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N° 1868

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2004.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2005 (n° 1800),

TOME VII

OUTRE-MER

COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER à STATUT PARTICULIER
et NOUVELLE-CALÉDONIE

PAR M. JÉRÔME BIGNON,

Député.

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Voir le numéro : 1863 (annexe 33).

L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires, au plus tard huit jours francs à compter du dépôt du projet de loi de finances. Cette date était donc le 9 octobre. À cette date, environ 38 % des réponses étaient parvenues à votre Rapporteur qui a pu in fine travailler avec 82 % des réponses.

INTRODUCTION 5

I. - LA POURSUITE DE L'EFFORT EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS FRANÇAISES À STATUT PARTICULIER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 7

A. L'EFFORT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE LA NOUVELLE CALÉDONIE 8

1. L'effort global de l'État en faveur de la Nouvelle-Calédonie 8

2. La Nouvelle-Calédonie dans le budget du Ministère de l'Outre-mer 8

B. L'EFFORT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE 9

1. L'effort global de l'État en faveur de la Polynésie française 9

2. La Polynésie française dans le budget du Ministère de l'Outre-mer 11

C. L'EFFORT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE WALLIS-ET-FUTUNA 11

1. L'effort global de l'État en faveur de Wallis-et-Futuna 11

2. Wallis-et-Futuna dans le budget du ministère de l'Outre-mer 12

D. L'EFFORT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES (T.A.A.F) 13

II. - L'ÉVOLUTION DU CONTEXTE INSTITUTIONNEL ET POLITIQUE 13

A. EN NOUVELLE CALÉDONIE : LA POURSUITE DU PROCESSUS DE NOUMÉA DANS UN NOUVEAU CONTEXTE POLITIQUE 13

1. Un paysage politique en mutation 14

2. Un rééquilibrage économique à poursuivre 16

B. EN POLYNÉSIE FRANÇAISE : UNE ANNÉE MARQUÉE PAR LA MISE EN œUVRE DU STATUT D'AUTONOMIE 17

1. La Polynésie Française devient un « pays d'outre-mer » doté d'un statut d'autonomie 17

2. La mise en œuvre du statut d'autonomie dans un contexte politique troublé 18

3. L'évolution du rôle des communes de Polynésie française 19

C. UNE ÉVOLUTION STATUTAIRE A ENVISAGER POUR WALLIS-ET-FUTUNA ET POUR LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES 20

EXAMEN EN COMMISSION 23

MESDAMES, MESSIEURS,

Depuis 2002, le visage de l'outre-mer français a été profondément modifié. La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur l'organisation décentralisée de la République, la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 et l'adoption d'un statut d'autonomie de la Polynésie française ont grandement contribué à faire entrer l'outre-mer dans la modernité.

S'agissant des anciens territoires d'outre-mer, cette évolution a eu justement pour conséquence de mettre fin à l'uniformité de cette catégorie, depuis longtemps plus apparente que réelle. Pour autant, la reconnaissance de la légitimité pour chacune de ces collectivités de disposer d'un statut tenant compte, selon les termes mêmes de l'article 74 de la Constitution, des « intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République » permet au contraire de renforcer leur ancrage particulier au sein de cette dernière. En effet, l'appartenance à la République de ces collectivités ne signifie en aucun cas la nécessité de l'uniformité et est conciliable avec un degré important d'autonomie.

Cependant, de par leur éloignement de la métropole et en raison de leurs spécificités économiques et sociales, les collectivités d'outre-mer ont besoin d'un effort de solidarité de la République à leur égard. Cet effort s'exprime principalement au niveau budgétaire, et il est d'ailleurs réalisé par un nombre très important de ministères, au-delà des dotations inscrits sur le budget du ministère de l'outre-mer, qui correspondent à un peu plus de 10 % des crédits destinés à l'outre-mer (15 % pour les collectivités concernées par ce rapport pour avis).

Le budget du Ministère de l'outre-mer joue néanmoins un rôle d'impulsion et de pilotage fondamental de l'action de l'État dans ces collectivités. En effet, ce budget a pour particularité d'être, pour plus de 90 %, un budget d'intervention, alors que l'effort consacré à l'outre-mer par les autres ministères, par l'exemple l'éducation nationale ou la défense, relève avant tout du fonctionnement. À cet égard, votre rapporteur se félicite de l'extension du périmètre du budget de l'outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2005 : celui-ci est en augmentation de 52 % par rapport à la loi de finances pour 2004 grâce au transfert des 678 millions d'euros de crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, jusque là inscrits sur le budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Bien évidemment, ce transfert ne signifie pas une hausse de 52 % des moyens mis à disposition de la politique de l'outre-mer, mais elle révèle un effort afin de rendre cette politique plus lisible et plus efficace, conformément à la philosophie de la loi organique relative aux lois de finances (lolf) du 1er août 2001. L'objectif de la lolf est de substituer une répartition des dépenses de l'État par finalité de la dépense à la nomenclature actuelle qui privilégie la nature de la dépense (fonctionnement, investissement). Ainsi, il sera beaucoup plus aisé d'évaluer l'efficacité des politiques publiques. L'aboutissement de cette logique aurait voulu que tous les crédits de l'État soient répartis en fonction de leur finalité, sans tenir compte des structures administratives existantes ; c'est d'ailleurs pourquoi la lolf a permis que les « missions », qui regrouperont les crédits destinés au financement d'une même politique publique, puissent être interministérielles.

Compte tenu du poids des habitudes, ces missions interministérielles seront finalement assez peu nombreuses, mais, dans le cas de l'outre-mer, une telle mission aurait été difficile à constituer dans la mesure où la politique en faveur de l'outre-mer ne constitue pas une politique publique mais catalyse l'action de certaines de ces politiques (santé, éducation...). Ainsi, le choix d'une « mission » pour le seul ministère de l'outre-mer est judicieux dans la mesure où son périmètre a été élargi afin qu'elle regroupe l'essentiel des crédits de pilotage et d'impulsion du rôle de l'État outre-mer. Le choix des programmes qui constitueront la mission outre-mer s'inscrit donc dans cette logique (voir encadré).

la mission « outre-mer » est structurée en trois programmes :

-  le programme « Emploi outre-mer » regroupe les crédits destinés à compléter, afin de prendre en compte les spécificités ultramarines, la politique nationale de l'emploi. Les moyens destinés à l'abaissement du coût du travail et au dialogue social sont inscrits dans une même action, tandis que les mesures d'insertion et d'aides directes à l'emploi font l'objet d'une action spécifique ;

-  le programme « Conditions de vie outre-mer » comprend les interventions en faveur du logement (aide au logement dans les départements d'outre-mer, à Saint Pierre et Miquelon et à Mayotte), celles en faveur de l'aménagement et du désenclavement des territoires (« passeport mobilité-continuité territoriale », desserte maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon, Fonds de développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, investissements d'infrastructures de Guyane et de Mayotte, subvention au Fonds d'investissement des départements d'outre-mer ...), ainsi que les actions sanitaires et sociales, les régimes de protection sociale et les interventions à caractère culturel. Chacune de ces dépenses fait l'objet d'une action spécifique ;

-  enfin, un programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » regroupe, outre les crédits de coopération régionale, les interventions en faveur des collectivités territoriales et une action de soutien (rémunérations des personnels, charges sociales du personnel, crédits de matériel et de fonctionnement des services).

Source : Rapport de la Commission des finances sur la mise en œuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (AN 1554)

Dès l'année prochaine, il deviendra donc difficile d'identifier les crédits destinés aux collectivités locales à statut particulier et à la Nouvelle-Calédonie au moment du vote de la loi de finances, puisque l'unité de vote et de spécialité des crédits sera le programme. Il est d'ailleurs vrai que les collectivités traitées dans ce rapport font l'objet de la part de l'État de politiques différentes tenant compte de leurs spécificités.

I. - LA POURSUITE DE L'EFFORT EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS FRANÇAISES À STATUT PARTICULIER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Compte tenu des différences existant entre les collectivités traitées dans ce rapport pour avis, il n'est pas possible de faire une analyse d'ensemble des dotations budgétaires qui leur sont destinées. Il faut rappeler par exemple que certaines de ces collectivités, notamment la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française disposent d'un large degré d'autonomie et de compétences étendues, y compris en matière de fiscalité : ainsi, le champ d'intervention de l'État y est beaucoup moins étendu que dans les départements d'outre-mer par exemple. À l'inverse, les Terres australes et antarctiques françaises sont dépourvues de population permanente, le fonctionnement de cette collectivité repose donc exclusivement sur des dotations budgétaires. Il a donc semblé utile à votre rapporteur de faire le point, pour chaque collectivité, sur les transferts budgétaires reçus de l'État.

Effort budgétaire de l'État en faveur des collectivités locales à statut particulier
et de la Nouvelle-Calédonie (Dépenses ordinaires et crédits de paiement)

Année 2005 (prévisions)

en milliers d'euros

BUDGETS

Nouvelle-Calédonie

Wallis-et-Futuna

Polynésie

T.A.A.F

Affaires étrangères

 

 

 

 

Affaires Sociales, travail et solidarité

 

 

 

 

I - Travail

4 000

122

 

 

II - Santé et solidarité

2 986

17 955

12 282

III - Ville

1 310

1 000

Agriculture, alimentation, pêche, affaires rurales

11 782

1 120

6 819

Aménagement du territoire

Anciens combattants

5 103

4 271

Aviation civile

13 905

1 994

23 900

Charges communes

141 750

340 529

Culture et communication

2 459

123

Défense

128 555

504

143 169

2 987

Écologie et développement durable

29

Économie, finances et industrie

21 173

2 194

21 964

Équipement, transport, logement,tourisme et mer

18 389

2 483

30 030

1 957

Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales

33 759

1 014

21 589

Jeunesse, Éducation nationale, Recherche

I - Jeunesse et enseignement scolaire

301 931

39 201

376 627

II - Enseignement supérieur

19 516

17 375

III - Recherche

17 784

6 000

22 000

Justice

16 261

271

20 712

Outre Mer

167 158

12 353

45 535

7 463

Sports

2 291

550

1 493

Total DO + CP

910 112

79 761

1 073 447

34 407

A. L'EFFORT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE LA NOUVELLE CALÉDONIE

1. L'effort global de l'État en faveur de la Nouvelle-Calédonie

Les dépenses de toute nature concourant à l'effort de l'État en Nouvelle-Calédonie devraient s'élever en 2005 à 910 millions d'euros, en hausse de 1,22 % par rapport à 2004, ce qui correspond à une dépense de 4 015 euros par habitant de la Nouvelle-Calédonie.

