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N° 1868

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2004.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2005 (n° 1800),

TOME IV

JUSTICE

ADMINISTRATION CENTRALE
et SERVICES JUDICIAIRES

PAR M. JEAN-PAUL GARRAUD,

Député.

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Voir le numéro : 1863 (annexe 31).

L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires au plus tard huit jours francs à compter du dépôt du projet de loi de finances, soit, pour 2004, le 9 octobre. À cette date, 64 % des réponses étaient parvenus au rapporteur.

INTRODUCTION 5

I.-  LA MISE EN œUVRE DE LA TROISIÈME TRANCHE DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE 6

A. LES SERVICES JUDICIAIRES 6

1. L'activité des juridictions judiciaires : des délais de traitement encore trop longs 8

a) L'activité judiciaire civile 8

b) L'activité judiciaire pénale 10

2. Les crédits prévus pour 2005 14

a) Les créations d'emplois 14

b) Les mesures en faveur des personnels 15

c) Les moyens des services 18

d) Les mesures en faveur de l'accès au droit 20

B. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES 21

1. L'activité des juridictions administratives : une progressioin inquiétante du contentieux 21

2. Le projet de budget pour 2005 24

C. L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE 26

II. -  LA MISE EN PLACE DES JURIDICTIONS DE PROXIMITÉ 29

A. LE CADRE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE 29

1. Les compétences et l'organisation des juridictions de proximité 29

2. Le statut des juges de proximité 32

3. Les conditions de recrutement, de formation et de rémunération des juges de proximité 33

B. LE PREMIER BILAN 35

1. Les candidatures 35

2. Les recrutements 36

3. L'activité 37

4. Les moyens budgétaires alloués 37

C. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION 38

III. -  LA PRÉPARATION DE L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES 40

A. LA NOUVELLE PRÉSENTATION DU BUDGET DE LA JUSTICE 40

B. LA RÉFORME DES AUTORISATIONS D'EMPLOIS 44

C. LA MODERNISATION DE LA GESTION DÉCONCENTRÉE 46

1. Les budgets opérationnels de programme 46

2. Les expérimentations 47

3. La généralisation de la contractualisation 50

D. L'ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE 51

1. La définition des objectifs et le choix des indicateurs 51

2. Le développement de l'analyse des coûts 57

AUDITION DE M. DOMINIQUE PERBEN, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, ET MME NICOLE GUEDJ, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX DROITS DES VICTIMES 59

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR  85

MESDAMES, MESSIEURS,

Le projet de budget des services judiciaires, des juridictions administratives et de l'administration générale du ministère de la Justice s'élève à 3,2 milliards d'euros en crédits de paiement. À structure constante (1), il augmente de 3,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004, soit une progression nettement supérieure à l'accroissement global des crédits du budget général de l'État (+ 1,8 %). La justice reste donc une des priorités budgétaires du Gouvernement.

BUDGET DES SERVICES JUDICIAIRES, DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE
(crédits de paiement)

(en euros)

LFI 2004

PLF 2005

Évolution
(en %)

Services judiciaires

2 221 807 503

2 275 504 045

+ 2,4

Conseil d'État et juridictions administratives

170 428 626

174 844 145

+ 2,6

Administration générale

695 558 258

743 503 505

+ 6,9

TOTAL

3 087 794 387

3 193 851 695

+ 3,4

Source : projet de loi de finances pour 2005

Cet effort s'inscrit dans le droit fil de la programmation pluriannuelle prévue par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, dont le budget 2005 constitue la troisième année d'application. Il permettra de financer les réformes structurelles engagées depuis deux ans, au premier rang desquelles la création des juridictions de proximité. L'année 2005 constituera en outre une étape décisive dans la modernisation de la Chancellerie : elle préfigurera l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances par la mise en place d'objectifs et d'indicateurs, destinés à évaluer l'activité des juridictions et des services judiciaires.

*

* *

I.-  LA MISE EN œUVRE DE LA TROISIÈME TRANCHE DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE

L'augmentation des crédits de la justice permettra de financer la troisième tranche de la loi d'orientation et de programmation pour la justice (lopj) du 9 septembre 2002. Pour la période 2003-2007, celle-ci prévoit, au profit des services judiciaires, des juridictions administratives et de l'administration générale, l'ouverture de 382 millions d'euros en autorisations de programme et la création de 5 110 emplois.

MISE EN ŒUVRE DE LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE DE LA LOPJ

Tranche
2003

Tranche
2004

Tranche
2005

Total 2003/2005

Total 2003/2007

Création d'emplois permanents :

- Magistrats DSJ

180

150

100

430

950

- Fonctionnaires et agents DSJ

520

559

255

1 334

3 500

- Administration centrale

40

46

43

129

180

- Justice administrative

100

97

46

243

480

Total

840

852

444

2 136

5 110

Autorisations de programme :

(en millions d'euros)

- Services judiciaires

40

78

20,15 (1)

138,15

277

- Administration centrale

37

3,5

4,65 (1)

45,45

45

- Justice administrative

12

15,4

12,30 (1)

55,7

60

Total

89

96,9

37,10 (1)

239,30

382

(1) hors crédits informatiques inscrits en titre V et hors titre VI

Source : ministère de la Justice

A. LES SERVICES JUDICIAIRES

Le budget des services judiciaires regroupe les crédits nécessaires au fonctionnement de la justice civile, pénale, commerciale et sociale. Il couvre 7 526 magistrats et 21 674 fonctionnaires et contractuels, ainsi que plus de 20 000 juges non professionnels bénévoles ou rémunérés à la vacation (juges consulaires, conseillers prud'hommes, assesseurs des tribunaux pour enfants, juges de proximité...), assistants et agents de justice, déployés dans 1 157 juridictions judiciaires (2).

Les services judiciaires ont pour mission principale de rendre la justice. Ils ont également la charge de la conduite des politiques publiques orientées vers la prévention et la dissuasion de la délinquance ainsi que vers la réinsertion. Ils participent en outre aux politiques publiques menées en matière économique ou sociale (prévention des difficultés des entreprises, protection des mineurs, droit du travail).

La gestion des juridictions est assurée exclusivement par des personnels des services judiciaires, et comprend deux fonctions :

-  le support logistique de l'activité judiciaire proprement dite revient aux greffiers (catégorie B) et agents de catégorie C, encadrés par des greffiers en chef (catégorie A). Les greffiers assistent en outre les magistrats dans leurs missions, notamment par le suivi et l'authentification des procédures ;

-  la gestion des moyens humains et matériels est pour l'essentiel assurée de manière déconcentrée au niveau des chefs de cour. Ceux-ci disposent à cet effet d'un service administratif régional (sar), composé de fonctionnaires et contractuels des services judiciaires, professionnels de la gestion, et dirigé par un coordonnateur, magistrat ou greffier en chef, placé sous l'autorité des chefs de cour.

Les services judiciaires assurent par ailleurs la formation de leurs personnels. L'École nationale de la magistrature, constituée sous la forme d'un établissement public, est en charge de la formation initiale et continue des magistrats professionnels et non professionnels (juges de proximité, juges consulaires). La formation initiale des greffiers et greffiers en chef et la formation continue de l'ensemble des fonctionnaires des services judiciaires incombent à l'École nationale des greffes, service à compétence nationale.

Le budget des services judiciaires comprend également les crédits destinés à permettre au citoyen de connaître ses droits pour les faire valoir. Ces politiques comprennent trois volets :

-  l'aide juridictionnelle s'adresse aux personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits devant une juridiction, en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense. Elle s'applique aux procédures, actes et mesures d'exécution pour lesquels une admission a été prononcée. Les prestations sont versées aux auxiliaires de justice soit directement, soit par l'intermédiaire des caisses de règlements pécuniaires des avocats ;

-  le développement de l'accès au droit repose sur les conseils départementaux de l'accès au droit, institués dans 76 départements. Ces groupements d'intérêt publics sont chargés de recenser les besoins, de définir une politique locale, de faire l'inventaire des dispositifs en place et d'impulser des actions nouvelles. Leurs interventions sont complétées par le réseau judiciaire de proximité, le plus souvent implanté dans les zones urbaines sensibles, constitué d'une centaine de maisons de la justice et du droit, ainsi que d'antennes et de points d'accès au droit ;

-  l'aide aux victimes vise à améliorer la prise en compte des victimes d'infractions par l'institution judiciaire, et à rechercher des modalités d'indemnisation plus justes et plus transparentes. Elle s'appuie sur les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions qui constituent des juridictions spécialisées, installées dans chacun des 181 tribunaux de grande instance, et sur un réseau d'associations d'aide aux victimes, chargées d'accueillir, d'orienter et d'accompagner les victimes.

Enfin, le budget des services judiciaires inclut les crédits du Conseil supérieur de la magistrature, organe constitutionnel qui, par ses missions en matière de nomination des magistrats du siège et du parquet et ses compétences disciplinaires sur le corps judiciaire, est le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire.

1. L'activité des juridictions judiciaires : des délais de traitement encore trop longs

a) L'activité judiciaire civile

L'ACTIVITÉ JUDICIAIRE CIVILE EN 2003

JURIDICTIONS

AFFAIRES NOUVELLES

AFFAIRES TERMINÉES

DURÉE MOYENNE DE TRAITEMENT

Cour de cassation

21 638

23 474

1 an, 11 mois et 12 jours (1)

Cours d'appel

199 290

209 542

16,1 mois

Tribunaux de grande instance

615 213

587 862

9,5 mois

Tribunaux d'instance

498 467

489 361

4,9 mois

(1) : Nombre de jours s'écoulant entre l'enregistrement du dossier à la Cour de cassation et l'arrêt terminant l'affaire.

_  La Cour de cassation 

Le nombre d'affaires civiles nouvelles (21 638) portées devant la Cour de cassation a diminué en 2003 de 3,1 %, confirmant la tendance observée en 2002. La Cour a rendu 23 474 décisions, soit un nombre équivalent à celui de 2002.

Cette amélioration s'explique notamment par la mise en œuvre de la nouvelle procédure d'admission des pourvois, prévue par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature. En effet, pour que le fonctionnement de la Cour de cassation ne soit pas entravé par l'examen de pourvois qui ne présentent à l'évidence aucun moyen de droit sérieux, l'article L. 131-6 du code de l'organisation judiciaire a été modifié afin de permettre à une formation de trois magistrats de déclarer « non admis les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation ». La procédure est donc la suivante : la formation de la chambre saisie de l'affaire procède à un examen préalable du dossier et l'oriente, le cas échéant, vers son inscription au rôle d'une audience du contrôle d'admissibilité. Le rapporteur chargé du dossier établit une fiche de présentation indiquant les raisons pour lesquelles le pourvoi lui semble irrecevable ou non fondé sur des moyens sérieux. Les avocats concernés peuvent consulter cette fiche au greffe de la chambre et établir avant l'audience une note écrite adressée au président de la chambre et à l'avocat général, s'ils l'estiment nécessaire. En 2002, première année de mise en application de ce nouveau dispositif, les affaires closes par le recours à cette procédure ont représenté 22 % des décisions rendues.

Progressant de 5,6 % entre 2002 et 2003, les cassations ont représenté 23 % des décisions rendues, mais 31 % des affaires soumises à la chambre. Les rejets de pourvois ont représenté 26 % de l'ensemble des affaires terminées et 22 % des seules affaires admises.

_  Les cours d'appel 

Après la hausse de 1,6 % observée en 2002, le nombre d'affaires nouvelles (199 290) portées devant les cours d'appel a augmenté de 1,7 % en 2003. Cette progression s'explique par l'augmentation des contentieux portés devant les prud'hommes et du taux d'appel de leurs décisions. En effet, traditionnellement important, celui-ci a encore augmenté pour atteindre près de 62,2 % en 2002. Le taux d'appel à l'encontre des jugements rendus par les tribunaux de commerce a également progressé et s'est élevé à 11,7 %. En revanche, les taux d'appel contre les jugements rendus par les tribunaux d'instance et les tribunaux de grande instance ont légèrement diminué, respectivement à 4,6 % et 14,7 %.

Le nombre d'affaires terminées (209 542) a augmenté de 2,5 %, confirmant le retour à la hausse initié en 2002. Cette hausse permet de poursuivre la résorption du nombre d'affaires en stock  (249 790), qui a diminué de 4 % entre le 31 décembre 2002 et le 31 décembre 2003.

Pour la troisième année consécutive, la durée moyenne des affaires terminées a diminué en 2003, pour s'établir à 16,1 mois au lieu de 17,2 mois l'année précédente. Ce raccourcissement de la moyenne de traitement des affaires dépasse deux mois dans les cours de Reims, Montpellier, Versailles et Chambéry. À l'inverse, dix cours d'appel (au lieu de 13 en 2002) ont encore vu leur durée s'allonger en 2003, mais dans une faible proportion.

_  Les tribunaux de grande instance 

Après sept années consécutives de baisse, le nombre d'affaires nouvelles (615 213) portées devant les tribunaux de grande instance a augmenté de 3 % en 2003. Le contentieux porté devant le juge aux affaires familiales (+ 4,4 %) a atteint le niveau le plus élevé depuis 1994. Cette progression recouvre une hausse des ruptures de l'union, une accélération de la croissance des contentieux de l'enfant naturel et une stabilisation des contentieux post-divorce. Les contentieux de la responsabilité ont repris leur tendance à la baisse, tandis que ceux de l'impayé ont confirmé la hausse amorcée en 2002. Enfin, les contentieux de l'exécution ont continué à baisser à un rythme soutenu (- 4,8 %), cette baisse concernant essentiellement les procédures hors surendettement, puisque les recours contre les commissions de surendettement ont augmenté de 12 %.

Avec 587 862 affaires terminées, l'année 2003 confirme la tendance à la hausse amorcée en 2002. Les tgi semblent avoir inversé la longue tendance à la baisse observée depuis 1996. Cette amélioration n'empêche pas une nouvelle augmentation du stock d'affaires restant à traiter (646 292 au 31 décembre 2003, soit 27 000 affaires en plus par rapport au 31 décembre 2002). La durée moyenne de traitement des affaires terminées en 2003 s'est établie à 9,5 mois, contre 9,4 mois en 2002.

_  Les tribunaux d'instance 

Après une augmentation en 1999 et 2000 due à l'élévation du taux de ressort de ces juridictions et du seuil de saisine par simple déclaration au greffe, puis une stabilisation en 2001 et 2002, le nombre d'affaires nouvelles (498 567) portées devant les tribunaux d'instance a peu augmenté en 2003.

Les affaires de tutelles ont continué à progresser à un rythme soutenu (+ 6,3 %). Le contentieux de l'impayé - qui représente 41 % des affaires soumises aux tribunaux d'instance - continue sa progression (+ 1,9  %), de même que les référés (+ 3,3 %).

Relevant de la compétence des greffes des tribunaux d'instance, les acquisitions de nationalité française ont augmenté de 5,8 % entre 2002 et 2003. Le PACS constitue également une source d'activité importante, tant au titre de l'inscription des déclarations de PACS, de l'ordre de 31 500 en 2003, soit le niveau le plus élevé depuis sa création, que des délivrances de certificats de non-pacs, souvent demandés par les notaires ou les agents immobiliers à l'occasion d'achats de biens immobiliers ou de successions et dont le nombre (842 000) s'est accru de 36 %.

Le nombre d'affaires terminées (489 361) est en augmentation de 1,5 %. Cette amélioration n'a toutefois pas eu d'incidence sur le stock d'affaires restant à traiter au 31 décembre 2003 (430 096) qui s'est accru de 9 100 affaires, sous l'effet de l'augmentation du nombre d'affaires nouvelles. La durée moyenne des affaires terminées en 2003 par les tribunaux d'instance s'est établie à 4,9 mois, chiffre un peu supérieur à celui de 2002 (4,8 mois).

b) L'activité judiciaire pénale

Avec 477 935 condamnations inscrites au casier judiciaire national, les juridictions pénales ont prononcé en 2002 un nombre de condamnations en baisse de 11 % par rapport à 2001. Cette diminution est principalement imputable à la loi d'amnistie de juin 2002. Elle s'observe dans toutes les juridictions à l'exception des cours d'assises, mais elle est particulièrement sensible dans les juridictions pour mineurs (- 26 % pour les juges des enfants, - 16,6 % pour les tribunaux pour enfants) et les tribunaux de police (- 23,9 %). La baisse est plus modérée devant les tribunaux correctionnels (- 5,6 %). Dans les cours d'appel, elle est dans la continuité de celle observée en 2001 (- 12,6 %).

La structure des peines évolue, les peines d'emprisonnement ferme amorçant une remontée de l'ordre de 5 %.

Après s'être stabilisée durant deux ans, la durée moyenne des affaires pénales ayant atteint le stade du jugement s'est de nouveau allongée, pour atteindre, comme le montre le tableau figurant ci-après, 11,1 mois en 2001 et 2002, cette dégradation touchant tant les crimes que les délits et les contraventions de cinquième classe.

DURÉE MOYENNE DES PROCÉDURES PÉNALES
AYANT ABOUTI À UNE CONDAMNATION
 (1)

(en mois)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Toutes condamnations

9,7

10,3

10,7

10,8

10,8

11,1

11,1

Crimes

nd

nd

30,2

31,7

30,6

30,9

32,5

Délits

9,9

10,5

10,9

11,0

11,0

11,2

11,2

dont : vol, recel

7,8

8,7

9,2

9,5

9,4

9,7

9,4

circulation routière

4,3

3,9

3,8

3,8

3,7

4,0

4,4

stupéfiants

17,1

18,3

18,7

18,6

17,9

18,7

17,3

étrangers

5,9

6,1

8,1

6,8

5,7

6,2

5,4

Contraventions de 5e classe

7,1

8,6

8,7

8,6

9,1

9,5

9,1

dont : circulation routière

6,0

7,1

7,2

7,3

8,1

8,6

8,3

environnement

7,1

9,4

9,8

9,8

10,4

10,5

9,6

coups et blessures volontaires

6,9

8,5

9,0

9,5

9,8

10,2

8,8

(1) Sauf pour les crimes, les durées sont calculées par différence entre la date de la condamnation définitive et celle des faits.

nd : valeur non disponible.

Source : ministère de la Justice

_  Le parquet

Plus de 5,3 millions de plaintes, dénonciations et procès-verbaux ont été transmis aux parquets en 2003 : faisant suite à l'augmentation constatée en 2002, cette diminution de 3,3 % recouvre une baisse des affaires non élucidées (environ 3,3 millions), associée à une progression de 4,7 % des affaires élucidées par la police et la gendarmerie (environ 2 millions).

5,996 millions de procédures ont été traitées en 2003 par les parquets soit une baisse de 1,7 % par rapport à 2002. Sur cet ensemble, certaines n'ont pas donné lieu à poursuite, soit que les infractions n'aient pas été caractérisées, que les charges aient été insuffisantes ou qu'il y ait eu des obstacles juridiques à la poursuite (382 150 affaires, soit 0,5 % de plus qu'en 2002), soit que l'auteur de l'infraction n'ait pas été identifié, ce qui est le cas de 64,6 % des affaires traitées par les parquets (soit une progression de 3,7 % par rapport à 2002). Au total, 1,36 million d'affaires ont donc été susceptibles de recevoir une réponse pénale ; elles représentent 27,7 % des affaires traitées par les parquets, et sont en augmentation de 2,7 % par rapport à 2002.

Sur ces affaires « poursuivables », 387 013 - soit 27,9 % - ont fait l'objet d'un classement sans suite pour inopportunité des poursuites, le taux de classement « sec » enregistrant ainsi une baisse de quatre points par rapport à 2002. La part des classements pour faible gravité de l'infraction ou du dommage est restée stable (35 % des classements « secs »), tandis que le classement tenant à l'impossibilité de localiser l'auteur des faits est passé de 28,3 à 26,2 % entre 2002 et 2003.

Le taux de réponse pénale - qui mesure la part des affaires poursuivables auxquelles a été apportée une réponse pénale - a continué sa progression en s'établissant à 72,1 % en 2003, principalement en raison de l'augmentation des procédures alternatives. La réponse pénale se répartit entre poursuites judiciaires, compositions pénales et mesures alternatives aux poursuites :

-  23,8 % des affaires poursuivables (330 186) ont fait l'objet de mesures alternatives aux poursuites, soit une hausse de 14 % par rapport à 2002. Leur développement résulte pour une large part du recours de plus en plus fréquent aux rappels à la loi, qui représentent près de la moitié des mesures alternatives ;

-  1,1 % ont fait l'objet d'une composition pénale, contre 0,5 % en 2002 ;

-  47,2 % des affaires « poursuivables » (654 513) ont fait l'objet de poursuites devant une juridiction de jugement ou d'instruction, contre 46,2 % en 2002 : 62,6 % d'entre elles (409 768 affaires) ont été renvoyées devant les tribunaux correctionnels ; 22,8 % (149 380 affaires) devant les tribunaux de police ; 8,4  % (55 432 affaires) aux juges des enfants ; le nombre d'affaires ayant fait l'objet d'une ouverture d'information auprès d'un juge d'instruction (35 202) a diminué de 6 %.

ORIENTATIONS DES AFFAIRES POURSUIVABLES

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Procès-verbaux, plaintes et dénonciations reçus

4 954 988

4 932 196

5 007 674

5 385 826

5 501 481

5 319 320

dont auteur connu

1 808 749

1 861 951

1 866 401

1 887 648

1 915 630

2 020 117

Transmissions à d'autres juridictions

236 654

228 361

224 434

229 562

232 185

231 546

Variation du stock d'affaires en attente

+ 151 346

+ 116 981

+ 171 857

+ 211 543

+ 185 832

+ 91 132

Affaires pénales traitées par les parquets

4 566 988

4 586 854

4 611 383

4 944 721

5 083 465

4 996 642

Affaires non poursuivables

3 372 994

3 323 906

3 318 575

3 616 873

3 733 384

3 610 142

- absence d'infraction, charges insuffisantes, motif juridique

326 569

328 781

321 255

324 618

380 023

382 150

- défaut d'élucidation

3 046 425

2 995 125

2 997 320

3 292 255

3 353 361

3 227 992

Affaires poursuivables

1 193 994

1 262 948

1 292 808

1 327 848

1 350 081

1 386 500

Part des affaires traitées (%)

26,1

27,5

28,0

26,9

26,6

27,7

- Poursuites

613 354

638 000

628 065

621 866

624 335

654 513

Part des affaires poursuivables (%)

51,4

50,5

48,6

46,8

46,2

47,2

- Procédures alternatives réussies

163 799

214 108

250 051

269 996

289 485

330 186

Part des affaires poursuivables (%)

13,7

17,0

19,3

20,3

21,4

23,8

- Composition pénale

-

-

-

1 511

6 755

14 788

Part des affaires poursuivables (%)

0,1

0,5

1,1

- Classements sans suite

416 841

410 840

414 692

434 475

429 506

387 013

Part des affaires poursuivables (%)

34,9

32,5

32,1

32,7

31,8

27,9

Taux de réponse pénale

65,1

67,5

67,9

67,3

68,2

72,1

Source : cadres du parquet.

_  La Cour de cassation 

Le nombre d'affaires pénales nouvelles (8 043) soumises à la Cour de cassation a diminué de 3,2 % en 2003, amplifiant ainsi la tendance à la baisse observée en 2001. Après avoir décru de 8 % en 2002, le nombre d'affaires terminées (7 985) en 2003 a diminué de 9,4 %.

Le nombre de cassations prononcées (327) a diminué de 5,2 %, pour ne représenter que 4 % des décisions rendues, les rejets de pourvois représentant près de 55 % des seules affaires admises et les irrecevabilités 4,6 %. La procédure de non admission des pourvois est principalement utilisée pour toutes les affaires criminelles dans lesquelles les délais sont expirés sans qu'un mémoire ait été produit ou pour lesquelles le pourvoi n'a pas été soutenu par le demandeur. En 2003, les affaires en non admissions représentent 45 % des décisions rendues.

_  Les cours d'appel

Le nombre d'affaires nouvelles portées devant les chambres des appels correctionnels (50 453) a baissé en 2003 de 2,8 %. Le volume d'affaires terminées (52 113) s'est en revanche accru de 5,3 %. Comme ce volume se situe, contrairement à 2002, au-dessus de celui des affaires nouvelles, le stock d'affaires pénales en cours a diminué (26 400 affaires au 31 décembre 2003), et représente six mois d'activité.

Après trois années de baisse consécutives, le nombre d'arrêts rendus par les chambres de l'instruction (34 500) a diminué de 4,3 % en 2003. Les arrêts rendus en matière criminelle ont continué de diminuer, ceux statuant sur la détention provisoire et le contrôle judiciaire restant stables. Enfin, les arrêts statuant sur les autres décisions des juges d'instruction ont nettement diminué.

_  Les tribunaux correctionnels

Après deux années de baisse consécutives en 2000 et 2001, le nombre de jugements portant condamnations ou relaxes par les tribunaux correctionnels (475 650) a augmenté de 4,9 % en 2003, confirmant la tendance observée en 2002. Cette évolution tient à l'augmentation du nombre d'affaires transmises par les parquets (+ 6,9 %), en particulier du fait de la nouvelle procédure d'ordonnance pénale (+ 13 000 affaires).

Les condamnations (456 242) ont augmenté de 4,6 %, les relaxes (19 408) de 5,7 %, entraînant une stabilisation du taux de relaxe (4,1 %).

_ Les tribunaux de police

Alors qu'il avait augmenté de 7,9 % en 2002, le nombre de procédures transmises (13 014 149) aux officiers du ministère public près le tribunal de police a baissé de 2,1 % en 2003. Les amendes forfaitaires impayées (12 261 235) constituent l'essentiel de ces procédures et ont baissé de 1,4 %. Les amendes forfaitaires majorées ont augmenté de 5,1 %, tandis que les classements sans suite ont diminué de 62,4 %. Des baisses de cette envergure s'observent les années suivant une loi d'amnistie (- 50 % des classements sans suite en 1996). Les décisions de poursuite devant les tribunaux de police sont en baisse (- 12,9 %) avec 500 792 affaires.

Le nombre d'affaires traitées par les tribunaux de police (634 046) a diminué de 12,2 % en 2003 : les contraventions de cinquième classe ont décru de 0,6 %, celles des quatre premières classes baissant de 15 %. Les contraventions des quatre premières classes ayant été traitées par ordonnance pénale ont baissé de 14 % par rapport à 2002, tandis que le nombre de contraventions de cinquième classe traitées par ce biais a augmenté de 10,5 %.

2. Les crédits prévus pour 2005

Avec une dotation de 2 275,5 millions d'euros en crédits de paiement, en progression de 2,9 % à structure constante par rapport à 2004, les services judiciaires bénéficient de 53,7 millions d'euros de moyens nouveaux.

BUDGET DES SERVICES JUDICIAIRES
(crédits de paiement)

LFI 2004

PLF 2005

Évolution
(en %)

Dépenses ordinaires

Titre III

1 795 399 980

1 855 767 677

+ 3,3

Personnel

1 147 991 028

1 116 504 219

- 2,7

Fonctionnement

647 408 952

662 316 823

+ 2,3

Expérimentations

`'

76 946 635

Titre IV

307 707 523

317 145 368

+ 3

Totaux pour les dépenses
ordinaires

2 103 107 503

2 172 913 045

+ 3,3

Dépenses en capital

Titre V

111 700 000

95 591 000

- 14,4

Titre VI

7 000 000

7 000 000

Totaux pour les dépenses
en capital

118 700 000

102 591 000

- 13,6

TOTAUX GÉNÉRAUX

2 221 807 503

2 275 504 045

+ 2,4

Source : projet de loi de finances pour 2005.

a) Les créations d'emplois

Avec 29 200 agents, les effectifs des services judiciaires augmenteront de 1 %. Le projet de loi de finances prévoit la création de 357 emplois, répartis de la façon suivante : 100  magistrats, 12 greffiers en chef, 90 greffiers, 20 secrétaires administratifs, 125 agents de catégorie C, 8 contractuels (3) et 2 emplois à l'École nationale de la magistrature (4).

