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N° 2569

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2005.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2006 (n° 2540)

TOME VI

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE

Par M. Pascal MÉNAGE,

Député.

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Voir le numéro : 2568 (annexe n° 24).

INTRODUCTION 5

I.- UN BUDGET QUI SOUTIENT ET ANTICIPE L'ÉLAN RÉFORMATEUR DU GOUVERNEMENT 7

A. TROIS EN UN : UN MILLIARD, TROIS PRIORITÉS 8

1. L'augmentation significative du soutien de base à la recherche académique 8

a) Des moyens accrus pour les organismes de recherche 9

b) Un effort particulier en faveur de la recherche universitaire 9

2. La poursuite de l'effort en faveur du financement sur projet 11

3. Soutenir une recherche privée toujours insuffisante 12

B. UN SOUTIEN SANS PRÉCÉDENT À L'EMPLOI CHERCHEUR 15

1. Priorité à l'emploi pour les thématiques de recherche prioritaires 15

2. Rendre l'espoir aux chercheurs les plus jeunes 17

II.- LES AGENCES DE MOYENS : LA LOGIQUE DE LA PERFORMANCE APPLIQUÉE À LA RECHERCHE 23

A. LE FINANCEMENT SUR LA BASE DE PROJETS : ATOUTS ET FAIBLESSES 24

1. Un atout majeur : une juste et pertinente allocation des moyens 24

2. Une condition nécessaire : un système d'évaluation fort et reconnu par tous 25

3. Une faiblesse : un dispositif qui ne permet pas d'entretenir un tissu de chercheurs 25

B. UN MODÈLE DE FINANCEMENT INTERNATIONALEMENT RECONNU 26

1. « Tour du monde » de la place des agences de moyens dans les dispositifs de recherche nationaux 26

a) Les agences de moyens au cœur du dispositif de recherche américain 26

b) Des agences de moyens très présentes dans les dispositifs européens 28

2. L'European Research Council (ERC) : bientôt une agence européenne de la recherche 29

3. Les expériences françaises : une réussite certaine, une diffusion incertaine 31

a) Oséo-Anvar : une agence pour promouvoir l'innovation 31

b) Des financements sur projets hors agences 32

c) L'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales B et C (ANRS) : une réussite éclatante 32

C. LA MISE EN PLACE DU DISPOSITIF FRANÇAIS 33

1. L'Agence nationale de la recherche (ANR) : la National science foundation (NSF) française 33

2. L'Agence de l'innovation industrielle (AII) : une agence pour soutenir l'effort privé de recherche 34

D. QUEL ÉQUILIBRE ET QUEL DISPOSITIF POUR L'AVENIR ? 35

1. L'articulation entre les agences : favoriser les complémentarités, éviter les doublons 36

2. L'articulation entre les agences et le reste du dispositif : une logique de concurrence ? 36

a) Des agences de moyens qui doivent le rester 37

b) La création des agences de moyens ne remet pas en cause l'existence des organismes de recherche 37

3. Un dispositif qui doit favoriser une meilleure intégration de la recherche européenne 39

a) Des agences pour développer la coopération inter-Etatique 39

b) Quelle articulation entre les agences françaises et le futur ERC ? 39

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

I. AUDITION DU MINISTRE 41

II. EXAMEN DES CRÉDITS 81

ANNEXES 83

ANNEXE 1 : DOTATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2006 (par grands opérateurs) 83

ANNEXE 2 : ÉVOLUTION DES DOTATIONS BUDGÉTAIRES 2000-2006 85

ANNEXE 3 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 87

INTRODUCTION

Le présent rapport pour avis porte sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », à l'exception des crédits du programme « Formations supérieures et recherche universitaire » et du programme « Vie étudiante » qui font l'objet d'un rapport pour avis de Mme Juliana Rimane.

Bis repetita ! Pour la deuxième année consécutive, et comme il s'y était engagé, le gouvernement accroît d'un milliard d'euros les crédits destinés au financement de la recherche, augmentant ainsi de 5 % sur une année l'effort public en la matière.

Dans un contexte budgétaire atone marqué par la volonté du gouvernement de contenir la dépense publique, cet effort considérable marque la priorité qu'entend donner le Premier ministre, M. Dominique de Villepin - fidèle aux engagements qu'il a pris devant les représentants de la Nation dans son discours de politique générale -, à un secteur dont le dynamisme conditionne à bien des égards l'avenir de la France.

Le constat est d'autant plus remarquable que cet effort considérable ne doit pas être envisagé isolément, mais dans un environnement politique, financier et réglementaire permettant au gouvernement, au rythme de nombreuses initiatives récentes et dans l'attente de réformes à venir (mais dont les lignes directrices sont déjà connues et figurent dans le Pacte pour la recherche), de dessiner les contours d'un « écosystème » de la recherche - et donc de la croissance -, pour reprendre l'heureuse terminologie popularisée par M. Christian Blanc, député des Yvelines, dans son rapport remis au Premier ministre en mai 2004.

Que l'académie Nobel ait, pour la première fois depuis dix-huit ans, porté un Français, le chimiste Yves Chauvin, à la plus haute distinction scientifique mondiale vient heureusement conforter ce regain de confiance par une bonne nouvelle ; mais l'heureux événement ne doit pas faire illusion sur la vitalité récente de la recherche française - comme se plaît à le rappeler, avec humilité, l'heureux récipiendaire, les travaux ainsi couronnés datant de 1971 -, à tout le moins, il ne doit pas conduire à s'exonérer de réformes nécessaires.

Les réformes sont en cours et on en retrouve la trace dans le budget 2006 lequel, pour une bonne part, traduit leurs conséquences financières (I).

En poursuivant l'effort consenti en loi de finances pour 2005, dans son volume et surtout dans sa répartition, en concentrant une grande partie de l'effort sur le développement du financement sur la base de projets, les crédits de la recherche pour 2006 démontrent également combien, dès la mise en application de la loi organique relative aux lois de finance (LOLF), le gouvernement a, dans ce secteur du moins, intégré la logique sous-tendue par la réforme en mettant résolument l'accent, via ce type de financement, sur la culture de la performance (II).

L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires le 10 octobre.

Le rapporteur pour avis a demandé que les réponses lui parviennent le 17 septembre. A cette date, % des réponses lui étaient parvenues. A la date butoir, ce pourcentage était de 72 %.

I.- UN BUDGET QUI SOUTIENT ET ANTICIPE L'ÉLAN
RÉFORMATEUR DU GOUVERNEMENT

L'architecture remodelée de la loi de finances (1) n'aura pas pour conséquence une révision à la baisse de l'effort national de recherche mais bien au contraire un nouveau et important relèvement de l'effort national.

Ainsi, si le budget civil de recherche et développement (BCRD), qui a longtemps fait office d'étalon à l'aune duquel se mesuraient les variations annuelles du financement de la recherche, a disparu, la mission « Recherche et enseignement supérieur » qui lui succède  (2) - dans ce rôle sinon dans son périmètre puisque les treize programmes que contient celle-ci ne recoupent qu'imparfaitement les contours de l'ex-BCRD - et les autres instruments financiers de l'Etat, placés hors budget, tel que le compte d'affectation spéciale des produits de privatisation dont une partie des produits est destinée à soutenir l'initiative de recherche privée, totalisent un milliard d'euros de crédits supplémentaires.

C'est ainsi que la poursuite de l'objectif que s'étaient assignés les Quinze - devenus depuis vingt-cinq - aux conseils européens de Lisbonne (2000) puis de Barcelone (2002) de faire de l'Union « l'économie de la connaissance la plus compétitive du monde », adoptant pour ce faire un objectif de dépenses de recherche à hauteur de 3 % du PIB en 2010, qui en France relevait, il y a de cela seulement quelques mois, d'une douce illusion - dont très peu, même parmi les plus volontaristes, continuaient à se bercer - devient désormais un horizon réaliste.

Deux conditions sont nécessaires pour l'accomplissement d'un tel dessein.

D'une part, que le gouvernement poursuive d'une année sur l'autre la progression des dépenses de recherche tel qu'il l'a fait en 2005 et le propose pour l'année 2006. De ce point de vue les engagements pris sont clairs et la pratique gouvernementale démontre qu'ils vont être tenus.

D'autre part, que la recherche d'initiative privée, « talon d'Achille » du dispositif français (puisque c'est en cette matière que l'objectif européen, atteint par ailleurs, n'est pas validé), gagne en dynamisme. De ce point de vue aussi des motifs de satisfaction existent puisque, bien qu'il soit encore trop tôt pour analyser les résultats obtenus, le gouvernement s'est d'ores et déjà saisi du problème et a mis en place une série de dispositifs propres à favoriser la recherche en entreprise, au nombre desquels les pôles de compétitivité et l'Agence de l'innovation industrielle (AII).

Tel que présenté, le budget de la recherche pour 2006 traduit bien ces préoccupations en inscrivant l'effort aussi bien en direction de la recherche académique que de la recherche privée.

A. TROIS EN UN : UN MILLIARD, TROIS PRIORITÉS

Identité de la progression, identité de la répartition, ou presque... Le projet de loi de finances pour 2006 qui reconduit l'augmentation globale des crédits d'un milliard d'euros - en réalité 1,021 milliard d'euros - reprend dans les grandes lignes la répartition retenue l'an passé. Le milliard est ainsi découpé selon trois grandes masses de volume comparable, à cette inflexion près, par rapport à l'an passé, que l'arbitrage retenu cette année donne significativement la primauté aux organismes et aux universités qui seront destinataires de 39 % des moyens nouveaux dégagés par le gouvernement en faveur de la recherche.

Au final, le budget se décline selon le triptyque suivant : 401 millions d'euros de crédits budgétaires supplémentaires pour la recherche académique ; 280 millions d'euros de crédits de paiement (assortis de 700 millions d'euros en autorisation d'engagements) de dotations extra-budgétaires en faveur du financement de la recherche sur la base de projets ; 340 millions d'euros de dépenses fiscales pour dynamiser la recherche privée.

Le gouvernement entend ainsi poursuivre une politique volontariste et équilibrée qui met certes l'accent sur les domaines où la position française est traditionnellement la plus faible (recherche privée et financement sur projet) mais, l'importance des moyens dégagés aidant, permet dans le même temps de renforcer le socle sur lequel repose la création scientifique française en augmentant significativement les crédits récurrents des laboratoires (cf. annexes 1 et 2).

1. L'augmentation significative du soutien de base à la recherche académique

Les 401 millions d'euros de dépenses budgétaires supplémentaires en faveur de la recherche académique suffiront-ils à tordre le cou à cette idée reçue, véhiculée par certains - dont Pierre Le Hir qui en a donné l'illustration en Une du Monde du 19 octobre -, selon laquelle l'effort financier consenti par le gouvernement en faveur de la recherche ne profiterait qu'aux acteurs privés de la recherche ou aux structures qu'il a lui-même portées sur les fonds baptismaux, telles que l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou l'Agence pour l'innovation industrielle (AII) ? Ce n'est pas certain. Et pourtant, force est de constater que le budget 2006 témoigne de l'attention portée par le gouvernement à la recherche académique.

a) Des moyens accrus pour les organismes de recherche

L'année prochaine, les universités et les grands organismes de recherche se verront ainsi dotés de crédits supplémentaires d'un montant sensiblement égal : 164 millions d'euros pour ces derniers, 163 millions d'euros pour la recherche universitaire.

Ces moyens nouveaux viendront essentiellement soutenir l'action des organismes dans deux directions :

- la poursuite de la restauration de leurs moyens de paiement, affectés d'un passif important, la participation au financement des très grandes infrastructures (3) et aux contrats d'objectifs signés avec le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et le Centre national d'études spatiales (CNES) ;

- une politique volontariste de gestion des ressources humaines alliant création de postes, moyens permettant une revalorisation des grades et des corps et l'augmentation des primes d'indemnité spécifique pour fonctions d'intérêt collectif (ISFIC) et de participation à la recherche scientifique (PPRS) de façon à mieux honorer les plus valeureux ainsi qu'un ensemble de mesures en faveur des jeunes chercheurs, le tout pour un montant qui excède les 100 millions d'euros.

En dépit de ces moyens nouveaux, le rapporteur pour avis n'a pu que constater qu'unanimes les directeurs généraux de l'INSERM et du CNRS estimaient ne pas disposer, en 2006, des moyens de financer leurs laboratoires.

b) Un effort particulier en faveur de la recherche universitaire

Conscient des défis multiples auxquels sont confrontées les universités et désireux de renforcer leur prise de participation dans le dispositif de recherche français, le gouvernement envisage d'augmenter de 163 millions d'euros les moyens de la recherche universitaire.