Parmi ces dépenses, beaucoup correspondent aux frais de fonctionnement des administrations qui relèvent encore de la compétence de l'État : c'est bien évidemment le cas pour les dépenses liées par exemple à la défense (128 millions d'euros en 2005, soit 14 % des dépenses de l'État), de la justice (16,2 millions d'euros, soit 1,8 % des dépenses) ou de l'économie des finances et de l'industrie (21,2 millions d'euros, soit 2,3 % des dépenses). D'autres types de dépenses budgétaires interviennent dans des domaines où les compétences sont partagées, tel est le cas de l'enseignement, mais où l'État conserve d'importantes prérogatives : ainsi les dépense d'enseignement scolaire représentent 33 % de l'effort de l'État en Nouvelle-Calédonie.

Un autre type de dépenses correspond aux dotations en faveur des collectivités locales. Ces dépenses ne sont bien sûr pas l'apanage des collectivités d'outre mer mais le Code général des collectivités territoriales, ainsi que la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, prévoient des dispositions particulières favorables pour les collectivités ultramarines. Cet effort budgétaire de l'État, qui ne concerne que les communes de Nouvelle-Calédonie, se décompose entre :

-  crédits inscrits sur le budget du ministère de l'Intérieur (principalement la dotation globale d'équipement) ;

-  les dotations financées par prélèvement sur recettes notamment la dotation globale de fonctionnement et le fonds de compensation de la tva. Il faut noter que la dgf des collectivités d'outre-mer connaîtra une hausse de 3,28 % en 2005.

2. La Nouvelle-Calédonie dans le budget du Ministère de l'Outre-mer

Si l'ensemble des ministères participe à l'effort de l'État au profit de la Nouvelle-Calédonie, les dotations en provenance du budget de l'outre-mer jouent un rôle particulièrement important s'agissant de cette collectivité. En effet, la Nouvelle-Calédonie bénéficie de 167 millions d'euros du ministère de l'Outre-mer, ce qui correspond à 71 % des crédits de celui-ci en faveur des collectivités d'outre-mer à statut particulier.

En effet, l'une des missions du budget de l'outre-mer est d'accompagner dans les meilleures conditions l'évolution statutaire de la Nouvelle-Calédonie. Ainsi, la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie prévoit le versement, par l'État aux provinces, d'une dotation globale de fonctionnement (inscrite sur le budget du ministère de l'Outre-mer, celle-ci ne constituant pas un prélèvement sur recettes). Depuis 2001, cette dotation évolue au même rythme que la dgf nationale, elle atteindra 74,6 millions d'euros en 2005. En outre, la loi organique du 19 mars 1999 a également prévu le financement du transfert des services de l'État chargés d'une compétence attribué par le nouveau statut à la Nouvelle-Calédonie : il a ainsi été décidé de créer une dotation globale de compensation, destinée au financement des services du commerce extérieur, de l'inspection du travail, du vice-rectorat et de l'institut de formation du personnel administratif (ifpa) : cette dotation est inscrite dans le plf 2005 à hauteur de 3,33 millions d'euros. Enfin, toujours dans cette logique de compensation financière des transferts opérés au profit de la Nouvelle-Calédonie, cette dernière reçoit chaque année une dotation globale de construction et d'équipement des collèges, pour un montant de 11,3 millions d'euros en 2005. Au total, les dotations à la Nouvelle-Calédonie inscrites sur le chapitre 41-56 du budget du ministère de l'Outre-mer atteindront 89 millions d'euros en 2005. Par ailleurs, les provinces de Nouvelle-Calédonie bénéficient également de subventions de la part de l'État pour un montant de 8,78 millions d'euros en 2005.

Au-delà de ces dotations spécifiques, la Nouvelle-Calédonie bénéficie aussi des politiques de l'État en faveur de l'outre-mer en général. Parmi ces dispositifs particulièrement utiles pour l'archipel néo-calédonien figure la dotation de continuité territoriale. Cette dernière vise à pallier les handicaps structurels liés à l'éloignement et à l'insularité des territoires d'outre-mer. L'une des particularités de ce dispositif est qu'il combine un nécessaire effort financier de l'État en faveur de l'outre-mer avec le respect de la libre administration, voire de l'autonomie, des collectivités. En effet, c'est aux collectivités qu'il appartient de gérer ce dispositif, dont l'objectif est d'accorder aux résidents une aide forfaitaire pour effectuer un voyage annuel aller-retour vers la métropole, qui devrait bénéficier à 6 000 personnes par an. La Nouvelle-Calédonie a ainsi reçu à ce titre en 2004 une dotation de 3,06 millions d'euros.

B. L'EFFORT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

1. L'effort global de l'État en faveur de la Polynésie française

L'effort de l'État au bénéfice de la Polynésie française est comparable à celui qu'il consacre à la Nouvelle-Calédonie. D'après l'annexe « jaune » au projet de loi de finances, ces dépenses devraient s'élever en 2005 à 1 073 millions d'euros, ce qui représente une dépense de 4 277 euros par habitant de la Polynésie française et une hausse de 2,87 % par rapport à 2004.

Comme en Nouvelle-Calédonie, une part importante de cet effort relève de l'action traditionnelle de l'État, en étant consacré au fonctionnement de services qui sont restés sous la responsabilité de l'État, comme la justice (20,7 millions d'euros, soit 1,9 % des dépenses de l'État), la rémunération des enseignants (376 millions d'euros, soit 35 % des dépenses de l'État) ou la défense nationale (143 millions d'euros, soit 13,3 % des dépenses). Ces dépenses ont, comme sur l'ensemble du territoire national, un rôle important pour l'emploi et l'économie locale, mais il ne s'agit pas de dépenses spécifiquement destinées au développement de la Polynésie française. Il en est de même pour les dotations de l'État aux communes et à la collectivité de Polynésie française, qu'elles relèvent du budget ministère de l'Intérieur ou de prélèvements sur recettes, même si ces dotations possèdent des règles d'évolution particulière en ce qui concerne l'outre-mer.

En revanche, l'analyse des crédits de l'État bénéficiant à la Polynésie française révèle une part importante de crédits de paiement en provenance du budget des charges communes (340,5 millions d'euros soit 31,7 % de l'effort de l'État dans l'archipel). L'importance de ce transfert s'explique par la mise en œuvre en 2003 de la dotation globale de développement économique (dgde), qui constitue une subvention d'investissement du budget des charges communes (chapitre 68-01) vers celui de la Polynésie française. En effet, afin de compenser les pertes économiques et financières engendrées par l'arrêt des essais nucléaires en Polynésie, l'État avait mis en place en 1996 un Fonds de reconversion de l'économie de la Polynésie française (frepf), financé par le budget du ministère de la Défense, et destiné à financement des projets d'investissement pour dynamiser l'économie polynésienne. Cependant, l'État gardait un contrôle de l'affectation et du paiement de ces dépenses, ce qui n'est plus le cas dans le cadre de la dgde, qui se substitue donc au frepf et qui est versé chaque année globalement à la Polynésie française.

D'un montant total de 151 millions d'euros en 2005, la compensation effectuée sur le budget des charges communes est versée en deux parts : une première part, totalement libre d'affectation, (environ 35 millions d'euros) correspond à la perte de recettes douanières, et la seconde part, majoritaire, est destinée au financement de la dgde. Cette dernière dotation est une subvention d'investissement, elle doit servir au financement d'investissements dans certains secteurs déterminés. La Polynésie française décide dorénavant seule de l'emploi de ces fonds. Mais la suppression d'un contrôle a priori de l'État sur l'opportunité des projets ne signifie pas l'abandon de tout contrôle, notamment en matière de régularité a posteriori. Devant votre commission, la ministre de l'Outre-mer a ainsi estimé que ce contrôle était très rigoureux et elle a indiqué que «  chaque projet achevé (devait) faire l'objet d'un dossier comprenant de nombreuses pièces justificatives (documents de passation des marchés, factures...), qui est ensuite transmis au Haut-commissaire et à la Chambre territoriale des comptes. Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de réunir en 2005 le Comité de suivi État-Territoire ».

La dgde a d'ores et déjà permis de financer un certain nombre d'investissements importants comme le nouveau centre hospitalier territorial (pour 10,9 millions d'euros), le centre hospitalier du Taaone(pour 9,7 millions d'euros) ou encore la participation à l'achat de 32 thoniers par la sem Tahiti nui Rava'ai (pour 4,2 millions d'euros).

2. La Polynésie française dans le budget du Ministère de l'Outre-mer

Sur l'ensemble des crédits du ministère de l'Outre-mer, seuls 45,5 millions d'euros seront, en 2005, directement destinés à la Polynésie française. En effet contrairement à la Nouvelle-Calédonie, le ministère de l'Outre-mer ne gère pas les dotations globales destinées aux collectivités locales. Il est en effet important de rappeler que les comparaisons entre collectivités d'outre-mer sont très délicates à réaliser, compte tenu de l'hétérogénéité de leurs statuts et des compétences qu'elles assument et en raison de la diversité des contextes économiques et politiques.

Cependant, l'évolution des dépenses du ministère de l'Outre-mer en faveur de la Polynésie française est très dynamique, puisqu'elles connaissent une augmentation de 11,2 % par rapport à 2004, en raison notamment de l'inscription dans ce budget des crédits du fonds intercommunal de péréquation de la Polynésie française (8,19 millions d'euros). En effet, le projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française a consacré la pérennisation de la contribution de l'État à ce fonds, qui joue un rôle très important dans le financement des communes de Polynésie française, dont 65 % des ressources sont issues de dotations ou de subventions.

En outre, comme c'est le cas pour les autres collectivités ultramarines, le budget du ministère de l'Outre-mer pour 2005 permettra de financer une mesure nouvelle : la dotation de continuité territoriale, dont une partie importante des 31 millions d'euros devrait bénéficier à la Polynésie française, compte tenu de son éloignement et de son caractère archipélagique. Pour 2004, la Polynésie française recevra 3,96 millions d'euros au titre de cette dotation, ce qui devrait permettre de contribuer au financement du billet de 9 000 passagers.

C. L'EFFORT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE WALLIS-ET-FUTUNA

1. L'effort global de l'État en faveur de Wallis-et-Futuna

Les dotations de l'État en direction de Wallis-et-Futuna devraient s'élever en 2005 à 79,8 millions d'euros, correspondant à une dépense par habitant de 5 432 euros. Ce niveau important s'explique par les spécificités de l'archipel.

