N° 1865

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2004.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2005 (n° 1800),

TOME XVII

PREMIER MINISTRE

PLAN

PAR M. ANDRÉ CHASSAIGNE,

Député.

--

Voir le numéro : 1863 (annexe 35)

L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires, au plus tard huit jours francs à compter du dépôt du projet de loi de finances. Cette date était donc le 9 octobre. A cette date, aucune réponse n'était parvenue à votre Rapporteur. Le Commissariat général du Plan avait tenté des envois par courrier électronique, mais ceux-ci, étonnamment, avaient tous échoué. Votre rapporteur note toutefois que la totalité des réponses lui sont parvenues le 13 octobre.

INTRODUCTION 5

I.- LE BUDGET DU PLAN POUR 2005 MÉRITE D'ÊTRE QUALIFIÉ DE BUDGET D'ABANDON 7

A.- LE PLF 2005 RESTREINT LE PÉRIMÈTRE BUDGÉTAIRE DU PLAN 7

1. Un périmètre traditionnellement large 7

2. Les subventions de l'Etat à trois organismes de recherche sont transférées à d'autres budgets 8

3. Une mesure dont la justification est surprenante 8

a) Un « recentrage du Plan sur ses activités de prospective » ? 8

b) Une mesure permettant au Gouvernement une meilleure « maîtrise des fonctions publiques » ? 9

c) Une mesure de renoncement et d'abandon 9

B.- LE PLF 2005 RÉDUIT LES MOYENS DU PLAN 10

1. Des moyens de fonctionnement en baisse significative 11

a) Un tassement modéré des crédits de personnel qui masque une réduction sérieuse des effectifs du Plan 11

b) Une nouvelle baisse des crédits de fonctionnement 12

2. Des moyens d'intervention amputés des deux tiers 14

3. Des moyens de subvention fortement diminués 15

II.- LES MUTATIONS RAPIDES DE NOS ÉCONOMIES MONDIALISÉES RENDENT PLUS NÉCESSAIRE QUE JAMAIS UN EFFORT DE PLANIFICATION 17

A.- CONTRAIREMENT À SES VOISINS EUROPÉENS, LA FRANCE A RENONCÉ À UNE PLANIFICATION VOLONTARISTE 17

1. Les politiques de planification chez nos voisins européens 17

a) L'Allemagne approfondit sa politique de planification 18

b) Les pays du Benelux entretiennent une forte tradition de planification 19

c) Les pays du sud de l'Europe sont également empreints d'une forte tradition planificatrice 19

d) Traditionnellement, le Royaume-Uni entretient des capacités importantes de prospective d'Etat 20

2. L'abandon de la planification en France 20

a) Le Commissariat général du Plan a abandonné ses compétences en matière d'évaluation 20

b) Le Plan a remanié son organisation pour se consacrer pleinement à « la prospective de l'Etat stratège » 21

B.- SEULE UNE PLANIFICATION RÉNOVÉE PEUT PERMETTRE À L'ÉTAT DE FAIRE FACE AUX MUTATIONS DE NOS ÉCONOMIES MONDIALISÉES 24

1. Les limites d'une politique économique sans planification 24

a) Le traitement des délocalisations 24

b) Le « plan fret » de la SNCF 25

2. La différence entre Plan et planification 26

a) Même sans le Plan, l'Etat fait de la planification 26

b) Mais sans un Plan, l'Etat planifie moins bien 26

3. Trois propositions pour renforcer la cohérence de nos processus de planification 27

a) Mettre le Commissariat général du Plan au centre des processus administratifs d'élaboration des politiques planifiées 27

b) Confier au Plan le suivi d'une nouvelle planification nationale des services collectifs. 28

c) Confier au Plan le pilotage des contrats de Plan Etat-région (CPER) 29

ANNEXES 31

EXAMEN EN COMMISSION 35

MESDAMES, MESSIEURS,

En commentant le projet de loi de finances pour 2004, votre rapporteur avait déjà le regret de constater que les crédits du Plan traduisaient la renonciation du Gouvernement à une vraie politique de planification. Le budget du Plan pour 2005 confirme cette tendance. Et il la confirme doublement : non seulement les crédits du Plan sont en baisse mais son périmètre est lui-même réduit.

Aussi le budget 2005 du Plan inspire-t-il deux commentaires à votre rapporteur : d'une part, il s'agit d'un budget d'abandon, et d'autre part, cet abandon est d'autant plus regrettable que le contexte économique actuel devrait au contraire inciter l'Etat à mieux prévoir et mieux anticiper les mutations de nos cycles économiques ; en un mot : à mieux les planifier.

De toute évidence, à l'heure de l'intégration européenne, de la mondialisation et du libéralisme érigé en modus vivendi mondial, le Plan ne peut plus être la simple reproduction des desseins de ses concepteurs : Jean Jaurès, Léon Blum, Jean Monnet, Charles de Gaulle. Il ne peut plus être, à l'identique, « l'ardente obligation » nationale et consensuelle qui a guidé la France sur la voie de sa reconstruction et de sa modernisation.

Pour autant, faut-il sacrifier le Plan à ce que l'on pourrait appeler « l'air du temps » ? Faut-il renier tout intérêt à la démarche planificatrice « à la française », souple et concertée ? Votre rapporteur estime que non. Le « Plan de la Nation » peut encore guider la France. Et il faut se féliciter de ce que le Président de la République ait anticipé cet avis : il déclarait en 1996 que « dans un univers bouleversé par la mondialisation et la montée de l'exclusion, l'existence de lieux de concertation et d'évaluation des choix publics est indispensable ; le Plan doit être un de ces lieux privilégiés. ».

Votre rapporteur vous brossera à grands traits une nouvelle ambition pour la planification française. A l'heure où la conjoncture internationale, si vitale à nos économies mondialisées, est plus incertaine que jamais, il appartient à l'Etat de programmer son action, d'afficher clairement ses ambitions socio-économiques et les moyens qu'il entend mettre à leur service. Aussi l'Etat doit-il donner à ses efforts un cadre rationnel, cohérent et transparent : le Plan. Il ne s'agit pas de revenir aux Plans quinquennaux d'autrefois, mais de replacer le Plan, dépositaire de la tradition planificatrice française, au cœur de toutes nos politiques publiques.

I.- LE BUDGET DU PLAN POUR 2005 MÉRITE D'ÊTRE QUALIFIÉ
DE BUDGET D'ABANDON

Commentant le budget du Plan pour 2004, votre rapporteur notait déjà que la baisse de ses crédits traduisait la renonciation du Gouvernement à une vraie politique de planification. Le budget du Plan pour 2005 confirme cette tendance. Ses crédits sont en baisse et son périmètre est réduit. Ces deux mesures vont dans le même sens : l'abandon de la planification.

A.- LE PLF 2005 RESTREINT LE PÉRIMÈTRE BUDGÉTAIRE DU PLAN

1. Un périmètre traditionnellement large

Rappelons que le périmètre budgétaire du Plan ne se limite pas au seul Commissariat général du Plan. Il inclut des organismes de recherche.

Certains sont des « services associés », gérés directement par le Plan. Il s'agit du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (C.E.P.I.I.) et du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (C.E.R.C.).

Le CEPII a pour mission de rassembler des informations, de mettre en place de bases de données, d'élaborer des études prospectives sur l'économie mondiale, les échanges internationaux et les économies étrangères et de rendre ses travaux accessibles au public. Les principaux thèmes d'études et de recherche du Centre sont l'analyse et les projections macro-économiques, les questions monétaires et financières, le commerce international et les pays émergents ou en transition.

Le CERC est chargé de contribuer à la connaissance des revenus, des inégalités sociales et des liens entre l'emploi, les revenus et la cohésion sociale. Il établit des rapports qui sont transmis au Premier ministre ainsi qu'aux présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique et social. Ces rapports sont ensuite rendus publics.

Certains organismes financés par le Plan sont simplement des « organismes subventionnés ». il s'agit traditionnellement du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (C.R.E.D.O.C.), du Centre d'études prospectives d'économie mathématique appliquées à la planification (C.E.P.R.E.M.A.P.), de l'Observatoire français des conjonctures économiques (O.F.C.E.) et de l'Institut de recherches économiques et sociales (I.R.E.S.).

Le CREDOC a pour mission d'étudier les conditions de vie de la population et de promouvoir la recherche statistique, économique, sociologique ou psychologique sur la consommation, les besoins, les aspirations de la population.

Le CEPREMAP a pour fonction d'étudier et faire progresser les méthodes d'analyse, de prévision et de programmation économique des recherches fondamentales en matière de théorie économique.

La mission de l'OFCE est d'étudier les économies française et européenne dans leur contexte international et de réaliser des prévisions économiques à court, moyen et long terme.

La fonction de l'IRES est de répondre aux besoins exprimés par les organisations syndicales représentatives dans le domaine de la recherche économique et sociale.

2. Les subventions de l'Etat à trois organismes de recherche sont transférées à d'autres budgets

Dans le projet de loi de finances pour 2005, le Centre de Recherche pour l'Etude et l'Observation des Conditions de vie (CREDOC) est rattaché au ministère de l'Economie, des finances et de l'industrie ; le Centre d'Etudes Prospectives d'Economie Mathématique Appliquées à la Planification (CEPREMAP) au ministère de la Recherche ; l'Observatoire Français de la Conjoncture Économique (OFCE) est rattaché au ministère de l'Education nationale au titre des compétences de celui-ci en matière d'enseignement supérieur.

3. Une mesure dont la justification est surprenante

Le Gouvernement a indiqué que ce choix s'inscrivait « dans le cadre du recentrage de l'activité du CGP sur la prospective et de la politique gouvernementale de maîtrise des fonctions publiques ».

a) Un « recentrage du Plan sur ses activités de prospective » ?

Votre rapporteur a bien pris acte de la volonté du Gouvernement de « recentrer » le Plan sur ses activités de prospective : il en contestait déjà le bien-fondé dans son commentaire des crédits du Plan pour 2004.

Pourtant, il est paradoxal d'affirmer faire de la prospective l'activité première du Plan et soustraire à sa sphère de contrôle le CEPREMAP, dont l'objet est précisément de développer des outils mathématiques de prospective au service de la planification.