Si la spécificité de la France, héritière de son histoire éducative et scientifique - qui a créé des grandes écoles hors de l'université, concentré la recherche au sein d'organismes puis donné comme mission prioritaire à l'université d'enseigner au plus grand nombre -, explique très largement que, contrairement à la norme internationale, l'université française ne soit pas considérée comme le moteur de la recherche nationale, il n'en demeure pas moins que l'on ne peut se satisfaire de voir les universités françaises reculer dans la nouvelle livraison du désormais fameux « classement de Shangaï » ; elles qui occupaient déjà des positions peu flatteuses, loin dans la hiérarchie des intouchables universités américaines ou des fleurons britanniques que sont Cambridge (2e) et Oxford (10e(4). Au-delà de la blessure d'amour-propre, il en va en effet de l'attractivité de la science française et donc, à terme, de sa position dans l'élite mondiale. Il est en effet admis que les résultats de la science américaine sont avant tout obtenus grâce à leur capacité de fédérer les talents et qu'en tout état de cause, en dépit des talents personnels de tel ou tel, c'est avant tout la fertilisation croisée des informations, rendue possible par la connaissance mutuelle de chercheurs habitués à se côtoyer, qui produit des résultats.

Pour placer l'université française résolument sur le chemin de la réussite, et dans l'attente des mesures organisationnelles fortes - au premier rang desquelles figure la création des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) voulus par les chercheurs réunis à Grenoble en Etats généraux de la recherche en octobre 2004 et la création des « campus de recherche » dont il appartiendra au gouvernement de préciser rapidement le cahier des charges car, en l'état actuel des informations diffusées, ils suscitent l'inquiétude des présidents d'université (5) - qui figurent d'ores et déjà dans l'avant-projet de loi, le gouvernement entend là encore privilégier une gestion plus dynamique des établissements, qu'il s'agisse des personnels ou des structures, puisque prime sera donnée, dans l'esprit de la LOLF, à la performance.

C'est ainsi que des enveloppes substantielles seront dévolues au financement de décharges de service d'enseignements pour les enseignants-chercheurs qui souhaitent privilégier leur activité de recherche (27,8 millions d'euros) et à une gestion plus dynamique des carrières (11,6 millions d'euros).

Dans le même esprit, l'augmentation des moyens de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur (28,7 millions d'euros) ira, en priorité, aux laboratoires universitaires de recherche les plus performants.

Le rapporteur pour avis se félicite de cette approche qui rompt avec la tradition de saupoudrage, tradition qui a longtemps prévalu soutenue par l'idée qu'il fallait préserver une égalité de façade fort éloignée de l'équité et qui, à l'évidence, ne satisfaisait ni à la logique de l'activité de recherche - par nature sélective et mouvante (les priorités d'aujourd'hui n'étant pas forcément celles de demain) - ni au respect dû aux chercheurs, les efforts des plus méritants n'étant pas récompensés. Reste néanmoins à veiller à ce que la réalité corresponde à l'affichage ; étant donné la gouvernance actuelle du dispositif, il n'est pas certain que le ministère puisse flécher les crédits aussi précisément qu'il l'a envisagé.

Enfin, l'investissement immobilier universitaire est une autre grande priorité du gouvernement qui, en 2006, consacrera pas moins de 573 millions d'euros de crédits de paiement pour la construction, la maintenance et la mise aux normes sécurité des bâtiments universitaires.

Ce programme répond à un réel besoin. Comme le rappelait M. Michel Lussault, président de l'université François Rabelais de Tours, l'immobilier constitue le « talon d'Achille » des universités qui, étant donné la vétusté des locaux, sont amenées à y consacrer une part importante de leurs ressources au détriment de leurs missions pédagogiques et scientifiques. L'effort du gouvernement en la matière doit aussi être l'occasion d'entamer une réflexion approfondie sur la gestion de l'immobilier universitaire. Ainsi, étant donné le rôle important joué par les universités dans l'animation du territoire sur lequel elles sont implantées, il serait tout à fait envisageable d'associer par la voie du contrat les régions à la gestion du patrimoine immobilier des universités. Conçue dans le cadre d'une nouvelle étape de la décentralisation, cette évolution n'a de sens que si l'Etat s'engage à ne pas se soustraire de ses obligations présentes, le but étant, in fine, d'œuvrer pour que les universités puissent offrir aux étudiants et aux chercheurs un cadre de travail et de réflexion de qualité.

Comme l'a bien mis en lumière la Cour des comptes dans un rapport récent  (6), la question de l'immobilier est en effet à la croisée de multiples lignes de faiblesses de l'université, telle que, pour prendre ce seul exemple, « l'indigence » - terme utilisé par une personne auditionnée - de trop nombreuses bibliothèques universitaires dont l'offre qu'elles proposent est, à tous points de vue, très éloignée des standards internationaux. Il conviendrait d'apporter une réponse rapide à ce problème d'autant plus crucial que, par la ressource intellectuelle qu'elles mettent à la disposition de leurs lecteurs, les bibliothèques constituent le « cœur du réacteur » des universités. Le développement des « bibliothèques électroniques » pourrait, de ce point de vue, sinon constituer l'alternative pour pallier les déficiences actuelles, du moins apporter une réponse concrète en plaçant les « BU » sur la voie d'une nécessaire modernisation.

2. La poursuite de l'effort en faveur du financement sur projet

En dépit de l'effort renouvelé du gouvernement en faveur de la promotion des agences de moyens dans le paysage scientifique français, ce développement sera volontairement bref, le financement sur projets faisant l'objet de la seconde partie de ce rapport.

Contentons-nous donc ici de rappeler que conformément à ses engagements, le gouvernement accompagne avec force la montée en puissance de l'Agence nationale de la recherche (ANR) dont le budget pour l'année 2006 augmentera de 240 millions d'euros en crédits de paiement et de 100 millions en crédits d'engagements par rapport à l'année précédente. Quinze pour cent des moyens nouveaux - soit 40 millions d'euros - sont d'ores et déjà affectés et iront au financement du dispositif « label Carnot » visant à favoriser la recherche partenariale entre les établissements de recherche académique et les entreprises.

Comme en loi de finances pour 2005, les ressources ainsi mobilisées ne sont pas des crédits budgétaires. Les moyens nouveaux ainsi dégagés proviennent du compte d'affectation spéciale des produits de privatisation.

Rappelons enfin que l'augmentation des crédits de l'ANR n'épuise pas l'ensemble des moyens nouveaux mis en faveur du financement sur projets puisque 40 millions d'euros viendront encourager les efforts d'Oséo-Anvar pour la promotion de la recherche dans les PME, ce qui porte à 280 millions d'euros l'effort de la nation pour ce mode de financement.

En agissant de la sorte, le gouvernement ne fait pas que promouvoir le financement sur projet, lequel permet à la fois un meilleur pilotage du dispositif et l'allocation des ressources dans le sens d'une plus grande efficacité, il favorise également le lien entre recherche publique et recherche privé dont on sait que, malgré des évolutions significatives récentes il demeure un point de faiblesse de la recherche française.

3. Soutenir une recherche privée toujours insuffisante

La recherche privée justement... est-il besoin de le rappeler ? Si la France a d'ores et déjà atteint l'objectif de Barcelone en matière de financement de la recherche publique (puisque, conformément à ses engagements européens, la France y consacre 1 % de sa richesse nationale), en revanche la réciproque n'est pas vraie en ce qui concerne le privé puisque, selon les derniers chiffres disponibles (7), l'effort consenti peine à dépasser les 1,17 % du PIB quand les chefs d'Etats et de gouvernements européens avaient préconisé 2 %.

Les symptômes du mal français sont bien connus : des grandes entreprises dont l'intensité de recherche est comparable à leurs concurrentes internationales mais qui, dans leur majorité, interviennent dans des champs d'activités où la dimension technologique est peu présente ; des petites et moyennes entreprises également faiblement technologiques et qui peinent à grossir pour devenir des « champions » mondiaux à la différence de leurs homologues californiennes.

Fort de ce constat, le gouvernement a, depuis plusieurs mois, dévoilé une batterie de mesures susceptibles d'inciter les entreprises à mobiliser une plus grande partie de leurs ressources en direction de la recherche : au-delà des outils fiscaux traditionnels, tels que le crédit d'impôt-recherche (CIR), dont le gouvernement améliore encore le dispositif - mais dont il conviendrait aussi d'évaluer avec précision l'impact réel sur le dynamisme de la recherche afin d'éviter les effets d'aubaine -, le gouvernement a entendu porter le plus clair de son effort sur l'organisation même de la recherche. La mise en place des pôles de compétitivité - dont le but est, sur la base d'un ancrage territorial, de favoriser la coopération d'acteurs de toute nature engagés autour d'une problématique commune -, lesquels ont remporté le succès que l'on sait, ou la création de l'AII constituent l'emblème d'une politique volontariste qui ne veut pas se satisfaire de la situation présente.

De ce point de vue, le gouvernement ne peut que se féliciter de voir que le relais est pris par les acteurs eux-mêmes qui se mobilisent et s'organisent pour développer des coopérations en matière de recherche. La création du Pacte PME par Oséo et le Comité Richelieu, dont le but est de favoriser l'accès des PME innovantes aux grands comptes publics et privés, constitue le symptôme heureux de la revitalisation de la recherche privée hexagonale.

Elément important du projet de loi de finances pour 2006, le renforcement du caractère incitatif du crédit d'impôt-recherche (CIR)  (8) s'opère selon quatre modalités avec le double objectif d'augmenter la recherche en entreprise et de favoriser l'emploi des chercheurs dans le secteur privé. Ainsi, le crédit d'impôt ne portera plus sur 5 mais sur 10 % des dépenses de recherche et développement engagés par l'entreprise sur une année ; les dépenses de sous-traitance et les frais de défense des brevets seront mieux prises en compte, leurs plafonds passant respectivement de deux à dix millions d'euros et de soixante mille à cent-vingt mille euros  ; la période durant laquelle les entreprises nouvelles pourront bénéficier de la restitution immédiate du CIR sera entendue, passant de deux à quatre ans ; enfin, mais ce n'est pas le moindre aspect de la mesure, les frais de personnel et de fonctionnement consacrés aux jeunes chercheurs seront pris en compte pour le double de leur montant.

Outre le financement de ces dispositions, les 340 millions d'euros de dépenses fiscales supplémentaires par rapport à l'exercice 2005 iront financer les engagements actuels et accompagner les dispositifs mis en place récemment : en exonérations de charges, ce sont 73 millions d'euros qui iront soutenir le dispositif « jeune entreprise innovante (JEI) » et 30 millions d'euros qui permettront le lancement des pôles de compétitivité. Par ailleurs, 100 millions d'euros autoriseront la mise en œuvre des dispositions de l'article 21 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie (9), dispositions dont on ne peut que regretter le caractère ponctuel. L'esprit du dispositif pourrait d'ailleurs être poursuivi avec la transposition, au secteur de la recherche - et selon des conditions qu'il reste à évaluer et circonscrire de manière très précise -, de dispositions fiscales en faveur de la préservation des « biens culturels présentant le caractère de trésors nationaux » figurant à l'article 238 bis 0 A du code général des impôts.

340 millions d'euros c'est beaucoup ; trop disent certains qui ne se consolent pas de voir cette manne ne pas leur être destinée... Rappelons simplement qu'à richesse nationale constante ce n'est pas moins de 14 milliards d'euros supplémentaires que la nation devra consacrer à la recherche d'ici 2010 pour valider l'objectif du conseil européen de Barcelone. Assurément, et au-delà de l'équilibre financement public-financement privé retenu par la recommandation communautaire et du débat idéologique - et au demeurant légitime - sur le point de savoir quelle doit être la nature des opérateurs impulseurs (Etat ou entreprises), le budget de l'Etat ne suffira pas, à lui seul, à combler cet écart. Il faut donc inévitablement encourager les entreprises à produire cet effort en jouant sur l'effet de levier important que peuvent avoir les aides publiques qu'elles reçoivent.

La première priorité, dans la poursuite de cet objectif, est de soutenir les structures existantes. Injustement méconnus, les Centres techniques industriels (CTI), par la capacité d'expertise et la compétence technique qu'ils apportent aux PME-PMI, constituent indéniablement un maillon essentiel dans le développement technologique du tissu français des entreprises petites et moyennes dont la faiblesse est, nous l'avons vu (cf.supra), au cœur même du retard français en matière d'innovation privée. Il convient donc de donner à ses structures, qui œuvrent depuis plus d'un demi-siècle et sont désormais parties prenantes de nombreux pôles de compétitivité, les moyens de leur pérennité et de leur développement en augmentant les dotations budgétaires qui leur sont destinées (10).