En premier lieu, il faut rappeler que son statut remonte à 1961 et que les compétences de l'État y restent étendues, par comparaison avec les autres collectivités françaises du Pacifique. En toute logique, l'État prend donc en charge, à Wallis-et-Futuna, le fonctionnement de nombreux services publics. Parfois même, les compétences de l'État sont plus étendues qu'en métropole, c'est par exemple le cas dans le domaine de la santé, où toutes les prestations médicales sont gratuites et assurés par une agence de santé qui a le statut d'établissement public national à caractère administratif. Cette compétence de l'État en matière de santé explique donc l'importance des crédits destinés à Wallis-et-Futuna en provenance du ministère de la santé et de la solidarité (18 millions d'euros estimés pour 2005).

En second lieu, l'effort de l'État en faveur de Wallis-et-Futuna doit tenir compte du niveau de développement de l'archipel et notamment de la faiblesse du secteur marchand et de l'emploi salarié, liée à l'importance des productions traditionnelles et du secteur public. Afin de répondre à cette nécessité de promouvoir le développement de l'archipel, l'État et le territoire ont signé le 20 décembre 2002 une stratégie de développement durable sur quinze ans. Cette dernière a été accompagnée d'une convention de développement d'un montant de 25 millions d'euros sur la période 2003/2007. Le financement de cette convention relèvera pour moitié du ministère de l'Outre-mer et pour moitié d'autres ministères (santé, sports, éducation...).

2. Wallis-et-Futuna dans le budget du ministère de l'Outre-mer

Le caractère central du ministère de l'Outre-mer dans le financement de la convention de développement de Wallis-et-Futuna se justifie pleinement, compte tenu du rôle de pilotage et d'impulsion qui doit être celui de ce ministère. Ainsi, l'importance des crédits destinés à l'archipel dans le projet de loi de finances pour 2005 (12,35 millions d'euros pour une population de 14 600 habitants) doit permettre de contribuer à son rattrapage en matière de développement. Conformément à cette convention, une dotation spécifique de 2,5 millions d'euros pour 2005 est consacrée au développement du territoire.

Comme dans les autres collectivités, l'effort budgétaire de l'État se fait soit directement, soit par l'intermédiaire de subventions aux collectivités locales, c'est à dire à la Collectivité de Wallis-et-Futuna ou aux trois subdivisions administratives qui la composent. Wallis-et-Futuna se verra ainsi accorder en 2005 une subvention « facultative », qui se rajoute donc aux dotations habituelles de l'État, de 1,42 millions d'euros, en hausse de 54 % par rapport à 2004. Cette hausse de 500 000 euros doit permettre d'améliorer la desserte aérienne de l'archipel. Par ailleurs, cette dernière mesure se cumule avec la dotation de continuité territoriale, à laquelle Wallis-et-Futuna a également droit (à hauteur de 273 000 euros en 2004, 400 personnes devant pouvoir bénéficier de la mesure).

D. L'EFFORT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES (T.A.A.F)

Les taaf se distinguent radicalement des autres collectivités à statut particulier du fait de l'absence de résidents permanents sur ces terres peu hospitalières de l'hémisphère Sud. Du côté des recettes il en résulte que les taaf sont totalement dépendantes de l'État. Quant aux dépenses, elles relèvent de priorités très différentes de celles que l'État privilégie dans sa politique en faveur de l'outre-mer (soutien à l'emploi, aux collectivités locales, amélioration des conditions de vie...). En effet, les dépenses de l'État dans les taaf sont d'une part destinées à assurer la présence effective de la France dans la zone, notamment pour assurer la préservation des droits liés à sa zone économique exclusive de 1 750 000 Km², et d'autre part liées aux activités scientifiques qui s'y développent. L'État devrait consacrer en 2005 34,4 millions d'Euros aux taaf.

Le budget qui consacre le plus de crédits aux taaf est celui de la recherche, pour un montant estimé à 22 millions d'euros en 2005 : cette situation est logique compte tenu de l'intérêt scientifique de ces territoires, notamment ceux d'Antarctique où sont organisées des expéditions polaires. La coordination et le soutien de ces activités sont assurés par l'institut Paul-Émile Victor.

Le ministère de l'Outre-mer consacre quant à lui 7,46 millions d'euros aux taaf, dépenses principalement consacrées aux dépenses d'administration et de logistique du territoire. Les autres ministères intéressés sont la Défense (2,99 millions d'euros), qui assure la surveillance maritime de la zee du territoire, et l'Équipement (1,95 million d'euros) en raison notamment des installations météorologiques présentes sur le territoire.

II. - L'ÉVOLUTION DU CONTEXTE INSTITUTIONNEL ET POLITIQUE

A. EN NOUVELLE CALÉDONIE : LA POURSUITE DU PROCESSUS DE NOUMÉA DANS UN NOUVEAU CONTEXTE POLITIQUE

Après une longue période d'instabilité et de violence, la Nouvelle-Calédonie a amorcé en 1988, avec la signature des accords de Matignon, un processus qui doit la conduire, dans la paix civile, vers l'autodétermination. D'abord prévu pour une durée de dix ans, la phase transitoire a été prolongée par l'accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998, qui définit pour une période de quinze à vingt ans l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie, les modalités de son émancipation et les conditions d'un rééquilibrage économique et social entre le Nord et le Sud. L'accord de Nouméa a ensuite été conforté par la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 et par la mise en place d'un nouveau statut de collectivité sui generis en 1999.

1. Un paysage politique en mutation

Des accords de Matignon à ceux de Nouméa, la recherche d'une solution consensuelle en Nouvelle-Calédonie a été portée principalement par le Rassemblement (ex rpcr) de Jacques Lafleur, majoritaire chez les Calédoniens d'origine européenne particulièrement présents dans la Province Sud, et par les indépendantistes du flnks, majoritaires dans la Province Nord et celle des Îles Loyautés. Cette relative bipolarisation a permis de fonder les bases d'un rééquilibrage politique, mais aussi économique, de la Nouvelle-Calédonie.

Or, l'année 2004 a vu la remise en cause de ce paysage politique traditionnel à l'occasion des élections territoriales et provinciales du mois de mai. En effet, ces élections ont été marquées par une division au sein de la majorité sortante et par l'émergence d'une nouvelle force politique - l'Avenir ensemble- composée notamment de dissidents du Rassemblement. Or, cette nouvelle formation politique l'a emporté dans la Province Sud, présidée par Jacques Lafleur depuis 1989, et est parvenu à faire jeu égal avec le Rassemblement au Congrès de Nouvelle-Calédonie (1).

En outre, les divisions n'ont pas épargné le camp indépendantiste, puisqu'il existe toujours une rivalité entre l'Union calédonienne (uc), en tête dans les Îles Loyauté, et l'Union nationale pour l'indépendance(uni) qui dirige, avec M. Paul Néaoutyine, la province Nord. Pour compliquer la situation, l'uni a privilégié le dialogue et la concertation avec le Rassemblement alors que l'uc se retrouve sur la ligne de l'Avenir ensemble pour critiquer la formation de M. Jacques Lafleur.

Les conséquences de l'éclatement de la vie politique calédonienne pourraient fragiliser le processus en cours :

-  la première conséquence en a été un risque d'instabilité et de fragilisation des institutions, en l'absence de majorité claire, ce qui a donné beaucoup d'influence aux plus petites formations, à commencer par le Front National. De fait, il a été difficile de mettre en place l'exécutif de la Nouvelle-Calédonie : le premier gouvernement élu après les élections de mai 2004, dont il faut rappeler qu'il doit refléter la composition du Congrès, a dû démissionner dès le 10 juin suite à la démission de celui-ci de ses membres issus du rassemblement (2). Après qu'ils aient finalement accepté de siéger au Gouvernement, une première élection de son Président n'a pu aboutir le 25 juin, les indépendantistes refusant d'arbitrer une querelle interne à la mouvance anti-indépendantiste. Fort heureusement, une solution fut trouvée qui aboutit à l'élection à la présidence, le 29 juin, de Marie-Noëlle Thémereau, de l'Avenir ensemble, qui dirige, conformément au statut, un gouvernement pluraliste où figure notamment son prédécesseur, notre collègue Pierre Frogier.

-  une autre conséquence du nouveau paysage politique est l'accentuation de la division politique entre un Nord indépendantiste et un Sud anti-indépendantiste. En effet, la multiplication des listes indépendantistes s'est traduite par la disparition de toute représentation issue de cette mouvance à l'assemblée de la Province Sud, aucune n'ayant pu franchir la barre des 5 % des sièges. C'est d'ailleurs principalement pour cette raison que le nombre d'élus anti-indépendantistes au Congrès a augmenté, passant de 31 à 36 (contre respectivement 23 et 18 pour les indépendantistes).

-  enfin, certains craignent la fragilisation du processus de Nouméa dans son ensemble, dans la mesure où celui-ci reposait largement sur le compromis trouvé entre les deux grandes forces politiques traditionnelles ; ce qui avait ainsi permis l'émergence d'un véritable climat de confiance réciproque. Une difficulté très concrète se pose par exemple pour la réunion annuelle du Comité des signataires de l'accord de Nouméa, en raison de la scission au sein de l'un de ses signataires. Il n'a donc pas été convoqué depuis juin 2003, même si la ministre de l'Outre-mer a indiqué devant votre Commission que le Gouvernement mettait tout en œuvre pour trouver une solution consensuelle quant à la composition du Comité, afin de pouvoir le convoquer d'ici fin 2004 ou au tout début de 2005. En outre, d'après le statut de 1999, les compétences de la Nouvelle-Calédonie devaient pouvoir être étendues, après les élections de 2004 puis de 2009 (3), par le vote d'une loi du pays à la majorité des trois cinquièmes dans les six premiers mois suivant l'élection du nouveau Congrès. Dans le contexte politique actuel, il est peu probable qu'une telle loi du pays puisse être adoptée.

Le Congrès et les Provinces élus en 1999 ont mis en œuvre de façon satisfaisante le nouveau statut issu des accords de Nouméa. Il faut donc souhaiter que les élus de toute tendance puissent continuer à travailler dans ce sens, afin que la Nouvelle-Calédonie reste l'exemple d'un processus réussi vers l'autodétermination. Votre rapporteur souhaite notamment qu'une solution concertée et partagée par l'ensemble de la société néo-calédonienne puisse être trouvée sur la question de la définition du corps électoral restreint pour les élections au congrès et aux assemblées de province. En effet, l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 avait prévu que ne pourraient participer à ces élections que les électeurs présents en Nouvelle-Calédonie depuis plus de dix ans (4). La question est de savoir si le corps électoral restreint est « figé » ou « glissant », c'est-à-dire si la condition de dix années de résidence en Nouvelle-Calédonie pour participer aux scrutins en question s'apprécie à partir de 1998 ou en fonction de la date des élections à venir.

