graphique

N° 1866

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2004.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2005 (n° 1800),

TOME III

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COOPÉRATION ET DÉVELOPPEMENT

PAR M. JACQUES GODFRAIN,

Député

--

Voir le numéro 1863 (annexe n° 3)

L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires, au plus tard huit jours francs à compter du dépôt du projet de loi de finances. A cette date - le 9 octobre 2004 - l'ensemble des réponses était parvenu à votre Rapporteur pour avis.

SOMMAIRE

________

INTRODUCTION 5

I - LE DÉVELOPPEMENT : UN PROJET POLITIQUE MONDIAL, UNE AMBITION       FRANÇAISE 7

A - LE MESSAGE DE LA FRANCE FACE À L'AMPLEUR DÉMESURÉE DE LA MISSION 7

1) Une réalité difficile qui ne doit pas nous décourager 7

a) La multiplication des initiatives, signe d'une prise de conscience 7

b) La nécessité de redoubler d'efforts pour atteindre les Objectifs du Millénaire 8

2) L'engagement de la France et des Français 11

a) L'initiative du Président de la République du 20 septembre 2004 11

b) Des Français qui refusent l'égoïsme et le repli 13

B - DES ACTIONS CONCRÈTES QUI ILLUSTRENT NOTRE SOLIDARITÉ AVEC
       LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
14

1) La santé : la lutte contre le sida 14

a) Une épidémie en recrudescence, une Afrique en proie à une situation dramatique 14

b) Des moyens internationaux en forte hausse mais toujours insuffisants 15

c) L'engagement exemplaire de la France 15

2) Le droit et l'économie : l'OHADA 16

a) Le projet d'harmonisation 16

b) L'organisation 17

c) Le soutien actif de la France 18

d) L'avenir financier de l'OHADA en question 19

3) L'Etat de droit : la gouvernance démocratique et la coopération
    militaire et policière
19

a) La gouvernance démocratique : l'action de la DGCID 19

b) La prévention des conflits et la sécurité 21

4) L'environnement et l'alimentation : la lutte contre les criquets 23

a) Un phénomène alarmant 23

b) Le soutien de la France 23

5) La pauvreté : les actions au profit des Pays pauvres très endettés 24

a) L'initiative PPTE 24

b) La France première contributrice de l'initiative 24

c) Les contrats de désendettement et de développement (C2D) 25

6) Favoriser l'intégration régionale : l'enjeu africain 26

a) La position française : faire confiance aux Africains 26

b) Des coopérations spécifiques avec les organisations régionales africaines 26

II - COMMENT DONNER CORPS À CETTE AMBITION ? 29

A - LA CONTRIBUTION DU BUDGET FRANÇAIS POUR 2005 29

1) Une aide publique au développement en hausse représentant 0,44 % du RNB 29

a) La structure de l'aide publique au développement 29

b) La progression de l'aide publique au développement 30

c) La part du ministère des affaires étrangères 31

d) Une exécution du budget 2004 plus satisfaisante 32

2) Les novations apportées par la loi organique relative aux lois de finances 32

a) Une mission budgétaire : l'aide publique au développement 32

b) Le premier programme : « Aide économique et financière au développement » 33

c) Le second programme « Solidarité à l'égard des pays en développement » 36

3) Le rôle de l'Europe et de l'ONU 41

a) L'Europe : le 3e donateur au monde 41

b) Deux canaux de financement : les dotations budgétaires et le Fonds européen de    développement 41

c) Les modalités de l'aide européenne 41

d) La question des décaissements 42

e) La nécessité de ne pas marginaliser les Nations unies
   en soutenant notamment le PNUD
43

B - PROMOUVOIR DE NOUVEAUX OUTILS POUR MENER UNE POLITIQUE DE       COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT À LA MESURE DE NOS AMBITIONS 44

1) Pour l'institution d'une nouvelle structure au profit d'une vision stratégique du      développement 44

a) La réforme de 1998 44

b) Le diagnostic du Comité d'aide au développement de l'OCDE et la réaction du    Gouvernement 44

c) L'un des points positifs de la réforme de 1998 : la création de la zone de solidarité prioritaire 45

d) Le rôle du Haut Conseil de la Coopération Internationale 46

e) Aller plus loin : pour une approche plus globale de la politique d'aide
   au développement
46

2) Valoriser l'épargne des migrants 47

a) Une forme de participation 48

b) Des transferts considérables mais peu tournés vers l'investissement productif 48

c) Les formes actuelles des transferts 49

d) Le désintérêt des institutions bancaires et financières 50

e) Des initiatives intéressantes 50

f) Le soutien du Haut Conseil de la Coopération Internationale 51

g) Pour un livret d'épargne développement 51

AUDITION DE M. MICHEL BARNIER, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
ET DE M. XAVIER DARCOS, MINISTRE DÉLÉGUÉ A LA COOPÉRATION,
AU DÉVELOPPEMENT ET A LA FRANCOPHONIE
573

EXAMEN EN COMMISSION 57

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PAYS RELEVANT DE LA ZONE DE
                          SOLIDARITÉ PRIORITAIRE
62

ANNEXE N° 2 : OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE 63

ANNEXE N° 3 : PROJETS DES ONG SOUTENUS DANS LE CADRE DU FONDS                           D'URGENCE HUMANITAIRE POUR 2004 64

ANNEXE N° 4 : CLASSEMENT DES ETATS SELON L'INDICATEUR DU                           DÉVELOPPEMENT HUMAIN 65

Mesdames, Messieurs,

Le monde de demain sera-t-il plus sûr ? Les hommes du XXIe siècle connaîtront-ils la sécurité ? La liberté est-elle suffisante pour leur faire connaître une approche du bonheur ou ne faut-il pas les amener à envisager la recherche de plus de justice ?

Les enjeux sont bien à la dimension d'une planète. Que plus d'un milliard d'hommes, de femmes et d'enfants vivent dans le plus extrême dénuement nous montre l'ampleur et l'urgence de la tâche. Comment s'y prendre ? Comment mobiliser pour abattre les murs de cette prison honteuse, pour rompre avec ce que le Président Chirac a qualifié, le 20 septembre dernier à l'ONU, de plus grand scandale de notre temps : notre incapacité à libérer ces personnes de leur condition inacceptable alors que nous en avons les moyens matériels ?

Agir pour changer cette situation insupportable n'est pas que le fait des Etats, dont la France, des unions, des organisations internationales. C'est aussi l'affaire des populations directement qui trouvent dans les ONG les voies et moyens pour traduire leur générosité en actes.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005, nous voudrions mettre en lumière ces deux facettes de la lutte contre la pauvreté, en essayant de dégager quelques principes d'actions en France et dans le monde. Nous voudrions illustrer aussi notre propos par des exemples concrets de projets soutenus par notre pays en faveur des Etats les moins favorisés.

Pour nous, le développement ne peut être qu'un projet politique - il faut insister sur ce terme - de dimension mondiale que la France doit porter si elle veut se montrer fidèle à sa vocation. Mais pour ce faire, notre pays doit se doter des moyens pour donner corps à cette ambition. Le budget pour 2005 y contribue mais il faudra aller plus loin pour se doter d'outils plus efficaces encore.

Le Président de la République a pris, à cet égard, des engagements forts en la matière : notre pays doit atteindre un niveau d'aide publique de 0,5 % du RNB en 2007. En 2004, notre aide devrait représenter 0,42 % du RNB et 0,44 % l'an prochain. Nous examinerons dans le présent avis les conditions dans lesquelles cette aide sera déployée. Mais au-delà des chiffres et des données statistiques, nous avons à cœur de rappeler qu'il y a, en France, des personnes qui agissent et, dans le monde, des populations qui, dans des conditions difficiles, prennent en charge leur propre développement.

I - LE DÉVELOPPEMENT : UN PROJET POLITIQUE MONDIAL,
UNE AMBITION FRANÇAISE

A - Le message de la France face à l'ampleur démesurée de la mission

1) Une réalité difficile qui ne doit pas nous décourager

On peut être aujourd'hui partagé face à la question du développement. On constate, en effet, une véritable prise de conscience au plan international. Les initiatives se multiplient depuis quelques années. L'aide au développement doit prendre en compte toutes ces initiatives et les mettre en cohérence.

a) La multiplication des initiatives, signe d'une prise de conscience

La définition des Objectifs du Millénaire pour le développement en 2000 est un progrès puisqu'il s'agit d'un engagement de la communauté internationale en son entier sur la base de buts très concrets(1). De même, en mars 2002, la conférence de Monterrey a marqué un moment fort autour de la question des modes de financement du développement. Les conclusions de cette conférence ont porté sur la mobilisation de nouvelles ressources nationales et internationales, sur la dette, le commerce et le rôle du secteur privé pour financer le développement. Parmi ces conclusions figure cette invite à l'attention des pays développés : consacrer 0,7 % du RNB à l'aide publique au développement en faveur des pays en développement et une part de 0,15 à 0,20 % aux pays les moins avancés (PMA).

L'initiative prise, le 20 septembre dernier à l'ONU, par les Présidents Chirac et Lula, sur laquelle nous reviendrons, s'inscrit également dans ce mouvement qui consiste à mobiliser la société internationale contre le fléau de la pauvreté.

Ajoutons que 2005 sera une année charnière pour la solidarité internationale avec, d'une part, le souhait du Royaume-Uni de mettre ces questions ainsi que celle de la situation de l'Afrique au cœur de sa présidence du G8 et, d'autre part, le Sommet des Nations unies de septembre 2005 consacré au suivi des Objectifs du Millénaire qui permettra de revenir sur leur mise en œuvre, cinq ans après leur définition.

Si l'on doit se réjouir de cette forte mobilisation, la tâche reste d'une ampleur considérable.

b) La nécessité de redoubler d'efforts pour atteindre les Objectifs du Millénaire

Plusieurs études récentes ont mis en évidence l'immense effort qu'il nous reste à accomplir pour espérer au moins approcher les objectifs que la communauté internationale s'est fixée il y a quatre ans. Les principales données qui suivent sont tirées du Rapport mondial sur le suivi rédigé conjointement par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international et qui a montré que les Objectifs du Millénaire ne pourraient pas être atteints d'ici 2015.

Pour le Président de la Banque mondiale, M. James D. Wolfensohn, les Objectifs du Millénaire, pour l'essentiel, ne seront pas réalisés dans la plupart des pays à l'horizon 2015. Selon lui, « le monde est confronté à deux choix : soit nous, la communauté internationale, nous nous réengageons à atteindre ces objectifs, ou ces objectifs que nous nous sommes fixés avec fanfare à la face du monde ne seront pas atteints, et les pauvres du monde seront encore moins bien lotis qu'avant et nos enfants auront à faire face aux conséquences de ce désastre ».

Le Rapport mondial sur le suivi des Objectifs du Millénaire montre que, si la tendance actuelle se maintient, un seul de ces objectifs sera finalement atteint, celui de réduire de moitié le nombre de personnes vivant avec moins d'un dollar par jour. Deux séries de conditions devront cependant être remplies pour ce faire : que les pays riches réduisent les obstacles aux échanges commerciaux et augmentent leur aide extérieure et que les pays pauvres investissent davantage pour améliorer la santé et le niveau d'instruction de leurs populations.

Si l'on prend comme hypothèse le maintien de la croissance économique mondiale à son taux actuel, la proportion des personnes en situation de pauvreté dans le monde tomberait donc, en 2015, à un niveau inférieur à la moitié de celui enregistré en 1990, permettant à 360 millions d'individus d'échapper à la pauvreté extrême. Toutefois, l'Afrique subsaharienne ne bénéficierait pas de cette évolution favorable puisqu'on estime que le nombre de personnes touchées par la pauvreté passerait dans cette région certainement de 315 millions en 1999 à 404 millions en 2015. Le Moyen-Orient connaîtrait aussi, de son côté, une dégradation de sa situation alors que la Chine, l'Inde et l'Europe de l'Est verraient leur sort s'améliorer.

Nombre de personnes ayant moins de 1 dollar par jour pour vivre

(en millions)

Groupes de pays en développement

1990

1999

2015

Asie de l'Est et Pacifique

486

279

80

(Chine non comprise)

110

57

 7

Europe de l'Est et Asie centrale

  6

24

 7

Amérique latine et Caraïbes

48

57

47

Moyen-Orient et Afrique du Nord

 5

  6

 8

Asie du Sud

506

488

264

Afrique subsaharienne

241

315

404

TOTAL

1 292

1 169

809

(Chine non comprise)

917

945

735

Le rapport de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international met en évidence les retards pris, dès aujourd'hui, dans l'accomplissement des Objectifs du Millénaire. Ainsi des disparités criantes dans la qualité de la vie persistent entre pays riches et pauvres. Alors que 7 enfants sur 1000 meurent avant l'âge de cinq ans dans les pays riches, cette proportion est de 121 pour 1000 dans les pays les plus pauvres. Dans les pays riches, 14 accouchements pour 100 000 naissances vivantes provoquent le décès de la mère, ce ratio peut dépasser 1000 décès pour 100 000 naissances vivantes dans certains pays pauvres.

Quels sont les domaines où les retards sont les plus importants ? Selon le rapport, ce sont la baisse de la mortalité infantile et maternelle ainsi que l'accès à l'eau potable et à l'assainissement. Ces objectifs ne pourront être atteints à l'horizon 2015 que dans très peu de régions. Ainsi, de trop rares progrès ont été réalisés dans la réduction du taux de mortalité infantile. Par exemple, en 1999, environ 10 millions d'enfants de moins de cinq ans sont morts dans les pays à faible revenu, dont 2,1 millions rien qu'en Inde. Même un pays comme la Chine, qui progresse considérablement en termes de revenu, accuse un grand retard en ce domaine.

Le rapport de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international met aussi en évidence les liaisons entre les différents Objectifs du Millénaire. Il est ainsi difficile de réduire la mortalité infantile si les ménages n'ont pas accès à une source d'eau améliorée. Pour atteindre l'objectif consistant à diminuer de moitié la proportion de la population mondiale qui n'a pas accès à l'eau potable à l'horizon 2015, il faudrait que 1,5 milliard de personnes dans le monde accèdent finalement à une source d'eau potable. De même, environ 2 milliards de personnes supplémentaires dans le monde auraient besoin d'un accès à un dispositif d'assainissement véritable, si l'objectif de réduction de moitié de la proportion de la population mondiale ayant accès à une hygiène améliorée doit être atteint dans dix ans.

Le rapport de 2004 précité considère également comme insuffisants les progrès réalisés dans la réduction de la mortalité maternelle et dans la lutte contre le VIH-sida ou le paludisme. En revanche, les perspectives sont plus favorables dans le domaine de l'éducation : on peut espérer que plusieurs régions du monde se rapprochent de l'objectif d'une éducation primaire universelle.

On doit insister sur le fait que le rapport de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international souligne que l'Afrique subsaharienne risque d'être la région du monde qui souffrira des pires retards dans tous ces domaines.

Selon M. Zia Qureshi, conseiller du Secrétariat du Suivi mondial à la Banque mondiale et auteur principal du rapport, deux forces doivent concourir à la réalisation des Objectifs du Millénaire : « une croissance économique à la fois solide et soutenable » et « l'amélioration, l'expansion, l'élargissement de la prestation des services au segment pauvre de la population » M. Qureshi considère que les pays en développement comme les pays développés doivent élargir l'échelle de leurs actions, de manière considérable et avec célérité.

Pour ce faire, il préconise un programme articulé autour de trois axes.

- Accélérer les réformes pour obtenir une croissance économique plus solide, ce qui pour l'Afrique impliquerait de doubler son taux actuel de croissance ;

- Investir en direction des populations pauvres en leur donnant les moyens de saisir leur destin en élargissant et en améliorant la prestation de services sociaux ;

- Accélérer la mise en oeuvre du partenariat de Monterrey, en s'assurant du fait que des réformes engagées par les pays en développement entraîneront un soutien plus important des pays développés ainsi que des agences internationales.

Le rapport de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international encourage les pays en développement à agir, pour leur part, dans quatre domaines spécifiques :

- Améliorer l'environnement notamment juridique pour permettre au secteur privé de se développer.

- Renforcer le secteur public et améliorer la gouvernance, notamment par la lutte contre la corruption.

- Accroître les investissements en infrastructure.

- Améliorer l'efficacité des services destinés au développement humain que ce soit en matière d'éducation, de santé ou d'assistance sociale.

Ce rapport fixe aussi les priorités qui devraient être celle des pays développés. Ce document souligne le contraste entre l'importance des promesses faites par les pays riches et la modestie de leurs actions. Pour la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, ces pays doivent : assurer la stabilité et une croissance solide de l'économie mondiale ; faire en sorte que le cycle de négociations de l'OMC, dit « cycle de Doha » débouche sur des décisions favorables au développement des pays les moins riches ; augmenter l'aide au développement et en améliorer la qualité.

Le rapport mondial sur le suivi de 2004 trace donc des perspectives et doit être pour les pays les plus riches une forme de guide d'action. La France montre, par les initiatives du Président de la République mais aussi par l'engagement constant de ses concitoyens, qu'elle entend se porter en avant de cette entreprise difficile qu'est la lutte contre la pauvreté dans le monde.

2) L'engagement de la France et des Français

L'initiative du Président de la République du 20 septembre dernier marque une étape essentielle dans la mobilisation mondiale pour un nouvel équilibre international fondé sur la valeur de solidarité. Cet engagement correspond à une vocation permanente de la France depuis des décennies.

a) L'initiative du Président de la République du 20 septembre 2004

Le Président de la République a participé, le 20 septembre 2004, à New York aux deux réunions organisées sur la dimension sociale de la mondialisation et sur la lutte contre la faim et la pauvreté. Ces deux réunions constituent une étape importante dans la préparation de l'Assemblée Générale de l'ONU de 2005, à l'occasion de laquelle sera tiré un premier bilan de la mise en oeuvre des Objectifs du Millénaire.