Compte tenu de la création, en 2003 et 2004, de 1 409 emplois, ce sont 39,7 % des emplois programmés par la lopj qui seront créés en 2005. Bien qu'important, le rythme des créations d'emplois devra donc être accéléré pour respecter la programmation arrêtée en 2002 qui a prévu la création de 4 450 emplois (5) au sein des services judiciaires entre 2003 et 2007.

Les créations prévues pour 2005 représentent un coût de 13 millions d'euros. Elles concourront à la réalisation des objectifs fixés dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice : rendre une justice plus rapide et de meilleure qualité, en réduisant le stock des affaires et les délais de jugement.

À ces créations d'emplois, s'ajoute le recrutement des juges de proximité (cf. II du présent avis) pour lesquels une mesure nouvelle de 1,5 million d'euros est inscrite sur les crédits de vacation.

b) Les mesures en faveur des personnels

_ Plusieurs mesures indemnitaires sont prévues en faveur des magistrats.

Tout d'abord, le projet de loi de finances prévoit une mesure nouvelle de 998 140 euros au titre de l'extension de la nouvelle bonification indiciaire « encadrement supérieur » aux magistrats des services judiciaires.

Créée pour prendre en considération l'exercice d'une responsabilité particulière, la détention et la mise en œuvre d'une technicité ou l'existence de sujétions particulières, la nouvelle bonification indiciaire (nbi) était, jusqu'en 2003, réservée à certaines catégories d'emplois : magistrats de l'ordre administratif (décrets n° 2001-1017 du 5 novembre 2001 pour les membres du Conseil d'État et n° 2001-1018 pour les membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel) et certains emplois de l'administration centrale du ministère de la Justice. La loi de finances pour 2004 a étendu la nbi à 117 emplois de magistrats de l'ordre judiciaire (6). Pour 2005, il est prévu d'étendre le bénéfice de cet instrument salarial aux autres emplois de chef de juridiction et à certains emplois de responsabilité au sein des tribunaux de grande instance les plus importants.

En outre, les magistrats de l'ordre judiciaire continueront à bénéficier d'une amélioration de leur régime indemnitaire.

Après avoir été fortement réévalués entre 1987 et 1996 - ils sont passés durant cette période de 19 à près de 37 % -, les taux indemnitaires des magistrats sont restés inchangés jusqu'en 2003, alors que, dans le même temps, les régimes indemnitaires des magistrats de l'ordre administratif ont bénéficié de revalorisations successives.

Afin d'assurer aux magistrats de l'ordre judiciaire un régime indemnitaire à la hauteur des responsabilités qu'ils exercent et des fortes sujétions de service qu'ils subissent, le garde des Sceaux a engagé, dès 2003, un effort sans précédent de revalorisation, avec pour objectif une parité avec les magistrats des juridictions administratives et financières. À cette fin, une mesure nouvelle de 2,8 millions d'euros a été inscrite en loi de finances pour 2003 ; elle a permis, à compter du 1er octobre 2003, une revalorisation de 4 % en moyenne du taux indemnitaire. La loi de finances pour 2004 a prévu une mesure d'ajustement de 9,1 millions d'euros, afin d'assurer l'extension en année pleine de cette revalorisation indemnitaire, ainsi qu'une nouvelle revalorisation de 4 % à compter du 1er octobre 2004, qui a porté le taux indemnitaire des magistrats judiciaires à 45 %.

Pour 2005, outre 9,3 millions d'euros inscrits pour financer l'extension en année pleine de la revalorisation intervenue le 1er octobre 2004, une mesure nouvelle de 894 058 euros est prévue au titre de la revalorisation, à compter du 1er octobre 2005, d'un point en moyenne du régime indemnitaire des magistrats. Cette revalorisation portera le taux indemnitaire moyen de 45 à 46 %.

Cette revalorisation s'est accompagnée, à compter du 1er janvier 2004, de l'instauration d'une modulation partielle du régime indemnitaire. Cette modulation, qui existait avant 2004 à la Cour de cassation, porte sur les revalorisations indemnitaires de 4 % intervenues en 2003 et 2004, ainsi que sur l'augmentation d'un point prévue pour 2005. Ainsi, en trois ans, 25,3 millions d'euros seront affectés à la prime modulable.

Le taux d'attribution individuelle de la prime modulable est déterminé en fonction de la contribution de chaque magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire. Il est fixé par le premier président de la cour d'appel pour les magistrats du siège et par le procureur général pour les magistrats du parquet. Les arrêtés relatifs à la modulation applicable en 2004 sont en cours de publication : ils portent de 4 à 8 % le taux moyen de la prime modulable (13 % pour les magistrats exerçant à la Cour de cassation), le taux maximal d'attribution individuelle passant de 10 à 15 % (20 % pour les magistrats exerçant à la Cour de cassation).

Destiné à récompenser ceux des magistrats qui sont les plus diligents, ce dispositif de modulation indemnitaire - ou prime au mérite - ne porte en aucune façon atteinte au principe de l'indépendance des magistrats. Tout à fait compréhensible pour les magistrats du parquet sur lesquels les procureurs généraux et les procureurs disposent d'un pouvoir hiérarchique, il est également tout à fait admissible pour les magistrats du siège sur lesquels les premiers présidents et les présidents disposent d'un pouvoir d'évaluation. En effet, les magistrats du siège, comme ceux du parquet, sont notés par leurs chefs de juridiction et chefs de cour. La modulation de la prime ne sera que la traduction financière des appréciations portées sur les magistrats, appréciations sur lesquelles le garde des Sceaux n'intervient pas.

_ Les fonctionnaires des services judiciaires bénéficient également de mesures statutaires et indemnitaires.

Plusieurs transformations d'emplois sont prévues pour « repyramider » les carrières :

-  10 emplois de greffiers en chef A1 sont transformés en 10 emplois de greffiers en chef de 2ème catégorie ;

-  150 emplois d'adjoints administratifs sont supprimés pour créer 101 adjoints administratifs principaux de 2ème classe et 49 adjoints administratifs principaux de 1ère classe ;

-  la suppression de 17 emplois de conducteurs automobiles de 2e catégorie permettra la création de 11 emplois de conducteurs automobiles de 1ère catégorie et 6 emplois de conducteurs automobiles hors classe ;

-  20 emplois d'agents administratifs de 1ère classe sont transformés en 20 emplois de secrétaires administratifs de classe normale ;

-  400 emplois d'agents et 50 emplois d'agents de service technique sont supprimés et transformés en 400 emplois d'adjoints administratifs et en 50 emplois d'inspecteurs du service intérieur et du matériel ;

-  enfin, 5 emplois de cadres territoriaux sont transformés en 5 emplois d'adjoints administratifs à Papeete.

En outre, la revalorisation indemnitaire des personnels de catégorie C se poursuivra en 2005 avec une augmentation de leur taux indemnitaire d'un point à compter du 1er janvier prochain. Le taux indemnitaire moyen passera ainsi de 22 à 23 %. Le coût de cette mesure est estimé à 1,9 million d'euros.

Le rapporteur regrette l'écart croissant entre le régime indemnitaire des magistrats et celui des fonctionnaires des services judiciaires. Il considère notamment que l'effort consenti en faveur des greffiers et des greffiers en chef n'est pas à la hauteur du rôle joué par ces corps dans le fonctionnement des juridictions. Il convient en effet de tenir compte de l'accroissement des tâches incombant à ces fonctionnaires, du fait, en particulier, de l'instauration de la procédure de rétablissement personnel prévue par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, et des modifications des procédures d'expulsion prévues par le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

L'amélioration du service public de la justice est l'affaire de tous les personnels, qu'ils soient magistrats ou fonctionnaires. L'ensemble de ces personnels doit être intéressé aux résultats des juridictions. Réserver la prime modulable aux seuls magistrats risque de creuser le fossé entre cette catégorie et les agents des services judiciaires.

_ Le régime additionnel des retraites obligatoires de la fonction publique est mis en place.

La loi portant réforme des retraites du 21 août 2003 a créé, à compter du 1er janvier 2005, un régime public additionnel obligatoire pour les agents titulaires de l'État, destiné à permettre l'acquisition de droits à retraite assis sur les rémunérations de toute nature non prises en compte dans l'assiette de calcul des pensions civiles et militaires de retraite. Il est prévu qu'un taux de cotisation globale de 10 % (5 % à la charge de l'agent, 5 % à la charge de l'employeur) s'applique à une assiette représentant l'ensemble des éléments de rémunération de toute nature perçus au cours de l'année civile, à l'exception de ceux pris en compte dans l'assiette de calcul des pensions civiles et militaires de retraite et dans la limite de 20 % du traitement indiciaire brut total de l'année considérée.

La mise en place de ce régime additionnel est financée par une mesure nouvelle de 8,5 millions d'euros inscrits sur les crédits de cotisations sociales.

c) Les moyens des services

_ Au titre des moyens de fonctionnement des juridictions, les mesures nouvelles prévues au projet de loi de finances pour 2005 atteignent 16,5 millions d'euros. Ces moyens nouveaux financeront les opérations suivantes :

-  développement d'un « info-centre » pour le contrôle de gestion (0,5 million d'euros) ;

-  accompagnement des recrutements prévus en 2005 (2,9 millions d'euros) ;

-  mise en place des juges de proximité (0,95 million d'euros, destinés à financer les frais de déplacement, le premier équipement informatique et mobilier et les moyens de fonctionnement courant des juges de proximité) ;

-  mise en service de nouveaux bâtiments judiciaires (1,87 million d'euros) ;

-  ajustement de la dotation des locations immobilières (3,19 millions d'euros) ;

-  création de nouvelles maisons de justice et du droit (0,18 million d'euros) ;

-  allongement de la durée de formation des greffiers en chef et des greffiers (1,76 million d'euros) ;

-  renforcement de la sécurité des bâtiments (1,5 million d'euros) ;

-  financement d'aménagements spécifiques nécessités par les grands procès (0,98 million d'euros) ;

-  frais de déplacement des personnels placés (0,1 million d'euros) ;

-  abondement de la dotation de fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature (0,05 million d'euros).

En outre, les dépenses d'informatique et de télématique (chapitre 34-05) bénéficient de 6,5 millions d'euros en moyens nouveaux qui seront consacrés au développement de projets nouveaux ou en cours de généralisation.

L'École nationale de la magistrature verra sa dotation progresser de 1,6 million d'euros, dont 1,3 million d'euros au titre des mesures d'ajustement (ajustement au nombre de postes d'auditeurs) et 0,134 million d'euros au titre de moyens nouveaux. Ceux-ci permettront le financement de deux nouveaux emplois (0,296 million d'euros) et viendront augmenter les moyens de fonctionnement de l'établissement public (0,2 million d'euros).

Pour leur part, les crédits de frais de justice progressent de 20 millions d'euros, dont 19,46 millions d'euros au titre de l'ajustement des moyens à l'évolution des dépenses, et 640 000 euros au titre d'une mesure nouvelle pour améliorer l'accès des sourds et des malentendants à la justice civile.

_ Les autorisations de programme relatives aux dépenses d'équipement judiciaire inscrites dans le projet de loi de finances pour 2005 s'élèvent à 111,7 millions d'euros dont 20,1 millions d'euros au titre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice (résorption des déficits de surface entraînés par l'augmentation des effectifs), 33 millions d'euros au titre des programmes déjà engagés et 15 millions d'euros au titre d'opérations nouvelles. Par ailleurs, 95,6 millions d'euros de crédits de paiement seront ouverts en 2005. Comme l'année précédente, la priorité sera accordée aux travaux permettant d'améliorer la sécurité des bâtiments judiciaires.

Sujet ancien, la construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris est au cœur des priorités immobilières de la Chancellerie, le Président de la République ayant annoncé le 10 janvier 2003, à l'occasion de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le projet de déménagement du tgi de l'Île de la Cité. L'urgence de mener à bien ce projet est en effet indiscutable, l'éparpillement des juridictions dans une multitude de sites étant préjudiciable au bon fonctionnement du tgi et source de frais de location importants. Les enjeux qui s'attachent à ce chantier ont justifié la création par décret de l'Établissement public du palais de justice de Paris qui exerce l'ensemble des prérogatives dévolues au maître d'ouvrage. La rareté des terrains disponibles dans la capitale a imposé de lier l'élaboration du projet à la prospection foncière. Le comité d'orientation de l'établissement s'est prononcé en faveur d'une délocalisation de l'ensemble de la juridiction dans un site unique. Son conseil d'administration a recommandé une implantation sur les sites dits de Saint-Vincent de Paul et de l'Hôtel-Dieu, avec comme alternative possible un terrain à Tolbiac. L'année 2005 sera marquée par l'achat du terrain et le lancement du concours d'architecture, la livraison du nouveau tribunal étant prévue pour 2011.

d) Les mesures en faveur de l'accès au droit

_ La dotation budgétaire prévue pour l'aide juridictionnelle passe de 291,2 à 299,7 millions d'euros. Cet ajustement de 8,5 millions d'euros permettra de financer les mesures suivantes :

-  application de la troisième tranche de l'exclusion de l'aide personnalisée au logement et de l'allocation de logement social des ressources prises en compte pour l'admission à l'aide juridictionnelle (1,15 million d'euros) ;

-  incidence sur l'aide juridictionnelle de l'ouverture de la procédure de rétablissement personnel, prévue par les articles 35 à 46 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (5,68 millions d'euros) ;

-  extension à l'assistance des victimes du champ des protocoles de défense pénale de qualité : depuis 2003, l'assistance des parties civiles devant une juridiction de jugement du premier degré et pour une instruction correctionnelle ou criminelle est incluse dans les protocoles d'amélioration de la défense conclus entre les barreaux et les juridictions (40 000 euros) ;

-  incidence sur l'aide juridictionnelle de la réforme de la procédure d'asile prévue par la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 qui a unifié l'instruction et le traitement des demandes d'asile, quel que soit le statut réclamé, celui de réfugié ou celui de la protection subsidiaire. Cette unification se traduit par la généralisation de la compétence de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la compétence de la Commission des recours des réfugiés en cas de contestation, et par une hausse des recours devant celle-ci (1,12 million d'euros) ;

-  transposition de la directive n° 2003/8/CE tendant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes à l'aide juridictionnelle accordée dans de telles affaires (70 000 euros) ;

-  extension à l'outre-mer de la revalorisation de la rétribution des avocats prévue par le décret n° 2003-853 du 5 septembre 2003 (13 000 euros) ;

-  extension du champ de l'aide juridictionnelle en matière civile et administrative à la Polynésie française et à Wallis et Futuna (420 000 euros).

_ Axe important de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, l'accès au droit et l'aide aux victimes fait l'objet de deux mesures nouvelles :

-  750 000 euros viendront renforcer les capacités d'intervention des associations d'aide aux victimes, notamment pour les situations d'urgence (mise en place d'astreintes téléphoniques, élargissement des horaires de permanence, recrutement de psychologues ...) ;

- 250 000 euros sont affectés au développement de la politique d'accès au droit des publics fragilisés, par le biais de projets initiés par les chefs de cour dans le cadre des « plates-formes » européennes mises en place par la Chancellerie.

B. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

La justice administrative a pour mission de veiller au respect du droit par l'administration, dans les relations que celle-ci entretient avec les administrés. Cette mission comprend quatre fonctions :

-  une fonction juridictionnelle qui couvre l'activité contentieuse du Conseil d'État, des huit cours administratives d'appel et des 37 tribunaux administratifs ;

-  l'activité consultative du Conseil d'État qui est chargé d'examiner les projets de loi, d'ordonnance, d'acte communautaire ou de décret en Conseil d'État, et peut être consulté par le Gouvernement sur toute question ou difficulté d'ordre juridique ou administratif, ainsi que celle des cours administratives ou des tribunaux administratifs qui peuvent être saisis de demandes d'avis par les préfets ;

-  une fonction d'études et d'expertise, à travers les travaux de la section du rapport et des études du Conseil d'État et la participation des membres des juridictions administratives à diverses commissions ou leur mise à disposition après d'autres administrations ;

-  une fonction de gestion et de soutien, assurée par les services administratifs, de documentation et de bibliothèque placés auprès des juridictions administratives.

1. L'activité des juridictions administratives : une progression inquiétante du contentieux

Si la situation du Conseil d'État se stabilise et celle des cours administratives d'appel s'améliore, les contentieux portés devant les tribunaux administratifs se développent dans des proportions préoccupantes.

_ Le Conseil d'État

ACTIVITÉ DU CONSEIL D'ÉTAT

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004 (1)

Affaires enregistrées

8 427

12 330

12 274

12 642

11 281

9 905

5 951

Affaires traitées

9 450

10 988

12 236

12 553

11 402

11 135

5 509

Affaires en stock

8 479

10 067

10 159

10 227

10 190

8 993

9 519

Délai moyen théorique d'élimination des stocks

11 mois

11 mois

10 mois

10 mois

10 mois et 3 sem.

11 mois

-

(1) Du 1er janvier au 30 juin 2004.

Source : ministère de la Justice

Après une progression des affaires enregistrées en 1995, suivie d'un fléchissement important en 1996 puis moindre en 1997, le Conseil d'État a connu une nouvelle augmentation des entrées en 1998 et tout particulièrement en 1999, liée notamment au contentieux des visas qu'il connaît en premier ressort, et à celui des reconduites à la frontière dont il est juge d'appel. De 1999 à 2001, le nombre d'affaires enregistrées est resté à un niveau élevé (plus de 12 000 affaires par an), en raison de l'importance du contentieux des étrangers, puis a nettement diminué en 2002 et 2003. Cette diminution n'est qu'apparente : la réforme de la procédure de règlement des questions de compétence à l'intérieur de la juridiction administrative, entrée en vigueur au 1er juin 2002, minore le chiffre des entrées 2002 d'environ 1 500 affaires par rapport à l'année précédente. En fait, l'année 2002 se caractérise plutôt par une certaine stabilité des entrées, et, pour l'année 2003, l'apparente diminution du chiffre traduit plutôt une stabilité des entrées par rapport à 2002 et 2001. En revanche, le chiffre des affaires enregistrées au cours du premier semestre 2004 comparé à celui du premier semestre 2003 fait apparaître une forte augmentation, due principalement à l'accroissement du nombre des pourvois en cassation, notamment ceux dirigés contre les arrêts des cours administratives d'appel (+ 10,7 %), ainsi que ceux dirigés contre les décisions rendues en premier et dernier ressort par les tribunaux administratifs, notamment en matière de référé (+ 23,5 %).

Entre 1994 et 2003, le nombre des affaires jugées, maintenu à un niveau de 11 000 à 12 000 affaires par an (sauf en 1998), a permis de faire régulièrement baisser le délai moyen prévisible de jugement des affaires en stock. Même si, en 1999, on enregistre un déficit des sorties par rapport aux entrées pour environ 1 300 affaires, on constate qu'en 2000 et 2001, le nombre des affaires jugées redevient nettement supérieur à celui de l'année précédente, ce qui permet de rééquilibrer le rapport entre les entrées et les sorties. En 2002 et 2003, le nombre des affaires jugées a diminué par rapport aux deux années précédentes, mais, comme pour les entrées, ce chiffre est minoré du fait de la réforme de la procédure de règlement des questions de compétence à l'intérieur de la juridiction administrative.

En dix ans, le stock a diminué de plus de la moitié. De 1994 à 1998, il a régulièrement diminué, puis s'est stabilisé jusqu'en 2002 au niveau de 10 000 affaires par an ; il connaît à nouveau une diminution en 2003. Depuis 1997, le stock reste inférieur à la capacité annuelle de jugement et s'est considérablement « rajeuni », car il comprend désormais un moins grand nombre d'affaires anciennes. Le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock est actuellement de moins de 10 mois, soit une réduction de plus d'un mois par rapport à l'année 2002.

_  Les cours administratives d'appel

ACTIVITÉ DES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004 (1)

Affaires enregistrées

14 330

16 056

16 540

15 375

15 267

15 640

7 430

Affaires traitées

9 199

11 390

12 906

12 928

14 281

16 700

10 445

Affaires en stock

29 334

33 798

37 723

40 073

40 968

40 058

37 362

Délai moyen théorique
d'élimination des stocks

3 ans
2 mois

3 ans

2 ans
11 mois

3 ans
1 mois

2 ans
10 mois

2 ans
5 mois

-

(1) Du 1er janvier au 30 juin 2004.

Source : ministère de la Justice

Depuis 1992, les cours administratives d'appel ont connu, du fait du transfert échelonné de l'appel des recours pour excès de pouvoir, une progression des entrées sans précédent : le nombre annuel d'affaires enregistrées a triplé entre 1992 et 2000. Cette progression, qui s'était déjà ralentie en 2000, s'est pour la première fois inversée en 2001, avec une diminution de 7 % du nombre des entrées. Depuis cette date, le nombre d'affaires nouvelles est relativement stable.

Le volume des affaires traitées a progressé de près de 173 % entre 1993 et 2003. Après une certaine stabilisation en 2001, il connaît depuis 2002 une forte progression, pour atteindre, en 2003, 16 700 affaires. Cette amélioration s'explique notamment par la création des cours administratives d'appel de Marseille en 1997, puis de Douai en 1999. La situation devrait encore s'améliorer fin 2004, dans la mesure où la création d'une nouvelle cour administrative d'appel à Versailles, effective depuis le 1er septembre 2004, devrait permettre d'alléger la charge reposant sur celle de Paris.

En 1996, les cours administratives d'appel ont subi les pleins effets des transferts de compétences en provenance du Conseil d'État. Leur stock d'affaires en instance a ainsi été multiplié par cinq entre 1992 et 1999, et le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock a dépassé les trois ans en 1997. En 2003, pour la première fois depuis leur création, les juridictions d'appel ont traité plus d'affaires qu'elles n'en ont reçues, permettant ainsi une diminution du stock des affaires en instance. Cette évolution favorable devrait se poursuivre en 2004. Le délai prévisible moyen des affaires en stock pourrait ainsi être ramené à deux ans au 31 décembre 2004.

_ Les tribunaux administratifs

ACTIVITÉ DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004 (1)

Affaires enregistrées

123 834

117 429

113 059

123 354

112 703

128 422

74 445

Affaires traitées

104 615

112 206

118 991

120 773

118 915

127 035

69 771

Affaires en stock

207 920

209 247

201 534

203 303

196 068

197 913

202 577

Délai moyen théorique
d'élimination des stocks

2 ans

1 an
10 mois

1 an
8 mois

1 an
8 mois

1 an
8 mois

1 an
7 mois

-

(1) Du 1er janvier au 30 juin 2004.

Source : ministère de la Justice

Après une période de progression quasi continue de 1991 à 1998, le nombre d'affaires nouvelles enregistrées devant les tribunaux administratifs s'est stabilisé jusqu'en 2002. Depuis l'année 2003, on constate à nouveau une très forte progression des entrées, liée notamment à l'augmentation du contentieux des étrangers et du contentieux des pensions. Le mouvement se poursuit, puisque les résultats des six premiers mois de l'année 2004 (+ 27,3 % par rapport au premier semestre 2003) font craindre une augmentation du total des entrées de plus de 20 % par rapport au volume constaté en 2003.

Le nombre d'affaires jugées s'est accru de façon quasi continue de 1993 à 2003. Il est ainsi supérieur de près de 63 % en 2003 à celui relevé dix ans auparavant. En 2000 et 2002, le ratio des affaires jugées sur les affaires enregistrées a dépassé les 100 %. Cependant, en 2003, le nombre d'affaires réglées a progressé dans une proportion moindre que celui des affaires enregistrées, et le ratio des affaires traitées sur les affaires enregistrées s'est sensiblement détérioré.

Après une relative stabilisation du volume de dossiers en stock en 1999, l'année 2000 a enregistré, pour la première fois, une baisse du stock de près de 4 %, inversant ainsi la tendance observée sur la décennie. Cette évolution favorable ne s'est pas poursuivie en 2001, en raison notamment du volume important du contentieux électoral, et, en 2003, le déséquilibre constaté entre les affaires enregistrées et les affaires traitées a entraîné, par effet mécanique, une nouvelle augmentation des stocks. Les prévisions pour 2004 font craindre que le niveau du stock d'affaires en instance devant les tribunaux administratifs repasse fortement au-dessus de la barre des 200 000 affaires.

L'engorgement des tribunaux administratifs montre qu'il est urgent de revoir certaines procédures. Il faut notamment que les administrations répondent aux demandes qui leur sont faites : en laissant sans réponse les recours adressés par les administrés, les services renvoient sur les tribunaux administratifs des différends qui pourraient être résolus sans recours au juge. Les dispositions législatives relatives au développement des recours préalables n'ont, pour le moment, été appliquées qu'au sein du ministère de la Défense. De même, la procédure de reconduite à la frontière mériterait d'être réexaminée. Le contentieux relatif aux reconduites à la frontière a été multiplié par trois au cours des dernières années, et le stock des dossiers en cours atteint des proportions inégalées dans certains tribunaux administratifs. La multiplication des arrêtés de reconduite par voie postale est à l'origine de cet engorgement, alors même que le taux d'exécution de ces arrêtés est très faible.

2. Le projet de budget pour 2005

Avec une dotation de 174,8 millions d'euros en crédits de paiement, les crédits consacrés aux juridictions administratives augmentent de 3,2 % à structure constante. Cette progression fait suite à l'augmentation de 11,1 % votée l'année dernière.

BUDGET DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
(crédits de paiement)

LFI 2004

PLF 2005

Évolution
(en %)

Dépenses ordinaires

Titre III

158 104 065

164 534 644

+ 4

Personnel

130 539 789

134 525 499

+ 3

Fonctionnement

27 564 276

30 009 145

+ 8,9

Titre IV

24 561

9 501

- 61,3

Totaux pour les dépenses
ordinaires

158 128 626

164 544 145

+ 4

Dépenses en capital

Titre V

12 300 000

10 300 000

- 16,3

Totaux pour les dépenses
en capital

12 300 000

10 300 000

- 16,3

TOTAUX GÉNÉRAUX

170 428 626

174 844 145

+ 2,6

Source : projet de loi de finances pour 2005

_ Avec 2 677 agents, les effectifs des juridictions administratives augmenteront de 1,7 % par rapport à 2004, grâce à la création de 46 emplois : 2 pour le Conseil d'État et 44, dont 21 emplois de magistrats, pour les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs.

On rappellera que, pour 2004, les effectifs budgétaires des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel s'élèvent à 888 magistrats et 1 141 agents de greffe, tandis que le Conseil d'État comptera, au 31 décembre prochain, 216 membres et 359 agents. Après s'être stabilisé à 1,4 entre 1997 et 1999, le ratio entre le nombre d'agents de greffe et le nombre de magistrats diminue continûment depuis cette date : il est ainsi passé de 1,38 à 1,34 entre 2000 et 2002. Les prévisions pour 2004 laissent présager une amélioration, puisqu'il passerait à 1,33 au 31 décembre 2003 et à 1,36 un an après.