Si les travaux du CREDOC sont plus variés, il n'en demeure pas moins que leur orientation est souvent prospective, comme en témoigne la dernière publication de son directeur général, Robert Rochefort : « la retraite à 70 ans ? » (Belin, Paris, 2004).

Quant à l'OFCE, il est un centre de recherche et non un organisme d'enseignement supérieur. Il aurait été plus pertinent de le rattacher au ministère de la Recherche, comme c'est le cas du CEPREMAP, que directement au ministère de l'Education nationale.

b) Une mesure permettant au Gouvernement une meilleure « maîtrise des fonctions publiques » ?

Le souci d'une meilleure maîtrise des fonctions publiques est certes louable : votre rapporteur ne le conteste pas. Toutefois, le lien entre cet effort et le détachement des trois organismes en question du périmètre budgétaire du Plan n'est pas évident.

En effet, le Plan n'est-il pas mieux à même de maîtriser ces fonctions publiques ? Les budgets et les organigrammes des ministères de l'Economie, de la Recherche et de l'Education nationale sont autrement plus compliqués que ceux du Plan. L'organigramme et le fascicule budgétaire du Plan sont des plus lisibles qui soient, ce qui rend le contrôle du Parlement sur ces fonds et ces organismes publics relativement aisé.

Votre rapporteur accueille donc la justification de cette modification de périmètre avec perplexité.

c) Une mesure de renoncement et d'abandon

Cette mesure, dira-t-on, n'a pas d'impact financier. Il s'agit pourtant d'une mesure de renoncement, car elle traduit le renoncement de l'Etat à se doter d'un pôle cohérent d'analyse prospective.

Votre rapporteur notait, dans son commentaire des crédits du Plan pour 2004, que les liens du Plan et de ces organismes avaient tendance à se relâcher. Il n'en appelait pas à un démantèlement des réseaux du Plan, mais il souhaitait au contraire que ces centres de recherche puissent apporter aux missions du Plan leur concours scientifique. L'intérêt de disposer de plusieurs centres était précisément de donner à la prospective une dimension pluridisciplinaire : au CREDOC la sociologie, au CEPREMAP les mathématiques et la sociologie quantitative, à l'OFCE la macro-économie. Le démantèlement de ce réseau va donc dans le sens d'une renonciation à la dimension pluridisciplinaire de la prospective de l'Etat.

En outre, cette mesure va aussi dans le sens d'un abandon du Commissariat général du Plan (CGP) : elle le prive de ses relais traditionnels. Or le Parlement avait implicitement reconnu l'utilité de certains de ces organismes, en dotant respectivement l'OFCE et l'Institut de Recherches Economiques et Sociales (IRES) de 345 000 et 240 000 euros, pour 2004, au titre de la réserve parlementaire.

EVOLUTION DU PÉRIMÈTRE BUDGÉTAIRE DU PLAN

graphique

La sphère du Plan

Incidences du PLF 2005

graphique
graphique
  Commissariat

graphique
graphique
  Dotation supprimée

graphique
graphique
  Services associés

graphique
graphique
  Dotation transférée à un autre ministère

graphique
graphique
  Organismes subventionnés

B.- LE PLF 2005 RÉDUIT LES MOYENS DU PLAN

Le projet de budget du Commissariat Général du Plan et des organismes rattachés s'établit à 18,48 millions d'euros, en diminution de 6,21 millions d'euros (soit 25,16 %) par rapport à la loi de finances pour 2004, dont le montant s'élevait à 24,69 millions d'euros. Celui-ci était d'ailleurs déjà en repli par rapport à l'année précédente, comme le montre le tableau ci-dessous.

EVOLUTION DES CRÉDITS DU PLAN DEPUIS 2003

(en millions d'euros)

LFI 2003

(millions d'euros)

LFI 2004

(millions d'euros)

évolution 2004/2003

PLF 2005 (millions d'euros)

évolution 2004/2005

Titre III

(Moyens des services)

15,6

14,9

-4,4%

14,6

-2%

Titre IV

(Interventions publiques)

9,0

9,0

stable

3,2

-65%

Sous-total :

dépenses ordinaires

24,6

23,9

-3%

17,8

-25,5%

Titre VI

(Subventions, en CP)

0,8

0,8

stable

0,6

-20%

Total

25,4

24,7

-2,8%

18,4

-25,1%

Source : CGP

1. Des moyens de fonctionnement en baisse significative

L'ensemble des moyens du titre III (moyens des services) est en baisse de 1,8 % : ils s'établissent à 14,62 millions d'euros en 2005 pour 14,87 millions en 2004. La baisse est inégalement répartie selon les chapitres.

a) Un tassement modéré des crédits de personnel qui masque une réduction sérieuse des effectifs du Plan

En apparence, les crédits de personnel du Plan sont à peu près épargnés par la compression générale des crédits du Plan. S'établissant à 10,43 millions d'euros en 2005, contre 10,47 millions d'euros en 2004, les dépenses de personnel ne perdent que 0,4 %.

En réalité, ce tassement modéré masque une réduction sérieuse des effectifs du Plan :

- la suppression de 4 emplois budgétaires, ce qui permet une économie de 140 000 euros sur les frais de personnel dès 2005 ;

- le transfert de 2 emplois au profit de l'ADAE (Agence pour le Développement de l'Administration Electronique), ce qui se traduit par une économie de 62 000 euros sur les crédits du Plan.

La revalorisation de la valeur du point fonction publique compense ces économies à hauteur de 33 221 euros.

Votre rapporteur regrette qu'en privant le Plan de 6 emplois sur 202 (soit tout de même 3 % de ses effectifs totaux), le projet de loi de finances pour 2005 poursuive une tendance à la réduction des effectifs déjà dénoncée dans son commentaire des crédits du Plan pour 2004. Le tableau ci-dessous retrace cette compression lente des effectifs du Plan, qui prend en compte les organismes rattachés mais pas les organismes subventionnés.

EFFECTIFS DU PLAN ET DES ORGANISMES RATTACHÉS

Organisme

Effectifs au 31.12.2003

Effectifs au 31.12.2004

Effectifs au 31.12.2005

Titulaires

Contractuels

Total

Titulaires

Contractuels

Total

Titulaires

Contractuels

Total

CGP1

70

74

144

70

73

143

67

73

140

Hors BCRD2

70

64

134

70

61

131

67

62

129

BCRD

10

10

10

10

10

10

CNE3

4

4

4

4

CERCS4

11

11

11

11

11

11

CEPII5

13

33

46

13

33

46

13

33

46

Total

83

122

205

83

119

202

80

116

196

1. Commissariat général du Plan

2. Budget civil de recherche et développement

3. Conseil national de l'évaluation

4. Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale

5. Centre d'Etudes prospectives et d'informations internationales

Source : CGP

En outre, votre rapporteur regrette que les emplois qui sont maintenus au sein du Plan aient tendance à se précariser. Cette précarisation de l'emploi public au Plan n'est pas un gage de pérennité de ses activités, à l'heure où son existence même est remise en cause -à la suite, par exemple, du rapport publié par M. Georges Tron au nom de la Mission d'Evaluation et de Contrôle de la Commission des Finances en mai 2003.

Votre rapporteur ajoute qu'il est paradoxal de voir le Plan participer à la politique de rationalisation de la dépense publique mais pas à celle de résorption de l'emploi précaire dans le secteur public. Cette politique a pourtant été initiée par la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale. Le changement de majorité ne l'a pas remise en cause, et ce projet de loi de finances comporte plusieurs dispositions qui vont dans son sens, par exemple pour la DATAR.

De plus, comme le Commissaire au Plan le reconnaît, c'est un choix « intuitu personae » qui préside aux nominations de ces contractuels. Votre rapporteur juge qu'il n'est pas bon d'ériger l'arbitraire en mode normal d'accès à des emplois publics. L'emploi de titulaires présente plus de garanties de sérieux et d'impartialité. Il permet en outre de développer réellement des capacités d'expertise en interne et de perpétuer une véritable culture administrative, culture qui fait l'identité d'une administration de mission.

b) Une nouvelle baisse des crédits de fonctionnement

Les crédits de fonctionnement sont répartis dans les sept articles du chapitre 34-98, qui concernent : le Commissariat général du Plan, ses crédits de recherche, le CNE, le CEPII, les activités d'évaluation en général, les crédits d'évaluation des contrats de Plan Etat-région (CPER) et le CERC.

Les crédits des articles consacrés à la recherche, au CEPII et au CERC sont stables. Les crédits de fonctionnement du CGP, quant à eux, augmentent : ils s'établissaient à 1,49 million d'euros en 2004 et s'élèveraient à 1,71 million d'euros en 2005. Il faut se féliciter de voir les crédits de ces articles consolidés.

En revanche, il faut souligner la baisse des autres articles de ce chapitre. Ces articles sont consacrés aux diverses activités d'évaluation : CNE, évaluations ponctuelles et évaluation des CPER. Les crédits du CNE sont réduits à zéro, ceux consacrés aux CPER s'établiraient à 0,8 million d'euros en 2005 contre 0,9 en 2004 et ceux des activités générales d'évaluation diminuent de 50 % en s'établissant à 300 000 euros.

Ainsi, les crédits de fonctionnement courant connaissent des évaluations inégales mais accusent globalement une baisse de 5 %, s'établissant à 4,18 millions d'euros.

Votre rapporteur regrette que cette nouvelle baisse s'inscrive dans un contexte de compression continue des crédits de fonctionnement du Plan depuis plusieurs années, comme le tableau ci-dessous en témoigne.

CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT : ÉVOLUTION DEPUIS 2005

(en euros)

LFI 2001

LFI 2002

LFI 2003

LFI 2004

PLF 2005

2001/2005

CGP hors BCRD

2 304 461

2 227 686

1 887 686

1 489 686

1 714 686

-25,65%

CGP (BCRD)

94 303

94 303

94 303

94 303

94 303

stable

Diverses activités d'évaluation1

2 393 011

2 393 011

1 831 192

1 539 192

1 100 000

-54%

CERC

457 347

381 122

281 122

251 122

251 122

-45%

CEPII

1 026 589

1 026 589

1 026 589

1 026 589

1 026 589

stable

Total

6 275 711

6 112 711

5 120 892

4 400 892

4 186 700

-33,4%

1. CNE + évaluations ponctuelles + CPER

Source : CGP

Cette baisse est d'autant plus inacceptable que ces crédits connaissent, depuis deux ans, des taux de consommation très satisfaisants. Ainsi, pour le premier semestre 2004, le taux de consommation des crédits de fonctionnement s'élevait à 51,86 %.