Dans sa décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999 rendue sur le projet de loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, le Conseil constitutionnel a interprété cette disposition dans le sens d'un corps électoral dit glissant. Cette interprétation est loin d'avoir fait l'unanimité et sa conformité aux accords de Nouméa a été fortement mise en cause. À l'occasion de son voyage en Nouvelle-Calédonie en juillet 2003, le Président de la République s'est engagé à régler ce problème en concertation très étroite avec l'ensemble des calédoniens avant la fin de son mandat, ce qui passera nécessairement par une révision constitutionnelle (5).

Compte tenu du caractère très sensible de cette question et des mutations récentes du paysage politique calédonien, il convient d'avoir une approche prudente sur ce dossier et de ne pas agir dans la précipitation, d'autant que la Cour européenne des droits de l'homme, saisie d'une requête sur ce sujet en 2001, n'a toujours pas rendu son arrêt.

2. Un rééquilibrage économique à poursuivre

Parmi les causes des tensions qui ont longtemps perturbé la Nouvelle-Calédonie, le déséquilibre économique entre le Nord et le Sud n'est pas le moindre. Par conséquent, la recherche d'un rééquilibrage économique en faveur du Nord fait partie intégrante du processus de Nouméa, le flnks avait d'ailleurs fait, en 1996, de la question de l'accès aux ressources minières un préalable à la reprise des négociations sur le statut institutionnel (6). Le projet de construction d'une usine métallurgique dans le Nord de la Nouvelle-Calédonie est donc décisif tant pour des raisons purement économiques relatives au développement de la Province Nord, que pour des raisons politiques et symboliques.

Afin de permettre le développement du secteur du nickel dans la province Nord, l'État a tout d'abord racheté à Jacques Lafleur la Société minière du Sud Pacifique (smsp) qu'il a ensuite cédé pour 87 % à la société d'économie mixte de la province Nord, la sofinor. Ensuite, la smsp a procédé à un échange de massifs miniers avec la sln afin d'assurer l'approvisionnement d'une future usine métallurgique dans le Nord, par l'accord de Bercy, en février 1998. Cet accord a été rendu possible par le versement à la sln par l'État d'une soulte de 152 millions d'euros. Mais l'échange de droits ne deviendra définitif que si le projet de construction d'une usine dans le Nord, à hauteur de 6 milliards de francs de 1998, est effectivement mis en œuvre au 1er janvier 2006 (100 millions de dollars devront avoir été engagés). Ce projet doit être réalisé par une alliance entre la smsp (pour 51 %) et la société canadienne Falconbridge, troisième producteur mondial de nickel.

Alors que l'échéance du début 2006 se rapproche, il est donc essentiel de s'interroger sur la faisabilité d'un projet si important pour l'avenir économique du Nord de la Nouvelle-Calédonie. En effet, le respect de ce calendrier requiert au préalable la publication par Falconbridge d'une étude de faisabilité bancaire de la réalisation de cet investissement avant fin novembre 2004. Une décision définitive de lancement du projet devrait donc pouvoir être prise au début 2005, avec un soutien du Gouvernement français, qui pourrait atteindre 630 millions de dollars sous forme de défiscalisation.

B. EN POLYNÉSIE FRANÇAISE : UNE ANNÉE MARQUÉE PAR LA MISE EN œUVRE DU STATUT D'AUTONOMIE

1. La Polynésie Française devient un « pays d'outre-mer » doté d'un statut d'autonomie

Le nouvel article 74 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, permet de doter les collectivités qu'il régit d'un statut sur mesure adapté à leurs spécificités. Il prévoit en outre que certaines collectivités peuvent accéder à « l'autonomie », qui est ainsi consacrée par le texte constitutionnel.

Pour la Polynésie française, cette évolution s'est poursuivie avec la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie. Elle a donc bénéficié la première d'un nouveau statut qui confortera les acquis des précédentes lois statutaires et lui permettra d'affirmer sa personnalité et ses intérêts propres au sein de la République, conformément à la volonté de sa population, majoritairement attachée à la France dans le respect de son identité culturelle.

Le nouveau statut de la Polynésie française, désormais, est fixé par les lois organique n° 2004-1912 et ordinaire n° 2004-193 du 27 février 2004.Ce nouveau statut clarifie la répartition des compétences entre l'État et la Polynésie française, de manière à renforcer l'autonomie de cette dernière. Son article premier dispose ainsi que « Pays d'outre-mer au sein de la République, la Polynésie française constitue une collectivité d'outre-mer dont l'autonomie est régie par l'article 74 de la Constitution. »

Tout d'abord, le statut permet de mettre en œuvre les nouveaux principes constitutionnels issus de révision de 2003. Il autorise par exemple l'assemblée de la Polynésie française à adopter des « lois du pays » soumises au contrôle du Conseil d'État dans un certain nombre de domaines visés à l'article 140. Conformément à l'avant-dernier alinéa de l'article 74 de la Constitution, il permettra également à la Polynésie française de participer à l'exercice de certaines compétences de l'État dans certaines matières (7). Enfin, comme la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française sera habilitée à favoriser l'accès à l'emploi privé aux résidents polynésiens.

La loi organique du 27 février 2004 organise par ailleurs de nouveaux transferts de compétences au profit de la Polynésie française dans onze domaines (8). Par ailleurs, les compétences de la Polynésie en matière internationale sont renforcées puisque le Gouvernement de Polynésie pourra négocier des accords avec l'État dans les domaines de compétence de la Polynésie française, sans avoir à obtenir, au préalable, des pouvoirs spécifiques des autorités de la République.

Le fonctionnement des institutions de la Polynésie française demeure, pour l'essentiel, celui défini par la loi organique du 12 avril 1996 : le président, élu par l'assemblée, désigne les membres du gouvernement ; ensemble, ils sont responsables devant l'assemblée. Le gouvernement, qui dispose d'un important pouvoir réglementaire, « détermine et conduit la politique de la Polynésie française ». L'assemblée, élue pour cinq ans, exerce la compétence de droit commun. Elle vote le budget, approuve les comptes de la collectivité et contrôle l'action du président et du gouvernement. Un conseil économique, social et culturel est doté d'attributions consultatives. Toutefois, désormais, le président issu de l'élection n'est plus le « président du gouvernement » mais est devenu le « président de la Polynésie française ».

La loi a introduit dans le statut de la Polynésie française des garanties démocratiques qui n'y figuraient pas jusqu'alors : les droits des élus minoritaires sont confortés, à l'instar des dispositions en vigueur dans les autres collectivités ; le Médiateur de la République et le Défenseur des enfants sont désormais compétents pour connaître des réclamations des administrés dirigées contre la Polynésie française. Par ailleurs le droit de pétition et le référendum décisionnel sur les affaires locales sont prévus dans le nouveau statut.

Le contrôle de légalité est conforté par l'extension de dispositions qui ne s'appliquaient pas en Polynésie française, notamment par le renforcement de l'obligation de transmission des actes des autorités du pays au haut-commissaire de la République. Le rôle et les compétences des communes sont réaffirmés et renforcés avec un certains nombre de compétences garanties.

2. La mise en œuvre du statut d'autonomie dans un contexte politique troublé

Comme cela a été le cas lors des précédents changements de statut, l'assemblée de la Polynésie française a été dissoute par décret du Président de la République du 2 avril 2004 afin de pouvoir organiser de nouvelles élections et ainsi mettre en œuvre au plus vite le nouveau statut de l'archipel.

Les élections à l'assemblée de la Polynésie française ont eu lieu le 23 mai 2004 mais n'ont pas permis de dégager de majorité claire. Si le parti de M. Gaston Flosse, le Tahoeraa Huiraatira, a obtenu 28 sièges à l'assemblée, l'Union pour la démocratie - Tapura Amui No Te Faatereraa Manahune de M. Oscar Temaru, en a obtenu 27 et les autonomistes de Fetia Api et de No Oe E Te Nunaa, un siège chacun. Dans un premier temps, une alliance entre indépendantistes et autonomistes a permis à M. Temaru de disposer d'une majorité absolue d'une voix et de devenir le premier « président de la Polynésie française ». Mais compte tenu du caractère parlementaire du régime institutionnel polynésien et de la division de l'assemblée, le gouvernement de M. Temaru était dans une situation de relative fragilité. De fait une motion de censure a été adoptée le 9 octobre dernier, suivie de l'élection à la présidence de la Polynésie le 22 octobre, avec 29 voix, de M. Flosse.

3. L'évolution du rôle des communes de Polynésie française

Autant la collectivité territoriale de Polynésie française a pu être considéré depuis une vingtaine d'années comme un laboratoire de la décentralisation, autant les communes polynésiennes sont encore aujourd'hui très en retard dans ce domaine par rapport à leurs homologues métropolitaines. Ainsi, les communes polynésiennes sont encore sous le régime de la tutelle administrative a priori et de la tutelle budgétaire, et disposent de très peu de ressources propres.

L'évolution de la Polynésie vers l'autonomie rendait de plus en plus anachronique la situation juridique des communes de l'archipel. D'ailleurs, la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable, concernant notamment le régime communal de la Polynésie française. Une telle ordonnance est prévue, elle supprimera la tutelle sur les communes et instituera un contrôle a posteriori de leurs actes. De plus, la réforme du régime communal devrait prévoir de donner aux communes polynésiennes de nouvelles ressources par l'instauration d'une fiscalité territoriale propre aux communes.

Cette rénovation du rôle des communes polynésiennes devra nécessairement s'accompagner de la mise en place d'une véritable fonction publique communale. Actuellement, les 3627 agents des 48 communes de Polynésie relèvent du droit privé, ont des niveaux de rémunération très hétérogènes, des grades et fonctions mal définis. La loi du 27 février 2004 a ainsi autorisé le Gouvernement à définir par ordonnance le statut des fonctionnaires civils des administrations des communes de la Polynésie française et de leurs établissements publics. Une ordonnance de ce type est actuellement examinée par le Conseil d'État et devrait être adoptée avant la fin 2004 : elle reconnaîtra aux agents des communes polynésiennes des droits et obligations conformes à ceux attribués aux fonctionnaires de l'État et des collectivités locales de métropole. En outre, un centre de gestion et de formation de la fonction publique communale de Polynésie française sera institué. À cet égard, votre rapporteur se félicite que le Gouvernement ait fait droit à la demande des maires polynésiens afin que cette mission puisse être assumée par le Syndicat de promotion des communes de Polynésie française.

