/54/CE et 2003/55/CE sur le marché intérieur de l'électricité et du gaz, a ouvert aussi la voie à des modalités de raccordement à haut débit adaptées aux zones rurales.

a) La solution satellitaire

La loi pour la confiance dans l'économie numérique comporte tout un titre relatif aux « systèmes satellitaires » visant à organiser les conditions juridiques de l'utilisation par des opérateurs privés, sur autorisation du ministre chargé des télécommunications, de certaines des fréquences satellitaires dont l'utilisation est impartie à la France au titre de la coordination des ressources en fréquences pratiquée dans le cadre de l'Union internationale des télécommunications.

Ce dispositif a constitué une réponse à un besoin créé par la « privatisation » croissante de l'utilisation des ressources de l'espace, après les temps pionniers de l'exploration, qui s'était traduit par un monopole d'exploitation par les institutions publiques (le ministère de la défense, France Télécom, Météo France).

L'organisation de l'accès des opérateurs privés aux ressources de l'espace constitue déjà en soi une manière de favoriser le développement du raccordement à l'Internet à haut débit en France, car la voie satellitaire fournit une solution économiquement intéressante de distribution des accès, dans les zones peu denses très éloignées géographiquement des réseaux filaires terrestres.

La liaison par satellite est devenue commercialement viable en 2001 avec l'apparition d'une offre bidirectionnelle, alors que le marché n'offrait auparavant que la possibilité d'une connexion en réception seulement. L'avantage évident d'une distribution d'accès Internet par satellite est qu'elle s'effectue à un coût unitaire marginal très faible, que le nouvel abonné se trouve en plein coeur d'une agglomération ou qu'il soit installé en zone rurale peu dense. Elle peut être utilement couplée avec une distribution locale des accès via un réseau Wi-Fi, pour former une solution de raccordement complètement hertzienne, peu coûteuse en infrastructures locales.

Pour encourager le déploiement de la technologie de raccordement par satellite, le Gouvernement a forfaitisé, par le décret n° 2003-392 du 18 avril 2003, le montant de la redevance annuelle due par l'opérateur pour l'utilisation par ses abonnés de petites antennes paraboliques bidirectionnelles, alors que le régime imposé jusqu'alors prévoyait un montant « par site », qui rendait l'abonnement non viable économiquement pour le particulier ou la petite entreprise.

Selon la même logique, il a décidé, au cours du CIADT du 3 septembre 2003, d'une part, de créer un mécanisme d'amortissement exceptionnel apportant une réduction d'impôts aux entreprises qui décideraient d'acquérir un terminal pour l'accès à l'Internet haut débit par satellite, d'autre part, de demander aux préfets de régions d'étudier, avec les collectivités locales qui le souhaiteraient, les conditions de la mobilisation des crédits du contrat de plan Etat-Région, et des fonds européens, pour financer l'accès des territoires à ce mode d'accès à l'Internet.

b) Le dispositif du « L. 1425-1 »

La loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel avait inséré dans le code général des collectivités territoriales un article L. 1511-6 qui visait à autoriser les collectivités locales à créer des infrastructures « passives » de télécommunications (canalisations, chambres de tirage ou fibres noires destinées à supporter des réseaux filaires, pylônes et alimentation électrique pour les infrastructures de boucle locale radio ou de téléphonie mobile), sans qu'il y ait nécessairement constat préalable de carence. Cette rédaction interdisait explicitement aux collectivités locales d'exercer elles-mêmes le métier d'opérateur : elles pouvaient simplement mettre les infrastructures « passives » ainsi créées à la disposition d'un opérateur, désigné après une mise en concurrence.

Le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, lors du CIADT du 13 décembre 2002, a souhaité octroyer aux collectivités locales le droit complémentaire de prendre en charge aussi l'installation des infrastructures « actives » (les équipements électroniques), voire d'exercer directement la fonction d'« opérateur ». Cet assouplissement supplémentaire du cadre juridique de l'intervention des collectivités locales a pris la forme de l'article 50 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, qui a créé, dans le code général des collectivités territoriales, après abrogation de l'article L. 1511-6, un nouvel article L. 1425-1, rattaché à la partie du code relative aux « services publics locaux », qui octroie ces nouveaux droits en contrepartie de la vérification d'un certain nombre de conditions :

- l'établissement et l'exploitation du réseau jusqu'au stade dit de « l'opérateur d'opérateur », c'est-à-dire l'installation des infrastructures « passives » et « actives », puis sa mise à disposition d'un opérateur fournissant des services de télécommunications aux clients finals, est subordonné à une publication préalable du projet et à sa transmission à l'ART, de manière à ce que puisse notamment être vérifiée la cohérence du maillage en réseaux « d'initiative publique » du territoire ;

- la fourniture directe, par les collectivités locales, des services de télécommunications aux utilisateurs finals suppose le constat préalable d'une « insuffisance d'initiatives privées ».

L'article précise que : « L'insuffisance d'initiatives privées est constatée par un appel d'offre déclaré infructueux ayant visé à satisfaire les besoins concernés des utilisateurs finals en services de télécommunications. »

Le nouveau dispositif maintient par ailleurs la possibilité, déjà prévue par article L. 1511-6, d'un mécanisme de subvention afin d'abaisser le seuil de rentabilité d'exploitation ; mais sans subordonner ce mécanisme, comme c'était le cas dans l'article L. 1511-6, à des conditions définies par un décret en Conseil d'Etat. L'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales a été en effet spécialement conçu pour être directement applicable dès la publication de la loi.

Environ 170 projets de raccordement à haut débit de collectivités territoriales sont en cours. Outre les aides en capital et sous forme de prêts qui leur seront apportées par la Caisse des dépôts et consignations, ces projets pourront bénéficier des 130 millions d'euros dont la France dispose au titre de la mobilisation des Fonds structurels européens pour le cofinancement des infrastructures de l'Internet à haut débit dans les zones enclavées.

Les réseaux câblés étant désormais considérés comme des infrastructures de fourniture de services de communications électroniques, en vertu du principe de « convergence », leur mise en place à l'initiative des collectivités locales aurait pu les faire relever rétroactivement des conditions imposées par l'article L. 1425-1. Mais une disposition (article 115) de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques a validé leur situation. Cela ne signifie cependant pas que ces conditions de l'article L. 1425-1 ne leur soient pas applicables pour l'avenir, notamment à l'occasion d'opérations d'aménagement ou d'extension.

c) La levée du principe de spécialité d'EDF et de GDF

La loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, qui avait principalement pour objectif, en application du droit européen, de conférer à EDF et GDF un statut de société anonyme, et de filialiser la gestion de leurs infrastructures de transport respectives, a fourni aussi, accessoirement, l'occasion de lever le principe de spécialité qui s'attachait à leur statut antérieur d'établissement public.

L'article 8 de cette loi prévoit ainsi que les réseaux d'électricité ou de gaz pris en charge en France ou dans la Communauté par la filiale gestionnaire du réseau de transport d'électricité (RTE) « peuvent en outre faire l'objet d'activités de valorisation par l'intermédiaire de filiales ou de participations. Ces activités de valorisation doivent rester accessoires par rapport à l'activité de gestion de réseaux et ne peuvent en recevoir de concours financiers. »

Symétriquement, l'article 11 de la même loi, autorise les entreprises de transport de gaz à exercer « toute activité de gestion d'un réseau d'électricité et de valorisation des infrastructures ».

Ainsi se trouve levé l'obstacle juridique au déploiement de deux technologies de raccordement à haut débit qui minimisent le coût local des infrastructures spécifiques nécessaires, et abaissent ainsi le seuil de rentabilité du déploiement :

- le raccordement par fibre optique véhiculé par un réseau de transport d'électricité, par enroulement autour des lignes à haute tension. RTE a créé une filiale @rteria, pour expérimenter ce dispositif, sachant qu'avec ses 100 000 km de lignes électriques, elle est en mesure d'assurer une distribution dans presque tous les cantons de France. Elle disposera d'ici 2007 d'environ 10 000 km de fibres optiques ;

- la connexion au travers des « courants porteurs en ligne » (CPL), qui offrent la possibilité de transmettre des données, et de téléphoner, par un signal transitant sur un réseau de distribution électrique basse tension et depuis peu, moyenne tension.

2. La couverture des zones blanches

L'autre aspect de l'aménagement numérique du territoire sur lequel la loi pour la confiance dans l'économie numérique a contribué à une avancée décisive concerne la couverture des « zones blanches » de téléphonie mobile.

a) Le processus pragmatique en cours

La proposition de loi du sénateur Bruno Sido, adoptée par le Sénat le 24 octobre 2002, et devenue, à la suite d'un amendement portant article additionnel, l'article 52 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, a joué en effet un rôle essentiel d'aiguillon pour la mobilisation sur le terrain des acteurs concernés par le processus de couverture des « zones blanches ».

Ce processus vise à organiser l'obligation pour les opérateurs de couvrir les zones dites « blanches », c'est-à-dire les zones incluant des centres-bourgs ou des axes de transports prioritaires qui ont été identifiées par les collectivités territoriales comme n'étant couvertes par aucun opérateur. Le principe retenu pour la couverture est celui de « l'itinérance locale », c'est-à-dire l'accueil, par un seul opérateur mobile, de l'ensemble de ses propres clients et de ceux de ses concurrents sur la portion de réseau qu'il construit ; par dérogation, lorsque tous les opérateurs en conviennent, la couverture s'effectue sur la base d'un partage des infrastructures, c'est-à-dire que chaque pylône construit accueille les équipements de tous les opérateurs.

Tout a été déclenché par un accord entre les trois opérateurs Bouygues, SFR et Orange, consigné dans une lettre à l'Autorité de régulation des télécommunications du 24 septembre 2002, et entériné par le Gouvernement lors du CIADT du 13 décembre 2002.

Cet accord les engageait à supporter, en partage d'infrastructures comme en itinérance, une part égale des investissements techniques à réaliser, le montant total pour chacun devant s'élever à environ 50 millions d'euros. L'Etat a décidé de prendre en charge une partie du coût des pylônes nécessaires, à hauteur de 44 millions d'euros, les collectivités territoriales étant invité à fournir de leur côté un effort financier du même ordre. En outre, les investissements des collectivités territoriales en infrastructures passives ont été rendus éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), ce qui a représenté une aide complémentaire de l'Etat d'environ 20 millions d'euros.

Une convention nationale de mise en œuvre du plan d'extension de la couverture du territoire par les réseaux de téléphonie mobile associant l'Etat, les opérateurs, l'Autorité de régulation des télécommunications, l'Association des départements de France et l'Association des maires de France, a été signée le 15 juillet 2003. Elle a prévu un déploiement en deux temps : la première phase, en cours de réalisation sur la base des financements décrits précédemment, concerne 1 250 sites dans 1 638 communes ; les sites restants seront couverts au cours d'une seconde phase et pris en charge en totalité par les opérateurs mobiles. Au total, l'extension de couverture devrait concerner quelques 2 250 sites dans 3 150 communes.

Un avenant à cette convention a été signé le 13 juillet 2004 pour organiser la prise en charge par les opérateurs mobiles de la seconde phase, qui devrait concerner 934 sites. Chaque opérateur y contribuera à hauteur de 72 millions d'euros.

Cet effort s'inscrira parmi les contraintes de leur cahier des charges, telles qu'elles seront définies à l'occasion du renouvellement de leur licence GSM pour quinze ans, en mars 2006 pour Orange et SFR, en 2009 pour Bouygues Télécom. En contrepartie, l'Etat s'est engagé en mars 2004, au terme de la négociation relative aux conditions de renouvellement des licences GSM, à limiter la redevance pour occupation du spectre hertzien à un droit fixe annuel de 25 millions d'euros, et à une part variable du chiffre d'affaires fixée à 1 %, taux identique à celui imposé pour les licences UMTS en 2001.

L'avenant prévoit un lancement de la seconde phase dans tout département où les conventions de mise en œuvre de la première phase seront signées pour au moins 50 % des sites concernés.

Le processus de mise en place de la couverture des zones blanches est en pratique assez long, car il faut mettre au point les modalités techniques, institutionnelles et financières du dispositif au niveau local, choisir le lieu d'implantation des pylônes, éventuellement les construire ce qui suppose l'octroi des permis nécessaires ainsi que le lancement d'appels d'offre, enfin les équiper. Ces diverses opérations imposent un délai de l'ordre de 18 à 24 mois.

Le premier site a été mis en service en Haute-Marne, à Osnes le Val, le 9 février 2004. A l'automne 2004, quatre sites sont opérationnels, 18 pylônes sont mis à la disposition des opérateurs, et 34 départements ont signés avec les trois opérateurs le protocole d'accord définissant localement les sites concernés et les modalités techniques de leur couverture.

Une circulaire du 5 octobre 2004 du ministre de l'équipement et du secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire vient d'inviter les préfets à prendre des initiatives pour que le protocole d'accord soit signé dans l'ensemble des départements d'ici la fin de l'année 2004, et pour que les procédures soient autant que possible accélérées par l'anticipation et la vigilance.

b) L'hypothèse d'une intégration au service universel

En vertu de la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, le service universel couvre quatre domaines : le raccordement général au réseau téléphonique fixe, l'entretien d'un réseau de cabines téléphoniques, la mise à disposition d'un annuaire et d'un service de renseignements universels, et enfin l'octroi de facilités tarifaires ou techniques pour l'accès à la communication des personnes handicapées.

L'idée a parfois été évoquée d'intégrer la couverture du territoire en téléphonie mobile dans le périmètre du service universel.

La revendication sociale d'une couverture des zones blanches à l'initiative de l'Etat relève en effet d'une approche en termes de « service public ». Elle permettrait de faire jouer, au profit des opérateurs mobiles mis à contribution, le principe du « pay or play ».

Cependant le périmètre du service universel est strictement délimité par le droit européen. Le seul point sur lequel la directive « Service universel » (directive 2002/22/CE) prévoit un élargissement du service universel concerne l'accès à Internet : l'accès au réseau téléphonique fixe doit permettre des transmissions de données à un débit suffisant pour rendre possible un accès fonctionnel à l'Internet. La téléphonie mobile ne fait donc par partie du champ du service universel.

Toutefois, l'article 15 de la directive 2002/22/CE prévoit une procédure périodique de révision des obligations de service universel en fonction des nouveaux besoins de la société de l'information, à l'initiative de la Commission européenne.

Le premier réexamen de la portée du service universel doit intervenir en juillet 2005, et doit conduire à la présentation d'un rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil. Ensuite, ce réexamen doit avoir lieu tous les trois ans. La loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 a prévu, en préparation de ces réexamens, que le Gouvernement devra remettre au Parlement avant le 1er mars 2005, puis tous les trois ans, un rapport sur la mise en œuvre du service universel et l'évolution des besoins de la société française en matière de communications électroniques (obligation inscrite à article L. 35-7 du code des P&CE).