Il ne faut pas perdre de vue qu'au-delà de la présentation purement quantitative de l'objectif européen de Barcelone, et par-là maladroite, est en jeu la préservation d'un certain modèle de société. L'influence conjuguée de coûts de main d'œuvre plus bas ailleurs dans le monde, de la disparition accélérée de toutes les formes d'entraves aux échanges internationaux, associée à une élévation rapide des compétences dans les pays émergeants font - toute une littérature s'en est fait l'écho, études argumentées et chiffrées à l'appui - que la croissance économique de demain et donc le maintien à terme, dans nos pays occidentaux, d'un haut niveau d'emploi (et des garanties sociales qui y sont attachés), passent par le maintien d'une capacité renouvelée à sens cesse innover.

B. UN SOUTIEN SANS PRÉCÉDENT À L'EMPLOI CHERCHEUR

Si le dynamisme de la politique de la recherche renvoie, à moyen et long terme, à la capacité de notre pays d'assurer à nos concitoyens un haut niveau d'emploi, à court terme, c'est des emplois des chercheurs et de tous les personnels qui concourent à la création scientifique et technologique dont il s'agit.

De ce point de vue également, le budget 2006 est un « bon cru » puisque ce n'est pas moins de 3 000 nouveaux postes qui viendront alimenter en ressources humaines les laboratoires de la recherche académique.

Un tel effort, dont le passé récent - et moins récent - ne donne aucun autre exemple, méritait bien que le rapporteur pour avis lui consacre un développement entier. Celui-ci est aussi l'occasion d'évoquer une question sur laquelle le gouvernement ne reste pas inactif mais où il reste beaucoup à faire, la question des jeunes chercheurs.

1. Priorité à l'emploi pour les thématiques de recherche prioritaires

3 000 emplois ! Pour bien mesurer l'ampleur de l'effort proposé par le gouvernement, il faut se reporter quelques années en arrière, à une époque pas si lointaine où M. Roger-Gérard Schwarztenberg, ministre de la recherche du gouvernement de M. Lionel Jospin, n'hésitait pas à qualifier de Plan décennal (2001-2010) de gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique ... 1 000 créations nettes d'emplois (500 emplois chercheurs et 500 emplois d'ingénieurs, techniciens et administratifs ou ITA) sur la période 2001-2004 (première partie du plan). Avec les mesures du gouvernement de Dominique de Villepin son programme est donc réalisé, au-delà de ses espérances !

Si la priorité est donnée à l'université, tous les opérateurs de la recherche académique verront leurs ressources humaines renforcées.

Côté universités, il est prévu la création de 1900 postes déclinés de la façon suivante : 1100 enseignants-chercheurs et 800 personnels ingénieurs, administratifs, techniques et ouvriers de service (IATOS). C'est là une répartition satisfaisante. Ainsi que le faisaient observer au rapporteur pour avis, M. Michel Lussault, président de l'université François Rabelais de Tours, et M. Georges Debrégeas, physicien, membre du mouvement Sauvons la recherche (SLR), la recherche française souffre autant, sinon plus, d'un manque de personnel technique que de chercheurs. De ce point de vue, le ratio d'un technicien pour un chercheur, pratiquement réalisé ici, apparaît à beaucoup comme un bon équilibre.

Côté organismes, priorité est résolument donnée à l'emploi chercheur, les 1 100 créations de postes se répartissant de la façon suivante : 655 postes statutaires de chercheurs et d'ingénieurs et techniciens ; 200 postes de contractuels de haut niveau destinés à favoriser la politique d'accueil de « cerveaux » étrangers ; 100 postes sur contrats à durée indéterminée (CDI) dans les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) de type CEA ; 100 postes de post-doctorants ; enfin, 45 postes dans les écoles relevant du ministère de l'industrie (Ecoles des mines, Ecoles des télécommunications, Ecole du pétrole et des moteurs).

A raison, le gouvernement insiste sur le « fléchage » de ces emplois dont il entend bien s'assurer qu'ils viendront renforcer les domaines de la recherche considérés comme prioritaires et les structures les plus dynamiques. C'est là une des orientations majeures de l'actuelle majorité gouvernementale qui, toujours dans l'esprit de la LOLF, veut s'assurer que les moyens déployés iront bien là où la nécessité se fait le plus sentir.

Dans les faits, le caractère prioritaire se décline selon deux niveaux : au niveau des disciplines de recherche d'abord, au niveau des structures ensuite.

Sans surprise et conformément à l'architecture actuelle de gouvernance du système de recherche - dans l'attente de la création du Haut conseil de la science et de la technologie inscrit dans le Pacte pour la recherche - les thématiques retenues comme prioritaires sont celles définies par le Comité interministériel de la recherche scientifique et technique (CIRST), à savoir : sciences du vivant, nouvelles technologies de l'information et de la communication, sciences pour l'ingénieur et énergie et développement durable.

Côté structures, seront privilégiés en priorité les laboratoires et centres de recherche impliqués dans un pôle de compétitivité - dont les mesures en faveur de l'emploi tendent à accompagner la croissance - avec, là encore, à l'intérieur de ces pôles la préférence donnée aux pôles mondiaux (au nombre de six (11)), puis aux pôles à vocation mondiale (au nombre de neuf (12)), enfin, aux autres pôles figurant parmi les 55 finalement retenus, après les 67 labellisées en juillet, au terme de la procédure de sélection pour l'année 2005 (13).

Si, ainsi qu'il l'a affirmé avec force au rapporteur pour avis, M. François Goulard, ministre délégué à la recherche, sera très vigilant sur l'attribution des postes, il reste à savoir si le gouvernement dispose réellement des moyens de flécher précisément ces créations de poste.

Enfin, la priorité accordée par le gouvernement à l'emploi chercheur ne s'apprécie pas uniquement en volume mais se traduit également par un effort très important en faveur de la qualité accrue des emplois, le but poursuivi étant d'individualiser les carrières pour épouser au mieux les aspirations de chacun en adaptant des statuts dont la rigidité et le caractère monolithique ne conviennent plus, en l'état, ni aux nécessités de la recherche ni aux trajectoires professionnelles beaucoup plus riches et moins linéaires voulues par les acteurs eux-mêmes.

Dans l'attente de l'adoption des dispositions de l'avant-projet de loi sur la recherche qui tendent à faciliter, pour les chercheurs académiques, l'investissement au sein des structures de valorisation et les passerelles vers l'entreprise, le présent budget finance plusieurs mesures destinées à organiser la diversification et le décloisonnement des carrières, parmi lesquelles une revalorisation des primes et la possibilité pour les enseignants-chercheurs d'obtenir des décharges de cours (cf. supra).

Pour compléter le dispositif, le rapporteur pour avis estime qu'il serait souhaitable de mettre en place des mécanismes d'aide à la mobilité. Conçu pour répondre au cas de chercheurs amenés, pour de courtes périodes allant de plusieurs semaines à quelques mois, à se rendre dans des laboratoires étrangers ou de professeurs invités, le dispositif devrait offrir un certain nombre de garanties réglementaires et financières permettant au chercheur de faciliter ses démarches. Vraisemblablement d'un coût relativement peu élevé, un tel dispositif constituerait un symbole d'autant plus fort qu'il aiderait, à la veille de la mise en place de l'agence européenne de la recherche (cf. infra), à faire émerger, dans les faits, une Europe de la recherche.

2. Rendre l'espoir aux chercheurs les plus jeunes

Révélateur de la crise qui a parcouru la recherche française il y a tout juste un an, la désespérance des jeunes chercheurs ne s'est pas encore totalement consumée. Le différend est d'autant plus profond que chez ceux qui sont parvenus à ne pas se décourager la passion est intacte. Loin de toute revendication catégorielle, comme le rapporteur pour avis a pu le constater au fil des auditions qu'il a menées, il s'agit bien d'un malaise que quelques mesures ciblées ne suffiront pas à dissiper. Le problème réclame en effet une prise en charge globale qui dépasse la simple dimension de la recherche.

Pourtant, sur ce dossier difficile non plus, le gouvernement n'est pas resté inactif. Rendons ici hommage à l'action menée par M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche du précédent gouvernement, qui, dès l'année dernière, s'est saisi du dossier en inscrivant dans le projet de loi de finances pour 2005 deux millions d'euros pour mettre un terme à la pratique des « libéralités ». Sous ce vocable anodin - dont Le Robert indique qu'il signifie : « disposition à donner généreusement » ou, dans une autre acception : « acte par lequel une personne accorde à une autre sans contrepartie » - se cache en réalité ni plus ni moins le fait pour l'Etat d'échapper aux règles élémentaires du droit du travail en faisant travailler un chercheur sans contrat de travail, s'exonérant ainsi du paiement des charges sociales et organisant de la sorte à son profit une véritable filière de travail au noir. La pratique, à tous points de vue condamnable - et qui répond assez peu à la définition du dictionnaire puisque celui qui donne sans contrepartie, ou si peu, n'est pas celui que l'on croit... - a longtemps prospéré sur l'avantage qu'elle a permis, un temps, de satisfaire les deux partenaires : l'Etat qui trouvait là une occasion de répondre, en partie, à la demande d'emploi des chercheurs au moindre coût ; les chercheurs qui préféraient être employés dans ces conditions insatisfaisantes plutôt que de rester inactifs. Il était temps de mettre un terme à cette pratique déshonorante pour l'Etat et dégradante pour les chercheurs. Le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, M. François Goulard, poursuit l'action entreprise par son prédécesseur de telle sorte que le problème est en voie de règlement. L'Etat se met en règle pour ce qui le concerne et offre aux fondations et associations caritatives qui emploient des chercheurs de prendre à sa charge le paiement des cotisations sociales. Il reste toutefois à veiller que le ministère des affaires étrangères, principal contributeur de l'association Egide, chargée de faciliter les échanges d'étudiants et de stagiaires entre la France et le reste du monde, et grande dispensatrice de libéralités veille également à mettre fin à cette pratique. De la même façon, la mise en place de l'ANR ne doit pas aboutir à faire revenir par la fenêtre une pratique que l'on avait chassée par la porte. Cela relève de l'évidence mais il est préférable de l'affirmer clairement : les crédits distribués par l'ANR dans le cadre du financement sur projet doivent permettre d'embaucher des personnes pour la période du projet pour renforcer les équipes de recherche mais sur de véritables contrats de travail.

Le règlement de cette question est d'autant plus important que la pratique des « libéralités » renvoie les chercheurs à la caricature de l' « éternel étudiant » dans laquelle trop souvent on les enferme et à laquelle ils veulent absolument échapper tant ils entendent s'assumer comme des salariés à part entière et tant cette caricature les dessert auprès d'employeurs qui, par tradition, ont déjà tendance à leur préférer leurs camarades issus des grandes écoles.

La revalorisation de 8 % du taux de l'allocation de recherche au 1er janvier 2006 (avec le maintien d'un haut niveau de recrutement puisque, comme l'année passée, 4000 doctorants deviendront allocataires) participe de cette volonté. Le mode d'intervention est d'autant mieux choisi que l'allocation de recherche a précisément été conçue, à sa création en 1976, comme un outil pour « professionnaliser » les carrières de la recherche. A cet effet, sa valeur avait alors été fixée à un montant relativement élevé correspondant à une fois et demie le salaire minimum. Mais voilà, faute d'avoir été indexée sur le coût de la vie, l'allocation a vu inexorablement sa valeur s'éroder au fil des ans. D'autant que, devant l'afflux massif de nouveaux étudiants au cours des années 1980, le choix politique a été fait, plutôt que de restreindre l'accès de l'allocation aux plus méritants, de partager une enveloppe dont le montant global restait relativement stable. De sorte qu'en dépit de revalorisations ponctuelles et parfois importantes, l'allocation peine aujourd'hui à soutenir la comparaison avec le SMIC. Ce qui au départ devait être le symbole d'un lien plus étroit entre la recherche et le marché du travail s'est mué, au gré de ces vicissitudes, en symbole de la précarisation du jeune chercheur.

De ce point de vue, s'il accueille très favorablement la revalorisation de l'allocation recherche, le rapporteur pour avis regrette toutefois qu'elle ne s'accompagne pas - une fois le montant de l'allocation éloigné du SMIC - d'un mécanisme d'indexation lequel présenterait le double avantage d'offrir une certaine visibilité financière aux chercheurs - ce dont il manque le plus et qui pèse à la fois sur leurs travaux et leur vie quotidienne - et d'apaiser la relation politique-chercheurs. En période de faible tension sur les prix, cette mesure présenterait en outre l'avantage de présenter un coût financier tout à fait supportable.