Cette nouvelle fonction publique communale connaîtra dans un premier temps un déficit d'encadrement, compte tenu du profil des agents actuels des communes de Polynésie française. Pour pallier cette difficulté, sans faire obstacle à la constitution progressive d'un encadrement polynésien, l'ordonnance prévoira la possibilité pour les communes d'accueillir en détachement des cadres A de la fonction publique locale ou de la fonction publique territoriale pendant une durée de dix ans.

C. UNE ÉVOLUTION STATUTAIRE A ENVISAGER POUR WALLIS-ET-FUTUNA ET POUR LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES

Les îles Wallis et Futuna sont, pour l'essentiel, régies par un statut issu de la loi du 29 juillet 1961. Ce statut a pour particularité de faire peu de place à l'autonomie administrative (l'exécutif de la collectivité est confié au représentant de l'État et les compétences de cette collectivité sont relativement limités) tout en reconnaissant une très large place à la coutume (reconnaissance des trois royaumes traditionnels, statut personnel de droit local majoritaire...).

Depuis de nombreuses années le thème d'une modification du statut est évoqué sans que des propositions concrètes soient formulées par les autorités et les forces vives du territoire. Une commission d'études et de propositions sur le statut, sous la responsabilité du représentant de l'État, s'est réunie à plusieurs reprises en 2000 et 2001. Mais, il semble que le statut actuel donne globalement satisfaction, notamment en ce qu'il est respectueux de la tradition incarnée par la coutume. D'ailleurs, le thème du statut n'a pratiquement pas été évoqué au cours des campagnes électorales qui se sont déroulées depuis 2002.

Pour autant, sans affecter les grands équilibres du statut actuel de Wallis-et-Futuna, une clarification et une actualisation des dispositions actuellement applicables apparaissent cependant nécessaires pour tenir compte de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Conformément à l'article 74 de la Constitution, ces modifications statutaires relèvent désormais de la loi organique. Devant votre Commission, la ministre de l'outre-mer a indiqué que ces modifications pourraient intervenir à l'occasion de la discussion du projet de loi prévu sur le nouveau statut de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Elle a cependant précisé que, pour aller plus loin qu'un simple toilettage, il faudrait au préalable mener une concertation auprès des acteurs locaux et que ceux-ci expriment une demande en ce sens.

Les Terres australes et antarctiques françaises (taaf) sont régies par une loi du 6 août 1955 qui les qualifie de territoire d'outre-mer. Compte tenu de l'absence de populations permanentes dans les taaf, leur organisation administrative se distingue radicalement de celle des autres collectivités d'outre-mer. La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a ainsi mis fin à la situation, largement fictive dans les faits, qui consistait à considérer que les taaf faisaient partie de la même catégorie juridique que la Polynésie française et Wallis-et-Futuna. Il en résulte que les Terres australes et antarctiques françaises ne relèvent plus de la catégorie des ex-territoires d'outre-mer, désormais régis par l'article 74 de la Constitution. Les taaf constituent une collectivité sui generis, régie par la seule loi ordinaire. Comme c'est le cas pour Wallis-et-Futuna, son statut devra donc être modifié en fonction de l'évolution constitutionnelle intervenue en 2003, mais aussi pour prendre en compte la défense de nos intérêts nationaux pour la gestion des zones économiques exclusives et la protection de nos richesses halieutiques.

La Commission a procédé à l'audition conjointe avec la commission des Affaires économiques, de l'environnement et du territoire, de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'Outre-mer, sur les crédits de ce ministère.

Le président Pascal Clément s'est réjoui d'accueillir, avec le président Patrick Ollier, la ministre de l'Outre-mer, pour une audition conjointe de la commission des Lois et de la commission des Affaires économiques qui permettra d'aborder non seulement les perspectives budgétaires mais aussi les questions essentielles que suscitent les collectivités et départements ou régions d'outre-mer. Il a fait observer que chacun était conscient de l'effort consenti par la Nation en faveur de ces lointains territoires, qu'il prît la forme de dépenses fiscales - stimulées par la montée en puissance de la loi d'orientation - ou de crédits budgétaires dont la priorité ira en 2005 à la création d'emplois, à la construction de logements sociaux afin de poursuivre l'éradication de l'habitat insalubre ou encore à la politique de continuité territoriale et au soutien des collectivités d'outre-mer.

Se réjouissant également de cette audition commune, M. Patrick Ollier, président de la commission des Affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a dit partager les propos du président Pascal Clément, et précisé qu'il interrogerait la ministre après les rapporteurs.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'Outre-mer, a indiqué que le budget du ministère de l'Outre-mer pour 2005 s'élèverait à 1,71 milliard d'euros, soit une progression de 52 % par rapport au projet de budget présenté l'an dernier. Cette hausse très importante est, d'abord, liée au transfert de 678 millions d'euros de crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations sociales dans les dom, crédits qui étaient auparavant inscrits sur le budget du ministère de l'Emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Sans pour autant constituer une dépense nouvelle, la prise en charge directe de ce dispositif de financement d'exonérations des charges sociales prévu dans la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 donnera l'assurance au ministère de l'Outre-mer de faire respecter la lettre de cette loi.

La globalisation de tous les moyens affectés au fonctionnement des préfectures d'outre-mer sera poursuivie en 2005 grâce au transfert des crédits de personnel et de fonctionnement des préfectures au ministère de l'Intérieur qui gère déjà les crédits d'équipement. Après la préfecture de la Martinique l'an dernier, les préfectures de la Guyane, de la Guadeloupe, de La Réunion et de Saint-Pierre-et-Miquelon rentreront en 2005 dans ce processus. Pour ce faire, 37,7 millions d'euros et 969 emplois sont transférés à partir du budget de l'outre-mer sur celui de l'intérieur.

Compte tenu de ces mouvements croisés, qui ont lieu cette année comme les années précédentes, toute analyse à périmètre constant devient donc sans objet.

Ce budget s'inscrit, comme d'autres, dans le contexte contraint qui a présidé à l'élaboration du projet de loi de finances. Le ministère de l'Outre-mer participe en effet à l'effort de maîtrise de la dépense publique en recentrant ses interventions sur les deux priorités que sont l'emploi et le logement. Les crédits affectés à ces deux domaines prioritaires représentent plus des trois-quarts des crédits qui seront ouverts en 2005.

La politique pour l'emploi mobilisera près de 67 % des crédits. Avec les crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (fedom) qui participent directement à la création d'emplois et à l'insertion sociale par l'activité, avec les exonérations de cotisations sociales qui permettent de faire diminuer le chômage outre-mer et de faire progresser l'emploi salarié, et avec la formation professionnelle des jeunes débouchant directement sur le secteur marchand menée par les unités du service militaire adapté (sma), 1,5 milliard d'euros seront ainsi consacrés à l'emploi.

La fongibilité complète des crédits du fedom permettra d'assurer avec plus de souplesse et plus d'efficacité le financement des mesures en faveur de l'emploi et de l'insertion des publics les plus démunis.

La priorité demeure le développement de l'emploi dans le secteur marchand, sans lequel il n'y a pas de développement durable possible. Par conséquent, outre l'allégement des charges sociales, seront privilégiés les dispositifs qui permettent de mener une politique de l'emploi dynamique en faveur du secteur marchand. Il s'agit notamment des contrats d'accès à l'emploi et des dispositifs créés par la loi de programme en faveur des jeunes diplômés qui sont très fortement confrontés au chômage dès leur sortie de formation, ce qui inclut l'aide à l'embauche des jeunes diplômés ainsi que les primes à la création d'emploi en faveur des jeunes à Mayotte et dans les îles Wallis-et-Futuna.

Participent également à cette politique de formation et d'insertion des jeunes les unités du sma maintenues outre-mer. Les mesures de redéploiement de l'encadrement de ces unités financées par le budget de 2005 du ministère de l'Outre-mer permettront d'améliorer encore la formation des jeunes ultramarins dispensée par le biais de ce dispositif dont la qualité et l'efficacité sont unanimement reconnues. En 2004, près de 2 000 jeunes auront été formés par le sma avec un taux d'insertion professionnelle supérieur à 71 %, qui atteint 83 % à la Martinique et 94 % en Guadeloupe.

Enfin, les nouvelles mesures en faveur de l'emploi créées par le plan national de cohésion sociale seront mises en œuvre outre-mer, à l'instar de la mise en place des maisons de l'emploi, de la modernisation et du développement de l'apprentissage et du contrat d'avenir destiné à faciliter l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de solidarité spécifique.

Au-delà des crédits directement consacrés à l'emploi et à l'insertion sociale, deux dispositifs gérés en partenariat avec les collectivités locales contribuent à répondre aux enjeux spécifiques de l'outre-mer en matière de formation et de mobilité professionnelle : la dotation de continuité territoriale et le passeport mobilité.

La première, qui constitue une véritable mesure nouvelle du budget, permettra de compléter les aides du ministère de l'Outre-mer destinées à pallier les handicaps structurels des collectivités d'outre-mer. Cette dotation d'un montant de 31 millions d'euros, qui sera gérée de façon décentralisée, autorisera la prise en charge de tout ou partie du coût d'un billet d'avion entre les collectivités territoriales d'outre-mer et la métropole. Les régions de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion ont déjà délibéré en juin dernier pour approuver la mise en place de ce dispositif de partenariat avec l'État.

Le second dispositif, qui finance la prise en charge de billets d'avion vers la métropole au bénéfice d'étudiants poursuivant leur cursus universitaire en métropole et de stagiaires de formation professionnelle, sera assuré par le budget de 2005 au même niveau qu'en 2004. Plus de 10 000 passeports-mobilité auront été délivrés à la fin de 2004.

Le logement constitue le deuxième axe prioritaire du développement économique et social de l'outre mer.

Le projet de budget pour 2005 de l'outre-mer maintiendra le haut niveau d'effort de 2002 et 2003 en faveur de la construction de logements sociaux et de la résorption de l'habitat insalubre, avec 270 millions d'euros d'autorisations de programme et 173 millions d'euros de crédits de paiements.

Par ailleurs, l'année 2005 sera marquée par une diversification des produits du logement social, avec l'extension aux départements d'outre-mer du prêt locatif social (pls), la réforme du logement évolutif social (les) et la mise en place des prêts sociaux location-accession, et la participation à l'aménagement des quartiers (paq), nouveau dispositif partenarial visant à recentrer la production de logements sur les zones prioritaires.