Un débat public devrait donc probablement avoir lieu en 2005 sur l'élargissement du service universel à l'accès à la téléphonie mobile, même si les avancées sur le terrain dans la couverture des zones blanches, pour autant qu'elles soient suffisamment perceptibles, devraient en relativiser l'enjeu.

B.- L'APPORT DE FRANCE TÉLÉCOM

Bien que récemment privatisée, l'entreprise France Télécom demeure un opérateur public du fait des missions qui lui sont dévolues par la loi, à savoir la gestion du service universel, et d'autres obligations de service public spécifiques. Ces missions sont cependant parfaitement circonscrites, et n'imposent en rien une contrainte de participation à la réduction de la fracture numérique, pour ce qui concerne, en tous cas, le raccordement à haut débit.

Pourtant, France Télécom a manifestement fait un effort conséquent dans ce domaine, en améliorant très sensiblement, au cours des derniers mois, sa couverture territoriale en capacité de raccordement via l'ADSL. Cette importante contribution volontaire à la réduction de la fracture numérique résulte d'une convergence entre la stratégie de l'entreprise et cet objectif d'intérêt général.

1. L'élargissement de l'offre Internet à haut débit

En juin 2003, France Télécom a pris, dans le cadre de sa stratégie de déploiement du raccordement à haut débit en France, le plan « Haut débit pour tous », des engagements concernant aussi bien le déploiement de l'ADSL, que la mise en œuvre des technologies alternatives de raccordement.

a) La diffusion de la technologie ADSL

En ce qui concerne l'ADSL, le plan « Haut débit pour tous » comportait deux engagements très précis :

- équiper la totalité des répartiteurs de plus de 1 000 lignes d'ici 2005 ;

- ouvrir dans les meilleurs délais des accès ADSL dès que 100 clients d'une même zone de desserte en feraient la demande.

Ce programme d'action a donné une impulsion nouvelle au déploiement de l'ADSL, puisque la France a connu, en 2003, avec l'installation de plus de 1,7 million de nouvelles lignes, la plus forte croissance du parc ADSL en Europe. Cette croissance est encore plus rapide en 2004 avec 1,6 million de nouvelles lignes à la mi-septembre. Ainsi, à la fin de 2004, c'est plus de 21 600 communes qui devraient être raccordées à l'ADSL, soit 90 % de la population française, contre 79 % à la fin de 2003, et 62 % à la fin de 2002. Il est prévu que cette proportion dépasse les 96 % fin 2005, et que 100 % des lignes soient rendues compatibles d'ici la fin de l'année 2006.

L'effort de France Télécom a permis dès le milieu de l'année 2004 de franchir le seuil des cinq millions d'accès Internet à haut débit en France, dont plus de 90 % via l'ADSL, l'essentiel des autres raccordements se faisant par le câble.

Cette accélération du programme de déploiement géographique se double d'un effort pour augmenter le débit disponible sur les lignes déjà disponibles : l'offre « débit max » permettra d'ici la fin de l'année 2004 une modulation du débit maximum en fonction de la distance au central téléphonique. En outre, l'ADSL2+ sera déployé sur l'ensemble du réseau français dès l'année prochaine, permettant d'atteindre des débits de 16 Mbit/s.

Le dispositif dit de « préservation » permet de recenser, en liaison avec les collectivités locales et les fournisseurs d'accès Internet, les demandes de raccordement dans les zones d'habitat dispersé, afin d'ouvrir des accès ADSL là où le seuil des 100 demandes est atteint.

b) L'investissement sur les technologies alternatives

En parallèle à cet effort sur l'ADSL, France Télécom a développé une active participation aux projets de raccordement à haut débit utilisant des technologies alternatives, conformément là encore au plan « Haut débit pour tous », qui se donnait dans ce domaine trois objectifs :

- proposer, à partir de septembre 2003, des offres haut débit par satellite pour les clients isolés ;

- expérimenter des technologies alternatives haut débit pour répondre, en tout lieu, à la demande de ses clients ;

- travailler en étroite collaboration avec les collectivités locales et territoriales pour identifier les attentes des clients et apporter les réponses les mieux adaptées à leurs besoins d'Internet rapide.

Trois offres d'accès haut débit par satellite ont été ainsi lancées à destination principalement des entreprises, des professionnels et des collectivités locales : Oléane Sat, Pack Surf Satellite, Wanadoo Pro Sat.

Pour les résidents des zones rurales, France Télécom a expérimenté la technologie sans fil WiFi couplée au satellite, en étroite concertation avec les collectivités locales. Les tests ont commencé en octobre 2003 à La Cavalerie (Aveyron), puis dans neuf autres communes de huit différents départements. Sur chaque site, 30 clients accèdent à l'Internet à haut débit, via une parabole et un kit de connexion.

Par ailleurs, Thierry Breton a annoncé, en septembre 2004, un vaste plan de précâblage des 2 000 zones d'activités économiques (ZAE), devant permettre de leur offrir une large gamme de services à très haut débit, allant jusqu'à 100 Mbits/s, voire 1 Gbit/s pour celles qui sont situées dans les 20 principales agglomérations françaises, à des tarifs plus attractifs et dans des délais plus courts, en fonction de leurs usages. Cela concerne 120 000 établissements de grandes entreprises et PME.

Le plan de déploiement des équipements dans les ZAE sera déterminé, en fonction des priorités des entreprises locales, dans le cadre de discussions et d'échanges avec l'ensemble des acteurs économiques locaux (chambres de commerce et d'industrie, conseils régionaux, conseils généraux, communautés urbaines et d'agglomération). France Télécom déclare effectuer cette mise à niveau à sa seule charge, sans demander aucune contrepartie ni exclusivité aux collectivités locales.

2. La rencontre d'un intérêt privé avec l'intérêt général

Au total, l'effort d'investissement de France Télécom pour l'extension du raccordement à haut débit, via l'ADSL ou les technologies alternatives, devrait représenter près d'un milliard d'euros sur la période 2005-2007. S'agissant d'une société anonyme cotée en bourse, voire, depuis quelques semaines, d'une entreprise à capital majoritairement privé, il est évident qu'une opération de cette ampleur n'a de sens que si elle s'inscrit dans une stratégie conforme à l'intérêt bien compris des actionnaires.

Dès lors, deux axes d'analyse peuvent être envisagés pour expliquer cette combinaison heureuse entre l'intérêt général et l'intérêt de l'opérateur historique : la première s'appuie sur le constat que l'extension de la couverture territoriale fonctionne un peu comme la croissance d'un nénuphar ; la seconde tient compte de la pression concurrentielle qu'exercent les progrès du dégroupage total.

a) La logique du nénuphar

Le nénuphar couvre d'autant plus facilement une surface plus large qu'il a déjà atteint une certaine taille. On peut ainsi imaginer une stratégie consistant à capitaliser commercialement sur l'image positive que procure, en France, un effort d'investissement au service de l'intérêt général, en partant du constat que l'effort d'élargissement de la couverture en ADSL est d'autant plus profitable que la mise à niveau nécessaire a déjà été effectuée sur une large partie du pays.

La direction de France Télécom dépasserait ainsi les analyses en termes de calculs financiers directs, qui confrontent le coût incrémental probablement croissant de chaque nouvelle vague d'extension de la couverture en ADSL, à la valeur certainement décroissante de l'espérance de revenu supplémentaire procuré par le potentiel de nouveaux abonnés dans les zones moins denses, pour prendre en compte l'avantage indirect global, en termes publicitaires, qu'apporte cet effort d'extension de couverture contribuant à la cohésion nationale.

L'entreprise est d'autant mieux placée pour bénéficier de cette forme de retour sur « investissement dans la solidarité nationale », que son poids sur le marché, et surtout sa position d'opérateur historique, font qu'une initiative en ce sens rencontre une attente de la société française, laquelle continue à voir dans le champion national un instrument de l'intervention publique, bien qu'en l'occurrence, et en vertu du droit européen, cette conception n'a plus de fondement juridique.

Lors de son audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, le 18 novembre 2003, Thierry Breton a clairement dit combien il était conscient de l'attachement des Français à France Télécom, et comment cet attachement conduisait naturellement l'entreprise à contribuer au développement des territoires à la faveur d'un partenariat privilégié avec les collectivités locales. Il a également indiqué que la situation d'opérateur « majoritaire » dans un pays conférait à l'entreprise concernée le devoir de contribuer au traitement des difficultés nationales, le bénéfice de son activité ne devant pas aller aux seuls « stockholders » (les actionnaires), mais à l'ensemble des « stakeholders », c'est-à-dire aux différents partenaires de l'environnement social et institutionnel de l'entreprise.

En l'occurrence, les « stakeholders » sont d'ailleurs aussi des « stockholders » puisque l'entreprise reste majoritairement détenue par la collectivité publique, et que celle-ci a assumé jusqu'au bout son rôle d'« investisseur avisé » dans le plan de redressement engagé en 2003. Il n'est donc pas anormal que la collectivité nationale bénéficie en retour de certaines attentions à première vue désintéressées, rendues possibles par le dégagement progressif de nouvelles marges de manœuvre stratégique, grâce au succès de ce plan de redressement.

L'extension de la couverture territoriale en ADSL répond donc à une logique de jeu « gagnant - gagnant » : l'entreprise rend un service à la collectivité nationale, tout en consolidant psychologiquement sa base de clientèle. Le retour direct sur investissement de chaque élargissement du nénuphar ne constitue donc qu'une variable annexe dans l'évaluation complète des enjeux de cette stratégie.

b) L'effet des progrès du dégroupage total

Le dégroupage progresse désormais rapidement en France, et l'ART a annoncé le 1er octobre 2004 que la barre du million de lignes dégroupées, exactement 1 049 294, avait été atteint.

Le dégroupage permet à un opérateur alternatif de se raccorder directement au domicile des abonnés. Il recouvre cependant deux réalités bien différentes pour France Télécom : alors que le dégroupage partiel (997 873 lignes), qui vise à proposer une offre alternative en ADSL, ne l'empêche pas de continuer à percevoir des revenus pour la location de l'accès, et contribue à valoriser son effort d'extension de l'ADSL, le dégroupage total (51 421 lignes) équivaut, pour chaque nouvelle ligne remise à un opérateur alternatif, au renforcement d'un réseau concurrent. Le dégroupage total conduit en effet à raccorder complètement la ligne aux équipements d'un autre opérateur.

Or la dynamique de ces deux formes de dégroupage a fortement évolué au cours des derniers mois. Le dégroupage total était resté longtemps un phénomène marginal, ne concernant que quelques abonnés professionnels : le nombre d'accès concernés a été quadruplé entre la mi-2003 et la mi-2004. Sur la même période, il n'a été multiplié que par 2,5 pour le dégroupage partiel.

Le deuxième trimestre 2004 a en effet été marqué par l'annonce par plusieurs opérateurs (Free, 9Telecom, Cégétel, Tiscali) du lancement d'offres de services fondés sur le dégroupage total sur le marché résidentiel. Ils ont ainsi imité Télécom Italia qui propose de telles offres depuis l'hiver 2003. Par le biais notamment de l'apparition de l'offre de la télévision sur IP, une véritable concurrence dans les offres fondées sur le dégroupage total s'est développée.

Simultanément, le Parlement a mis en place le dispositif de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, qui aboutit lui aussi à une forme de « dégroupage total » pour France Télécom, puisqu'il autorise la mise en place d'infrastructures de réseaux appartenant aux collectivités locales.

La multiplication à grande échelle de réseaux concurrents constitue une menace commerciale évidente pour l'opérateur historique.

De là, son intérêt à courir au devant de la clientèle locale pour tenter de satisfaire les attentes de celle-ci, et limiter ainsi les velléités de création de nouveaux réseaux.

L'initiative « Départements Innovants », qui conduit à signer des chartes pour un partenariat sur mesure, visant à avancer d'un an les objectifs de couverture en ADSL, à desservir totalement les zones d'activité et à « proposer en avant-première des solutions innovantes en matière d'éducation, de santé, de sécurité et de citoyenneté », semble directement relever de cette démarche d'anticipation. La Loire et la Mayenne ont été les premiers départements à expérimenter ce dispositif dès 2003.

France Télécom n'a par ailleurs aucun intérêt à encourager le mouvement des fournisseurs d'accès en ADSL du dégroupage partiel vers le dégroupage total. C'est pourquoi, si la réintégration totale de Wanadoo a transformé la nature juridique des prestations fournies par France Télécom à sa filiale, puisque les transactions marchandes entre elles sont désormais devenues des transactions internes, le groupe ne pourrait retirer qu'un avantage de court terme en utilisant cette situation pour créer une distorsion de concurrence sur le marché de la fourniture de l'ADSL, en pratiquant, sous le couvert des transactions internes, des tarifs de dégroupage partiel plus favorables pour Wanadoo que pour ses concurrents, de manière à permettre à Wanadoo d'abaisser ses prix. L'impossibilité pour les concurrents de maintenir leur offre de raccordement ADSL sur la base du dégroupage partiel les inciterait alors à développer leur propre réseau pour élargir la surface géographique de leur offre en dégroupage total.

Cette question, soulevée dans le cadre de la consultation publique relative à l'analyse du marché de l'accès Internet à haut débit, a fait l'objet d'un document transmis par l'ART au Conseil de la concurrence en octobre 2004, au titre de la consultation entre les deux institutions pour la définition des « marchés pertinents ». L'ART, privilégiant manifestement l'exercice de la concurrence à l'avantage du consommateur, y estime qu'il serait « proportionné de ne pas soumettre France Télécom à une régulation sectorielle sur le marché de détail » de la fourniture d'accès Internet à haut débit, même si Wanadoo possédait encore 50 % du parc des clients fin juin 2004. En revanche, elle préconise, en conformité avec les principes du droit européen, « un niveau de régulation suffisant des offres de gros », pour lesquelles France Télécom conservait une part de marché de 70 % fin juin 2004.

Sur ce marché de gros de l'offre d'accès ADSL, l'ART maintient déjà, à titre transitoire pour l'année 2005, « des obligations de transparence et de non-discrimination ». Il lui appartiendra de déterminer, sous le contrôle de la Commission européenne, jusqu'où peut aller la mise en œuvre de ces obligations compte tenu de la nature interne des prestations fournies par France Télécom à Wanadoo, sachant que l'article L.38 du code des postes et des communications électroniques lui donne la possibilité d'obliger un opérateur déclaré « puissant » à « isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès ».

Dans sa synthèse des réponses à la consultation publique sur les marchés du haut débit, en date du 5 octobre 2004, elle indiquait déjà, à propos des conséquences de la réintégration de Wanadoo, que « les mesures proposées pourraient être de deux ordres :

- le renforcement des capacités de régulation des offres régionales, afin d'assurer que les concurrents du groupe France Télécom pourront disposer des mêmes offres que celles que France Télécom se fournira à elle-même ;

- la mise en place d'une séparation comptable afin de garantir le respect de l'obligation de non discrimination, le cas échéant l'orientation vers les coûts et l'absence de subventions croisées. »

LE SECTEUR DES POSTES

L'activité postale est traditionnellement abordée à travers la situation du seul opérateur historique. Cette approche reste encore incontournable en 2004, puisqu'il est difficile à ce jour d'avoir des éléments d'information synthétiques sur le secteur postal en France, bien qu'il soit de facto déjà largement ouvert à la concurrence.