La difficulté est là que le malaise des jeunes chercheurs plonge ses racines autant dans une situation matérielle difficile que dans une culture française qui peine à les appréhender et dont ils estiment, assez justement d'ailleurs, qu'elle ne reconnaît pas suffisamment leurs mérites.

En ce sens, la création de 100 postes de post-docs supplémentaires à la rentrée 2006 s'ajoutant aux 600 postes déjà ouverts, la mise en place de 100 nouvelles conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) en plus du flux annuel (de 1200), sans compter les nombreuses créations d'emplois à l'université et dans les organismes, constituent indéniablement des éléments forts d'une politique volontariste mais dont il ne faut pas attendre le règlement de toutes les difficultés rencontrées par les jeunes chercheurs.

Qu'on le veuille ou non, et tous les exemples internationaux le montrent - exception faite des pays où la liberté de la recherche n'existe pas - le secteur académique, aussi étendu soit-il, ne suffira jamais à absorber l'ensemble des docteurs formés par l'université. Le secteur privé doit être capable de prendre le relais en leur offrant des opportunités où leurs compétences trouveront à s'exprimer. Or c'est justement ici que le bât blesse : le secteur privé (à l'exception de quelques groupes internationaux familiarisés avec le Phd  (14) qui constitue la norme de l'élite économique et scientifique internationale) ne semble pas prêter grande attention à ce type de profil. Mais comment s'en étonner quand le système éducatif privilégie les grandes écoles et que l'Etat lui-même n'a pas hésité pendant longtemps à traiter les docteurs en salariés de seconde catégorie ? Force est donc de constater que la part de l'image, même si elle renvoie à un cliché, n'est pas totalement absente. Le succès de dispositif tel que les CIFRE montre, par contraste, que lorsque chercheurs et entreprises sont amenés à travailler de concert la collaboration est fructueuse et débouche dans la très grande majorité des cas sur une embauche définitive.

D'où l'idée de mettre en place une mobilisation positive prenant la forme, moins d'une intervention générale de grande ampleur, que de mesures bien ciblées dans plusieurs directions et disposant d'un fort effet de levier. Concrètement, les éléments de cette mobilisation positive pourraient prendre les formes suivantes :

- La mise en place, sur le modèle des CIFRE, de contrats entre les thésards et les institutions publiques et les administrations comme cela avait été proposé par les chercheurs eux-mêmes lors des Etats généraux de la recherche d'octobre 2004 sous l'acronyme CRAPS (conventions de recherche pour l'action publique ou sociétale).

- Lier encore plus fortement que ne le fait la réforme inscrite à l'article 15 du projet de loi de finances, au demeurant extrêmement positive, le bénéfice du crédit d'impôt-recherche (CIR) et l'emploi chercheur en instaurant, par exemple, des mécanismes de déplafonnement pour les dépenses de personnel.

- La reconnaissance du diplôme de docteur dans les conventions collectives (le gouvernement, dans le cadre du Pacte pour la recherche, s'est engagé à en faire la demande aux partenaires sociaux).

- De manière symétrique, côté secteur public, une réflexion est à mener sur les voies et moyens permettant une meilleure reconnaissance du doctorat dans les concours de la fonction publique. Participe de la même réflexion, la possibilité d'ouvrir certains grands corps techniques de l'Etat à des docteurs sélectionnés sur la qualité avérée de leurs compétences. Au-delà de sa relative modestie, cette mesure, une fois inscrite dans la durée, doit permettre de faire évoluer, par la vertu de l'exemple et la force de l'habitude, les mentalités et régénérer ainsi une fonction publique dont les cadres sont tous formés selon le même modèle ce dont ne peuvent que s'enrichir et le monde de l'administration et celui de la recherche. C'est aussi une façon d'encourager la diversification des trajectoires professionnelles des docteurs, y compris à l'intérieur de la sphère publique.

- L'ANR réserve d'ores et déjà une partie de ses crédits aux chercheurs débutants dans le cadre de son programme « Jeunes chercheuses, jeunes chercheurs ». Il pourrait également être envisagé qu'elle réserve une partie de ses crédits aux doctorants dont le projet marquerait un réel intérêt scientifique. Cela présenterait le double intérêt de valoriser l'initiative et de signaler très tôt les meilleurs chercheurs.

L'adoption de telles mesures, venant s'ajouter à la création programmée, dans le cadre du Pacte pour la recherche, présenté le 5 octobre dernier, d'un Observatoire de l'emploi des docteurs (instrument statistique offrant une vision précise de la situation des jeunes chercheurs) et des bourses Descartes (primes destinées aux meilleurs chercheurs afin de les dissuader de poursuivre leurs recherches hors de France) sont de nature à réellement inverser la donne et, à terme, à faire reconnaître la période qui précède et qui suit le doctorat comme une première et véritable expérience professionnelle. Les chiffres de l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) indiquant une augmentation de 39 % de l'embauche des chercheurs sur les douze derniers mois constituent de ce point de vue une incitation forte à poursuivre l'effort engagé.

La mise en place d'un tel dispositif serait d'autant plus aisée que, contrairement à une idée répandue, les jeunes chercheurs, quels qu'ils soient, ne sont pas arc-boutés sur des positions idéologiques.

Plus encore que leurs camarades, ils sont amenés, par la nature même et la pratique de leur métier, à être très tôt très ouverts sur le monde. Très jeunes, la plupart possèdent déjà une expérience internationale. Or que constatent-ils ? Qu'obtenir un emploi sous la forme d'un contrat à durée déterminée (CDD) est en France synonyme de précarité. Muni de ce seul sésame il est très difficile de trouver un logement ou contracter un prêt. Autant de difficultés qui, avec un contrat court, ne se posent pas aux Etats-Unis par exemple, comme a pu le remarquer M. Georges Debrégeas, jeune physicien, membre de Sauvons la recherche, où la reconnaissance du diplôme de docteur et l'environnement socio-économique sont tels que, même employé pour une courte période, le chercheur ne ressent aucune précarité. Propos qui ont entraîné cette conclusion paradoxale d'Alain Trautmann, porte-parole du mouvement : « il ne faut pas faire les choses à moitié, il faut ou bien tout ou bien rien importer du système américain »...

Le rapporteur pour avis estime qu'il est important d'avoir ces éléments à l'esprit lorsqu'on aborde la réflexion sur les moyens de juguler le malaise des jeunes chercheurs. Il ne faut pas se tromper de cible. Ceux-ci ne demandent rien d'autre que de disposer des moyens de mener leurs recherches avec pour eux-mêmes des conditions d'existence décentes et conformes à leur niveau de qualification. Pour le reste s'ils semblent parfois attachés à la défense de statuts, c'est moins pour ceux-ci en tant que tel, qu'en raison de l'environnement socio-économique dans lequel ils s'inscrivent.

En tout état de cause, il ne faut pas perdre de vue que ce qui se joue ici c'est l'avenir de la science française dans sa capacité à attirer les meilleurs éléments d'une génération... son avenir très proche même puisque, tandis que les filières scientifiques connaissent les premiers signes d'une forte désaffection, selon une évaluation fournie par la Confédération des jeunes chercheurs (CJC), doctorants, post-doctorants, jeunes docteurs, les jeunes chercheurs constituent près de la moitié des ressources humaines des laboratoires publics.

II.- LES AGENCES DE MOYENS : LA LOGIQUE
DE LA PERFORMANCE APPLIQUÉE À LA RECHERCHE

Dans la continuité des travaux de la commission qui, d'années en années, thème d'étude par thème d'étude, s'attachent, selon une tradition désormais bien établie, à aborder chacun des domaines dont elle a la compétence par ses multiples facettes, la seconde partie de ce rapport sera consacrée au financement de la recherche sur la base de projets via les agences de moyens.

Sinon inconnu, du moins marginal dans le dispositif de recherche français (en dépit de réussites éclatantes) il y a de cela quelques mois encore, ce type de financement, très largement diffusé à l'étranger, a connu, sous l'impulsion des deux derniers gouvernements, une croissance exceptionnelle avec la mise en place, à quelques mois d'intervalle, de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et de l'Agence pour l'innovation industrielle (AII).

Ce faisant, ces agences, dotées dès leur création de budgets conséquents (350 millions d'euros pour l'ANR et un milliard d'euros pour l'AII), sont rapidement devenues, pour le meilleur et pour le pire, l'emblème de la politique du gouvernement en faveur de la recherche. Il est vrai que, malgré des crédits en faveur de la recherche uniformément en hausse, de telles dotations étaient faites pour attiser les convoitises et la critique est venue rapidement accuser ces agences à peine nées de tous les maux.

Au-delà de ces revendications catégorielles, il n'en demeure pas moins que l'inscription soudaine de ces structures dans le paysage de la recherche française et, en raison du volume de leur financement, l'importance immédiate qu'elles y ont pris ou vont y prendre, impose un questionnement réel sur l'équilibre du dispositif pour l'avenir et le devenir des grands organismes de recherche.

Le rapporteur pour avis n'entend pas se dérober à cette réflexion qu'il mènera au contraire au terme de ses aboutissements. Il ne s'agit pas ici de faire un bilan de l'action menée par ces agences. L'ANR ne peut se prévaloir que de six mois d'activités et l'AII vient à peine de se constituer. S'il est à l'évidence prématuré de contrôler le fonctionnement des structures, il est en revanche tout à fait possible de réfléchir au rôle que doivent jouer les agences - et le mode de financement qu'elles incarnent - et à leur articulation avec les structures existantes de la recherche.

Le moment est doublement propice car le thème du financement sur projet s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) - dont le slogan pourrait être : « pour une logique de la performance » - et il ne serait pas abusif d'affirmer que l'agence de moyens est, dans ses mécanismes et sa finalité, l'opérateur par excellence de cette logique-là.

A. LE FINANCEMENT SUR LA BASE DE PROJETS : ATOUTS ET FAIBLESSES

S'il n'existe pas à proprement parlé de définition de l'agence de moyens et du financement sur projets, il existe toutefois des références incontournables, au premier rang desquelles la National science foundation (NSF) américaine, et des pratiques communes que l'on retrouve de façon généralisée dans toutes ses structures quel que soit le pays. De telle sorte qu'une agence de moyens pourrait être qualifiée ainsi : une structure dont la vocation est de financer des projets de recherche, sur la base d'appels d'offre, après évaluation de ces projets.

1. Un atout majeur : une juste et pertinente allocation des moyens

L'atout décisif des agences de moyens est de favoriser l'excellence en opérant une sélection entre les projets qu'elles reçoivent et les projets qu'elles financent. Il est communément admis, comme le rappelait au rapporteur pour avis Mme Catherine Bréchignac, ancienne directrice générale du CNRS et membre du comité d'identification pour la création du European research council (ERC), que, pour qu'une agence fonctionne bien, elle doit financer entre 20 à 30 % des projets qui lui sont présentés. Au-delà, le tri n'étant pas suffisamment sélectif, l'agence perd sa raison d'être et les projets financés risquent fort de ne pas présenter l'intérêt escompté ; en deçà, les scientifiques sont amenés à ne plus répondre aux appels à projets estimant que le temps passé à rédiger les dossiers de candidature, qui les dissipe de leur recherche, est un sacrifice trop grand pour un résultat bien trop incertain.

Les agences sont ainsi les vecteurs d'une réelle sélectivité, beaucoup plus grande que dans les organismes de recherche par exemple où, comme c'est le cas au CNRS, l'échelle de différenciation des équipes en fonction des résultats de leur évaluation est beaucoup plus marginale.

L'agence de moyens se présente ainsi comme la structure idoine contre la tendance française de saupoudrage de crédits.

Ce type de structure dispose enfin de deux autres atouts considérables. D'une part, c'est du moins la solution retenue en France avec l'ANR, elle présente un caractère transversal : finançant aussi bien les sciences humaines que les sciences dures, les opérateurs publics que les opérateurs privés.

Autre point fort de l'agence de moyens, parce qu'elle consacre une partie de ses crédits au financement de projets thématiques, dont les grandes orientations ont été définies par les instances dirigeantes de l'agence, celle-ci peut constituer un excellent outil de pilotage de la politique de recherche telle qu'elle est définie par le pouvoir politique détenteur de l'autorité légitime après avis de représentants éminents de la communauté scientifique. Une telle articulation fonctionne très bien aux Etats-Unis où les agences constituent un relais efficace de l'Office of science and technology policy (OSTP), à qui il revient de proposer les orientations de la politique de recherche, et du Congrès, à qui il revient en dernier ressort de décider de ces orientations.