Comme ce chiffre le suggère, on ne peut guère arguer du fait qu'une baisse des crédits du Plan pourrait être compensée par une meilleure gestion des moyens de fonctionnement.

2. Des moyens d'intervention amputés des deux tiers

Les moyens d'intervention, inscrits au titre IV, sont en baisse de 65 % : alors qu'ils s'élevaient à plus de 9 millions d'euros en 2004, ils s'établissent à 3,2 millions d'euros en 2005. Le tableau ci-dessous détaille ces chiffres.

BAISSE DES CRÉDITS DU TITRE IV

(en euros)

Subventions du titre IV

LFI 2004

PLF 2005

Variation 2004/2005

4411-22 IRES

2.170.738

1.930.738

- 11,1%

4411-21 IRES (Recherche)

1.169.666

1.169.666

stable

4411-31 OFCE

2.105.994

0

- 100,0%

4411-32 OFCE (Recherche)

1.385.491

0

- 100,0%

4411-40 CREDOC (Recherche)

868.084

0

- 100,0%

4411-50 CEPREMAP (Recherche)

1.192.621

0

- 100,0%

4411-60 Autres subventions

138.952

108.952

- 21,8%

Total subventions titre IV

9.031.546

3.209.356

- 64,6%

Total subventions titre IV à périmètre constant (4411-22 + 4411-21 + 4411-60)

3.479.256

3.209.356

- 7,8%

Source : CGP

Cette baisse drastique s'explique en partie par la modification de périmètre déjà commentée. Toutefois, son impact budgétaire n'explique pas toute l'ampleur de la baisse : si l'on considère ces crédits à périmètre constant (c'est-à-dire en ne retenant pour 2004 que les trois articles qui demeurent en 2005 : IRES, IRES-recherche, « autres subventions »), le titre IV laisse apparaître une baisse de 7,8 %.

Cette baisse porte notamment sur les crédits de l'IRES hors-recherche. La baisse de ceux-ci, d'année en année, avait été compensée en 2004 par 240 000 euros de réserve parlementaire. 2004 avait donc marqué une pause dans la tendance à la baisse de ces crédits, tendance avec laquelle 2005 renouera. Les moyens de l'IRES hors-recherche baissent donc de 11,1 %, ceux de l'IRES en général de 7,2 %.

Parallèlement, les crédits de l'article 4411-60, destinés aux autres subventions et sur lesquels le Plan subventionne ponctuellement divers centres de recherche, sont en baisse de 21,8 %, s'établissant à un peu plus de 100 000 euros.

Ainsi, la modification du périmètre des moyens d'intervention du Plan, déjà regrettable en elle-même, n'empêche pas une baisse très nette de ses moyens à périmètre constant. Votre rapporteur le déplore, dans la mesure où la planification comme la prospective, pour être sérieuses, doivent se baser sur des travaux de recherche importants et variés : priver le Plan d'une si large partie de ses moyens de recherche risquerait de décrédibiliser ses travaux.

3. Des moyens de subvention fortement diminués

Les moyens de subvention du Plan servent à commander à divers centres de recherche des études précises, qui viennent compléter les études réalisées par le Plan en interne. Ce sont donc des moyens essentiellement destinés à la recherche.

Ces moyens connaissent une baisse considérable dans le projet de budget du Plan pour 2005 : ils perdent 28,6 % en autorisations de programmes, s'établissant à 649 000 euros. Parallèlement, ils baissent de 17,2 % en crédits de paiement, s'établissant au même chiffre.

Certes, ils avaient connu une hausse relative depuis 2000, comme le tableau ci-dessous l'indique. Mais cette hausse des commandes d'études compensait la baisse du nombre des études réalisées en interne. Or, pour 2005, les moyens d'expertise en interne n'augmentent pas : la baisse de ces crédits n'a donc aucune justification.

EVOLUTION DES CRÉDITS DU TITRE VI DEPUIS 2000

(en euros)

Crédits du titre VI

LFI 2000

LFI 2001

LFI 2002

LFI 2003

LFI 2004

PLF 2005

A.P.

457 347

503 000

808 000

958 000

908 000

649 000

C.P.

701 265

526 000

656 000

783 000

783 000

649 000

Source : CGP

Ainsi, à des degrés divers selon les chapitres, tous les moyens du Plan sont en baisse générale. Cette restriction générale est significative : elle traduit la renonciation du Gouvernement à une politique de planification. Surtout, l'amoindrissement continu des moyens du Plan, sous couvert de « recentrage », donne l'impression que le Gouvernement abandonne le Plan. C'est pourquoi ce budget 2005 est indéniablement un budget d'abandon.

ANNEXE 1 - RÉCAPITULATIF DES CRÉDITS DU PLAN POUR 2005

LFI 2004

PLF 2005

Variation 2004/2005

Crédits de personnel

 

 

3101 - Rémunérations

6.541.971

0

3102 - Indemnités

1.106.397

0

3196 - Vacations

847.726

0

3390 - Cotisations employeur

1.705.341

0

3391 - Prestations sociales

192.600

0

3392 - Action sociale

76.225

0

3730 - 10 Globalisé (hors BCRD)

0

7.520.738

3730 - 20 Globalisé (BCRD)

0

2.908.300

Total personnel

10.470.260

10.429.038

- 0,4%

 

 

 

Crédits de fonctionnement

 

 

3498-10 - Plan

1.489.686

1.714.686

+ 15,12%

3498-30 - Recherche

94.303

94.303

stable

3498-40 - CNE

27.517

0

- 100%

3498-50 - CEPII

1.026.589

1.026.589

stable

3498-60 - Evaluation

598.766

300.000

- 48,5%

3498-70 - CPER

912.909

800.000

- 12,4%

3498-80 - CERC

251.122

251.122

stable

Total fonctionnement

4.400.892

4.186.700

- 4,85%

 

 

 

Frais de justice - rép. Civiles

 

 

3791 - Frais de justice - rép. Civiles

2.592

2.592

stable

TOTAL TITRE III

14.873.744

14.618.330

- 1,8%

 

 

 

Subventions titre IV

 

 

4411-22 IRES

2.170.738

1.930.738

- 11,1%

4411-21 IRES (Recherche)

1.169.666

1.169.666

stable

4411-31 OFCE

2.105.994

0

- 100,0%

4411-32 OFCE (Recherche)

1.385.491

0

- 100,0%

4411-40 CREDOC (Recherche)

868.084

0

- 100,0%

4411-50 CEPREMAP (Recherche)

1.192.621

0

- 100,0%

4411-60 Autres subventions

138.952

108.952

- 21,8%

Total subventions titre IV

9.031.546

3.209.356

- 64,6%

 

 

 

TOTAL DO

23.905.290

17.827.686

- 25,4%

 

 

 

Subventions titre VI

 

 

Autorisations de programme

908.000

649.000

- 28,6%

Crédits de paiement

783.000

649.000

- 17,2%

 

 

 

TOTAL DO + CP

24.688.290

18.476.686

- 25,2%

Source : Commissariat général du Plan

II.- LES MUTATIONS RAPIDES DE NOS ÉCONOMIES MONDIALISÉES RENDENT PLUS NÉCESSAIRE QUE JAMAIS
UN EFFORT DE PLANIFICATION

La libéralisation des échanges, la mondialisation des circuits de production et l'intégration européenne ont des conséquences lourdes sur l'économie et les territoires de notre pays : dans cette fameuse « nouvelle économie », les choses vont vite. Dans ce cadre, un Gouvernement doit clairement choisir une orientation... de « gouvernance » :

- l'attentisme et le laisser-aller ?

- la prospective, pour essayer de comprendre les mutations structurelles ?

- la planification, pour reprendre la main dans le cours des choses, à partir d'une analyse prospective, certes, mais dans une optique volontariste de maîtrise du destin de la Nation ?

A chaque Gouvernement la liberté de faire le choix de son attitude et de ses instruments. A cet égard, votre rapporteur relève que la France, naguère plus engagée que la plupart de ses partenaires européens dans la voie de la planification, l'est désormais nettement moins.

A.- CONTRAIREMENT À SES VOISINS EUROPÉENS, LA FRANCE A RENONCÉ À UNE PLANIFICATION VOLONTARISTE

Le Gouvernement ne manque jamais de citer tel ou tel Etat européen en modèle lorsqu'il s'agit de réformer notre système de protection sociale. Il serait donc légitime de passer en revue les efforts de planification d'un certain nombre de nos partenaires.

1. Les politiques de planification chez nos voisins européens

Il faut reconnaître que le terme de « planification » n'est pas utilisé dans tous les pays... Mais au-delà de cet effet d'affichage, une analyse plus précise des circuits de formation des politiques publiques dans différents Etats révèle qu'il existe, chez la plupart de nos voisins, des administrations publiques dont la mission est à la fois d'établir des études prospectives et de proposer des politiques de prévention, d'accompagnement ou d'anticipation des mutations économiques. Souvent, les missions de ces organismes dépassent la simple formulation d'hypothèses prospectives : elles peuvent donc être apparentées à des politiques de planification.

a) L'Allemagne approfondit sa politique de planification

Depuis la réunification, les pouvoirs publics ont tendance à intégrer de plus en plus systématiquement des études prospectives dans leur procédure de décision. Ce mouvement s'est traduit par une relance des activités de planification dans le domaine des infrastructures publiques, des réseaux de transport, de l'aménagement du territoire et de la recherche scientifique et technique, tant au niveau fédéral qu'à celui des Länder.

·  Plusieurs organismes publics assurent ces fonctions au niveau fédéral :

Le Conseil des Cinq Sages et six instituts fédéraux (cf. tableau ci-dessous) rendent compte, deux fois par an et collectivement, de la situation du pays au moyen d'un rapport remis au ministre fédéral chargé de l'économie. Par ailleurs, le Gouvernement les charge d'études plus sectorielles.

LES INSTITUTS FÉDÉRAUX CHARGÉS DE LA PROSPECTIVE
ET DE LA PLANIFICATION EN ALLEMAGNE

Le Conseil des Cinq sages

Créé en 1963, il est composé d'experts universitaires. Il présente chaque année un rapport au Chancelier sur la situation économique de la nation et sur son évolution prévisible, en mettant l'accent sur les risques qui se profilent et les moyens de les maîtriser.