Ce sera un des principaux apports de la loi sur la régulation des activités postales, dont l'adoption devrait intervenir dans les prochains mois, que de créer, avec la mise en place de l'autorité de régulation, un organisme disposant de moyens pour dresser, en vue de piloter avec la précision requise son action de contrôle juridique, une cartographie complète des entreprises présentes dans le secteur.

Cependant il est d'ores et déjà possible de définir les principales caractéristiques du contexte concurrentiel dans lequel La Poste déploie désormais ses activités, ainsi que d'analyser les conditions dans lesquelles l'opérateur public continue à prendre en charge des missions d'intérêt général indispensables à la cohésion de la collectivité nationale.

I.- L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE

Si l'actualité législative devrait conduire à l'examen prochain, à l'Assemblée nationale, du projet de loi relatif aux activités postales, texte de transposition déjà adopté en première lecture par le Sénat le 28 janvier 2004, qui définit le cadre d'un véritable marché dans le secteur postal, il convient d'observer que son apport consiste moins en une extension du champ de la concurrence qu'en son organisation. En effet, l'exploitant public coexiste déjà avec des opérateurs privés sur de larges segments du marché. Dans ce contexte, il subit d'ailleurs plutôt à son désavantage le phénomène de distorsion de concurrence dont on serait parfois tenté de l'accuser au terme d'une analyse un peu hâtive.

A.- UN « MONOPOLE » DÉJÀ TRÈS PERMÉABLE

Le projet de loi relatif aux activités postales établit des règles du jeu pour la concurrence sur le marché postal plutôt qu'il ne le libéralise à proprement parler, puisque le secteur postal français est d'ores et déjà très ouvert dans certaines de ses composantes essentielles.

1. L'exposition actuelle à la concurrence

Des trois métiers dans lesquels le groupe La Poste déploie ses activités, à savoir le courrier, le colis, et les services financiers, les deux derniers, représentant respectivement 18 % et 23 % du chiffre d'affaires du groupe en 2003, sont totalement ouverts à la concurrence. Or le secteur du colis constitue une composante importante du marché postal. Le secteur du courrier est également, pour certains de ses segments, très concurrentiel.

a) Le marché totalement ouvert du colis

C'est la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire qui a mis fin complètement, en modifiant les articles L.1er et L.2 du code des P&T au monopole sur le transport de colis ; ce monopole était cependant déjà assez restreint, puisqu'il ne concernait que les « paquets ... n'excédant pas le poids de 1 kilogramme ».

Le projet de loi relatif à la régulation des activités postales introduit dans le code des P&T différentes définitions des concepts postaux, sans en donner précisément une pour le colis : le colis se trouve ainsi défini a contrario comme l'objet d'un « envoi postal » qui ne serait pas un « envoi de correspondance ». L'objet postal qu'est le colis se caractérise donc par le fait de porter sur lui-même (ou sur son conditionnement) l'adresse d'un destinataire, mais de ne pas pour autant véhiculer de communication écrite (autre que celle des livres, catalogues, journaux ou périodiques).

A l'intérieur de l'espace juridique du colis, il convient de faire une place particulière à ce qu'on appelle « l'express », qui s'identifie par la rapidité du service fourni, puisqu'il s'agit d'une prestation « à valeur ajoutée » assurant la distribution du paquet en « J+1 », alors que la prestation de colis classique est conçue pour permettre une distribution en « J+2 » au plus tôt.

De ces caractères distinctifs du colis découlent assez logiquement le fait qu'il s'agit par nature d'un marché très concurrentiel :

- il est très proche du marché du transport, et des effets de substitution sont souvent possibles entre les deux marchés, puisque l'objet à remettre peut être confié à un livreur plutôt qu'à un opérateur postal ;

- il s'adresse pour l'essentiel à une clientèle d'entreprises (pratiquement en totalité pour « l'express », et à hauteur de 78 % pour le colis classique), lesquelles se trouvent justement, plus que les particuliers, amenées à arbitrer entre l'intérêt économique respectif d'une livraison ou d'une distribution ;

- il doit nécessairement faire une place importante, lorsque la destination se trouve au-delà des frontières, à l'offre des opérateurs internationaux.

De fait, en France, plus de la moitié du trafic de colis d'entreprise au consommateur est distribué par d'autres opérateurs que La Poste. En Europe, le groupe La Poste occupe la troisième position avec une part de marché de 10 %, juste derrière le hollandais TPG qui en détient 11 %, mais loin derrière la Deutsche Post qui en possède 22 %.

La Poste a regroupé ses activités internationales dans le secteur du colis au travers de sa holding GeoPost, qui a réalisé près de 2,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2003. GeoPost dispose d'une couverture mondiale depuis son alliance avec l'opérateur américain FedEx en 2001. En France, elle intervient au travers de sa filiale ColiPoste, qui a réalisé un peu plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2003. Dans les deux cas, la progression par rapport à 2002 a été d'environ 5 %, ce qui illustre le succès de sa stratégie de développement sur ce métier, inscrite dans son contrat de plan depuis 1998.

b) La dimension concurrentielle du courrier

Le métier du courrier, qui produit 59 % du chiffre d'affaires du groupe La Poste, soit un peu plus de 10 milliards d'euros en 2003, est souvent perçu comme indissociablement lié à l'image du facteur en uniforme transportant des lettres pour les remettre à des particuliers. En réalité, 90 % de cette activité a pour destinataire des entreprises. De ce fait, même la partie du courrier qui relève juridiquement du domaine réservé est soumise à une certaine forme de concurrence, à cause des phénomènes de substitution possibles.

·  Certains segments de l'activité de courrier se trouvent d'ores et déjà juridiquement placés sous un régime de concurrence. Le droit européen a certes prévu la possibilité pour les Etats membres, à travers l'article 7 de la directive 97/67/CE du 15 décembre 1997, de mettre en place un domaine réservé pour le prestataire du service universel ; mais ce domaine réservé a été limité, dans un premier temps, au courrier de moins de 350 grammes et d'un prix inférieur à cinq fois le tarif de base, puis, dans un second temps, en vertu de la directive 2002/39/CE du 10 juin 2002, à compter du 1er janvier 2003, au courrier de moins de 100 grammes et d'un prix inférieur à trois fois le tarif de base.

La France n'a pas encore transposé au niveau législatif cette réduction de la taille du domaine réservé, puisque c'est là un des objets du projet de loi relatif à la régulation des activités postales, en attente d'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Le code des postes et des communications électroniques continue à ce jour, en son article L. 2, à n'accorder la liberté de prestation en matière d'envoi de correspondance, pour les opérateurs concurrents de La Poste, qu'au-delà du seuil de 350 grammes. Ce défaut de transposition fait d'ailleurs l'objet d'un recours de la Commission européenne devant la Cour de justice des communautés européennes depuis le 17 décembre 2003.

Cependant il ne fait pas de doute que la prescription très précise de la directive 2002/39/CE abaissant ce seuil à 100 grammes serait considérée comme faisant l'objet d'une application directe en cas de litige devant la Cour de justice des communautés européennes. D'ailleurs, le principal intéressé à un prolongement de l'ambiguïté juridique ainsi créée, à savoir La Poste elle-même, qui serait seule fondée à contester une violation du seuil des 350 grammes sur la base du droit français « nominal », considère elle-même que ce seuil est d'ores et déjà reporté de jure à 100 grammes, ainsi qu'elle le mentionne dans son rapport d'activité pour l'année 2003 (p.25).

A côté des envois de correspondance de plus de 100 grammes, l'ouverture à la concurrence dans le secteur du courrier concerne aussi les deux segments à valeur ajoutée des envois recommandés (sauf dans des cas particuliers), et des envois à valeur déclarée.

Au total, 34 % du chiffre d'affaires du courrier est juridiquement ouvert à la concurrence depuis le 1er janvier 2003.

·  Cependant à cette ouverture juridique, il faut ajouter une dimension d'ouverture de nature économique, du fait de la concurrence par substitution qui peut s'exercer sur le marché des envois en nombre, qui concerne les entreprises.

Ce marché est très important en valeur, puisqu'il procure 90 % du chiffre d'affaires du secteur du courrier, et il est de surcroît très concentré : les 80 premiers grands comptes clients de La Poste représentent 30 % de son chiffre d'affaires pour le courrier.

En outre, il s'agit du seul segment dynamique actuellement dans l'activité globalement déclinante du courrier. La Poste y a notamment connu une progression de 4,6 % de son chiffre d'affaires en 2003.

Bien qu'une partie importante du trafic généré par la clientèle d'entreprises relève du domaine réservé, du fait de ses caractéristiques de poids et de prix, ce trafic serait susceptible de s'étioler assez rapidement si une qualité insuffisante des prestations, ou un niveau excessif des tarifs, en venait à rendre plus avantageuses des techniques alternatives de communication, de transport, voire d'envoi postal, comme la distribution de prospectus non adressés, de catalogues adressés de plus de 100 grammes, ou la prospection par fax ou par Internet. Le domaine réservé ne fait en effet pas obstacle à une concurrence en provenance de l'extérieur du domaine réservé.

Ainsi la société française Adrexo, qui s'est déployée à l'origine dans la distribution de journaux gratuits, puis dans la publicité non adressée, dispose aujourd'hui d'une organisation lui permettant d'assurer la distribution de documents adressés de plus de 100 grammes sur la quasi-totalité du territoire métropolitain.

De ce fait, un esprit de concurrence doit prévaloir à La Poste dans la gestion des opérations de courrier y compris pour la part du chiffre d'affaires allant au-delà de celle (34 %) calculée au vu des seules dispositions juridiques.

·  Il convient à cet égard de noter la dimension délicate de la contribution à l'élimination des déchets qui a été imposée, en vertu de l'article 20 de la loi de finances rectificative pour 2003, à toute personne faisant distribuer des imprimés, contribution qui peut être versée en nature ou en espèces, faute de quoi la personne en question est assujettie à une taxe prévue par le code des douanes.

Lors de son adoption définitive, cette disposition visait exclusivement les imprimés « non nominatifs », précision qui a été invalidée par le Conseil constitutionnel invoquant, dans sa décision du 29 décembre 2003, une « différence de traitement injustifiée au regard de l'objectif poursuivi ». Or, l'élargissement de la contribution au cas de la distribution des imprimés nominatifs, autrement dit au cas de la publicité adressée, va se traduire mécaniquement par un renchérissement de la prestation, qui va lui-même encourager les processus de substitution.

Un réaménagement du dispositif dans un sens compatible avec la décision du Conseil constitutionnel, mais permettant de restreindre au moins partiellement l'assiette de cette nouvelle contribution, devrait donc pouvoir être recherché par voie d'amendement dans le cadre du projet de loi relatif à la régulation des activités postales, la piste d'une exemption des imprimés relevant de la catégorie des envois de correspondance pouvant par exemple être explorée.

2. La portée effective de la transposition en cours

Le projet de loi relatif à la régulation des activités postales n'apporte en réalité aucun élément juridique nouveau s'agissant de l'étendue du secteur postal ouvert à la concurrence, puisque la réduction de la taille du domaine réservé est effective en droit depuis le 1er janvier 2003, par application directe de la directive 2002/39/CE.

En fait, son véritable apport consiste plutôt, d'une part, en la formulation des règles déterminant quelles entreprises peuvent opérer sur le marché postal, et d'autre part, en l'instauration d'un dispositif de régulation du marché postal.

a) La détermination du cadre du marché postal

L'organisation du marché des activités postales conduit d'abord à délimiter le domaine dit « réservé » de l'opérateur historique, dont la mise en place trouve sa justification, en vertu de l'article 7 de la directive 97/67/CE, dans le besoin de financement, par péréquation, de la prestation de service universel qui lui a été confiée par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Les services réservés ne concernent que les envois de correspondance, mais en incluant le courrier accéléré.

Le projet de loi aligne dans l'immédiat le plafond des services réservés français sur le plafond européen fixé à 100 grammes et trois fois le tarif de base, mais prévoit aussi, à compter du 1er janvier 2006, conformément à la directive 2002/39/CE, l'abaissement de ce plafond à 50 grammes et deux fois et demie le tarif de base.

Le projet de loi réserve aussi à La Poste, en application de l'article 8 de la directive 97/67/CE, les « envois recommandés utilisés dans le cadre de procédures administratives ou juridictionnelles », catégorie d'envois recommandés qui viendrait prendre la place, dans le domaine réservé, des « envois recommandés dont l'utilisation est prescrite par un texte légal ou réglementaire » actuellement mentionnés à l'article L. 2 du code des P&T.

Le domaine réservé n'empiète cependant pas ni sur le droit d'assurer le service de ses propres envois, ni sur le droit à l'« échange de documents », dispositif permettant de communiquer, au sein d'une même communauté, par dépôt direct du message dans le casier du destinataire. Seuls en effet sont considérés comme opérateurs postaux les prestataires pour le compte d'autrui.

L'organisation du marché des activités postales conduit aussi à déterminer les conditions d'entrée sur ce marché, et, en l'occurrence, à définir un régime d'autorisation pour les opérateurs concurrents se déployant dans le champ des envois de correspondance, c'est-à-dire des communications écrites destinées à être remises à l'adresse indiquée par l'expéditeur.

Cela concerne uniquement, pour le courrier national, les opérateurs intégrant une prestation de distribution dans leur offre. Car la distribution est considérée comme la caractéristique véritablement distinctive de l'opérateur postal. Il est en revanche peu probable qu'un opérateur mette jamais en place un service de levée, car la collecte constitue en soi une activité coûteuse sans gain direct en contrepartie.

Une disposition transitoire prévoit que les opérateurs fournissant déjà des services d'envoi de correspondance pourront continuer à exercer leur activité sous réserve de formuler la demande d'autorisation requise.

Les opérateurs œuvrant dans les catégories d'envois postaux autres que les prestations d'envois de correspondance bénéficient d'ores et déjà, pour les activités en question, d'un régime de liberté que le projet de loi confirme, mais sous réserve du respect d'exigences essentielles, relatives à la sécurité, à la confidentialité, à la protection des données personnelles et à la préservation de l'environnement. Cela concerne les opérateurs du colis par exemple.

Pour les opérateurs couvrant diverses catégories d'envois postaux, comme La Poste elle-même en particulier, le régime d'autorisation n'est évidemment requis que pour la part de leur activité relevant des envois de correspondance, et n'interférant pas néanmoins avec le domaine réservé.