A l'occasion de ses deux réunions, le Président de la République a eu l'occasion de prononcer un discours remarqué et de prendre part à une conférence de presse conjointe avec M. Lula da Silva, Président du Brésil, M. Lagos, Président du Chili, et M. Zapatero, Premier ministre espagnol. Le Président de la République a déclaré que : « La France (...) est engagée dans l'augmentation de son aide publique au développement qui atteindra 0,5 % de sa richesse nationale en 2007 et 0,7 % en 2012 ».

Le Président de la République avait pris, par ailleurs, l'initiative en novembre 2003 de créer un groupe de travail sur les nouvelles contributions financières internationales. Présidé par M. Landau, ce groupe rassemblait des spécialistes venus de l'administration, du monde universitaire, des ONG, et du secteur privé.

Le rapport du groupe Landau (2) qui a été remis le 14 septembre dernier constate que le financement du développement, s'il demeure circonscrit à ses modalités actuelles, ne permettra pas d'atteindre les Objectifs du Millénaire d'ici 2015. Il en déduit que la mise en place de nouvelles ressources à la fois stables et prévisibles et comportant un moindre coût pour leurs bénéficiaires s'impose.

Ce document propose à cette fin plusieurs options sans prendre parti pour l'une d'entre elles. C'est l'un des grands mérites de ce rapport : il démontre que des solutions techniques existent et que les politiques peuvent faire des choix entre différentes options.

Le rapport Landau évoque le recours à l'emprunt international, idée avancée par le Royaume-Uni : il s'agit de la Facilité de Financement Internationale (« International Finance Facility » - IFF - en anglais), à laquelle le Président Chirac a apporté son soutien dans la conférence de presse qu'il a tenu le 30 janvier 2004 à Genève lors de la réunion quadripartite sur l'action contre la faim et la pauvreté.

Surtout ce rapport a approfondi la question de la mise en place coordonnée au niveau mondial de taxes destinées à être perçues par les Etats. Essayant de mettre l'efficacité économique au service de l'équité sociale, ce système de taxation, qui ne doit pas être confondue avec la fameuse taxe Tobin, pourrait revêtir plusieurs aspects : taxe à vocation environnementale, taxe sur les transactions financières, taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés, taxe sur les ventes d'armements. Le rapport évoque encore des mécanismes de contributions volontaires, par exemple, sur les achats réalisés par des cartes de crédits.

Les déclarations du Président de la République, s'appuyant sur l'expertise technique du rapport Landau, constituent une contribution très remarquée en France et dans le monde sur la question du développement. L'année qui vient va permettre au débat de se nouer autour de ces propositions. Nous pouvons être satisfaits que notre pays réussisse à imprimer ainsi sa marque dans un débat décisif.

Mais au-delà des débats internationaux, qui impliquent nos plus hautes autorités, nous devons aussi constater que nos concitoyens, au quotidien, s'engagent dans la lutte contre la pauvreté.

b) Des Français qui refusent l'égoïsme et le repli

On se souvient des articles retentissants du journaliste Raymond Cartier qui, après un voyage en Afrique en 1956, se demandait si les moyens déployés pour développer à cette époque les colonies d'alors n'auraient pas été plus utiles en France métropolitaine. De là est née ce que l'on dénomme « cartiérisme », c'est-à-dire un repli sur soi, une vision étroite de la vocation de la France résumée dans la formule devenue célèbre : « La Corrèze avant le Zambèze ».

Or les Français ne se reconnaissent pas dans ce slogan simpliste. Nous avons de multiples preuves de leur souci d'agir en faveur des pays les plus pauvres conformément à l'idéal de fraternité qui figure dans notre devise. En tant que président de l'Association française des volontaires du progrès (AFVP), nous avons des preuves quotidiennes de cet engagement. Cette organisation constitue un bon exemple de l'esprit de solidarité des Français.

L'AFVP est une organisation laïque de solidarité internationale et de volontariat, créée le 17 août 1963. Elle associe des partenaires publics comme les ministères des affaires étrangères, des affaires sociales, de la jeunesse et de l'économie et des finances. Son but est de permettre à des jeunes volontaires de manifester leur solidarité envers des populations en difficulté dans le monde, en participant à des projets de développement sur le mode du partenariat. Depuis quarante ans, grâce à l'AFVP, plus de 10 000 jeunes Français ont pu ainsi s'engager, en intervenant comme techniciens, animateurs ou médiateurs, le plus souvent en partenariat avec des cadres nationaux. Car l'AFVP s'efforce de valoriser au mieux les ressources humaines locales. Trois cents Volontaires du Progrès travaillent actuellement en équipe avec plus de trois cents salariés nationaux, dans trente pays.

Le champ d'action de l'association est principalement l'Afrique subsaharienne mais elle tend aujourd'hui à s'étendre dans de plus larges proportions au-delà. Son un budget annuel est de 24 millions d'euros et ses ressources proviennent à hauteur de 35 à 40 % d'une subvention du ministère des Affaires étrangères.

 

Membre de plusieurs instances comme le Comité de liaison des ONG de volontariat de développement ou le Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et l'éducation populaire, l'AFVP a engagé un partenariat avec le Service Allemand de Développement (Deutscher Entwicklungsdienst, DED) qui permet de créer des équipes pluranationales. Un programme a été lancé pour ouvrir à l'ensemble des jeunes originaires des États membres de l'Union Européenne l'accès aux projets, ce qui contribue à forger chez les Volontaires, une identité commune européenne.

Cette association, qui est la preuve de notre spécificité, montre bien le désir des jeunes Français de s'engager. Le Gouvernement a d'ailleurs pris en considération cette implication de nos compatriotes en proposant un projet de loi sur le contrat de volontariat de solidarité internationale qui devrait prochainement être adopté par le Parlement.

Comme témoignage de l'engagement de la France, nous aurions pu aussi évoquer les multiples projets portés par les collectivités territoriales et par de très nombreuses associations3.

Comme nous l'avons indiqué, nous souhaitons aussi que ce présent avis soit l'occasion de faire état de l'engagement concret de notre pays et de nos concitoyens en faveur du développement. C'est pourquoi nous présenterons ici quelques axes importants de l'action de la France en faveur des pays les moins favorisés. A l'évidence, une telle présentation ne saurait cependant avoir un caractère exhaustif.

B - Des actions concrètes qui illustrent notre solidarité avec les pays en développement

1) La santé : la lutte contre le sida

a) Une épidémie en recrudescence, une Afrique en proie à une situation dramatique

Le quatrième rapport mondial sur l'épidémie de sida remis par l'ONUSIDA - programme commun des Nations unies sur le VIH/sida - est alarmant4. En 2003, près de cinq millions de personnes ont été infectées par le VIH, le chiffre annuel le plus élevé depuis le début de l'épidémie. Dans le monde, en 2003, 38 millions de personnes vivaient avec le VIH contre 35 millions en 2001. L'an passé, près de trois millions de personnes sont mortes du sida et plus de vingt millions sont décédées depuis que les premiers cas de la maladie ont été identifiés en 1981.

L'Afrique subsaharienne est particulièrement touchée, on le sait. 25 millions d'Africains sont porteurs du VIH dans cette zone du monde. Alors que celle-ci n'accueille pas plus de 10 % de la population mondiale, près des deux tiers du total des personnes infectées par le virus y vivent. En 2003, on estimait le nombre de nouvelles infections en Afrique subsaharienne à trois millions de cas et le nombre de décès à 2,2 millions, soit 75 % des morts dues au sida dans le monde. On trouve ainsi des taux de prévalence - c'est-à-dire le nombre de personnes infectées rapporté à la population totale - dépassant les 35 % dans certains pays d'Afrique australe comme le Botswana et le Swaziland. En revanche, en Afrique de l'Ouest, aucun Etat ne connaît une prévalence supérieure à 10 %.

En Asie, l'épidémie s'étend rapidement. Le rapport d'ONUSIDA de 2004 estime à 7,4 millions le nombre de personnes infectées par le VIH, ce chiffre ayant augmenté de 1,1 million en 2003. En Amérique latine, 1,6 million de personnes vivent avec ce virus, ce qui correspond au même nombre que celui observé dans les pays développés.

b) Des moyens internationaux en forte hausse mais toujours insuffisants

Face à ce fléau, les moyens financiers, bien qu'importants, ne sont pas, en proportion, suffisants. Les dépenses mondiales ont été multipliées par quinze, passant de 300 millions de dollars en 1996 à près de 5 milliards de dollars en 2003. Mais ce montant ne couvre pas la moitié des besoins estimés pour 2005 dans les pays en développement. Selon les estimations livrées par l'ONUSIDA, 12 milliards de dollars seront nécessaires d'ici 2005 et 20 milliards d'ici 2007 pour la prévention et la prise en charge dans les pays à faible et moyen revenus. Pour reprendre les termes du quatrième rapport mondial « le financement complet de la riposte au sida exigera un effort extraordinaire, qui ne pourra être fait en s'appuyant sur les budgets ordinaires des pays et du développement international actuellement prévus. Il faudra un leadership extraordinaire et l'utilisation de ressources encore inexploitées ».

c) L'engagement exemplaire de la France

L'engagement de la France dans la lutte contre le sida ne s'est jamais démenti depuis 1985 et notre pays entend bien défendre le recours à de nouveaux moyens pour lutter contre l'épidémie.

De 1987 à 1997 plus de 100 millions d'euros ont été consacrés à des programmes de lutte contre le VIH. De 2001 à 2003, la France a consacré en moyenne 57 millions d'euros à cette action dans les pays en développement, dont 26 millions d'euros dans le cadre d'actions bilatérales et 31 millions d'euros dans le cadre multilatéral, dont 30 millions d'euros affectés au Fonds mondial de lutte contre le sida.

Lors du sommet du G8 à Evian en juin 2003, le Président de la République avait pris l'engagement d'intensifier l'effort de la France dans la lutte contre le sida. C'est ainsi que, pour 2004, la contribution française au Fonds mondial a triplé pour atteindre 150 millions d'euros, faisant ainsi de la France le deuxième contributeur annuel au Fonds, après les Etats-Unis.

Au titre de l'aide bilatérale aux pays de la Zone de solidarité prioritaire, la France poursuit aussi ses projets en mobilisant plus de 15 millions d'euros dans la lutte contre le sida. Ces actions sont animées par une centaine d'assistants techniques, par des organisations non gouvernementales dans vingt pays et deux régions, les Caraïbes et l'Océan Indien. A cela, nous devons ajouter les efforts engagés par l'Agence nationale de recherche sur le sida qui a consacré, dès 2002, 8 millions d'euros soit 20 % de son budget à des recherches portant sur les problèmes spécifiques posés aux pays du Sud par le sida.

La France est également à l'origine du projet ESTHER - Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau - qui porte sur la prise en charge des personnes infectées par le VIH. Des programmes de jumelage ont été lancés dans neuf pays en 2002 et 2003 et concernent plus de quarante établissements de santé en Afrique de l'Ouest et du Centre ainsi qu'en Asie du Sud-Est pour un montant de 4,33 millions d'euros par an, financés par le budget du ministère de la santé.

Au plan multilatéral, la France poursuit aussi son soutien à l'ONUSIDA avec 1,25 millions d'euros en 2003. En outre, dans le cadre de l'initiative de réduction de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE) et de l'élaboration par les pays concernés de contrats de développement et de désendettement (C2D), des fonds sont dégagés pour lutter contre cette maladie. Par exemple, les contrats déjà conclus en Ouganda et au Mozambique ont réservé une part importante de leurs montants à de telles actions à hauteur de 3,2 millions d'euros en moyenne depuis 2001.

2) Le droit et l'économie : l'OHADA

a) Le projet d'harmonisation

La création de règles de droit sûres est l'une des conditions du développement. Comment accueillir en effet les investisseurs, les projets dans un environnement juridique qui n'apporterait ni sécurité ni prévisibilité aux acteurs économiques ?

C'est pourquoi la France a soutenu, dès l'origine, le projet consistant à créer une Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA). Notre pays a ainsi pris en charge l'ensemble des travaux préparatoires engagés, dès 1991, pour aboutir à la signature du traité de Port-Louis, le 17 octobre 1993, aujourd'hui ratifié par les quinze pays de la zone Franc et la Guinée Conakry.

L'OHADA a pour mission d'élaborer des règles de droit et de procédures unifiées dans cette zone de l'Afrique pour mettre fin à l'éclatement des normes juridiques que l'on a pu constater après la décolonisation (5). Après l'indépendance, chaque pays de cette région a tout naturellement adopté des règles de droit qui lui étaient propres, exerçant ainsi sa souveraineté. Mais dans un contexte actuel où l'heure est à l'harmonisation des normes, il est apparu que cette diversité juridique constituait un sévère handicap pour le développement de cette région du monde. Les objectifs de l'organisation sont les suivants :

- Mettre à la disposition de chaque Etat des règles communes simples, modernes adaptées à la situation économique.

- Promouvoir l'arbitrage comme instrument rapide et discret des litiges commerciaux.

- Améliorer la formation des magistrats et des auxiliaires de justice.

- Préparer l'intégration économique régionale.

Le projet de l'OHADA s'inscrit dans un processus cohérent. Il relaie, d'une certaine manière, les différentes initiatives déjà prises dès les années soixante pour organiser des regroupements régionaux comme l'Union douanière et économique d'Afrique centrale (UDEAC), puis la Communauté économique de l'Afrique de l'Ouest (CEAO), la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC), la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CDEAO) ou l'Union économique et monétaire de l'Ouest africain (UEMOA). Mais cette fois, il s'agit de mettre fin à la mosaïque juridique du droit des affaires.

b) L'organisation

L'OHADA s'appuie sur des organes comme les Conseils des Ministres de la Justice et des Finances qui adoptent à l'unanimité les actes uniformes, directement applicables dans chacun des droits internes des Etats Parties. Cette organisation dispose aussi d'une Secrétariat Permanent basé à Yaoundé. Il s'agit de l'organe administratif de l'organisation. Il existe également une Cour Commune de Justice et d'Arbitrage - la CCJA - qui siège à Abidjan. Elle est compétente en lieu et place des cours de cassation nationales pour régler les différends relatifs au nouveau droit des affaires. Elle a rendu ses premiers jugements au mois d'octobre 2001. Son rapport d'activités pour 2004 fait état de 286 affaires inscrites au registre au 30 juin 2004 dont 92 jugées et 178 affaires en instance normale. La CCJA est également un centre d'arbitrage régional. Sept demandes d'arbitrage ont déjà été adressées à la CCJA dont quatre en cours d'examen.

On doit également noter la création de l'École Régionale Supérieure de la Magistrature - ERSUMA - installée à Porto-Novo, qui a engagé un programme triennal de formation en 2001, articulé en six grandes composantes : la formation des formateurs magistrats en droit des affaires ; la formation des auxiliaires de justice comme les notaires, les avocats, les experts ; la formation continue des magistrats en droit des affaires ; la formation complémentaire des auditeurs de justice ; la formation continue et spécialisée en droit des affaires des avocats, notaires, experts judiciaires, greffiers et huissiers de justice ; la formation d'acteurs non judiciaires comme les investisseurs, les banquiers ou les assureurs.

c) Le soutien actif de la France

La France a pris une part extrêmement active dans le financement de cette organisation et des actions qu'elle a entreprises. Elle y a tout intérêt car l'OHADA démontre que le droit inspiré de notre tradition juridique peut se présenter comme une alternative crédible à la common law, dans le monde des affaires. Ainsi notre pays a pris en charge tout le processus d'élaboration des sept premiers actes uniformes adoptés par le Conseil des ministres de l'OHADA de 1997 à 2000, portant sur le droit commercial général, le droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, l'organisation des sûretés, les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, l'organisation des procédures collectives d'apurement du passif, le droit de l'arbitrage, l'organisation et l'harmonisation des comptabilités des entreprises. Un huitième acte uniforme, pris en charge, cette fois, par le Canada, vient aussi d'être mis en application à compter du 1er janvier 2004. Il porte sur le droit des transports de marchandises par route. Les deux derniers actes uniformes prévus par le traité sont en cours d'élaboration. Le premier, relatif au droit de la vente aux consommateurs, est aussi financé par le Canada, le second qui porte sur le droit du travail, est soutenu par la France.

La France a également apporté son soutien pécuniaire à l'édition et la diffusion d'un premier « code OHADA » rassemblant les textes du traité de l'OHADA et les premiers actes uniformes en 1999. C'est dans les mêmes conditions qu'est parue la mise à jour de ce code en 2002. Par ailleurs, plusieurs ouvrages et publications ont assuré la promotion de ce nouveau droit, parmi lesquels il faut citer en particulier un manuel universitaire en huit tomes cofinancé principalement par la France et l'Agence universitaire de la Francophonie, et un premier ouvrage en anglais, cofinancé par la France et le Royaume-Uni.

La France a également pris en charge l'équipement informatique du Secrétariat permanent et financé de 1995 à mars 2002 un poste de juriste pour soutenir le démarrage de ses activités. Notre pays a aussi financé la première année de formation des greffiers et des acteurs non judiciaires ainsi que la constitution du fonds documentaire de l'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature. L'Union européenne a, de son côté, financé l'ensemble du programme de formation de cette école de 2001 à 2004.