L'IFO-Munich

L'Institut für Wirtschaftsforschung (institut de recherche économique) de Munich, créé en 1949 et doté de 170 emplois, est associé à l'élaboration des grandes politiques sociales.

L'IFW-Kiel

L'Institut für Weltwirtschaft (institut d'économie mondiale) rattaché à l'université de Kiel, a été fondé en 1914. Il emploie 270 personnes et concentre ses recherches sur les politiques structurelles de croissance.

Le DIW-Berlin

Le Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung (institut allemand de recherche économique) est installé à Berlin depuis 1925 et réunit 215 salariés. Ses études portent sur tous les aspects des politiques économiques.

Les HWWA-Hambourg

Les Hamburgische Welt-Wirtschafts-Archiv (archives d'économie mondiale de Hambourg) ont été fondées en 1908. Ce centre de documentation à vocation pluridisciplinaire développe des bases de données de toute première utilité.

Le RWI-Essen

Le Rheinisch-Westfälisches Institut für Wirtschaftsforschung (institut de recherche économique de Rhénanie-Palatinat), installé à Essen,est particulièrement compétent sur les questions industrielles.

L'IWH-Halle

L'Institut für Wirtschaftsforschung (institut de recherche économique), installé à Halle depuis 1992 où il emploie 65 personnes, conseille les pouvoirs publics sur toutes les questions économiques et sociales.

Source : Commissariat général du Plan

En outre, les grands ministères possèdent tous des services d'observation et de conseil sur leur secteur, notamment la célèbre « Direction de la politique économique » du ministère chargé de l'Economie.

Enfin, les ministères sollicitent aussi des instituts fédéraux mais indépendants des ministères, comme le Bundesinstitut für Bevölkerungsforschung de Wiesbaden, compétent en matière d'évolution démographique, le Bundesinstitut für Berufsbildung de Bonn en matière de formation professionnelle, et le très connu Bundesanstalt für Arbeit, dans le domaine de l'emploi.

·  En outre, les Länder entretiennent leurs propres organismes de planification, qui réalisent des diagnostics territoriaux et prospectifs permettant de faire valoir leurs intérêts auprès de l'Etat fédéral. Ainsi, le Bade-Wurtemberg a créé une commission dénommée « Economie 2000 », la Bavière et la Saxe une « Commission sur l'avenir » commune aux deux Länder et la Rhénanie du Nord Westphalie un « Secrétariat aux études du futur ».

b) Les pays du Benelux entretiennent une forte tradition de planification

La Belgique dispose d'un Bureau fédéral du Plan, comparable à notre Commissariat général du Plan, également placé sous l'autorité du Premier ministre. Le Gouvernement dispose également du Conseil central de l'économie (pour les questions économiques et sociales) et du Conseil fédéral du développement durable, créé en 1997.

Aux Pays-Bas, c'est une agence indépendante rattachée au Ministère de l'Economie, le Bureau pour l'analyse de la politique économique, qui pilote la politique de planification. En outre, le Conseil scientifique de la politique gouvernementale, créé en 1972, est le principal organisme chargé d'assister le Gouvernement dans l'élaboration de ses décisions politiques. Son programme de travail comprend des sujets établis pour cinq ans, auxquels des sujets d'actualité peuvent être ajoutés.

c) Les pays du sud de l'Europe sont également empreints d'une forte tradition planificatrice

En Espagne, un Commissariat au Plan existe depuis 1962, mais joue désormais un rôle de planification régionale. En revanche, au niveau de l'Etat, les organismes de planification sont assez éclatés, suivant une logique sectorielle.

En Grèce, la planification est un objectif constitutionnel, l'article 106 de la Constitution disposant que « pour consolider la paix sociale et protéger l'intérêt général, l'Etat planifie et coordonne l'activité économique dans le pays ». Ainsi, le Centre pour la planification et la recherche économique pilote une politique de planification très active dans tous les secteurs.

En Italie, le Comité interministériel pour la programmation économique, créé en 1967, succédant au comité pour la reconstruction, établit les grandes lignes de la politique économique et financière et coordonne les programmes sectoriels et régionaux. En outre, l'Italie s'est dotée en 1998 d'un important Institut d'études et d'analyses économiques, né du rapprochement de l'institut d'études de la conjoncture et de l'institut d'études pour la planification économique. Enfin, l'Agence pour les nouvelles technologies, l'énergie et l'environnement élabore une planification sectorielle qui s'avère efficace.

d) Traditionnellement, le Royaume-Uni entretient des capacités importantes de prospective d'Etat

Le Delivery and reform group est chargé d'une mission de planification, dans la mesure où il identifie les défis stratégiques et les problèmes relevant des pouvoirs publics et contribue à l'évaluation des politiques publiques. Cet organisme est structuré en différentes unités, notamment la Delivery unit créée en juin 2001 pour aider le Gouvernement à définir ses priorités dans les domaines de l'éducation, de la santé et des transports. En outre, l'Office of public services reform, créé également en 2001 aide le Gouvernement dans sa politique de réforme des services publics.

Il ressort de cette revue rapide que les grands Etats européens disposent de cellules administratives chargées de prospective et de planification. Il semble en outre qu'ils aient tendance à développer ces fonctions de planification souple, alors que la France abandonne discrètement, année après année, sa tradition de planification.

2. L'abandon de la planification en France

a) Le Commissariat général du Plan a abandonné ses compétences en matière d'évaluation

Traditionnellement, le Commissariat était chargé d'assurer le secrétariat du Conseil national de l'évaluation (CNE) et de contribuer au développement de l'évaluation dans l'administration. Ce poste n'a plus été pourvu à partir de 2002 : le Commissariat général du Plan n'a donc pas pu instruire de nouveaux projets.

Certes, le Premier ministre suggérait que l'évaluation des politiques publiques soit confiée à un organisme autre que le Plan. Mais à ce jour, celui-ci n'a toujours pas été désigné : le recentrage du Plan sur la prospective de l'Etat stratège a donc conduit le Gouvernement à priver les pouvoirs publics de leur principal instrument d'évaluation.

En outre, votre rapporteur estime que la dichotomie introduite par le Premier ministre dans les missions du Plan n'est pas acceptable. Certes, la prospective et l'évaluation ne procèdent pas du même type de raisonnement. Toutefois, coupler les deux pourrait générer des synergies : l'évaluation y gagnerait en pertinence et la prospective en réalisme.

Les seules missions d'évaluation que le Plan accomplit encore concernent les contrats de plan Etat-région (CPER). Il gère les crédits d'évaluation des CPER, délégués aux préfets de région qui en font la demande. En outre, il est sensé offrir aux « comités de pilotage » régionaux son assistance technique. De plus, le Commissaire au Plan préside de droit l'« instance nationale d'évaluation » qui regroupe tous les acteurs administratifs concernés et répartit les crédits d'évaluation des CPER. Un questionnaire adressé aux SGAR et aux conseils régionaux en 2002 a par ailleurs montré que les régions attendent beaucoup du Commissariat général du Plan : assistance technique, méthodologie, partage de bonnes pratiques, expertise, etc.

Toutefois, depuis les changements intervenus au Plan depuis 2003, le Commissariat n'a pas pu mener de politique de formation des acteurs locaux à l'évaluation. De même, l'instance nationale d'évaluation des CPER n'est plus réunie depuis 2002 : le Commissariat se contente de répartir des crédits aux préfets de région. Le Plan s'est donc mis en retrait des dispositifs d'évaluation des CPER. Ce choix est d'autant plus regrettable que les gestionnaires locaux sont demandeurs d'une plus grande implication du Plan.

b) Le Plan a remanié son organisation pour se consacrer pleinement à « la prospective de l'Etat stratège »

Le Premier ministre a souhaité recentrer les missions du Commissariat général du Plan sur « la prospective de l'Etat stratège ». Ses lettres des 16 avril et 21 novembre 2003 (cf. annexes), comme la conférence de presse du 24 septembre 2003 du Commissaire au Plan ont donné pour mission au Plan « la prospective de l'Etat stratège ». Cette expression mérite quelque commentaire.

En examinant les crédits du Plan pour 2004, votre rapporteur la jugeait sibylline. Un an après, les différents travaux publiés par le Plan n'aident pas à en percer le sens. Les éléments de définition suivants, obtenus du gouvernement, sont laissés à la sagacité des lecteurs de ce rapport :

LA « PROSPECTIVE DE L'ÉTAT STRATÈGE » SELON LE PLAN

La prospective de l'Etat stratège, c'est pour le Plan et les organismes qui lui sont rattachés une quadruple exigence :

1. une continuité avec des missions originelles, parfois oubliées, dans le fait de se tourner vers l'avenir et de chercher à anticiper les futurs possibles ;

2. un recentrage sur le rôle de l'Etat, sur l'évolution de ses missions et de ses fonctions ;

3. une vision délibérée de l'Etat conçu comme « stratège » soucieux de l'intérêt général ;

4. un déplacement de son centre de gravité qui, pour des raisons historiques, a longtemps été très économique, alors que la prospective de l'Etat stratège déborde de ce cadre et réclame des sources d'expertise plus diversifiées.

Source : Commissariat général du Plan

ORGANISATION DES SERVICES ET DES GROUPES DE PROJET

Services

Mission

Groupes de projets associés

Service économique, financier et international

Prospective macro-économique

Astypalea

Périclès

Delos

Kazan

Télémaque

Caducée

Thésée

Service de l'évaluation et de la modernisation de l'Etat

Contribution à la réflexion sur la réforme de l'Etat

Ariane (ex-Sisyphe)

Caducée

Cosmos

Jonas

Demeter

Sigma

Isis

Geste

Service des Affaires sociales

Prospective des politiques sociales

Kazan

Poles

Mostra

Prométhée

Orféo

Thomas

Service des entreprises et du développement des activités économiques

Prospective micro-économique et sectorielle

Carnot

Manon

Équilibres

Périclès

Perroux

Pieta

Saraswati

Sirène

Synapse

Utilities

Services

Mission

Groupes de projets associés

Aleph

Fournir des ressources en matière de prospective

Tous les groupes de projets

Europe

Approfondir la dimension européenne des analyses du Plan

Racines

Approfondir la dimension territoriale des analyses du Plan

Source : Commissariat général du Plan

Pour appliquer l'instruction du Premier ministre, le Plan a profondément réorganisé ses services en quatre services et trois « groupes de projets » transversaux, qui alimentent les travaux d'une trentaine de « groupes de projets » plus ponctuels, structures souples au périmètre variable.