Toutefois ce pilotage ne signifie pas embrigadement de la recherche, comme certains veulent le faire croire - idée relayée à la Une du Monde du 19 octobre -, puisqu'il est de tradition (la NSF et l'ANR ne font pas exception) de réserver une partie des crédits de l'agence à des projets dits blancs c'est-à-dire dont le champ d'investigation est laissé à la libre appréciation du chercheur pourvu que le projet semble démontré un intérêt.

2. Une condition nécessaire : un système d'évaluation fort et reconnu par tous

Contrepartie indispensable d'un système fondé sur la sélectivité, les agences de moyens doivent nécessairement appuyer leurs sélections sur une évaluation incontestable dans ses méthodes et incontestée dans ses résultats. La suspicion n'est pas permise quant aux motifs qui ont décidé l'agence à retenir et à financer tel projet plutôt que tel autre. Le seul critère de choix doit être et demeurer la pertinence scientifique du projet présenté, hors de toute autre considération.

La mise en place des agences réclamera donc une certaine adaptation puisque, culturellement et quelques grands organismes mis à part, l'évaluation n'est, ni dans ses méthodes, ni dans son application, ni dans ses effets, une pratique généralisée de la recherche française. Les premiers pas de l'ANR sont d'ailleurs déjà entachés de suspicion ; gageons que celle-ci ne soit que l'effet de la précipitation dans laquelle, cette année, le dispositif s'est mis en place.

Une évaluation incontestable, c'est enfin une évaluation transparente. Conformément aux meilleures pratiques internationales, il apparaît difficile de publier les noms des experts qui ont apprécié chaque dossier (15) ; en revanche les modalités de l'évaluation et la composition des comités d'évaluation chargés de valider la notation de l'expert doivent impérativement être rendues publique. De la même façon, il convient que toutes les personnes dont le projet n'a pas été retenu puissent connaître les raisons qui ont motivé cette décision.

3. Une faiblesse : un dispositif qui ne permet pas d'entretenir un tissu de chercheurs

Si l'agence de moyens dispose indéniablement d'atouts remarquables comme structure de la recherche, elle dispose également d'une limite évidente. De par sa nature même, l'agence de moyens, qui finance au coup par coup les meilleurs des projets qui lui sont présentés, n'est pas un outil de financement ni d'organisation d'un vivier de chercheurs. Autrement dit, un système de recherche performant ne pourrait survivre sur l'intervention de ce seul mode de financement.

Ceci est à ce point vrai qu'aux Etats-Unis même où les agences de moyens sont très développés des structures sont là pour offrir des positions permanentes aux chercheurs : les universités d'une part mais également les agences de moyens elles-mêmes qui toutes, à l'exception notable de la NSF, sont également opérateurs de recherche et disposent de leurs propres laboratoires.

De sorte que, et contrairement à ce qui se dit ou s'écrit parfois, agences de moyens d'un côté et organismes et universités de l'autre ne sont pas incompatibles mais bien complémentaires ; les premiers concernés, M. Bernard Larrouturou, directeur général du CNRS, M. Christian Bréchot, directeur général de l'INSERM, et M. Gilles Bloch, directeur de l'ANR, ont bien conscience de cette vérité même s'ils peuvent diverger sur ses conséquences pratiques.

B. UN MODÈLE DE FINANCEMENT INTERNATIONALEMENT RECONNU

Outil efficace de financement de la recherche, les agences de moyens ont assez naturellement proliféré dans les grandes nations scientifiques du monde. La sphère anglo-saxonne, Etats-Unis en tête, donne évidemment le « la » mais les nations continentales ou scandinaves ne sont pas en reste.

Au final, c'est bien la France qui apparaissait, il y a quelques mois encore, en retard sur ce point, en dépit de réussites éclatantes en la matière mais dont la modestie, en terme de taille des structures comparée à celle de certains grands organismes, réduisait l'écho.

Fort du succès de tels types de structures, Bruxelles tente à son tour de mettre en place une agence de moyens à l'échelle de l'Union avec l'ambition de constituer un outil susceptible de fédérer la science européenne.

1. « Tour du monde » de la place des agences de moyens dans les dispositifs de recherche nationaux

a) Les agences de moyens au cœur du dispositif de recherche américain

Incontestablement, le dispositif américain est le plus connu, celui également qui fait figure de référence au niveau international. A cela plusieurs raisons. D'une part, les résultats obtenus par la recherche américaine qui la place invariablement au premier rang mondial loin devant ses concurrentes. Pour s'en tenir à deux indicateurs très largement diffusés, le classement mondial des universités établi par l'université de Shangaï et le prix Nobel, cette hégémonie ne fait pas de doute : 53 des 100 premières universités sont américaines (celles-ci accaparant 17 des 20 premiers rangs) ; côté prix Nobel, si le cru 2005 est moins flatteur pour la recherche américaine que les précédents elle se réserve néanmoins six des dix prix (soit la majorité) décernés en physique, chimie, économie et médecine. D'autre part, en raison de sa forte capacité d'attraction, nombreux sont les chercheurs français à avoir à un moment ou un autre de leur carrière été amenés à travailler sur le sol américain ce qui leur a permis d'acquérir une connaissance pratique du dispositif. La très forte capacité de financement américain (290 milliards de dollars en 2002, soit, selon les estimations de l'OCDE, 37 % de la dépense mondiale) fait également que de nombreux scientifiques français ont sollicité, avec succès, les agences américaines pour financer leurs propres travaux. Enfin, et plus trivialement, la capacité des Etats-Unis à mettre en scène les défis scientifiques qu'ils conduisent font que rares dans le monde sont ceux qui ignorent que la NASA existe...

Cela nous incitera donc à être bref. Toutefois, cette connaissance n'empêche pas la permanence de certaines idées reçues et il importe de rappeler le dispositif dans ses grandes lignes.

Les Etats-Unis disposent de plusieurs agences de moyens, six au total (16), mais toutes ne sont pas construites sur le même modèle ; la moitié d'entre elles seulement sont statutairement indépendantes - NSF, NASA et NOAA - parmi lesquelles ne figure pas celle qui bénéficie, et de loin, des financements les plus importants : les National institutes of health (NIH).

Autre donnée importante, les agences de moyens, si elles jouent un rôle structurant dans le dispositif de recherche américain, gèrent moins de la moitié des crédits publics de recherche et développement, l'essentiel de la manne étant gérée directement au niveau des ministères - et au premier chef par le department of defense (DOD) et le department of energy (DOE) - qui les distribuent ensuite aux universités et aux entreprises concernées. La césure doit cependant être nuancée par le fait que pour la distribution des crédits les départements ministériels se comportent en agences de moyens en privilégiant les procédures d'appels d'offre sur la base de projets.

Enfin, autre élément à conserver à l'esprit et dont il a été question plus haut, à l'exception de la NSF, toutes les autres agences de moyens américaines disposent de leurs propres laboratoires. Mais là encore le propos doit être tempéré pour ne pas faire illusion puisque pour prendre l'exemple de la NIH (deuxième contributeur de la recherche publique américaine après le department of defense), 90 % des crédits qu'elle distribue le sont à des chercheurs « extra-muros », c'est-à-dire n'appartenant pas à ses propres structures.

b) Des agences de moyens très présentes dans les dispositifs européens

La force - d'attraction ou de répulsion, c'est selon - de l'exemple américain est telle qu'il en vient à masquer que, plus près de nous, en Europe, les agences de moyens constituent, et dans certains cas depuis de très longues années, un mode courant de financement de la recherche.

L'étude de trois exemples bien choisis suffit à apporter un éclairage révélateur : le cas de l'Allemagne, du Royaume-Uni et celui de la Finlande ; et cela pour trois raisons.

Avec la France, ces trois pays, concentrent les deux tiers de l'effort de recherche de l'Union européenne (la Finlande entre ici pour une part négligeable).

Deuxièmement, le Royaume-Uni et l'Allemagne qui, avec la France, forment le trio de tête de la recherche européenne, précèdent celle-ci dans le classement des publications scientifiques mondiales, le Royaume-Uni occupant la troisième place devant l'Allemagne quatrième et la France cinquième malgré une dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) très largement inférieure à ses deux partenaires (17).

Enfin, la Finlande, quoique son poids dans la recherche européenne, conforme en cela à sa démographie, ne soit pas comparable à celui de la France, constitue un exemple très intéressant puisque, au prix d'une réforme hardie de ses structures de recherche, elle est parvenue à dynamiser un secteur scientifique jusque-là atone et à en faire le fer de lance d'une reconquête économique.

Si l'on observe maintenant les dispositifs de recherche de ses trois pays - lesquels sont au demeurant constitutifs de trois modèles socio-économiques différents : anglo-saxon, continental et scandinave -, on constate que, dans tous les cas, les agences de moyens y jouent un rôle important.

Si les universités sont les principaux opérateurs de la recherche britannique, l'essentiel du financement est assuré par huit agences de moyens disciplinaires - à l'exception du Council for the central laboratory of the research councils (CCLRC) dont la vocation est multidisciplinaire -, ou Reaserch Councils, dont le plus connu est sans nul doute le Medical Research Council (MRC), actif dans le domaine de la santé (18). A l'exception du Biotechnology biological science research council (BBSRC) et du MRC, qui disposent chacun de leurs propres laboratoires, tous les autres councils sont de pures agences de moyens.

Outre-Rhin également le financement sur projet est fortement sollicité puisqu'il entre pour la moitié environ de l'effort public de recherche. Ces crédits sont essentiellement distribués selon deux canaux distincts : par la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG) - littéralement Société allemande de recherche -, organisme indépendant et généraliste de financement de la recherche, et par la Fraunhofer Gesellschaft (société Fraunhofer), qui constitue le trait d'union entre la recherche et ses applications industrielles.

Plus au nord, la Finlande est la démonstration qu'en dépit de moyens limités un pays peut disposer d'une recherche performante pourvu que l'allocation des moyens soit optimisée. Le dispositif de recherche finlandais possède en outre cette originalité d'être très récent puisqu'il est pour l'essentiel le résultat des réformes entreprises à la suite de la grave crise économique qui a atteint le pays au milieu des années 1990 et au cours de laquelle le taux de chômage a atteint les 20 % de la population active. Là encore priorité a été donnée au financement sur projets via des agences de moyens puisque celles-ci concentrent en leurs mains la gestion de 40 % de l'effort public de recherche. Dans son organisation, le dispositif est très simple puisque deux agences se partagent la distribution des financements : l'Académie de Finlande, qui intervient dans le champ de la recherche fondamentale, et le TEKES, agence qui finance l'application de la recherche.

Au terme de cet exercice comparatif, que constate-t-on sinon que la France fait figure d'exception. Tandis que dans tous les pays que nous venons d'évoquer, et qui figurent les plus grandes et/ou sinon les plus dynamiques nations de recherche, le financement de la recherche sur projets distribuée par les agences atteint peu ou prou la moitié de l'effort public de recherche, en France, en 2005, les crédits incitatifs ne représentaient que 3,8 % de l'effort public global... Même si la comparaison a ses limites puisque contrairement à ce qui se passe dans certains pays, et notamment aux Etats-Unis, les crédits incitatifs français ne tiennent pas compte des dépenses de personnels, assurées par un autre circuit de financement, l'écart est suffisamment grand pour interroger et, dans tous les cas, relativiser la critique concernant la mise en place d'agences de moyens qui condamnerait à mort le reste du dispositif.

2. L'European Research Council (ERC) : bientôt une agence européenne de la recherche

Le fait que deux des trois plus grands contributeurs de la recherche dans l'Union recourent depuis longtemps déjà aux agences de moyens pour le financement de la recherche et que le troisième de ces grands contributeurs, la France en l'occurrence, s'inscrit désormais résolument dans cette voie, n'entre sans doute pas pour rien dans la décision de l'Union de mener une réflexion sur la création d'une agence de moyens européenne.

Ne nous y trompons pas, la création de cette agence constituerait un changement de perspective majeure dans la construction de l'Europe de la recherche. De ce point de vue, l'analyse est d'autant plus intéressante qu'elle renvoie, par certains aspects, à la situation française. En effet, si jusqu'alors la politique européenne de recherche, via le programme-cadre de recherche et développement (PCRD), plan pluriannuel de financement de la recherche, mettait essentiellement l'accent sur une logique d'aménagement du territoire et de rattrapage scientifique pour les pays de l'Union les moins avancés - les projets susceptibles de recevoir des subsides européens devant impérativement associer des scientifiques et des laboratoires issus de plusieurs Etats de l'Union -, la création d'une agence de moyens, venant en plus du PCRD, rééquilibrerait la philosophie de l'action européenne dans le domaine de la recherche dans le sens d'une prime donnée à l'excellence.