_  Les personnels de ces juridictions bénéficieront de plusieurs mesures indemnitaires.

Outre des transformations d'emplois et des pyramidages statutaires, un abondement de 0,99 million d'euros est prévu au titre des mesures indemnitaires, principalement pour :

-  ajuster la dotation relative à l'indemnité forfaitaire versée aux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (7) (0,568 million d'euros) ;

-  assurer la parité indemnitaire entre agents des greffes des juridictions administratives et personnels de préfectures (0,215 million d'euros) ;

-  mettre en place une rémunération variable pour les membres du Conseil d'État exerçant une fonction d'encadrement (0,1 million d'euros) ;

-  revaloriser l'indemnité pour sujétions spéciales versée aux commissaires du Gouvernement près des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel (0,056 million d'euros).

En outre, une dotation de 0,058 million d'euros est prévue au titre de l'abondement de la nouvelle bonification indiciaire pour l'encadrement supérieur du Conseil d'État et des juridictions administratives, afin de tenir compte des emplois créés en 2004.

Enfin, une mesure nouvelle de 0,796 million d'euros est inscrite pour ouvrir aux magistrats et agents des juridictions administratives le régime additionnel des retraites obligatoires de la fonction publique.

_ Le budget pour 2005 prévoit 3,2 millions d'euros de mesures nouvelles en faveur des moyens de fonctionnement des juridictions administratives. Cette augmentation bénéficie à l'informatique pour 2,1 millions d'euros et aux crédits de fonctionnement courant à hauteur de 1,1 million d'euros.

_ S'agissant des dépenses d'équipement, 13,6 millions d'euros d'autorisations de programme sont prévus au titre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, répartis entre le Conseil d'État (2,1 millions d'euros) et les juridictions administratives (11,5 millions d'euros dont 4 millions d'euros pour la création d'un nouveau tribunal administratif à Versailles).

C. L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Le budget de l'administration générale regroupe les moyens des services suivants :

-  les services chargés de concevoir le droit civil et pénal (direction des affaires civiles et du sceau, direction des affaires criminelles et des grâces, service des affaires européennes et internationales) ;

-  les services chargés de mettre en œuvre les politiques et de gérer les moyens, à savoir certains services centraux de la Chancellerie (8), les centres de prestations régionaux et antennes régionales de l'équipement, chargés d'apporter un appui opérationnel aux juridictions et aux services déconcentrés du ministère, ainsi que l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la Justice et l'Établissement public du palais de justice de Paris.

Les moyens de l'administration générale englobent également :

-  les crédits de Casier judiciaire national, service extérieur à compétence nationale chargé de l'administration et de la gestion des condamnations pénales et de la délivrance des bulletins de casier judiciaire ;

-  les charges de pension et d'action sociale, communes à l'ensemble du ministère ;

-  les autorités administrative indépendantes budgétairement rattachées au ministère de la Justice : Commission nationale informatique et libertés et Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

-  les subventions aux ordres nationaux (Légion d'honneur et Libération) ;

-  enfin, les crédits de recherche dans le domaine de la justice.

BUDGET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
(crédits de paiement)

LFI 2004

PLF 2005

Évolution
(en %)

Dépenses ordinaires

Titre III

688 174 371

727 665 442

+ 5,7

Personnel

595 413 875

629 567 526

- 5,7

Fonctionnement

92 760 496

98 097 916

+ 5,6

Titre IV

1 383 887

1 382 063

- 0,1

Totaux pour les dépenses
ordinaires


689 558 258


729 047 505


+ 5,7

Dépenses en capital

Titre V

6 000 000

11 456 000

+ 90,9

Titre VI

`'

3 000 000

Totaux pour les dépenses
en capital


6 000 000


14 456 000


+ 140,1

TOTAUX GÉNÉRAUX

695 558 258

743 503 505

+ 6,9

Source : projet de loi de finances pour 2005.

Avec 743,5 millions d'euros en crédits de paiement pour 2005, le budget de l'administration générale progresse de 7,3 % à structure constante.

_ La loi de programmation et d'orientation pour la justice a prévu un renforcement des fonctions d'expertise et de gestion de l'administration centrale et fixé à cette fin un objectif de 180 créations d'emplois sur cinq ans. Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit la création de 43 emplois (9). Ces emplois font suite aux 86 créations intervenues en 2003 et 2004.

En outre, il sera procédé à 84 transferts d'emplois des services déconcentrés vers les services centraux, afin de clarifier la répartition des moyens et de poursuivre le plan de régularisation des mises à disposition d'agents des services déconcentrés en administration centrale.

Les mesures intéressant les personnels comprennent :

-  l'application aux magistrats de l'inspection des services judiciaires des revalorisations indemnitaires prévues pour les magistrats en juridictions (106 149 euros) ;

-  les « repyramidages » et transformations d'emplois destinés à améliorer le déroulement des carrières des attachés et adjoints ou secrétaires administratifs, et à adapter certains emplois à la situation réelle de ces agents (344 000 d'euros) ;

-  la poursuite de la mise à niveau du régime indemnitaire des agents des catégories A, B et C de l'administration centrale (367 000 euros) ;

-  l'ajustement des crédits indemnitaires en faveur des personnels de l'insee (114 220 euros) ;

-  l'abondement de la dotation relative à la nouvelle bonification indiciaire pour l'encadrement supérieur (18 645 euros) ;

-  l'augmentation de la masse salariale des contractuels, afin de leur garantir des perspectives de revalorisation (65 900 euros).

En outre, la mise en place du régime additionnel des retraites obligatoires de la fonction publique se traduit par une mesure nouvelle de 570 000 euros.

_ Les crédits de fonctionnement de l'administration centrale bénéficieront de 4,3 millions d'euros de moyens nouveaux, afin notamment de faire face au déménagement des services installés rue Saint-Honoré vers le site de Javel (3,9 millions d'euros) et à l'augmentation des loyers (0,4 million d'euros).

_  Enfin, au titre de l'équipement, 21,75 millions d'euros en autorisations de programme sont prévus pour la rénovation du bâtiment Vendôme-Cambon (4,65 millions d'euros), l'investissement informatique (14,1 millions d'euros) et la mise en œuvre du dispositif de réservation et de construction de logements sociaux (3 millions d'euros). En outre, 14,5 millions d'euros en crédits de paiement sont inscrits pour poursuivre la rénovation et le relogement de la Commission nationale informatique et libertés.

Pour leur part, l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la Justice et l'Établissement public du palais de justice de Paris bénéficient de la création de 11 emplois et d'une mesure nouvelle de 0,4 million d'euros en crédits de fonctionnement.

II. -  LA MISE EN PLACE DES JURIDICTIONS DE PROXIMITÉ

Instituées dans le ressort de chaque cour d'appel par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, les juridictions de proximité ont commencé à fonctionner en septembre 2003, le statut des juges de proximité ayant été fixé par la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003.

A. LE CADRE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE

Le décret n° 2003-542 du 23 juin 2003 a précisé les compétences et l'organisation de ces nouvelles juridictions de première instance. À cette fin, il a modifié le code de l'organisation judiciaire, le nouveau code de procédure civile, le code de procédure pénale ainsi que le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

1. Les compétences et l'organisation des juridictions de proximité

Aux termes de l'article L. 331-2 du code de l'organisation judiciaire tel qu'il résulte de la loi du 9 septembre 2002, cette nouvelle juridiction connaît en dernier ressort, en matière civile, des « actions personnelles mobilières dont elle est saisie par une personne physique pour les besoins de sa vie non professionnelle, jusqu'à la valeur de 1 500 euros ou d'une valeur indéterminée mais qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 1 500 euros ». Cet article a également donné compétence à la juridiction de proximité pour connaître des procédures d'injonction de faire et de payer dans les mêmes conditions. Le décret précité du 23 juin 2003 exclut expressément de ce champ les contestations en matière de baux à loyer d'immeubles ou de baux à usage commercial, artisanal ou industriel qui échappent également à la compétence des tribunaux d'instance, conformément à l'article R. 321-2 du code de l'organisation judiciaire (10). De même, il prévoit, dans un nouvel article R. 331-2 de ce même code, que la juridiction de proximité connaît toutes les demandes incidentes, exceptions ou moyens de défense qui ne soulèvent pas une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction, sauf si le moyen de défense ou l'exception implique l'examen d'une question de nature immobilière pétitoire. Il précise également l'articulation des compétences entre la juridiction de proximité et le tribunal d'instance, dont la compétence générale d'attribution est modifiée (11).

Le juge de proximité s'est également vu reconnaître par l'article 10 de la loi d'orientation et de programmation pour la justice des compétences pénales de deux ordres :

-  d'une part, la validation, sur délégation du président du tribunal de grande instance, des mesures de composition pénale prévues aux articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale (12) ;

-  d'autre part, le jugement de certaines contraventions de police commises par les personnes physiques. Introduit par l'article 27 du décret du 23 juin 2003, l'article R. 53-40 du code de procédure pénale énumère ces contraventions, qui sont extrêmement variées : en effet, les juges de proximité sont compétents pour juger de nombreuses contraventions prévues par le code pénal, qui vont de la première à la cinquième classes et sont contre les personnes, mais également contre les biens, l'État, la Nation ou la paix publique, la vie ou l'intégrité des animaux. Ils sont également compétents pour connaître de contraventions prévues par d'autres codes - code de la route, code de la santé publique, code forestier, code des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme, code rural - ainsi que par des décrets, tels que décret du 22 mars 1942 sur la police, la sûreté et les voies ferrées d'intérêt général et local ou encore le décret du 27 juin 1996 relatif à la lutte contre la rage.

Pour s'en tenir à quelques exemples, les juges de proximité jugent désormais de certaines contraventions des quatre premières classes réprimées par le code de la route, de l'abandon d'armes ou d'objets dangereux (contravention de la première classe réprimée par l'art. R. 641-1 du code pénal), de la divagation d'animaux dangereux (contravention de la deuxième classe réprimée par l'art. R. 622-2 du code pénal), des bruits ou tapages injurieux ou nocturnes (contravention de la troisième classe réprimée par l'art. R. 623-2 du code pénal) ; des violences légères (contravention de la quatrième classe réprimée par l'art. R. 624-1 du code pénal) ; des violences ayant entraîné une interruption de travail inférieure à huit jours ou de l'intrusion dans les établissements scolaires (contraventions de la cinquième classe respectivement réprimées par les article R. 625-1 et R. 645-12 du code pénal). Ils connaissent également des contraventions réprimant les bruits de voisinage et le fait de contrevenir à l'interdiction de fumer prévue dans certains lieux affectés à un usage collectif (art. R. 48-2 et R. 355-28-13 du code de la santé publique), le fait de voyager dans un train sans titre de transport (art. 80-3 du décret du 22 mars 1942 précité) ou encore le fait d'allumer du feu en contravention avec les dispositions de l'article L. 322-1 du code forestier (art. R. 322-5 de ce code).

Après la loi d'orientation et de programmation du 9 septembre 2002 et la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 relative aux juges de proximité, le décret n° 2003-542 du 23 juin 2003 a précisé sur plusieurs points l'organisation de ces juridictions.

Il a tout d'abord précisé le siège et le ressort des juridictions de proximité qui, conformément à l'article L. 331-1 du code de l'organisation judiciaire (coj) tel qu'introduit par la loi d'orientation et de programmation du 9 septembre 2002, sont instituées dans le ressort de chaque cour d'appel. Le nombre et l'implantation de ces juridictions sont identiques à ceux des tribunaux d'instance, dont il partage le greffe et le secrétariat-greffe (art. R. 811-7 du coj, introduit par l'art. 14 du décret du 23 juin 2003). Il fixe également les règles applicables en cas de création, de modification du ressort ou de suppression d'une juridiction de proximité (art. R. 331-4 du coj).

Au-delà de cette identité de ressort, les juridictions de proximité, bien que juridictions autonomes, entretiennent des liens étroits avec les tribunaux d'instance. En effet, la loi d'orientation et de programmation pour la justice a confié au juge d'instance le soin d'exercer les fonctions des juges de proximité lorsque ceux-ci sont absents ou empêchés ou lorsqu'ils sont en nombre insuffisant (art. L. 331-9 du coj) ; elle lui a également confié le soin de statuer en tant que juridiction de proximité en cas de difficulté juridique sérieuse portant sur l'application d'une règle de droit ou sur l'interprétation du contrat liant les parties (art. L. 331-4 du coj). En outre, la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 relative aux juges de proximité a confié au magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de la direction et l'administration du tribunal d'instance le soin d'organiser l'activité et les services de la juridiction de proximité et de fixer par ordonnance annuelle la répartition des juges de proximité dans les différents services de la juridiction(13). Elle lui a également confié le soin de conduire l'entretien précédant l'évaluation de l'activité professionnelle des juges de proximité (art. 12-1 du statut de la magistrature). Aux termes des articles R. 331-5 et R. 331-6 du coj, créés par le décret du 23 juin 2003, c'est à ce magistrat qu'il revient d'installer le juge de proximité et de recevoir son rapport d'activité annuel. Il lui incombe également de présider, dans les juridictions de proximité comportant un effectif d'au moins trois juges, les assemblées des magistrats du siège et du parquet ainsi que les assemblées des magistrats du siège (art. R. 762-11 du coj).

La juridiction de proximité entretient également des liens avec le tribunal de grande instance. Aux termes de l'article 41-22 du statut de la magistrature tel qu'il résulte de la loi organique du 26 février 2003, c'est au président de cette juridiction qu'il revient de transmettre un dossier à un autre juge de proximité du ressort du tgi à la demande de l'une des parties ou du juge de proximité, lorsque le litige dont ce dernier doit connaître présente un lien avec son activité professionnelle ou lorsqu'il entretient ou a entretenu des relations professionnelles avec l'une des parties. En outre, le nouvel article R. 311-38-1 du coj confie au président du tribunal de grande instance le soin de procéder à l'inspection des juridictions de proximité situées dans le ressort de son tribunal et de s'assurer de la bonne administration des services judiciaires et de l'expédition normale des affaires.

Si la loi d'orientation et de programmation du 9 septembre 2002 a précisé les grandes lignes du fonctionnement des juridictions de proximité, en indiquant notamment qu'elles statuent à juge unique (art. L. 331-7 du coj) et qu'elles peuvent tenir des audiences foraines (art. L. 331-8 du coj), le décret du 23 juin 2003 apporte plusieurs précisions. Il prévoit ainsi pour les juges de proximité le port d'une médaille, le choix de cet insigne les rapprochant ainsi des conseillers prud'homaux ; il organise les assemblées générales des juridictions de proximité qui seront instituées dans les juridictions comportant au moins trois juges de proximité (art. R. 762-9 et R. 762-10 du coj) et précise leurs attributions ; il précise les lieux dans lesquels peuvent être tenues des audiences foraines (art. R. 321-44 du coj). Enfin, il apporte des modifications au nouveau code de procédure civile pour étendre aux juridictions de proximité certaines dispositions relatives aux tribunaux d'instance.

2. Le statut des juges de proximité

Conformément aux orientations définies dans le rapport annexé à la loi du 9 septembre 2002, ces juridictions ont vocation à être animées par des juges non professionnels. Cette composition fait d'ailleurs leur spécificité et leur raison d'être, la proximité recherchée avec les justiciables passant tant par la nature des litiges traités, la simplicité des règles procédurales applicables ou la proximité géographique que par la composition de ces juridictions. Aussi la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 a-t-elle précisé le statut et les conditions de recrutement des juges de proximité en y consacrant un chapitre V quinquies inséré dans le statut de la magistrature.

Nommés pour une durée de sept ans non renouvelable dans les conditions prévues pour les magistrats du siège (art. 41-17 du statut), ces juges sont soumis au statut de la magistrature (art. 41-19 du statut), sous réserve de certains aménagements : leur régime disciplinaire a ainsi été aménagé pour tenir compte du caractère temporaire de l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles (art. 41-23 du statut) ; des règles déontologiques spécifiques ont été instituées en raison de la faculté qui leur est ouverte d'exercer concomitamment une activité professionnelle (art. 41-22 du statut), des règles d'incompatibilités spécifiques ayant été prévues pour les membres des professions juridiques et judiciaires afin de leur interdire l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles dans le ressort du tribunal de grande instance au sein duquel ils ont leur domicile professionnel.

3. Les conditions de recrutement, de formation et de rémunération des juges de proximité

La loi organique du 26 février 2003 s'est attachée à définir les conditions de recrutement et de formation des juges de proximité.

Prévus à l'article 41-17 du statut de la magistrature, les critères devant être remplis par les personnes désireuses d'exercer les fonctions de juge de proximité privilégient l'expérience professionnelle. Les candidats peuvent ainsi être : d'anciens magistrats de l'ordre judiciaire ou administratif ; des personnes qui remplissent les conditions requises pour présenter le concours d'accès à l'enm ou qui sont membres ou anciens membres des professions libérales juridiques ou judiciaires soumises à un statut ou dont le titre est protégé, et qui, en tout état de cause, justifient de quatre années d'exercice au moins dans le domaine juridique ; d'anciens fonctionnaires des services judiciaires des catégories A et B, que leur expérience qualifie pour l'exercice des fonctions judiciaires ; des conciliateurs de justice ayant exercé leur fonction pendant au moins cinq ans ; enfin, des personnes justifiant de vingt-cinq années au moins d'activité dans des fonctions impliquant des responsabilités de direction et d'encadrement dans le domaine juridique (14).

L'article 35-7 du décret du 7 janvier 1993, tel qu'il résulte du décret n° 2003-438 du 15 mai 2003, a précisé les conditions de traitement des candidatures : dépôt des demandes des intéressés auprès des chefs de la cour d'appel dans le ressort de laquelle ils résident ; instruction des candidatures et transmission au garde des Sceaux avec un avis motivé ; transmission par celui-ci à la formation du Conseil supérieur de la magistrature (csm) compétente à l'égard des magistrats du siège des projets de nomination aux fonctions de juge de proximité, auxquels est jointe la liste de tous les candidats à ces fonctions dans la même juridiction, étant précisé que les dossiers de l'ensemble des candidats sont tenus à la disposition du csm.

L'article 41-19 du statut soumet les futurs juges de proximité à une obligation de formation qui peut prendre deux formes et dont les conditions d'organisation ont été précisées dans le décret n° 2003-438 du 15 mai 2003 modifiant le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. L'objectif est ainsi de donner à ces magistrats temporaires une formation leur permettant d'assumer leurs nouvelles missions juridictionnelles sans trop de lourdeur, certains d'entre eux exerçant concomitamment une activité professionnelle.

La formation peut, dans une première hypothèse et à la demande du csm, compétent pour procéder à la nomination des juges de proximité, présenter un caractère probatoire. Organisée par l'École nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction, elle donne lieu à la rédaction, par le directeur de l'enm, d'un bilan adressé à la formation compétente du csm et au garde des Sceaux ; c'est après examen de ce rapport que le csm nomme, le cas échéant, le candidat juge de proximité. Contrepartie de l'élargissement du vivier de recrutement, la faculté ainsi accordée au csm de soumettre le candidat à une formation probatoire est de nature à éviter toute « frilosité » dans les nominations, celles-ci ayant lieu en connaissance de cause. Aux termes du nouvel article 35-11 du décret du 7 janvier 1993 pris pour l'application du statut de la magistrature, ces candidats suivent une formation de cinq jours consécutifs à l' enm, comprenant notamment des enseignements portant sur la déontologie, les principes de la procédure et le fonctionnement des juridictions, ainsi que l'apprentissage de la technique de la rédaction des jugements et de la tenue d'une audience. S'ensuit un stage en juridiction « à raison de vingt-quatre jours de présence effective en juridiction sur une période de douze semaines ».

L'article 35-12 du décret du 7 janvier 1993 précise les modalités de choix du lieu de ce stage, choix qui relève de la compétence de l'enm : afin de ne pas décourager les candidatures de personnes qui exerceraient une activité professionnelle concomitante et compte tenu du fait que ce stage ne se déroule pas par journées consécutives, il est précisé que le lieu de stage est choisi dans le ressort de la cour d'appel ou dans celui d'une cour limitrophe, dont relève la juridiction d'affectation du juge de proximité ou la juridiction pour laquelle une proposition d'affectation du candidat a été faite. En revanche, afin de préserver l'indépendance de ces juges ou candidats et anticipant les incompatibilités géographiques imposées aux juges de proximité, il est précisé que, lorsque ces derniers sont membres ou anciens membres d'une profession libérale juridique ou judiciaire, ils ne peuvent effectuer ce stage dans une juridiction du ressort du tribunal de grande instance où ils exercent - ou ont exercé - leur activité professionnelle.

En tout état de cause, les candidats que le csm n'aura pas jugé utile de soumettre à une formation probatoire doivent suivre une formation organisée par l'enm et effectuer un stage en juridiction. Si la formation à l'École est identique à celle précédemment décrite pour les candidats soumis à une formation probatoire, le stage est en revanche allégé, l'article 35-9 du décret du 7 janvier 1993 le limitant à seize jours de présence effective en juridiction sur une période de huit semaines, sa durée pouvant même, « à titre exceptionnel, être réduite par le Conseil supérieur de la magistrature, au vu de l'expérience professionnelle du candidat ».

Cette formation initiale est rémunérée, à hauteur d'une indemnité de vacation correspondant au taux unitaire par jour de formation, conformément à l'article 35-14 du décret du 7 janvier 1993.

Enfin, à cette formation initiale, s'ajoute une obligation de formation continue, d'une durée totale de dix jours pendant la période d'exercice des fonctions (art. 35-13 du décret du 7 janvier 1993). L'article 35-14 du décret du 7 janvier 1993 précise que toute journée de formation donne lieu à la perception d'une indemnité de vacation correspondant au taux unitaire (soit 70,20 euros par jour) qui, contrairement aux indemnités perçues au titre de la formation initiale, s'impute sur le total des vacations annuelles effectuées par les juges de proximité.

Conformément à l'article 41-21 du statut de la magistrature qui a posé le principe de la rémunération des juges de proximité par la perception d'une indemnité de vacation, le nouvel article 35-14 du décret du 7 janvier 1993, tel qu'il résulte du décret n° 2003-438 du 15 mai 2003, a précisé les modalités de leur rémunération. Il a fixé le montant brut du taux unitaire de la vacation à vingt-cinq dix millièmes du traitement brut annuel moyen d'un magistrat du second grade, soit 70,56 euros en septembre 2004. Le nombre de vacations allouées à chaque juge de proximité ne peut excéder 15 par mois et 132 par an.

Un arrêté du 15 mai 2003 (15) a précisé les modalités de décompte de ces vacations :

-  lorsque le service assuré consiste dans la tenue d'une audience, l'indemnité de vacation est égale à trois taux unitaires, rémunérant forfaitairement la préparation et la tenue de l'audience, ainsi que la rédaction des décisions afférentes à celle-ci ;

-  lorsque le service ne consiste pas dans la tenue d'une audience, une indemnité de vacation au taux unitaire est versée par demi-journée de présence dans la juridiction pour l'accomplissement des fonctions judiciaires.

La réalité du service fait est attestée par le magistrat chargé de l'administration et de la direction du tribunal d'instance dans le ressort duquel la juridiction de proximité a son siège. Ces indemnités de vacation sont soumises au régime général de sécurité sociale, par application des dispositions du décret n° 86-63 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'État.

B. LE PREMIER BILAN

1. Les candidatures

La Chancellerie a confié à une mission le soin de suivre l'installation de ces nouvelles juridictions : réunissant treize personnes et dirigée par un inspecteur des services judiciaires rattaché au directeur des services judiciaires, la mission est en relation avec les cours d'appel qui assurent l'instruction des candidatures ; elle effectue le contrôle de la recevabilité des dossiers, sélectionne ceux qui seront proposés par le ministre au Conseil supérieur de la magistrature et fournit des informations aux personnes qui souhaitent se porter candidates, tout en coordonnant l'activité des différents services concernés par la mise en place de ces juridictions.

Entre juillet 2003 et août 2004, le csm a été saisi à cinq reprises et a statué sur 690 dossiers. Le nombre moyen de dossiers par promotion est d'environ 160, à l'exception de la première qui ne comprenait que 35 dossiers.

L'examen de l'origine professionnelle des candidats montre que les différents viviers pointés par le législateur pour recruter les juges de proximité ont été exploités. En effet, il s'agit :

-  pour 40 %, de professionnels libéraux et officiers ministériels, en activité ou à la retraite, avec une très large proportion d'avocats ;

-  pour 10 %, d'anciens magistrats de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif ;

-  pour 40 %, de personnes justifiant d'un diplôme « bac + 4 » et de 4 années d'expérience juridique (juristes d'entreprises, anciens fonctionnaires de police, anciens militaires de le gendarmerie, anciens fonctionnaires de catégorie A) ;

-  pour 8 %, de personnes justifiant, à défaut d'un diplôme « bac + 4 », de 25 ans d'expérience juridique dans des fonctions d'encadrement ou de direction (ce sont, pour l'essentiel, d'anciens fonctionnaires de police ou militaires de la gendarmerie) ;

-  pour 1 %, d'anciens greffiers en chef ou greffiers des services judiciaires ;

-  pour 1 %, de conciliateurs de justice en exercice et justifiant de 5 années d'exercice de cette qualité.

Comme le laisse présager l'examen de ces profils, l'âge moyen des candidats est sensiblement plus élevé que la limite d'âge de 35 ans imposée par l'article 41-17 du statut, puisqu'il est de 53 ans (47 ans pour en moyenne pour les femmes et 59 ans pour les hommes).

2. Les recrutements

De juillet 2003 à octobre 2004, le csm a rendu, sur les 690 dossiers dont il a été saisi, 49 % d'avis conformes, 41 % d'avis avec stage probatoire et 9 % d'avis négatifs. Ces derniers sont notamment motivés par le caractère ancien ou insuffisamment qualifiant de l'expérience des candidats.

L'âge moyen des candidats retenus est de 58 ans pour les hommes et de 47 ans pour les femmes. Comme le laissait présager l'examen des dossiers proposés et reçus - et à l'inverse du corps judiciaire professionnel -, les femmes sont moins nombreuses que les hommes qui représentent 55 % des candidats retenus par le csm.

Au 15 octobre 2004, l'École nationale de la magistrature avait formé quatre promotions de juges de proximité, soit au total 466 personnes. Sur ce total, 31 personnes ont démissionné, préalablement à leur entrée en fonction.

3. L'activité

Si la première promotion de juges de proximité est entrée en fonction en septembre 2003, l'essentiel des effectifs a été installé entre janvier et juin 2004, la troisième vague entrant en fonction en octobre 2004.

Au 13 septembre 2004, 172 juges de proximité étaient en exercice, 79 en stage préalable et 85 en stage probatoire. La quasi-totalité des tribunaux d'instance dispose de juridictions de proximité.

3 300 juges de proximité devant être installés entre 2003 et 2007, il est envisagé d'en recruter plus de 300 à la fin de 2004. Leur localisation géographique a d'ores et déjà été fixée par la Chancellerie en prenant en compte l'activité juridictionnelle tant en matière civile que pénale, la population dans le ressort et les effectifs des magistrats, ainsi que les propositions des cours d'appel.

Les premiers résultats sur l'activité des juges de proximité montrent une indéniable sous-utilisation de ce nouvel ordre de juridiction.