Votre rapporteur relevait, dans son commentaire des crédits du Plan pour 2004, que le groupe de projet chargé de trouver des voies de réforme de l'Etat avait été baptisé Sisyphe. Il se félicite de constater que cette curiosité a été corrigée : ce groupe de projet s'appelle désormais Ariane... ce qui place la réforme de l'Etat sous de meilleurs augures !

Les groupes de projet sont sensés introduire au Plan la méthode du travail en équipe. Ils travaillent eux-mêmes en réseau, comme le suggère l'organigramme ci-dessous.

graphique

Source : Commissariat général du Plan, modifié

LES MISSIONS DU PLAN ET LES GROUPES DE PROJETS

Secteur

Mission confiée par le premier ministre

Groupes

Recherche, innovation, croissance et développement durable

« L'Etat doit agir pour une croissance durable, fondée sur la valorisation de nos ressources humaines et de notre potentiel technologique. Dans cette perspective, je souhaite que vos travaux permettent de définir les institutions et les politiques dont a besoin une société qui mise sur l'éducation, la recherche et l'innovation pour répondre aux défis de la mondialisation et du développement durable. »

Périclès

Synapse

Isis

Astypalea

Saraswati

Equilibres

Pieta

Emploi, métiers, formation

« Le vieillissement de la population, le progrès technique et l'insertion dans le commerce international de nouveaux pays industrialisés vont profondément modifier le fonctionnement du marché de l'emploi et nécessiter une véritable prospective des métiers et des emplois. Je souhaite donc que vous relanciez les travaux que le Plan a déjà entrepris par le passé en ce domaine, en étant attentif à la dimension régionale de ce sujet. »

Delos

Demeter

Mostra

Prométhée

Kazan

Orféo

Intégration sociale

« Parallèlement notre pays, si marqué par une grande tradition d'intégration sociale, est confronté à des difficultés dans un domaine où il excellait. L'intégration est une question délicate qui doit mobiliser l'Etat dans ses ramifications les plus diverses. La réussite de cette intégration est au demeurant une des conditions essentielles de son attractivité. »

Midi

Sigma

Santé publique, application du principe de précaution

« Les problèmes que nous avons à résoudre dans un futur proche, concernant tous les aspects de la santé publique, ont besoin d'être éclairés par une vision prospective qui tienne compte des évolutions démographiques et techniques et définisse les conditions d'une application raisonnée du principe de précaution. »

Caducée

Jonas

Poles

Geste

Sources :

Commissariat général du Plan

Lettre du Premier ministre au Commissaire au Plan datée du 21 novembre 2003

Cette organisation est cohérente avec la nouvelle mission du Plan, découplée de l'évaluation des politiques publiques. La qualité des productions du Commissariat n'est pas contestable. Le ton général de ces travaux est cependant un peu incantatoire : le découplage des activités de prospective et d'évaluation pourrait expliquer ce travers.

B.- SEULE UNE PLANIFICATION RÉNOVÉE PEUT PERMETTRE À L'ÉTAT DE FAIRE FACE AUX MUTATIONS DE NOS ÉCONOMIES MONDIALISÉES

Le contexte macro-économique actuel a deux caractéristiques majeures : l'incertitude et la fragilité. En effet, la croissance est plus volatile que sous les trente Glorieuses, et les changements structurels de nos économies plus rapides. Ces contraintes ont justifié l'abandon du plan quinquennal, mais elles ne justifient pas l'abandon de toute planification, bien au contraire.

Car plus l'incertitude est grande, plus les acteurs économiques et sociaux ont besoin de points de repères : c'est le sens de la prospective. De même, plus les mutations économiques sont rapides, plus l'Etat devrait les anticiper et tenter d'en maîtriser le cours : c'est le sens de la planification.

Votre rapporteur entend démontrer que si l'action de l'Etat se prétend de plus en plus planificatrice, elle gagnerait en cohérence et en efficacité si elle se dotait d'un Plan fédérateur.

1. Les limites d'une politique économique sans planification

A défaut de planifier les mutations économiques, l'Etat ne peut que les subir. Entre une prospective trop souvent incantatoire et un traitement des crises tardif et précipité, sa politique économique manque de cohérence et d'efficacité.

Votre rapporteur vous propose d'examiner deux exemples concrets qui montrent que la planification vaut mieux que l'intervention de l'Etat a posteriori.

a) Le traitement des délocalisations

La mondialisation des facteurs de production a placé notre pays en situation de désavantage compétitif par rapport aux pays à main-d'œuvre bon marché. Cette crise de compétitivité a frappé l'industrie plus que les autres secteurs. La politique économique traite la situation au cas par cas, par des « contrats de site » ou des « contrats de territoire » qui accompagnent les délocalisations en gérant les crises sociales une fois qu'elles sont avérées.

Ces interventions locales gagneraient en efficacité si les risques de restructurations industrielles étaient détectés plus tôt, anticipés, voire prévenus. La détection, l'anticipation de ces risques ne peut passer que par une politique de planification industrielle nationale, appuyée par des études pertinentes et concertée entre l'Etat, le patronat et les représentants des salariés. Or cette vision nationale des problèmes et cette méthode incitative et concertée sont justement au cœur de la « planification à la française ».

LES CONTRATS DE SITE ET ASSIMILÉS

·  Une mission interministérielle sur les mutations économiques a été mise en place le 28 janvier 2003, avec pour objectif l'amélioration de l'intervention publique en matière de mutations économiques, afin que l'impact social et territorial des restructurations économiques et industrielles soit mieux pris en compte par le Gouvernement.

·  La mission d'information devait mettre en œuvre une nouvelle méthode d'action de l'Etat et de nouveaux outils : un « tableau de bord de risques » de détection et de prévention des risques de suppression d'emploi, un « observatoire des mutations économiques », outil de veille à long terme.

·  Ainsi, après 15 jours de veille, le Gouvernement a lancé le 12 février 2003 les « contrats de sites », qui concentrent des aides spéciales sur des bassins d'emploi affectés par une restructuration particulière.

·  Les CIADT de 2003 et 2004 ont élaboré 11 contrats de sites, qui organisent le cofinancement de projets de redynamisation industrielle (5 d'entre eux concernent GIAT-industrie). Parallèlement, 10 contrats, conventions ou plans d'action territoriaux ont été engagés dans le même esprit.

b) Le « plan fret » de la SNCF

Les restructurations industrielles et l'ouverture du fret à la concurrence européenne mettent en évidence l'état de délabrement du fret SNCF, inadapté aux structures productives et lourdement déficitaire.

Avec son « plan fret », la SNCF vise à le rendre compétitif sur le marché ferroviaire, libéralisé par des directives communautaires transposées en mars 2003. Elle tend à densifier son fret et à le concentrer sur un nombre restreint de lignes. A cet effet, elle ferme un certain nombre de gares, notamment celles qui servaient au chargement du bois.

Le sauvetage du fret français est au centre des discours gouvernementaux : votre rapporteur s'en félicite. Mais pour ce qui est du plan lui-même, certaines insuffisances peuvent être relevées :

- Il est élaboré sans concertation avec les usagers, notamment sans prendre en compte les besoins spécifiques des territoires, notamment de la filière bois en milieu rural.

- Il se borne à traiter le problème du fret sans s'appuyer sur une stratégie plus large de développement des transports. En effet, le retrait du fret profitera à la route, et aura donc un coût environnemental que le « plan fret » ne prend pas en compte.

- Il repose sur une prospective de très court terme, sans prendre en compte ses propres conséquences à moyen et long terme. Pour ne prendre qu'un exemple, la SNCF aggravera la surcharge du couloir rhodanien en abandonnant les solutions alternatives, telles la ligne Béziers-Neussargues.

Si cette réforme avait pu être anticipée dans le cadre du Plan, elle aurait pu s'appuyer sur des projections et des évaluations plus riches et plus nombreuses. En outre, le Plan aurait organisé la concertation de tous les acteurs intéressés, et aurait su apporter à leurs débats les justes considérations d'intérêt général. Une planification active des infrastructures ferroviaires aurait permis une meilleure réforme du fret français.

2. La différence entre Plan et planification

a) Même sans le Plan, l'Etat fait de la planification

Depuis 1992, l'Etat a abandonné le « Plan de la Nation ». Il évite le vocable même de « planification » et délaisse le Commissariat général du Plan. A-t-il pour autant remis en cause le principe de la planification ? Votre rapporteur remarque que non : la LOLF, la pluriannualisation des politiques publiques, leur contractualisation... toute la « bonne gouvernance » vantée par le Gouvernement repose sur deux démarches planificatrices :

- Une planification territoriale : les contrats de Plan Etat-régions (CPER), qui drainent 40 milliards d'euros par programmation, sont avant tout des instruments de planification. C'est d'ailleurs la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification qui les a créés. Le premier ministre, en Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIADT) le 18 décembre 2003, a souhaité que les CPER soient réformés et confortés dans leur position d'instrument privilégié de la décentralisation. Ainsi, en promouvant les CPER, l'Etat montre qu'il ne peut pas se passer de politique de planification.

- Une planification sectorielle : depuis la disparition du Plan quinquennal en 1992, l'Etat a cherché à renouer avec une logique de planification, secteur par secteur. C'est dans cet esprit que le Schéma national d'aménagement du territoire de la loi Pasqua a été remplacé par 8 schémas de services collectifs (SSC), sectoriels. C'est dans le même esprit que le CIADT du 18 décembre 2003 a adopté un plan de développement des grands axes de transport à l'horizon 2025 : il planifie 50 projets et prévoit les modalités de leur financement à hauteur de 22,5 milliards d'euros pour 2004-2012.

b) Mais sans un Plan, l'Etat planifie moins bien

La démarche planificatrice irrigue donc toujours les politiques publiques : c'est une démarche utile, mais inaboutie. Sans dimension synthétique, la démarche planificatrice présente trois grands défauts :

- Un manque de cohérence : les différents plans sont parfois contradictoires. Votre rapporteur note que c'est le cas du plan de développement des transports à l'horizon 2025, qui contredit manifestement le SSC « transport », censé être juridiquement opposable. Pour éviter ces contradictions, un plan unique ne vaudrait-il pas mieux que 22 CPER, 8 SSC et différents plans stratégiques ?