Avec les mesures du plan national de cohésion sociale, notamment l'exonération de taxe foncière portée de quinze à vingt-cinq ans pour la construction de logements sociaux, l'objectif est de parvenir, avec les collectivités locales et les organismes du logement social, à 1 000 réalisations supplémentaires en 2005.

En outre, l'effort budgétaire de l'État en faveur de la construction de logements sociaux en accession à la propriété et en locatif sera renforcé en 2005 grâce à la montée en puissance des dispositions fiscales de la loi de programme pour l'outre-mer. Le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie a chiffré à 35 millions d'euros la dépense fiscale qui sera ainsi « injectée » dans le btp outre-mer.

Au total les moyens fiscaux et budgétaires pour répondre aux enjeux spécifiques du logement outre-mer seront en augmentation de 6 %.

Enfin, l'action du Gouvernement outre-mer devra être accompagnée par celle des collectivités locales, qui jouent un rôle déterminant et continueront à bénéficier du soutien de l'État.

Ainsi, les dotations aux collectivités locales seront en forte progression de 14,34 %. Cette augmentation substantielle est due principalement aux mesures nouvelles, qui regroupent les 31 millions d'euros de la dotation de continuité territoriale et les 8,19 millions d'euros destinés au fonds intercommunal de péréquation en Polynésie française, conformément à la loi du 27 février 2004.

Un effort particulier sera consenti aux dessertes des collectivités d'outre-mer les plus isolées comme Wallis-et-futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon. Elles bénéficieront d'une mesure nouvelle d'un million d'euros, soit 500 000 euros pour chaque collectivité.

Le budget de l'outre-mer, conformément à l'article 65 de la loi de programme, remboursera à la collectivité territoriale de Mayotte ses dépenses de personnel. Une mesure nouvelle de 2,4 millions d'euros est inscrite à ce titre dans le projet de loi de finances 2005.

La coopération régionale entre les collectivités ultramarines et les pays périphériques sera intensifiée et les crédits pour 2005 permettront d'accroître de 18 % la capacité d'engager des actions nouvelles.

Au-delà de ces moyens nouveaux, les dotations à caractère obligatoire indexées sur le taux de la dotation globale de fonctionnement augmenteront de 3,28 %.

Enfin, les dotations d'investissement au titre du fonds d'investissement dans les départements d'outre-mer (fidom), du fonds d'investissement pour le développement économique et social (fides) et des infrastructures atteindront en 2005 le même niveau que le budget précédent et permettront de poursuivre la contractualisation autour d'un soutien prioritaire aux équipements publics.

Le ministère de l'Outre-mer s'inscrit résolument dans la politique de modernisation de I'État décidée par le Premier ministre en anticipant la réforme de la gestion publique mise en œuvre par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (lolf). Afin de tester le processus budgétaire qui sera applicable à partir du 1er janvier 2006, le ministère a introduit, dans son budget pour 2005, des outils qui permettront de responsabiliser les gestionnaires publics et d'anticiper le passage d'une logique de moyens à une logique d'objectifs et de résultats. Outre la poursuite de l'expérimentation effectuée à la Martinique en 2004, qui consiste à globaliser - et donc à rendre fongibles - les crédits des différentes mesures en faveur de l'emploi, deux chapitres nouveaux ont été créés pour accueillir respectivement les crédits du logement social et ceux de la coopération régionale.

Recentré sur les objectifs prioritaires de l'action ministérielle, dans le respect des engagements du Président de la République et de la loi de programme, ce budget est le gage d'un développement social et économique durable de l'outre-mer.

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis pour les départements et régions d'outre-mer, a tout d'abord constaté que le Gouvernement respectait les engagements pris lors du vote de la loi de programme pour l'outre-mer, et que les mesures fiscales prévues dans ce cadre montraient déjà leur efficacité économique. Il a également salué la mise en place d'une politique de continuité territoriale et la diminution de la délinquance grâce aux moyens accrus déployés dans les départements d'outre-mer. Il a demandé quelles mesures étaient prévues pour poursuivre ce renforcement de la sécurité en 2005, notamment en matière de trafic de drogue et d'immigration clandestine. Il a ensuite souhaité connaître le calendrier envisagé pour le changement de statut de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Il a également interrogé la ministre sur l'impact de la réforme de l'octroi de mer sur les ressources des communes domiennes, puis sur les projets de réforme des dotations de l'État aux collectivités territoriales ultramarines. Il a enfin souhaité connaître l'état d'avancement du projet de liaison aérienne directe avec Mayotte.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et de la Nouvelle-Calédonie, a tout d'abord interrogé la ministre sur la Nouvelle-Calédonie. Il a souhaité savoir si une réunion du Comité des signataires des Accords de Nouméa, qui ne s'est pas réunie depuis juin 2003, était prévue d'ici la fin de l'année. Par ailleurs, il a demandé s'il était envisageable que le Congrès élu en mai 2004 demande, comme il en a la possibilité dans les six premiers mois de son mandat, le transfert d'un certain nombre de compétences de l'État. Enfin, rappelant l'importance stratégique de la réalisation du projet d'usine métallurgique dans la province Nord, il a demandé si les échéances prévues pour la faisabilité bancaire et la mise en œuvre effective du projet pourraient être respectées.

S'agissant de la Polynésie française, il a souhaité obtenir des précisons sur la mise en œuvre, depuis le 1er janvier 2003, de la dotation globale de développement économique destinée à compenser financièrement l'arrêt des essais nucléaires et sur la réforme en cours du statut des agents des communes, concernant notamment les liens entre le futur centre de gestion de la fonction publique territoriale et le syndicat de promotion des communes de Polynésie française.

Enfin, il s'est interrogé sur une éventuelle évolution statutaire de Wallis-et-Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises afin de tenir compte de la révision constitutionnelle de 2003.

M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques de l'environnement et du territoire, a salué l'effort consenti afin de garantir une meilleure exécution du budget, effort qui concourt à donner sa pleine mesure à l'autorisation parlementaire. Il s'est félicité en outre de ce que la structure particulière de ce budget mette l'accent sur le financement des politiques opérationnelles puisque les crédits d'intervention et les subventions d'investissement en représentent 91 %. Il a estimé que des engagements forts, lisibles et surtout crédibles étaient pris dans le but de compenser les handicaps structurels de l'outre-mer.

Notant qu'il s'agissait du dernier budget avant la mise en œuvre complète de la loi organique relative aux lois de finances de 2001, il a souhaité connaître les modifications qui l'affecteraient et comment le ministère s'y préparait.

S'agissant du périmètre du budget, il a ensuite demandé dans quel but les crédits finançant les compensations d'exonération de cotisation sociales avaient été transférés du ministère du Travail au ministère de l'Outre mer.

Saluant par ailleurs la constance de l'effort consenti en faveur du logement qui, compte tenu des contraintes spécifiques de l'outre-mer, appelle une action volontaire, déterminée et pérenne, il a demandé des précisions sur le taux de consommation de la ligne budgétaire unique.

Revenant sur la loi de programme pour l'outre-mer, dont il a souligné qu'elle constituait un véritable tournant notamment avec la création de la dotation de continuité territoriale destinée au renforcement des liens entre la France d'Outre-mer et l'hexagone, il s'est enquis du montant de celle-ci, ainsi que des modalités de son financement et de sa répartition entre les collectivités.

Il a ensuite interrogé la ministre sur le détail des dispositifs en faveur de la mobilité des jeunes d'outre-mer et sur le nombre de bénéficiaires de ces dispositifs.

Soulignant par ailleurs que la loi de programme avait également marqué une rupture en matière d'emploi, par l'abandon d'une logique d'assistanat au profit d'une politique de création d'emplois durables dans le secteur marchand, il a demandé si des éléments de bilan étaient d'ores et déjà disponibles.

Abordant un aspect qui concerne plus spécifiquement la Guadeloupe, il a souhaité savoir si et comment l'État entendait compenser aux communes la baisse de la dotation globale de fonctionnement entre 2000 et 2002, cette baisse étant intervenue à la suite des erreurs manifestes commises par le Conseil général dans le calcul du contingent d'aide sociale.

Enfin, il a souhaité appeler l'attention de la ministre sur la nécessité de réduire les délais d'engagement des procédures de reconnaissance en état de catastrophe naturelle en citant à titre d'exemple l'arrêté concernant les inondations et coulées de boues de mai 2004 en Guadeloupe, qui n'a toujours pas été transmis aux communes sinistrées. Déplorant que leurs habitants ne puissent, par conséquent, effectuer les démarches auprès des compagnies d'assurance afin d'être indemnisés, il a demandé si des modifications rapides sur les délais de mise en œuvre de la procédure pouvaient être envisagées.

Après avoir remercié la ministre de son intervention, M. Patrick Ollier, président de la commission des Affaires économiques, de l'environnement et du territoire, l'a interrogée sur le secteur du tourisme.

Il a tout d'abord souhaité être informé des conséquences des dispositions prises en matière fiscale afin d'encourager le développement de ce secteur.

S'agissant de la formation, il a souhaité savoir si les acteurs privés avaient tenu les engagements pris, notamment dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie, étant rappelée l'action positive des pouvoirs publics en la matière avec l'instauration du passeport mobilité, qui permet aux jeunes de venir se former en métropole. À cet égard, il a souhaité savoir si le centre de formation de Tezenas du Montcel avait accueilli à la rentrée 2004, comme annoncé, des jeunes originaires des quatre dom.

En réponse aux trois rapporteurs pour avis et au président de la commission des Affaires économiques, de l'environnement et du territoire, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'Outre-mer, a apporté les précisions suivantes :

-  Après une diminution de 3,55 % de la délinquance générale et de 12 % de la délinquance de voie publique en 2003, la tendance se confirme pour 2004. En 2005 s'achèvera la deuxième phase du redéploiement des forces de police et de gendarmerie, qui se traduira par l'arrivée de 82 policiers supplémentaires à la Réunion et en Martinique. En outre, les effectifs du commissariat guyanais de Saint-Georges de l'Oyapoc, qui assure la surveillance de la frontière brésilienne, seront renforcés. Par ailleurs, l'antenne de l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants de Fort-de-France deviendra pleinement opérationnelle avec l'affectation d'un officier de liaison américain qui viendra compléter l'équipe de policiers, gendarmes, douaniers et marins. Enfin, avant la fin de l'année, une circulaire indiquera aux préfets les priorités en matière de sécurité, notamment la lutte contre le trafic de drogue et le renforcement des groupes d'intervention régionaux.