Au passage, on peut observer que le régime d'autorisation concerne, sans exception, non seulement La Poste en dehors de son domaine réservé, mais aussi toutes ses filiales intervenant dans le champ des envois de correspondance.

Enfin, l'organisation du marché des activités postales suppose la possibilité pour les opérateurs alternatifs de bénéficier d'installations et informations indispensables à leur activité, qui sont détenues pour l'instant exclusivement par l'opérateur public, lequel a dû les mettre en place au cours de l'histoire pour ses besoins propres : la distribution en boîtes postales, par exemple, ou les données relatives aux changements d'adresse. Les conditions de fixation de la liste de ces installations et informations indispensables fait bien sûr l'objet d'un débat entre les professionnels concernés, qu'il appartiendra au Parlement de trancher.

b) La fixation des principes de la régulation

S'agissant de la mise en place d'une régulation, le projet de loi instaure en premier lieu une autorité de régulation « juridiquement distincte et fonctionnellement indépendante des opérateurs postaux », et en particulier de l'opérateur historique et de sa tutelle gouvernementale, conformément à l'article 22 de la directive de 1997.

A partir des différentes solutions qui ont été adoptées en la matière par les autres pays membres de la Communauté européenne, il apparaît que la régulation postale pouvait s'organiser de plusieurs manières :

·  le dispositif le plus fréquemment adopté en Europe dans les petits pays est ainsi celui du régulateur multisectoriel, couvrant généralement l'énergie, voire l'audiovisuel, en plus des postes et des télécommunications ;

·  la voie du régulateur spécifique au secteur postal a été suivie dans quatre pays seulement : l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni, et le Danemark ;

·  la France rejoindrait, avec l'extension des compétences de l'autorité de régulation des télécommunications au secteur postal, qui est proposée par le projet de loi, la solution du régulateur dédié aux postes et télécommunications, adoptée en Allemagne, en Autriche, en Belgique, aux Pays-Bas et en Suède.

Le régulateur postal aura pour fonction, outre la surveillance de la prestation fournie par l'opérateur du service universel, par le contrôle de ses tarifs en particulier, d'accorder les autorisations aux opérateurs alternatifs, de régler les litiges entre la Poste et ses grands clients, ou entre La Poste et les opérateurs alternatifs. Il disposera en outre de pouvoirs d'enquête à des fins de sanctions administratives, ou à des fins de recherche d'infractions pénales. Le projet de loi met en effet en place une panoplie graduée de sanctions pouvant être appliquées à des opérateurs qui ne respecteraient pas le cadre de fonctionnement du marché des activités postales.

Un article additionnel du projet de loi propose que l'extension des compétences de l'autorité de régulation des télécommunications au secteur postal s'accompagne d'un accroissement du nombre des membres de son collège : celle-ci passerait de cinq à six membres.

B.- LA PROBLÉMATIQUE DE LA DISTORSION DE CONCURRENCE

Confrontée à une pression concurrentielle croissante, La Poste peine pourtant à dégager les marges d'autofinancement dont elle aurait besoin pour mettre à niveau son outil de production. Elle accumule de ce point de vue un net retard par rapport aux deux postes dominantes en Europe que sont les postes allemande et hollandaise, hypothéquant d'autant ses possibilités de résistance lors des étapes ultérieures d'ouverture du marché européen postal à la concurrence. Une des causes fondamentales de cette situation tient à ce que l'Etat impose à l'exploitant public, qui doit se financer sur ses seules recettes depuis le 1er janvier 1991, un certain nombre de missions d'intérêt général et de contraintes de gestion, tout en ne le dédommageant que partiellement. Ce constat remet en cause l'idée selon laquelle le statut public de La Poste induirait une distorsion de concurrence à son avantage, et souligne plutôt le besoin d'atténuer sur le moyen terme, ainsi que le contrat de plan avec l'Etat l'a prévu, un certain nombre d'handicaps concurrentiels.

1. Une capacité d'adaptation entravée

Le rapport de la Cour des comptes d'octobre 2003 sur « Les comptes et la gestion de La Poste de 1991 à 2002 » l'a mis clairement en évidence :

« La Poste n'a pas été en mesure de dégager, entre 1991 et 2002, les résultats qui lui auraient permis de générer les capitaux propres nécessaires à sa croissance. Sa structure financière demeure déséquilibrée.

Cette situation traduit une rentabilité intrinsèquement insuffisante de l'établissement au cours de la période. Elle reflète aussi des choix de l'Etat, qui témoignent d'un souci prédominant d'assurer l'équilibre des comptes. Cet objectif pouvait convenir à un établissement public en situation de monopole. Il ne peut suffire à créer les conditions du développement d'une entreprise compétitive dans un contexte de concurrence croissante. » (p.28)

De fait, La Poste peine à dégager des ressources pour investir, et son niveau de performance s'en ressent.

a) Des résultats financiers insuffisants

La Poste subit les conséquences d'une succession prolongée de résultats proches de l'équilibre, qui l'ont empêchée de disposer des surplus nécessaires à une stratégie d'adaptation de grande ampleur.

En effet, ses marges d'endettement sont limitées dans la mesure où elle s'est engagé depuis le début des années 1990 dans un effort de réduction de son ratio d'endettement (dettes à long et moyen terme par rapport aux capitaux propres). Ce ratio s'améliore passant de 2,4 fin 2002 à 2,2 fin 2004, après affectation du résultat. La dette est stabilisée à 3,7 milliards d'euros depuis 2001.

RÉSULTAT NET DE LA POSTE : 1991-2002

(en millions d'euros)

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

CA

11 253

11 650

12 223

12 884

12 799

13 333

13 667

14 344

15 482

15 978

17 028

17 332

Résultat net

48

18

-186

30

-171

-93

9

51

283

144

-95

34

Ratio (en %)

0,4

0,15

-1,52

0,23

-1,34

-0,70

0,06

0,35

1,83

0,90

-0,55

0,19

Source : Rapport de la Cour des comptes précédemment cité

Alors qu'aux cours des dernières années, les postes allemande (DPWN) et hollandaise (TPG) ont dégagé des ratios de résultat net de l'ordre de 5 %, le groupe La Poste reste sur une moyenne de l'ordre de 0,025 %, soit 20 fois moins, sur la dernière décennie.

RATIO DE RÉSULTAT NET

(en pourcentage du chiffre d'affaires)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

La Poste

-0,70

0,06

0,35

1,83

0,90

-0,55

0,19

1,12

DPWN

1,3

-1,4

1,1

5

4,6

4,7

1,7

3,3

TPG

9,7

4,6

5,1

4,9

5,4

5,3

5,1

3

Source : Rapport annuel 2004 des contrôleurs d'Etat sur La Poste

L'année 2003 marque une nette amélioration avec un résultat net de 202 millions pour un chiffre d'affaires de 18 004 millions d'euros, soit un ratio de 1,1 % ; mais un écart conséquent subsiste, et il n'est pas à l'échelle d'un rattrapage rapide du retard accumulé.

CAPACITÉ D'AUTOFINANCEMENT

(en millions d'euros)

1998

1999

2000

2001

2002

2003

737

988

796

594

559

767

Dans ces conditions, la capacité d'autofinancement de La Poste dépend pour une part importante des dotations pour amortissements et provisions. Elle reste comprise au cours des dernières années entre 500 millions et un milliard d'euros.

b) Un faible niveau de performance

La performance de La Poste s'apprécie au premier chef, pour ses clients, à sa capacité à tenir les délais pour la distribution du courrier. De ce point de vue, le taux de distribution effective au jour « J+1 » de la lettre urgente revêt une haute valeur symbolique.

A cet égard, il est bien entendu qu'il convient de relativiser les comparaisons internationales. Outre que les situations géographiques ne sont pas similaires, car la France comporte des variations internes de densité démographique inconnues en Allemagne et aux Pays-Bas, l'heure de la journée au-delà de laquelle un dépôt n'est plus comptabilisé au nombre des envois postaux devant parvenir à destination le lendemain, est fixée plus ou moins tôt suivant les pays. Néanmoins, l'écart de qualité de service apparaît important : pour un taux de distribution de l'ordre de 75 % en France, les taux annoncés en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni se situent entre 90 et 95 %.

TAUX D'ARRIVÉE DE LA LETTRE URGENTE LE LENDEMAIN DE SON DÉPÔT

(en %)

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

76,3

71,2

76,3

77,2

76,4

81,1

77,1

76,8

76,1

69,5

74,4

Source : La poste. Pour 2004 : cumul sur les huit premiers mois.

En fait, ce taux de 75 % stagne depuis 1994 en France, en dépit des efforts pour améliorer la situation. D'une façon générale, la Cour des comptes, dans le rapport précité, constate que tous objets et tous flux confondus, la qualité de service du courrier ne s'est pas améliorée depuis 1990. Les objectifs fixés successivement par les contrats de plan dans ce domaine n'ont pas été atteints et, bien que cette priorité ait été régulièrement réaffirmée, la qualité de service n'a pas progressé à l'exception de quelques secteurs auxquels une priorité absolue a été donnée principalement le courrier international et, plus récemment, le courrier industriel (avec la gamme Tem'post).

Cela illustre l'existence d'une sorte de limite physique à une meilleure performance, qui tient d'une part, à une architecture géographique inadéquate du réseau de traitement du courrier, et d'autre part, à une insuffisante automatisation.

L'inadéquation géographique du réseau de traitement concerne aussi bien le réseau de distribution que le réseau de tri.

S'agissant de la distribution, un bureau chargé de cette activité fonctionnerait de façon optimisée, selon La Poste, lorsqu'il assure une quarantaine de tournées de facteurs. Or, au milieu des années quatre-vingt-dix, plus de 80 % des bureaux distributeurs assuraient moins de 14 tournées, tandis que les 20 % restant, implantés en zone urbaine, assuraient pour la plupart plus de 50 tournées. Depuis 1997, les projets RPDC (réseau de production et de distribution du courrier) et DDU (décentralisation de la distribution urbaine) s'efforcent respectivement de regrouper les bureaux distributeurs en zone rurale, et de les diviser en zone urbaine. Cette réorganisation géographique très progressive commence seulement à produire ses effets.

Un effort d'aménagement considérable est également requis pour assurer la mise à niveau du réseau de tri, dont les centres non seulement sont manifestement trop nombreux (130 en France pour 83 en Allemagne et 51 en Italie), mais aussi sont mal implantés sur le territoire (souvent en centre ville et sur plusieurs niveaux).

C'est justement dans le domaine du tri que l'insuffisance d'automatisation se fait le plus sentir : le taux d'automatisation de La Poste était en 2002 de 60 % pour le tri général « petits formats » (contre 100 % pour TPG), de 35 % pour le tri par tournée « petits formats » (contre 92 % pour TPG) et de 5 % pour le tri par tournée « grands formats » (contre 80 % pour TPG). Pour ces trois catégories confondues, DPWN atteignait globalement un taux d'automatisation de 85 %.

Cette insuffisante automatisation rejaillit sur la performance globale de La Poste en termes de productivité : avec un nombre d'agents comparable, la Poste allemande DBWN a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires double de celui de la Poste française. Celle-ci supporte des charges salariales à hauteur de 70 % de son chiffre d'affaires contre 34 % pour les opérateurs TPG et DPWN.

Le contrat « de performances et de convergences » a prévu un effort conséquent pour redresser la situation, devant permettre de rehausser à 85 % le taux de distribution le lendemain des lettres urgentes.

La Poste a ainsi lancé le projet « Cap qualité » devant l'amener à investir 3,4 milliards d'euros sur la période 2004-2010 pour moderniser son outil industriel, et le porter au niveau de celui des meilleurs opérateurs européens. Sur cette enveloppe, 1,8 milliard d'euros seront consacrés à l'automatisation des centres de tri.

Cela va nécessiter une « réingénierie » profonde et complète de l'outil de production, et une concentration de l'effort de mécanisation sur un nombre de centres de tri sensiblement plus réduit, tendant vers 50, qui devrait correspondre à un maillage plus efficace.

Ainsi, l'architecture du réseau de production industrielle du courrier sera réorganisée en quatre niveaux :

·  les plates-formes « courrier d'intérêt national ». Au nombre d'une vingtaine, elles vont concentrer l'essentiel du traitement automatisé du courrier. Elles seront implantées sur le territoire à proximité des principales métropoles régionales et leur localisation répondra à différents critères socio-économiques (bassins d'emplois, densités de population, zones économiques), ou logistiques (nœuds autoroutiers) ;

·  les plates-formes « courrier d'intérêt régional » (quelques dizaines). Ayant vocation à assurer une couverture optimale du territoire, leur implantation sera concertée avec les collectivités territoriales ;

·  les plates-formes « courrier d'intérêt local » (quelques centaines). Elles assureront sur une zone infra-départementale la concentration et la préparation du courrier collecté par les plate-formes « courrier de proximité », ainsi que la collecte et la réception du courrier émis par les entreprises. Elles regrouperont le courrier en provenance des plates-formes « courrier d'intérêt national » et plates-formes « courrier d'intérêt régional » avec les produits des autres réseaux postaux (presse et colis notamment), en vue de leur distribution par les plates-formes « courrier de proximité » ;

·  les plate-formes « courrier de proximité » (quelques milliers). Elles assureront le service de distribution du courrier 6 jours sur 7 sur l'ensemble du territoire.

Par ailleurs, un puissant système d'information de gestion de la production industrielle et des transports reliera les établissements, et traitera en temps réel les informations en provenance des centres de production automatisés et des véhicules équipés de GPS, afin d'assurer une visibilité complète et une réactivité immédiate.

Globalement, l'automatisation devrait ainsi passer de 60 à 90 % des volumes traités, et les clients devraient bénéficier de nouveaux services à valeur ajoutée, comme le développement de services à domicile, la diversification des lieux de dépôt, ou encore le suivi des envois de bout en bout avec un retour d'information par Extranet ou SMS.

Cette vaste réorganisation s'accompagnera de mesures internes de redéploiement, La Poste mettant parallèlement en œuvre une gestion des ressources humaines fondée sur la reconnaissance et le développement des compétences et de la performance afin de conserver ses salariés et d'attirer un personnel de qualité. 800 millions d'euros leur seront consacrés. La Poste a en effet pris l'engagement, dans le cadre du contrat de plan 2003-2007, d'assurer le reclassement et la réorientation professionnelle de ses agents lorsque l'évolution de leurs métiers ou de son appareil de production les rendront nécessaires.

En attendant, les projets RPDC et DDU vont être poursuivis, et un plan d'action « à 1000 jours » va s'efforcer d'améliorer la qualité des prestations en visant à « tirer le meilleur parti de l'outil de production » existant.

Le lancement du projet « Cap qualité » a coïncidé en 2003 avec la relocalisation des centres de tri de Rouen et Strasbourg, et l'ouverture de la plate-forme de traitement du courrier international à Roissy.