- Un manque de lisibilité : les élus locaux, les citoyens et les entreprises ont besoin de savoir ce que veut l'Etat ; ils ont besoin de repères lisibles. Seul un document synthétique peut donner suffisamment de lisibilité à la stratégie de développement de l'Etat. D'autant plus que le Gouvernement est conscient de cette nécessité. En effet, le Premier ministre invoque cette demande sociale de lisibilité pour justifier le maintien, à l'échelle régionale, d'une planification synthétique : le CPER. Il en va de même à l'échelle nationale : un Plan national synthétique satisferait la demande sociale de lisibilité de la stratégie de l'Etat.

- Un manque de transparence : paradoxalement, la multiplication des documents prétendument stratégiques ne rend pas l'action de l'Etat plus transparente, mais plus confuse. Une antienne nouvelle veut que trop d'information tue l'information : votre rapporteur estime de même que trop de stratégies tue la stratégie. Pour donner à la stratégie de l'Etat une transparence démocratique, votre rapporteur estime qu'il faut un document qui synthétise tous les efforts de planification jusqu'à présent épars.

3. Trois propositions pour renforcer la cohérence de nos processus de planification

a) Mettre le Commissariat général du Plan au centre des processus administratifs d'élaboration des politiques planifiées

En matière de planification, le Gouvernement fait appel à toutes sortes d'organes administratifs, excepté le Plan. Ne serait-ce que dans l'actualité récente, l'expertise du Plan aurait été d'un précieux appui à plusieurs occasions :

- La mission de « définition des conditions d'une relance ambitieuse des grands programmes scientifiques et technologiques », confiée en septembre 2004 à Jean-Louis Beffa, PDG de Saint-Gobain, par le Président de la République, entrait clairement dans le champ de compétence du Plan. Sans contester les qualités du PDG de Saint-Gobain ni la richesse de son expérience professionnelle, votre rapporteur relève que plusieurs groupes de projets du Plan travaillent déjà sur la question.

- La mission confiée à M. Michel Camdessus par le Ministre de l'Economie, conclue en octobre 2004 par un rapport intitulé « Le sursaut, vers une nouvelle croissance pour la France », relevait elle aussi du Plan, tant par son objet que par sa méthode. En effet, le rapport propose une programmation économique pour moderniser les structures productives françaises : cette méthode, retenue par M. Camdessus, se place directement dans la tradition planificatrice française. Plus encore, elle est directement empruntée au Commissariat général du Plan : il a réuni un groupe de vingt personnalités, de droite comme de gauche, issues des milieux politiques, universitaires ou syndicaux.

- La création, en juillet 2004, d'un « Conseil d'analyse de la société » calqué sur le « Conseil d'analyse économique ». Ce « think tank » économiste aurait dû être rattaché au Plan : il en va de même du « Conseil d'analyse de la société », présenté comme son équivalent pour la sociologie. L'intégration de ce nouveau Conseil au Plan aurait peut-être été un gage de qualité ou de sérieux dans le recrutement des membres de ce Conseil.

Dans ces missions récentes comme dans toutes celles qui inspirent des politiques planifiées, l'intervention systématique du Plan présenterait deux avantages majeurs.

D'une part, l'examen par le Commissariat général du Plan de ces projets permettrait d'examiner leur cohérence. Certes, la DATAR ou les services ministériels peuvent procéder à ce type d'examen ; mais l'avis du Plan aurait l'avantage d'être un avis extérieur aux services, technique et neutre -telle est sa vocation d'administration de mission. En cas de contradiction entre deux programmes, le Gouvernement serait alors obligé de clarifier sa position, soit en révisant les plans antérieurs, soit en retirant son projet.

D'autre part, la consultation du Plan permettrait de confronter les politiques planifiées aux analyses prospectives. La « prospective de l'Etat stratège » n'aura d'effet bénéfique sur les politiques publiques que si le Plan, qui l'étudie, est aussi associé à l'élaboration des programmes stratégiques de l'Etat.

b) Confier au Plan le suivi d'une nouvelle planification nationale des services collectifs.

Ainsi, l'association du Plan à l'élaboration des diverses politiques planifiées redonnerait une cohérence à l'intervention de l'Etat dans divers domaines. Il est en effet un domaine dans sa propre organisation, c'est-à-dire les services collectifs.

En témoigne notamment l'émoi qui accompagne les restructurations de services publics, notamment en milieu rural. Ces questions sont donc au cœur de la demande sociale de planification. Le schéma national d'aménagement du territoire aurait bien répondu à cette demande s'il avait été scrupuleusement suivi. Il en va de même des schémas de services collectifs.

Si ces schémas n'ont pas produit l'effet escompté par le législateur, c'est en partie parce qu'aucune administration autonome et spécialisée n'en assurait le suivi. Or, le Commissariat général du Plan a une culture administrative propre, autonome, ainsi qu'une tradition de suivi concerté des orientations planifiées : il serait à même d'assurer la préparation et la mise en œuvre d'une nouvelle planification stratégique des services collectifs.

Ainsi, le Plan pourrait être d'abord le lieu de la définition d'une stratégie planifiée de l'Etat, de la réflexion prospective à la décision du Premier ministre. Ensuite, il serait judicieux qu'il soit l'interlocuteur de tous les organismes chargés de services publics (ministères, collectivités, entreprises publiques, syndicats et représentants des professions) pour la négociation des détails de cette politique. Enfin, il serait logiquement le chef de file de sa mise en œuvre.

c) Confier au Plan le pilotage des contrats de Plan Etat-région (CPER)

La vocation du Plan est de négocier puis de piloter les documents de planification. Les seuls documents de ce type qui existent encore sont les CPER. Le suivi des CPER relève en premier lieu de la compétence de la DATAR.

Le Commissariat général du Plan n'est pas tenu totalement à l'écart du suivi des CPER : il anime leur dispositif d'évaluation. Les modalités de cette évaluation ont été fixées par une circulaire du Premier ministre du 25 août 2000, aux termes de laquelle le Commissariat :

- Délègue aux préfets de région les crédits nécessaires (0,8 million d'euros pour 2005, en baisse de 20 % par rapport à 2004) ;

- Fait bénéficier les acteurs régionaux de son aide méthodologique ;

- Anime une instance nationale d'évaluation des CPER.

Cette évaluation s'étend en réalité aux contrats de ville et d'agglomération, aux contrats de pays et aux contrats conclus avec les parcs naturels régionaux inscrits dans un contrat de plan Etat-régions. Les thèmes d'évaluation les plus courants ont trait à l'environnement, à l'emploi, aux aides aux entreprises, aux technologies de l'information et de la communication et aux infrastructures.

Pourtant, la baisse des moyens de l'évaluation des CPER pour 2005 ne va pas dans le sens du renforcement de cette compétence du Plan.

Pourtant, comme l'a constaté la Cour des Comptes, la DATAR n'assure pas un suivi satisfaisant des CPER. MM. Louis Giscard d'Estaing et Jacques Le Nay, auteurs d'un rapport sur les CPER au nom de la Délégation à l'aménagement du territoire, relèvent que la DATAR n'a jamais réussi à développer un outil informatique permettant de consulter, en temps réel, l'état des engagements de crédits et d'avancée des dossiers. Ils notent qu'un système de ce type a été développé pour le suivi des fonds structurels européens : le système PRESAGE. Votre rapporteur adhère à ce diagnostic et souligne que ce rapport a été adopté à l'unanimité par la Délégation à l'aménagement du territoire.

Votre rapporteur adhère aussi à la plupart des conclusions des deux rapporteurs de la Délégation : maintien d'un plan synthétique, recentrage de celui-ci sur des projets structurants, développement d'un logiciel de type PRESAGE, rééchelonnement des CPER en trois volets triennaux notamment. Toutefois, votre rapporteur propose d'aller plus loin dans la réforme des CPER.

D'abord, pour assurer le recentrage des CPER sur les projets structurants et les mettre au service de la prospective de l'Etat stratège, il serait opportun de confier au Plan le pilotage de la négociation des CPER ;

Ensuite, MM. Louis Giscard d'Estaing et Jacques Le Nay jugent inopportun de donner aux CPER une dimension péréquatrice : votre rapporteur estime au contraire qu'ils doivent participer à la mise en œuvre de l'article 72-2 de la Constitution. Certes, cette péréquation ne peut pas reposer sur des critères économiques précis, car les CPER obéissent à une logique de projet et non à une logique de dotation ; mais elle peut reposer sur une pratique empirique. Mais pour que cette pratique empirique ne soit pas dévoyée en favoritisme, il faut qu'elle soit maîtrisée par une administration autonome, neutre et forte d'une véritable culture du développement par le Plan. Aussi le Commissariat général du Plan est-il tout désigné pour donner aux CPER une dimension de péréquation.

Enfin, le suivi financier de l'exécution des CPER pourrait être confié au Commissariat général du Plan : son expérience en matière d'évaluation des CPER le qualifie pour mieux en assurer le suivi que ne le fait la DATAR.

*

* *

Le budget du Plan pour 2005 est donc, pour votre rapporteur, un budget d'abandon. D'année en année, le Plan voit en effet ses moyens baisser. Pour 2005, il verrait aussi son réseau scientifique démantelé.

Votre rapporteur regrette d'autant plus cet abandon qu'il constate que la Nation a besoin d'une planification cohérente -quand bien même ce terme ne serait plus à la mode. C'est pourquoi il vous a exposé, à grands traits, ce que pourrait être une réforme efficace de la planification.

Nous n'en sommes certes plus au temps de « l'ardente obligation » : la démarche planificatrice, nationale et synthétique, n'en est pas pour autant périmée. Parce que votre rapporteur veut croire qu'une autre ambition est possible pour la planification, il émet un avis défavorable sur les crédits du Plan pour 2005.

ANNEXES

LETTRES DU PREMIER MINISTRE FIXANT LES MISSIONS DU PLAN

LETTRE DE MISSION DU COMMISSAIRE AU PLAN

Paris le 16 avril 2003

Monsieur le Professeur,

Depuis quelque temps, nous voyons se modifier le périmètre de l'Etat dans la société française sous l'effet de décisions nationales, européennes ou internationales. La politique que mène mon gouvernement en matière de décentralisation, de privatisations, de simplification contribue et contribuera encore à transformer le rôle de l'Etat dans les années à venir.