-  Un avant-projet de statuts de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy est actuellement l'objet d'une concertation avec les élus de ces îles. Le ministère de l'Outre-mer souhaite soumettre ce projet au conseil des ministres à la fin de l'année 2004, puis au Parlement avant juillet 2005. Il s'agit d'une réforme complexe, du fait de l'absence de précédent de transformation d'une commune, d'un département d'outre-mer en collectivité régie par l'article 74 de la Constitution, qui nécessitera la modification de nombreux codes.

-  La prorogation du régime de l'octroi de mer a permis de maintenir le versement aux communes de la dotation globale garantie, qui constitue une recette essentielle pour celles-ci. Il a d'ailleurs été conseillé aux présidents des conseils régionaux de procéder à des simulations avant la fixation des nouveaux taux, afin d'évaluer leur impact sur les ressources des communes. La grande nouveauté est cependant le versement de 80 % des recettes du Fonds régional pour le développement et l'emploi (frde) aux communes, sous forme de dotations d'investissement.

-  La réforme des dotations de l'État prévue dans le projet de loi de finances pour 2005 consiste à prendre en compte un critère de superficie, ce qui entraînera le doublement de la dotation de base des sept communes de Guyane les plus étendues. Ce critère modifiera également la répartition de la quote-part outre-mer de la dotation d'aménagement. Les dotations aux communes ultramarines devraient par conséquent progresser de 30 millions d'euros dès 2005, puis de manière sensible par la suite, en raison du dynamisme démographique de l'outre-mer.

-  S'agissant du projet de liaison aérienne directe avec Mayotte, des études sur la configuration de la future piste aéroportuaire ont été financées, et les compagnies aériennes intéressées par la desserte, comme Air Austral ou Air Bourbon, devraient répondre aux appels d'offres d'ici la fin de l'année.

-  Le Comité des signataires des accords de Nouméa doit se réunir une fois par an et il ne l'a pas été depuis juin 2003. Le Gouvernement discute donc avec toutes les parties afin que le Comité puisse se réunir d'ici fin 2004, ou, au plus tard, au tout début de 2005. Des tensions internes à un mouvement politique signataire des accords de Nouméa soulèvent une difficulté liée à sa représentation au sein du Comité. Mais, il y a bon espoir que cette question soit résolue dans le climat de consensus et de sérénité dans lequel se déroule le processus de Nouméa depuis ses débuts.

-  Compte tenu de la nécessité d'une « loi du pays » votée à la majorité des trois cinquièmes pour demander un transfert de compétences, il est peu probable qu'intervienne d'ici la fin de l'année un nouveau transfert de l'État vers la Nouvelle-Calédonie, aucun projet de loi du pays n'étant préparé en ce sens. Il serait en tout cas prématuré de prétendre porter un jugement sur la situation politique dans le territoire, étant rappelé que les élections ne se sont pas traduites par un basculement de majorité mais par des dissensions internes aux forces qui la composent.

-  Le projet d'usine de nickel dans la province Nord de Nouvelle-Calédonie est d'une importance politique prioritaire pour le Gouvernement qui est conscient des inquiétudes qu'il suscite. Pour soutenir ce projet, piloté par la smsp, le Gouvernement a décidé de lui consacrer l'équivalent de 630 millions de dollars sous forme de défiscalisation. L'échéance du 1er janvier 2006 pour la réalisation de ce projet sera respectée, de même que celle du 1er novembre 2004, pour la remise de l'étude de faisabilité bancaire par la société Falconbridge.

-  L'utilisation des 150 millions d'euros de la dotation globale de développement économique destinée à compenser l'arrêt des essais nucléaires en Polynésie, fait l'objet d'un contrôle a posteriori très rigoureux : chaque projet achevé doit faire l'objet d'un dossier comprenant de nombreuses pièces justificatives (documents de passation des marchés, factures...), qui est ensuite transmis au Haut-commissaire et à la Chambre territoriale des comptes. Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de réunir en 2005 le Comité de suivi État-Territoire.

-  Un projet d'ordonnance sur le statut des fonctionnaires des communes de Polynésie française a été transmis au Conseil d'État et sera adopté avant la fin 2004. Le statut des agents des communes, qui relèvent actuellement du droit privé, sera sensiblement amélioré ; ils se verront ainsi accorder des droits et obligations conformes à ceux de leurs homologues métropolitains. Par ailleurs, il est envisagé que les fonctions de centre de gestion et de formation de la fonction publique communale soient assurées par l'actuel syndicat de promotion des communes de Polynésie française, comme le souhaitent les maires polynésiens : une saisine rectificative du Conseil d'État en ce sens a été effectuée. Enfin, les communes se verront accorder la possibilité d'accueillir des fonctionnaires de l'État de catégorie A pour une durée de dix ans, afin de pallier le déficit actuel de cadres sans faire obstacle à la constitution, à terme, d'un encadrement polynésien.

-  Les statuts de Wallis-et-Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises devront, au minimum, faire l'objet d'un toilettage pour les mettre en conformité avec la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. Ces modifications pourraient intervenir à l'occasion de la discussion du projet de loi prévu sur le nouveau statut de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Mais pour aller plus loin, il faudrait au préalable mener une concertation auprès des acteurs locaux et que ceux-ci expriment une demande en ce sens.

-  En 2006, le budget du Ministère ne sera plus présenté en titres ni en chapitres mais comportera une mission ministérielle, la mission outre-mer, subdivisée en 3 programmes et 11 actions.

Le programme 1 « emploi outre-mer », appelé à regrouper 61 % des crédits, aura pour finalité de faciliter l'accès au marché du travail des ultramarins. Il s'articulera autour de deux actions sur le marché du travail : une action structurelle visant à créer des conditions favorables à l'emploi dans le secteur marchand ; une action conjoncturelle pour favoriser l'accès et le retour à l'emploi des publics prioritaires.

Le programme 2 « amélioration des conditions de vie outre-mer », avec 19 % des crédits, visera à faciliter aux populations ultramarines l'accès au logement, à participer à l'aménagement des territoires et à concrétiser le principe de continuité territoriale. Il permettra aussi de définir un environnement sanitaire et social adapté ainsi qu'un environnement culturel valorisé. Il se déclinera en six actions complémentaires : logement, aménagement du territoire, continuité territoriale, actions sanitaires et sociales, protection sociale, actions culturelles.

Le programme 3 « intégration et valorisation de l'outre-mer », avec 20 % des crédits, aura une double finalité : assurer les fonctions d'état-major du ministère de l'Outre-mer ; promouvoir l'intégration et la valorisation de l'outre-mer en donnant aux collectivités territoriales les moyens de leur libre administration et en favorisant une coopération au plan régional.

À cette mission ministérielle s'ajoutera un document de politique transversale, destiné à organiser, en liaison avec les services du ministère de l'Outre-mer, la gestion par les autres ministères et selon un mode à définir, des crédits qu'ils consacrent à l'outre-mer.

Enfin, le ministère de l'Outre-mer se prépare aux changements induits sur son budget par la lolf en intégrant dans sa stratégie ministérielle de réforme une réflexion sur l'efficience de son organisation interne.

-  Le transfert de 678 millions d'euros de crédits du ministère de l'Emploi au ministère de l'Outre-mer s'inscrit dans la démarche initiée par la lolf. L'abaissement du coût du travail constituant un axe du programme 1 « emploi outre-mer », il est apparu cohérent de voir figurer dans ce budget l'ensemble des dispositifs spécifiques à l'outre-mer dont les exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale, prévues par la loi de programme, font partie.

-  S'agissant du taux de consommation de la ligne budgétaire unique, sur les 287,5 millions d'euros inscrits en autorisations de programme en loi de finances 2004, 212,5 millions d'euros ont été délégués aux préfets des régions d'outre-mer, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont 162 millions d'euros pour les actions de logement social et 50,6 millions d'euros pour les opérations de résorption de l'habitat insalubre.

Le taux de consommation des autorisations de programme déléguées s'élevait au 30 septembre 2004 à 31,3 % (66,6 millions d'euros) et celui des crédits délégués représentait à la mi-octobre plus de 91 % des crédits délégués.

-  Le Gouvernement a procédé dès la fin de l'année 2002 à la régularisation du montant de la dotation globale de fonctionnement que devaient recevoir les communes de Guadeloupe à la suite d'une correction des bases de calcul que le Gouvernement précédent n'avait pas jugé utile d'opérer. Certaines communes avaient contesté en 2000 ou en 2001 le montant qui leur était versé. Elles ont obtenu gain de cause devant le tribunal administratif. En conséquence, elles ont bénéficié d'une régularisation portant sur une période antérieure à l'année 2003, le Gouvernement ayant donc tiré toutes les conséquences juridiques des décisions de justice intervenues dans cette matière.

-  Le dispositif de dotation au profit des collectivités a été mis en place par le décret du 30 janvier 2004. Pour 2005, son montant sera de 31 millions d'euros, en augmentation de 3 %. Au 15 octobre 2004, sept collectivités sur neuf ont délibéré : Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Mayotte, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna. Pour ces collectivités, les crédits correspondant ont été délégués au représentant de l'État dans ces collectivités, ou sont en cours de délégation. Les critères sociaux pris en compte par les différentes collectivités permettront de répondre aux attentes des publics prioritaires, notamment les jeunes, les personnes âgées et les personnes à revenus modestes. L'objectif est d'aider environ 200 000 passages par an entre la métropole et l'outre-mer.

-  S'agissant de la mobilité des jeunes ultramarins, le passeport-mobilité en constitue l'élément essentiel. Mis en place depuis le 1er juillet 2002, il prend la forme d'une aide directe de l'État à la personne dans les conditions fixées par un cahier des charges. Il permet la gratuité du transport aller et retour par an et par personne vers la métropole, l'Europe ou vers une autre collectivité d'outre-mer pour les jeunes engagés dans une formation étudiante ou professionnelle. Au 1er septembre 2004, 12 583 passeports ont été délivrés. Avec 4 432 bénéficiaires, soit 35 % du total, la Réunion est la collectivité en tête pour la mobilité. Elle est suivie en valeur relative par la Nouvelle-Calédonie.

-  Si les éléments manquent pour dresser un bilan précis de la loi de programme pour l'outre-mer, plusieurs observations peuvent être faites.

Depuis la mise en œuvre de la loi de programme, l'emploi salarié dans le secteur marchand a augmenté de 2,2 % dans les départements d'outre-mer (+ 5 957 emplois) dont 5,20 % en Guadeloupe, alors qu'il a diminué de 0,3 % en métropole.