On constate que la France a pris une part importante dans le lancement de cette organisation dont le succès est reconnu par tous. Une étude prospective sur l'avenir de l'OHADA, réalisée à la fin de l'année 2002, préconise de soutenir aujourd'hui particulièrement les Etats membres pour les aider à appliquer le nouveau droit élaboré par l'organisation. C'est dans cette optique que la France a ouvert un poste d'assistant technique auprès de la CCJA, dès l'automne 2002. Il est chargé de répondre aux demandes d'expertise des Etats et d'aider au partage et à la capitalisation des expériences.

Cependant nous avons aujourd'hui quelques inquiétudes sur la pérennité de cette institution car le dispositif qui permettait de financer ses activités arrivera bientôt à terme et que, pour l'heure, aucune solution satisfaisante ne se dégage encore vraiment pour en prendre le relais.

d) L'avenir financier de l'OHADA en question

Les dépenses de fonctionnement courant des institutions de l'OHADA - secrétariat permanent, cour et école - sont imputées sur un fonds de capitalisation ouvert en 1997 dont la gestion a été confiée au PNUD. Celui-ci assure le secrétariat du Comité de concertation et de suivi de l'Organisation, mis en place par le Conseil des ministres de l'OHADA, pour assurer des rencontres régulières avec les bailleurs de fonds. Ce fonds de capitalisation a été alimenté par les contributions des Etats membres et par la France mais il devrait être épuisé d'ici le début de l'année 2005. Le Conseil extraordinaire des ministres de l'OHADA, tenu à Libreville les 17 et 18 octobre 2003, a adopté un mécanisme de financement autonome de l'organisation qui consiste en un prélèvement, sur les importations, avec un taux de 5 pour mille. Puis le Conseil des ministres de l'OHADA, tenu à Libreville les 26 et 27 mars 2004, a adopté une clé de répartition pour la contribution de chaque État Partie. Quatre niveaux de contribution sont prévus : 10 % pour le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, le Gabon, la Guinée et le Sénégal ; 5 % pour le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, le Niger, la Guinée-Équatoriale, le Tchad et le Togo ; 2 % pour la République centrafricaine et la Guinée-Bissau ; 1 % pour les Comores.

Nous souhaitons que la France appuie ce plan de financement afin de permettre à l'OHADA de continuer son œuvre utile.

3) L'Etat de droit : la gouvernance démocratique et la coopération militaire et policière

a) La gouvernance démocratique : l'action de la DGCID

La France s'est engagée en faveur de la gouvernance démocratique notamment dans un document d'orientation publié par la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) en juillet 2003. Il traduit l'engagement de la France pour la promotion de la démocratie dans le cadre des stratégies de développement définies à la Conférence internationale du développement de Monterrey en mars 2002 et au Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg en août 2002.

Mais la gouvernance n'est pas un concept purement politique ou institutionnel, insistant sur le strict respect de la légalité et des règles de bonne gestion. En donnant la primauté aux droits de l'homme et du citoyen, la gouvernance démocratique assigne aussi à la coopération internationale un objectif : le développement humain. Elle préconise notamment l'intégration de tous les acteurs de la société civile dans les processus d'éradication de la pauvreté et de développement durable et met le partenariat au centre de sa politique de coopération et d'aide au développement. C'est cette approche qui est celle de la France : consolider l'Etat de droit et la démocratie et renforcer les capacités des administrations des pays soutenus par la France.

Dans des sociétés où s'affirme la valeur de la personne humaine, les autorités publiques apparaissent d'autant plus légitimes qu'elles respectent les libertés, individuelles et collectives, et elles sont représentatives des citoyens. La réalisation effective de cet Etat de droit et de cette gouvernance démocratique dépend naturellement de la façon dont les institutions publiques sont organisées et fonctionnent. Elle est également fonction de la capacité de la société civile à défendre ses droits et de celle des médias à affirmer leur indépendance.

Mais l'effort ne peut pas porter uniquement sur les pouvoirs publics. Une société doit aussi disposer de contre-pouvoirs pour fonctionner correctement. C'est pourquoi la DGCID a continué d'apporter, en réponse aux demandes des pays en développement, un appui aux institutions jouant un rôle décisif dans la mise en œuvre de l'Etat de droit et de la démocratie : les assemblées parlementaires, les juridictions, les institutions pénitentiaires, la police, la sécurité civile, le déminage humanitaire, les commissions nationales des droits de l'Homme, les médiateurs, les barreaux.

La DGCID privilégie trois types d'actions. Elle mène, en premier lieu, des actions de formation. Elle forme principalement des juges et des policiers à un exercice de leurs responsabilités conforme aux normes d'un Etat démocratique. Les principaux opérateurs, dans ce secteur, sont l'École nationale de la Magistrature (ENM) et le Service de coopération technique internationale de police (SCTIP). Elle conduit, ensuite, des actions d'aide à la réforme et à la rénovation du droit. La DGCID apporte en effet un appui à la mise en place de codes (code civil, code pénal, code de procédure pénale...), à la réforme des textes juridiques (statuts de la magistrature garantissant l'indépendance des juges, lois contre la criminalité organisée...), à la traduction en langues étrangères de textes juridiques français fondamentaux. Enfin, cette direction continue à mettre à disposition de ses partenaires étrangers de la documentation à caractère juridique et technique.

Comme on l'a indiqué, la DGCID agit aussi en direction de la société civile, en soutenant les associations de défense et de promotion des droits de l'homme. Dans cette perspective, elle conduit trois projets particulièrement mobilisateurs.

En concertation avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme, elle développe un projet dont l'objectif est de contribuer à favoriser la mise en place d'un système national pour la promotion et la protection des droits de l'homme, en faisant appel à des élus et à des acteurs de la société civile. Les pays bénéficiaires sont le Burundi, le Cambodge, Haïti, le Niger, la République Centrafricaine ainsi que le Centre sous-régional des Nations Unies pour les droits de l'homme et la démocratie en Afrique centrale basé à Yaoundé au Cameroun.

Avec l'association Penal Reform International, la DGCID mène aussi un programme visant à promouvoir la réforme pénale et pénitentiaire par la mise en pratique des normes internationales des droits de l'homme dans l'administration de la justice. Il s'agit d'améliorer le fonctionnement de la justice pénale et les conditions de détention, de favoriser les alternatives à l'incarcération et d'accroître la collaboration entre les groupes de la société civile concernés.

Enfin, cette direction appuie la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme (FIDH), pour renforcer les capacités d'un certain nombre de mouvements de défense des droits de l'homme, qui souffrent d'une grande précarité dans de nombreux pays.

b) La prévention des conflits et la sécurité

Une autre des priorités françaises est de contribuer à la prévention des conflits. Le premier impératif lors de la sortie d'une crise est souvent le retour à la sécurité afin de prévenir la résurgence de nouveaux conflits. Il faut mettre fin aux pillages, assurer la sécurité publique, restructurer les forces, déminer, recueillir les petites armes. Au-delà des programmes DDRRR - démobilisation, désarmement, rapatriement, réintégration, réinsertion - permettant le retour à la vie civile d'anciens combattants ou miliciens, et souvent mis en œuvre par des institutions comme la Banque mondiale ou le PNUD, le simple retour à l'ordre public est un pré-requis au redémarrage des institutions, de l'économie et de la vie sociale. La sortie des conflits ou des crises impose aussi souvent l'écriture d'une nouvelle constitution ou la réforme d'une législation. Elle suppose finalement un engagement entier de la société civile et de la population.

Vecteur de diffusion du modèle français, la coopération française dans le secteur de la sécurité et des affaires intérieures est caractérisée par son ancienneté, notamment avec un certain nombre de pays en Afrique de l'Ouest. Elle constitue un pan important de la coopération en vue de faciliter l'émergence de l'Etat de droit. Cette coopération tend d'ailleurs à s'élargir vers de nouveaux pays comme des pays émergents (Brésil, Chine, Inde), des pays en situation de sortie de crise (République Démocratique du Congo ou Côte d'Ivoire, Afghanistan), des pays figurant sur la liste de la Zone de Solidarité Prioritaire (ZSP) et qui, pour certains, présentent une sensibilité particulière (Soudan, Yémen) ou, enfin, des pays en transition (Russie, Europe du Sud-Est).

Elle prend la forme d'une coopération technique ciblée destinée à renforcer la capacité des services de police et d'une coopération thématique et transversale autour de questions comme la lutte contre le terrorisme et son financement, contre la criminalité organisée transnationale, en particulier la lutte contre le trafic des stupéfiants et le trafic des êtres humains, contre l'immigration illégale, contre la corruption...

Malgré une certaine stagnation budgétaire, la DGCID consacre à la coopération en matière de sécurité environ 7 millions d'euros représentant 15 % des crédits annuels (titre IV) alloués à la coopération institutionnelle et 9,2 millions d'euros affectés à la mise en œuvre de treize projets FSP consacrés à la sécurité au sens large, soit 15 % des crédits pluriannuels (Titre VI) destinés à la coopération institutionnelle en Afrique du Sud, au Burkina Faso, Cameroun, Cambodge, Congo, Haïti, Namibie, Niger, Sénégal, Surinam, Tchad et Ghana. Cet investissement permet de réaliser un millier d'actions de coopération par an, en moyenne, dans l'ensemble du monde, ce qui mobilise 48 assistants techniques en poste dans les pays de la ZSP (majoritairement en Afrique) et rémunérés par le ministère des affaires étrangères. Il convient d'y ajouter également le réseau mis en place par le ministère de l'Intérieur au travers de ses 84 attachés de sécurité intérieure (commissaires ou commandants de la police nationale mais aussi, en moindre proportion, officiers supérieurs de la Gendarmerie nationale) et ses 41 assistants de police, collaborateurs directs des attachés de sécurité intérieure.

La réforme de la coopération militaire et de défense de 1998 a confié au ministère des Affaires étrangères le soin de gérer la coopération militaire et de défense. Ainsi a vu le jour la direction de la coopération militaire et de défense, placée sous l'autorité du directeur général des affaires politiques et de sécurité. La coopération militaire et de défense est elle aussi partie prenante de l'action pour l'Etat de droit, elle aussi.

Il faut, à cet égard, noter l'importance des actions de coopération de sécurité intérieure menées par la gendarmerie qui s'inscrivent dans la politique d'appui au développement, de stabilisation et de soutien institutionnel à l'État de droit. Il s'agit d'accroître ou de consolider l'efficacité opérationnelle des forces de sécurité en leur permettant d'acquérir la maîtrise de leur zone de compétence territoriale, mais aussi le savoir-faire nécessaire à l'exercice de la police judiciaire, outil indispensable au développement de l'Etat de droit. Il s'agit également, dans le domaine de la police administrative, de faire que ces forces soient en mesure de gérer les situations de maintien de l'ordre dans le respect des personnes, tout en évitant que des manifestations n'occasionnent un effondrement des institutions.

Cette politique globale de coopération en matière de sécurité est l'une des clés de voûte de notre action en direction des pays en développement. Il est heureux que le Gouvernement maintienne un engagement important de notre pays en ce domaine.

4) L'environnement et l'alimentation : la lutte contre les criquets

a) Un phénomène alarmant

En août 2003, des pluies extrêmement abondantes se sont déversées sur la Mauritanie et l'Ouest du Sahel. Or, de telles conditions météorologiques sont propices à la prolifération des acridiens, que nous appelons plus couramment les criquets. Ces insectes se sont reproduits alors à grande échelle dans le Sud de la Mauritanie et des essaims immenses ont migré ensuite vers le Sud du Maroc et de l'Algérie puis ont touché la Tunisie et la Libye. Les criquets, qui se sont reproduits entre-temps, sont descendus, depuis fin juin 2004, plus au Sud vers le Mali et à nouveau le Sud de la Mauritanie, le Sénégal, le Tchad et le Niger. Cette invasion, aggravée par des conditions météorologiques très favorables aux criquets, s'annonce comme la plus importante depuis 1988.

Les conséquences de telles invasions de criquets sont très graves. Ces insectes, particulièrement voraces, dévorent toute végétation : feuilles, fleurs, semences, jeunes écorces, pâturages. Un kilomètre carré d'essaim représente plus de 50 millions d'acridiens qui ingurgitent cent tonnes de matière végétale fraîche par jour. Ces nuées perturbent la saison des semis ce qui augure mal des récoltes de l'année suivante. Des baisses importantes de revenus ainsi que des réserves de nourriture sont ainsi à craindre.

b) Le soutien de la France

Les pays touchés se mobilisent. Des plans d'urgence ont été adoptés par le Comité de lutte contre les criquets pèlerins en région occidentale. Le soutien des pays occidentaux est cependant indispensable et la France a répondu à cet appel.

Les actions entreprises depuis début 2004 par la France pour répondre à cette crise sont les suivantes. En août dernier, une mission d'expertise du CIRAD, organisme spécialisé en agronomie tropicale, a été envoyée sur place, en Mauritanie, au Sénégal et au Niger avec pour objectif d'évaluer la situation, les besoins de financements extérieurs ainsi que les modalités d'intervention pour lutter contre ce fléau. Cette mission puis des missions complémentaires de la FAO ont établi les besoins pour la seule zone sahélienne à 100 millions de dollars dont la moitié environ serait aujourd'hui acquise, si l'on cumule les contributions des Etats et celles des donateurs.

La France a mobilisé une aide d'urgence mise à disposition de la FAO et des autorités nationales locales de 5,5 millions d'euros au total. Ces financements doivent permettre l'achat des produits adaptés et le financement des heures de vol pour les appareils chargés de l'épandage. Notre pays a également engagé depuis plusieurs mois des actions de sensibilisation auprès de la Commission européenne. A ce jour, 3 millions d'euros ont été débloqués depuis le début de l'année 2004 pour des actions d'urgence par la Commission européenne mais d'importants crédits complémentaires de l'ordre de 25 à 30 millions d'euros vont être ouverts prochainement.

Enfin, une action en profondeur doit être également menée. Il n'est pas possible de se contenter de traiter dans l'urgence et cycliquement ces invasions acridiennes avec leurs conséquences sociales, économiques et environnementales désastreuses. Il est nécessaire de mettre en place un programme opérationnel de prévention des crises, la FAO ayant déjà ouvert cette voie, en 2001, par le lancement d'un programme régional de prévention intitulé « EMPRES Région Occidentale ». Il consiste essentiellement à surveiller en permanence les aires d'origine des invasions et à détruire les premières pullulations par des interventions sur des superficies limitées, avant que les zones cultivées ne soient attaquées et que l'invasion ne se propage. Ce système, qui doit être adapté en fonction du risque acridien, a un coût économique et environnemental minime par rapport au coût d'une intervention lors des crises. La France, qui dispose d'une importante expertise en la matière, souhaite y contribuer par un projet du Fonds de Solidarité Prioritaire de 2 millions d'euros et par un projet du Fonds Français pour l'Environnement Mondial à hauteur d'un million d'euros. Au total les interventions françaises annoncées se montent à 8,5 millions d'euros.

5) La pauvreté : les actions au profit des Pays pauvres très endettés

a) L'initiative PPTE

Lancée en 1996, lors du sommet du G7 à Lyon, cette initiative relative aux « Pays pauvres très endettés » (P.P.T.E.) réunit des créanciers multilatéraux et bilatéraux afin de procéder de manière coordonnée à des allégements de dette en faveur des pays les plus pauvres. Lors du sommet de Cologne de 1999 on a introduit un lien entre ces annulations de dette et l'effort de lutte contre la pauvreté mené par les Etats les plus pauvres. Désormais, les pays débiteurs sont tenus de présenter un cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (C.S.L.P.) pour profiter des allégements de dette. Trente-cinq pays sont éligibles à ce jour et vingt-deux bénéficient ou vont bénéficier effectivement d'allégements de dette.

b) La France première contributrice de l'initiative

La France se présente comme le premier pays contributeur de l'Initiative en faveur des Pays Pauvres Très Endettés avec un effort global de 12,7 milliards d'euros, auquel s'ajoutent 255 millions d'euros de contribution au Fonds fiduciaire PPTE. Ce dernier montant intègre la participation française au Fonds européen de développement. Ainsi l'effort consenti par la France représente 1,8 fois celui des Etats-Unis et plus de quatre fois celui réalisé par le Royaume-Uni.

c) Les contrats de désendettement et de développement (C2D)

Les contrats de désendettement et de développement (C2D) constituent le volet additionnel français à l'initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) pour l'annulation des créances d'aide publique au développement.

Les financements C2D obéissent à un certain nombre de principes afin de leur conférer la plus grande efficacité possible au profit des Etats bénéficiaires. Ces financements sont concentrés dans les secteurs qui contribuent le plus directement à la réduction de la pauvreté. Ces affectations prennent, lorsque cela est possible, la forme de programmes sectoriels, financés sous la forme d'une aide budgétaire affectée à des lignes du budget de l'Etat partenaire ou à des fonds. Des efforts sont engagés pour que les autorités nationales et les acteurs de la société civile s'approprient ces programmes d'aide. Enfin, l'accent est porté sur la coordination avec les autres bailleurs de fonds afin notamment de réduire les coûts de transaction ou permettre à l'Etat récipiendaire d'assurer une plus grande cohérence de l'aide internationale qu'il reçoit.

Sur les vingt-trois pays éligibles aux contrats de désendettement et de développement, cinq ont signé leur premier C2D avec la France. En novembre 2001, le Mozambique a signé un premier contrat de désendettement développement portant sur la période 2001-2004 et sur un engagement financier de 29,8 millions d'euros. Ce contrat a permis notamment d'appuyer le programme national de lutte contre le sida. Ces efforts se poursuivront sur la période couverte par le deuxième contrat qui porte sur 21,5 millions d'euros sur la période 2005-2007.

Un C2D a été signé avec l'Ouganda, le 28 mars 2002, pour un montant de 3,2 millions d'euros sur la période juin 2002-juin 2005.

Ce financement, accordé sous forme d'aide budgétaire, est affecté aux soins de santé primaires.