Le contentieux civil porté devant les juridictions de proximité représente moins de 5 % de celui relevant des tribunaux d'instance. La fréquence des audiences se situe entre deux et trois mois, chaque audience traitant en moyenne une quinzaine de dossiers. Les juges de proximité ne rédigent que trois à cinq jugements et une dizaine d'injonctions par mois. Les affaires les plus fréquentes portent sur des dépôts de garantie, des ventes d'automobile et des litiges relatifs à l'usage de la téléphonie mobile.

Au pénal, les juridictions de proximité sont saisies de la quasi-totalité des contraventions de 5e classe, ce qui représente deux audiences par mois traitant chacune entre 30 et 60 dossiers. Pour la quatrième classe, on compte en moyenne une audience par trimestre, le nombre de dossiers par audience se situant entre 15 et 25.

4. Les moyens budgétaires alloués

Les lois de finances pour 2003 et pour 2004, ainsi que le projet de loi de finances pour 2005, ont dégagé les crédits nécessaires pour assurer la rémunération des juges de proximité et allouer à ces nouvelles juridictions les moyens humains et matériels indispensables à leur fonctionnement. Sur cette enveloppe, s'imputent les frais de déplacement, le premier équipement informatique et mobilier, les moyens de fonctionnement courant, ainsi que les moyens d'accompagnement nécessaires en termes de locaux, sachant que les besoins en superficie induits par la création de la justice de proximité sont, à plus long terme, pris en compte dans les programmes immobiliers en cours.

En 2003, a été déléguée la somme de 95 997 euros pour permettre l'installation des 19 juges de proximité ayant effectivement pris leurs fonctions avant le 31 décembre 2003. Au 15 septembre 2004, une somme de 517 711 euros a été déléguée pour accompagner les recrutements intervenus en 2004.

CRÉDITS OUVERTS OU PRÉVUS EN FAVEUR DES JURIDICTIONS DE PROXIMITÉ

(en millions d'euros)

LFI 2003

LFI 2004

PLF 2005

Total

Crédits de vacation

2,6

2,7

1,033

6,33

Cotisations sociales

-

1,3

0,467

1,77

Crédits de fonctionnement courant

0,4

0,7

0,95

2,05

Total

3

4,7

2,45

10,15

Source : ministère de la Justice.

En outre, s'agissant des moyens humains, 80 emplois de greffiers et 17 emplois de catégorie C ont été créés en 2003 et 2004 pour accompagner l'installation des juridictions de proximité. De plus, pour tenir compte de la charge de travail liée à la formation des juges de proximité par l'École nationale de la magistrature, un crédit de vacation de 17 000 euros a été ouvert en 2004.

C. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION

La nécessité d'apporter aux litiges de la vie quotidienne ainsi qu'aux infractions aux règles de conduite élémentaire de la vie de société une réponse judiciaire simple, rapide et efficace justifie d'étendre les compétences des juridictions de proximité. Les valeurs professionnelles des juges de proximité sélectionnés par le Conseil supérieur de la magistrature autorisent une telle extension.

À cet effet, le président et six membres de la commission des Lois ont déposé une proposition de loi (16) qui modifie les compétences des juridictions de proximité, tant en matière civile qu'en matière pénale.

Au pénal, les juges de proximité seraient appelés à participer aux formations collégiales correctionnelles. Les juges professionnels resteraient majoritaires dans les formations de jugement puisqu'un seul juge de proximité pourrait siéger à leurs côtés. Il appartiendrait aux présidents des tribunaux de grande instance, comme c'est déjà le cas pour les homologations des compositions pénales, de désigner expressément les juges de proximité pour l'exercice de telles fonctions.

Cette participation des juges de proximité aux formations collégiales correctionnelles répond à une demande maintes fois exprimée par les juridictions. Elle permettra, d'une part, de renforcer les capacités de traitement des affaires pénales, d'autre part, d'associer davantage les juges de proximité à l'institution judiciaire et de leur faire bénéficier de l'expérience des magistrats professionnels. Elle donnera également la possibilité pour les magistrats professionnels de se recentrer sur d'autres contentieux notamment au civil.

En outre, afin de rendre plus lisibles les compétences respectives de la juridiction de proximité et du tribunal de police, il est envisagé de confier les contraventions de 5e classe au tribunal de police et les contraventions des quatre premières classes à la juridiction de proximité. Il serait néanmoins possible de déroger à ce principe par la voie réglementaire.

Au civil, la compétence de la juridiction de proximité serait désormais étendue aux actions personnelles ou mobilières alors qu'elles étaient auparavant limitées aux actions personnelles et mobilières.

Par ailleurs, la juridiction de proximité serait compétente, d'une part, pour les demandes introduites par des personnes physiques y compris pour les besoins de leur vie professionnelle et, d'autre part, pour celles introduites par des personnes morales. Toutefois, seraient exclus de la compétence de la juridiction de proximité, le contentieux du crédit à la consommation ainsi que les mesures d'expulsion.

Il est envisagé de porter le taux de compétence de la juridiction de proximité de 1 500 à 4 000 euros, en dernier ressort, et de manière corrélative, le taux de compétence du tribunal d'instance serait porté de 7 600 à 10 000 euros en premier ressort. De la même façon, la juridiction de proximité connaîtrait à charge d'appel des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros.

Il est également proposé de confier au tribunal d'instance une compétence élargie en matière d'habitation. Outre sa compétence habituelle en matière de baux, le tribunal d'instance deviendrait compétent pour connaître de toutes les contestations relatives à un contrat portant sur l'occupation d'un logement à usage privatif. Cette nouvelle compétence serait partagée partiellement avec la juridiction de proximité pour les demandes inférieures à 4 000 euros.

Cette réforme passe par un approfondissement de la formation initiale et continue des juges de proximité. À cet effet, l'École nationale de la magistrature pourrait passer des conventions avec les universités. Se posera en outre la question du dédoublement des audiences. Les juridictions de proximité ont, jusqu'à présent, repris certaines audiences des tribunaux d'instance et de police. L'accroissement du nombre de dossiers renvoyés aux juges de proximité pourrait entraîner la création d'audiences nouvelles et nécessiter des besoins supplémentaires au niveau des greffes.

III. -  LA PRÉPARATION DE L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (lolf) va profondément modifier le contenu, la procédure d'adoption et les conditions d'exécution du budget. Elle a été votée pour rétablir le sens et la portée de l'autorisation parlementaire et donner au Parlement des nouvelles prérogatives dans la définition et le contrôle des dépenses de l'État. Elle entrera en vigueur pour le budget 2006.

A. LA NOUVELLE PRÉSENTATION DU BUDGET DE LA JUSTICE

En regroupant les crédits en missions, programmes et actions, la lolf définit un nouveau cadre budgétaire qui substitut à l'actuel regroupement par nature de dépense (classement des crédits par titre) un regroupement orienté vers les résultats des politiques publiques (ventilation des crédits par destination).

La budgétisation par finalité de dépense : les missions, programmes et actions

a) Le rôle des missions

La mission relève « d'un ou de plusieurs services d'un ou de plusieurs ministères », et forme « un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie ».

Premier niveau de la future architecture, la mission a été conçue pour identifier les politiques de l'État et pour permettre une gestion interministérielle de certaines d'entre elles. Sur ce point, la mise en œuvre de la LOLF pourrait faire apparaître l'inadaptation des structures ministérielles, et se heurter à l'organisation gouvernementale actuelle. La définition des missions doit être l'occasion de « mettre à plat » le budget, pour vérifier la cohérence des dépenses visant des finalités identiques et identifier les structures administratives redondantes.

Si, du point de vue du Gouvernement, les missions, parce qu'elles ne constitueront pas l'unité d'exécution des crédits, peuvent paraître moins importantes que les programmes, elles sont essentielles du point de vue du Parlement :

-  elles serviront en effet d'unités de vote. De la définition des missions découleront le sens et la portée de la seconde partie des lois de finances. En votant les crédits d'une mission, il s'agira d'autoriser la mise en œuvre d'une politique publique ;

-  elles constitueront également les unités au sein desquelles s'exercera le droit d'amendement que la loi organique ouvre à l'initiative parlementaire. Elles formeront en effet des enveloppes à l'intérieur desquelles, en déposant des amendements redéployant les crédits entre programmes, les parlementaires pourront proposer de modifier l'allocation des moyens.

b) La structuration en programmes et actions

Unités de spécialité des crédits, les programmes constitueront le cadre d'exécution du budget. Ils ont été créés de manière à substituer à la spécialisation par nature de dépense actuellement en vigueur une spécialisation par destination de dépense. Obligatoirement ministériels, ils seront, à titre indicatif, déclinés en actions qui formeront le troisième niveau de la nomenclature. Ils seront, également à titre indicatif, ventilés par nature de dépense.

Le calibrage des programmes déterminera l'importance de la souplesse de gestion offerte aux ministres pour remplir les objectifs qui leur ont été fixés. Les programmes formeront en effet des enveloppes totalement fongibles (le ministre sera libre de changer la ventilation prévisionnelle du programme entre les actions qui le composent et de modifier sa répartition par nature de dépense), sous réserve de ne pas dépasser les crédits de personnel qui constitueront un plafond (mécanisme de la fongibilité dite « asymétrique »).

La LOLF a conçu le programme en privilégiant une structuration autour d'actions aux finalités homogènes et clairement définies. Le programme est en effet défini comme le regroupement de « crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation ». La définition des programmes induit donc un découpage des crédits en fonction des finalités poursuivies.

Le Gouvernement a prévu de regrouper dans une seule mission l'ensemble des attributions relevant du ministère de la Justice. Cette mission se décompose en six programmes qui reprennent, pour l'essentiel, l'organisation administrative du ministère et utilisent les quatre grands réseaux, bien identifiés, que sont les services judiciaires, les services pénitentiaires, la protection judiciaire de la jeunesse et les juridictions administratives. Viennent s'ajouter à ces quatre programmes, un programme « Accès au droit et à la justice » et un programme « Support ». Ces programmes recoupent, pour l'essentiel, les agrégats présentés dans l'actuel bleu budgétaire. Les crédits de personnel de l'administration centrale ont cependant été ventilés entre les programmes lorsqu'ils concourent à une finalité bien identifiée, et les moyens relevant de l'accès au droit ont été extraits du budget des services judiciaires pour former un programme séparé. Cette séparation se justifie par l'attention croissante donnée aux politiques d'accès au droit et d'aide aux victimes qui constituent deux priorités de la lopj.

Le programme « Justice administrative », dont la responsabilité incombera au vice-président du Conseil d'État, retrace le budget des trois niveaux de juridictions administratives. Inspirées des composantes de l'agrégat actuel, six actions sont prévues : trois pour la fonction juridictionnelle (soit une par degré de juridiction), une pour la fonction consultative, une pour les études, l'expertise et les services rendus aux administrations (mises à disposition ou présences au sein de commissions administratives), et une dernière regroupant les moyens de soutien transversaux.

Le programme « Justice judiciaire » retrace l'activité des juridictions judiciaires au civil et au pénal, incluant l'activité non juridictionnelle des magistrats, le Conseil supérieur de la magistrature, la formation des magistrats et des agents des services judiciaires, la Cour de cassation et l'enregistrement des condamnations (casier judiciaire national). La constitution de deux programmes distincts, l'un pour le civil et l'autre pour le pénal, n'a pas été retenue en raison de la polyvalence des personnels et des moyens des juridictions. Le directeur des services judiciaires sera le responsable du programme « Justice judiciaire ».

Les activités au civil et au pénal sont en revanche identifiées au sein de la nomenclature des actions et pourront être évaluées par des indicateurs de performance spécifiques. Sept actions sont en effet prévues : une action « Soutien », une action « Formation » regroupant, pour l'essentiel, les crédits de l'École nationale de la magistrature et de l'École nationale des greffes, une action « Traitement et jugement des contentieux civils », une action « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales », une action « Cassation », une action « Enregistrement des décisions judiciaires » et une action « Conseil supérieur de la magistrature ».

La répartition des crédits entre les actions est complexe, les personnels, comme les bâtiments ou les moyens de fonctionnement, étant polyvalents. Il a donc été procédé à des enquêtes auprès des juridictions pour établir une clef de répartition la plus proche possible de la réalité du terrain. Il sera indispensable d'affiner cette répartition au cours des exercices. Par ailleurs, cette polyvalence des bâtiments a conduit à rattacher l'ensemble des crédits d'équipement à l'action « Soutien ». Là encore, il sera nécessaire d'établir ex post des clefs de répartition des dépenses d'équipement entre les juridictions civiles et pénales.

Le programme « Accès au droit et à la justice » correspond à l'une des quatre orientations majeures fixées dans la lopj, et en organise la traduction budgétaire à travers trois actions : l'aide juridictionnelle, le développement de l'accès au droit et à la justice et du réseau judiciaire de proximité, et l'aide aux victimes. La responsabilité de ce programme sera confiée au chef du service de l'accès au droit et à la justice et de la politique de la ville.

Enfin, placé sous la responsabilité du directeur de l'administration générale et de l'équipement, le programme « Soutien de la politique de la justice et organismes rattachés » est un programme « support » qui regroupe les crédits correspondant à des charges communes, non rattachables aux programmes « de politique » ou relatifs à des missions devant être mutualisées par souci d'optimisation des moyens. Les huit actions prévues regroupent :

-  les activités d'état-major (ministres, cabinet, bureau du cabinet et communication ministérielle) ;

-  les activités normatives, à savoir l'élaboration de la norme de droit national, européen ou international (direction des affaires civiles et du Sceau, direction des affaires criminelles et des grâces, services des affaires européennes et internationales) ;

-  l'évaluation, le contrôle, les études et la recherche (inspection générale des services judiciaires, sous-direction de la statistique de la direction de l'administration générale et de l'équipement, groupement d'intérêt public « Mission de recherche droit et justice », service central de prévention de la corruption) ;

-  la gestion administrative commune à l'ensemble du ministère, à savoir le budget et le contrôle de gestion, les ressources humaines, l'action sociale, le suivi des opérations immobilières, l'informatique d'intérêt commun et la logistique des services centraux ;

-  les quatre organismes rattachés au ministère de la Justice : Commission nationale informatique et libertés, Haut conseil au commissariat aux comptes, Ordre de la Légion d'honneur et Ordre de la Libération.

En limitant son programme « Soutien » aux fonctions communes à l'ensemble des services, le ministère de la Justice s'est astreint à un réel effort de ventilation de ses crédits, notamment d'investissement immobilier, et aboutit ainsi à des programmes qui se rapprochent du coût complet des politiques menées. On peut néanmoins regretter le manque de cohérence du programme « Soutien » qui englobe quatre organismes n'ayant aucun point commun avec les fonctions transversales du ministère de la Justice. Ces organismes auraient pu figurer dans d'autres programmes, au même titre que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui sera transférée du budget de la justice vers le programme « Vie politique, cultuelle et associative » du ministère de l'Intérieur.

Appliquée à la loi de finances pour 2004 et au projet de loi de finances pour 2005, cette nouvelle nomenclature donne la présentation suivante :

NOUVELLE PRESENTATION DES CRÉDITS DES SERVICES JUDICIAIRES
ET DE L'ADMINISTRATION GENERALE

(en euros)

LFI 2004

PLF 2005

Évolution
(en %)

Justice administrative

Fonction juridictionnelle : Conseil d'État

Fonction juridictionnelle : cours administratives d'appel

Fonction juridictionnelle : tribunaux administratifs

Fonction consultative

Fonction études, expertise et services rendus aux administrations de l'État et des collectivités

Soutien

188 044 113


19 968 679


34 777 548


88 300 194

7 758 302



9 295 603

27 943 787

193 456 507


20 768 441


33 988 513


93 171 715

8 127 059



9 320 654

28 080 125

+ 2,9


+ 4,0


- 2,3


+ 5,5

+ 4,7



+ 0,3

+ 4,9

Justice judiciaire

Traitement et jugement des contentieux civils

Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales

Cassation

Conseil supérieur de la magistrature

Enregistrement des décisions judiciaire

Soutien

Formation (enm, eng)

2 120 822 277


720 260 525


951 141 761

37 287 883

1 689 753


12 900 938

332 269 890

65 271 527

2 177 788 667


743 907 045


988 148 069

38 667 700

1 823 637


14 034 438

322 731 016

68 476 762

+ 2,7


+ 3,3


+ 3,9

+ 3,7

+ 7,9


+ 8,8

- 2,9

+ 4,9

Accès au droit et à la justice

Aide juridictionnelle

Développement de l'accès au droit et du réseau judiciaire de proximité

Aide aux victimes

323 392 740

305 320 620


10 151 941

7 920 179

333 168 856

314 119 872


10 608 088

8 440 896

+ 3,0

+ 2,9


+ 4,5

+ 6,5

Soutien de la politique de la justice et organismes rattachés

184 229 861

203 721 665

+ 10,6

État-major : ministres, cabinets, bureau du cabinet, communication

6 588 486

7 046 259

+ 6,9

Activité normative

14 097 423

15 038 940

+ 6,7

Évaluation, contrôle, études et recherche

8 302 140

8 802 631

+ 6,0

Gestion administrative commune

130 416 565

147 369 400

+ 13,0

Commission nationale informatique et libertés

7 437 381

7 675 748

+ 3,2

Haut Conseil au commissariat aux comptes

242 225

275 918

+ 13,9

Ordre de la Légion d'honneur

16 466 914

16 827 340

+ 2,2

Ordre de la Libération

678 727

685 429

+ 1,0

TOTAL

2 816 488 991

2 908 135 695

+ 3,2

Source : projet de loi de finances pour 2005.

B. LA RÉFORME DES AUTORISATIONS D'EMPLOIS

En créant la notion de plafond d'autorisation d'emplois (pae), la lolf limite les dépenses de personnel de chaque ministère par la fixation d'un nombre d'emplois maximal.

Les plafonds d'autorisation d'emplois

La LOLF remplace le dispositif de 1959, fondé sur une autorisation précise des flux d'emplois, par un plafond global exprimé en stock d'emplois.

L'article 1er de l'ordonnance de 1959 donne compétence aux lois de finances pour fixer le nombre des créations et des transformations d'emplois, et prévoit que « les transformations d'emplois [opérées par décret], ainsi que les recrutements, les avancements et les modifications de rémunération ne peuvent être décidés s'ils sont de nature à provoquer un dépassement des crédits annuels préalablement ouverts ». L'article 43 du même texte dispose que « les créations, suppressions et transformations d'emplois résultent des modifications de crédits dûment explicitées par les annexes ». Les fascicules budgétaires associent donc aux crédits de chaque chapitre de dépenses de personnel le détail, par catégorie, corps et grade, des suppressions et des créations d'emplois prévues. Ainsi, en votant les crédits, le Parlement autorise très précisément ces mouvements que le Gouvernement ne pourra, en cours de gestion, modifier par décret que par des transformations d'emplois et dans la limite des crédits ouverts.

Ce dispositif a été sévèrement critiqué. Le pouvoir d'autorisation des emplois conféré au Parlement s'est révélé très théorique et source de rigidité dans la gestion des effectifs. De fait, l'augmentation du nombre d'agents contractuels « sur crédits » et le développement de la pratique des surnombres, « gagés » ou non par des vacances, ont introduit un décalage entre les emplois réels et les emplois budgétaires, ôtant au Parlement toute maîtrise, voire toute connaissance précise, des effectifs de l'État.

L'article 7 de la LOLF prévoit d'assortir les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel de plafonds d'autorisation des emplois (PAE) rémunérés par l'État, spécialisés par ministère. Ces plafonds décompteront chaque emploi, calculé en équivalent temps plein, indépendamment de la catégorie à laquelle il se rattache (un emploi de directeur d'administration centrale ne compte pas plus qu'un emploi de catégorie C). Ainsi, l'ouverture des crédits de personnel sera complétée par une limitation du nombre d'emplois que ces crédits sont autorisés à financer. Cependant, à la différence des crédits spécialisés par programme, cette limitation jouera au niveau du ministère, la ventilation des emplois entre les programmes d'un même ministère et, a fortiori, le détail des emplois de chaque programme n'ayant qu'une valeur indicative.

L'objectif des plafonds d'autorisation d'emplois est double :

-  rétablir le sens de l'autorisation parlementaire en passant d'un vote sur des flux d'emplois théoriques à un vote sur un stock global d'effectifs réels : il s'agit de permettre au Parlement de se prononcer sur le nombre réel des emplois rémunérés par chaque ministère. En visant les « emplois rémunérés par l'État », la loi organique a opté pour une définition large, fondée sur le critère de la rémunération. D'après les travaux préparatoires, « les plafonds dénombrent l'ensemble des personnels titulaires et contractuels employés par l'État ou rémunérés à partir de son budget ». Tous les emplois financés par les crédits du budget de l'État devraient donc être recensés dans la loi de finances.

-  assouplir la gestion des effectifs en laissant chaque ministre libre de redéployer des emplois au sein du plafond qui lui est attribué : la loi organique a en effet choisi un plafond ministériel unique, indépendant du service d'affectation et exprimé en un nombre d'emplois global, toutes catégories, corps et grades confondus. Le ministre est donc libre de modifier en cours d'exercice ses prévisions d'emplois, en en changeant l'affectation (il peut par exemple recruter davantage dans les services extérieurs et moins en administration centrale), et surtout la répartition statutaire (il peut par exemple recruter plus d'agents de catégorie A en renonçant à des créations au sein des autres catégories), à condition de ne pas dépasser le plafond du nombre d'emplois autorisés, et de rester dans l'enveloppe des crédits de personnel de chaque programme.

Il s'agit donc d'une diminution importante de la précision de l'autorisation donnée à l'exécutif par le lois de finances : le Parlement donne désormais à chaque ministre une autorisation d'emploi très globalisée, et dispose, en annexe au projet de loi de finances initiale, d'une simple information sur la gestion prévisionnelle de cette autorisation.

Les crédits des services judiciaires, des juridictions administratives et de l'administration générale du ministère de la Justice rémunèrent des emplois de statuts différents : titulaires, contractuels sur emplois et contractuels sur crédits. Actuellement, les deux premières catégories font l'objet d'emplois budgétaires ouverts par la loi de finances, alors que la troisième n'est pas limitée en nombre.

La détermination du pae du ministère de la Justice suppose que l'ensemble de ces emplois soit dénombré. Les plafonds d'autorisation d'emplois seront en effet exprimés en équivalent temps plein, et il conviendra de passer du décompte des unités physiques aujourd'hui en vigueur (les actuels tableaux d'emplois dénombrent des effectifs physiques sans tenir compte de la durée de travail) à un dispositif basé sur la durée effective d'activité. Or, la Chancellerie emploie des agents rémunérés sur crédit (agents vacataires) qui sont décomptés à partir d'enveloppes budgétaires allouées aux services et dont le ministère ne connaît pas, pour le moment, le nombre exact en équivalent temps plein.

C. LA MODERNISATION DE LA GESTION DÉCONCENTRÉE

1. Les budgets opérationnels de programme

Comment les programmes seront-ils déclinés sur le terrain ? Définies au niveau national, les politiques sont mises en œuvre par des services centraux, des administrations déconcentrées ou des établissements publics. La réussite de la réforme repose sur les modalités de déclinaison des autorisations de dépense données par la loi de finances. Il ne servirait à rien de définir des programmes si la souplesse de gestion créée au niveau national ne devait pas se répercuter au niveau des gestionnaires locaux. Il est donc essentiel de garantir la fongibilité des enveloppes qui seront déléguées aux acteurs chargés de mettre en œuvre les programmes. À cette fin, il est prévu de décliner les programmes, au niveau des services ou des opérateurs chargés de les mettre en œuvre, en « budgets opérationnels de programme » (bop). Ces budgets constitueront le cadre dans lequel s'exercera, sur le terrain, la fongibilité des crédits. Ils ont vocation à décliner les enveloppes définies au niveau national, en tenant compte des spécificités et des priorités locales.


Les budgets opérationnels de programme

Rattaché à un seul programme, un budget opérationnel de programme (BOP) est structuré autour de deux volets indissociables : d'une part les actions composant le programme considéré et les crédits qui les financent, d'autre part les objectifs et les indicateurs qui en mesurent les résultats.

Chaque BOP présentera une programmation des actions et des moyens par type de dépenses (plan annuel de gestion des effectifs, répartition des dispositifs d'intervention, programmation des équipements).

Après son approbation par le « pilote » central, le BOP serait soumis au visa du contrôleur financier qui vérifiera notamment l'inscription des dépenses inéluctables. Afin d'alléger les mises à disposition des crédits, l'approbation du BOP pourrait valoir notification.

La confection des budgets opérationnels suppose de choisir le niveau d'exécution des programmes le plus adéquat : gestion de la dépense à l'échelon central, délégation à l'échelon déconcentré ou transfert de la mise en œuvre de la politique considérée à un démembrement de l'État (établissement public ou organisme assimilé).

Le ministère de la Justice a choisi d'appuyer l'architecture de ses bop sur l'organisation fonctionnelle et territoriale existante, dans la mesure où le mouvement de globalisation et de déconcentration des crédits est largement initié depuis 1992 (s'agissant des services judiciaires, la quasi totalité des crédits de fonctionnement sont aujourd'hui déconcentrés).

Ainsi, le programme « Justice administrative » ne comprendra qu'un seul bop, lui-même subdivisé en 46 unités opérationnelles, à raison d'une unité opérationnelle par juridiction. Ce bop sera administré par le secrétaire général du Conseil d'État qui déléguera à chaque président, ordonnateur secondaire, un budget de fonctionnement en contrepartie d'objectifs à atteindre qui auront été préalablement définis lors d'un dialogue de gestion.

Le programme « Justice judiciaire » peut être décliné en budgets opérationnels à plusieurs niveaux. Au niveau central, des budgets opérationnels pourront être constitués auprès de structures en charge d'actions identifiées (Cour de cassation, casier judiciaire national ...), l'École nationale de la magistrature, établissement public, recevant pour sa part une dotation de fonctionnement inscrite au titre III du programme. Au niveau régional, les budgets opérationnels pourront être constitués à l'échelon de chaque cour d'appel, sous la responsabilité conjointe du premier président et du procureur général. Le responsable de ce programme aura à développer les outils de dialogue de gestion avec les acteurs opérationnels. Ont ainsi été mises en place des conférences budgétaires dans le ressort de chaque cour d'appel pour la répartition des moyens des arrondissements judiciaires, ainsi que des conférences entre la direction des services judiciaires et les chefs de cour.

Le programme « Accès au droit et à la justice », composé de trois actions distinctes, ne dispose pas d'organisation territoriale propre. Il s'appuie sur le réseau des services judiciaires à titre principal, et de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'administration pénitentiaire à titre complémentaire. Un bop central comprendra les crédits d'intervention pour les opérations de portée nationale, les subventions versées, après ordonnancement, aux carpa et les dépenses de personnel du service central. Sous la responsabilité des chefs de cour d'appel, 35 bop déconcentrés couvriront les crédits d'aide juridictionnelle jusqu'à présent payés sans ordonnancement par les trésoreries générales, ainsi que les autres crédits d'intervention et de personnel.

S'agissant du programme « Soutien », des budgets opérationnels pourraient être ouverts, au niveau central, pour les fonctions bien identifiées. Par exemple, pourraient bénéficier d'un bop les responsables de chacune des activités normatives (direction des affaires civiles et du sceau, direction des affaires criminelles et des grâces, service des affaires européennes et internationales), le responsable du groupement d'intérêt public chargé des actions de recherche, et l'inspection générale des services judiciaires. L'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la Justice, établissement public, recevra pour sa part une dotation de fonctionnement inscrite sur le titre III de ce programme.