Ce sont en tout cas les termes du cahier des charges retenu jusqu'ici à Bruxelles comme a pu le confirmer au rapporteur pour avis Mme Catherine Bréchignac, choisie par le commissaire européen à la recherche, M. Janez Potocnik, pour figurer parmi les cinq personnalités du monde scientifique européen chargées de désigner à leur tour les membres du comité scientifique du futur Conseil européen de la recherche ou European Research Council (ERC).

Bien que la future instance de la recherche européenne soit désignée sous le terme de conseil il s'agit bel et bien d'une agence de moyens ; le terme conseil, dans le cas d'espèce, étant la traduction littérale de council dans la terminologie britannique. Mais, conformément à l'usage anglais, l'ERC sera aussi un conseil - cette fois dans l'acception française retenue notamment pour le futur Haut conseil de la science et de la technologie - puisqu'il lui reviendra également de réfléchir aux orientations de la recherche communautaire.

Si la référence à la NSF est, aux dires de Mme Catherine Bréchignac, omniprésente, la future ERC s'écarte toutefois de son aînée américaine sur quelques points. Au sommet, un comité scientifique de vingt-deux membres - parmi lesquels une personnalité membre d'un Etat non communautaire, en l'occurrence un Suisse - qui désignera le président du Conseil en son sein. Son rôle : définir la politique de l'agence et valider l'évaluation des projets réalisée par des experts choisis selon leurs compétences conformément aux meilleures pratiques internationales pour l'attribution des crédits. L'ERC aura vocation à financer tous les types de recherche - et pas seulement la recherche fondamentale - en favorisant la recherche ouverte. Pour cela elle disposerait, selon les informations issues des dernières négociations en cours, d'un budget d'environ 1,5 milliard d'euros.

Reste cependant qu'au niveau des instances politiques européennes, le débat n'est pas complètement tranché sur les modalités d'organisation du Conseil. Si le commissaire européen, M. Janez Potocnik, semble désireux d'assurer à ce dernier les moyens d'une très large indépendance, quelques questions encore demeurées en suspens, comme le mode de renouvellement des membres du conseil scientifique ou la structure juridique du Conseil, laissent à penser que les choses sont loin d'être figées.

Il n'en demeure pas moins que, sur son principe, la constitution de l'ERC est vivement soutenue aussi bien par le gouvernement français qu'unanimement par nos chercheurs, qu'ils soient ou non favorables, et c'est à noter, au renforcement de ce type de dispositif sur le sol national.

3. Les expériences françaises : une réussite certaine, une diffusion incertaine

Il est assez étonnant de constater qu'un pays comme la France, qui a placé la méritocratie au cœur de son pacte républicain, a laissé à d'autres le soin de développer un mode de financement assis sur le seul critère de l'excellence lui préférant le saupoudrage des crédits dont la seule vertu est d'assurer une égalité de façade entre tous les récipiendaires.

La tradition semble si bien ancrée qu'il peut être considéré comme une faute de la part d'un dirigeant d'un grand organisme scientifique « de favoriser l'avancement au mérite ». C'est en tous les cas, comme le rapporte le Monde du 28 juin dernier, un des « grief(s) » retenu par les chercheurs contre M. Philippe Kourilsky, directeur général de l'Institut Pasteur, et qui l'ont contraint à la démission.

Cet exemple montre assez bien les difficultés encourues par qui veut favoriser un mode de financement assis sur le mérite et la révolution copernicienne que semble constituer pour beaucoup la simple instillation d'une dose de financement sur projets dans un système privilégiant encore très largement - y compris compte tenu des orientations prévues en 2006 - le financement récurrent des laboratoires. Des expériences pourtant existent, depuis plusieurs années déjà. Et, bien que toutes aient largement démontré leur réussite, il a fallu attendre longtemps, en réalité ces derniers mois, pour que ces exemples fassent école.

a) Oséo-Anvar : une agence pour promouvoir l'innovation

Doyenne des agences de financement française dans le secteur recherche et développement, l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) a été créée en 1968 avec pour mission de valoriser les résultats de la recherche scientifique en favorisant leur application industrielle. Près de quarante ans après sa création, l'agence a fait la preuve de sa nécessité et de ses compétences puisque, devenue entre temps Agence française de l'innovation, elle s'est, depuis cette année, rapprochée de la Banque des petites et moyennes entreprises (BDPME) pour former une nouvelle entité aux attributions élargies et aux moyens d'intervention renforcés : le groupe Oséo-Anvar. Avec, en 2004, le soutien à 3680 projets correspondant à des engagements s'élevant à 260 millions, distribués sous la forme d'avances remboursables ou de subventions, Oséo-Anvar se révèle ainsi être un acteur majeur du lien science-économie et du tissu économique dans notre pays, rôle encore renforcé par son implication dans le dispositif des pôles de compétitivités.

b) Des financements sur projets hors agences

Point n'est forcément besoin de mettre en place des agences de moyens pour utiliser des crédits selon le mode du financement sur projet. C'est ce qu'a très bien démontré le ministère de la recherche jusque très récemment par l'intermédiaire de la gestion deux fonds : le Fonds de la recherche et de la technologie (FRT), créé par le décret du 9 décembre 1959, et le Fonds national de la science (FNS), institué en 1999 par le gouvernement de M. Lionel Jospin pour rassembler dans une même entité les moyens d'incitation du ministère en faveur de la recherche fondamentale.

Dans les faits, le FRT et le FNS ne constituent rien d'autre que la préfiguration des agences dont le gouvernement vient de décider la création, la meilleure preuve étant qu'il est revenu à l'ANR d'assurer le suivi de la gestion des crédits attribués par ces fonds (dont le montant restait somme toute modeste puisque, pour leur dernière année d'existence, en 2004, les autorisations de programmes cumulées des deux fonds s'élevaient à 334 millions d'euros). A cette réserve près, mais elle n'est pas anodine, que l'ANR, de par son organisation, offre assurément plus de garantie de transparence dans l'attribution des financements.

c) L'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales B et C (ANRS) : une réussite éclatante

Organisation à la fois la plus originale et qui offre le meilleur éclairage sur les atouts que peut offrir une agence de moyens mise au service de la recherche, l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales B et C (ANRS) a été créé en 1992. Malgré la modestie de ses moyens -  44 personnes et un budget annuel de 42 millions d'euros pour 2005 - mais soutenue par la passion et la compétence des hommes qui se sont succédés à sa tête, l'ANRS a su rapidement s'imposer comme une référence mondiale incontestée dans son secteur où elle joue désormais les premiers rôles au coude à coude avec les Etats-Unis.

Ce succès repose essentiellement, de l'aveu même de son directeur, M. Jean-François Delfraissy, sur le mode d'organisation retenu pour mener ces recherches. Ne disposant pas de personnel en propre - exception faite du poste de secrétaire général dont l'agence prend la rémunération en charge - mais uniquement de personnel mis à disposition par les grands organismes ou l'université et distribuant ses crédits, après appels d'offres et évaluation (par des instances où la composante étrangère est forte), à des projets répondant à des axes de recherche prioritaires définis par l'agence (65 %) ou à des projets libres (35 %), la structure, légère, est toute tendue vers sa mission : faire progresser la recherche.

Ces modalités d'organisation posent parfois quelques difficultés. Mais, comme l'a déclaré au rapporteur pour avis M. Jean-François Delfraissy, si la tentation est grande de vouloir disposer de personnel en propre, il faut absolument s'en défendre, au risque sinon de briser la souplesse - et la tension - du dispositif qui fait toute sa force... De sorte que le directeur n'est pas favorable au retour, plusieurs fois évoqué, de l'agence dans le giron de l'INSERM, y voyant le risque d'une perte de dynamisme du dispositif ; c'est sans doute là un point de vue à considérer...

C. LA MISE EN PLACE DU DISPOSITIF FRANÇAIS

Fort des expériences internationales et des résultats des « expérimentations » françaises, le gouvernement et sa majorité ont donc décidé la création, coup sur coup, en l'espace de quelques mois, de deux agences de moyens, l'Agence nationale de la recherche (ANR) et l'Agence de l'innovation industrielle (AII), dont le rapporteur pour avis a rencontré les têtes, respectivement M. Gilles Bloch pour l'ANR et M. Robert Havas pour l'AII.

1. L'Agence nationale de la recherche (ANR) : la National science foundation (NSF) française

Annoncée en juin 2004 par le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, dotée par anticipation de 350 millions d'euros en loi de finances pour 2005, l'Agence nationale de la recherche (ANR) a finalement été mise en place en février de cette année.

Déclinaison de la NSF américaine, dont elle s'écarte pourtant par plusieurs aspects, l'ANR est une agence de moyens destinée à financer la recherche sur la base d'appels à projets, sans distinction du statut des opérateurs, et selon deux grandes modalités : le financement de recherches thématiques sur la base de grandes orientations déterminées par l'agence et le financement de projets dits blancs, c'est-à-dire laissés à la liberté de leur auteur et que l'agence à vocation à financer, quel que soit le champ disciplinaire abordé, une fois la pertinence de la démarche établie.

Administrativement, l'agence est une structure légère (19), composée d'une trentaine de personnes. Si elle se réserve en propre le pilotage de la structure et le contrôle de la sélection des dossiers, en revanche l'évaluation de ces derniers est réalisée par des experts extérieurs choisis pour leurs compétences auprès d'une dizaine d'établissements de la recherche académique et pour une part, encore trop faible de 10 %, par des experts étrangers, à raison de deux experts par dossier.

En résumé, et malgré quelques critiques relatives aux conditions de l'évaluation très largement imputables à la précipitation dans laquelle se sont faits les premiers appels d'offre, l'ANR, dans ses structures et ses méthodes, répond aux canons internationaux de bonnes pratiques : une charte de déontologie a été rédigée et, dès l'année prochaine, le refus d'un dossier sera motivé dès le premier envoi et, en cas de recours, une courte note argumentée sera envoyée à tous ceux qui en feront la demande.

Le moins que l'on puisse dire est que la mise en place du dispositif, conduite par le directeur de l'agence, M. Gilles Bloch, a été très rapide. Huit mois pour créer la structure, définir les programmes de recherche, lancer les appels à projet, évaluer et sélectionner les dossiers et enfin, dernière étape, financer les laboratoires qui pour certains recevront leurs financements dès ce mois-ci.

Ce succès montre également combien l'agence répondait à l'attente des chercheurs qui, en l'espace de quelques semaines, sont parvenus à fédérer des compétences et à définir des projets. Plus de 5400 dossiers, pour une demande de crédits s'élevant à 2,4 milliards d'euros ont ainsi été présentés à l'agence qui, au terme du processus de sélection, en a retenu 25 % pour un montant de 560 millions d'euros.

Autre mesure du succès indéniable de l'agence : ceux-là même qui mettaient en doute la pertinence d'une telle structure ont recouru à ses services. Ainsi, M. Alain Trautmann, porte-parole du mouvement Sauvons la recherche, a-t-il reconnu devant le rapporteur pour avis avoir répondu à un appel d'offre de l'agence...

2. L'Agence de l'innovation industrielle (AII) : une agence pour soutenir l'effort privé de recherche

Créée par l'article 19 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie et le décret n° 2005-1021 du 25 août 2005, l'Agence de l'innovation industrielle (AII) fait directement suite aux conclusions du rapport de M. Jean-Louis Beffa, président-directeur général de Saint-Gobain, publié en janvier de cette année et intitulé Pour une nouvelle politique industrielle.

Constatant la faiblesse de la recherche privée dans notre pays et notamment le manque de vitalité des très grandes entreprises françaises dans le secteur des hautes technologies, le rapport préconisait de mettre en place, dans un certain nombre de secteurs choisis pour leur potentiel économique, des programmes mobilisateurs de grande ampleur pour l'innovation industrielle prenant la forme d'un partenariat, sur une durée de cinq à dix ans, entre les entreprises et la puissance publique, cette dernière s'engageant à prendre à sa charge la moitié de la dépense de recherche par la voie de subventions ou d'avances remboursables.