La plupart des acteurs politiques et économiques sont soucieux d'accompagner ces évolutions, mais, justement préoccupés par l'avenir des organisations dont ils ont la responsabilité, ils ne peuvent se consacrer à penser les évolutions de l'Etat dans notre société et notre économie. Je suis, pour ma part, convaincu que nous devons réfléchir au nouveau rôle de l'Etat stratège dans les configurations qui se dessinent aujourd'hui car, au-delà des réformes qu'ils conçoivent, les ministres et les administrations qui sont sous leur autorité ont besoin d'un éclairage sur le long terme.

Votre qualité de philosophe, vos écrits et l'expérience que vous avez accumulée par vos relations avec les entreprises et les organisations professionnelles ou syndicales, me conduisent à vous confier une mission sur cette question du nouveau rôle de l'Etat stratège.

C'est à partir du Commissariat général du Plan que cette mission me semble pouvoir être accomplie dans les meilleures conditions. C'est pourquoi il me semble opportun de vous confier les fonctions de Commissaire au Plan, afin de réfléchir aux moyens qui permettront de transformer le Commissariat en instance de prospective dont la mission serait redéfinie au regard des évolutions de l'Etat et des problèmes auxquels seront confrontées notre société et notre économie dans les années à venir.

Tout en menant, avec les équipes qui vous seront nécessaires, cette réflexion sur le long terme que je juge à la fois urgente et essentielle, vous voudrez bien me faire toutes suggestions et propositions pour que le gouvernement soit doté d'un organisme, placé auprès du Premier ministre, qui dispose effectivement des moyens pour approfondir dans les années à venir cette question du rôle et de la stratégie de l'Etat dans les évolutions sociales et économiques. Dans cette perspective, vous vous inspirerez notamment des travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale sur les organismes publics d'évaluation et de prospective, dont les conclusions seront rendues le 7 mai prochain.

Je veillerai personnellement à ce que vous puissiez travailler en bonne intelligence avec les diverses cellules de prospective qui existent dans différents ministères et à ce que des moyens adéquats soient mis à la disposition de la mission que je vous confie.

Je vous prie de croire, Monsieur le Professeur, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.

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LETTRE D'ORIENTATION DES TRAVAUX DU PLAN

Paris, le 21 novembre 2003

Monsieur le Commissaire,

Vous avez répondu à ma lettre de mission du 16 avril 2003 en recentrant le Commissariat général du Plan sur la prospective. Vous avez lancé à cet effet une trentaine de groupes de projet couvrant les différents thèmes dont doit se saisir un « Etat stratège », c'est à dire soucieux de l'intérêt général et du Bien public. Dans ce nouveau contexte, je souhaite aujourd'hui que le Commissariat général du Plan soit en mesure d'approfondir la réflexion prospective dans quatre directions prioritaires.

L'Etat doit d'abord agir pour une croissance durable, fondée sur la valorisation de nos ressources humaines et de notre potentiel technologique. Dans cette perspective, je souhaite que vos travaux permettent de définir les institutions et les politiques dont a besoin une société qui mise sur l'éducation, la recherche et l'innovation pour répondre aux défis de la mondialisation et du développement durable.

Le vieillissement de la population, le progrès technique et l'insertion dans le commerce international de nouveaux pays industrialisés vont profondément modifier le fonctionnement du marché de l'emploi et nécessiter une véritable prospective des métiers et des emplois. Je souhaite donc que vous relanciez les travaux que le Plan a déjà entrepris par le passé en ce domaine, en étant tout particulièrement attentif à la dimension régionale de ce sujet.

Parallèlement notre pays, si marqué par une grande tradition d'intégration sociale, est confronté à des difficultés dans un domaine où il excellait. L'intégration est une question délicate qui doit mobiliser l'Etat dans ses ramifications les plus diverses. La réussite de cette intégration est au demeurant une des conditions essentielles de son attractivité.

Enfin, les problèmes que nous avons à résoudre dans un futur proche, concernant tous les aspects de la santé publique, ont besoin d'être éclairés par une vision prospective qui tienne compte des évolutions démographiques et techniques et définisse les conditions d'une application raisonnée du principe de précaution.

Dans ces quatre domaines, le Commissariat Général du Plan, grâce à la liberté qui est la sienne, aux relations qu'il entretient avec tous les acteurs de notre société et à la nouvelle orientation que vous lui avez donnée, peut nous aider pour les décisions que nous aurons à prendre dans les 10 prochaines années. Vos analyses prospectives devront assimiler avec rigueur les dimensions européennes et territoriales des priorités que j'ai fixées.

En vous indiquant ces différentes priorités, je tiens à vous indiquer toute l'importance que j'attache aux travaux menés au sein du Plan et, plus généralement, à la mobilisation des institutions qui, au sein de l'Etat, ont des responsabilités dans le domaine de l'évaluation et de la prospective.

Je suivrai avec attention l'évolution de vos travaux et vous demanderai de me rendre compte régulièrement de leur avancement.

Je vous prie de croire, Monsieur le Commissaire, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.

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LES GROUPES DE PROJET ET LEUR OBJET

ALEPH

ARIANE

Prospective de l'Etat stratège et de ses fonctions anticipatrices

Prospective de la conduite du changement dans le secteur public

ASTYPALEA

CADUCÉE

La promotion par l'Etat d'un environnement financier favorable au développement des entreprises

Santé publique et système de soin : les devoirs de l'Etat stratège

CARNOT

COSMOS

Redéfinir le rôle de l'Etat stratège en matière de maîtrise de l'énergie

Prospective de la stratégie de l'Etat dans les mutations des médias

DELOS

DÉMÉTER

Prospective des nouvelles pistes pour restaurer le plein emploi en France

Prospective du rôle de l'Etat dans la conception et le pilotage des dispositifs de formation professionnelle

ÉQUILIBRES

EUROPE

Prospective du rôle de l'Etat stratège face aux enjeux de développement durable

Prospective pour une France intégrée dans l'Union européenne

GESTE

ISIS

Prospective du rôle de l'Etat dans la prise en charge de la fin de vie des personnes de grand âge

Développement durable et responsabilité des entreprises

JONAS

KAZAN

Prospective des usages opérationnels du principe de précaution

Prospective de la population active, des besoins de main d'œuvre et des migrations

MANON

MIDI

Prospective des conflits d'usage dans les espaces ruraux et périurbains

Prospective de la politique d'immigration de la France, élément d'une politique d'aide au développement

MOSTRA

ORFEO

Prospective sur les principes d'action de l'Etat dans les champs de la relation de travail, de l'emploi et de la formation professionnelle

Prospective du rôle de l'Etat vis-à-vis de la création et du travail artistiques

PÉRICLÈS

PERROUX

Projet sur l'effort de recherche intensif compatible avec les exigences de la soutenabilité

Prospective de localisation des activités pour les régions françaises dans une Union européenne élargie

PIETA

POLES

Prospective de la propriété intellectuelle pour l'Etat stratège

Prospective de l'organisation territoriale du système de soins

PROMÉTHÉE

RACINES

Prospective des métiers et qualifications, le point de vue des branches

Prospective de la demande d'Etat stratège de la part des collectivités territoriales

SARASWATI

SYNAPSE

Prospective de l'Etat et attractivité de la France dans le domaine des activités de recherche-développement innovation

Prospective de l'industrie aéronautique et aérospatiale française dans un cadre européen et de la stratégie aéronautique de l'Europe au niveau mondial

SIRÈNE

SIGMA

Prospective et stratégie de l'attractivité culturelle de la France

Prospective de l'intégration sociale

TÉLÉMAQUE

THÉSÉE

L'Etat face aux nouveaux risques financiers

Prospective du marché du travail : l'Etat face aux mutations de la relation au travail

THOMAS

UTILITIES

Prospective des règles de la négociation sociale

Prospective du rôle de l'Etat face à l'évolution des services publics en réseaux

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 4 novembre 2004, la commission a examiné, pour avis, les crédits du Plan pour 2005.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis des crédits du Plan pour 2005, a rappelé qu'il avait estimé que les crédits du Plan pour 2004 traduisaient la renonciation du Gouvernement à une vraie politique de planification. Il a estimé que le budget du Plan pour 2005 confirmait doublement cette tendance, d'une part, parce que les crédits du Plan sont en baisse et d'autre part, parce que le périmètre du Plan est lui-même réduit. Aussi a-t-il qualifié ce budget de budget d'abandon estimant que cet abandon était d'autant plus regrettable que le contexte économique actuel devrait au contraire inciter l'Etat à mieux prévoir et mieux anticiper les mutations de nos cycles économiques par une planification adaptée.

S'agissant des crédits du Commissariat Général du Plan et des organismes qui lui sont rattachés, il a indiqué qu'ils s'établissaient à 18,48 M€. Il a souligné le caractère drastique de la baisse de 25,16 % qu'ils subissaient par rapport à la loi de finances pour 2004.

Il a rappelé que cette baisse s'expliquait en partie par une mesure dite « de périmètre », les subventions de l'Etat à trois organismes de recherche étant transférées à d'autres budgets. Il a rappelé que le CREDOC (Centre de Recherche pour l'Etude et l'Observation des Conditions de vie) était désormais rattaché à Bercy ; le CEPREMAP (Centre d'Etudes Prospectives d'Economie Mathématique Appliquées à la Planification) au ministère de la Recherche et l'OFCE (Observatoire Français de la Conjoncture Economique) au ministère de l'Education nationale. Il a toutefois jugé que, même dite « de périmètre », cette mesure n'était pas neutre. Admettant que certes, l'OFCE, le CEPREMAP et le CREDOC continueraient à fonctionner, il a vivement regretté le fait que les réseaux du Plan soient ainsi démantelés. Il a estimé que ce démantèlement traduisait le renoncement de l'Etat à se doter d'un pôle cohérent d'analyse prospective et de planification.

A ce sujet, il a rappelé que l'intérêt pour l'Etat de disposer d'un tel pôle était précisément de donner à la planification comme à la prospective une dimension pluridisciplinaire : au CREDOC la sociologie, au CEPREMAP les mathématiques et la sociologie quantitative, à l'OFCE la macro-économie. Il en a donc conclu que le démantèlement de ce réseau signifiait non seulement l'abandon d'une planification digne de ce nom, mais aussi l'appauvrissement méthodologique de la prospective de l'Etat stratège.