2. Les expérimentations

En préfiguration de l'entrée en vigueur de la lolf, le ministère de la Justice a lancé en 2004 une expérimentation de globalisation de crédits. Cette globalisation se présente sous la forme d'un contrat : les services concernés bénéficient d'un assouplissement des règles de gestion des crédits et des emplois, et, en contrepartie, ils s'engagent à développer un système de contrôle de gestion.

Ainsi, la Cour d'appel de Lyon a reçu en début d'année une seule dotation englobant l'ensemble des crédits de rémunération, de fonctionnement courant (y compris les frais de justice) et d'équipement déconcentré, soit, pour 2004, une enveloppe totale de 69,5 millions d'euros. Cette enveloppe comprend deux catégories de dépenses : celle relevant des rémunérations et celle relevant du fonctionnement courant et de l'équipement. Au sein de ces deux masses, la fongibilité est totale, et, en leur sein, elle est soumise au visa du contrôleur financier, sans intervention de l'administration centrale. S'agissant plus spécifiquement des frais de justice qui, à compter de 2006, deviendront des crédits limitatifs, de nouveaux circuits de dépense et une comptabilité des engagements ont été mis en place à titre expérimental. En outre, la Cour d'appel de Lyon échappe aux contraintes liées à la gestion des emplois budgétaires, puisqu'elle est soumise à un plafond d'emplois global (1 106 pour 2004) qu'elle peut gérer librement en en modifiant la répartition par catégorie et par grade, sous réserve de ne pas dépasser un plafond de masse indiciaire.

Parallèlement, les chefs de la Cour d'appel de Lyon se sont vus attribuer la qualité d'ordonnateur secondaire direct des crédits nécessaires au fonctionnement des juridictions de leur ressort (17). Le code de l'organisation judiciaire a été modifié à cette fin par le décret n° 2004-435 du 24 mai 2004, et l'ordonnancement a été confié, conformément à la dyarchie qui prévaut en matière d'organisation judiciaire, conjointement au premier président et au procureur général qui pourront néanmoins déléguer leur signature à un même magistrat ou fonctionnaire, de façon à rétablir l'unité des actes matériels d'engagement et de paiement des dépenses.

L'expérimentation de la globalisation a pour objectif d'accroître la responsabilisation des gestionnaires locaux et de développer les outils de gestion nécessaires (indicateurs, tableaux de bord), nécessaires à la modernisation de la gestion des juridictions.

Lancée depuis moins d'un an, la globalisation des crédits de la Cour d'appel de Lyon n'a, pour le moment, pas fait l'objet d'une évaluation d'ensemble. On note cependant que la signature d'un contrat d'objectif et la mise en place d'une juridiction interrégionale ont nécessité un abondement, en cours d'exercice, du plafond d'emplois et de la dotation de fonctionnement.

Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit d'orienter l'expérimentation vers un suivi des crédits par action, de manière à anticiper pleinement l'entrée en vigueur de la lolf. Ainsi, la dotation globalisée de la Cour d'appel de Lyon pour 2005 (76,9 millions d'euros) figure désormais sur un chapitre nouveau (chapitre 39-01), décliné en quatre actions (traitement et jugement des contentieux civils, conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales, soutien, formation). En outre, la Cour d'appel de Lyon expérimentera dès 2005 le suivi globalisé des dépenses d'aide juridictionnelle.

Parallèlement, l'expérimentation sera étendue, dans son format actuel, à huit nouvelles cours d'appel : Angers, Basse-Terre, Bordeaux, Colmar, Metz, Nîmes, Pau et Versailles. Leurs dotations globales sont inscrites sur le chapitre 37-10 pour un montant total de 401,9 millions d'euros. Les chefs de ces huit cours auront, dès le 1er janvier 2005, qualité d'ordonnateur secondaire.

Ces expérimentations devront être évaluées avant d'être généralisées. Il importe en effet que la réforme du budget de la justice débouche sur une véritable modernisation de la gestion publique déconcentrée. Un dialogue de gestion entre les cours d'appel et l'administration centrale doit être mis en place. Les marges de manœuvre des gestionnaires locaux doivent s'accompagner d'une démarche de « reporting », susceptible de vérifier si l'activité à l'échelon local a permis d'atteindre des objectifs fixés ex ante et mesurés par des indicateurs. Ce pilotage par objectifs constitue l'enjeu de la mise en œuvre de la lolf. Il passe par un recentrage de l'administration centrale sur ses missions de planification, de régulation et de prestations de services.

La globalisation doit également tenir compte des particularités du budget de la justice. La saturation des crédits de fonctionnement induite par la progression des besoins en équipements nouveaux et la dynamique inflationniste des frais de justice risquent en effet de laisser peu de marge de manœuvre aux chefs de cour. La flexibilité apportée par la globalisation ne pourra être que limitée si les outils de gestion ne sont pas modernisés.

Entre 1998 et 2003, les frais de justice sont passés de 247 à 341,4 millions d'euros. Pour les neuf premiers mois de 2004, ils atteignent 410,9 millions d'euros. Cette accélération est liée aux réformes du droit pénal et de la procédure pénale, ainsi qu'à l'évolution des techniques d'enquête et d'établissement de la preuve qui passent de plus en plus par des recherches d'adn ou des réquisitions aux opérateurs de téléphonie sur le réseau mobile. Cette dernière catégorie de frais représente, en 2003, 22,7 millions d'euros, contre 2 millions d'euros en 1999.

L'évolution des frais de justice et la perspective de la suppression du caractère évaluatif de ces crédits dès 2006 ont conduit la Chancellerie à engager, en 2004, un plan d'action en vue d'une meilleure maîtrise de la dépense. Ce plan passe par :

-  une amélioration de la maîtrise des coûts, la fixation de tarifs règlementaires ou la négociation tarifaire. Ainsi, dans le domaine des empreintes génétiques, des travaux ont été engagés en vue d'une tarification des analyses standard, dont le coût unitaire facturé au ministère de la Justice par les laboratoires est beaucoup trop élevé par rapport au coût de revient estimé. Dans le domaine des interceptions téléphoniques, le ministère a engagé des négociations, tant avec les loueurs de matériels d'interception qu'avec les différents opérateurs de téléphonie, pour aboutir à une baisse des coûts ;

-  la mise en œuvre de réformes organisationnelles : a été mis en place par la direction des services judiciaires, au mois de septembre dernier, un groupe de travail chargé d'élaborer des propositions d'organisation du circuit d'exécution de la dépense de frais de justice. Les missions de ce groupe de travail consistent à définir les modalités d'engagement de la dépense, à mettre en œuvre une comptabilité des engagements (aujourd'hui inexistante) et à revoir les circuits de paiement (mandatement ou paiement par les régies).

3. La généralisation de la contractualisation

La mise en place des futurs budgets opérationnels devra tenir compte des résultats des contrats d'objectifs que la Chancellerie a lancés en 2002 et qui ont vocation à être généralisés.

Afin de remédier à l'encombrement des cours d'appel, la Chancellerie a conclu, pour une durée de trois ans renouvelable, des contrats de résorption de stocks. Chaque juridiction partie à ces contrats s'engage à atteindre des objectifs, quantitatifs et qualitatifs, révisables annuellement après concertation avec les services centraux, afin de s'adapter aux aléas rencontrés l'année précédente et aux évolutions des contentieux. En contrepartie, des moyens humains et matériels sont octroyés à la juridiction, mais à titre provisoire seulement. En effet, à l'issue du contrat, les emplois supplémentaires de magistrats localisés au début du plan dans les juridictions concernées seront supprimés, les magistrats restant en surnombre dans la juridiction, jusqu'à résorption des emplois vacants. Il en sera de même au greffe, tandis que la dotation globale de fonctionnement de la cour d'appel sera réduite à due concurrence des moyens de fonctionnement alloués pour l'exécution dudit contrat.

Conclus fin 2002, les deux premiers contrats ont concerné la Cour d'appel de Douai et celle d'Aix-en Provence. Des postes de magistrats et de fonctionnaires ont été créés (27 à Aix-en-Provence et 23 à Douai) et, pour l'essentiel, affectés à des formations collégiales statuant en matières civile et commerciale. Les résultats de la première année de mise en œuvre sont encourageants : le nombre d'affaires terminées a augmenté (+ 8 % à Aix-en-Provence pour les affaires civiles, sociales et commerciales), les stocks ont diminués (- 11 % à Aix-en-Provence et - 17 % à Douai) et les délais de traitement se sont améliorés (de 24,9 à 23,1 mois à Aix-en-Provence et de 23,7 à 22,1 mois à Douai).

La contractualisation est appelée à devenir, dès 2006, le mode de relation entre l'administration centrale et les cours d'appel. Par circulaire du 27 février 2004, le garde des Sceaux a souhaité que, dans la perspective de la généralisation des contrats d'objectifs, les chefs de cour d'appel engagent avec leurs juridictions un diagnostic partagé permettant d'analyser et d'évaluer la situation réelle des stocks, de définir des priorités et de proposer des mesures destinées à améliorer le service rendu à l'usager. En 2004, des nouveaux contrats devaient être signés avec les cours d'appel de Bastia, Bordeaux, Chambéry, Lyon, Pau et Versailles.

En outre, le renforcement des effectifs permet aux cours d'appel de conclure elles-mêmes des contrats d'objectifs avec les juridictions de leur ressort pour pallier des difficultés ponctuelles, améliorer leur fonctionnement ou accompagner des mesures de réorganisation. Ainsi, plusieurs contrats locaux ont été conclus au sein des cours d'appel de Douai et d'Aix-en-Provence.

Cette démarche de contractualisation est également utilisée au sein des juridictions administratives. Principales bénéficiaires du renforcement des moyens prévu par la programmation quinquennale, les cours administratives d'appel ont signé des contrats d'objectifs pour ramener, d'ici à 2007, à un an le délai de traitement des affaires. Elles se sont ainsi engagées à : mettre en œuvre un traitement différencié des dossiers selon leur degré de difficulté ; rationaliser davantage l'analyse et l'exploitation des flux d'entrée et du stock, pour une détection plus systématique des affaires relevant d'un traitement par ordonnance ; augmenter le nombre de rapporteurs dans les chambres ; développer les fonctions d'aide à la décision pour les magistrats. En contrepartie, il revient au Conseil d'État de fournir les moyens nécessaires au fonctionnement des juridictions grâce à une amélioration de l'outil informatique, à une augmentation du nombre de postes de magistrats et de fonctionnaires des greffes, au recrutement d'assistants de justice, et, dans un certain nombre de cas, à la réalisation de travaux d'agrandissement ou d'adaptation des locaux pour pouvoir accueillir les nouveaux arrivants.

D. L'ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE

L'activité du ministère de la Justice dépend, pour une large part, de la demande sociale : l'augmentation des litiges et de la délinquance s'est traduite par une progression importante du poids de la justice dans les dépenses de l'État. En 2004, le budget du ministère de la Justice représentait 1,86 % du budget général, contre 1,46 % en 1994. En dix ans, la part de la justice dans le budget de l'État s'est donc accrue de plus de 27 %.

Toute la question est de savoir si cet accroissement a permis de répondre aux besoins de nos concitoyens. Il ne suffit pas de constater l'augmentation des crédits, mais il faut en mesurer l'efficacité. C'est tout l'enjeu de la lolf qui offre au Parlement les outils susceptibles de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats.

1. La définition des objectifs et le choix des indicateurs

La lolf soumet les gestionnaires à une obligation de s'engager sur des objectifs et à rendre compte de leurs résultats. Cette obligation se concrétisera, tous les ans et pour chaque programme, par la production de deux documents :

-  en annexe au projet de loi de finances, un projet annuel de performances comprendra une description des engagements du ministre concerné, orientée vers une évaluation pluriannuelle et réalisée à partir des éléments constitutifs du programme (présentation des actions du programme, de leurs coûts, de leurs objectifs et de leurs résultats) ;

-  en annexe au projet de loi de règlement, un rapport annuel de performances donnera un compte rendu de la performance du programme (rappel des objectifs, des résultats attendus, des indicateurs choisis et des coûts prévus et présentation des résultats obtenus et des coûts effectifs).

La mise en place de ce dispositif d'évaluation de la performance est l'indispensable contrepartie de la liberté de gestion offerte par la globalisation des crédits.

Le cahier des charges adressé aux ministères prévoit une démarche en trois étapes : l'explication des objectifs, la recherche des indicateurs et la définition des cibles de résultats à atteindre. Un guide méthodologique a été élaboré en juin 2004 par le ministère des Finances, en collaboration avec les commissions des finances des assemblées parlementaires, la Cour des comptes et le Comité interministériel d'audit des programmes (18).

Trois catégories de critères de performance ont été définies :

-  l'efficacité socio-économique : ce critère appréhende l'impact final des actions sur l'environnement économique ou social. Il permet d'évaluer la pertinence de la politique, et non la performance de sa mise en œuvre. Il est mesuré à partir de données statistiques issues des systèmes de gestion interne ou d'enquêtes ;

-  la qualité du service rendu à l'usager : ce critère mesure le degré de satisfaction des usagers et le niveau de réalisation d'objectifs de qualité (délais, réactivité, fiabilité ...). Il suppose le suivi de paramètres internes (taux de dysfonctionnement constaté), mais également la réalisation d'enquêtes externes ;

-  l'efficience de la gestion des ressources : ce critère rapporte les produits des activités de l'État aux moyens consommés, en recourant par exemple au coût unitaire par usager ou à une analyse des écarts entre bénéficiaires.

À la demande de la Chancellerie, un premier travail sur la mesure de la performance au sein des juridictions a été soumis à l'examen critique de l'inspection générale des finances, dans le cadre d'une mission d'assistance. Les principaux enseignements du rapport remis par la mission ont été tirés, et les instruments de pilotage disponibles ont été étoffés et fiabilisés. Le Comité interministériel d'audit des programmes a, en septembre 2004, émis un avis sur deux programmes du ministère de la Justice (« Accès au droit et à la justice » et « Soutien de la politique de la justice et organismes rattachés »). En annexe au projet de loi de finances pour 2005, une préfiguration des futurs projets annuels de performances propose, pour ce qui concerne les activités des services judiciaires, des juridictions administratives et de l'administration générale du ministère de la Justice, 22 objectifs assortis de 48 indicateurs (cf. tableau ci-dessous).

OBJECTIFS ET INDICATEURS PRÉVUS

Programmes

Objectifs

Indicateurs

Justice administrative

Objectif n° 1 (du point de vue de l'usager) :

Délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock au Conseil d'État.

Réduire les délais de jugement

Le nombre d'affaires en stock enregistrées depuis plus de 2 ans au Conseil d'État.

Délai moyen de l'instance pour les affaires en cassation devant le Conseil d'État

Délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock dans les cours administratives d'appel.

Délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock dans les tribunaux administratifs.

Nombre de tribunaux administratifs pour lesquels le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock est supérieur à 2 ans.

Objectif n° 2 (du point de vue de l'usager) :

Taux d'annulation par les cours administratives d'appel des jugements des tribunaux administratifs.

Maintenir la qualité des décisions juridictionnelles

Taux d'annulation par le Conseil d'État des arrêts des cours administratives d'appel.

Taux d'annulation par le Conseil d'État des jugements des tribunaux administratifs.

Objectif n° 3 (du point de vue du contribuable) :

Nombre d'affaires réglées par membre au Conseil d'État .

Améliorer l'efficience des juridictions

Nombres d'affaires réglées par magistrat dans les cours administratives d'appel.

Nombre d'affaires de reconduite à la frontière réglées par magistrat dans les cours administratives d'appel.

Nombre d'affaires réglées par magistrat dans les tribunaux administratifs.

Justice
judiciaire

Objectif n° 1 (du point de vue de l'usager et du contribuable) :

Délais moyens de traitement des procédures, par type de juridiction.

Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile

Délais moyens de délivrance de la copie revêtue de la formule exécutoire.

Ancienneté moyenne du stock par type de juridiction.

Taux de requêtes en interprétation, en rectification d'erreurs matérielles et en omission de statuer.

Nombre d'affaires traitées par magistrat (en emplois équivalent temps plein).

Nombre d'affaires traité par fonctionnaire (en emplois équivalent temps plein).

Objectif n° 2 (du point de vue de l'usager et du contribuable) :

Délai moyen de réponse pénale.

Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière pénale

Taux de rejet par le Casier judiciaire national.

Nombre d'affaires poursuivables traitées par magistrat du parquet (en emplois équivalents temps plein).

Justice
judiciaire

Objectif n° 3 (du point de vue de l'usager) :

Taux de réponse pénale.

Amplifier et diversifier la réponse pénale

Taux d'alternatives aux poursuites.

Objectif n° 4 (du point de vue de l'usager) :

Taux de mise à exécution.

Améliorer l'exécution des décisions pénales

Délai moyen de mise à exécution.

Objectif n° 5 (du point de vue du contribuable) :

Maîtriser la croissance des frais de justice pénale

Dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l'objet d'une réponse pénale.

Objectif n° 6 (du point de vue du citoyen, de l'usager et du contribuable) :

Garantir un enregistrement rapide des décisions judiciaires

Délai de saisie à partir de la réception des fiches de jugement.

Délai moyen de délivrance des bulletins B2 et B3.

Nombre de décisions et de mises à jour enregistrées par an et par agent (en équivalent temps plein).

Nombre de bulletins n° 1, 2 et 3 délivrés par an et par agent (en équivalent temps plein).

Accès au droit et à la justice

Objectif n° 1 (du point de vue de l'usager) :

Améliorer le délai de traitement des admissions à l'aide juridictionnelle

Délai moyen national de traitement des demandes d'admissions à l'aide juridictionnelle.

Pourcentage de bureaux d'aide juridictionnelle dont le délai moyen d'instruction est supérieur à deux mois.

Objectif n° 2 (objectif d'efficience) :

Maîtriser les coûts de gestion d'un dossier d'aide juridictionnelle

Dépense de traitement d`une décision d'aide juridictionnelle par le bureau d'aide juridictionnelle.

Objectif n° 3 (du point de vue de l'usager) 

Développer une réponse de qualité aux besoins d'information juridique des citoyens dans les Maisons de justice et du droit

Enquête de satisfaction.

Objectif n° 4 (du point de vue de l'usager) :

Développer une réponse de qualité aux besoins d'information juridique des citoyens dans les conseils départementaux de l'accès au droit

Nombre de personnes accueillies et informées et ayant accès aux consultations juridiques organisées par les cdad/population couverte par les cdad.

Objectif n° 5 (du point de vue de l'usager) :

Rendre rapidement des décisions d'indemnisation des victimes d'infractions

Durée moyenne de traitement des requêtes des commissions d'indemnisation des victimes d'infractions.

Objectif n° 6 (du point de vue de l'usager) :

Développer l'efficacité des dispositifs permettant la défense et l'indemnisation des victimes

Indice de satisfaction des victimes d'infractions.

Objectif n° 7 (du point de vue du contribuable) :

Développer l'assistance aux victimes par le réseau spécialisé d'associations d'aide aux victimes

Évolution N/N-1 du nombre de victimes accueillies par les associations et du nombre de dossiers suivis par les associations.

Coût par victime appelante, écoutée et orientée au numéro national d'aide aux victimes, géré par l'inavem.

Soutien de la politique de la justice et organismes rattachés

Objectif n° 1 (du point de vue du citoyen) :

Prendre rapidement les textes d'application nécessaires pour l'adaptation du droit à l'évolution de la société

Taux de publication des décrets d'application des lois.

Objectif n° 2 (du point de vue de l'usager interne) :

Assurer un pourvoiement optimal des postes de l'administration centrale ouverts au recrutement dans les programmes.

Délai moyen d'affectation d'un agent par type de recrutement.

Objectif n° 3 (du point de vue de l'usager interne) :

Assurer une gestion efficiente des personnels

Dépense moyenne de gestion par agent.

Objectif n° 4 (du point de vue de l'usager et du contribuable) :

Optimiser la gestion des projets immobiliers

Pourcentage de dépassement de la durée de livraison des opérations pour les opérations livrées dans l'année.

Pourcentage de dépassement du coût pour les opérations livrées dans l'année.

Objectif n° 5 (du point de vue du contribuable) :

Optimiser la gestion logistique des services centraux

Dépense de soutien logistique par agent d'administration centrale.

Objectif n° 6 (du point de vue de l'usager et du contribuable) :

Optimiser la gestion des grands projets informatiques

Pourcentage de respect de la durée de livraison des opérations (> à 1 million d'euros) pour les opérations livrées dans l'année.

Pourcentage de dépassement du coût contractuel.

Les objectifs et indicateurs proposés traduisent bien les priorités assignées aux politiques menées par la Chancellerie. Ils sont en outre cohérents avec les quatre grands axes définis par la programmation pluriannuelle : amélioration de l'efficacité de la justice au service des citoyens, adaptation du droit pénal à l'évolution de la délinquance et développement de l'effectivité de la réponse pénale, prévention et traitement de la délinquance des mineurs, amélioration de l'accès des citoyens au droit et à la justice. Notamment, le ministère a pris soin de faire figurer dans le programme « Justice judiciaire » les objectifs de raccourcissement des délais de procédure ou d'exécution des jugements, fixés par la lopj.

Les objectifs se répartissent de manière relativement équilibrée entre les trois critères de performance prévus (efficacité socio-économique, qualité du service et efficience de la gestion). L'activité du ministère de la Justice sera donc appréciée quantitativement, mais aussi qualitativement. Ainsi, si plusieurs objectifs permettront de mesurer les conditions dans lesquelles les juridictions ont réussi à réduire leurs délais de jugement, le ministère prévoit également des objectifs mesurant la qualité de l'activité juridictionnelle, afin de vérifier que la réduction des délais ne se réalise pas au détriment de la qualité des décisions rendues.

Le dispositif de mesure de la performance mis au point par la Chancellerie répond aux objectifs de la lolf et place indéniablement le ministère de la Justice parmi les départements les plus en avance. Néanmoins, sur quatre points, les objectifs et les indicateurs proposés peuvent être améliorés.

La mesure de la performance mériterait d'être étendue à plusieurs secteurs d'intervention, actuellement non couverts par les objectifs et les indicateurs proposés. Ainsi, l'activité des juridictions administratives n'est appréciée que d'un point de vue strictement juridictionnel, alors qu'il serait utile de mesurer leurs activités consultatives et les services qu'elles rendent aux administrations. De même, le ministère de la Justice a des activités d'enseignement et de recherche non négligeables dont l'efficacité mériterait d'être mesurée. Il serait donc souhaitable de prévoir, pour les crédits finançant les écoles relevant de la Chancellerie et le groupement d'intérêt public « Mission de recherche droit et justice », des objectifs spécifiques, assortis d'indicateurs qui pourraient être inspirés de ceux utilisés par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche.

Il conviendrait d'écarter les indicateurs d'activité. Notamment, le ministère a prévu d'apprécier le développement de l'accès au droit et de l'assistance aux victimes à travers l'évolution du nombre de personnes accueillies. Cet indicateur mesure l'activité des services, sans en apprécier l'efficacité. Il serait préférable de prévoir un indicateur mesurant le taux de pénétration des conseils départementaux d'accès au droit et des associations d'aide aux victimes (à travers, par exemple, l'évolution du nombre de conseils qui accueillent un pourcentage de la population de leur ressort inférieur à un pourcentage plancher préalablement déterminé, ou l'évolution du nombre de victimes accueillies par rapport au nombre total de victimes).

Il serait en outre justifié de prévoir davantage d'indicateurs d'efficience. À titre d'exemple, en matière d'aide aux victimes, il serait utile de disposer du montant de subvention versée par personne aidée. De même, l'efficience des dépenses informatiques pourrait être appréciée par un indicateur mesurant la disponibilité des applications nationales du ministère.

Enfin, l'harmonisation des objectifs et des indicateurs avec ceux retenus par d'autres ministères mérite d'être améliorée. Certaines activités de l'État ne sont pas spécifiques à un ministère donné, mais se retrouvent dans la plupart des départements. C'est notamment le cas de la gestion des ressources humaines, de la gestion immobilière ou informatique, de la logistique apportée aux services d'administration centrale et de l'élaboration des normes juridiques. Afin de permettre les comparaisons, ces activités doivent être mesurées par des indicateurs harmonisés d'un ministère à l'autre. La Chancellerie a le mérite d'avoir prévu des indicateurs aisément transposables : pour la gestion du personnel, de l'informatique, de l'immobilier ou de la logistique des services centraux, les indicateurs proposés mesurent le respect des plannings et des coûts prévisionnels ou se fondent sur des coûts unitaires (coût au m2 coût de gestion par agent), et peuvent donc être appliqués dans d'autres ministères. L'harmonisation n'est cependant pas complète. Ainsi, le ministère de la Justice n'a pas prévu de mesurer son activité normative par le taux de transposition des directives européennes, alors qu'il s'agit d'un point central du travail d'élaboration des textes, pris en compte dans des programmes relevant d'autres ministères (19). En outre, certaines activités de la Chancellerie relèvent de politiques communes à plusieurs ministères et leur suivi requiert une concertation interministérielle accrue. C'est le cas des dépenses d'accès au droit et à la justice qui participent à la politique de la ville et pour lesquelles le suivi de la performance doit être mieux harmonisé à un niveau interministériel.

Le dispositif de mesure de la performance proposé par le ministère de la Justice reste, pour une large part, à construire. La plupart des indicateurs prévus ne sont, pour le moment, pas renseignés pour les années passées, et, pour la quasi totalité d'entre eux, la Chancellerie n'est pas en mesure de présenter des résultats « cibles » pour les années à venir. Beaucoup d'indicateurs ne sont pas encore disponibles, et ils ne pourront être opérationnels que dans plusieurs années. La mesure de la performance sera donc mise en place très progressivement, et exigera une adaptation lourde des systèmes d'information existants.

Le rapport d'audit remis en juin 2004 au Comité interministériel d'audit des programmes relève le manque de fiabilité des statistiques actuellement produites par le ministère de la Justice : « Les logiciels utilisés pour suivre l'activité des juridictions se caractérisent par leur diversité et, en matière pénale, par leur vétusté. De nombreux indicateurs nécessitent encore des comptages manuels par les juridictions et les services de la statistique de l'administration centrale (...). Par ailleurs, les informations ne sont pas toujours recueillies selon un modèle normalisé permettant les comparaisons (...). Enfin, les logiciels disponibles ne permettent pas d'obtenir rapidement des informations sur l'activité des juridictions. Un délai de 18 mois à 2 ans est nécessaire pour en disposer » (20). Conscient de la cette situation, la Chancellerie a prévu de développer un nouveau logiciel, dénommé cassiopee, qui vise à améliorer le suivi de l'activité pénale des juridictions.

2. Le développement de l'analyse des coûts

L'analyse des coûts est essentielle pour la mesure des résultats exigée par la lolf : elle a vocation à devenir l'un des critères d'appréciation de la performance des administrations. C'est indéniablement le point de la réforme pour lequel l'État est le moins bien préparé : les ministères n'ont jamais intérêt à savoir ce que coûte leur action, et, s'ils n'y sont pas incités, on peut craindre qu'ils n'accordent pas la priorité à la connaissance de leurs coûts.