Le rythme de création d'entreprises s'accélère dans les quatre départements d'outre-mer notamment dans les secteurs des services, du commerce et des réparations et les résultats de la politique menée en matière d'emploi, d'insertion et de formation professionnelle sont clairement mesurables par la diminution du chômage, en recul de 5,6 % dans les dom alors qu'il a augmenté de 2 % en métropole.

En outre, la défiscalisation constitue un puissant levier pour le développement économique de l'outre-mer. Au 30 septembre dernier, 209 dossiers avaient été déposés auprès de Bercy, soit une augmentation de 44 % par rapport à 2003.

-  La reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle permet aux particuliers, lorsque leur commune a été reconnue sinistrée, de se retourner vers leur assureur dans un délai de 10 jours à partir de la parution de l'arrêté interministériel. Concernant les inondations et coulées de boue survenues en Guadeloupe en mai dernier, la commission compétente s'est réunie le 6 septembre dernier sous l'autorité du représentant du ministre de l'Intérieur. L'arrêté interministériel est sur le point d'être publié.

Par ailleurs, le ministère de l'Outre-mer dispose d'instruments financiers propres destinés à venir en aide aux populations d'outre-mer touchées par les catastrophes et des crédits d'urgence peuvent être délégués sous 48 heures au préfet. Cette procédure a été utilisée dernièrement encore en Guadeloupe, à l'occasion de la tempête Jeanne qui a dévasté la côte sous le vent. D'autres crédits permettent également, après étude de dossiers préparés par les maires et transmis aux préfets, d'indemniser une partie des dégâts non assurés causés à l'agriculture, aux entreprises, ou aux biens privés à usage domestique des particuliers. La commission compétente vient ainsi de débloquer plus de 400 000 euros qui vont être versés dans les semaines qui viennent aux agriculteurs guadeloupéens.

-  Le dispositif de défiscalisation en faveur de la réhabilitation des infrastructures d'hébergement touristique a été fortement utilisé, et il s'agit d'un élément à porter au crédit de la loi de programme pour l'outre-mer.

-  Le programme d'action développé avec le secrétaire d'État au tourisme comporte un volet incitant les jeunes, dans le cadre des dispositifs de mobilité existants, à venir se former aux métiers du tourisme en métropole, étant rappelé que le service militaire adapté favorise également de telles formations.

-  En ce qui concerne le dialogue social, l'engagement financier du ministère a permis la mise en place de structures qui ont constitué une amélioration sensible, comme en Martinique. C'est la raison pour laquelle l'extension de ce dispositif, déjà en cours en Guadeloupe, devrait intervenir prochainement à Mayotte.

M. Michel Vaxès a tout d'abord souhaité obtenir des précisions sur le sens qu'il convenait de donner à l'évolution nominale avantageuse du budget de l'outre-mer, imputable pour l'essentiel au transfert des crédits de prise en charge de cotisations sociales, alors que, selon diverses estimations, ce budget diminuerait, à périmètre constant, de 80 à 94 millions d'euros.

Puis il a interrogé la ministre sur :

-  l'incidence potentielle de la hausse des coûts du pétrole, et donc des transports aériens, sur la politique de continuité territoriale, compte tenu du fait que la hausse de la dotation prévue à cet effet est limitée à un million d'euros, à comparer aux trente millions prévus en 2004 ;

-  la position des ministres chargés du tourisme et des transports sur la fixation de prix-plafonds pour les transports aériens vers les départements d'outre-mer ;

-  les conséquences sur l'accès aux soins de la diminution du financement de la couverture maladie complémentaire de la couverture maladie universelle (cmu).

M. René Dosière, après avoir souhaité, pour améliorer l'information des parlementaires, une présentation des prévisions budgétaires à structure constante, a présenté les observations suivantes :

-  Rappelant que le Président de la République avait pris l'engagement que les dispositions de l'accord de Nouméa relatives à la définition du corps électoral, dans son interprétation originelle, entreraient en application avant la fin de son second mandat, il a demandé selon quelles modalités cet engagement serait respecté, étant précisé que la définition même de la citoyenneté calédonienne en dépend, et, partant, le bénéfice des mesures de protection de l'emploi local. Il a donc souhaité obtenir des précisions sur la suite du processus de révision constitutionnelle rendue nécessaire par l'interprétation de la notion de corps électoral donnée par le Conseil constitutionnel.

-  Soulignant qu'il avait pu constater, à l'occasion d'un récent déplacement en Polynésie française, les inquiétudes suscitées par l'usage qui a été fait des deniers publics dans ce territoire - notamment quant à l'importance du montant du budget de la présidence, analogue à celui du budget officiel de la Présidence de la République, et au nombre de contractuels rattachés à la présidence - il a demandé quels étaient les contrôles opérés sur ces dépenses, si elles étaient justifiées par le statut du territoire et si le Gouvernement appuierait une demande de commission d'enquête parlementaire sur ce sujet.

-  Estimant que les conditions réglementaires, qui ne prennent en considération que l'absence ou l'empêchement du président n'étaient pas réunies en l'espèce, il a demandé ce qui justifiait que l'assemblée territoriale de Polynésie ait pu être convoquée par sa troisième vice-présidente, à la demande du Haut-commissaire.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a indiqué que la récente arrivée en nombre de familles mahoraises lui paraissait de nature à contredire le tableau optimiste dressé par la ministre sur la situation économique et sociale de Mayotte. Elle a souhaité savoir quelles mesures étaient susceptibles d'être prises pour améliorer l'autonomie économique de l'île.

En réponse aux différents intervenants, la ministre a apporté les éléments d'information suivants :

-  L'augmentation, en termes bruts, de 52 % du budget de l'outre-mer n'a pas été et ne sera pas revendiquée comme telle, compte tenu des mouvements croisés qu'elle recouvre, cette année comme les précédentes et la notion de périmètre constant n'a donc pas grand sens, comme cela a déjà été indiqué.

-  La diminution de 15 millions d'euros du financement par l'État de la cmu est justifiée par la contribution accrue des mutuelles.

-  La modestie de la hausse de la dotation de continuité territoriale, au demeurant indexée comme la dotation globale de fonctionnement, doit être appréciée en considération du fait que, les régions n'ayant pas délibéré à temps, la dotation prévue en 2004 ne sera elle-même pas intégralement consommée, mais pourrait donner lieu à des reports de crédit.

-  La réflexion en cours sur le prix des transports, inspirée des conclusions du rapport sur les coûts du transport aérien vers l'outre-mer présenté par M. Joël Beaugendre, doit tenir compte de réelles difficultés techniques, mais constitue l'occasion d'un réexamen approfondi des obligations de service public des transporteurs aériens, dans un sens plus social.

-  L'engagement pris par le Président de la République concernant la définition du corps électoral en Nouvelle-Calédonie sera respecté comme il s'y est engagé.

-  C'est à la chambre territoriale des comptes, à laquelle les textes récents ont redonné tout son rôle, qu'incombe le contrôle des dépenses publiques en Polynésie française, sans qu'aucun motif ne permette de remettre en cause la qualité de son travail. Par ailleurs, il convient de rappeler que la Polynésie constitue un territoire autonome, y compris s'agissant du recrutement des personnels.

-  Le Haut-commissaire en Polynésie, dont le sens de l'État ne saurait être contesté, a fait une application scrupuleuse des règles administratives pour assurer dans les conditions légales la réunion de l'assemblée territoriale. Le juge administratif suprême, saisi en référé, a d'ailleurs rejeté sur la forme et sur le fond les recours intentés en la matière.

Reprenant la parole, M. René Dosière a alors contesté l'interprétation donnée par la ministre à la décision du Conseil d'État.

La ministre a enfin estimé que la situation économique et sociale de Mayotte ne laissait en effet d'inquiéter, compte tenu de l'importance des efforts que l'île doit consentir pour pouvoir bénéficier, comme les départements d'outre-mer, du statut de territoire ultrapériphérique et prétendre ainsi aux financements des fonds structurels communautaires qui leur sont consacrés. La « convention de développement 2003-2007» devrait contribuer à éliminer ce retard, mais l'arrêt de l'immigration clandestine, notamment en provenance des Comores, constitue un préalable indispensable.

*

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Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'Outre-mer pour 2005 (collectivités d'outre-mer à statut particulier et Nouvelle-Calédonie).

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N° 1868 - tome VII - Avis au nom de la commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2005 : Collectivités d'outre-mer à statut particulier et Nouvelle-Calédonie (M. Jérôme Bignon)

1 () La répartition des 54 sièges du Congrès de Nouvelle-Calédonie suite aux élections de mai 2004 est la suivante : 16 sièges pour l'Avenir ensemble, 16 pour le Rassemblement, 9 pour l'UNI-FLNKS, 7 pour l'UC, 4 FN et 2 indépendantistes divers.

2 () Le Gouvernement compte 11 membres : 4 élus de l'Avenir ensemble, 4 du rassemblement, 2 UNI et 1 UC.

3 () Police et sécurité en matière de circulation aérienne intérieure et de circulation maritime dans les eaux territoriales, enseignement du second degré public et privé -à l'exception de la réalisation et de l'entretien des collèges- enseignement primaire privé, droit civil et droit commercial et, enfin, sécurité civile.

4 () Cf. l'avis sur le projet de loi de finances pour 2004 de votre rapporteur (n° 1115 tome 8), pp. 20-23.

5 () Un projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie, qui clarifiait notamment cette question, a été adopté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et par le Sénat en 1999, mais il n'a jamais été soumis au Congrès du Parlement.

6 () La Nouvelle-Calédonie possède d'immenses ressources en nickel (11 % de la production et 25 % des réserves mondiales), minerai qui connaît une demande en forte hausse. Or la seule usine du territoire, celle de la SLN (filiale d'Eramet) se trouve à Nouméa.

7 () Droit civil ; recherche et constatation des infractions et des dispositions de droit pénal en matière de jeux de hasard ; entrée et séjour des étrangers, à l'exception du droit d'asile, de l'éloignement des étrangers et de la circulation des citoyens de l'Union européenne ; la communication audiovisuelle ; services financiers et établissements postaux.

8 () En matière de droit civil, droit du travail, réglementation des hydrocarbures, desserte aérienne,·fiscalité et réglementation applicable aux marchés des communes, délégation de compétences aux communes en matière d'urbanisme et de logements sociaux, placement des fonds libres des établissements publics de la Polynésie française en valeurs d'État ou en valeurs garanties par l'État, constatation de l'état de catastrophe naturelle, création d'amendes forfaitaires et de contraventions de grande voirie, règles applicables aux loteries, tombolas et paris, fixation de l'heure légale et de l'heure saisonnière.


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