Le C2D signé le 10 juin 2003 avec la Tanzanie est d'un montant de 4,25 millions d'euros pour la période décembre 2001-mars 2006. Il est affecté à un programme sectoriel unique, le programme pour l'éducation primaire et est mis en œuvre sous forme d'aide budgétaire. Les ressources du C2D viennent abonder un fonds commun aux bailleurs de fonds partenaires (Belgique, Canada, Commission Européenne, France, Irlande, Norvège, Pays-Bas, Suède).

La Mauritanie a également signé son premier contrat de désendettement et de développement avec le gouvernement français le 17 juillet 2003 pour un montant de 14,7 millions d'euros pour la période juillet 2002 - décembre 2005. Les ressources sont affectées au développement local de deux régions (Guidimakha et Assaba) et au Programme national de développement du secteur éducation (PNDSE).

Le C2D signé avec la Bolivie le 30 mai 2003 pour 10,4 millions d'euros pour la période 2001-2006 porte sur trois projets de santé publique.

Deux autres pays, le Nicaragua et le Ghana, ont atteint le point d'achèvement et devraient signer rapidement un contrat de désendettement et de développement avec la France.

On observe que les opérations financées sur C2D remplissent l'objectif de financement des stratégies nationales de lutte contre la pauvreté. Ils s'intègrent dans les stratégies nationales en tenant compte des interventions des autres bailleurs. Le financement de programmes sectoriels, financés, suivis et évalués par de multiples bailleurs de fonds, occupent ainsi une place privilégiée dans le dispositif.

6) Favoriser l'intégration régionale : l'enjeu africain

a) La position française : faire confiance aux Africains

Le regard porté par certains sur le continent africain est parfois simpliste voire condescendant. C'est un tort et même une faute. Car si l'Afrique connaît de grandes difficultés, on ne peut la réduire aux épreuves qu'elle subit.

Ce continent change. Des efforts sont menés pour l'organiser ; l'Union africaine le montre. De grands pays africains émergent. Certaines zones connaissent une croissance forte. La politique africaine de la France est fondée sur la conviction que le développement et la stabilisation de ce continent sont bénéfiques pour le reste du monde, qu'il ne peut y avoir de développement durable sans paix et que celle-ci ne peut être imposée par des moyens armés. Des principes forts constituent le soubassement de cette politique : le respect de la légitimité du pouvoir, la défense de la souveraineté de l'Etat et de son intégrité territoriale, la nécessité de soutenir les médiations africaines et de mobiliser la communauté internationale en faveur du règlement des conflits.

Pour le Gouvernement, l'action diplomatique de la France en Afrique se conçoit dans un cadre multilatéral - le règlement des conflits étant de la compétence principale du Conseil de Sécurité - et dans un cadre européen. L'Union Européenne doit jouer un rôle politique plus visible et ne pas détourner son regard de ce continent.

b) Des coopérations spécifiques avec les organisations régionales africaines

A l'égard de l'Union Africaine, la France a apporté son soutien à l'adoption par le Conseil Affaires générales de l'Union européenne de novembre 2003, de la Facilité de paix, fonds financier d'un montant total de 250 millions d'euros qui permet de financer, sur le IXe FED, des projets de renforcement de capacités institutionnelles et certaines dépenses d'opérations de paix, en faveur de l'Union Africaine et des organisations régionales.

Avec la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), la France mène une action à hauteur de 1,8 million d'euros, notamment en faveur du renforcement de capacité de cette institution et de ses actions de maintien de la paix.

S'agissant de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), un projet FSP d'un montant de 4 millions d'euros a été adopté. Le FSP UEMOA permet d'accompagner ainsi les politiques sectorielles de cette organisation comme l'élaboration de la politique commune de l'aviation civile (pour 533 571 euros), la politique agricole (45 734 euros de subventions auxquels s'ajoute le recrutement d'un assistant technique) ou les réformes économiques et financières.

Un partenariat a été engagé, en janvier 2003, avec le COMESA (Marché commun d'Afrique orientale et australe), au sein duquel la France bénéficie d'un statut d'observateur. Le COMESA sollicite l'aide et l'expertise de notre pays pour la mise en place d'une union douanière ainsi que pour le renforcement du français au sein de son organisation.

L'EAC (East African Community) a conclu, en mars 1999, un protocole d'accord avec l'Agence française pour le Développement. Un fonds « Afrique de l'Est » de 1,52 million d'euros a été créé. Il met l'accent sur deux grands axes de coopération : le partenariat pour un développement durable du bassin du lac Victoria et le renforcement des capacités de cette organisation à préparer l'intégration régionale économique et douanière. Le tourisme pourrait constituer une troisième voie de coopération.

Avec la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC), ces derniers mois ont été marqués par une concertation étroite sur le déploiement de la FOMUC, force déployée en République Centrafricaine et qui devrait bénéficier prochainement d'une prise en charge de ses frais par l'Union Européenne pour une période de huit mois.

La France s'efforce aussi de développer ses relations avec la SADC (Southern African Development Community). Ainsi, depuis 2002, notre Ambassadeur au Botswana y est accrédité en qualité de représentant spécial. En novembre 2003, un accord-cadre de partenariat a été signé entre cette organisation et notre pays. Des actions sont menées dans le domaine de la sécurité alimentaire (1,6 million d'euros) et de la recherche agricole (1,6 million d'euros), en faveur de l'apprentissage du français, promu troisième langue de travail au sein de l'organisation mais également dans la lutte contre le sida (environ 4 millions d'euros par an).

La France est également membre de la Commission de l'Océan Indien (COI), organisation régionale africaine, dont notre pays assume actuellement la présidence.

L'action de la France au soutien de l'intégration régionale est donc active. Elle traduit une conception particulière de l'aide au développement fondée sur l'idée que les pays du Sud et notamment en Afrique doivent prendre en main leur destinée en tressant entre eux des liens de solidarité.

* *

*

Nous venons donc de tracer à grandes lignes le cadre dans lequel la politique française d'aide au développement et de coopération s'inscrit. L'action de notre pays est ambitieuse et s'appuie sur des projets très concrets dont ne peut donner ici qu'une vision évidemment partielle.

Pourtant, nous savons bien qu'une telle ambition ne peut prendre corps sans moyens financiers et matériels en conséquence. Au-delà de la présentation des crédits de l'aide publique au développement tels qu'ils sont évalués pour 2005, il convient de livrer de nouvelles pistes pour assurer à notre politique d'aide aux pays les moins favorisés, pérennité et dynamisme.

II - COMMENT DONNER CORPS À CETTE AMBITION ?

A - La contribution du budget français pour 2005

1) Une aide publique au développement en hausse représentant 0,44 % du RNB

a) La structure de l'aide publique au développement

A titre préliminaire, on regrettera le manque de lisibilité de l'état récapitulatif des crédits concourant à la coopération avec les Etats en voie de développement, autrement dit le « jaune budgétaire ». Ce document est difficilement praticable et ne rend pas simple une analyse précise de l'effort accompli par la France en la matière. Les données qu'il contient mériteraient à bien des égards, d'être précisées. Nous attirons l'attention du Gouvernement et de ses services sur les progrès qu'il conviendrait d'accomplir sur ce point pour améliorer l'information du Parlement.

L'aide publique au développement comprend trois éléments : les dons ; les prêts ; les opérations d'allègement de dette.

Les dons, sous leur forme bilatérale, correspondent à des concours délivrés par plusieurs ministères : le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le ministère de la recherche le ministère des affaires sociales, le ministère de l'éducation nationale. L'aide multilatérale recouvre la part française de l'aide européenne, les contributions obligatoires et volontaires aux institutions des Nations unies ainsi qu'aux fonds et aux programmes comme le PNUD, les contributions aux banques et fonds multilatéraux de développement ...

Les prêts et l'allégement de dettes sont placés sous la responsabilité du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et l'Agence française de développement.

2004

2005

Aide bilatérale

4441

5158

Ministère des affaires étrangères

1211

1293

Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

1483

2090

Autres ministères et frais administratifs

1748

1774

Soit

Prêts

- 81

- 230

Dons

3005

3106

Allégements de dettes

1517

2258

Aide multilatérale

2181

2142

Aide européenne

1365

1413

Dont FED

616

694

Institution des Nations Unies

136

153

Banques et fonds de développement

630

575

Total Etats étrangers

6572

7299

RNB (en milliards d'euros)

1631

1702

APD (hors TOM) rapportée au RNB

0,40 %

0,43 %

Territoires d'outre-mer

198

201

Total APD (TOM inclus)

6821

7501

RNB en milliards d'euros

1631

1702

APD (TOM inclus) rapportée au RNB

0,42 %

0,44 %

Source : Projet de loi de finances pour 2005 - Etat récapitulatif des crédits concourant à la coopération avec les Etats en voie de développement - Les montants sont exprimés en millions d'euros.

b) La progression de l'aide publique au développement

L'année 2001 a marqué une stabilisation de l'aide au développement qui s'est alors établie à 0,32 % du RNB. A partir de 2002, le Gouvernement français a engagé un effort significatif de redressement de son aide publique au développement. Ainsi l'aide a atteint 0,38 % du RNB en 2002 puis 0,41 % en 2003. La France continue ainsi de se placer au premier rang des pays du G8 dont le taux d'effort moyen était de 0,21 % du RNB en 2003.

Cet effort est conforme à la volonté forte exprimée par le Président de la République qui est d'augmenter de 50 % en cinq ans l'aide publique au développement de la France. Notre aide devrait ainsi atteindre finalement 0,42 % du RNB en 2004 et 0,44 % en 2005. Le Comité interministériel de la Coopération internationale et du développement (CICID) a repris à son compte cet objectif lors de sa réunion du 20 juillet dernier.

En 2004, l'aide devrait, in fine, augmenter de près de 400 millions d'euros avec une hausse de 18 % de l'aide multilatérale du fait de l'accélération des décaissements du Fonds européen de développement et de la revalorisation de notre contribution annuelle au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (150 millions d'euros en 2004 contre 50 millions d'euros en 2003). L'aide bilatérale reste à son niveau de 2003. On constate ainsi, en 2004, une diminution des annulations et des consolidations de dettes (1,52 milliard d'euros en 2004 contre 1,84 milliard d'euros en 2003). Mais cette baisse est compensée par l'accroissement de nos concours au titre du Fonds de solidarité prioritaire (195 millions d'euros en 2004 contre 121 millions d'euros en 2003) et des prêts octroyés par l'Agence française de développement (250 millions d'euros en 2004 contre 45 millions d'euros en 2003).

En 2005, notre aide publique au développement va connaître une nouvelle hausse de 700 millions d'euros grâce à l'augmentation du volume des opérations sur la dette, de l'accélération des décaissements du Fonds européen de développement et de la montée en puissance des C2D dont nous avons parlé précédemment. Il faut se réjouir d'un tel effort supplémentaire. Nous souhaitons cependant appeler l'attention de la Commission sur le fait que, pour les années à venir, la part importante des allègements de dette dans l'aide publique au développement - entre 20 à 25 % de cette aide actuellement - va se réduire considérablement. Atteindre l'objectif ambitieux fixé par le Président de la République supposera que des moyens budgétaires importants soient dégagés lors des prochains exercices.

Votre Rapporteur sera particulièrement vigilant sur cette question et soutiendra, de ce point de vue, les demandes du ministère des Affaires étrangères lors des arbitrages budgétaires.

Enfin, d'après les informations, trop partielles, du fascicule budgétaire jaune, on constate que l'Afrique subsaharienne bénéficie de près de 60 % de l'aide bilatérale, loin devant l'Afrique du Nord (12 %).

Les Pays les moins avancés (PMA) sont les principaux bénéficiaires de l'aide française à hauteur de 37 % de cette aide en 2002-2003.

c) La part du ministère des affaires étrangères

Le budget du ministère des affaires étrangères ne rend que partiellement compte de la réalité de l'aide au développement dans la mesure où, comme nous l'avons souligné, 20 à 25 % de cette aide correspond à des allègements de dette. En outre, le volume précis de l'aide publique au développement ne peut être constaté qu'a posteriori puisque certaines dépenses, comme celles des universités pour l'accueil des étudiants étrangers, ne sont connues qu'à la fin de l'année budgétaire.

En 2005, l'aide publique au développement passera, pour le budget du ministère des affaires étrangères, de 2 044 millions d'euros à 2 204 millions d'euros, soit une progression de 8 %. Cette hausse est principalement due à : l'augmentation de la contribution de la France au Fonds Sida à hauteur de 150 millions d'euros ; la montée en puissance des décaissements du Fonds européen de développement, dont la dotation passe de 565 à 628 millions d'euros ; la progression des crédits alloués à la société civile et, en particulier, aux ONG ainsi qu'aux collectivités territoriales dans le cadre de la coopération décentralisée ; l'augmentation des bourses pour les étudiants étrangers.

Ce budget en progression appelle plusieurs observations de notre part.

Concernant le FED, si l'accroissement des décaissements est un point positif, on peut se demander si les 628 millions d'euros prévus au chapitre 68-02 suffiront en 2005. Interrogé sur ce point, le ministère ne nous a pas apporté de réponses claires permettant de savoir si des redéploiements budgétaires seront ou non nécessaires en cours d'exercice.

La même interrogation peut aussi être formulée à l'égard du Fonds de solidarité prioritaire (chapitre 68-91) qui passe de 148 millions d'euros en 2004 à 164 millions d'euros en 2005 en crédits de paiement.

Nous porterons ainsi beaucoup d'attention à l'exécution de la loi de finances pour 2005 pour nous assurer que les garanties obtenues en 2004 par le ministère des Affaires étrangères, par exemple en termes de gels budgétaires, ne seront pas mises à mal par la sous-évaluation de certains chapitres.

d) Une exécution du budget 2004 plus satisfaisante

Les chiffres ainsi affichés en termes de progression de l'aide publique au développement correspondent à une réalité et non à un effet d'annonce car, pour atteindre cet objectif fixé par le Président de la République, le ministère des affaires étrangères n'a pas été touché par des mesures de gel ou d'annulation de crédits sur ses dotations obtenues en loi de finances initiale. Il s'agit d'un progrès notable par rapport aux deux années précédentes puisque les crédits de coopération internationale et de développement du ministère des affaires étrangères avaient subi une régulation budgétaire de 39 millions d'euros en 2002 puis de 51 millions d'euros en 2003. Pour compléter ce tableau, on doit ajouter qu'en 2003, 50 millions d'euros ont été annulés sur le chapitre « Participation de la France au Fonds européen de Développement (FED) », à la suite de la faiblesse des décaissements communautaires.

Ces gels subis en 2002 et 2003 se sont avérés gênants pour l'exécution des programmes de coopération technique du ministère des affaires étrangères. Nous avions d'ailleurs souligné ces inconvénients dans notre rapport sur le projet de loi de finances pour 2004. On doit constater cependant que de tels gels ont été sans effet sensible sur les montants globaux de l'aide publique au développement française car, parallèlement les annulations de dette ont connu une forte progression.

2) Les novations apportées par la loi organique relative aux lois de finances

a) Une mission budgétaire : l'aide publique au développement

La mise en place de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF) va modifier les conditions dans lesquelles sera présentée l'aide publique française au développement(6), notamment par la production de nouveaux documents comme le projet annuel de performance. Ce projet annuel de performance sera résolument tourné dans la direction « d'une gestion orientée vers les résultats » et portera sur environ 85 % des crédits budgétaires des ministères inscrits dans le fascicule jaune au titre de la coopération avec les pays en développement et sur environ 40 % de l'effort engagé au titre de l'aide publique au développement. Cette différence de périmètre ne facilite pas les comparaisons avec les documents actuels.

Dans le cadre de la préfiguration de la LOLF, nous disposons ainsi cette année d'un avant-projet annuel de performance portant sur l'aide publique au développement. Ce document constitue donc une annexe explicative du projet de loi de finances dont la publication est prévue par l'article 51 de la LOLF. Il ne s'agit bien cette année que d'un avant-projet puisque le dispositif prévu à l'article 51 n'entrera réellement en vigueur que pour le projet de loi de finances de 2006.

L'aide publique au développement constitue l'une des 47 missions prévue par la LOLF. Elle est subdivisée en deux programmes : l'aide économique et financière au développement dont le ministre de l'économie et des finances est responsable ; la solidarité à l'égard des pays en développement qui incombera au ministre des affaires étrangères.

Le document dont nous disposons cette année permet de cerner le périmètre de ces deux programmes pour 2004 et 2005.

Le tableau suivant en rend compte :

Programmes

Ministère

LFI 2004

PLF 2005

Aide économique et financière au développement

Economie, finances et industrie


  942.778.000


  886.715.000

Solidarité à l'égard des pays en développement

Affaires étrangères

1.826.272.874

1.987.624.810

2.769.050.974

2.874.339.810

Montants exprimés en euros

b) Le premier programme : « Aide économique et financière au développement »

Les finalités du programme « Aide économique et financière au développement » telles que définies par ce projet annuel de performance sont de réduire la pauvreté et de participer à l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le développement et au respect par la France des engagements pris à Barcelone en 2002 dans le cadre de l'Union européenne, en vue de la conférence sur le développement de Monterrey.

Il appartient au Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) de définir les priorités d'affectation au sein de ce programme. Ces priorités résultent aussi des engagements pris par la France dans les principales enceintes internationales comme le G8 ou l'ONU.

Le responsable du programme « Aide économique et financière au développement » est le directeur du Trésor. L'Agence française du développement joue un rôle essentiel au sein de ce programme.

Ce programme est lui-même divisé en trois actions :

- Action n° 1 : Aide économique et financière multilatérale : la France intervient en participant aux banques multilatérales de développement ainsi qu'aux fonds généraux ou sectoriels afin aider les pays en développement à atteindre les Objectifs du Millénaire.