2. Des charges imparfaitement compensées

L'addition directe des soldes restant à financer par La Poste pour l'ensemble des contraintes qui lui sont imposées par l'Etat, sans compter la charge des pensions, atteint un chiffre de près de 1,4 milliard d'euros, soit environ 7,8 % du chiffre d'affaires. Les ordres de grandeur montrent donc qu'en obligeant La Poste à prélever sur ses recettes courantes pour financer des contraintes auxquelles les opérateurs postaux concurrents ne sont pas soumis, l'Etat prive celle-ci des ressources qui lui permettraient d'investir afin d'aligner sa performance sur celle des postes allemande et hollandaise.

Le contrat de plan entre La Poste et l'Etat pour la période 2003-2007, dit contrat « de performances et de convergences », signé le 13 janvier 2004, a pris en compte le handicap concurrentiel ainsi créé, et mis en place un échelonnement de sa résorption partielle.

Les charges à compenser résultent soit de missions d'intérêt général, soit de contraintes exorbitantes sur la gestion du personnel.

a) Le poids net des missions d'intérêt général

La Poste reste soumise à de lourdes contraintes d'intérêt général, qui ne sont compensées que partiellement par l'Etat : le surcoût des tarifs postaux préférentiels à la presse, la présence postale en milieu rural, la charge de la gestion des petits livrets A.

·  Les services d'acheminement et de distribution de la presse font partie du service public des envois postaux, aux termes de l'article 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom.

La charge de la diffusion de la presse par voie postale a un coût global qui avoisine 1,2 milliard d'euros par an. Dans la logique des accords Galmot conclus le 4 juillet 1996, les éditeurs de presse en payent environ 430 millions d'euros à travers la rémunération du tarif préférentiel qui leur est accordé. L'Etat prend à sa charge la même somme fixe de 290 millions d'euros depuis l'année 2000.

FINANCEMENT DU TRANSPORT DE PRESSE : LE DISPOSITIF GALMOT

(en millions d'euros)

1998

1999

2000

2001

2002

Charges imputables

1 132

1 137

1 190

1 208

1 174

Part payée par la presse

387

410

422

437

430

Aide de l'Etat

280

280

290

290

290

Contribution de La Poste

465

447

478

481

454

La Poste est directement mise à contribution pour le reste, soit environ 480 millions d'euros, ce qui représente près de 40 % de la charge, alors qu'il s'agit là d'une mission d'intérêt général dont rien ne justifie qu'elle pèse pour une part aussi lourde sur la Poste.

A l'issue d'une mission de négociation confiée en décembre 2002 à M. Henri Paul, conseiller maître à la Cour des comptes, un protocole d'accord a été signé, le jeudi 22 juillet 2004, pour la période de quatre ans allant de 2005 à 2008, par les syndicats de presse, La Poste, le ministre de la culture et le ministre délégué à l'industrie, afin de mieux répartir l'effort financier :

- les éditeurs de presse prendraient à leur compte une part supplémentaire de 80 millions d'euros, par une augmentation des tarifs de 21,5 % pour le transport urgent, et de 10,4 % pour le non urgent ;

- La Poste s'engagerait sur une réduction des coûts de processus et de structure de 100 millions d'euros en fin de période ; de plus, elle accepterait de modifier sa méthodologie comptable, en réduisant de 80 millions d'euros les charges imputables à l'activité de transport de presse (en transférant ce montant de charges comptables vers d'autres trafics).

Au total, l'enveloppe à financer par subvention (Aide de l'Etat ou contribution de La Poste) serait donc réduite, au terme des quatre années, de 260 millions d'euros.

LE PASSAGE AU DISPOSITIF PAUL

(en millions d'euros)

2004

2005

Charges imputables

1 138

1 102

Part payée par la presse

439

445

Aide de l'Etat

290

242

Contribution de La Poste

409

415

Le projet de loi de finances pour 2005 ramène l'aide de l'Etat de 290 millions à 242 millions d'euros, dont 66 millions d'euros sont inscrits désormais au budget des services du Premier ministre ; la différence (48 millions d'euros) va à des aides à la modernisation des imprimeries et des circuits de diffusion. Le solde restant à la charge de La Poste ne s'en trouve augmenté que de 6 millions d'euros, grâce d'une part, à un effort financier de la presse de 6 millions d'euros, et d'autre part, à une diminution du coût global de la prestation de 36 millions d'euros, partie par des gains de productivité, partie par la réaffectation comptable d'une partie des dépenses imputées au transport de la presse.

·  Le maintien d'un réseau de 17000 points de contact pour des raisons d'aménagement du territoire n'entre pas dans le champ du service universel, qui vise seulement à offrir des services postaux « en tous points du territoire ».

Le rapport de Gérard Larcher « La Poste : La dernière chance » estime à 750 millions d'euros le surcoût annuel du réseau en comparaison de la charge qu'il représenterait s'il était configuré selon des critères d'optimisation économique et commerciale.

Compte tenu de l'existence du domaine réservé, et de l'abattement fiscal sur les taxes locales accordé par la loi du 2 juillet 1990 (cf infra), le solde restant à la charge de La Poste s'élèverait à 350 millions d'euros.

·  La fonction de « guichet social » des services financiers de La Poste permet de ne pas aggraver les autres formes d'exclusion par une exclusion bancaire, les banques privées n'acceptant pas la clientèle des petits déposants.

La Poste accueille en effet parmi les détenteurs de livret A des personnes disposant de revenus très modestes : 60 % des livrets A qu'elle gère ont un encours de moins de 150 euros, et occasionnent 44 % de l'ensemble des opérations sur le livret A. Certaines personnes utilisent leur livret A comme un véritable porte-monnaie.

La Poste estime le surcoût annuel induit à 55 millions d'euros.

b) Des contraintes exorbitantes sur la gestion du personnel

Ces contraintes imparfaitement compensées concernent aussi la gestion du personnel, ce qui constitue un handicap non négligeable pour cette entreprise de main d'œuvre, premier employeur de France après l'Etat. Cela concerne le poids des retraités sous statut public, la mise en œuvre (désormais ancienne, mais à coût non compensé rémanent) des 35 heures, et l'exclusion récente du dispositif d'allègement de charges patronales sur les bas salaires pour ses employés contractuels, alors que ce dispositif, mis en place par la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail, et au développement de l'emploi, profite à ses concurrents.

·  La priorité tout à fait souhaitable désormais accordée par la Poste à l'embauche de contractuels crée une difficulté croissante pour le financement des pensions aux anciens fonctionnaires, puisque ce financement, qui est à la charge de la Poste en vertu de la loi du 2 juillet 1990, doit s'appuyer sur une base de cotisants fonctionnaires en constante diminution.

La Poste verse ainsi chaque année, à L'Etat, une dotation équivalente aux pensions, qui est imputée au budget général en recettes non fiscales, sur la ligne 508. Elle est évaluée pour 2005 à 2920 millions d'euros contre 2828,6 millions d'euros en 2004 et 2618,2 millions d'euros en 2003.

Cependant une partie de cette dotation est financée par les cotisations des fonctionnaires en activité (348 millions d'euros en 2003). Par ailleurs, le régime de La Poste bénéficie des mécanismes de compensation démographique entre les divers régimes de retraite (à hauteur de 195 millions d'euros en 2003).

La dotation nette restant effectivement à la charge de La Poste était donc de 2104 millions d'euros en 2003, mais elle progresse rapidement (la prévision est de 2135 millions d'euros pour 2004), et le contrat de plan pour la période 1998-2001 avait mis en place d'un dispositif de lissage de cette charge pour La Poste, de manière à la stabiliser autour de 2 milliards d'euros par an.

Cette participation de l'Etat, en forte croissance, a atteint 217 millions d'euros en 2003 contre 152 millions d'euros en 2002, et 109 millions d'euros en 2001.

Rapporté au nombre des cotisants, le taux de cotisation « employeur » supporté in fine par La Poste s'élevait à plus de 46 % en 2003, ce qui le mettait à un niveau équivalent au taux de cotisation « employeur » supporté par les entreprises privées, en tenant compte des cotisations « chômage ». Mais la dérive naturelle liée aux départs en retraite va porter ce taux de cotisation implicite à 50 % en 2004, et à plus de 55 % en 2010, si l'effort de l'Etat reste inchangé.

Le dispositif de « lissage » a été reconduit, dans un premier temps, par le contrat de plan pour 2003-2007, étant entendu que : « l'Etat recherchera avec La Poste, dans le cadre d'un groupe de travail commun, un traitement global du financement des charges de retraites de La Poste, pour une mise en œuvre à compter de l'application à La Poste des normes comptables internationales pour la publication des comptes 2005, de façon à placer l'entreprise dans un cadre stabilisé et soutenable ».

Le nouveau mécanisme envisagé fonctionnerait, dès 2005, comme celui mis en œuvre pour France Télécom à partir de 1997 : La Poste verserait à l'Etat une « soulte », puis bénéficierait d'un régime de contribution libératoire, cette contribution étant égale à un certain pourcentage du montant total du traitement de base versé aux agents fonctionnaires, calculé de manière à l'aligner sur le niveau des charges sociales des opérateurs du secteur privé. La discussion en cours entre l'Etat et La Poste porte notamment sur le montant de cette « soulte », de l'ordre de 5 à 8 millions d'euros probablement, et les modalités de son financement.

·  La Poste a été incitée par l'Etat à montrer l'exemple en matière de passage aux 35 heures, mais n'a obtenu aucune compensation financière pour l'effectif supplémentaire de 14 000 personnes qui en est résulté pour elle.

En année pleine, ce supplément d'effectif représente une charge de 313 millions d'euros.

·  L'exclusion de la Poste du bénéfice du dispositif d'allègement des charges sociales sur les bas salaires, est d'autant plus pénalisant que près du tiers de ses effectifs se trouvent potentiellement concernés.

La charge supplémentaire qui en résulte est estimée à 194 millions d'euros en année pleine.

Le projet de loi relatif à la régulation des activités postales prévoit, suite à l'adoption par le Sénat d'un article additionnel (article 16 nouveau), un réalignement de La Poste sur le régime de droit commun à compter du 1er janvier 2006.

II.- LA PRÉSERVATION DES ACTIVITÉS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL

L'implication de La Poste dans des activités d'intérêt général ne fait l'objet d'aucune remise en cause : elle est vécue comme une justification profonde de l'exploitant public par la collectivité nationale, et comme une fierté et un devoir par la direction de La Poste et la communauté des postiers. La seule difficulté tient aux limites imposées par le financement de ces activités structurellement déficitaires. De ce point de vue, la question de la présence postale, et celle de l'accès social aux services financiers, convergent pour souligner l'urgence de la mise en œuvre du projet de banque postale contenu dans le projet de loi relatif à la régulation des activités postales.

A.- LA PRÉSENCE TERRITORIALE

Les élections sénatoriales de septembre 2004 ont ravivé le débat récurrent sur le risque d'un resserrement du maillage de La Poste. Des engagements clairs ont été pris par le Gouvernement, et le président de l'exploitant public, pour assurer le maintien de la présence postale actuelle, mais en soulignant la nécessité d'une adaptation à la réalité démographique du pays. La question du financement de ce maintien reste encore ouverte, même si des pistes se dessinent déjà.

1. Une présence multiforme

L'implantation territoriale de La Poste répond à deux besoins contradictoires, puisqu'il s'agit, d'un côté, de fournir un point d'ancrage social aidant à freiner la désertification de certaines zones rurales, et de l'autre, d'augmenter sa capacité d'offre là où la croissance de la population tend à saturer l'infrastructure d'accueil. Prise entre la nécessité de maintenir sa présence partout, tout en l'accroissant en certains endroits, La Poste s'efforce de s'adapter, à moyens constants, en diversifiant les formes de son implantation.

a) Une couverture territoriale imparfaite

Le réseau de La Poste, avec ses 17 000 points de contact, assure a priori une couverture territoriale d'une densité équivalente à celle des autres grands réseaux de proximité, comme les boulangeries (42 000), les débits de tabac (36 000), ou les pharmacies (23 000).

Cependant son maillage géographique a peu varié depuis le début du XXe siècle, en dépit des évolutions démographiques. Cette relative fixité a entraîné deux formes d'inadéquation de l'infrastructure postale par rapport à la demande effective de services postaux : un surdimensionnement dans les zones rurales peu denses ; un sous-dimensionnement dans les zones urbaines nouvelles.

Le surdimensionnement en zone rurale se traduit par un temps d'activité réduit : sur les 17 000 points de contact, 6 500, soit plus d'un sur trois, a une durée d'activité inférieure à quatre heures ; 3 700, soit un sur cinq, a une durée d'activité de moins de deux heures.

Le sous-dimensionnement en zone urbaine se traduit par des files d'attente au guichet. Alors qu'il existe 6 761 points de contact dans l'ensemble des communes de moins de 1000 habitants, on n'en compte que 844 dans l'ensemble des communes de plus de 100 000 habitants, la proportion de la population concernée étant dans les deux cas équivalente, de l'ordre de 15 %.

La densité moyenne du réseau postal correspond à un point de contact pour 3 500 habitants ; mais ce chiffre passe à un point de contact pour 10 000 habitants dans les communes de plus de 100 000 habitants, alors qu'il est d'un point de contact pour 1 388 habitants dans les communes de moins de 1000 habitants.

Dans les grandes agglomérations, il n'y a guère que les « zones urbaines sensibles » qui bénéficient d'un service postal de proximité relativement satisfaisant, du fait de la démarche volontariste ayant conduit, en application de la Convention entre l'Etat et La Poste du 11 mars 2002, à y implanter 1000 bureaux.

b) Des modes d'implantation diversifiés

Face à cette inadéquation, la stratégie de La Poste, telle que définie par le contrat de plan est parfaitement claire : « Elle adapte la présence de ses points de contact et leurs modalités d'ouverture aux modes de vie des Français. »

Cela signifie en premier lieu que La Poste entend « conserver son réseau de 17 000 points de contact », comme le souligne le président du groupe en introduction du rapport d'activité de l'année 2003.

En revanche, les modalités de la présence postale vont être progressivement adaptées à la réalité de la demande locale, de manière à mieux distribuer sur le territoire l'enveloppe des ressources mobilisées.

Ainsi, les points de contact à faible durée d'activité auront vocation à être maintenus dans le cadre de partenariats avec les communes (les agences postales communales), avec d'autres services publics (les maisons de service public), ou avec des commerçants (les points Poste). Ces formes de présence postale permettent un partage des charges d'infrastructure sans que le service offert soit amoindri, puisqu'au contraire, dans le cas des points Poste en particulier, les horaires d'ouverture peuvent s'en trouver considérablement élargis, pouvant aller de 6h15 à 19h30, à l'instar des journées de travail des commerçants.

L'installation de points Poste dans les bureaux de tabac devrait au surplus apporter un soutien à cette forme de petit commerce qui connaît actuellement des difficultés particulières du fait de l'action sanitaire nationale d'envergure conduite contre la tabagie.