Le ministère de la Justice a formalisé, en 2002, un plan triennal de contrôle de gestion, destiné à former un référentiel pour l'ensemble de ses services. L'inspection générale des services judiciaires est chargée d'animer un groupe de travail sur la mise en œuvre de ce plan. Une cellule « contrôle de gestion » ou des moyens en personnels spécifiques ont été mis en place au sein de plusieurs directions. Au total, ce sont 14 agents qui participent de manière directe à l'installation du contrôle de gestion au sein de l'administration centrale du ministère de la Justice.

L'appréciation portée par la Cour des comptes montre l'importance du chemin qui reste à parcourir. La Cour constate que, au sein du ministère de la Justice, le contrôle de gestion n'en est qu'à ses débuts : « la fonction même de contrôle de gestion apparaît actuellement conçue comme trop financière et trop éloignée d'une mission d'aide au pilotage et à l'efficience des missions ; des guides de méthode restent à élaborer pour la diffusion de cette fonction dans les services déconcentrés et les juridictions ». (21)

Pour sa part, le Comité interministériel d'audit des programmes considère que les systèmes d'information du ministère de la Justice ne sont pas en mesure de donner une analyse complète des coûts attachés aux programmes et aux actions. Notamment, les logiciels de gestion des personnels ne permettent pas d'imputer les temps d'activité des agents polyvalents aux différentes actions auxquelles ils participent.

La Chancellerie a pris conscience de la nécessité de moderniser ses outils, en lançant la construction d'un « infocentre » national en matière budgétaire et comptable, et d'un nouveau logiciel de ressources humaines permettant de reconstituer le coût analytique des personnels.

La Commission a procédé, en commission élargie à l'ensemble des députés, à l'audition de M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la justice, et de Mme Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes, sur les crédits de ce ministère.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je suis heureux d'accueillir, avec M. Clément, Dominique Perben et Nicole Guedj. La clé du succès des commissions élargies réside dans le caractère dynamique du débat, beaucoup moins contraint qu'en séance publique.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Les débats en commission élargie doivent en effet gagner en vivacité et en capacité d'échange ce qu'ils perdent en solennité. Je souhaite qu'ils traduisent en tout cas toute l'importance de ce budget.

Monsieur le ministre, vous êtes, avec Nicole Guedj, l'interlocuteur naturel de notre commission. Je voudrais d'abord vous féliciter d'avoir fait qu'aient été créés dès 2005 dans l'administration pénitentiaire 70 % des emplois prévus par la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Le calendrier est ainsi respecté. La progression est, en revanche, moins rapide pour les juridictions administratives. Le retard sera-t-il comblé dans les deux dernières années d'application de la loi d'orientation ? Par ailleurs, comment envisagez-vous d'endiguer la progression des frais de justice, qui se fait au détriment des autres dépenses ? Où en est la mise en œuvre des contrats de partenariat public-privé ?

M. Dominique Perben, Garde des sceaux, ministre de la justice - Pour favoriser le jeu des questions-réponses, je n'évoquerai dans mon propos liminaire que quelques chiffres-clé. D'abord, le budget de la justice augmente de 4 % pour 2005, soit de 210 millions. Cette hausse s'entend bien sûr à périmètre constant, c'est-à-dire après neutralisation du transfert des allocations familiales. 1 100 emplois budgétaires sont créés, soit un tiers des créations dans l'ensemble du budget de l'État. Les crédits de fonctionnement, un des points durs du budget de la justice, augmentent de 8 %. Je vous assure que cette augmentation n'a pas été facile à obtenir du ministre du budget ! Mais elle est pleinement justifiée par les besoins qui s'expriment dans l'administration pénitentiaire, à cause de l'augmentation du nombre des détenus, et dans les juridictions. Quant à l'effort d'investissement, il reste stable avec 320 millions.

Nous mettons ainsi en œuvre la troisième année de la loi d'orientation et de programmation. La priorité a été donnée à l'administration pénitentiaire pour faire face aux réalités à l'augmentation du nombre de détenus. La capacité d'accueil de l'école d'Agen est renforcée et nous comptons maintenir un flux de recrutement de 2000 surveillants par an, qui couvre les créations de poste et les départs à la retraite. Cela permet, comme disent les surveillants, d'avoir « du monde dans les coursives » dans cette période de surpopulation carcérale.

Les créations de postes de magistrats ont, elles, légèrement baissé. J'espère corriger cette situation en 2006 et 2007, mais il fallait faire des choix. Il faut toutefois compter avec l'effet à terme de deux réformes majeures : la mise en place des juges de proximité - une centaine a été nommée par le Conseil supérieur de la magistrature que je présidais hier - et la réorganisation en pôles pour les dossiers de grande criminalité, classique ou financière, qui engendrera des progrès en termes de productivité. Le ministère de la justice a aussi fait un gros effort de simplification des procédures. À partir du 1er janvier par exemple, le divorce par consentement mutuel se fera en une seule audience, engendrant une économie de temps importante pour les juges aux affaires familiales. Le rapport Magendie sur la qualité et la célérité de la justice contient aussi nombre de propositions intéressantes et novatrices qui devraient permettre à terme d'augmenter la productivité et la rapidité des procédures.

En ce qui concerne les crédits de fonctionnement, ils augmentent de 10 % pour l'administration pénitentiaire. Ils permettront de poursuivre les travaux de sécurisation des établissements engagés depuis 2002, tels que les filets anti-hélicoptère, les tunnels à rayons X ou le brouillage des téléphones portables. Cette dernière opération, qui constituait une exigence forte il y a deux ans, est quasiment achevée pour l'ensemble des zones à risque. Ils permettront également d'améliorer la santé dans les prisons. Nancy a mené une expérience réussie d'unité hospitalière sécurisée interrégionale. Avec le ministère de la santé, nous sommes décidés à progresser dans cette direction. Enfin, ces crédits permettront de développer l'éducation dans les prisons, dans la perspective de la loi Warsmann. Le budget prévoit la création de 200 emplois de conseillers d'insertion et de probation. Les 160 qui ont déjà été recrutés en 2004 sont en train d'achever leur formation. Il leur appartient de s'occuper de 13 000 personnes chaque année.

Sur le plan immobilier, nous progressons. Ainsi, seront livrées en 2005 les deuxièmes tranches des palais de justice de Pontoise, Besançon et Narbonne et les travaux de l'Ecole nationale des greffes et des palais de justice de Toulouse, Thonon, Nanterre Avesne-sur-Helpe, Ajaccio, Bordeaux et Niort démarreront. Je rappelle que nous avons augmenté la capacité d'accueil pénitentiaire de près de 1 700 places en deux ans, soit par l'ouverture d'établissements nouveaux, soit grâce à des travaux d'aménagement. C'est heureux ! En 2005, l'effort se poursuivra avec la mise en service de l'établissement de Sequedin, la mise en chantier des premiers établissements pour mineurs, de la maison d'arrêt de La Réunion - très attendue - et de trois centres de semi-liberté à Aix, Bordeaux et Lille. L'année 2005 verra également se poursuivre la rénovation des établissements de Fleury-Mérogis et des Baumettes, travaux considérables qui s'étendront sur plusieurs exercices. Enfin, l'extension de l'École nationale de l'administration pénitentiaire s'achèvera ; sa capacité d'accueil a été doublée, et les lieux ont été aménagés pour permettre une formation plus pratique.

S'agissant des partenariats public-privé, les annonces d'appels publics à la concurrence ont été publiées en juillet dernier pour quatre établissements et les attributions de marché se feront en 2005. Il s'agit, je le rappelle, de déléguer la maîtrise d'ouvrage et d'obtenir du secteur privé un service complet comprenant la construction, la maintenance et la gestion des établissements pénitentiaires.

J'en viens à l'évaluation des résultats. Nous disposons désormais d'instruments de mesure de performance transparents et les contrats d'objectifs passés entre la Chancellerie et les juridictions se généraliseront progressivement, ce qui traduira un changement d'état d'esprit garant d'une meilleure efficacité. Des résultats probants sont déjà constatés tant à Douai qu'à Aix, les deux cours qui ont, les premières, expérimenté ce nouveau dispositif. L'instauration de la rémunération au mérite participe du même objectif. Enfin, je m'apprête à créer un baromètre trimestriel des 181 juridictions, qui récapitulera leur activité sous forme de statistiques.

Le ministère de la justice prépare donc la lolf dans des conditions satisfaisantes. Son projet annuel de performance, significativement plus lisible que le document traditionnellement soumis au Parlement, recense 70 indicateurs dont le suivi, au fil des ans, permettra d'intéressantes comparaisons. Déjà, les résultats constatés depuis deux ans présentent des éléments encourageants. Notre effort continu porte ses fruits, comme en atteste la décroissance de la délinquance des mineurs, après des années préoccupantes. Le nombre des mineurs emprisonnés est passé de plus de 900 à moins de 600, en baisse, donc, de 30 %. Les solutions alternatives à l'emprisonnement, tels que les centres éducatifs fermés, se sont développées. Par ailleurs, les délais de traitement des affaires civiles diminuent dans les cours d'appel et, pour la première fois, dans les tgi. Enfin, le taux de réponse pénale augmente et, corrélativement, le nombre des classements sans suite baisse.

Telles sont les informations que j'ai souhaité porter à votre connaissance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes - L'amélioration de la prise en charge des victimes, l'une des priorités du Gouvernement, s'est concrétisée par la création du secrétariat d'État aux droits des victimes, qui traduit la volonté de reconnaître la condition des victimes et d'établir et de préserver leurs droits par l'élaboration d'une politique publique globale. J'ai présenté un premier train de mesures au Conseil des ministres, le 29 septembre dernier. Ce plan d'action tend à généraliser et à mettre en cohérence les dispositifs de prise en charge des victimes, à améliorer l'indemnisation et à agir en faveur de la réinsertion sociale, affective et professionnelle. 750 000 euros sont inscrits à cet effet en mesure nouvelle au budget du ministère ; ils seront complétés, à hauteur de 250 000 euros, par les crédits destinés à l'accompagnement de dispositifs innovants, éligibles au fse, au bénéfice des publics les plus fragiles. Ce million supplémentaire traduit une augmentation de 13 % du budget consacré à ces actions par la Chancellerie, sans tenir compte des mesures présententielles, transférées en 2004 sur les frais de justice.

Le secrétariat d'État s'attachera à renforcer les capacités d'intervention auprès des associations conventionnées par les cours d'appel, et des services d'aide aux victimes. À ce jour, il existe 168 de ces associations, qui ont accueilli près de 240 000 personnes en 2003. Leur financement repose sur le ministère de la justice mais aussi sur les crédits du fonds interministériel pour la ville et sur les contributions des différentes collectivités territoriales. L'amélioration de la prise en charge des victimes se traduira par la création d'astreintes téléphoniques et par l'élargissement des horaires de permanence. De plus, un numéro unique d'appel - le « 08 Victimes » - sera créé dans les tout prochains mois, et des psychologues seront recrutés pour venir en aide aux victimes traumatisées.

Le secrétariat d'État organisera d'autre part des actions, sur le plan national, en relation avec les autres ministères et tous les partenaires concernés : associations, collectivités territoriales, universités, entreprises... Le secrétariat d'État a en effet vocation à appuyer les associations qui œuvrent dans d'autres domaines que ceux dévolus au ministère de la justice, pour aider par exemple les victimes de catastrophes naturelles ou les victimes de l'amiante. Je souligne que, compte tenu des crédits encore disponibles, le choix a été fait de ne pas demander cette année la consolidation du fonds de réserve prévu en cas d'accident collectif ou de catastrophe, dont les actions en cours concernent notamment le crash de Charm-el-Cheikh et le procès du Mont-Blanc.

Dans un autre domaine, le secrétariat d'État s'attache à développer la politique d'accès au droit et d'aide aux victimes à l'intention des publics fragilisés. Il s'agit particulièrement d'aider les victimes de violences familiales ou de discrimination, pour favoriser leur réinsertion professionnelle. Cette démarche originale trouvera sa place au sein des dix plates-formes Europe récemment créées par la Chancellerie, et elle pourra aussi bénéficier d'un financement dans le cadre du projet d'initiative communautaire equal. Cette politique est dans la droite ligne du plan d'action de la justice en faveur des personnes en difficulté et de la réflexion interministérielle de lutte contre les violences familiales. Il s'agit de mettre au point des dispositifs expérimentaux adaptés à la situation des personnes les plus touchées par la précarité, la désinsertion et la violence, en organisant des collaborations actives entre les conseils départementaux d'accès au droit, les auxiliaires de justice, les associations et les organismes de formation et de réinsertion, en liaison avec les réseaux associatifs spécialisés.

Telles sont, très brièvement, les grandes lignes de l'utilisation des crédits attribués au secrétariat d'État (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Albertini, rapporteur spécial de la commission des finances - Comme l'a indiqué le Garde des Sceaux, le budget de la justice augmentera de 4 % en 2005. De ces crédits, 41,6 % seront alloués aux services judiciaires, un peu plus de 30 % aux services pénitentiaires, quelque 11 % à la protection judiciaire de la jeunesse et 13,6 % à l'administration générale. Les effectifs du ministère sont d'un peu plus de 72 000 agents, soit 3,6 % des effectifs de l'État. Le projet de budget qui nous est présenté, légèrement inférieur à 2 % du budget global de l'État en termes de crédits, est encore perfectible si nous souhaitons que les retards chroniques de la justice française soient progressivement comblés. Tel est d'ailleurs l'objet de la lolf. En 2005, le ministère de la justice connaîtra 1100 créations d'emploi et 135 emplois seront consolidés, dont 120 sont des emplois jeunes et 15 des postes d'assistants de justice. L'administration pénitentiaire est la principale attributaire des emplois créés, avec 533 emplois nouveaux. Les services judiciaires se voient dotés de 355 nouveaux postes mais l'ont constate une relative faiblesse des recrutements de magistrats, avec 121 nominations nouvelles seulement. Ce retard devra être rattrapé au cours des années 2006 et 2007.

Les crédits de fonctionnement, auxquels les magistrats sont spécialement attachés en ce qu'ils permettent d'assurer le fonctionnement quotidien des juridictions, augmentent globalement de 8 %, l'administration pénitentiaire en étant la principale bénéficiaire. Les crédits de paiement sont stabilisés à 318 millions.

Comme l'a indiqué le Garde des Sceaux, le programme de création de huit nouveaux établissements pénitentiaires se poursuit, quatre devant faire l'objet d'un partenariat public-privé. Il s'agit, chacun le sait, d'un processus juridique un peu complexe face auquel les vieilles habitudes doivent évoluer.

Nous disposerons dans quelques jours d'un rapport d'exécution de la lopj. Il semble que la difficulté majeure soit liée au nécessaire rattrapage des créations de postes de magistrats, notamment dans l'ordre administratif où le contentieux des étrangers tend à  exploser. À cet égard, il conviendra de veiller à doter les juridictions implantées à proximité des centres de rétention de moyens nouveaux suffisants.

La surpopulation carcérale commande de trouver des alternatives à l'incarcération plus efficaces que celles qui existent aujourd'hui. Autre point préoccupant, le fléchissement du travail en prison, alors que chacun sait qu'il y a là pour les détenus un moyen privilégié de préparer la réinsertion.

S'agissant de la prévention de la récidive, l'excellent rapport de la mission d'information présidée par Pascal Clément a légitimement insisté sur les insuffisances du suivi socio-judiciaire. Notre système pâtit du manque de juges d'application des peines et de services d'appui à la réinsertion. Quant au secteur psychiatrique pénitentiaire, il est confronté à une véritable crise des vocations, extrêmement préoccupante à tous égards.

La pjj a fait l'objet d'un rapport très sévère de la Cour des comptes. Il est vrai qu'il reste beaucoup à faire, notamment pour ce qui concerne le contrôle du secteur associatif habilité dont les dépenses croissent continûment. Le nombre de mineurs incarcérés a fortement diminué et nous nous en félicitons tous. Cependant, l'application aux jeunes majeurs des dispositions traditionnellement réservées aux mineurs a un coût, dont il faudra tenir compte à l'avenir.

Naguère évaluatifs, les frais de justice seront désormais intégrés à la loi de finances pour répondre aux préconisations de la lolf. Cela exige un changement d'approche, d'autant qu'ils sont en augmentation constante, du fait notamment de la généralisation des expertises génétiques et du coût des interceptions téléphoniques de sécurité.

Je plaide pour une réforme rapide des tutelles, puisque 600 000 personnes sont aujourd'hui traitées par seulement 100 juges des tutelles en équivalent temps plein. Il est urgent de rétablir la situation, en conjuguant mieux le judiciaire et le social. Les conseils généraux pourraient être utilement associés à la réflexion et nous souhaitons que le projet de loi en cours de préparation à ce sujet soit rapidement déposé.

J'en viens à la mise en œuvre de la lolf et je veux saluer d'emblée l'excellent travail d'anticipation accompli par les services de la Chancellerie. La mission justice comportera 6 programmes - justice administrative, justice judiciaire, administration pénitentiaire, pjj, accès au droit et à la justice, soutien de la politique de la justice et organismes rattachés - et se décomposera en 33 actions afférentes. L'architecture retenue ne pêche pas par un excès de sophistication, mais elle épouse bien les contours de la politique de la justice actuelle et elle permettra de disposer d'indicateurs pérennes particulièrement lisibles. Une réserve cependant, les indicateurs de performances retenus sont essentiellement quantitatifs, ce qui n'épuise pas le champ de l'évaluation de notre service public de la justice. S'il est intéressant de disposer de données chiffrées - retraçant par exemple le nombre de dossiers traité par magistrat ou le stock d'affaires en instance -, il serait également judicieux de lancer des enquêtes de satisfaction auprès des professionnels de la justice eux-mêmes. Le gip - dont la rigueur scientifique n'est plus à démontrer - pourrait aussi s'attacher à mieux mesurer dans le temps l'image de la justice aux yeux des Français.

Mme Valérie Pecresse, rapporteure pour avis de la commission des lois, pour les services pénitentiaires et pour la protection judiciaire de la jeunesse - En augmentation de 4 %, le budget pour 2005 de l'administration pénitentiaire est parfaitement conforme aux exigences posées par la lopj. Les 1 100 emplois créés représentent plus du tiers des créations d'emplois publics prévues au titre du plf du prochain exercice. En matière pénitentiaire, ce sont près de 68 % du programme fixé par la loi d'orientation qui sont d'ores et déjà exécutés. On mesure l'effort accompli. Je salue tout particulièrement l'augmentation substantielle des postes relevant des services pénitentiaires d'insertion et de probation - plus de 200 postes. C'est à ce prix que l'on interdira les « sorties sèches » de prison à l'issue de la période d'incarcération. L'ampleur des vacances de postes - 2 250 postes non pourvus - fragilise la volonté politique de poursuivre les recrutements dans la pénitentiaire. Il y a entre la volonté que retrace le budget et la réalité d'un décalage que je me devais de relever. À cet égard, les actions entreprises pour renforcer le pouvoir d'attraction des métiers de la pénitentiaire méritent d'être saluées, qu'il s'agisse des campagnes publicitaires ou des réformes statutaires des différents corps. Je n'insiste pas sur les dispositions déjà prises pour améliorer les conditions de travail des personnels. En quelques années, le taux d'encadrement dans nos établissements est passé de 2,8 détenus par surveillant à un surveillant pour 2,5 détenus.

Le programme de création de huit unités interrégionales d'hospitalisation sécurisée se poursuit. L'uhsi de Nancy fonctionne déjà, mais son taux d'occupation relativement faible nous interroge. Est-il dû au poids des habitudes ou à une légère surévaluation des besoins de la région Est ? Ce point méritera d'être éclairci.

Les programmes de rénovation des établissements se poursuivent. Fleury-Mérogis et les Baumettes sont sur la bonne voie. Le rythme d'avancement des travaux est plus modéré à la Santé, à Loos-les-Mines et à Fresnes. Le « programme 4 000 » est en voie d'achèvement et le « plan 13 000 » est lancé. Parallèlement, le plan de mise en sécurité et de prévention des évasions des centres de détention se poursuit. Trois évasions par substitution d'identité ayant été à déplorer au cours des derniers mois, le contrôle biométrique des détenus va être renforcé.

La situation faite aux délinquants sexuels et aux détenus présentant des troubles mentaux me préoccupe tout particulièrement. Au cours de la dernière décennie, les délits sexuels sont devenus la première cause d'incarcération. 7 400 personnes sont actuellement détenues à ce titre, soit 20 % des personnes condamnées. Reposant sur le consentement de la personne, la prise en charge de la délinquance sexuelle continue de poser problème, et, comme l'ont relevé MM. Clément et Léonard dans leur rapport sur la prévention de la récidive, la dangerosité sociale des délinquants sexuels ayant purgé leur peine est extrêmement difficile à évaluer. Nous manquons également de données sur l'injonction thérapeutique.

Les personnes souffrant de troubles mentaux ont représenté 50 % des entrants en prison en 2001. Il ressort de l'étude épidémiologique en voie d'achèvement que la souffrance psychique et psychiatrique tend à se développer dans le milieu carcéral. En témoignent les 500 agressions à l'encontre de personnels survenues en 2003 - contre 127 en 1996 - et le nombre des suicides en détention, en augmentation continue depuis plus de dix ans - 59 en 1990, 120 en 2003. Le nombre de détenus psychotiques ou souffrant d'un état dépressif est en augmentation constante. 10 % des personnes entrant en détention faisaient l'objet d'un suivi psychiatrique régulier dans l'année précédant leur condamnation. Les psychiatres intervenant en prison appellent notre attention sur le risque que le défaut de soins psychiatriques soit à l'origine de crimes et délits qu'une prise en charge adaptée aurait peut-être pu éviter.

L'insuffisance des moyens psychiatriques ne fait aucun doute, puisque 800 postes de psychiatres sont vacants dans le secteur public. L'impossibilité d'assurer la prise en charge de nuit des détenus souvent souffrants de troubles mentaux graves, l'interdiction de mettre en œuvre un traitement médicamenteux sans le consentement du détenu et les réticences des établissements de santé à recevoir des personnes détenues en hospitalisation d'office en l'absence de garde statique par les forces de l'ordre constituent autant d'obstacles au traitement efficace des personnes incarcérées présentant un état de détresse psychique. En vue de remédier à cette situation, l'article 48 de la lopj modifie les conditions d'hospitalisation pour troubles mentaux des personnes détenues en créant des unités hospitalières spécialement aménagées.

Comme M. Albertini, je voudrais évoquer l'insertion professionnelle des détenus. La population carcérale cumule les difficultés : 60 % des détenus ont un niveau inférieur à l'école primaire. Par ailleurs, 20 % de ceux qui sortent ont moins de 8 € de pécule. C'est là une des carences du système : le risque de récidive est fort.

Actuellement, 26 000 détenus travaillent et ce nombre est en hausse de 13 %. Mais l'emploi pénitentiaire est très sensible à la conjoncture : il avait baissé de 12 % entre 2001 et 2003, après une hausse de 25 % des rémunérations versées entre 1997 et 2000, quand la conjoncture était la plus favorable. En outre, les délocalisations d'emplois peu qualifiés posent un problème structurel. Je demande au Garde des Sceaux de faire de l'emploi pénitentiaire une priorité.

L'activité des services de la protection judiciaire de la jeunesse a augmenté de 77 %, ce qui est supérieur à l'évolution du nombre de mineurs mis en cause, en hausse de 57 %. En outre, le secteur public de la pjj tend à se spécialiser dans les mesures pénales. Le nombre de mineurs en attente a reculé de 20 % entre 2002 et 2003, ce qui est très positif : la rapidité de la réponse judiciaire est le meilleur moyen de prévenir la récidive. Toutefois, dans le milieu ouvert pénal, le délai d'exécution des mesures s'établit à 51 jours, ce qui est encore trop long. Le budget de la PJJ augmente de 4,42 % et 101 postes sont ouverts. Le nombre des mineurs incarcérés diminue et c'est une évolution qui se confirme. Elle tient à l'amélioration de la réponse pénale, grâce à la bonne loi préparée par le Garde des Sceaux et la commission. Nous disposons de 47 centres de placement immédiat qui offrent une alternative à la détention provisoire des mineurs. Ces centres ont pris en charge 1 500 jeunes l'année dernière. Les 72 centres éducatifs renforcés en ont recueilli 1 100 et nous disposons également de neuf centres éducatifs fermés. Ceux-ci font l'objet d'une évaluation et je salue cette initiative de l'administration de la Justice.

Par ailleurs, la pjj intervient maintenant dans les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires. Dix établissements bénéficient de cette mesure, et tout se passe très bien. Cette intervention préfigure le rôle que jouera la PJJ dans les futurs établissements pénitentiaires pour mineurs.

Je salue la diversification du recrutement. Le profil moyen de l'éducateur est trop généraliste et trop scolaire. Il est bon qu'un concours interne soit ouvert aux agents de justice et qu'une troisième voie de recrutement installe des passerelles avec d'autres professions.

La pjj a donc évolué dans le bon sens. Elle a tiré les conséquences du rapport alarmiste publié par la Cour des comptes en créant une sous-direction des ressources humaines et en se dotant d'indicateurs d'activité. Elle est entrée dans une logique d'évaluation et de contrôle.

Des décrets devraient améliorer le fonctionnement des établissements et nous fournir des indicateurs sur l'utilisation du patrimoine immobilier. Il faudrait en outre que la pjj établisse des référentiels de bonne pratique.

Je tiens à citer un chiffre qui devrait mettre fin à la polémique : seulement 16 % des mineurs passés en centres éducatifs fermés sont ensuite incarcérés. Le taux d'échec est donc faible.

On nous annonce des indicateurs qualitatifs, ce qui est toujours difficile à mettre en place. Nous manquons tout particulièrement de données sur la récidive des mineurs.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour l'administration centrale et les services judiciaires - Le budget des services judiciaires augmente de 3,8 %, soit un montant de 3,2 milliards d'euros en crédits de paiement. Ces chiffres montrent que la Justice est une priorité du Gouvernement. Je salue l'action en faveur des victimes, y compris le travail remarquable du secteur associatif. Il s'agit en définitive de rapprocher la Justice des citoyens.

Dans l'ordre judiciaire, le stock des affaires à juger au civil a diminué, s'agissant de la Cour de cassation et des cours d'appel. Toutefois, en 2003, le délai moyen de traitement à la Cour d'appel était de 16,1 mois. Le stock des affaires à juger reste stable dans les tribunaux d'instance, mais il augmente dans les tribunaux de grande instance avec le contentieux aux affaires familiales.

Au pénal, le nombre des condamnations a diminué, mais c'était en 2002 : à cet égard, notre outil statistique est sans doute perfectible. La baisse constatée en 2002 s'explique par l'application de la loi d'amnistie. En 2003, le taux d'élucidation a progressé. Le taux de réponse pénale a atteint 72 % grâce à l'utilisation croissante des procédures alternatives.

Les magistrats vont bénéficier de nouveau d'une extension de la nouvelle bonification indiciaire au titre des fonctions d'encadrement, ainsi que de la revalorisation indemnitaire. Il s'agit d'un effort sans précédent : 4 % de revalorisation en 2003, 4 % en 2004 et encore 1 % en 2005. Il faut ajouter la création des primes modulables, dites « primes au mérite », qui avaient suscité la polémique : les arrêtés portent leur taux moyen de 4 à 8 %, le taux maximal pouvant aller jusqu'à 15 %. Il faut certes préserver l'indépendance des magistrats, mais la Justice est un service public qui doit répondre aux attentes de nos concitoyens. Le versement des primes modulables est fondé sur l'évaluation faite par le chef de juridiction.