- Action n° 2 : Aide économique et financière bilatérale : cette action est principalement mise en œuvre par le biais de l'Agence française de développement. Le présupposé de cette action telle que définie dans l'avant-projet annuel de performance est qu'il est nécessaire de rétablir ou de soutenir la stabilité macro-économique des Etats que nous aidons. Les financements bilatéraux ont, de ce point de vue, une importance particulière pour permettre à ces Etats de faire face à des déséquilibres de leurs finances publiques et pour engager, de manière plus structurelle, des réformes destinées à réduire leur pauvreté. Cette aide bilatérale est mise en œuvre au moyen de crédits budgétaires et via un compte spécial du Trésor intitulé « Prêts du Trésor à des Etats étrangers et à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et sociale » (CST 903-07). Ainsi sont financés des prêts du Trésor accordés à l'AFD à des conditions très privilégiées. L'Agence finance ensuite, elle-même, des projets sur le terrain. Des dons également sont accordés aux Etats dans le cadre de cette action, notamment pour l'aide à la réalisation de projets d'investissement, par le financement d'études de faisabilité. La direction des relations économiques extérieures (DREE) joue un rôle essentiel puisqu'elle sélectionne les projets qui ont les meilleures chances d'être réalisés et financés. Elle prend évidemment soin de vérifier que des entreprises françaises sont susceptibles de participer à la réalisation de tels projets afin de promouvoir le savoir-faire et les technologies de notre pays.

- Action n° 3 : Traitement de la dette des pays pauvres : Le traitement de la dette par la France a pour objet de rendre soutenable le poids financier de celle-ci par les pays concernés ou de faire face à une crise temporaire de liquidité. Le Club de Paris, groupe informel de créanciers publics, joue ici un rôle essentiel, la France allant parfois au-delà des solutions préconisées par ce club principalement en faveur des pays de la zone de solidarité prioritaire et des pays éligibles à l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Le traitement de la dette est mis en œuvre via des crédits budgétaires et un compte spécial du Trésor (« Prêts du Trésor à des Etats étrangers pour la consolidation de dettes envers la France », CST 903-17). Ces crédits sont ainsi utilisés pour indemniser l'AFD pour les annulations décidées dans le cadre du Club de Paris ou par la France de sa propre initiative.

Afin de mesurer l'impact de ces actions au sein du programme « Aide économique et financière au développement », le Gouvernement a mis en place quatre objectifs ainsi que des indicateurs de résultats conformément à la méthode arrêtée par la LOLF.

L'objectif n° 1  est de promouvoir les orientations stratégiques françaises de développement durable. Cet objectif porte sur l'action de la France au sein des banques multilatérales de développement et des fonds dont notre pays est membre. Il porte aussi sur l'action de l'AFD. L'idée est bien de concourir à la lisibilité, à la concentration et à une sélectivité plus grande de notre aide publique au développement. De ce point de vue la Zone de solidarité prioritaire (ZSP) est un instrument efficace pour poursuivre cet objectif. Il s'agit aussi de s'assurer que les sommes affectées aux agences de développement et aux fonds multilatéraux sont bien utilisées conformément à nos priorités géographiques et sectorielles telles qu'elles sont définies par les CICID. Sans entrer dans un détail auquel on pourra se reporter dans le document de préfiguration de la LOLF, on signalera que les indicateurs choisis pour vérifier que l'objectif n° 1 est bien respecté sont la part des ressources subventionnées de l'AFD, des banques multilatérales de développement et des fonds multilatéraux qui sont affectés aux secteurs prioritaires que sont : l'eau et l'assainissement, l'éducation, la santé et la lutte contre le sida, les infrastructures, l'environnement et le développement durable, l'agriculture et le développement rural. Le second indicateur est la part de ces ressources dans les zones géographiques prioritaires pour la France : l'Afrique subsaharienne et la ZSP.

L'objectif n° 2 est de participer au rétablissement de la stabilité macroéconomique et à la création des conditions de la croissance des pays en développement. La France s'est engagée dans le cadre de sa participation aux Objectifs du millénaire et aux prises de positions de l'Union européenne à Barcelone, à participer financièrement au « rétablissement de la soutenabilité de la dette des pays en développement dans le cadre de l'initiative PPTE ». Les indicateurs choisis sont la part de l'aide budgétaire française qui s'inscrit dans un processus harmonisé entre les bailleurs de fonds et la part des pays qui ont bénéficié, avec succès, de l'initiative en faveur des PPTE.

L'objectif n° 3 est d'assurer une gestion efficace et rigoureuse des crédits octroyés à l'aide au développement. Il est ainsi essentiel de contrôler la solidité financière des institutions de développement.

Cet objectif est accompagné de trois indicateurs. Le premier porte sur le montant des engagements d'aide au développement apportée par l'AFD sous forme de prêts, pour un euro de subvention versé à l'AFD. Le second repose sur la part des projets de l'AFD et de la Banque mondiale qui sont jugés satisfaisants dans la réalisation de leurs objectifs de développement. Le dernier portera sur la part des projets de l'AFD et de la Banque mondiale qui ont connu des problèmes à l'exécution et qui ont fait l'objet de mesures correctrices.

L'objectif n° 4 est de promouvoir l'expertise française dans le domaine du développement durable et de la gouvernance économique et financière. Il s'agit d'améliorer la gouvernance économique et financière et l'efficacité de l'aide au développement, par la coopération technique dans les pays en développement et en transition. Cet objectif a également pour but d'aider, de manière concrète, les maîtres d'ouvrage des pays destinataires de l'aide à faire aboutir leurs projets d'investissement par des études en amont plus complètes et plus conformes aux standards internationaux. En outre, il doit être aussi l'occasion de promouvoir les technologies françaises et notre savoir-faire dans ces projets par la participation de nos entreprises. Là encore, trois indicateurs sont proposés pour mesurer l'accomplissement de cet objectif. Le premier est fondé sur le nombre de jours consacrés à l'assistance technique internationale par le ministère de l'économie et des finances par euro de crédit budgétaire affecté au groupement d'intérêt public Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières (ADETEF). Le second indicateur repose sur la part des études préalables terminées ayant donné lieu à la réalisation du projet d'investissement. Le troisième reprend enfin le précédent indicateur mais en s'attachant à la part des études pour lesquelles au moins une entreprise française participe à la réalisation.

c) Le second programme « Solidarité à l'égard des pays en développement »

Le second programme composant la mission « Aide publique au développement » est celui intitulé « Solidarité à l'égard des pays en développement » qui sera mis en œuvre par le ministère des Affaires étrangères.

Il est subdivisé en six actions :

Actions

LFI 2004

PLF 2005

Evolution

01

Animation et coordination de l'aide au développement

190     

206     

+ 8,4 %   

02

Affirmation de la dimension culturelle du développement

153     

143     

- 6,5 %   

03

Promotion de l'enseignement supérieur et recherche au service du développement

195    

205     

+ 5,1 %   

04

Aide en faveur du développement et éradication de la pauvreté

554     

484     

- 12,6 %

05

Participation aux débats sur les enjeux globaux et aux dispositifs multilatéraux d'aide publique au développement

662     

873     

+ 32 %   

06

Aide aux populations touchées par les crises

71      

76     

+ 7%   

Total

1 825     

1 987     

+ 8,8 %   

Montants exprimés en millions d'euros

Ce programme représente près de 70 % de la mission « Aide publique au développement » et 45 % des crédits du ministère des affaires étrangères. Le responsable de ce programme est le directeur général de la coopération internationale et du développement. Il pourra s'appuyer sur sa direction générale mais aussi sur la direction des Nations unies et des organisations internationales du ministère des affaires étrangères, sur la délégation à l'action humanitaire et sur le service des affaires francophones. En outre, il disposera également des services de coopération d'action culturelle qui, sous l'autorité de l'ambassadeur, sont chargés d'une mission de conception, de mise en œuvre et d'animation des actions de coopération de la France dans les domaines de la culture et du développement.

Venons-en maintenant à chacune des actions.

- Action n° 1 : Animation et coordination de l'aide au développement

Cette action a une vocation transversale. Elle regroupe les activités participant à l'élaboration de la politique de coopération internationale et de développement et veillant à la conformité des programmes et des projets du ministère des affaires étrangères avec les directives arrêtées par le Gouvernement, notamment au sein du CICID. Elle comprend aussi les activités visant à l'articulation et à la cohérence entre les interventions du ministère des affaires étrangères et celles des organisations européennes et internationales. Enfin, elle prend aussi en compte le travail mené en étroite liaison avec les organisations de solidarité internationale (OSI), les entreprises ou les collectivités locales. Cette action porte aussi sur la coordination des moyens sous tous les aspects : financiers, juridiques et humains.

- Action n° 2 : Affirmation de la dimension culturelle du développement

Cette action entend favoriser le développement culturel des pays bénéficiant de l'aide publique au développement. Le France défend, en effet, l'idée que la création artistique et culturelle et la valorisation des œuvres ainsi créées font partie intégrante du développement. Cette idée s'inscrit aussi dans l'attachement que la France porte à la notion de diversité culturelle et qui s'exprime notamment dans son soutien à l'élaboration, sous l'égide de l'UNESCO, d'une convention mondiale sur le sujet. Cette action se concrétise par les programmes de formation d'artistes et des professionnels de la culture. Il s'agit aussi de soutiens aux institutions culturelles comme les musées, les salles de spectacles, les bibliothèques. Entrent également dans le cadre de cette action des soutiens à des fonds d'aide au cinéma ainsi que la promotion de la langue française.

Pour cette action, le ministère des Affaires étrangères s'appuie évidemment sur le réseau des 79 centres et instituts culturels et des 139 alliances françaises ainsi que sur des organes comme R adio France Internationale, TV5, Canal France International ...

- Action n° 3 : Promotion de l'enseignement supérieur et recherche au service du développement.

La finalité de cette action est double. Dans les pays en développement, il s'agit de contribuer au développement par la formation des futures élites et le soutien aux activités de recherche. Il est également question de renforcer l'influence française au service de nos intérêts en soutenant des coopérations dans les domaines universitaires et de la recherche et en contribuant à la formation d'élites liées à notre pays. Dans ce domaine, le ministère des Affaires étrangères travaille évidemment en liaison avec les ministères de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'accent est ainsi mis sur le renforcement de l'attractivité de la France pour les étudiants et les chercheurs étrangers conformément au plan lancé par le Premier ministre à La Baule en juin 2003. Comme a pu l'indiquer le Ministre délégué à la Coopération, au développement et à la francophonie, un effort sera engagé au profit des bourses d'excellence. Cette action entend aussi favoriser la participation des pays du Sud aux débats scientifiques internationaux, notamment ceux liés au développement durable.

- Action n° 4 : Aide en faveur du développement et éradication de la pauvreté

La notion de lutte contre la pauvreté est entendue de manière très large par le ministère des affaires étrangères. Au-delà des seuls critères économiques, l'idée de développement englobe aussi le respect des droits fondamentaux de la personne humaine, l'accès aux soins, à l'éducation, aux infrastructures de base et aux ressources naturelles. Dans le cadre de cette action, les secteurs sur lesquels l'accent est porté sont : la santé (soins primaires, accès aux médicaments, lutte contre les endémies et, en particulier, contre le sida), l'éducation (enseignement de base), l'agriculture (sécurité alimentaire et organisation des filières de production), les entreprises (création d'un environnement juridique favorable, développement du secteur productif local avec un appui aux PME-PMI et aux plus petites entreprises), les ressources naturelles, l'aménagement du territoire.

- Action n° 5 : Participations aux débats sur les enjeux globaux et aux dispositifs multilatéraux d'aide publique au développement

Cette action concerne les activités du ministère des affaires étrangères qui visent à exposer et à promouvoir les opinions et les positions françaises dans les enceintes européennes et internationales compétences pour les questions de développement.

L'influence de notre pays dans ce domaine est importante, à hauteur de l'effort qu'il fournit. Ainsi la France est, depuis 2002, le premier contributeur du FED avec près du quart des contributions totales. Dans le cadre de l'ONU, la France entend orienter son action dans trois directions : participer à la définition des normes et des objectifs, en faisant la promotion de nos conceptions en matière de régulation de la mondialisation et d'aide au développement ; exercer une influence dans les processus de décision des agences opérationnelles ; utiliser le savoir-faire de ces agences dans les zones géographiques et les secteurs correspondants à nos priorités.

- Action n° 6 : Aide aux populations touchées par les crises.

Est-il besoin de souligner que la diplomatie française est particulièrement engagée dans le domaine humanitaire qu'elle a contribué à faire émerger au sein de la communauté internationale ? L'aide aux populations touchées par les crises passe par l'aide humanitaire d'urgence mais également par des actions dites de « sortie de crise ». A cet égard, a été créé en 2002 un fonds budgétaire de « post-crise » au sein du budget du ministère des affaires étrangères et, en 2004, le FSP « sortie de crise ».

A côté de ces six actions, le programme « Solidarité à l'égard des pays en développement » renvoie aussi à six objectifs :

- objectif n° 1 : mettre en œuvre les Objectifs du Millénaire ;

- objectif n° 2 : Contribuer à la gouvernance démocratique et à la consolidation de l'Etat de droit ;

- objectif n° 3 : Promouvoir le développement par la culture, la formation et la recherche ;

- objectif n° 4 : Renforcer le partenariat mondial pour le développement dans un cadre européen et multilatéral ;

- objectif n° 5 : Réagir aux catastrophes humanitaires et participer aux plans de reconstruction ;

- objectif n° 6 : Assurer un service culturel et de coopération de qualité.

Nous ne présenterons pas le détail des vingt-et-un indicateurs de résultats conçus pour ce programme « Solidarité à l'égard des pays en développement ». On renverra pour cela à l'avant-projet annuel de performance des programmes consacré à l'aide publique au développement. Citons simplement, par exemple, celui relatif aux nombres de cadres formés avec l'appui de la France pour l'objectif n° 2 « Contribuer à la gouvernance démocratique et à la consolidation de l'Etat de droit », ou celui pour l'objectif n° 3 « Promouvoir le développement par la culture, la formation et la recherche », qui porte sur la part moyenne des programmes locaux dans les grilles de télévision dans la ZSP ou le nombre par grandes zones géographiques des étrangers diplômés des deuxième et troisième cycles de l'enseignement supérieur français.

Que conclure de la mise en place de ce nouveau dispositif budgétaire ? Nous l'avons présenté avec suffisamment de détails pour montrer le degré d'élaboration de ce projet annuel de performance. Derrière ce document, apparaît une réflexion véritable sur les conditions de conception et de mise en œuvre futures de notre aide publique au développement. Mais nous en sommes aujourd'hui aux prémices. Les différents indicateurs de performance ne sont pas renseignés dans l'avant-projet qui nous est soumis. Nous devrons donc attendre l'an prochain pour mesurer le véritable intérêt de ce document, sachant qu'il appartiendra au Parlement de faire connaître son avis sur la pertinence de ces indicateurs dans les mois qui viennent. On ose espérer que cet instrument nouveau permettra réellement, au-delà de cet effort de rationalisation qui peut prendre parfois des apparences bureaucratiques, d'améliorer l'efficacité de notre action en faveur du développement.

3) Le rôle de l'Europe et de l'ONU

a) L'Europe : le 3e donateur au monde

L'Europe prise au sens large, c'est-à-dire la Communauté Européenne et ses Etats membres fournit 55 % du total mondial de l'aide publique au développement. La Communauté gère un cinquième de cette aide européenne, soit plus de 10 % de l'aide mondiale, pour un montant de 6,5 milliards d'euros en 2002. La Communauté se place ainsi au 3e rang des donateurs après les Etats-Unis et le Japon.

La Commission européenne met en œuvre des actions d'aide extérieure financées de deux manières.

b) Deux canaux de financement : les dotations budgétaires et le Fonds européen de développement

A partir du budget général de l'Union européenne affecté aux relations extérieures - c'est la rubrique 4 - le Conseil des ministres et le Parlement européen, sur proposition de la Commission, décident chaque année de la dotation des différentes lignes budgétaires qui concourent à l'aide communautaire au développement. Le montant de l'aide extérieure financée sur le budget de la Communauté européenne s'est élevé, en 2002, à 4,2 milliards d'euros. Le deuxième canal de financement de l'aide publique au développement européenne est le Fonds européen de développement (FED), alimenté par des contributions des Etats membres. En 2003, le niveau des décaissements du FED s'est élevé à 2,3 milliards d'euros, soit près de 75 % de l'aide publique au développement versée aux 79 pays ACP7.

c) Les modalités de l'aide européenne

Dans les pays du bassin méditerranéen, l'Europe finance essentiellement les projets qui répondent à l'objectif du Partenariat euro-méditerranéen lancé à Barcelone en 1995. A cette fin, la Banque européenne d'investissement articule sa politique de prêts suivant trois axes : le développement du secteur privé et le renforcement du secteur financier local ; la création d'infrastructures de base comme la protection de l'environnement ; le soutien de projets de dimension régionale issus de la coopération entre les pays concernés.