Le problème de la confidentialité des opérations dans un espace ouvert pourra à terme trouver des solutions pratiques : par exemple, le point poste de Casson, en Loire-Atlantique, qui est rattaché à un point de vente de tabac, de presse et d'alimentation, dispose d'un guichet spécial installé en retrait de la caisse permettant d'assurer la discrétion des retraits d'argent.

PRÉSENCE POSTALE À FIN OCTOBRE 2004

Bureaux de poste

13 815

Agences postales

1 141

Agences postales communales

1 628

Points poste 

369

Source : La Poste

Le choix des modalités de la présence postale s'effectue en concertation avec les élus locaux, à l'intérieur de chaque « zone de vie postale », qui s'organise autour d'un bureau de poste de plein exercice.

En 2003, le réseau des points de contact comptait, à côté des 14 000 bureaux de plein exercice ou des guichets annexes gérés en propre par La Poste, environ 2800 agences postales gérées par des partenaires, dont 1400 agences postales communales, et 140 points Poste. A l'automne 2004, le nombre des agences postales communales s'est accru de 200, et celui des points Poste a plus que doublé.

La Poste participe en revanche seulement à une douzaine de maisons de service public, la moindre utilisation de cette forme de présence postale s'expliquant par le fait que les maisons de service public apparaissent plutôt dans des localités de taille relativement importante, où La Poste doit faire face à un niveau d'activité justifiant l'implantation d'un bureau de plein exercice.

2. Un financement problématique

Dans la mesure où il se justifie par des considérations d'intérêt général, le maintien d'une forte exigence en matière de présence postale devrait en théorie s'accompagner en contrepartie d'aides publiques compensatrices. Telle n'est pas exactement la situation, puisqu'un solde déficitaire reste à la charge de La Poste. Cependant diverses pistes sont envisagées pour remédier à cette situation, au nombre desquelles il convient de faire figurer le projet de consolidation des services financiers de La Poste à travers la création d'une banque postale offrant des crédits immobiliers sans épargne préalable.

a) La voie des contributions compensatoires

La détermination du coût de la présence postale territoriale doit prendre en considération deux points de référence :

- d'abord, le coût de fonctionnement théorique de La Poste si elle était une entreprise purement commerciale, n'exerçant son activité que pour optimiser son profit ;

- en second lieu, le coût de fonctionnement simulé correspondant au cas où La Poste s'en tiendrait strictement à ses obligations de service universel, en particulier à l'obligation d'accessibilité de son offre depuis tout point du territoire.

En effet, la présence postale territoriale intègre une dimension d'aménagement du territoire, qui dépasse le cadre des obligations d'accessibilité du service universel. C'est le résultat d'un choix de la collectivité nationale française pour une intervention de solidarité en direction des zones rurales peu denses, qui impose à La Poste des obligations allant bien au delà de celles du seul service universel européen.

La Cour des comptes, dans son rapport d'octobre 2003 sur « Les comptes et la gestion de La Poste (1991-2002) », présente les résultats d'une étude permettant de simuler les deux situations de référence évoqués ci-dessus, et ainsi d'évaluer la charge liée au service universel, et la charge supplémentaire due à la présence territoriale.

Au passage, cette étude permet d'estimer la taille du réseau correspondant aux deux cas simulés. Le réseau à taille commerciale compterait environ 3000 bureaux de poste ; celui optimisé pour la stricte fourniture du service universel en compterait environ 6000. On ajoute ici l'hypothèse que 3000 agences postales (la notion englobe ici les points Poste) resteraient en tout état de cause indispensables pour desservir certains lieux où, pour des raisons pratiques, un point de contact offrant des services de base resterait indispensable : casernes, universités, hôpitaux. Il s'agit là d'un minimum. On observe en effet que dans tous les pays où le nombre des bureaux gérés directement par l'opérateur public postal est moins important, le nombre des agences postales est, à l'inverse, beaucoup plus grand : en Allemagne, elles sont à l'origine de 7000 des 13000 points de contact ; aux Pays-Bas, elles constituent pour les deux tiers l'ossature du réseau. La Royal Mail de Grande-Bretagne a pour tradition historique de fonctionner essentiellement avec un réseau d'épiceries et de petits commerces.

Le réseau configuré pour la stricte fourniture du service universel est défini comme celui qui permettrait à 80 % des ménages de se trouver à moins de 2 km d'un bureau de poste en zone urbaine, et à moins de 10 km en zone rurale.

COÛTS DU SERVICE UNIVERSEL ET DE LA PRÉS ENCE TERRITORIALE

Logique d'étendue du réseau de La Poste 

Nombre de points de contact 

Financement

Logique commerciale (tous les points de contacts sont rentables ou équilibrés)

6000
(3000 bureaux et
3000 agences)

Le chiffre d'affaires réalisé couvre l'ensemble des coûts, voire permet un profit

Stricte fourniture du service universel, en application de la directive de 1997

9000
(6000 bureaux et
3000 agences)

Charge de 250 millions d'euros, couverte par le résultat du domaine réservé, ou à défaut par un fond de compensation

Présence postale à des fins d'aménagement du territoire

17000
(14000 bureaux et
3000 agences)

Charge supplémentaire de 500 millions d'euros, couverte seulement à hauteur de 150 millions par l'abattement sur les taxes locales

Source : rapport de la Cour des comptes précité, p.128-130.

Les résultats obtenus recoupent grosso modo les chiffres donnés par le rapport d'information de juin 2003 du sénateur Gérard Larcher « La Poste : le temps de la dernière chance » : la charge totale de la présence postale territoriale par rapport à une gestion purement commerciale représente environ 750 millions d'euros, dont 250 millions relève de l'obligation d'accessibilité liée à la fourniture du service universel.

Conformément au dispositif mis en place par la directive 97/67/CE, le financement du service universel est assuré a priori par le résultat du domaine réservé. C'est la seule justification, en droit, du maintien de ce monopole. Si le dispositif du domaine réservé ne suffit pas, l'article 9 de la directive autorise la mise en place d'un fond de service universel, par prélèvement d'une redevance sur les opérateurs alternatifs autorisés.

Dans la mesure où la France a décidé du maintien d'un domaine réservé au profit de La Poste, on peut donc estimer que la charge des 250 millions d'euros due à la fourniture du service universel est couverte par ce mécanisme.

Le coût net de la présence postale territoriale se limite par conséquent à 500 millions d'euros.

La loi 90-568 du 2 juillet 1990 prévoit dans son article 21 (paragraphe I 3°) que La Poste bénéficie d'un abattement de 85 % sur les bases de la fiscalité locale, « en raison des contraintes de desserte de l'ensemble du territoire national et de participation à l'aménagement du territoire qui s'imposent à cet exploitant ». Cet abattement représente un avantage financier de 150 millions d'euros, et le solde a la charge de La Poste pour le financement de la présence territoriale est donc de 350 millions d'euros.

Le contrat de plan, et dans son prolongement, le projet de loi relatif à la régulation des activités postales tel que modifié en première lecture par le Sénat, prévoient l'instauration éventuel d'un « fond postal national de péréquation territoriale » qui serait abondé par La Poste à hauteur de l'abattement.

En septembre 2004, à la suite du débat suscité par les élections sénatoriales sur la présence postale, un groupe de travail formé d'élus locaux, de parlementaires, et de membres de la direction de La Poste, s'est constitué pour « proposer au gouvernement les modalités de mise en œuvre du fonds postal national de péréquation territoriale ». Il doit rendre ses conclusions à la mi-novembre.

b) L'apport de la distribution des services financiers

Cependant, au delà des mécanismes d'aide directe, La Poste bénéficie aussi d'une forme de soutien à sa présence territoriale, au travers de la fourniture des services financiers.

En effet, outre que les services financiers semblent contribuer de façon positive depuis 2001 au résultat du groupe La Poste (cf infra), ce qui constitue déjà en soi une manière de participer au financement du solde déficitaire de la présence postale, ils constituent la part prédominante du chiffre d'affaires réalisé par les bureaux de poste.

RÉPARTITION DU CHIFFRE D'AFFAIRES DES BUREAUX DE POSTE

(en %)

Communes

< 2000 h.

2000 - 5000 h.

5000 - 10000 h.

> 10000 h.

Serv. financiers 

63 

53 

52 

55

Courrier, colis 

37 

47 

48 

45

Le réseau de La Poste est donc aussi, et presque avant tout, un réseau de distribution des services financiers.

De là, l'importance, dans l'intérêt du maintien de la présence postale, de la consolidation des activités financières de La Poste, menacées par le vieillissement démographique de leur clientèle. Près de 50 % des encours de La Poste sont en effet détenus par des clients de plus de 65 ans.

Ce vieillissement, qui est le reflet du vieillissement général de la population française, se trouve en l'occurrence accentué par l'interdiction où se trouve La Poste de distribuer des produits financiers intéressant les jeunes ménages : même s'ils ont disposé dans leur jeunesse d'un compte et d'un livret A à La Poste, ceux-ci sont amenés, une fois parvenus à l'âge adulte, à domicilier leurs comptes dans une banque qui pourra leur offrir les prêts immobiliers, et les prêts à la consommation, dont ils ont besoin pour s'installer dans la vie.

Le caractère incomplet de la gamme des produits financiers de La Poste, qui résulte à la fois de la loi du 2 juillet 1990, du code monétaire et financier, et des restrictions imposées par l'autorité de tutelle, a donc fini par mettre en cause la pérennité de l'activité financière de La Poste.

Le projet de loi relatif à la régulation des activités postales apporte une solution en créant une filiale de La Poste qui aurait le statut d'établissement de crédit, qui reprendrait à son compte la gestion de l'ensemble des services financiers, en étant autorisé à proposer, en plus de la gamme actuelle, des crédits immobiliers sans épargne préalable.

Il convient de ne pas perdre de vue que cette consolidation des activités financières de La Poste joue en faveur du maintien de la présence postale.

B.- L'ACCÈS SOCIAL AUX SERVICES FINANCIERS

Depuis leur origine, les services financiers de La Poste ont eu vocation à être ouverts « au plus grand nombre ». La création, par la loi du 9 avril 1881, de la Caisse d'épargne postale et de l'ancêtre du livret A, avait, peu de temps après, conduit le ministre du commerce, de l'industrie et des colonies de l'époque, Jules Roche, à qualifier cette institution, devant le succès public qu'elle rencontrait, de « banque des dépôts des petites bourses » (5). Même si cette dimension sociale n'a pas de support normatif explicite, elle n'est pas dépourvue de tout fondement juridique. Elle ne bénéficie pas d'un soutien financier direct de l'Etat, mais là encore, comme pour la présence postale, l'instauration de la banque postale ne devrait aboutir qu'à la conforter.

1. La lettre et la pratique

La fonction de « banque des dépôts des petites bourses » de la Poste tient moins à une obligation juridique, qu'il serait d'ailleurs délicat d'instituer, qu'à une pratique coutumière tirant sa force de l'attachement de la communauté des postiers à cette dimension de leur activité.

a) Des fondements juridiques ténus

Il n'existe aucune obligation légale précise pour La Poste de maintenir un accès social à ses services financiers.

La loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 (dite loi MURCEF) renforce le droit au compte, y compris pour les interdits bancaires, en permettant au consommateur de saisir la Banque de France pour obtenir la désignation d'office d'une institution financière tenue de lui ouvrir un compte. Elle prévoit également les obligations contractuelles minimales des établissements de crédit. Mais ce dispositif s'applique indifféremment aux établissements de crédit et à La Poste, à laquelle aucun rôle social particulier n'est dévolu.

On pourrait imaginer plus largement la mise en place d'un « service universel bancaire », qui imposerait à toute banque l'obligation de participer à un dispositif de fourniture gratuite de prestations de base (un compte de dépôt, une carte de retrait), financé par une contribution due par l'ensemble des établissements financiers. C'était là l'objet d'une proposition de loi du sénateur Gérard Larcher déposée en mars 2000. Mais si une telle innovation confèrerait à l'activité de « banque des petites bourses » de La Poste le fondement juridique qui lui fait défaut, elle institutionnaliserait en même temps un mécanisme de « pay or play », qui conduirait les banques à « payer » pour éviter les complexités et les inconvénients de la fourniture de ces prestations, La Poste risquant alors de voir refluer vers elle des effectifs plus importants encore de clients déshérités, au risque d'apparaître comme spécialisée dans la prise en charge de cette population.

Les prestations qu'assure La Poste au bénéfice des plus démunis ont déjà, de fait, largement dispensé le système bancaire de prendre sa part dans la lutte contre les mécanismes d'exclusion sociale, dont la difficulté d'accès aux moyens de paiement constitue une dimension.

Ainsi le fait d'élargir par la loi le champ d'activité de La Poste à une mission de caractère social ne serait pas sans précédent. Ainsi l'article L. 512-85 du code monétaire et financier indique : « Le réseau des caisses d'épargne remplit des missions d'intérêt général. Il participe à la mise en œuvre des principes de solidarité et de lutte contre les exclusions. (...) Il contribue (...) à la lutte contre l'exclusion bancaire et financière de tous les acteurs de la vie économique, sociale et environnementale grâce en particulier aux fonds collectés sur le livret A dont la spécificité est maintenue. » En l'occurrence, le réseau des caisses d'épargne ne semble pas avoir profité de cette disposition pour venir concurrencer La Poste sur le terrain de l'ouverture aux plus démunis.

La seule disposition de nature législative fondant pour l'instant l'accès social aux services financiers de La Poste est l'article L. 221-10 du code monétaire et financier, qui indique que : « La Poste ouvre un compte sur livret à toute personne par laquelle ou au nom de laquelle des fonds sont versés, à titre d'épargne, dans un de ses établissements. ». Bien que relative au livret A, cette disposition est spécifique à La Poste. Interprétée d'une manière généreuse, elle pose de fait le principe d'une obligation d'accueil de tous, sans filtrage.

Le projet de loi relatif à la régulation des activités postales introduit deux modifications législatives devant donner une assise juridique plus explicite à l'activité de « banque des petites bourses » :

- d'abord, il établit, en modifiant l'article 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, le principe selon lequel le groupe formé par La Poste et ses filiales remplit des « missions d'intérêt général » ;

- en second lieu, il propose une nouvelle rédaction pour l'article L. 518-25 du code monétaire et financier, qui commencerait par la formule suivante : « Dans les domaines bancaire, financier et des assurances, La Poste propose des produits et services au plus grand nombre, notamment le Livret A. »

b) Les conséquences concrètes

L'ouverture de La Poste à la fourniture de services bancaires de base aux plus démunis est symbolisée par la facilité d'accès physique aux guichets postaux : à la différence des établissements bancaires, La Poste n'impose pas à ses clients le passage préalable par un « sas », dont la valeur est hautement symbolique, et l'effet fortement dissuasif sur les personnes se sentant aux marges de la société.

La Poste accueille ainsi une forte proportion de clients dont les revenus sont modestes, voire très modestes. Cette clientèle défavorisée se tourne en partie vers les CCP, mais surtout vers le livret A.