Revenant sur les crédits du Plan, il a indiqué qu'à périmètre constant, ils étaient également en baisse.

Il a souligné que cette baisse touchait d'abord les moyens des services, en recul de 2 %. Constatant la diminution de 5 % des crédits de fonctionnement du Commissariat au Plan et de ses organismes, il a concédé que les précédentes coupes dans ces crédits de fonctionnement avaient pu inciter le Plan à rationaliser sa gestion courante, mais a estimé qu'il n'y avait, aujourd'hui, plus de marges d'économies dans le fonctionnement courant du Plan.

Il a ensuite indiqué que les effectifs du Plan perdaient 6 emplois, soit 3 % de l'effectif total, 4 emplois budgétaires étant supprimés et 2 autres transférés à l'Agence pour le Développement de l'Administration Electronique. Il a ensuite estimé que la suppression de ces emplois ne devait pas faire oublier la gestion de ceux qui restent, gestion qu'il a jugé discutable. Après avoir indiqué qu'il avait déjà émis les plus vives réserves sur la politique de recrutement de contractuels plutôt que d'agents titulaires, il a estimé qu'aucun progrès n'avait été accompli en la matière, ce qu'il a jugé regrettable à plusieurs titres: les modalités de recrutement des experts extérieurs ne sont pas aussi claires que celles des titulaires ; ces contractuels n'ont pas le temps de se forger une véritable expérience ni de s'adapter à la culture de la planification ; rappelant que la loi du 3 janvier 2001, relative à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique fixait comme objectif pour l'Etat d'éviter le recours aux contractuels en dehors des tâches ponctuelles, il a enfin estimé que la gestion du Plan faisait peu de cas de ce principe légal.

Il a précisé que la baisse du budget du Plan n'épargnait pas les crédits d'intervention, qui permettent de financer des organismes de recherche puisqu'ils baissent de 8 %, qu'il s'agisse de la dotation de l'IRES (institut de recherches économiques et sociales) ou des diverses subventions versées pour des soutiens ponctuels à divers organismes de recherche.

Il a enfin indiqué que cette baisse touchait aussi les crédits d'investissements alors qu'ils sont particulièrement utiles, car ils permettent au Plan de s'associer les services de chercheurs universitaires ou étrangers.

Après avoir indiqué que la baisse des crédits était donc générale, il a relevé que le Gouvernement l'expliquait par le recentrage du Plan sur la « prospective de l'Etat stratège », notion dont il a souligné le caractère sibyllin. Il a ensuite estimé que la planification avait ceci de commun avec la prospective qu'elle ne pouvait être utile et sérieuse que si elle s'appuyait sur des travaux de recherche pertinents.

Notant que la politique économique actuelle avait tendance à subir les crises, ponctuelles comme structurelles, de nos économies mondialisées, il a illustré le caractère dommageable du manque de planification par deux exemples concrets : les restructurations industrielles et les grandes infrastructures de fret.

Pour ce qui est des restructurations industrielles, il a estimé que l'Etat intervenait tel un pompier, ne mettant en place ses dispositifs d'aide (contrats de sites et de territoires notamment) qu'une fois que la crise avait éclaté. Il a rappelé que l'intérêt du Plan était, a contrario, de détecter les crises, de les anticiper et de les prévenir. Il a estimé que c'était là le rôle d'un Etat qui serait « stratège » et que les moyens d'une telle politique n'étaient pas donnés au Plan.

S'agissant du « plan fret » de la SNCF, il a estimé que la SNCF cherchait à s'adapter aux circonstances, au fil du temps et sans stratégie délibérée pour la guider. Il a estimé que la politique de densification des lignes de fret ne constituait pas une véritable stratégie de développement du fret ferroviaire à moyen et long terme. Là encore, il a jugé que l'élaboration d'une stratégie concertée de développement du fret serait du ressort du Plan si celui-ci n'était pas vidé de ses moyens, année après année, tant en termes de crédits de fonctionnement qu'en termes de crédits d'investissement.

Concluant son propos, il a estimé que pour toutes ses raisons il ne pouvait qu'appeler la Commission à émettre un avis défavorable sur les crédits du Plan pour 2005.

Revenant sur l'intervention du Rapporteur, le président Patrick Ollier a rappelé que ces questions lui tenaient particulièrement à cœur, dans la mesure où il avait exercé lui-même les fonctions actuelles de M. André Chassaigne sous la précédente législature.

Il a ensuite estimé que l'Etat ne renonçait pas à la planification mais qu'il en modernisait les objectifs. A ce propos, il a reconnu que l'heure n'était plus aux grands plans quinquennaux, mais il a jugé que la planification se concentrait désormais sur les études prospectives dont il ne faut, selon lui, pas occulter l'importance.

Il a ensuite indiqué que si les moyens de fonctionnement du Plan connaissaient un tassement général de 2 %, les moyens de fonctionnement du Commissariat général du Plan stricto sensu augmentaient de 15,12 %. Il en a conclu que l'on ne pouvait pas réellement parler d'abandon complet du Plan.

En outre, il a rappelé que la planification n'avait pas disparu et était devenue plus territoriale, les contrats de plan Etat-région mobilisant 40 milliards d'euros. Il a relevé par ailleurs que la planification pouvait être sectorielle : il a cité en exemple le plan de développement des infrastructures de transport à l'horizon 2025.

Enfin, il est revenu sur les propos du rapporteur concernant le « plan fret » de la SNCF. Administrateur de la SNCF lui-même, il a estimé que le « plan fret » connaissait ses premiers succès et a jugé que le bon déroulement de ce plan était toutefois plus entravé par le déclenchement de grèves locales que par le manque d'études stratégiques et prospectives.

M. Jacques Le Guen a ensuite indiqué qu'il ne partageait pas le point de vue du rapporteur, qu'il a qualifié de pessimiste. Il a estimé que les crédits du Plan étaient adaptés à ses nouvelles missions : il a donc qualifié de passéistes les conclusions du rapporteur. Il s'est félicité du recentrage du Plan sur ses missions initiales : la stratégie de prospective de l'Etat stratège. Aussi a-t-il indiqué qu'il soutiendrait le budget du Plan pour 2005.

M. Léonce Deprez a ensuite rappelé qu'il avait soutenu naguère M. Patrick Ollier quand ce dernier souhaitait que le Gouvernement redynamise l'activité du Plan.

Il a concédé que le temps n'était plus aux grands plans quinquennaux mais a déploré que la stratégie de l'Etat paraisse de moins en moins lisible aux citoyens, aux entrepreneurs et aux média. Estimant qu'il manquait à l'Etat une dynamique, il a jugé que cette dynamique devait passer par le Plan et par l'aménagement du territoire réunis. Aussi a-t-il vivement souhaité que le Plan et la DATAR soient plus étroitement liés et réunis sous la seule autorité du Premier ministre.

Au niveau territorial, il a souhaité que la même dynamique préside à l'élaboration des contrats de plans Etat-région. Il a estimé que l'exercice de la planification régionale apportait aux débats locaux une discipline tant intellectuelle que financière. Aussi a-t-il vivement recommandé que les contrats de Plan Etat-régions soient maintenus, que l'Etat en respecte les stipulations financières et que leur suivi soit intégré dans les compétences du Plan.

Enfin, il a estimé que cette redynamisation du Plan permettrait de traiter les problèmes structurels que connaît la France, plus importants, selon lui, que les questions purement conjoncturelles.

M. Jean Gaubert s'est dit étonné de voir le Gouvernement prôner le regroupement des administrations pour dégager des synergies et gagner en lisibilité, quand il s'agit d'Ubifrance, et démanteler les réseaux du Plan. Il a donc regretté ce démantèlement à deux titres : d'une part, parce qu'il place, selon lui, ces centres de recherche en position de concurrence plutôt que de synergie ; d'autre part, parce qu'il nuirait à l'indépendance de ces centres, dont les travaux risquent d'être influencés par leur ministère de tutelle.

Revenant ensuite sur la hausse des crédits de fonctionnement relevée par le président Patrick Ollier, il a estimé qu'elle ne compensait pas la baisse générale des moyens du Plan qui procède d'une politique délibérée.

En outre, tout en admettant que la prospective était nécessaire à l'action publique et qu'elle supposait que différents points de vue puissent s'exprimer, il a estimé que l'emploi de contractuels au Plan ne constituait pas une garantie de qualité pour les études prospectives. Il a en effet jugé que les différents consultants produisaient un discours particulièrement monolithique.

Revenant sur les contrats de plan Etat-région, il a estimé que leur suivi était défaillant et qu'ils n'avaient jamais été aussi mal appliqués par l'Etat. Relevant que, dans certaines régions, les collectivités territoriales étaient obligées d'avancer des fonds à l'Etat pour que les travaux puissent continuer, il a jugé que de telles situations décrédibilisaient l'Etat.

M. Jean-Paul Charié a noté que le rapport était de qualité, le rapporteur brillant et les débats d'un bon niveau.

Il a admis que l'Etat avait besoin d'une vision à long terme, d'un sens qui puisse guider le relèvement national et d'une vraie politique de planification industrielle. Aussi a-t-il regretté le démantèlement du réseau du Plan.

Revenant sur le recours aux contractuels pour l'élaboration de cette vision à long terme, il s'est déclaré défavorable à l'emploi de consultants. Il a estimé que le Parlement disposait des compétences nécessaires pour élaborer cette vision, au-delà des clivages partisans. Aussi a-t-il suggéré que la Commission débatte régulièrement de ces questions, en auditionnant si nécessaires certains experts de renom.

Revenant sur les remarques des différents intervenants, le président Patrick Ollier a relevé le consensus de la Commission sur la nécessité d'élaborer une vision d'avenir pour la France. Il a rappelé qu'il avait proposé d'instaurer, au sein de la Commission, des séances mensuelles de débats sur les questions économiques : les jeudi de l'économie. Il a, en conclusion, suggéré à M. Léonce Deprez et aux autres orateurs d'exprimer en séance publique leurs propositions pour le Plan.

Contrairement aux conclusions de M. André Chassaigne, rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du Plan pour 2005.

N° 1865 - tome 17 - Avis de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2005 : plan (rapporteur : M. André Chassaigne)


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