L'Accord de Cotonou, conclu le 23 juin 2000 et entré en vigueur en avril 2003 avec 79 pays ACP, repose sur cinq piliers: la réduction de la pauvreté, le dialogue politique, la participation de la société civile, le nouveau cadre de coopération économique et commerciale (APE) et la réforme de la coopération financière. Au sein des pays ACP, l'action européenne met l'accent sur le soutien au secteur privé. La Banque européenne d'investissement finance aussi, avec des critères d'éligibilité précis, des projets dans les secteurs de l'éducation et de la santé.

d) La question des décaissements

L'une des principales difficultés à laquelle la Communauté européenne est confrontée en matière d'aide au développement est celle de la faiblesse des décaissements. Autrement dit, les projets programmés ne sont pas exécutés à hauteur de ce qui était initialement prévu. Il s'agit d'ailleurs d'un problème qui affecte plus généralement le budget communautaire. On constate qu'en dépit des efforts accomplis, l'accélération des décaissements des crédits d'aide souvent évoquée par la Commission est demeurée modeste. Selon les chiffres d'EuropeAid, cette accélération, qui se serait établie à + 15 % en 2001, aurait connu un renversement de tendance (- 1 %) en 2002, alors qu'un accroissement de 1 % aurait été enregistré en 2003. Les Etats critiquent régulièrement la lourdeur des procédures communautaires qui freinent l'exécution des projets.

Ainsi, le temps nécessaire à la consommation des dotations gérées par la Commission demeure élevé. En 2003, il s'établissait à 6,79 ans pour le programme ALA, 6,34 ans pour MEDA, 4,10 ans pour le FED, 3,55 ans pour Tacis et 2,06 ans pour l'aide alimentaire d'ECHO. En 2003, les engagements et les décaissements de l'aide communautaire ont toutefois progressé, ceux du FED, de MEDA, de CARDS et de l'aide alimentaire atteignant même un niveau record. La durée moyenne nécessaire à la consommation des crédits, tous programmes confondus, s'est établie en 2002 à 3,78 ans contre 4,61 ans en 1999.

Le tableau suivant montre que la question des décaissements n'a pas été résolue :

2001

2002

2003

Engagements budgétaires

3641

3877

3919

Engagements FED

1921

2115

3716

Total

5562

5992

7635

Décaissements budgétaires

3175

3327

3271

Décaissements FED

2124

1902

2366

Total

5299

5229

5637

En millions d'euros

On a toutefois pu observer que des efforts avaient été accomplis, ce qui a conduit à une augmentation du chapitre budgétaire portant sur notre contribution au FED dans le projet de loi de finances pour 2005.

e) La nécessité de ne pas marginaliser les Nations unies en soutenant notamment le PNUD

La France entend préserver le rôle des Nations unies et faire de cette organisation le lieu de règlement des crises internationales. On l'a vu lors de l'affaire irakienne. Or l'action de l'ONU en matière de développement passe pour une large part par le PNUD. Ce programme suscite l'attention soutenue de nombreux pays qui semble s'y investir aujourd'hui avec plus d'intensité. C'est le cas du Royaume-Uni qui s'est engagé à augmenter sa contribution de près de 50 % de 2003 à 2007 pour un montant final de près de 100 millions de dollars. Parallèlement la France verse 16 millions d'euros au PNUD, ce montant est en stagnation en dépit de l'engagement pris par notre pays en mai 2004 lors de la signature d'un nouvel accord cadre avec le PNUD. La France a indiqué alors qu'elle s'efforcerait d'augmenter sa contribution au PNUD parallèlement à l'augmentation de son aide publique au développement. Aujourd'hui, la France est le 3e contributeur mondial d'aide publique au développement mais seulement le 11e contributeur au programme de l'ONU.

Cette situation nous semble devoir être éclairée par le Gouvernement et nous sommes, pour notre part, favorable à un plus grand engagement de la France dans le mécanisme du PNUD, dont les interventions en matière de gouvernance démocratique, de prévention des crises, de développement durable ou de lutte contre le sida s'appuient sur une grande connaissance du terrain et sur une expérience certaine.

Si l'aide au développement revêt à l'évidence un caractère financier, elle ne peut se réduire à une telle approche. Elle suppose aussi que soit conduite une réflexion prospective sur les objectifs que nous souhaitons atteindre et sur les outils que nous devons forger pour rendre notre action plus efficace, au profit des pays en développement.

B - Promouvoir de nouveaux outils pour mener une politique de coopération et de développement à la mesure de nos ambitions

1) Pour l'institution d'une nouvelle structure au profit d'une vision stratégique du développement

a) La réforme de 1998

La réforme de 1998 a créé la Direction générale de la Coopération internationale et du Développement (DGCID) qui a été organisée en fonction des grandes missions de coopération que la France entend mener.

Cette direction générale comprend plusieurs directions sectorielles couvrant quatre grands domaines stratégiques : l'aide au développement et la coopération dans leurs dimensions économiques, techniques et institutionnelles, la coopération culturelle et la promotion de la langue française, la coopération scientifique, universitaire et de recherche, l'action audiovisuelle extérieure et les nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Mais une division sectorielle ne pouvait suffire. Il importe aussi de pouvoir développer une vision globale de notre action de coopération afin de mieux la penser et l'évaluer. Une direction transversale a ainsi été créée, regroupant les fonctions « stratégie, moyens et évaluation ». Une mission pour la coopération non-gouvernementale orientée vers la coopération avec les acteurs de la société civile complète l'organigramme de la DGCID.

b) Le diagnostic du Comité d'aide au développement de l'OCDE et la réaction du Gouvernement

Le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE, qui s'est réuni le 26 mai 2004, a constaté favorablement l'augmentation du volume de l'aide publique française au développement. Il a cependant apporté des recommandations en vue « d'améliorer l'efficacité de l'aide du plus grand donateur européen ». Le CAD a estimé que la gestion de l'aide publique française qui se répartit entre trois entités - ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ministère des affaires étrangères et leur opérateur, l'Agence française de développement -, « peut conduire à des doubles emplois à Paris ainsi que sur le terrain et nécessite un effort accru de coordination ».

Le Gouvernement s'est montré très réactif puisque, lors de la réunion du Comité interministériel de la Coopération internationale et du développement (CICID), qui s'est tenue le 20 juillet dernier sous la présidence du Premier ministre, ont été déterminées de nouvelles orientations afin d'améliorer la coordination entre les différents acteurs institutionnels. Il a ainsi été prévu qu'une convention-cadre, dont l'entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2005, définira les relations entre l'État - et les différents ministères concernés - et l'Agence Française de Développement.

Le contrat d'objectifs entre le ministre des affaires étrangères et l'AFD introduira progressivement une réforme dont l'objet sera de modifier la répartition sectorielle des opérations de dons actuellement gérées par le Fonds de solidarité prioritaire. Ainsi il appartiendra à ce ministère de se charger des domaines suivant : soutien à l'État de droit, à la réforme de l'État, à la gouvernance institutionnelle et financière et à la définition des politiques publiques ; soutien à la coopération décentralisée et non gouvernementale ; appui à la francophonie et à l'enseignement du français ; coopération culturelle et scientifique ; formation et enseignement supérieurs ; recherche. L'AFD s'occupera de l'agriculture et du développement rural, de la santé et de l'éducation de base, de la formation professionnelle, de l'environnement, du secteur privé, des infrastructures et du développement urbain.

Par un décret n° 2004-847 du 23 août 2004 portant organisation de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères et un arrêté du 23 août 2004, les premières dispositions ont été prises afin de simplifier l'organisation interne de la DGCID. Ainsi le service de la coordination géographique a été supprimé et ses missions et personnels désormais intégrés au sein du service Stratégie, moyens et évaluation.

c) L'un des points positifs de la réforme de 1998 : la création de la zone de solidarité prioritaire

A l'occasion de la réforme de la coopération en 1998, le Gouvernement a décidé de la création d'une zone de solidarité prioritaire (ZSP), composée des pays ayant, en vertu de leur situation et des liens qu'ils entretiennent avec la France, vocation à bénéficier de l'essentiel de l'aide publique bilatérale française au développement.

Le décret du 4 février 1998 portant création du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) lui a confié la tâche d'en fixer le périmètre, ce qui fut fait en janvier 1999. Deux critères ont été retenus pour l'inclusion dans la ZSP :

- La situation économique et financière des pays : la ZSP comprend des pays parmi les moins développés en termes de revenus et n'ayant pas accès au marché de capitaux.

- L'impact politique de l'aide bilatérale française. La ZSP doit exprimer la solidarité historique de la France envers les pays en développement francophones mais aussi aider au renforcement de la cohérence régionale de notre action. Les projets doivent permettre la mise en œuvre de synergies entre plusieurs pays faisant partie d'un même ensemble régional.

Le CICID du 20 juillet 2004 n'a pas modifié la liste des pays entrant dans la ZSP. L'Afghanistan a été ajouté à titre provisoire. Au sein de la Zone de Solidarité Prioritaire, la France souhaite maintenir la part prépondérante de l'Afrique qui représente deux tiers environ de notre aide bilatérale et augmenter la part consacrée aux PMA, en vue d'atteindre en 2012 l'objectif des Nations unies de 0,15 % du RNB. Une stratégie d'intervention dans les pays émergents, fondée sur le renforcement de notre influence et la prise en compte des intérêts économiques et politiques de la France, sera élaborée aussi d'ici à la fin 2004.

A ce recentrage géographique, s'ajoute le souci d'adapter nos méthodes d'action en fonction de la capacité des Etats à gérer l'aide internationale. La France entend s'inspirer de la logique d'aide fondée sur la performance utilisée par les banques multilatérales de développement, la Commission européenne et de nombreux bailleurs bilatéraux. Ainsi priorité devrait être donnée aux pays les plus à même de tirer parti de cette aide, notamment en Afrique sub-saharienne. L'introduction de critères de performance pour l'allocation de notre aide s'inscrit dans les principes fondateurs du NEPAD, dans une logique de partenariat.

d) Le rôle du Haut Conseil de la Coopération Internationale

Nous voudrions souligner également le rôle du Haut Conseil de la Coopération Internationale, créé en 1999, qui a pour but de favoriser une concertation régulière entre les différents acteurs de la coopération et de la solidarité internationale. Il a également pour mission de sensibiliser l'opinion publique à ces enjeux. Relevant d'une logique de démocratie participative par sa composition (parlementaires, élus locaux, personnalités qualifiées, représentants d'associations, d'ONG, de syndicats...), cette instance consultative, placée auprès du Premier ministre, émet des avis et des recommandations. Elle a rendu de nombreux rapports sur des sujets généraux, comme en 2002 sur la politique française de coopération et de développement, ou plus précis comme en 2004 la mise en œuvre des Objectifs de Développement du Millénaire dans les domaines de l'eau et de l'assainissement. La qualité de ces contributions fait du HCCI une instance importante dans la réflexion globale sur l'aide au développement.

e) Aller plus loin : pour une approche plus globale de la politique d'aide au développement

L'an passé, nous avions appelé à ce que le ministère des Affaires étrangères devienne le véritable pivot dans le domaine de la coopération et du développement. De ce point de vue, nous avons été entendus, du moins en partie.

Le CICID du 20 juillet dernier a acté le fait que, sous l'autorité du ministère des Affaires étrangères, le Ministre délégué chargé de la coopération et du développement devait assurer le pilotage stratégique de l'aide publique au développement. Il faut s'en réjouir car il nous semble essentiel que cette action de l'Etat soit mue par une vision réellement politique et non par des considérations purement budgétaires ou comptables.

Le CICID a également proposé le renforcement de l'Agence française de développement comme opérateur-pivot de la coopération française. Il nous semble que cette orientation doit passer par une réaffirmation du rôle du ministre des Affaires étrangères et du ministre délégué à l'échelon central et des ambassadeurs, à l'étranger. C'est le sens des conclusions du CICID qui prévoient un avis conforme de l'ambassadeur sur le cadre d'intervention de l'AFD, l'information de l'ambassadeur sur les activités opérationnelles de l'Agence, sa consultation sur les nominations des directeurs d'agence et la cosignature par lui et le directeur général de l'AFD des conventions passées avec les Etats étrangers.

Mais nous estimons qu'il pourrait être aussi envisagé, à terme, d'aller plus loin en faisant de l'AFD une grande agence non seulement opérationnelle mais également chargée de la définition des orientations stratégiques de notre politique d'aide, avec à sa tête une équipe de direction reconnue dans laquelle stratégie et financement iraient de pair.

On pourrait, à cet effet, se pencher sur la manière dont le Royaume-Uni a réformé son dispositif en ce domaine. En 1997, a été créé le Department for International Development (DFID), district du Foreign Office, dirigé par un Secrétaire d'Etat au développement international, ministre de plein exercice, qui siège dans le Gouvernement. La croissance rapide de l'aide engagée par le Royaume-Uni, qui est de 0,32 % du RNB - encore inférieure cependant à celle de la France - s'explique sans doute aussi par une volonté politique plus clairement affirmée grâce à cette réorganisation.

Nous appelons de nos vœux une véritable réflexion sur ce sujet, les évolutions que nous observons actuellement nous semblant déjà aller dans le bon sens.

2) Valoriser l'épargne des migrants

Nous souhaitons aborder ici un sujet qui nous tient particulièrement à cœur : la valorisation de l'épargne des migrants. Nous partageons notre intérêt pour cette question avec quelques uns de nos collègues, dont M. Jean-Pierre Brard, avec lequel nous avons signé une proposition de loi en juillet dernier, enregistrée sous le n° 1687. Son titre résume notre position : mobiliser l'épargne des travailleurs migrants en France au service du développement de leur région et en faveur de projets productifs.

a) Une forme de participation

La problématique de l'épargne des migrants est, en effet, au carrefour de la plupart des grandes questions relatives au développement des pays du Sud : la solidarité des migrants avec leur pays d'origine, le caractère essentiel des transferts financiers du Nord vers le Sud, le retour au pays, le développement partagé. Elle nous oblige ainsi, nous qui accueillons ces travailleurs expatriés, à nous pencher sur la manière dont les sommes que ces hommes et ces femmes gagnent, par leur labeur, sur notre territoire peuvent contribuer à développer leur pays d'origine. Elle nous conduit aussi à faire le constat d'une carence de notre système bancaire et financier qui ne porte pas assez d'attention aux populations immigrées.

Valoriser l'épargne des migrants c'est aussi porter un autre regard sur ces personnes qui font souvent de lourds sacrifices pour soutenir leurs familles et leurs amis dans leur pays d'origine. C'est en mettant chacun devant ses responsabilités une certaine manière de concevoir l'égalité des individus dans la dignité. La logique mise ici à l'œuvre n'est pas totalement étrangère à celle de la participation, grand projet gaulliste qui nous semble toujours d'actualité.

b) Des transferts considérables mais peu tournés vers l'investissement productif

Les transferts des travailleurs migrants vers leur pays d'origine représentent des montants impressionnants. Chaque travailleur émigré aide financièrement cinq à six personnes en moyenne dans son pays natal ; on peut donc considérer que 200 à 250 millions de personnes à travers le monde bénéficient ainsi du soutien d'un ami ou d'un parent travaillant à l'étranger. Le Fonds monétaire international estimait le volume de tels transferts à plus de 105 milliards de dollars en 1999 (8). Ce chiffre ne rend évidemment pas compte de la réalité puisque bon nombre de ces transferts échappent aux circuits formels ou prennent la forme d'envois en nature. Dans certains pays, ces transferts informels représenteraient au moins le double, voire le triple des chiffres officiels. Selon le PNUD, de tels transferts dépassent pour certains pays le montant de l'aide publique au développement dont ces Etats bénéficient. C'est le cas ainsi pour le Maroc : avec un montant de 5 milliards de dollars par an, ces transferts représentent six fois le déficit de la balance commerciale et deux fois l'aide publique au développement reçue annuellement. Pour l'Inde, ce même montant équivaut à un cinquième des recettes d'exportations, deux fois le déficit de la balance commerciale et trois fois l'aide publique au développement reçue. Pour le Mexique, les quatre milliards de dollars transférés par an représentent dix fois l'aide dont bénéficie ce pays. On le voit, les montants en cause sont essentiels pour les pays du Sud. Pourtant, leur impact sur le développement économique reste encore trop limité.

De tels transferts vers le pays d'origine sont destinés au soutien de la famille mais aussi à des investissements futur, immobiliers ou portant sur des projets économiques. Ils peuvent représenter de 15 à 65 % des salaires perçus par l'émigré. Ces transferts ont évidemment des effets bénéfiques pour les pays d'origine des migrants. Ils font figure de ressources régulières qui ont un effet stabilisateur sur les économies locales notamment en période de crise. Ils constituent aussi - est-il besoin de le souligner ? - un moyen pour les familles des migrants au sens large du terme de survivre dans des régions frappées par le marasme. Pourtant, nous devons constater que l'emploi de ces sommes d'argent est marginalement dirigé vers des investissements productifs, à hauteur de 11 % en moyenne selon l'étude du CFSI.

La faiblesse de ces investissements s'explique par des obstacles locaux que nous pourrions contourner en instituant un système bancaire et financier de valorisation de l'épargne des migrants. On doit malheureusement constater que les banques des pays du Sud prêtent trop peu aux individus qui souhaitent développer une activité économique. Lorsqu'elles y consentent, ces prêts sont accordés à des taux élevés. En outre, l'instabilité politique, la corruption, l'insécurité, la faiblesse des structures d'encadrement ou de conseil limitent les initiatives.