La Poste accepte en effet de gérer les très petits comptes sur ses CCP, même s'ils font l'objet de très nombreux mouvements.

Quant au Livret A, il est accessible, en vertu de l'article L. 221-10 du code monétaire et financier, aux interdits bancaires et aux personnes sans domicile fixe (SDF), et les opérations sont effectuées sans frais et sans limite de nombre et de montant. Il devient de ce fait pour nombre de personnes défavorisées un compte principal, et même souvent un « porte monnaie » sur lequel s'effectuent de très nombreuses opérations de faible montant.

Il s'agit là d'une prestation contribuant à préserver l'intégration sociale des bénéficiaires, car La France a en Europe la particularité, en matière de moyens de paiement, de privilégier le chèque par rapport aux espèces, et être privé, en France, de la disposition d'un compte et d'un chéquier est un facteur d'exclusion, en particulier pour les allocataires de minima sociaux, qui ne peuvent bénéficier des versements qui leur sont faits qu'au travers d'un compte.

Ainsi, selon le rapport annuel 1997 des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts, les livrets d'avoir moyen annuel de moins de 150 euros représentaient 57 % des livrets A de La Poste contre seulement 28 % du total des livrets A et bleu (équivalent du livret A distribué par le Crédit mutuel).

Au 30 juin 2002, 60 % des livrets A de la Poste avaient un avoir inférieur à 200 euros. Or, les comptes dont l'avoir est inférieur à 200 euros, qui constituent 1 % de l'encours (et par voie de conséquence des produits), représentent 45 % des opérations (et donc des coûts).

Le nombre d'opérations réalisées sur les comptes dont l'avoir est compris entre 200 et 3000 euros est d'autre part très élevé. Globalement, les comptes dont l'avoir est inférieur à 3000 euros représentent 12 % des encours et 81 % des opérations.

NOMBRE D'OPÉRATIONS SUR LES LIVRETS A DE LA POSTE

Avoir/ compte (euros)

Nombre de comptes
(en milliers)

En %

Encours total
(en milliers d'euros)

En %

Nombre moyen d'opérations sur 12 mois

En %

0-200

13 028

60

407 780

1

6,9

45

201-3000

4 723

22

4 782 463

11

15,1

36

3001-15000

2 802

13

21 661 538

48

11,9

16

Sup. à 15000

1 059

5

18 370 522

40

3,4

2

Source : La Poste. Données au 30 juin 2002.

Le rapport de la Cour des comptes précité constate que, dans ces conditions, La Poste se trouve confrontée à un « effet de ciseau » défavorable sur le livret A : le nombre d'opérations augmente nettement (169 millions en 1995; 198 millions entre juin 2001 et juin 2002) alors que les encours et donc la rémunération ne progressent pas ou diminuent dans la durée (le produit net bancaire engendré par les livrets A et B s'est élevé à 660 millions d'euros en 1995 et 666 millions d'euros en 2001).

La seule variable d'ajustement sur laquelle peuvent jouer les services financiers de La Poste est le coût unitaire moyen d'une opération. En 1995, il était évalué à 5,2 euros ce qui conduisait à estimer les charges totales du livret A à environ 880 millions d'euros et la marge d'exploitation du livret A à - 120 millions d'euros.

Des efforts de productivité significatifs ont été réalisés, notamment dans la période la plus récente. Les clients qui le désirent peuvent désormais bénéficier en particulier d'une carte « postépargne » qui permet d'automatiser les opérations.

La Poste estime actuellement la contribution négative du livret A à ses résultats à un peu plus de 50 millions d'euros.

2. La prise en charge financière

Le coût de gestion des « petites bourses », bien qu'il ne soit pas directement compensé par l'Etat, justifie néanmoins le maintien de certains avantages à La Poste. De fait, le meilleur soutien pour cette activité d'intérêt général demeure la bonne santé des services financiers de La Poste dans leur ensemble, que le projet de « banque postale » vise justement à préserver.

a) L'absence d'aide directe de l'Etat

Dans son rapport sur les comptes et la gestion de La Poste, la Cour des comptes rappelle que l'Etat a eu l'occasion d'indiquer par le passé qu'il ne se sentait aucunement redevable d'une aide, puisqu'il n'exprimait aucune demande explicite à La Poste s'agissant du maintien de la dimension sociale des services financiers postaux. Elle mentionne la réponse à une insertion au rapport annuel de la Cour des comptes de 1993, par laquelle le ministre du budget précisait que « le déficit que pourrait assumer La Poste du fait de cette activité ne pourrait provenir que de charges particulières qu'il n'appartient pas à l'Etat d'assumer » et que l'exploitant était libre de les « remettre en cause, le cas échéant, dans le cadre de sa politique commerciale ». (p.153)

La Cour des comptes estime pour sa part, dans le même rapport, que « la nécessité et l'opportunité d'une compensation n'apparaissent pas certaines. Le fait de gérer le Livret A, dont 60 % ont un avoir inférieur à 150 €, a certes dans les conditions actuelles pour La Poste un coût mais il contribue à attirer et fidéliser une clientèle qui n'est pas nécessairement source de pertes. Enfin, l'intérêt de La Poste n'est sans doute pas d'être reléguée dans une fonction de complément social subventionné du système bancaire, et son équilibre doit être davantage recherché d'une part dans une rationalisation des pratiques les plus coûteuses et une amélioration de sa productivité, et d'autre part dans une délimitation du champ de ses activités financières assurant un équilibre raisonnable entre les missions sociales et les activités rentables. »

De fait, il existe un mécanisme au travers duquel La Poste reçoit un soutien financier implicite pour cette activité d'intérêt général : il prend la forme d'un avantage accordé à La Poste, au niveau de la rémunération par la Caisse des dépôts et consignations de la collecte de fonds opérée à travers le livret A. En vertu du contrat de plan (celui de 2003 reconduit le dispositif mis en place dans celui de 1998), cette rémunération est fixée à 1,5 %, tandis que celle des Caisses d'épargne est de 1,2 % et celle du Crédit mutuel est de 1,3 %.

Dans la mesure où une baisse d'un dixième de point de cette rémunération, à 1,4 %, engendrerait un manque à gagner de l'ordre de 50 millions d'euros, soit une somme du même ordre de grandeur que le solde restant à la charge de La Poste pour cette activité, on conçoit le caractère critique, pour celle-ci, de toute réforme du Livret A. La banalisation du livret A revendiquée par certains réseaux bancaires conduirait à un phénomène d'écrémage de la clientèle sur ce produit, puisque ces réseaux concurrents pourraient utiliser le Livret A comme un produit d'appel ; seules les « petites bourses » resteraient à La Poste, accentuant le déséquilibre de gestion du produit.

Le contrat de performances et de convergences entre l'Etat et La Poste signé le 13 janvier 2004 indique que : « Les conditions de la rémunération annuelle servie à La Poste par la Caisse Nationale d'Epargne au titre des livrets A et B restent inchangées, dans l'attente des décisions qui seront prises à la suite des recommandations de la mission de l'inspection générale des finances relative à la rémunération des réseaux collecteurs de l'épargne réglementée... » (point 5.2).

Le rapport de janvier 2003 au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de MM. Christian Noyer et Philippe Nasse prend directement en compte le fait que « Sur le livret A (ou bleu) par exemple, la clientèle plus populaire, en moyenne, de La Poste effectue un plus grand nombre d'opérations, sur des livrets de moindre encours. ». Il préconise, s'agissant de la détermination du niveau de la commission versée aux réseaux distributeurs :

- d'une part, de rapprocher le niveau des commissions versées des coûts engagés par les réseaux pour la gestion des livrets A, et de prendre en compte notamment, dans le calcul du niveau des commissions, le nombre d'opérations effectivement réalisés sur ces livrets ;

- d'autre part, de demander parallèlement aux réseaux distributeurs de réaliser des progrès de productivité.

b) L'adossement à l'ensemble des services financiers

Le résultat des services financiers de La Poste n'est pas communiqué dans le rapport annuel sur les comptes du groupe La Poste, qui sont consolidés. Le calcul de ce résultat est tributaire des règles utilisées par la comptabilité analytique au sein du groupe, règles qui ont été refondues en 2002, pour les rendre conformes, s'agissant des activités postales, aux dispositions de la directive 97/67/CE.

La Cour des comptes a eu accès aux données de cette comptabilité analytique à l'occasion de son rapport sur les comptes et la gestion de La Poste de 1991 à 2002, et en a conclu : « On peut donc considérer que les services financiers ont atteint, en 2001, pour la première fois depuis le début des années 1990, un résultat positif, ce qui est la marque d'une amélioration très sensible sur les dernières années. Compte tenu de la tendance, les années 2002 et suivantes devraient voir cette amélioration se confirmer, au moins à court terme. » (p.70)

Elle établit respectivement à : - 202 millions d'euros, - 99 millions d'euros et + 33 millions d'euros, ce résultat pour les années 1999, 2000 et 2001.

Or un résultat équilibré ou positif constitue une autre manière de financer l'accès social aux services financiers, le chiffre d'affaires et le bénéfice réalisé avec les clients standards permettant de compenser le déficit structurel lié à la gestion des « petites bourses ».

De ce point de vue, la création de l'établissement de crédit de La Poste, qui permettra de gérer l'extension des services financiers de La Poste au crédit immobilier sans épargne préalable dans des conditions de parfaite transparence concurrentielle, peut être considérée comme une manière d'assurer la pérennité de l'activité sociale de « gestion des petites bourses ». Tout se qui consolide les services financiers de La Poste dans leur ensemble favorise en effet la réaffectation des bénéfices dégagés sur les opérations effectuées avec la clientèle socialement intégrée au soutien des prestations déficitaires effectuées avec la clientèle socialement en difficulté.

La banque postale sera un instrument de la solidarité nationale.

CONCLUSION

Voilà un an, l'avis budgétaire de Mme Catherine Vautrin au nom de la commission des affaires économiques se terminait par l'espoir que l'année 2004 verrait se concrétiser tous les projets législatifs en cours dans les deux secteurs des postes et des télécommunications.

En conclusion de ce rapport, on ne peut que se féliciter de la réalisation intégrale de ce programme pour les télécommunications, tout en regrettant le retard pris dans l'examen du projet de loi relatif à la régulation des activités postales. Il faut souhaiter que la prochaine échéance de janvier 2005 soit, cette fois, tenue.

Ce projet de loi a en effet pour enjeu moins des problèmes de transposition, qui sont certes délicats d'un point de vue purement juridique, mais n'entraînent de fait aucun blocage, puisque le secteur postal est déjà très largement ouvert à la concurrence, et que l'abaissement du plafond du domaine réservé constitue manifestement une disposition directement applicable de la directive 2002/39/CE, que des problèmes de consolidation des services financiers de La Poste, qui ont des incidences bien concrètes sur la capacité de l'exploitant public à continuer à assumer ses missions de présence postale et de fourniture de services financiers de base aux plus démunis.

L'année prochaine, la mise en place du dispositif de contrôle très globalisé de la LOLF ne devrait pas empêcher de conduire, dans le cadre d'un avis budgétaire de la commission des affaires économiques, une analyse qualitative des évolutions à l'œuvre dans les secteurs des postes et des télécommunications.

Il faut espérer que l'avis budgétaire pour 2006 fournira l'occasion de se féliciter de la poursuite de la mise en place du nouveau cadre normatif dans les « communications électroniques », et surtout de l'avancée des réformes dans le secteur postal.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 26 octobre 2004, la Commission a examiné, pour avis, les crédits de la poste et des télécommunications pour 2005.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour avis du budget des postes et télécommunications, a expliqué que son budget concernait deux secteurs désormais presque complètement ouverts à la concurrence, et mobilisait pour ce faire des crédits relativement limités en volume : 395 millions d'euros dans la loi de finances pour 2005, en diminution de 45 millions par rapport aux crédits accordés par la loi de finances pour 2004, mais seulement 150 millions d'euros, si l'on mettait à part la compensation accordée par l'Etat à la Poste pour la prise en charge du transport de la presse à tarif réduit.

Il a observé que ces 150 millions d'euros ne représentaient que 0,35 % des chiffres d'affaires cumulés du marché français des télécommunications (35 milliards d'euros), et du marché français des postes (16 milliards d'euros). Il en a déduit que ce budget était en fait un budget à « effet de levier », les leviers s'appuyant sur de petites structures administratives remplissant soit des missions d'animation ou de conception, effectuées par exemple au niveau des sous-directions compétentes de la DIGITIP (61 personnes), soit des missions d'encadrement et de contrôle, telles qu'elles étaient dévolues à l'Autorité de régulation des télécommunications (165 personnes), et à l'Agence nationale des fréquences (372 personnes).

Il a rappelé que, depuis 2002, les deux secteurs des postes et des télécommunications étaient confrontés à des urgences similaires sur trois points : d'abord, l'assainissement de la situation de l'opérateur historique ; ensuite, la transposition des directives modifiant le cadre de régulation sectorielle ; enfin, l'amélioration de la couverture territoriale en offre de services, c'est-à-dire réduction de la fracture numérique d'un côté, et le maintien de la présence postale de l'autre. Puis il a constaté que, si dans le secteur des télécommunications, toutes les dispositions nécessaires étaient maintenant prises, et en étaient au stade de la mise en œuvre, dans le secteur des postes, tout restait encore à l'état d'un chantier ouvert.

Il a ainsi noté que France Télécom poursuivait en effet son redressement lancé par Thierry Breton à la fin de l'année 2002 ; que le groupe avait dégagé un résultat d'exploitation de 9,5 milliards d'euros en 2003 ; que sa dette financière nette, qui avait culminé à 68 milliards d'euros au 31 décembre 2002, avait été ramenée au 31 décembre 2003 à 44 milliards d'euros ; que cette situation financière améliorée avait permis à l'opérateur de procéder à l'intégration totale de ses filiales Orange et Wanadoo, puis à l'Etat de mettre en œuvre le processus de transfert du groupe au secteur privé rendu possible par la loi du 31 décembre 2003. Il a indiqué que l'Etat ne détenait plus à ce jour, directement et indirectement, que 42,25 % du capital de l'entreprise, la vente de près de 11 % du capital ayant rapporté 5,1 milliards d'euros affectés au désendettement de l'Etat et de la Sécurité sociale.

Il a rappelé que le dispositif de régulation du secteur des télécommunications avait été modifié, pour l'aligner sur le droit européen, par trois lois : celles du 31 décembre 2003, du 21 juin 2004, et du 9 juillet 2004, et a signalé que la mise en œuvre de ces lois par les décrets d'application avançait, dix-sept décrets d'application de la loi du 31 décembre 2003 ayant été publiés, le projet de décret relatif au service universel en étant au stade de l'avis du Conseil d'Etat, neuf décrets d'application de la loi du 9 juillet 2004 ayant fait l'objet d'une consultation publique en septembre. Il a indiqué que quatorze décrets d'application de la loi du 21 juin sur « l'économie numérique » étaient encore au stade de l'élaboration.