Dans la juridiction administrative, j'ai observé une augmentation du contentieux devant les tribunaux administratifs. Alors que le stock est en stagnation au Conseil d'État et dans les cours administratives d'appel, les tribunaux administratifs sont engorgés. Le nombre d'affaires jugées a augmenté de 63 % entre 1993 et 2003 et de 27,3 % entre 2003 et 2004. Il faut donc prévoir des moyens supplémentaires, mais aussi revoir certaines procédures. Il arrive souvent, par ailleurs, que les administrations ne répondent pas aux demandes de recours gracieux, se contentant de laisser passer le délai. Les justiciables saisissent alors le tribunal administratif. Si le Gouvernement incitait les administrations à répondre, le nombre des saisines diminuerait.

Il y a eu une nette augmentation du nombre des reconduites à la frontière, ce qui est positif. Mais la procédure d'arrêté de reconduite à la frontière envoyé par la voie postale n'a aucune efficacité. Elle mobilise des juridictions pour un taux d'exécution inférieur à 4 %. Je poserai une question au Garde des Sceaux à ce sujet.

Les juridictions de proximité ont été créées par la loi du 9 septembre 2002, la loi d'orientation du 26 février 2003 et le décret du 23 juin 2003. Ces textes ont autorisé le recrutement de juges non professionnels, soumis au statut des magistrats, qui ont des compétences civiles pour les litiges d'un enjeu inférieur à 1 500 € et des compétences pénales allant jusqu'aux contraventions de police de quatrième classe et certaines de cinquième classe. Ces juges de proximité travaillent en lien étroit avec le tribunal d'instance, puisque c'est le juge d'instance qui organise les audiences et qui évalue ces magistrats. Comme le dispositif avait été critiqué, j'ai souhaité en établir un petit bilan, sachant que nous manquons encore de recul, les premiers juges de proximité n'étant entrés en fonction qu'au début de l'année. On sait qu'ils ont dû suivre une formation qui était, pour la plupart d'entre eux, probatoire. Il s'agit à 40 % de professions libérales, en majorité des avocats ; à 10 % d'anciens magistrats ; à 40 % de diplômés justifiant de quatre années d'expérience juridique ; à 8 % de personnes justifiant de vingt-cinq années d'expérience juridique ; à 1 % d'anciens greffiers et à 1 % de conciliateurs de justice en exercice. Leur âge moyen est de 53 ans. Monsieur le Garde des Sceaux, nous avons rencontré des juges de proximité et nous avons vu que le recrutement était de qualité. Ces juges s'intègrent dans le milieu judiciaire et vous avez d'ailleurs prévu un certain nombre de moyens financiers pour faciliter leur intégration.

La nomination de greffiers et d'agents de catégorie C accompagne cette réforme. Au 13 septembre 2004, il y avait 172 juges de proximité en exercice et au 15 octobre quatre promotions, soit 466 personnes, avaient été formées à l'École nationale de la magistrature. Cependant, il s'écoule trop de temps entre la fin de la formation et la nomination effective. Il faudrait donc revoir la procédure. Un certain nombre de députés, dont le président de la commission des lois, ont déposé une proposition visant à accroître les compétences des juges de proximité. Si leurs « pouvoirs » sont étendus, il faudra renforcer leur formation. Quels seront les moyens disponibles pour mettre en place cette réforme lorsqu'elle sera votée ?

Enfin, les frais de justice sont difficilement maîtrisables. En 2006, les chefs de cour d'appel disposeront d'enveloppes globalisées pour remplir les objectifs prévus par la lolf. Comment pourront-ils à la fois faire face à l'évolution de ces frais et garder une certaine marge de manœuvre ?

Je salue la réforme courageuse menée par le ministère de la justice, notamment grâce aux contrats d'objectif lancés dès 2002, pour rendre la gestion plus efficace et améliorer la qualité du service. Il s'agit d'une véritable révolution dont nous attendons qu'elle rapproche la justice des citoyens.

M. Christian Vanneste - Selon M. Hanoteau, le directeur de l'enm, la France passe beaucoup de temps à réformer la justice sans prendre toujours le temps d'appliquer les réformes. Celles-ci sont indispensables et j'apprécie de voir augmenter chaque année les crédits du ministère de la justice afin d'appliquer la lopj. Leur augmentation de 4 % en 2005 permet la création de 1 100 emplois budgétaires, dont 100 emplois de magistrats, et une augmentation de 8 % des crédits de fonctionnement.

Le budget doit répondre aux attentes des justiciables, c'est-à-dire avant tout accélérer le temps judiciaire. La modernisation de l'institution et un recrutement accéléré de magistrats, de fonctionnaires et de juges de proximité doit y concourir. J'apprécie également l'augmentation des crédits d'aide aux victimes. Celle des aides judiciaires permettra d'appliquer la nouvelle procédure de rétablissement personnel. Toutes ces mesures rapprocheront les Français de leur justice.

En 2003, le nombre de décisions judiciaires a augmenté, en particulier de 3,9 % au pénal et de 13,3 % dans les juridictions spécialisées. Comme l'a dit à juste titre M. Bilger, à force de ne plus considérer la justice comme le service public qu'elle est pourtant, les notions d'efficacité, de célérité et de responsabilité finissent par s'effacer derrière la recherche de la perfection formelle dans les décisions de justice. Heureusement, ces notions de base sont au cœur des orientations de votre politique budgétaire.

S'agissant d'abord de l'efficacité, les justiciables souhaitent avoir la certitude d'une réponse. Or, il y a une certaine « perte en ligne » en raison de la mauvaise articulation entre police et justice. Elle vient peut-être de ce que nos policiers sont plus nombreux qu'ailleurs en Europe, et nos magistrats moins nombreux. D'autre part, notre taux d'incarcération est plus faible que la moyenne européenne. Dès lors, si la population des prisons est surabondante, n'est-ce pas que la bouteille est trop petite plutôt que trop pleine ? L'absence de toute initiative de la part du gouvernement socialiste est responsable de cet engorgement. Il nous faut maintenant combler le retard. Les peines de substitution, le bracelet électronique, les tig, doivent permettre d'améliorer les choses en ce qui concerne les plus petites peines. Pouvez-vous nous informer sur l'évolution comparée des mises en détention et des places disponibles, ainsi que sur celle des peines alternatives et sur leur efficacité, notamment en ce qui concerne les tig ? Pour ce qui est des jeunes délinquants, où en est-on de l'installation des centres d'éducation fermés ? Il n'y en a toujours pas dans ma région. Enfin, serait-il possible de faire participer des sociétés privées au transfert des détenus ?

C'est évidemment d'une efficacité accrue que dépend l'accélération du traitement des affaires. On sait comment les dossiers s'éternisent de contestation en appel. Bien juger nécessite du temps, mais de délai en délai, ce sont parfois des vies qui se désagrègent. Si la procédure du plaider coupable est une réponse, c'est l'ensemble de l'institution qui doit accélérer le traitement des dossiers. J'en viens enfin à la responsabilité des magistrats. Récemment, l'affaire d'Outreau a mis en évidence bien des dysfonctionnements. La justice doit pourtant être garante du lien social. Juges d'instruction et magistrats doivent donc faire preuve de discernement et de lucidité dans leur action. Quand la justice remet des coupables en liberté et maintient des innocents en détention, c'est un traumatisme et elle perd sa crédibilité. Selon Durkheim, la société repose sur la foi dans les institutions. La justice, institution de premier plan, doit contribuer à l'assurer pleinement.

M. André Vallini - Monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir que, cette fois, votre budget ne sera pas virtuel ? Ce fut le cas en 2003 et en 2004 en raison des gels, reports et annulations de crédits. Ainsi, le décret du 16 juillet 2004 a annulé 2,9 millions d'autorisations de programmes et 4,2 millions de crédits de paiement, celui du 9 septembre a annulé 51 millions de crédits, dont 19 millions pour les services pénitentiaires, 11 millions pour les services juridiques, 6 millions pour l'informatique et la téléphonie, et 3 millions pour la protection de la jeunesse, en touchant souvent la formation. Par la circulaire du 15 juillet 2004, vous avez également institué une réserve de précaution, en gelant 8,5 % des crédits de fonctionnement. De la même façon, ce budget qui affiche une augmentation de 4 %, s'il ne devait pas être exécuté, serait insincère.

Et quand bien même il serait exécuté, il est insuffisant pour répondre aux besoins. Il est d'ailleurs inférieur à celui des autres grands pays européens : le budget de la justice en Allemagne, compte tenu du nombre d'habitants, est le double du nôtre. Contrairement à ce qu'a dit M. Garraud, de 1997 à 2002, ce budget a augmenté dans notre pays de 29 %. Vous ne partez donc pas de rien ! 2005 est une année charnière, puisque c'est la troisième année d'application de la lopj. Or, nous sommes loin du rythme à suivre pour qu'elle soit réalisée dans les délais.

Le coût des réformes aggrave la situation. C'est le cas avec la création des juges de proximité et la mise en application de certaines dispositions de la loi Perben II, dont 11 mesures ont des conséquences sur les frais de justice, pour lesquels les 20 millions de crédits inscrits en 2005 ne suffiront pas. De même, la personnalisation des peines, qui est une bonne mesure en soi, demandera des expertises et des enquêtes de personnalité. La politique mise en œuvre par Mme Guedj pour renforcer les droits des victimes est également positive, mais elle aura un coût, tout comme le recours à de nouvelles techniques d'investigation et à des équipements de télécommunication de plus en plus sophistiqués. Au passage, qu'en sera-t-il pour les repentis ? Rien n'est prévu au budget. La loi Perben II a mis en place un système à l'italienne ; dans ce pays, il coûte environ 80 millions par an.

S'agissant des personnels, vous avez mis fin aux emplois-jeunes sans donner aux intéressés d'autre perspective que des facilités d'accès aux concours. Au total, 135 postes de contractuels sont prévus pour les remplacer alors qu'il en faudrait 90 pour la seule cour d'appel de Paris. Vous créez un nombre insuffisant de postes de greffiers, alors que leur travail augmentera en liaison avec la justice de proximité et l'application des peines.

Le budget de l'administration pénitentiaire augmente, notamment en crédits de fonctionnement, mais l'essentiel est absorbé par l'immobilier. Nous arrivons seulement à la fin du programme 4 000 et le programme 13 000 ne commencera qu'en 2005. La prison en France reste un enfer sur terre. Ce retard est inacceptable. Il faut aller plus vite, même si les délais tiennent aussi à la passation des marchés publics. Nous avons heureusement voté les mesures Warsmann sur la libération conditionnelle et la semi-liberté, mais cela ne suffira pas. Il n'existe actuellement que deux uhsi - pour huit prévues - alors qu'il en faudrait au moins le double. 40 % des détenus souffrent de problèmes psychologiques et ne sont pas suivis comme il le faudrait ; ils représentent donc un danger pour leurs co-détenus et pour les gardiens. Les créations de postes pour le personnel pénitentiaire sont à relativiser, car il va y avoir beaucoup de départs en retraite. Finalement, les mesures Warsmann seront difficiles à mettre en œuvre. Selon les syndicats, il faudrait 3 000 agents supplémentaires pour l'aménagement des fins de peine. En 2003, par rapport à 2002, les sursis avec mise à l'épreuve ont diminué de 2,4 %, les tig de 5,8 % et les placements en semi-liberté de 4,8 %. Espérons que la mise en application des mesures Warsmann freinera cette tendance.

Pour ce qui est de la PJJ, je déplore que les moyens soient concentrés sur les établissements en milieu fermé. L'éducation en milieu ouvert nécessiterait beaucoup de moyens supplémentaires car la prise en charge de bien des mineurs délinquants est trop tardive.

M. Garraud, dans la langue de bois dont il est familier, nous a dit que l'institution des juges de proximité fonctionnait bien. C'est exactement le contraire ! Tous les magistrats et les syndicats de tous bords le disent, c'est un échec. La vraie justice de proximité est assurée par les juges d'instance, avec un délai de traitement des dossiers de quatre mois. Mais on s'est cru obligé de créer des juges de proximité pour appliquer une promesse électorale, voire électoraliste, de M. Chirac. Les juges de proximité compliquent la justice ; or, dans une sorte de fuite en avant, vous étendez encore leurs compétences ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

En ce qui concerne la loi Perben II, nous gardons toutes nos craintes sur la porosité entre les procédures d'exception et ordinaires. Nous serons très vigilants, comme sur la nouvelle procédure du plaider coupable. Nous veillerons particulièrement au respect des droits de la défense, même si des garde-fous ont été prévus et que le Conseil constitutionnel a émis des réserves d'interprétation, et aux affaires sensibles, que le plaider coupable ne doit pas servir à occulter. Quant à la délinquance des mineurs, la baisse que vous évoquée doit être nuancée. Les violences contre les personnes augmentent, ainsi que la délinquance dans les zones rurales et à l'école. Le combat est donc loin d'être gagné.

Je veux également revenir sur la reprise en main de la justice que nous constatons depuis deux ans. Tous les magistrats que je rencontre, de toutes tendances, s'accordent à ce sujet. Vous avez d'abord rétabli les instructions individuelles.

M. le Président de la commission des lois - C'est la loi !

M. André Vallini - Une réforme était justement en cours d'examen, mais vous ne l'avez pas poursuivie ! Monsieur le ministre, vous ne suivez pas non plus les avis du csm concernant la nomination des magistrats. Des nominations récentes posent problème, ainsi que celle de votre directeur de cabinet au csm. Et que dire du déclenchement de trois enquêtes sur le verdict du tribunal de Nanterre, ou de l'entreprise de déstabilisation du procureur de Nice, Eric de Montgolfier, menée par la Chancellerie ?

M. le Garde des Sceaux - Pourriez-vous rappeler le nom du Garde des Sceaux qui a diligenté l'inspection sur M. de Montgolfier ?

M. André Vallini - C'était Mme Lebranchu, mais les mesures de déstabilisation viennent bien de votre cabinet ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Le rapport de M. Lamanda fait heureusement justice des accusations contre M. de Montgolfier ! Par ailleurs, les primes au rendement qui ont été instituées sont dénoncées par l'ensemble des magistrats. Bref, il existe un faisceau d'indices graves et concordants accréditant l'idée d'une reprise en main de la justice.

Alors que la justice fait face à une crise de confiance sans précédent, votre politique pénale, au lieu de fixer le cap, varie en fonction de l'opinion publique. Après la psychose sécuritaire, qui s'est traduite par la surpopulation carcérale que nous connaissons, les préoccupations nées du procès d'Outreau vous poussent à mettre à nouveau l'accent sur les droits de la défense et revoir les conditions de la détention préventive. Nous avions préféré, quant à nous, fixer trois orientations claires : une justice accessible et rapide, indépendante et responsable, respectueuse et protectrice des libertés.

M. Michel Vaxès - Je me limiterai à quelques remarques, pour respecter le temps très restreint qui nous est alloué, du moins en ce qui concerne les représentants de l'opposition. La différence entre les règles du jeu en vigueur ici et les conditions de la séance publique n'est pas avantageuse pour nous.

Le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances pour 2003 révèle que 200 millions ont été bloqués en crédits de paiement et 53 millions en autorisations de programme - et que 33 % seulement  des crédits disponibles pour les équipements judiciaires, pénitentiaires et de la pjj ont été utilisés. Aussi convient-il de relativiser la hausse de 4 % du projet de budget pour 2005. L'Union syndicale des magistrats considère d'ailleurs que l'objectif de la lopj ne sera jamais atteint en 2007.

Or, le droit est devenu le nouveau langage de notre démocratie, la judiciarisation de la société n'est plus un phénomène conjoncturel. La justice doit donc disposer d'un budget en conséquence. Il n'est guère étonnant qu'elle souffre d'une mauvaise image et suscite une insatisfaction croissante, quand on sait que 7 144 magistrats rendent 2,5 millions de décisions civiles et 11,3 millions de décisions pénales et que les prisons comptent 60 000 détenus pour 22 000 surveillants ! Oui, la justice manque de moyens et votre budget n'y remédie pas.

Cette année, un million d'euros seront consacrés au recrutement des juges de proximité, qui sont censés rendre la justice plus rapide et plus efficace. Après un an d'activité, le bilan est pourtant plus que mitigé. Les juges de proximité n'ont fait preuve ni d'utilité pour le désengorgement des tribunaux, ni d'efficacité dans l'accomplissement de leur mission. La présidente d'un tribunal de grande instance a ainsi déclaré à la presse que leurs jugements étaient truffés de bourdes, sans possibilité d'appel ! Une vingtaine de ces juges, sur les 170 nommés, ont donné leur démission, l'un deux estimant que quinze jours de formation ne lui permettaient pas de remplir sa mission ! Nous attendons donc une évaluation sérieuse de cette réforme. Au lieu de cela, vous voulez étendre leurs compétences à des litiges allant jusqu'à 4 000 euros, et même aux instances introduites par des personnes morales ! À l'évidence, nous changeons d'échelle, et cette perspective inquiète particulièrement les associations de défense des consommateurs.

Comme vous, nous aspirons à une justice plus rapide mais qui ne sacrifie pas la qualité. La voie que vous avez choisie n'y conduira pas. Les primes de rendement, pudiquement appelées primes modulables, doivent ainsi être attribuées en fonction de la « contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire ». Ce critère, des plus vagues, peut donner lieu à de graves dérives, et certaines des premières primes distribuées en septembre font d'ailleurs déjà l'objet de recours hiérarchiques. Si ce critère est si imprécis, c'est bien parce que des seuils quantitatifs ne peuvent être raisonnablement retenus et que les limites d'une justice productiviste se font vite ressentir. La qualité de la justice tient à des choses plus importantes et plus impalpables, telles que le respect, l'écoute ou tout simplement le sentiment de justice. Les magistrats ne rejettent pas l'évaluation en tant que telle, mais les outils que vous avez institués.

En ce qui concerne l'aide juridictionnelle, le conseil national des barreaux s'est étonné que le conseil national de l'aide juridictionnelle ait réduit l'indemnisation des procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Est-ce à dire que le travail d'un avocat, dans cette procédure, est moins important ? C'est pourtant la liberté du prévenu qui est en jeu !

Enfin, les conditions de détention dans nos prisons sont déplorables. L'État vient de voir reconnaître à deux reprises sa responsabilité dans des suicides de détenus, par les tribunaux administratifs d'Amiens et de Rouen. C'est une nouvelle preuve de l'insuffisance des effectifs de l'administration pénitentiaire. La sécurité des détenus n'est pas assurée : 117 suicides ont été relevés en 2003. Le budget pour 2005 créera-t-il des conditions plus dignes ? Il y va de la vie d'une centaine de personnes chaque année !

M. le Président de la commission des lois - Je rappelle que le grand avantage de la commission élargie est l'interactivité. Chacun dispose certes d'un temps limité, mais peut reprendre la parole plusieurs fois. Ne retombons pas dans les travers de la séance publique, que le regretté Edgar Faure avait ainsi définis : litanie, liturgie, léthargie !

Mme Anne-Marie Comparini - Notre réunion de ce matin met bien en lumière la priorité accordée à l'administration pénitentiaire, sans toutefois que l'on ait assez souligné à quel point elle est traitée de façon globale. Vous avez élaboré, Monsieur le Garde des Sceaux, un plan complet, tant pour le personnel et ses conditions d'exercice que pour les détenus et leurs conditions de détention. Par ailleurs, les deux rapports de Mme Pecresse et de M. Albertini viennent d'ouvrir des pistes très intéressantes, telles que la tutelle et la nécessité de préparer les délinquants sexuels à leur sortie. Ces propositions ne doivent pas tomber dans l'oubli. Il est essentiel de les mettre en œuvre le plus rapidement possible.

Un ambitieux programme immobilier a été lancé en 2002. Il était très attendu par tous les acteurs. Vous avez fait le point sur les opérations en cours, mais pouvons-nous déjà savoir ce qu'il reste à programmer, quel est le bilan des deux dernières années, quels dossiers locaux ont rencontré les plus grands problèmes ? Elue de Lyon, je connais bien le problème des prisons Saint-Paul et Saint-Joseph. Quelles solutions proposez-vous ?

M. le Président de la commission des lois - Nous en venons aux questions.

M. Gérard Léonard - En ma qualité de rapporteur de la mission d'information sur le traitement de la récidive des infractions pénales, je souhaite insister sur la nécessité d'une meilleure prise en charge psychiatrique des détenus. L'absence d'évaluation de leur dangerosité me semble particulièrement préjudiciable, car c'est l'une des causes de la récidive. Par ailleurs, notre collègue Warsmann a souligné à juste titre les lacunes du casier judiciaire : on connaît le retard apporté aux inscriptions et l'on sait aussi que la difficulté d'accès au casier judiciaire prive les magistrats d'une vision d'ensemble des antécédents d'un justiciable. Quelles mesures d'urgence sont envisagées à ce sujet ? La mission d'information a, pour sa part, formulé diverses propositions qui seront reprises dans une prochaine proposition de loi.

M. François Rochebloine - Ma question portera sur la juridiction prud'homale de Saint-Chamond (Sourires), sujet sur lequel je reviens depuis 17 ans... S'il est un bassin d'emplois homogène, c'est bien celui de la vallée du Gier ; pourtant, la justice prud'homale ne l'entend pas de cette oreille. Par méconnaissance de la réalité, on en est venu, dans un premier temps, à ce que certains conseils prud'homaux soient surchargés de travail, cependant que d'autres étaient en sous-activité, ce qui a conduit à supprimer une juridiction. Après quoi, sur la base d'une consultation conduite en 2002 dans des conditions contestables, on a réduit le nombre de conseillers. Le moins que l'on en puisse dire est que l'esprit de service public et l'idée de justice de proximité risquent ainsi d'être battu en brèche. Je me félicite donc que depuis votre arrivée à la Chancellerie, Monsieur le Garde des Sceaux, cette entreprise de démantèlement ait cessé, mais je demeure vigilant. Je souhaite, en particulier, obtenir l'assurance qu'il sera enfin remédié à l'incohérence de l'organisation des conseils prud'homaux dans ma circonscription et que le conseil prud'homal de Rive-de-Gier sera, comme il se doit, rattaché à la juridiction de Saint-Chamond.

M. le Président de la commission des lois - Je loue votre persévérance ! (Sourires).

M. Alain Marsaud - C'est un beau résultat que d'avoir obtenu 8 % d'augmentation des crédits de fonctionnement du ministère. Mais quels moyens prévoyez-vous de consacrer à la réduction de la durée de traitement des procédures pénales ? Chacun conviendra que mettre 27 ans pour en finir avec l'affaire Mesrine, c'est beaucoup ! Certes, il s'agissait d'une affaire exceptionnelle, mais d'autres affaires criminelles traînent tant que des magistrats finissent par être gênés de rendre leurs décisions, qui leur semblent plus ridicules que justes. D'autre part, nous avons entendu parler d'une longue liste de juridictions dont les établissements seront rénovés, cependant que d'autres seront construits. Mais le dossier de Limoges semble enfoui au plus bas de la pile... Pourtant, le tribunal de commerce, pour ne parler que de celui-là, est dans un état d'insalubrité tel que le risque de poursuites pénales est patent ! Quelles mesures envisagez-vous à ce sujet, Monsieur le Garde des Sceaux ? J'en viens enfin à la scandaleuse affaire de l'ourse des Pyrénées, après avoir appris qu'un chasseur voudrait plaider la légitime défense ... Pourtant, si un délit est avéré dans ce cas, c'est bien celui de mauvais traitement à animal ! (Sourires).

M. Xavier de Roux - Ma question portera sur les juges de proximité. En effet, le dispositif ne fonctionne pas dans certaines juridictions où ces juges, subordonnés à une hiérarchie judiciaire peu accommodante, ne sont pas très occupés... Je suis, pour ma part, favorable à l'accroissement de leurs compétences, et j'ai d'ailleurs signé le texte du Président Clément à ce sujet. Dans l'intervalle, je souhaite qu'une plus grande autonomie de moyens leur soit conférée au sein des juridictions auprès desquelles ils ont été nommés.

Sur un autre plan, j'observe que le projet de budget qui nous est soumis ne dit pas grand-chose du déménagement du tribunal de Paris, alors même que la question agite beaucoup les esprits. Qu'en sera-t-il ?

Enfin, il me paraît anormal que des délinquants mineurs en viennent à être placés, comme c'est le cas dans ma circonscription, dans des foyers départementaux de la protection de l'enfance, faute d'équipements spécialisés suffisants. Il faut mettre un terme à cette nouvelle version de l'introduction de loups dans les bergeries, mais comment ?

M. Emile Blessig - Dix ans après la réforme de la médecine en milieu pénitentiaire, bien des problèmes demeurent. Pourtant, l'accès aux soins est un droit. De plus, l'accompagnement sanitaire des détenus en passe d'être libérés est nécessaire. Où en est-on de la prise en charge des détenus dépendants des stupéfiants, de l'alcool ou des médicaments psychotropes ? Comment suit-on, sur le plan médical, les détenus libérés atteints de maladies infectieuses telles que l'hépatite C ? Comment prend-on en charge les détenus âgés malades ?

M. Thierry Mariani - J'aimerais savoir quand sera publié l'arrêté définissant les modalités de la rémunération des indicateurs de police et de gendarmerie. D'autre part, le tribunal pour enfants de Carpentras, que vous avez inauguré en septembre 2003, est déjà au bord de l'asphyxie faute de moyens. La nomination d'un nouveau juge y est indispensable. Quand aura-t-elle lieu ?

M. Edouard Landrain - Monsieur le Garde des Sceaux, comment et quand envisagez-vous de désengorger la maison d'arrêt Lafayette de Nantes ? Choisirez-vous une extension ou la construction d'un second bâtiment ? Par ailleurs, j'aimerais connaître le bilan des mesures contraignantes prises à l'encontre des pollueurs marins après le naufrage de l'Erika et savoir si la coordination se fait bien entre les services de justice, les douanes et la marine nationale.

M. Guy Geoffroy - Je suis persuadé que, pour prendre en charge les mineurs délinquants, la seule solution consiste à construire des centres éducatifs fermés. C'est d'ailleurs pourquoi je pense être le seul maire de France à avoir proposé l'édification d'un tel centre sur le territoire de ma commune. J'aimerais connaître les suites qui seront données aux évaluations successives de ce nouveau dispositif, dont Mme Pecresse nous a dit qu'elles avaient été très fournies, très contradictoires et donc très positives. S'ensuivra-t-il des modifications dans le cahier des charges, la dimension des établissements et les conditions générales de leur création et de leur développement ?

M. le Garde des Sceaux - Je commencerai par répondre à vos rapporteurs, et en premier lieu à M. Albertini, qui s'est inquiété du retard pris dans le recrutement de magistrats. La loi d'orientation contenait en effet des dispositions précises à cet égard, mais il se trouve que la population carcérale a augmenté davantage que nous ne l'avions prévu. Nous avons donc dû modifier la répartition des créations d'emplois pour tenir compte de cette évolution, comme en témoigne le budget qui vous est proposé. Des emplois nouveaux en plus grand nombre seront donc affectés aux services pénitentiaires, on recrutera moins de magistrats que prévu cette année, et les créations de postes dans les greffes correspondront aux prévisions. De fait, si l'on entend les chefs de juridictions, les goulots d'étranglement sont au niveau des greffes. Il fallait en tenir compte, ce qui ne signifie par pour autant de suspendre les recrutements de magistrats ; il y en aura d'ailleurs cent en 2005, je le rappelle. Il n'est pas question de relâcher l'effort et j'espère que nous pourrons revenir à un équilibre plus satisfaisant en 2006 et en 2007.