Pourtant, combien peut être utile pour le développement d'une localité, d'un village, d'une région, la création d'une entreprise par un travailleur migrant qui revient dans son pays après avoir accumuler une épargne suffisante lors de son séjour en Europe. Il peut suffire d'une initiative économique parfois pour stimuler l'activité locale. De telles actions permettraient de contrecarrer les effets négatifs des transferts de fonds dont on ne peut nier l'existence. De tels transferts conduisent, en effet, souvent à la transformation des habitudes de consommation qui impliquent dans de nombreux cas une augmentation des biens importés. Cette manne peut aussi introduire des phénomènes de rentes qui peuvent détourner certaines populations de la production agricole. Elle peut aussi avoir un effet inflationniste et augmenter la dépendance des familles.

c) Les formes actuelles des transferts

Quelles sont les formes des transferts aujourd'hui ? On doit distinguer les transferts formels et informels. Les premiers passent par des sociétés spécialisées comme la Western Union, dont les coûts sont relativement élevés pour les migrants. Ils peuvent aussi emprunter la voie du mandat postal. C'est un procédé simple mais qui a l'inconvénient d'être moins rapide que le précédent et ne permet pas d'éviter totalement les détournements que certains migrants craignent d'après les études que nous avons citées. Les transferts bancaires sont les plus sûrs. Mais ils supposent que le destinataire de la somme envoyée soit également titulaire d'un compte bancaire ce qui ne va pas de soi dans les régions isolées. Les voies informelles sont empruntées, selon l'étude du CFSI, pour plusieurs raisons : habitudes enracinées de longue date, méfiance envers le système bancaire, besoins réels ou perçus du secret, méfiance envers les autorités, difficultés d'accès au système bancaire - par exemple en cas de séjour illégal - coût des transferts formels.

d) Le désintérêt des institutions bancaires et financières

On doit constater que les banques françaises ne s'intéressent pas réellement à cette question. Elles n'offrent pas de produits spécifiques adaptés aux besoins des travailleurs migrants. La valorisation de l'épargne se fait sur notre territoire mais elle est presque impossible dans le pays d'origine. Epargner en France ne permet pas de bénéficier ensuite d'un prêt intéressant pour créer son entreprise ou se faire construire une maison dans son pays. En 1998, quelques banques, pour l'essentiel mutualistes, ainsi que la Caisse des dépôts et consignations avaient créé un Club des banquiers pour forger une réflexion et faire des propositions pour le financement du développement international. Des propositions avaient alors été faites en novembre 1998 à la Mission interministérielle au codéveloppement et aux migrations internationales (MICOMI) pour l'adaptation d'un produit d'épargne au public migrant. Il s'agissait de créer un produit s'inspirant du livret A ou du plan d'épargne logement qui permettrait de diriger son épargne après une période minimale de détention vers un projet de développement économique dans son pays d'origine : des investissements directs dans des projets de création d'entreprises, de logement ou d'équipements d'intérêt général ; des transferts vers des produits d'épargne équivalent dans le pays d'origine ; des souscriptions à des emprunts municipaux ou régionaux ... Ces propositions n'ont pas connu de suites réelles.

e) Des initiatives intéressantes

Certains pays en développement ont compris tout l'intérêt qu'ils avaient à drainer cette épargne vers leur système bancaire. On peut citer parmi d'autres les initiatives de la Banque de l'habitat du Sénégal qui a mis en place des produits spécifiques comme le compte et le plan épargne retour, plus précisément dans le domaine immobilier. On peut aussi évoquer la politique très volontariste du système bancaire marocain très présent en France pour collecter l'épargne des ressortissants marocains qui travaillent dans notre pays.

Les initiatives proviennent aussi des pays développés. Prenons l'exemple de l'Espagne. La Caja Madrid et la Caja de Murcia ont mené une expérience avec la Banco solidario en Equateur, qui a mis au point un éventail très complet de produits financiers destinés aux immigrés équatoriens en Espagne. Ces banques favorisent ainsi l'utilisation des fonds transférés vers des projets immobiliers ou de développement économique.

En France, on peut aussi faire état d'initiatives locales très intéressantes, comme celle engagée dans la commune de notre collègue Jean-Pierre Brard, à Montreuil. Un jumelage a été conclu entre cette municipalité et le cercle de Yelimane au Mali, la majorité des Maliens présents à Montreuil étant originaire de ces 90 villages constituant ce cercle dans la région de Kayes. Plusieurs plans triennaux ont été mis en place en mettant à contribution financièrement les migrants.

f) Le soutien du Haut conseil de la coopération internationale

La mise en place de tels programmes n'est pas simple et butte parfois sur les réticences des travailleurs migrants qui souhaitent soutenir en priorité leur famille par le fruit de leur travail. Mais il y a là des perspectives très stimulantes dont l'avis de janvier 2002 du Haut conseil de la coopération internationale intitulé : « Le rôle des migrants, élément essentiel d'une nouvelle politique de coopération », n'avait pas manqué de souligner l'importance. Rappelons quelques unes des observations contenues dans ce document : « Il est paradoxal que des montants qui, pour certains pays, sont supérieurs à l'aide publique au développement reçue, soient traités comme s'ils n'existaient pas. Un travail d'ingénierie doit aboutir à la mise en place de circuits financiers favorisant l'investissement de l'épargne issue de l'immigration dans le développement, en particulier dans le domaine de la création d'activités génératrices de revenus et d'emplois. (...) Il convient d'encourager la mise en place et de développement de systèmes de cautionnement, de fonds de garantie ou de capital-risque pour satisfaire les besoins financiers des entreprises. Les restrictions à l'utilisation hors de France de l'épargne constituée par les personnes issues de l'immigration doivent être levées, notamment dans l'optique que celle-ci leur permette de constituer, dans leur pays, un capital utile au cautionnement des entreprises de membres de leurs familles ».

Comme nous l'écrivons dans l'exposé des motifs de notre proposition de loi, le co-développement, le développement partagé, peut contribuer à réduire les tensions internationales, à lutter contre le déracinement, à créer des échanges économiques entre partenaires également dignes.

g) Pour un livret d'épargne développement

C'est pourquoi M. Brard et moi-même avons proposé de créer un dispositif financier et technique appelé Livret d'Epargne pour le développement.

Avec ce dispositif, le travailleur migrant, comme toute personne résidant sur le territoire national, pourrait orienter ses placements en faveur d'une offre de crédit adaptée à ses projets d'investissements en France comme dans son pays d'origine. Un taux de rémunération incitatif permettrait en outre, dans le cadre d'accords bilatéraux, de soutenir : le développement de l'investissement productif correspondant à la satisfaction des besoins durables des familles mais également le plan général de développement du pays d'origine et l'émergence de structures locales de crédit. L'objectif est bien de promouvoir des initiatives pérennes et de favoriser la mise en place d'un tissu économique et social, facteur de développement durable.

L'épargne serait collectée par tout établissement financier déjà chargé de l'organisation de la gestion du Livret A et gérée ensuite par la Caisse des Dépôts et Consignations. Elles seraient alors affectées, par répartition, à un fonds dans chaque pays d'origine dont la gestion sera soumise à un accord bilatéral. Les études montrant la nette préférence des travailleurs migrants pour une épargne liquide, ceux-ci pourraient demander la restitution de leur épargne à tout moment, le taux d'intérêt en vigueur étant appliquées à ces sommes.

Pour l'heure, cette initiative soutenue par de nombreuses associations impliquées dans le domaine du développement n'a pas encore connu l'accueil que nous pouvions espérer de la part du Gouvernement et des structures administratives et financières. A cet égard, la réponse apportée à la question que nous avons posée au ministère illustre la position d'attente qui est celle des instances officielles aujourd'hui. Une étude serait en cours au ministère des affaires étrangères. Nous formons le vœu qu'elle aboutisse rapidement et que des dispositions concrètes fassent rapidement écho à notre proposition de loi. Nous serons extrêmement vigilants sur ce point et prêts à soutenir le Gouvernement s'il rencontre des réticences de la part des structures bancaires et financières.

*

*          *

Au terme du panorama ainsi dessiné de notre action en faveur du développement, votre Rapporteur pour avis vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la Coopération et du développement pour 2005.

AUDITION DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU MINISTRE DÉLÉGUÉ A LA COOPÉRATION, AU DÉVELOPPEMENT
ET A LA FRANCOPHONIE - 5 OCTOBRE 2004

M. Michel Barnier, Ministre des Affaires étrangères, a présenté le budget de son ministère pour 2005. Il a précisé que ce budget était en hausse de 4,43 % par rapport à 2004, cette augmentation s'expliquant d'une part par des transferts venant d'autres ministères et d'autre part, par une augmentation de l'aide publique au développement. A périmètre constant, l'augmentation est de 1,20 %. Quant à la part du ministère des Affaires étrangères dans le budget de l'Etat, elle passe de 1,51 % à 1,58 %.

Le Ministre des Affaires étrangères a estimé que ce budget prenait en compte les priorités de notre politique étrangère, notamment l'aide au développement, avec une augmentation de 14 % des crédits APD du ministère des Affaires étrangères ; la gestion des crises, avec l'engagement reçu que les éventuels ajustements nécessaires ne feront pas l'objet d'un redéploiement interne au budget du ministère ; la promotion de l'idée européenne, avec une augmentation de 69 % des crédits ; enfin, le financement de la réforme du droit d'asile, avec une augmentation de 18 % des crédits de l'OFPRA.

Pour conclure, le Ministre des Affaires étrangères a indiqué qu'il faudrait être très vigilant quant à l'exécution de ce budget afin qu'il ne subisse ni gel ni annulation, grâce notamment à l'appui de la représentation parlementaire.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, a déclaré que l'aide publique au développement constituait la première priorité de la politique étrangère de la France. Le Président de la République, qui y attache une grande importance, a ainsi pris l'engagement de consacrer à cette aide 0,5 % du PIB en 2007 et 0,7 % en 2012. Si, à la fin des années quatre-vingt-dix, cette aide avait fortement diminué, de sorte qu'en 2001, elle ne représentait plus que 0,32 % du PIB, cette tendance s'est aujourd'hui inversée, puisque l'aide a atteint 0,38 % du PIB en 2002 et 0,41 % en 2003 et devrait représenter 0,42 % en 2004. Pour 2005, l'objectif fixé est, quant à lui, de 0,44 % du PIB.

L'augmentation de l'aide publique au développement est donc considérable, le budget qui est soumis à la Commission n'en rendant cependant compte que partiellement. Ainsi les allègements de dette n'apparaissent pas dans le budget, alors qu'ils représentent aujourd'hui 20 à 25 % de l'aide. En outre, le volume précis de l'aide publique au développement ne peut être constaté qu'a posteriori, puisque le montant exact de dépenses comme celles des universités pour l'accueil d'étudiants étrangers ou celles de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger destinées à la scolarisation d'élèves dans les établissements français à l'étranger ne sont connues qu'à la fin de l'année budgétaire.

A cet égard, il importe d'insister sur le rôle de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, dont le budget atteint 324 millions d'euros, et dont le vaste réseau d'enseignement devra prendre une dimension plus européenne. En outre, dans les pays pauvres, il sera nécessaire de tirer davantage parti de ce réseau pour mener des actions de coopération. Une communication sera d'ailleurs prochainement faite en Conseil des ministres sur ce point.

Dans le cadre de la réforme de la loi de finances, la future mission interministérielle intitulée « aide publique au développement » ne rassemblera qu'un peu moins de la moitié des crédits consacrés à cette aide. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de renforcer la visibilité politique de son action en ce domaine. Dans ce but, le Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) du 20 juillet dernier a fixé les orientations suivantes : le Ministre chargé de la coopération est désigné comme chef de file de l'aide publique au développement française ; un document de politique transversale, qui se substituera à l'actuel « jaune budgétaire », sera présenté chaque année au Parlement afin de clarifier notre politique d'aide au développement ; notre aide, plus sélective, sera en particulier orientée vers les Objectifs du Millénaire pour la réduction de la pauvreté ; elle fera l'objet d'un dialogue avec les autorités de chaque pays concerné, un document cadre de partenariat étant réalisé sous l'égide de nos ambassadeurs. Il convient enfin d'insister sur la clarification des rôles de chaque intervenant dans la mise en œuvre de l'aide. Il appartiendra au ministère des Affaires étrangères de définir les stratégies alors que l'Agence française de développement les mettra en œuvre.

En 2005, l'aide publique au développement passera de 2 044 millions d'euros à 2 204 millions d'euros, soit une progression de 8 %. Cette hausse s'explique par : la décision du Président de la République de contribuer chaque année au Fonds SIDA à hauteur de 150 millions d'euros ; la montée en puissance des décaissements du Fonds européen de développement, dont la dotation passe de 565 à 628 millions d'euros ; la progression des crédits alloués à la société civile et, en particulier, aux ONG ainsi qu'aux collectivités territoriales dans le cadre de la coopération décentralisée ; l'augmentation des bourses pour les étudiants étrangers en France, un effort étant notamment engagé au profit des bourses d'excellence.

Au-delà du recours au budget de l'Etat, il est nécessaire de trouver également de nouvelles sources de financement. A titre d'exemple, l'initiative du Président de la Banque mondiale pour scolariser tous les enfants d'Afrique ne coûterait que 3 milliards de dollars par an, montant négligeable au regard de la richesse mondiale. Pourtant il est impossible de trouver aujourd'hui un financement pour ce projet, notamment en raison du caractère récurrent de dépenses sur lesquelles les Etats, soumis au principe d'annualité budgétaire, ne peuvent pas s'engager dans la durée. En dépit de l'opposition des Etats-Unis, l'idée d'instaurer une taxe internationale a progressé, 120 pays ayant d'ores et déjà approuvé cette démarche initiée par les Présidents Lula et Chirac aux Nations unies le 20 septembre dernier. Comme le souligne le rapport remis au Président de la République par M. Jean-Pierre Landau, qui est consacré aux nouvelles contributions financières internationales, il est techniquement possible de mettre en place des taxes internationales pouvant porter sur les transports aériens ou maritimes, les transactions financières ou les dépenses d'armement.

Il convient enfin d'évoquer la proposition des Etats-Unis et du Royaume-Uni consistant à annuler unilatéralement les dettes des pays pauvres. Si cette initiative rencontre un accueil favorable des populations, elle pose cependant la question de l'avenir d'institutions comme la Banque mondiale dans l'hypothèse où l'on substituerait aux prêts internationaux un système de dons, la Banque perdant alors son objet même.

Revenant sur la corrélation entre l'action de l'aide française au développement et les grandes institutions internationales, M. Jacques Godfrain a fait observer que le dernier G8 avait commencé de s'intéresser à l'épargne des travailleurs migrants qui pourrait contribuer au développement économique de leur région d'origine. A cet égard, il a signalé avoir présenté, avec M. Jean-Pierre Brard, une proposition de loi visant à mobiliser l'épargne des travailleurs migrants en France au service du développement de leur région et en faveur de projets productifs. Par ailleurs, il a estimé que l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires en Afrique (OHADA) était également une initiative intéressante.

M. Jacques Myard a souhaité obtenir des éclaircissements sur l'assise d'une éventuelle taxe internationale. Y a-t-il d'ores et déjà un projet opérationnel en la matière ?

M. Jean-Claude Guibal a interrogé le Ministre des Affaires étrangères sur les principales orientations de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Est-il envisagé de porter les efforts plutôt sur des pays où le français est déjà pratiqué, comme la rive Sud de la Méditerranée ?

M. Michel Barnier a indiqué que, concernant la régulation budgétaire, certes, 21 millions de crédits de report de 2003 ont été annulés, mais globalement la demande du Président de la République de préserver le ministère des Affaires étrangères a été respectée. Quant aux domaines qui pourraient être insuffisamment dotés en 2005 (contributions volontaires, Fonds de solidarité prioritaire, coopération militaire...) le Ministre a reçu l'engagement qu'ils seraient abondés en fonction des besoins, sans recourir à des redéploiements internes au ministère.

M. Xavier Darcos a insisté sur le caractère pluraliste de la commission présidée par M. Jean-Pierre Landau et consacrée aux nouvelles contributions financières internationales. Celle-ci accueillait en son sein des représentants d'ATTAC, d'institutions internationales, d'administrations ou d'ONG. La question de l'instauration de taxes internationales n'est pas de nature technique, le rapport de M. Jean-Pierre Landau ayant proposé des solutions, mais bien d'ordre politique. L'exemple du Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL), doté d'un milliard d'euros, montre qu'il est possible de dégager des moyens financiers sous de nouvelles formes.

L'épargne des migrants constitue, en effet, une ressource importante qui est estimée entre 80 et 100 milliards de dollars qui doivent être rapprochés des 50 milliards de l'aide publique au développement. Ainsi, dans certains Etats comme les Comores, cette épargne est supérieure au budget de l'Etat. Il s'agit donc d'une piste à explorer, les Etats-Unis n'y étant d'ailleurs pas défavorables. L'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) est un projet soutenu par la France qui, dans le cadre de la francophonie, pourrait contribuer à démontrer que la common law ne constitue pas le seul cadre de référence en matière de droit des affaires. Concernant enfin l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, il convient d'insister sur la nécessité de conférer à nos établissements un caractère plus européen et de ne pas renoncer au développement de notre réseau éducatif dans les pays non francophones.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 9 novembre 2004, la Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jacques Godfrain, les crédits de la Coopération et du Développement pour 2005.

M. Jacques Godfrain, Rapporteur pour avis, a estimé que l'année 2005 montrerait, plus encore que les années précédentes, que la coopération et l'aide au développement étaient une ardente obligation. En effet, se tiendra, en septembre prochain, le grand sommet des Nations unies sur les objectifs du millénaire qui aura pour objet d'établir un premier bilan de la mise en œuvre de ces objectifs cinq ans après leur définition. Par ailleurs, le Royaume-Uni a décidé de mettre au cœur de sa présidence du G8, l'an prochain, les questions de développement ainsi que l'Afrique.

Sans revenir sur les difficultés qui frappent les pays du Sud - la Côte d'Ivoire en est malheureusement un exemple - ni sur l'ampleur de la tâche à accomplir, on peut rappeler cependant qu'aujourd'hui plus d'un milliard de personnes vivent dans le plus extrême dénuement.