S'agissant du processus de couverture des zones blanches, il a souligné qu'il s'appuyait sur une convention tripartite (opérateurs - Etat - collectivités locales), et concernait 1250 sites dans une première phase de déploiement, et a indiqué qu'à ce jour, 18 pylônes avaient été mis à la disposition des opérateurs, et 4 mis en service. Il a insisté sur la signature récente d'un avenant à la convention tripartite prévoyant la prise en charge intégrale par les opérateurs du déploiement de la seconde phase, 2250 sites dans 3150 communes devant être au total couverts.

Pour ce qui concerne la couverture en Internet à haut débit, il a observé que France Télécom conduisait depuis juin 2003 un effort très important pour étendre la couverture ADSL, permettant que 90 % de la population puisse être « raccordable » à la fin de l'année 2004, 96 % à la fin de l'année 2005 et 100 % à la fin de l'année 2006. Il a rappelé que le CIADT du 14 septembre dernier avait mis en place un soutien de 13 millions d'euros pour l'expérimentation des technologies de raccordement alternatives dans les zones peu denses, et affecté 100 millions d'euros, réservés sur les fonds structurels européens, au soutien des projets d'installation et d'exploitation de réseaux des collectivités locales, lancés sur le fondement du nouvel article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales.

Il a jugé que, dans le secteur postal tout restait encore à faire, que le contrat de plan entre La Poste et l'Etat pour 2003-2007 avait néanmoins permis de dresser un état des lieux, et de tracer des perspectives, et que le projet de loi relatif à la régulation des activités postales, inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale en janvier 2005, constituerait une pièce essentielle du dispositif de rétablissement de la performance de La Poste.

Il a estimé que La Poste était en effet confrontée à une double série de handicaps concurrentiels : d'une part, elle devait supporter de lourdes charges mal compensées par l'Etat (la présence postale, l'aide au transport de presse, l'accès social aux services financiers) et des contraintes exorbitantes de gestion (l'application sans aide des 35 heures, l'exclusion du régime d'exonérations de charges sur les bas salaires, ou le paiement par La Poste, sur ses recettes, des pensions aux anciens fonctionnaires) ; d'autre part, elle était enfermée dans des contraintes au niveau de l'évolution des tarifs, et de l'adaptation géographique de ses infrastructures de production, qui l'empêchaient de dégager des marges d'autofinancement, et d'investir efficacement, comme pouvaient le faire ses puissantes concurrentes, les postes allemande et hollandaise.

Il a constaté que le budget pour 2005 devait permettre un déblocage de la situation avec l'augmentation d'un million d'euros des moyens de l'ART, en prévision de sa future compétence dans le secteur postal. Il a considéré que la baisse de 48 millions d'euros de l'aide au transport de la presse serait compensée par des gains de productivité, et par le relèvement envisagé en février 2005 du prix du timbre, fixé aujourd'hui à 50 centimes d'euro, alors que le tarif de base moyen dans la communauté européenne était de 53 centimes d'euro.

Il a souligné que la mesure la plus attendue concernait la mise en place d'une filiale bancaire pouvant distribuer, en plus de la gamme actuelle des produits financiers de La Poste, du crédit immobilier sans épargne préalable ; que cette banque postale constituerait un excellent moyen d'apporter à La Poste une meilleure rentabilité, pour qu'elle continuât à assumer son rôle social et la présence territoriale, auxquels nombre d'élus sont très attachés ; qu'à cet égard, le renforcement de l'activité financière constituait un soutien direct à la présence postale, cette activité financière ayant une part de 63 % dans le chiffre d'affaires des bureaux des communes de moins de 2000 habitants ; que, de même, le maintien de l'accès social au livret A, au profit notamment des exclus bancaires et des personnes sans domicile fixe, qui coûtait environ 50 millions d'euros par an, dépendait au premier chef de la capacité de La Poste à proposer une offre de services financiers attractive à une clientèle classique, socialement intégrée, dont les opérations rentables pourraient compenser celles, déficitaires, des plus démunis.

Il a estimé qu'en outre, la consolidation du pôle bancaire de La Poste aurait un impact concurrentiel intéressant et salutaire sur le marché bancaire français, ce marché étant devenu trop concentré, au point d'ailleurs que les professionnels semblaient y développer couramment des comportements d'écrémage de clientèle, et qu'ils y imposaient des niveaux de tarifs relativement élevés, dont le ministre des finances avait récemment demandé qu'ils fussent réexaminés en liaison avec les associations de consommateurs.

Il a conclu en invitant ses collègues à voter les crédits inscrits dans le budget au titre des postes et des télécommunications.

M. Jean Proriol a félicité le rapporteur pour avis pour la qualité de sa présentation, a indiqué qu'il partageait avec lui la satisfaction de constater que l'inscription pour la seconde quinzaine de janvier de l'examen du projet de loi relatif à la régulation postale, examen auquel il participerait pour sa part en tant que rapporteur, semblait cette fois bien établie, et a souhaité que le débat en séance publique fût l'occasion d'une confirmation de cette date par le Gouvernement.

Il a souligné la place importante qu'avait ce projet de loi dans le dispositif devant permettre au groupe La Poste de renouer avec la performance. Il s'est interrogé sur le maintien d'une ligne de crédits finançant les services du médiateur du service universel en 2005, alors que le Sénat avait été amené, lors de la discussion du projet de loi, à examiner un amendement visant à supprimer cette institution, son champ de compétence devant être repris, pour une partie importante, par l'autorité de régulation. Il a convenu néanmoins qu'en tout état de cause, compte tenu des délais de mise en œuvre de la loi, le médiateur du service universel resterait probablement le seul à pouvoir couvrir le champ de ses missions jusqu'à la fin de l'année 2005.

Il a souhaité savoir si le rapporteur pour avis était en mesure de confirmer l'information selon laquelle le décret devant conférer à l'ART les pouvoirs nécessaires à un meilleur contrôle des tarifs d'appel des téléphones fixes vers les téléphones mobiles serait publié avant la fin de l'année.

Il a requis l'appréciation du rapporteur pour avis sur la pratique des entreprises consistant à implanter des centres d'appel dans les pays à bas salaires, notamment ceux du Maghreb.

Il a invité le rapporteur pour avis à indiquer sa position vis-à-vis de la controverse suscitée par l'homologation récente, par le ministre délégué à l'industrie, de la mesure autorisant les « brouilleurs » dans les salles de spectacle, que l'ART a été conduite à mettre au point pour l'application d'une disposition de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel. Il a signalé que cette mesure faisait l'objet de critiques quant à sa conformité au droit européen, que l'ART se départissait de toute responsabilité en la matière, soulignant qu'elle n'avait fait que déférer à une décision des instances politiques.

Il a conclu en indiquant que le groupe UMP voterait les crédits inscrits dans le budget pour 2005 au titre des postes et des télécommunications.

M. Jean Dionis du Séjour a souligné l'importance du travail accompli par le Gouvernement dans le domaine des télécommunications, avec notamment la loi pour la confiance dans l'économie numérique, et la loi sur les communications électroniques, en notant que la législation dans ce domaine n'était pas chose simple, le précédent Gouvernement ayant fourni un exemple de cette difficulté avec son projet inabouti de loi sur la société de l'information.

Il a estimé que les progrès concernant la réduction de la fracture numérique territoriale ouvraient la possibilité désormais de lancer un nouveau chantier qui avait été, lui aussi, annoncé par le Premier ministre dans le cadre du plan RE/SO 2007, et qui était relatif à la fracture numérique sociale, celle-ci étant pour beaucoup le résultat de l'illettrisme, l'Internet reposant d'abord sur l'écrit.

Il a fait part de son scepticisme face à la présentation positive par le rapporteur pour avis du processus de couverture des zones blanches, qui lui paraissait, quant à lui, avoir pris sur le terrain un retard conséquent, et s'est étonné des chiffres extrêmement élevés qu'il avait annoncés s'agissant de la couverture en ADSL par France Télécom, qui toutefois avait manifestement fait un effort important dans ce domaine au cours des derniers mois.

Il a souhaité recueillir des informations sur l'implantation en France de la technologie WiMax, qui semble bien adaptée à la fourniture de raccordements à haut débit en zone rurale.

Il a souhaité que la commission des affaires économiques soit associée à l'examen prochain par l'Assemblée nationale du projet de loi relatif aux droits d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, de manière à ce qu'elle puisse veiller, dans le cadre de ce texte, aux intérêts des industries de l'Internet.

S'agissant de la situation de La Poste, il a tenu à préciser qu'il s'exprimait à titre personnel, les positions au sein de son groupe étant assez variées sur cette question. Il s'est déclaré en ce domaine partisan du mouvement, rejetant l'attitude du président de La Poste consistant à préconiser que l'Assemblée nationale s'en tînt aux avancées proposées par le Sénat. Il s'est dit ainsi persuadé que l'Assemblée nationale s'honorerait, lorsqu'elle examinerait le projet de loi relatif à la régulation des activités postales, d'étendre d'emblée le champ des activités de la banque postale au crédit à la consommation. En ce qui concerne les activités du courrier et du colis, il a estimé qu'il convenait de donner à La Poste les moyens de sa modernisation, et à propos de la présence postale territoriale, qui reste notamment un enjeu important pour les personnes qui n'ont pas accès à tous les outils de la vie moderne, il a souhaité que le débat du budget des postes et télécommunications en séance publique fût l'occasion pour le Gouvernement de préciser le mode de financement du fond postal national de péréquation territoriale qu'avait institué le Sénat au cours de son examen du projet de loi relatif à la régulation des activités postales, en précisant la part qu'y prendra l'Etat et la part qui reviendra aux collectivités territoriales.

M. Léonce Deprez, après avoir rappelé la nécessité de conduire une réflexion sur la manière d'aider les PMI à mieux s'organiser pour gagner des marchés à l'exportation, a jugé que le rapporteur pour avis aurait pu insister beaucoup plus sur le caractère tout à fait remarquable du redressement de France Télécom opéré par Thierry Breton. Il a souhaité que la piste des maisons de service public soit mieux exploitée pour assurer le maintien de la présence postale territoriale. Il a regretté enfin que l'action du Gouvernement en direction des entreprises ne soit pas structurée autour d'une véritable politique industrielle.

En réponse aux différents intervenants, M. Alfred Trassy-Paillogues a apporté les précisions suivantes :

- on ne peut que regretter le retard dans la transposition des deux directives postales, même si, de fait, ce retard a peut-être servi les intérêts de La Poste ;

- le maintien des crédits des services du médiateur du service universel se justifie de toute façon par le délai incontournable de mise en œuvre du nouveau cadre de régulation, même si le projet de loi relatif à la régulation des activités postales est définitivement adopté en début d'année ;

- le décret devant permettre à l'ART de contrôler les tarifs d'appel des téléphones fixes vers les téléphones mobiles fait partie des neuf décrets ayant fait l'objet d'une consultation publique en septembre ;

- le Gouvernement a déjà eu l'occasion d'exprimer sa position sur les centres d'appel off-shore, mais la question lui sera posée à nouveau ;

- s'agissant de l'autorisation des brouilleurs dans les salles de spectacle, c'est une disposition à laquelle lui-même avait tenté de s'opposer lors de l'examen de la loi sur les communications électroniques, en invoquant notamment l'absence de conformité au droit européen ;

- à propos de la couverture des zones blanches, constater que 18 pylônes sont mis à disposition alors que l'objectif est de couvrir 2250 sites, ce n'est pas faire preuve d'optimisme ; néanmoins, il convient de rappeler qu'il faut de 18 à 24 mois pour mener à bien toutes les procédures préalables à la mise en service d'un site. Par ailleurs, la nécessité d'accélérer la mise en œuvre du dispositif sur le terrain a été perçue par le ministre de l'équipement et le secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire, qui ont envoyé le 5 octobre dernier une circulaire aux préfets pour les mobiliser en ce sens ;

- l'idée de développer un volet social de la réduction de la fracture numérique mérite attention ;

- pour ce qui concerne le WiMax, son développement est freiné pour l'instant par le fait que l'ART n'a attribué une fréquence permettant son déploiement qu'à un seul opérateur seulement (Altitude Télécom) ; lui-même s'efforce de le mettre en œuvre dans deux ou trois zones industrielles de sa circonscription ;

- le dispositif des maisons de service public mériterait effectivement d'être encouragé, d'autant qu'il peut bénéficier du financement des contrats de plan, des crédits du FEDER, ou des crédits du FNADT ;

- c'est le souci de concision qui a amené dans la présentation à aborder si rapidement le succès du redressement de France Télécom ; mais il sera tenu compte de la nécessité de souligner le caractère tout à fait exceptionnel de ce redressement, qui n'a pu être obtenu que parce que la nouvelle majorité a eu le courage de nommer à la tête de l'entreprise un dirigeant tout à fait remarquable.

Conformément aux conclusions de M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour avis, la Commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la poste et des télécommunications pour 2005.

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N° 1865 - tome 9 - Avis au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2005 : Poste et télécommunications (M. Alfred Trassy-Paillogues)

1 () Ce report de crédits de 2003 sur 2004 porte en fait sur 1 753 000 euros, mais devrait faire l'objet d'une mesure d'annulation à hauteur de 600 000 euros d'ici la fin de l'année.

2 () « Art L. 32-3-1.- I.- Les opérateurs de télécommunications, et notamment ceux mentionnées à l'article 43-7 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 ... »

3 () General Packet Radio Service : Il s'agit en fait d'une amélioration du dispositif de téléphonie mobile de deuxième génération : la voix continue de circuler sur le réseau GSM tandis que les données circulent via le GPRS « par paquets ». Le GPRS permet une facturation « au volume », sur la quantité de données réellement échangées, et non sur la durée de consultation. Il fonctionne à une vitesse sensiblement supérieure à celle du GSM, la bande passante pouvant théoriquement atteindre 115 Kbits/s, contre 9,6 Kbits/s pour le GSM ; mais les mises à niveau effectuées sur les réseaux mobiles ne permettent en pratique que des débits assez proches de ceux disponibles sur le réseau téléphonique filaire (environ 40 Kbits/s).

4 () Enhanced Data rate for GSM Evolution (Taux de transfert amélioré pour GSM) : L'EDGE utilise un mode de transports des données basé, comme le GPRS, sur la commutation par paquets ; mais il le combine avec une technique nouvelle de modulation permettant d'augmenter sensiblement le débit. Cette technique permet d'atteindre des vitesses de transmission de 140 Kbits/s en moyenne, trois fois supérieures à celles qui sont permises en pratique par le GPRS.

5 () Benoît Oger, « Aux origines de la caisse nationale d'épargne (1880-1914) »,, dans « Histoire de La Poste : de l'administration à l'entreprise »,, Editions de la rue d'Ulm, 2002.


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