Ce programme, qui incarne ce que d'aucuns ont qualifié de retour des grands projets gaulliens (20), s'est désormais intégralement incarné dans les faits puisque l'AII est désormais une réalité et que les propositions initiales ont survécu à l'examen normatif. Pour l'heure cependant, l'agence en est au stade de la mise en place. Sous la conduite de M. Robert Havas, ancien responsable des programmes coopératifs chez Thomson, nommé président du directoire pour sa connaissance du monde de la recherche en entreprise, elle entend rapidement être opérationnelle. D'ores et déjà quatre programmes ont été identifiés dans les domaines suivants : le traitement automatique des contenus multimédias, le développement des technologies laser à des fins médicales, l'imagerie moléculaire à très haut champ et les réseaux interopérables dans le domaine de la téléphonie mobile.

Pour l'avenir, le président du directoire entend limiter l'action de l'agence à des domaines véritablement stratégiques (21) dans lesquels l'effet de levier est important. Dans ce cadre, l'effet pépite sera recherché mais les programmes n'ayant d'autre but que de provoquer des effets d'aubaine ou les programmes, conformes à la mode du moment mais présentant peu d'intérêt économique, seront proscrits. La dimension européenne sera recherchée (cf. infra) ainsi que l'association des PME aux projets, point sur lequel le rapporteur pour avis sera très vigilant.

D. QUEL ÉQUILIBRE ET QUEL DISPOSITIF POUR L'AVENIR ?

Et maintenant... Les agences sont désormais inscrites dans le paysage de la recherche française, comprise dans son continuum recherche-innovation. Avec elles, c'est à une accélération considérable du recours au financement sur projet dans notre pays qu'on assiste.

Si le rapporteur pour avis estime cette nouvelle dynamique tout à fait positive, il n'en demeure pas moins qu'elle pose indéniablement une série de questions sur l'équilibre du dispositif français de recherche pour l'avenir.

1. L'articulation entre les agences : favoriser les complémentarités, éviter les doublons

Dans le rapport de la mission d'information sur la recherche publique et privée en France face au défi international (22), M. Jean-Pierre Door, député du Loiret, a bien montré qu'un des maux principaux de la recherche française est sa difficulté à associer dans un même élan recherche académique et innovation, c'est-à-dire ce qui fait précisément la force des systèmes de recherche performants.

Aussi, la création de deux agences de moyens distinctes, l'une se réservant plus particulièrement l'intervention dans le champ de la recherche fondamentale, l'autre investissant le champ privé, portait-elle en germes le risque de figer une situation que l'on voulait précisément faire évoluer. Le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, M. Jean-Michel Dubernard, est d'ailleurs intervenu lors du débat sur le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie créant l'AII pour faire part au gouvernement de ses craintes.

Au final, la complémentarité des agences, dont les champs de compétences sont assez bien délimités, est assurée par une liaison structurelle prenant la forme de la présence croisée du directeur de l'ANR et du président du directoire de l'AII dans le conseil d'administration de chaque agence. Interrogés sur ce point par le rapporteur pour avis, M. Gilles Bloch et M. Robert Havas ont fait par de leur volonté de travailler en commun afin d'éviter empiétements et doublons. De la même façon, M. Robert Havas a indiqué souhaiter coopérer, dans le sens de la complémentarité d'action, avec Oséo-Anvar.

Enfin, les exemples étrangers, et notamment celui de la Finlande, où existe une division similaire entre une agence chargée du financement de la recherche académique et une agence de l'innovation (cf. supra), montrent que la complémentarité est possible et ne remet pas en cause l'efficacité du dispositif.

2. L'articulation entre les agences et le reste du dispositif : une logique de concurrence ?

Plus délicat et plus lourd de conséquence pour l'avenir est sans nul doute l'équilibre à trouver entre financement sur projets dans le cadre des agences de moyens et financement récurrent de la recherche via les organismes de recherche et les universités.

Cette question est également celle qui cristallise les craintes des chercheurs.

a) Des agences de moyens qui doivent le rester

Les crédits très importants que se sont vues octroyer les agences de moyens dès leur création ont immédiatement suscité la convoitise. De ceux qui souhaitent que l'ANR finance les organismes et non directement les chercheurs, à ceux qui souhaitent réserver une part de ses financements à telle ou telle initiative, louable au demeurant (tel que le « programme rouge » préconisé par l'Institut Montaigne (23)), le risque est grand, au final, de voir les agences, par touches successives, être détournées de leur mission première et les financements sur projets, qui possèdent seuls un effet de levier important, se réduire comme peau de chagrin. Ce risque est d'autant plus grand que le gouvernement lui-même s'autorise de telles entorses en réservant 15 % des moyens nouveaux de l'agence pour 2006 au financement des « labels Carnot », initiative intéressante mais dont on se demande s'il revient véritablement à l'agence de la financer (24).

b) La création des agences de moyens ne remet pas en cause l'existence des organismes de recherche

A contrario, les agences de moyens n'ont pas vocation à empiéter sur les structures existantes de la recherche académique. D'ailleurs, contrairement, à une information que l'on retrouve parfois relayée par certains journaux, la croissance des agences ne se fait pas au détriment des organismes puisque leurs crédits respectifs augmentent de concert, même s'il est vrai que ceux dédiés aux agences croissent beaucoup plus vite ce qui est tout à fait logique pour des structures naissantes. Rappelons également qu'universités et organismes de recherche ont naturellement vocation à recevoir en retour les crédits dévolus à l'ANR via les financements obtenus par leurs propres chercheurs.

La logique de concurrence entre ces différents établissements est d'autant moins à craindre qu'ils poursuivent des logiques très différentes. Ainsi, la vocation de l'agence est de favoriser les effets de levier que peuvent susciter des crédits supplémentaires dans la promotion de certains projets et de certaines équipes. Et si, une part des crédits qu'elle verse finance du personnel, l'agence n'a en revanche pas vocation à entretenir un vivier de chercheurs sur des positions permanentes. Or cela est indispensable à la préservation d'une recherche de qualité et à la réussite même de l'agence qui vient y puiser ceux qu'elle finance. La pérennité des organismes et des universités n'est donc pas remise en cause par l'émergence des agences.

La contradiction est d'autant moins évidente qu'à l'instar de ce qui se pratique à l'étranger (cf. supra), agences de moyens et opérateurs de recherche peuvent coexister à l'intérieur d'une même entité. Suivant les exemples du MRC britannique et des NIH américains, c'est d'ailleurs la synthèse que, toutes proportions gardées, tente de réaliser M. Christian Bréchot dans l'établissement qu'il dirige, l'INSERM. De ce point de vue, il convient de faire très attention à ce que la mise en place d'une agence indépendante ne vienne pas court-circuiter la réforme en cours. Là aussi les complémentarités existent et doivent jouer.

Autre crainte régulièrement exprimée, notamment par les responsables des organismes de recherche, celle de voir, avec le développement des agences, leurs crédits ne plus couvrir que les frais de fonctionnement et de personnel - le jargon n'utilise-t-il pas fort justement l'expression de « soutien de base » pour désigner ces crédits - et de voir ainsi toute possibilité de mener une politique d'établissement leur échapper. Cette crainte est à prendre en considération et cela d'autant plus que les dirigeants de ces organismes, tel M. Christian Bréchot, mettent actuellement tout en œuvre pour redynamiser leurs établissements. Si d'aventure les moyens de leur politique leur étaient ôtés, il va de soi que la réforme entreprise deviendrait impossible. Qui plus est, personne n'a intérêt à ce que les organismes de recherche et les universités deviennent une simple collection de laboratoires unis simplement par une fragile tutelle administrative et dépourvue de direction collective. Dans l'intérêt de la recherche française, il faut continuer à faire vivre des solidarités d'établissements. Les exemples de réussites scientifiques montrent que la collaboration d'acteurs de disciplines différentes est au cœur même du processus de progrès scientifique.

A un niveau inférieur, des inquiétudes se font jour également, de la part du mouvement Sauvons la recherche, de voir la solidarité du laboratoire battue en brèche par l'immixtion de financements issus d'agences privilégiant les initiatives individuelles. Si la crainte n'est pas infondée de voir se déstructurer des équipes dont la cohésion fait la force, la parade est simple. Il suffit en effet, comme le précise Mme Catherine Bréchignac, de demander aux chercheurs qui présentent des projets à l'ANR que leur dossier soit visé par le directeur du laboratoire lequel pourra ainsi établir sa politique scientifique en fonction des initiatives de chacun.

A l'évidence, les complémentarités sont plus nombreuses que les points de divergence. Cela est si vrai d'ailleurs que sur la question du financement à terme de l'ANR, les points de vue des acteurs convergent très largement. Les documents annexés à l'avant-projet de loi sur la recherche évoquent une perspective financière de 1,3 milliard d'euros à l'horizon 2010. Ce chiffre correspond aux vœux de M. Gilles Bloch, directeur de l'agence ; il excède de peu le montant considéré comme raisonnable par le directeur général du CNRS, M. Bernard Larrouturou, qui préconise 1 milliard d'euros (estimant qu'un ratio de 5 % des crédits sur projet par rapport à l'effort public de recherche offre un réel impact sur l'évolution de la production scientifique) et, enfin, il convient tout à fait à la Conférence des présidents d'université (CPU), d'accord avec le principe d'une agence et de son financement à un haut niveau tant que les crédits de la recherche universitaire augmentent également.

3. Un dispositif qui doit favoriser une meilleure intégration de la recherche européenne

La création, en France, d'agences de recherche puissantes, à l'exemple des autres pays européens, et tandis qu'à Bruxelles se met en place une agence européenne de la recherche (ERC), est à l'évidence l'occasion de renforcer les liens scientifiques que la France entretient avec ses partenaires continentaux et de favoriser une intégration scientifique européenne susceptible de redynamiser un processus de la « stratégie de Lisbonne » en berne.

a) Des agences pour développer la coopération inter-Etatique

D'emblée l'ANR et l'AII ont inscrit leur action dans le cadre européen. Les quatre premiers programmes de l'AII (cf. supra) ont ainsi été arrêtés en conseil des ministres franco-allemand du 26 avril 2005 et associent pour leur réalisation des entreprises situées de part et d'autre du Rhin. Dès à présent, M. Robert Havas a envisagé des relations avec ses partenaires européens parmi lesquels le TEKES finlandais ou le CDTI (Centro para el desarrollo tecnologico industrial (25)) espagnol. Etant donné la taille des projets financés par l'agence, ceux-ci s'inscrivent naturellement dans une dimension européenne.

De son côté, l'ANR a déjà eu le temps de nouer des contacts avec le MRC britannique et, en Allemagne, avec le Bundesministerium für Bildung und Forschung (BMBF) (26) et avec la DFG (cf. supra), laquelle s'est montrée très heureuse de disposer désormais d'un partenaire outre-Rhin. Pour l'instant, les coopérations envisagées portent essentiellement sur la déclinaison d'un pays à l'autre des meilleures pratiques nationales et au partage des bases de données d'experts (27). Des actions communes pourront ultérieurement avoir lieu mais il faut au préalable lever la délicate question du partage du financement, chaque pays voulant disposer d'un retour sur ses investissements.

b) Quelle articulation entre les agences françaises et le futur ERC ?

Etant donné les missions de la future ERC la question de sa coordination avec le dispositif français se pose essentiellement vis-à-vis de l'ANR. In fine, et comme l'analyse très justement M. Gilles Bloch, les modalités de l'articulation dépendront très largement du dimensionnement retenu pour l'ERC. Si celle-ci est dotée d'un budget conséquent, alors elle aura naturellement vocation à financer des projets importants inscrits dans le temps, laissant aux agences nationales le soin de financer les projets plus modestes. Dans une autre configuration, l'articulation sera moins lisible et la question de la concurrence entre les deux agences se posera inévitablement. En tout état de cause et comme le rappelle Mme Catherine Bréchignac, la mise en place d'un système hiérarchisé apparaît trop compliquée à mettre en œuvre. En ce sens, et quelle que soit la configuration retenue pour l'ERC, la coopération entre celle-ci et les agences nationales doit plutôt se faire sur le mode de l'échange d'information (28) permettant le financement à plusieurs niveaux d'un même projet ou l'application d'un principe de subsidiarité selon des modalités définies d'un commun accord par les acteurs en présence.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu, en commission élargie à l'ensemble des députés, M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2006, au cours de sa séance du jeudi 3 novembre 2005.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles - Nous examinons ce matin les crédits de la recherche et de l'enseignement supérieur en commission élargie. Cette nouvelle formule ne pourra présenter d'intérêt que dans la mesure où les interventions des ministres et des députés seront suffisamment brèves pour permettre un débat de qualité.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Avec pas moins de treize programmes, les sept rapporteurs ne devront parler que cinq minutes chacun afin que les échanges sur ce budget puissent avoir lieu.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche - Ce projet de loi de finances 2006 est le premier à traduire dans les faits et dans les chiffres le pacte pour la recherche. La recherche est en effet devenue une priorité nationale, répondant à des enjeux en termes de connaissances, de santé, et surtout d'économie : nous devons impérativement accentuer notre effort afin d'améliorer notre compétitivité, notamment face aux pays émergents qui ont su, pour leur part, opérer les transferts nécessaires. Par ailleurs, ce nouveau budget est présenté dans le cadre de la LOLF, la mission interministérielle de la recherche et de l'enseignement supérieur - MIRES - se substituant au budget civil de recherche et développement - BCRD - ; le lien consubstantiel entre l'enseignement supérieur et la recherche, gage de qualité, est ainsi établi.