Votre rapporteur a également évoqué l'engorgement de la justice administrative. Nous souhaitons améliorer la carte judiciaire et je compte créer deux tribunaux administratifs : l'un dans le Var, l'autre dans la circonscription de Montpellier - soit à Nîmes, soit en Avignon - tant il est vrai que l'engorgement des juridictions dans cette région est inacceptable. Comme l'a justement relevé M. Garraud, il faut aussi travailler sur les conditions dans lesquelles on accède à la justice administrative, de manière à éviter un gonflement artificiel du contentieux. Je pense notamment à la fonction publique, où devraient se développer les mécanismes d'arbitrage et de médiation précontentieuse.

Plusieurs d'entre vous ont insisté sur la situation dans les prisons, et je souhaite que nous continuions, sur ces sujets, à dégager des positions consensuelles. À la lumière des exemples étrangers, force est d'admettre que nous sommes en dessous du nécessaire, tant pour ce qui concerne le nombre de places que pour la qualité de la prise en charge des personnes détenues. À Mme Comparini qui m'interrogeait sur son état d'avancement, je puis confirmer que le programme 13000 - en fait 13200 - est lancé et que les procédures afférentes à la réalisation de 5 594 places ont d'ores et déjà abouti.

En particulier, les sept établissements pour mineurs, auxquels je tiens beaucoup, sont lancés. Je souhaite que nous tirions parti de l'expérience de nos partenaires les plus avancés, en les organisant comme de véritables collèges fermés, organisés autour de la salle de classe et du gymnase. Je suis convaincu que la prison peut apporter quelque chose aux jeunes des plus désocialisés et qu'il n'y a pas de fatalité à ce qu'elle constitue un milieu destructeur. Ces sept établissements pour mineurs, qui offriront 420 places à la fin de 2006, nous aideront à faire face aux cas les plus difficiles. Par ailleurs, j'ai souhaité, dès mon arrivée à la Chancellerie, que la plupart des quartiers pour mineurs des établissements existants fassent l'objet d'une rénovation complète et le programme est en cours d'achèvement. Nous nous devons de donner aux jeunes incarcérés des conditions de vie acceptables. Dans le même esprit, j'ai voulu que la pjj puisse entrer dans les prisons, de manière à améliorer la continuité du suivi. Au Royaume Uni, où la compétence des services de protection de la jeunesse est territoriale, ce sont les mêmes éducateurs qui suivent les jeunes délinquants avant leur condamnation éventuelle, pendant leur période de détention et dans la phase de réinsertion. Il est indispensable de mobiliser des moyens suffisants pour garantir la réussite de la réforme Warsmann, dont nombre de dispositions avaient fait consensus.

S'agissant des recrutements, je peux comprendre que certains nous demandent de faire toujours plus, mais il faut tenir compte des limites naturelles qui s'opposent à toute démarche de recrutement massif. Nous en avons fait l'expérience avec les personnels de surveillance, puisque nous avons dû lancer une campagne de publicité pour renforcer le pouvoir d'attraction du métier. Le décret ouvrant l'accès à la PJJ à des personnels expérimentés vient d'être publié, et les SPIP continueront de bénéficier de moyens complémentaires. L'ampleur du flux de sortie de prison - 12 000 par an - commande que nous renforcions l'accompagnement des détenus en fin de peine.

MM. Léonard et Albertini ont abordé le problème de la récidive. Sur le plan législatif, votre commission a accompli un très gros travail qui devrait déboucher prochainement sur une proposition de loi tendant notamment à nous donner des moyens supplémentaires pour veiller à ce que la récidive entraîne une sanction aggravée. Vous avez trouvé un dispositif législatif équilibré et satisfaisant. Parallèlement, il convient d'améliorer les délais de mise en œuvre des décisions de justice, et nous attendons beaucoup des bureaux d'exécution des peines créés par la loi de mars 2004. Injustement décriée par certains, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité me semble participer de la prévention de la récidive, car reconnaître sa culpabilité, c'est accepter la peine encourue et se donner les chances d'une réinsertion réussie. La justice acceptée, c'est très important !

Il est exact, Monsieur Garraud, que la prise en charge des jeunes majeurs pèse très lourd dans notre budget, et il convient de s'interroger au cas par cas sur la légitimité de la démarche. À l'origine, l'objectif était de continuer à s'occuper dans les mêmes conditions du mineur incarcéré lorsqu'il atteignait sa majorité. Dans les faits, il est apparu que certains jeunes majeurs faisaient l'objet d'un accompagnement renforcé, sans avoir été incarcérés en tant que mineurs. Il faut tenir compte de la très grande complexité des situations humaines en cause et se garder de toute approche systématique du problème. Si la pjj, cher président Clément, qui êtes aussi président du Conseil général de la Loire, se dégageait de cette charge, il faudrait bien envisager que les conseils généraux s'y intéressent. Les réalités humaines qui s'attachent à ces situations s'imposent à nous, et je suis conscient qu'il n'y a pas, en la matière, de solution facile.

S'agissant du contrôle à exercer sur le secteur associatif habilité, la question qui se pose à nous est de savoir comment répondre aux justes critiques de la Cour des comptes sans se priver de la richesse des interventions du milieu associatif. Mme Pecresse a bien voulu saluer l'effort de réorganisation administrative et territoriale de la PJJ que nous avons engagé. Notre objectif est de conforter le rôle de pilotage de la PJJ face à un réseau associatif complexe mais irremplaçable.

Nombre d'entre vous ont évoqué l'explosion des frais de justice, effectivement préoccupante puisqu'ils augmentent d'environ 20 % par an. Le coût des interceptions des communications téléphoniques passées sur des mobiles et celui des expertises génétiques y sont pour beaucoup. La police scientifique ne cesse de gagner en efficacité, mais cela a un coût. Il convient de mieux organiser la commande publique pour que les opérateurs susceptibles de rendre les prestations demandées soient mis en concurrence et facturent leurs services au meilleur coût. Conformément aux exigences de la lolf, les frais de justice feront l'objet d'une ligne de crédits limitative dès 2006, mais cela ne doit pas entraver la liberté du juge de demander la prestation technique dont il a besoin pour mener à bien ses investigations. Il faudra envisager un système de réserves, de sorte que chaque juridiction puisse faire face aux besoins.

Je souscris pleinement à l'analyse de M. Albertini sur la nécessaire réforme du régime des tutelles. Conçu par mes services, le volet juridique, tendant à ce que la tutelle s'exerce sur les personnes et non pas seulement sur les biens, est prêt. Le volet social de la réforme reste à finaliser, mais j'ai bon espoir d'être en mesure de présenter un texte au Parlement dans les prochains mois.

Le ministère de la justice a fait preuve de volontarisme dans la préparation de la mise en œuvre de la lolf. Plusieurs expériences ont été lancées, et la Chancellerie y a trouvé une occasion supplémentaire de faire de grands progrès en matière de gestion.

Valérie Pecresse a cité un chiffre relatif aux vacances de postes dans les établissements pénitentiaires qui est techniquement correct, mais qui retrace la situation arrêtée au 1er janvier. En fait, le taux de vacance des postes n'excède pas 3 %, et il sera difficile à améliorer, compte tenu des mouvements naturels d'effectifs. Du reste, ceux qui parmi vous se rendent régulièrement dans les établissements n'entendent plus les critiques qui avaient cours à ce sujet dans le passé.

Mme Pecresse et M. Blessig ont, avec d'autres, appelé l'attention sur le caractère très préoccupant de la situation sanitaire des détenus. Je tiens à dire que, grâce aux dispositions prises par mes prédécesseurs, on soigne les gens en prison. Ceux d'entre vous qui visitent les établissements le savent. Les détenus sont notamment examinés par des dentistes dès leur entrée, car leur dentition est souvent dans un état déplorable. L'administration pénitentiaire assure une mission sanitaire de grande qualité et je veux rendre hommage au travail des médecins et des infirmières.

Il subsiste le problème des uhsi. La solution consiste à reproduire, dans cinq ou six endroits, ce qui a été fait à Nancy, où les médecins travaillent dans des conditions acceptables.

Vous avez été plusieurs à évoquer l'étude en cours sur la prise en charge des détenus atteints de troubles psychiatriques. En fait, cette étude est terminée. Mais j'hésite à l'exploiter car les spécialistes ne sont pas d'accord sur les chiffres. Nous savons, en tout cas, que le nombre de détenus souffrant de tels troubles augmente et a atteint un niveau préoccupant. Il s'agit non seulement d'un problème pénitentiaire, mais encore d'un problème de santé publique : on demande au système pénal de traiter un dossier qui n'est pas de sa compétence. Avec Philippe Douste-Blazy, nous avons mis en place une commission présidée par M. Burgelin sur la manière de traiter les individus les plus dangereux. Je pense à l'affaire Bodein, en Alsace : un homme qui avait passé 35 ans de sa vie en prison ou en hôpital psychiatrique a sans doute tué deux petites filles six mois après sa libération. Devant des réalités humaines aussi abominables, la société ne peut se contenter d'une remise en liberté une fois la peine purgée. Il nous faut réfléchir, car je n'ai pas la solution. Je sais que nous manquons de psychiatres dans les établissements pénitentiaires comme dans les centres éducatifs fermés.

M. le Président de la commission des lois - Recrutons des psychologues !

M. le Ministre - Peut-être. En tout cas, il nous faut des professionnels, pas des intervenants qui risqueraient de rendre encore plus malades les personnes qui leur seraient confiées...

S'agissant du travail en prison, les difficultés que nous rencontrons tiennent à l'environnement économique. Nous travaillons avec des sociétés présentes dans les établissements. Le marché industriel classique se restreint parce que les tâches répétitives se raréfient en France. Nous devons essayer d'accéder au marché protégé, mais il ne faudrait pas prendre des initiatives qui risqueraient de déstabiliser les cat.

M. Garraud a évoqué les juges de proximité. Voulons-nous ouvrir l'administration de la justice à la société ? Oui, c'est mon souhait. Il faut avoir le courage de reconnaître que les Français ne se font pas une idée positive de la justice. Certes, il y a des raisons objectives pour que les justiciables conservent un mauvais souvenir de leur passage devant le juge. Mais de façon plus générale, la justice doit devenir une fonction partagée. Il ne s'agit pas de remplacer des magistrats par des non-professionnels, mais d'ouvrir la maison sur l'extérieur, de façon à rendre possible un échange culturel. Cela existe depuis toujours aux assises et dans les tribunaux pour enfants. Pour les petits délits et les petits litiges, il est bon que des hommes et des femmes d'expérience apportent un complément d'approche aux juges professionnels. Je suis déterminé à poursuivre dans cette direction. Il s'agit d'une réforme profonde, dont on dira dans dix ans qu'elle a amélioré l'image de la justice, j'en suis convaincu.

M. Vallini a évoqué les gels et les reports. Je m'honore de prendre part à la saine gestion de nos finances publiques : c'est le devoir de tout ministre. Cependant, la situation que M. Vallini a décrite est celle de juillet dernier. Les discussions avec le ministère de finances nous ont permis d'avancer, et les reports ne concernent que 1 % du budget, ce qui est raisonnable. J'ajoute que le budget de mon ministère a progressé de 17 % en trois ans.

Le dispositif des repentis, qu'a également évoqué M. Vallini, dépend du budget de l'intérieur.

S'agissant des emplois-jeunes, nous avons fait en sorte que les intéressés puissent préparer les concours statutaires dans de bonnes conditions. En outre, nous avons prévu un certain nombre de postes contractuels pour ceux qui ne peuvent passer les concours mais que nous souhaitons conserver.

Dans le domaine de la protection judiciaire de la jeunesse, il n'est pas question d'abandonner le milieu ouvert : je sais ce qu'apporte le travail des éducateurs. Mais la réorganisation des services autour des directeurs régionaux et départementaux permettra de travailler dans de meilleures conditions.

Plusieurs d'entre vous ont parlé de la loi « Perben II ». Ce dispositif fonctionne, y compris en matière de lutte contre la pollution maritime : ceux qui dégazaient en pleine mer sont sanctionnés et les gros dossiers de criminalité organisée sont traités comme il convient. J'ai la conviction que le plaider coupable fonctionnera aussi. Ce dispositif est même une chance pour les avocats, dont il enrichit le métier. Au lieu d'attendre six mois une audience correctionnelle qui durera trois minutes, ils peuvent dialoguer successivement avec le procureur, le délinquant et le juge. J'observe, par ailleurs, que 40 % des propositions faites au juge du siège sont refusées : il ne s'agit donc pas d'une simple formalité, on ne se contente pas de donner un coup de tampon, il s'engage une vraie discussion. Nous pourrons faire le point dans un an, mais ce dispositif a véritablement un intérêt.

L'aide juridictionnelle, dans le cas d'une comparution en reconnaissance préalable de culpabilité, ne donne droit qu'à cinq unités de valeur au lieu de huit mais il s'en ajoute trois si la victime ou son représentant sont présents. On atteint donc le même niveau qu'en correctionnelle.

Pour répondre à M. Vaxès, les primes modulables sont gérées par les chefs de cour sur proposition des chefs de juridiction et ce système fonctionne dans la sérénité. Si les primes ont été modulées, c'est parce que j'ai obtenu en trois ans l'augmentation de 9 % des primes versées aux magistrats. À ces niveaux de traitement, peu de fonctionnaires ont bénéficié d'une telle mesure. La modulation a été demandée en contrepartie par le ministère des finances et cette demande était légitime.

Le nombre des suicides en prison a diminué ces trois dernières années. J'ai commandé un rapport au professeur Terra, psychiatre spécialisé dans la prévention du suicide. J'ai découvert, grâce à lui, comment il est possible de détecter des personnes suicidaires. Son travail nous a permis de prendre des mesures matérielles pour réduire les risques. Un second type de réponse existe : il est d'ordre psychologique et psychiatrique.

Mme Comparini m'a interrogé sur la construction de nouvelles prisons. Nous ne rencontrons de difficultés que dans certaines villes. Pour ma part, j'ai l'intention d'utiliser les procédures qui existent en droit français pour faire prévaloir l'intérêt général. Il en va de même des centres éducatifs fermés : on ne peut les réclamer dans les discours et tout faire pour éviter leur installation dans certaines circonscriptions. J'aurai donc recours, si besoin est, à des procédures contraignantes. On ne peut renoncer à une grande ambition pour des raisons d'intérêt local.

Monsieur Rochebloine, vous soulevez un problème complexe. La concertation a eu lieu, mais il ne semble pas que votre proposition de redécoupage fasse l'unanimité.

M. François Rochebloine - Il ne s'agit pas d'un redécoupage, mais d'un regroupement !

M. le Ministre - M. Marsaud a raison : les durées de traitement au pénal sont excessives. La réorganisation en pôles de criminalité devrait améliorer la situation. Je lui fournirai, par ailleurs, une réponse écrite sur le tribunal de Limoges. S'agissant enfin de l'ourse tuée dans les Pyrénées, une enquête est ouverte, dont les premiers éléments semblent faire apparaître que les personnes qui se trouvaient sur place, en présence de l'animal, n'avaient pas grand-chose à y faire...

Monsieur de Roux, l'établissement public qui a vocation à construire le nouveau site judiciaire de Paris a été constitué et la procédure de sélection est engagée. Le conseil d'orientation et le conseil d'administration ont choisi deux sites en priorité : le premier est le site hospitalier recouvrant la Cité et Saint-Vincent-de-Paul, le second, la zac Tolbiac. L'étude est en cours pour choisir le meilleur emplacement et passer à la réalisation le plus rapidement possible.

En ce qui concerne les détenus âgés, la loi Kouchner a été appliquée 151 fois, ce qui correspond à un nombre de libérations considérable. C'est l'administration pénitentiaire qui décide. Je lui ai demandé par circulaire de prendre, le cas échéant, l'initiative, car même si on a à l'esprit une demande célèbre, il n'est pas rare que ces personnes soient totalement très isolées, dont personne ne s'occupe.

Monsieur Mariani, vous avez raison : l'effectif est insuffisant au tribunal de Carpentras. Une étude a été réalisée, et dans le cadre du budget 2005, je proposerai d'y affecter un juge pour enfants supplémentaire. La nomination pourrait intervenir lors du mouvement du printemps avec prise de fonctions en septembre 2005. Quant aux indicateurs de police et de gendarmerie, l'arrêté interministériel - nous travaillons avec la Défense, l'Intérieur et les Finances - devrait être prêt avant la fin 2005.

En ce qui concerne les pollutions marines, Monsieur Landrain, une trentaine de procédures sont en cours et nous avons demandé 6,5 millions de cautionnement, ce qui n'est pas rien. La loi dite Perben II se révèle véritablement utile, pour combattre ces pollutions.

Monsieur Vanneste, si après la grâce du 14 juin nous sommes redescendus à 500 placements sous bracelet électronique, notre objectif est de 2 000 placements en moyenne, et nous avons les moyens techniques d'y parvenir. Effectivement, il n'y a pas de centre d'éducation fermé dans le Nord, mais il y en a à proximité. S'il faut donner mon sentiment sur cette expérience, également évoquée par M. Geoffroy, elle est difficile mais utile. Ces centres accueillent des garçons, et parfois des filles, multirécidivistes et dont la personnalité est très perturbée. Cela suppose un travail énorme de la part des éducateurs, des médecins et des psychiatres. Le résultat est positif, puisque la majorité de ceux qui sont passés par ces centres reprennent ensuite un cursus normal de formation ou de retour à l'emploi. Dix centres sont en fonctionnement et il faudra essayer d'en doubler au moins le nombre en 2005. Cela ne résoudra pas tout, mais il faut poursuivre et trouver aussi les équipes pédagogiques expérimentées qui sont nécessaires. En tout cas, ce résultat positif est l'un des facteurs qui expliquent la baisse considérable du nombre de jeunes incarcérés : nous étions à moins de 600 le mois dernier contre 925 il y a deux ans et demi. C'est la réponse à ceux qui ont fait campagne contre un certain Garde des Sceaux qui voulait, disaient-ils, incarcérer les mineurs.

Monsieur Landrain, vous m'avez aussi interrogé sur la surpopulation de la maison d'arrêt Lafayette à Nantes. Nous avons des réponses partielles. Il est prévu de créer un établissement pour mineurs, et, en fin d'application de la loi de programmation, un établissement pour les peines courtes. En effet il est un peu ridicule d'incarcérer tous les détenus dans des établissements avec le même niveau de sécurité : il est peu probable qu'un détenu qui n'a que quinze jours à faire essaye de s'échapper...

Mme la Secrétaire d'État - Chacun a pu apprécier tout l'intérêt de la mission qui m'est confiée de rapprocher la justice des victimes. J'espère qu'à l'avenir les crédits augmenteront à la mesure des besoins. S'il y a consensus sur ce point, nous parviendrons à améliorer au quotidien le sort des victimes.

* *

*

À l'issue de l'audition de M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la justice, et de Mme Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes, la Commission a examiné pour avis les crédits de la justice pour 2005.

M. André Vallini a présenté un amendement réduisant de 1,5 million d'euros les crédits de vacations et de charges sociales. Il a précisé que cet amendement vise à supprimer les moyens prévus en faveur des juridictions de proximité, afin de prendre acte de leur échec et d'inviter le Gouvernement à réaffecter les crédits en cause au fonctionnement des autres juridictions.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis, s'est déclaré défavorable à un amendement qui, en supprimant les moyens nouveaux prévus en faveur des juges de proximité, indispensables à la montée en puissance de ces nouvelles juridictions, tend en réalité à leur suppression. Il s'est étonné que le groupe socialiste s'oppose à une réforme qui, en rapprochant la justice des justiciables, correspond à une demande de nos concitoyens.

Constatant que, sur le terrain, la mise en place des juridictions de proximité constitue une expérience largement positive, M. Alain Marsaud s'est déclaré en faveur de la montée en puissance du dispositif dont le bilan ne pourra être dressé qu'ultérieurement.

M. Guy Geoffroy s'est étonné que l'opposition critique une mesure qui reprend une proposition du candidat socialiste à la dernière élection présidentielle. Faisant état de sa récente visite au tribunal de police de Paris, il s'est félicité du bilan très positif tiré de l'installation des premiers juges de proximité.

M. André Vallini a estimé que, à la différence de la procédure du plaider coupable dont le bilan ne pourra être tiré que dans plusieurs mois, les juridictions de proximité ont d'ores et déjà fait la preuve de leur inadéquation. Il a rappelé que, de l'avis unanime des juges d'instance et des syndicats de magistrats, ces juridictions désorganisent les tribunaux d'instance. Il a considéré que, s'il peut se concevoir en matière correctionnelle, l'échevinage ne fonctionne pas en matière civile. Il a enfin précisé que la proposition du candidat socialiste à la dernière élection présidentielle était très différente du dispositif actuellement mis en place.

La Commission a rejeté cet amendement.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice pour 2005 (services judiciaires et administration centrale).

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR (22)

Union syndicale des magistrats :

- M. Bruno Thouzellier, chargé de mission

- M. Laurent Bedouet, trésorier national

Association des juges de proximité :

- Mme Isabelle Guenezan, présidente

Syndicat des greffiers de France:

- M. Philippe Neveu, secrétaire général

- M. Joël Rech, secrétaire général adjoint

Syndicat de la magistrature :

- M. Côme Jacquemin, secrétaire général

-  M. Raphaël Grandfils, membre du syndicat

Syndicat de la juridiction administrative :

- M. Bernard Even, président

- M. Robert Le Goff, secrétaire général

Syndicat CGT des chancelleries et des services judiciaires :

- M. Jean-Michel Joly, secrétaire adjoint

- M. Joël Theillard, membre du syndicat

Union syndicale des magistrats administratifs :

- Mme Sabine Saint-Germain, présidente

- M. Paul-Louis Albertini, secrétaire général

École nationale de la magistrature :

- M. Gilbert Azibert, directeur

Conseil national des barreaux :

- M. Jean-Paul Levy, avocat au Barreau de Paris

- M. Pierre Lafont, avocat au Barreau de Montpellier

Barreau de Paris :

- M. Jean-Michel Tron, avocat au Barreau de Paris

Association nationale des juges d'instance :

- Mme Anne Caron d'Église, vice-présidente

Union syndicale autonome justice :

- M. Patrick Lebrun, secrétaire général

N° 1868 - tome IV - avis de la commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2005 : justice - administration centrale et services judiciaires

1 () En neutralisant le transfert vers le budget des charges communes des crédits de prestations familiales, soit 13 millions d'euros pour les services judiciaires, les juridictions administratives et l'administration générale du ministère de la justice.

2 () Celles-ci comprennent la Cour de cassation, 35 cours d'appel et tribunaux supérieurs d'appel et 1 121 juridictions du premier degré (186 tribunaux de grande instance et tribunaux de première instance, 473 tribunaux d'instance, 191 tribunaux de commerce et 271 conseils de prud'hommes, tribunaux des affaires de sécurité sociale, tribunaux paritaires des baux ruraux).

3 () 3 assistants spécialisés, 2 ingénieurs en équipement, 2 statisticiens et 1 technicien informatique.

4 () 1 maître de conférence et 1 contractuel.

5 () Est prévue la création de 950 emplois de magistrats et de 3 500 fonctionnaires et agents des services judiciaires.

6 () À la Cour de cassation : les chefs de juridiction, les présidents de chambre et les avocats généraux, les doyens de chambre et les substituts chargés du secrétariat général ; dans les cours d'appel : les chefs de cour, le nombre de points attribués étant fonction de la taille de la cour, et les substituts chargés du secrétariat général ; dans les tribunaux de grande instance : les chefs des douze juridictions les plus importantes ; à l'École nationale des greffes : le directeur.

7 () Le taux indemnitaire moyen des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel s'établit à 47,75 %.

8 () Direction des services judiciaires, direction de l'administration pénitentiaire, direction de la protection judiciaire de la jeunesse, direction de l'administration générale et de l'équipement, service de l'accès au droit et à la justice et de la politique de la ville, service central de l'information et de la communication.

9 () 1 secrétaire général, 1 magistrat inspecteur des services judiciaires,  1 magistrat inspecteur adjoint des services judiciaires, 2 directeurs de projet, 1 directeur adjoint ou sous-directeur, 2 administrateurs civils, 10  attachés, 5 substituts, 1 ingénieur des ponts et chaussées, 2 ingénieurs des travaux publics, 2 secrétaires administratifs, 1 conducteur automobile et 13 agents contractuels.

10 () En revanche, les juridictions de proximité connaissent, dans les limites de leurs compétences, du contentieux relatif aux baux d'habitation.

11 () Le décret du 23 juin 2003 étend notamment la compétence des tribunaux d'instance aux actions personnelles ou mobilières qui, bien qu'indéterminées, ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas son seuil de compétence (7600 euros) ; ces actions étaient précédemment portées devant le tribunal de grande instance où les procédures sont plus lourdes, ce qui conduit parfois les justiciables à renoncer à leur action.

12 () Applicable à certaines contraventions et certains délits punis d'une peine maximale de trois ans d'emprisonnement, la composition pénale constitue une alternative aux poursuites qui permet au délinquant majeur ayant reconnu les faits d'exécuter une mesure (par exemple, un travail non rémunéré) contre l'extinction de l'action publique.

13 () Bien que figurant dans l'article 41-18 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, cette disposition a été jugée par le Conseil constitutionnel comme n'ayant pas de valeur organique mais ayant valeur de loi ordinaire (décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003).

14 () La disposition ouvrant aux personnes justifiant d'une expérience de cet ordre dans les domaines administratif, économique ou social la faculté d'exercer les fonctions de juge de proximité a été censurée par le Conseil constitutionnel qui a considéré que l'exercice antérieur de fonctions de cet ordre « ne révèle pas par lui-même, quelles que soient les qualités professionnelles antérieures des intéressés, leur aptitude à rendre la justice ; qu'en définissant de telles catégories de candidats aux fonctions de juge de proximité sans préciser le niveau de connaissances ou d'expérience juridiques auquel ils doivent répondre, le législateur a manifestement méconnu l'article 6 de la Déclaration de 1789 » (Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003).

15 () Arrêté du 15 mai 2003 pris en application de l'article 35-14 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 modifié pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature (Journal officiel du 17 mai 2003, p. 8491).

16 () Proposition de loi n° 1900 relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance, de MM. Pascal Clément, Xavier de Roux, Jean-Luc Warsmann, Alain Marsaud, Jean-Paul Garraud, Guy Geoffroy et Emile Blessig.

17 () L'ordonnateur secondaire des recettes et des dépenses des juridictions judiciaires est, hors globalisation, le préfet.

18 () Constitué en 2002, le Comité interministériel d'audit des programmes est chargé de vérifier la conformité à la LOLF des programmes ministériels.

19 () Le programme « Stratégie économique et financière » du ministère des finances comprend un objectif visant à assurer la transposition des directives européennes dans les délais, assorti de deux indicateurs.

20 () Comité interministériel d'audit des programmes, Rapport d'audit sur les programmes « Accès au droit et à la justice » et « Soutien de la politique de la justice et organismes rattachés », page 41.

21 () Cour des comptes, Rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2003, page 200.

22 () L'Association nationale des greffiers en chef des tribunaux d'instance et de police,ainsi que les syndicats FO-SJ, Interco Justice CFDT et C-Justice ont fait parvenir une contribution écrite.


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