Si les questions de développement sont au cœur de l'actualité internationale, c'est aussi grâce aux initiatives du Président de la République, prises notamment lors de son intervention à l'ONU en septembre dernier, qui ont connu un formidable écho. La proposition, faite avec le Président du Brésil Lula da Silva, de trouver de nouvelles formes de financement pour l'aide au développement, sur le fondement en particulier des conclusions du rapport remis par M. Landau, a ouvert un large débat. Notre pays, dans le contexte international actuel, peut s'enorgueillir de cette initiative.

Avant d'en venir aux crédits pour 2005, il convient de constater qu'il n'est pas aujourd'hui toujours facile de cerner avec précision l'état de ces crédits pour deux raisons essentielles : c'est uniquement à la fin de l'exercice budgétaire que l'on connaît la réalité du montant de l'aide publique au développement parce que certaines dépenses comme celles, par exemple, relatives à l'aide aux étudiants étrangers ne sont connues qu'à la fin de l'année ; la seconde raison est que cette aide au développement recouvre des réalités diverses entre les dotations budgétaires, les allégements de dette, les crédits relevant du ministère des Affaires étrangères ou ceux du ministère des Finances. On doit ajouter que la nouvelle configuration des crédits de l'aide au développement dans le cadre de la loi organique relative à la loi de finances (LOLF) ne facilitera pas les choses puisque le périmètre délimité pour cette nouvelle mission budgétaire ne correspond pas tout à fait à celui qui sert actuellement de référence. Les comparaisons seront donc difficiles à établir.

Néanmoins et heureusement, nous pouvons nous fonder sur des perspectives claires qui ont été définies par le Président de la République et reprises par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de juillet dernier. L'objectif est, en effet, de parvenir à une aide publique au développement de 0,5 % du revenu national brut en 2007, ce qui constituerait une progression importante. Alors qu'en 2001, ce chiffre était de 0,32 %, il sera en 2004 de 0,42 % et en 2005 de 0,44 % du revenu national brut. L'objectif final est de parvenir à 0,7 % en 2012.

Le Gouvernement a engagé un véritable effort budgétaire puisqu'en 2004 les crédits totaux de l'aide au développement, y compris les allégements de dette, augmenteront de 400 millions d'euros pour atteindre 6,8 milliards d'euros et, en 2005, la hausse sera de 700 millions d'euros pour un montant total de 7,5 milliards d'euros. On constate que l'Afrique subsaharienne bénéficie de l'essentiel de cette aide, soit 60 %.

Les crédits spécifiquement consacrés au développement dans le budget du ministère des Affaires étrangères sont également en hausse de 8 % pour atteindre plus de 2,2 milliards d'euros. Cette augmentation s'explique par deux raisons principales : l'accroissement de la contribution de notre pays au Fonds Sida qui atteindra 150 millions d'euros et la montée en puissance des décaissements du Fonds européen de développement (FED).

On doit se réjouir de la manière dont les crédits pour 2004 ont été exécutés puisque il n'apparaît pas de gel budgétaire pour cette année. Il est satisfaisant de constater que les observations formulées dans les précédents avis budgétaires qui ont été soumis à la Commission sur ce sujet ont été suivies d'effets. Nous devons néanmoins demeurer vigilants sur les conditions d'emploi des crédits en 2005.

L'attention du Rapporteur pour avis a été aussi appelée sur les contributions françaises aux programmes de l'ONU et en particulier au PNUD. De l'ordre de 16 millions d'euros pour ce programme précis, elles ne connaissent pas de hausse en 2005, ce qui suscite de la part des autorités des Nations unies une forme d'inquiétude. Il semble que nous devrions porter de l'attention à cette question car si la diplomatie française entend, de plus en plus, s'appuyer sur l'ONU, il ne faudrait pas que notre politique en matière de développement semble se désintéresser de ces institutions. On doit ajouter qu'il apparaît que le Royaume-Uni engage un grand effort en direction des programmes de l'ONU et met en œuvre une politique d'influence au sein de cette institution. Il nous faut y être attentifs.

Il importe d'aborder aussi les conditions dans lesquelles la politique du développement est décidée en France sur le plan stratégique et opérationnel. La réforme de 1998 a eu certains effets positifs. C'est indéniable. La mise en place en 1999 du Haut conseil de coopération internationale en est un exemple. Elle a permis également de rationaliser certaines procédures et de mieux cibler notre aide, en particulier, dans le cadre de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) qui compte aujourd'hui 55 pays. L'action de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) doit être sur ce point favorablement regardée.

Néanmoins, on doit constater une multiplication excessive des intervenants. Ainsi les relations entre le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l'Economie et des Finances, entre la DGCID et l'Agence française du développement (AFD) sont parfois difficiles et ne permettent pas toujours de dégager des principes clairs d'action. L'OCDE l'a d'ailleurs constaté récemment ce qui a conduit le Gouvernement à réagir. Lors du comité interministériel du 20 juillet dernier, des mesures ont été prises afin de renforcer le rôle du ministère des Affaires étrangères dans la définition des orientations stratégiques en matière de développement. L'AFD se verrait, quant à elle, recentrée vers des objectifs plus opérationnels.

La réforme de 1998 est sans doute allée trop loin et il nous faut aujourd'hui proposer un nouvel instrument de définition et d'exécution de notre politique de développement. Il faut envisager la création d'une grande agence non seulement opérationnelle mais également chargée de la définition des orientations stratégiques de notre politique d'aide, avec, à sa tête, une équipe de direction reconnue et de haut niveau dans laquelle stratégie et financement iraient de pair. Il est, en effet, nécessaire que nous envisagions de manière globale nos modalités d'action et la façon dont nous pouvons les financer.

Sur ce point, nous pourrions nous inspirer de l'exemple britannique qui, depuis 1997, a créé un département ministériel consacré au développement et qui a profondément restauré l'action du Royaume-Uni en la matière. On y a vu émerger une volonté politique très ferme qui aboutit, par exemple, à la priorité donnée à ces questions de développement inscrites à l'ordre du jour du G8 en 2005.

Enfin, il faut rappeler que, outre les conclusions du rapport de M. Landau sur les contributions internationales, il serait nécessaire que nous instaurions désormais un mécanisme de valorisation de l'épargne des migrants. Cette ressource, qui représenterait dans le monde plus de 100 milliards de dollars par an, n'est pas assez orientée vers des investissements productifs. Plusieurs rapports ont mis en évidence la nécessité de mieux utiliser cette épargne. On pourra se reporter sur ce sujet à la proposition de loi signée par le Rapporteur pour avis et M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement a nommé un ambassadeur chargé du co-développement, ce qui est une bonne chose. Mais aujourd'hui, aucun résultat concret n'apparaît et il est temps que ce projet aboutisse à un dispositif opérationnel.

En conclusion, nous pouvons être satisfaits de l'effort important engagé par notre pays pour aider les pays les plus pauvres et il sera proposé d'émettre un avis favorable aux crédits du développement et de la coopération pour 2005 en réitérant cependant la demande de remise en ordre de l'organisation de notre aide publique au développement.

M. François Loncle a salué la grande clarté des propos du Rapporteur pour avis ainsi que sa lucidité sur des dysfonctionnements déjà anciens. Il a, par ailleurs, souhaité insister sur la difficulté à identifier les réalisations relevant de l'aide bilatérale et celles relevant de l'action multilatérale, ce qui rend pertinente toute proposition de simplification. Enfin, il a indiqué que le groupe socialiste souhaitait dénoncer l'anomalie que constitue la faiblesse de la contribution française au budget du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD). En effet, par rapport au Royaume-Uni, la contribution de la France n'a pas augmenté, ce qui traduit un réel déséquilibre entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale. Dans ces conditions, le groupe socialiste émettra un avis défavorable à l'adoption des crédits de la Coopération et du Développement pour 2005 en espérant que l'unanimité soit obtenue à l'Assemblée nationale pour obtenir un effort de la part du Gouvernement français en direction de l'aide multilatérale.

Le Président Edouard Balladur a précisé que l'aide de la France au PNUD était passée de 60 millions de dollars en 1992 à 16 millions d'euros aujourd'hui, ce qui la plaçait au douzième rang des contributeurs.

M. Jean-Paul Bacquet a demandé quelle était la part du budget réservée par la France à la coopération par rapport à la Grande-Bretagne.

M. Richard Cazenave a fait remarquer que la stagnation de nos contributions volontaires mettait notre pays dans une situation délicate eu égard au discours visant à promouvoir le multilatéralisme. Par ailleurs, si l'aide publique au développement doit augmenter d'ici 2007, il faudra que l'aide bilatérale prenne le relais des effacements de dette. Où en est-on réellement de l'extinction de la dette et sait-on quand les crédits bilatéraux du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) seront en mesure de monter en puissance ?

Mme Danielle Bousquet a évoqué un point rarement abordé de l'aide au développement qui est celui de l'aide aux populations via le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP). Lors de la Conférence du Caire en 1994, l'engagement avait été pris d'accorder 9 % des fonds de développement aux organismes s'occupant des populations et du développement. Or, on s'aperçoit qu'il est impossible dans les crédits du ministère des Affaires étrangères de déceler quelle est la part accordée par la France en la matière. Le Rapporteur pour avis dispose-t-il d'éléments en la matière et existe-t-il un espoir que le FNUAP bénéficie d'abondements ?

M. Jacques Godfrain a apporté les éléments de réponse suivants :

- le Royaume-Uni consacre 0,32 % de son revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement, ce qui est inférieur à l'effort français qui atteint 0,44 % du RNB. On constate, néanmoins, une nouvelle dynamique de la politique britannique en matière de développement, liée à la réorganisation des services en charge de ces questions ;

- il est vrai que l'on va assister, dans les prochaines années, à une hausse de notre aide au développement, alors que la part de cette aide qui est représentée par des allègements de dette va, quant à elle, diminuer. Le Gouvernement devra donc trouver de nouvelles dotations budgétaires pour assurer la progression de notre aide en pourcentage du RNB et compenser la disparition progressive des annulations de dette. On doit constater que, pour l'heure, le Gouvernement n'est pas en mesure de nous donner d'indications précises sur les postes budgétaires qui pourraient de ce fait bénéficier d'une augmentation.

- la contribution française au FNUAP s'élève aujourd'hui à 1,22 million d'euros. Il faut, à cet égard, souligner le rôle des collectivités locales en matière d'aide aux populations. La coopération décentralisée, qui n'existe pas réellement dans d'autres pays comme le Royaume-Uni, mais qui est très dynamique en France, permet ainsi de compenser les moyens budgétaires de l'Etat, parfois limités sur certains postes.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Coopération et du Développement pour 2005.

ANNEXE N° 1

Liste des pays relevant de la Zone de solidarité prioritaire

55 pays composent actuellement la zone de solidarité prioritaire

Afrique du Nord : Algérie, Maroc, Tunisie.

Moyen Orient : Liban, Territoires Autonomes Palestiniens, Yémen et, à titre provisoire, Afghanistan.

Afrique Sub-saharienne et Océan Indien : Afrique du Sud, Angola, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, République Centrafricaine, Comores, Congo Brazzaville, République démocratique du Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Ghana, Gambie, Guinée, Guinée Bissao, Guinée Equatoriale, Kenya, Liberia, Madagascar, Mali, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Ouganda, Rwanda, Sao-Tomé et Principe, Sénégal, Sierra Leone, Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, Zimbabwe.

Caraïbes : Cuba, Haïti, République Dominicaine, Surinam.

Péninsule Indochinoise : Cambodge, Laos, Vietnam.

Pacifique : Vanuatu

ANNEXE N° 2 : OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE

Objectif n° 1

Réduire l'extrême pauvreté et la faim 

Réduire de moitié la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour

Réduire de moitié la proportion de la population qui souffre de la faim 

Objectif n° 2

Assurer l'éducation primaire pour tous

Donner à tous les enfants, garçons et filles, les moyens d'achever un cycle complet d'études primaires

Objectif n° 3

Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes

Eliminer les disparités entre les sexes dans les enseignements primaire et secondaire d'ici à 2005, si possible, et à tous les niveaux de l'enseignement en 2015, au plus tard

Objectif n° 4

Réduire la mortalité infantile

Réduire de deux tiers le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans

Objectif n° 5

Améliorer la santé maternelle

Réduire de trois quarts le taux de mortalité maternelle

Objectif n° 6

Combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies

Stopper la propagation du VIH/sida et commencer à inverser la tendance actuelle

Maîtriser le paludisme et d'autres grandes maladies, et commencer à inverser la tendance actuelle

Objectif n° 7

Assurer un environnement durable

Intégrer les principes du développement durable dans les politiques nationales; inverser la tendance actuelle à la déperdition des ressources environnementales;

Réduire de moitié le pourcentage de la population qui n'a pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau potable

Améliorer sensiblement la vie d'au moins 100 millions d'habitants de taudis, d'ici à 2020

Objectif n° 8

Mettre en place un partenariat mondial pour le développement

Poursuivre la mise en place d'un système commercial et financier multilatéral ouvert, fondé sur des règles, prévisible et non discriminatoire. Cela suppose un engagement en faveur d'une bonne gouvernance, du développement et de la lutte contre la pauvreté, aux niveaux tant national qu'international

S'attaquer aux besoins particuliers des pays les moins avancés. La réalisation de cet objectif suppose l'admission en franchise et hors contingents de leurs exportations, l'application du programme renforcé d'allégement de la dette des pays pauvres très endettés, l'annulation des dettes bilatérales envers les créanciers officiels, et l'octroi d'une aide publique au développement plus généreuse aux pays qui démontrent leur volonté de lutter contre la pauvreté

Répondre aux besoins particuliers des Etats enclavés et des petits Etats insulaires en développement

Traiter globalement le problème de la dette des pays en développement par des mesures d'ordre national et international propres à rendre leur endettement viable à long terme

En coopération avec les pays en développement, créer des emplois décents et productifs pour les jeunes

En coopération avec l'industrie pharmaceutique, rendre les médicaments essentiels disponibles et abordables dans les pays en développement

En coopération avec le secteur privé, mettre les avantages des nouvelles technologies, en particulier des technologies de l'information et de la communication, à la portée de tous

ANNEXE N° 3

Projets des ONG soutenus dans le cadre du Fonds d'urgence humanitaire pour 2004

ONG

Pays concerné(s)

Montant

%

Action Contre la Faim

Haïti, Libéria, Népal, Soudan

595 712 €

16,4%

Aide Médicale Internationale

Haïti

150 000 €

4,1%

Aide Psychologique Sans Frontières

Algérie

20 000 €

0,6%

Aviation Sans Frontières

Sénégal

30 000 €

0,8%

Caritas France

Bangladesh, Haïti

185 547 €

5,1%

Comité Aide Médicale

Népal

70 000 €

1,9%

Croix Rouge Française

Haïti, Tchad

220 097 €

6,1%

Enfants du Monde - Droits de l'Homme

Soudan

42 000 €

1,2%

INTERSOS

Iraq

200 000 €

5,5%

Médecins du Monde

Soudan

150 000 €

4,1%

MEMISA

Iraq

261 904 €

7,2%

Pharmaciens Sans Frontières

Palestine

21 350 €

0,6%

Plateforme Insertion par l'Humanitaire

Algérie

20 000 €

0,6%

Pompiers Sans Frontières

Algérie, Iraq

110 947 €

3,1%

Première Urgence

Libéria, Territoires Palestiniens, RDPC (Corée du Nord), Tchad

330 000 €

9,1%

Secouristes Sans Frontières

(International)

1 000 €

0,03%

Secours Catholique

Centrafrique, Territoires Palestiniens, République Démocratique du Congo

499 795 €

13,8%

Solidarités

Libéria, Soudan

450 000 €

12,4%

Sos Village d'Enfants

Algérie

51 000 €

1,4%

Triangle Génération Humanitaire

Soudan, RDPC (Corée du Nord)

212 000 €

5,9%

TOTAL

-

3 621 352 €

100%

Source : ministère des Affaires étrangères

ANNEXE N° 4

Classement des Etats selon l'indicateur du développement humain

graphique

Source : PNUD, Rapport Mondial sur le Développement Humain 2004, La liberté culturelle dans un monde diversifié

-----------

N° 1866 - Tome III - Avis au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi de finances pour 2005 sur la coopération et le développement (M. Jacques Godfrain)

1 ()Voir en annexe la liste des Objectifs du Millénaire.

2 () Voir sur le site de la Documentation française : http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/044000440/0000.pdf ; voir également Bertrand Badré et Jean-Pierre Landau, « Une fiscalité internationale pour le développement », Politique étrangère, 3/2004, p. 587-597.

3 Pour une liste d'actions menées par des associations : voir en annexe le tableau récapitulatif des dotations du Fonds d'urgence humanitaire.

4 Sur ce sujet voir : http://www.unaids.org

5 () Nous renvoyons pour plus de précisions sur l'OHADA au site de cette organisation www.ohada.com et à l'ouvrage de Philippe Tiger,     Le droit des affaires en Afrique. OHADA, PUF, 1999.

6 () Pour plus de détails sur la portée de la réforme budgétaire, on se reportera à : http://www.lolf.minefi.gouv.fr/

7 Voir la liste de ces pays : http://www.ladocfrancaise.gouv.fr/dossier_international/cotonou/2accordscotonou/4acp.shtml

8 () L'essentiel des données présentées ici sont tirées d'une étude très complète publiée par le Comité français pour la solidarité internationale (CFSI) : La valorisation économique de l'épargne des migrants. Épargner ici, investir là-bas, un état des lieux, décembre 2003. Nous renvoyons aussi au numéro de septembre-octobre 1998 de Migrations études, consacré à l'épargne des migrants et qui porte, plus précisément, sur une étude très détaillée des pratiques des migrants maliens et sénégalais en France.


- Cliquer ici pour retourner au sommaire général

- Cliquez ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires



© Assemblée nationale