Les crédits de la MIRES progressent sensiblement. Les 2,2 % d'augmentation à structure constante sont dus aux 427 millions d'euros de crédits supplémentaires, dont 389 iront à la recherche, auxquels s'ajoutent 340 millions de dépenses fiscales supplémentaires et 280 millions de dépenses extrabudgétaires en provenance du compte d'affectation spéciale, dont 240 millions pour l'Agence nationale pour la recherche et 40 millions pour l'OSÉO-ANVAR qui bénéficie essentiellement à l'investissement dans les PME. Cet effort s'inscrit dans un cadre pluriannuel et s'accentuera d'ici à 2010 : le budget devrait alors atteindre 24 milliards d'euros, soit une hausse de 27,6 % par rapport à 2005. Le Conseil économique et social examine d'ailleurs, avant votre assemblée, un projet de loi de programmation et d'orientation qui inscrit ainsi notre action dans la durée.

Les crédits de la MIRES pour 2006 s'établissent donc à 20,688 milliards et j'ai indiqué leur taux de progression, particulièrement remarquable dans le contexte actuel. Encore faut-il noter plusieurs modifications de structure affectant le périmètre des domaines d'intervention. Ainsi, d'un côté apparaissent des cotisations sociales et des pensions civiles autrefois incluses dans les charges communes, de l'autre disparaissent des remboursements de TVA, les EPST étant désormais dispensés du paiement de cette taxe sur les sommes que l'Etat leur verse et soumis à la taxe sur les salaires. Au final, les crédits dévolus aux établissements de recherche augmentent d'environ 3%.

La part des dépenses de fonctionnement dans la MIRES reste naturellement prépondérante - 45 % -, les dépenses de personnel des établissements employeurs pesant traditionnellement sur notre budget. La moitié des moyens - soit environ 10 milliards - sont consacrés à l'enseignement supérieur, les programmes relatifs à la recherche - hors recherche universitaire - représentent 8,8 milliards et le programme « vie étudiante », 1,7 milliard.

Il convient de relever que la recherche et l'enseignement supérieur connaissent une augmentation sensible de leurs effectifs : 192 700 agents en 2004, 197 000 l'année prochaine, soit une progression de 2,2 % et 4 300 emplois supplémentaires. 133 000 emplois sont dévolus à l'enseignement supérieur et 64 000 aux organismes de recherche et je confirme le chiffre de 3 000 créations nettes d'emplois pour la recherche, le premier secteur à en bénéficier étant l'université avec 1 100 postes d'enseignants chercheurs. Ce sont donc tout à la fois les moyens de l'enseignement supérieur et ceux de la recherche qui progressent sensiblement. Au total, les crédits de fonctionnement de l'enseignement supérieur augmentent de 3 %.

L'investissement immobilier universitaire est un secteur qui me tient à cœur car il faut bien admettre qu'au fil du temps, la progression des dépenses de fonctionnement a nui à l'investissement. Aussi, certains de nos locaux universitaires ne sont-ils pas à la hauteur de ce qu'ils devraient être pour que les enseignements se déroulent dans des conditions satisfaisantes. Très conscient de cet état de fait, le Gouvernement a lancé un plan de rattrapage ambitieux, conjuguant un surcroît notable de crédits et le recours aux formules les plus novatrices de financement, dont le partenariat public-privé. Qu'il s'agisse de construction, de maintenance ou de mise en sécurité des bâtiments, 593 millions de crédits de paiement sont mobilisés, les moyens inscrits à ce titre dans les contrats de plan Etat-régions étant rendus disponibles de manière à ce que fin 2006, 90 % des réalisations prévues soient effectives. Au surplus, un financement exceptionnel de 100 millions a été prévu pour faire face aux besoins les plus urgents avant la fin de cette année.

S'agissant de la recherche proprement dite, je n'ignore évidemment pas qu'un débat a été ouvert, par les organisations syndicales et par un certain nombre de chercheurs, sur la novation qu'introduit ce projet de loi de finances en inscrivant au budget de l'agence nationale de la recherche une dotation pour les financements par projets. Traditionnellement, notre recherche bénéficiait de financements affectés au profit des universités et des EPST. Il s'agissait de financements récurrents, suivant chaque année un taux de progression suffisant et bénéficiant de modes de répartition équilibrés. J'insiste sur le fait que cette politique de financement de la recherche demeure. Le financement par projets n'interviendra qu'en complément, au profit des équipes prêtes à s'engager dans la dynamique d'émulation que crée le système des appels à projets, soumis à l'évaluation de scientifiques. Il s'agit du reste d'un procédé largement utilisé partout dans le monde et singulièrement dans l'Union européenne, via les programmes civils de recherche et de développement européens. Je le répète pour que cela soit clairement entendu : le financement par projets ne se substitue pas aux modes antérieurs de mise à disposition de moyens ; il les complète d'une enveloppe de 800 millions, l'ensemble des moyens des organismes progressant de 3 %.

S'agissant de l'encouragement des PME à la recherche, les programmes OSÉO-ANVAR bénéficieront en 2006 d'une dotation de 40 millions, l'effort devant être encore amplifié en 2007. Je souhaite que le rôle de l'agence qui soutient l'innovation dans les PME soit conforté car il y a dans nos entreprises un gisement d'innovation qu'il serait extrêmement regrettable de ne pas mettre en valeur.

Notre projet de budget comporte plusieurs mesures en faveur des chercheurs en général et des jeunes chercheurs en particulier - qu'il s'agisse des post-doctorants, des conventions industrielles de formation par la recherche, des allocations de recherche ou de la résorption des « libéralités ». L'ensemble concourt à consolider l'emploi scientifique dans toutes ses dimensions, qu'il s'exerce au sein des organismes publics, des laboratoires privés ou des PME, dont l'effort de recherche doit être - je le répète - stimulé.

L'un des grands volets de la future loi sur la recherche sera de tout mettre en œuvre pour faciliter l'interface entre la recherche publique et la recherche privée. Je pense notamment aux instituts Carnot, spécialisés dans les transferts entre le monde de la recherche et celui des entreprises, qui se verront doter d'une enveloppe de 40 millions inscrite dans le budget de l'agence nationale de la recherche.

Je tiens à évoquer à présent les réformes extrêmement importantes que nous menons en vue de simplifier l'administration de la recherche, qu'il s'agisse de l'allégement des contraintes pesant traditionnellement sur la commande publique - en aménageant les règles dans le respect du code des marchés publics - ou de la suppression du contrôle financier a priori sur les EPST, cette dernière évolution étant de nature à faire gagner plusieurs mois dans la gestion courante des établissements...

M. le Président de la commission des finances - On voudrait y croire !

M. le Ministre délégué - Soyez sûr, Monsieur le président, que l'arrêté interministériel de suppression du contrôle financier a priori sur les établissements sera bien pris et qu'il s'agit d'une évolution décisive pour un organisme tel que le CNRS ! Quant à l'application des dispositions du code des marchés publics relatives aux EPIC aux EPST, elle constitue la voie de simplification de la commande publique qu'attendait toute la communauté scientifique ! Il s'agit de deux mesures clés, dont je vous invite à ne pas sous-estimer l'importance.

Mesdames et messieurs les députés, le projet de budget qui vous est soumis traduit toute l'ambition du Gouvernement pour la recherche et l'enseignement supérieur. Les moyens mis à disposition se signalent par leur ampleur, tant en crédits budgétaires qu'en emplois. Bien que cela ne soit pas le sujet du jour, nous poursuivrons notre action en vue de décloisonner les différents organismes de recherche et de donner une cohérence - notamment régionale - à l'effort de recherche, lequel doit se fonder sur les organismes de recherche scientifique proprement dits, sur les établissements d'enseignement supérieur et sur les acteurs de l'économie locale, au travers notamment des pôles de compétitivité.

Notre politique se déploie tout ensemble pour la recherche publique et pour la recherche privée - et je note au passage que le dispositif du crédit d'impôt recherche est amélioré -, au profit de la recherche fondamentale comme de la recherche finalisée. Nombre d'organismes voient leurs moyens renforcés, cependant que d'autres sont créés pour répondre à des besoins bien identifiés, telle l'agence pour l'innovation industrielle. Notre effort, je l'ai dit, n'exclut aucun domaine et l'enseignement supérieur en bénéficie directement.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances - Parmi les 13 programmes de la MIRES, je rapporte sur les programmes « formations supérieures et recherche universitaire » et « vie étudiante », lesquels représentent respectivement - à structure constante - 7,895 milliards et 1,736 milliard. Le ministre a légitimement souligné le caractère tout à fait remarquable du taux de progression des dotations, dans le contexte général du « zéro augmentation en volume ». Au reste, cet effort est pleinement justifié car la dépense totale de la France en faveur de l'enseignement supérieur représente moins de 17 % de la dépense intérieure d'éducation, ce qui situe notre pays très en deçà de la moyenne des pays de l'OCDE. Cette hausse des crédits est donc tout à fait justifiée, ce qui ne signifie pas qu'il n'y a pas des économies à faire ici ou là.

Je tiens à remercier le ministre et son cabinet de la diligence avec laquelle ils ont répondu aux questionnaires, 84 % des réponses nous étant parvenues dans les délais requis par la LOLF, c'est-à-dire avant le 10 octobre - c'est loin d'avoir été le cas dans tous les ministères !

Je ne reviens pas sur l'exécution du budget 2004-2005, si ce n'est pour noter la progression effective des crédits, une fois tenue compte des annulations mais aussi des ouvertures dans le collectif, et souligner l'effort fait en matière de consommation de crédits. Les crédits de report sont ainsi tombés de 3,6 % en 2004 à 1,96 % en 2004.

J'en viens maintenant aux interrogations, puisque telle est la règle dans ces commissions élargies. Tout d'abord, sur la maquette budgétaire elle-même. Nous n'avons pas obtenu, comme nous l'aurions souhaité, que soient scindées les fonctions enseignement supérieur et recherche - ce qui serait impossible en raison du statut des enseignants-chercheurs, nous a-t-on dit. La Cour des comptes formule pourtant elle aussi ce souhait que soit mieux connue la partie recherche du travail des enseignants-chercheurs. Si cela était possible, rien ne s'opposerait plus à ce que soient créés deux programmes distincts. Je m'interroge sur la présence dans la mission « enseignement supérieur et recherche » des crédits du musée du quai Branly et du muséum d'histoire naturelle. Même si ces deux institutions pratiquent un peu de recherche, leurs crédits auraient davantage leur place dans la mission « culture ». J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens. Enfin, je souhaiterais que le Gouvernement puisse, par voie d'amendement, réintégrer les crédits de la direction des enseignements supérieurs dans cette mission, alors qu'ils figurent toujours, on ne sait pourquoi, dans le programme « vie scolaire ».

S'agissant des indicateurs, même si des progrès ont été accomplis, des problèmes structurels demeurent, que la Cour des comptes a d'ailleurs soulignés. Trop d'entre eux se fondent sur des référencements manquant d'unité. Ainsi les publications scientifiques des universités peuvent aujourd'hui être référencées dans une dizaine de cadres différents, ce qui nous pénalise d'ailleurs dans les classements internationaux, comme celui de Shangaï. Que compte faire le ministère pour y remédier ?

Autre difficulté : le dénombrement des emplois. La volonté du législateur était que soient pris en compte pour les plafonds d'autorisations, tous les emplois, quel que soit l'employeur. Or, seuls l'ont été les emplois des agents de l'Etat dont la rémunération s'impute sur le titre II. Quantité d'emplois échappent donc au contrôle du plafond, notamment ceux pourvus directement par les universités. Je m'interroge également sur le décompte qui ne correspond pas exactement à la réalité. Les comparaisons sont très difficiles, car certaines données correspondent à 2006, d'autres à 2005, si bien que l'on ne peut avoir qu'une idée approximative du nombre d'emplois en 2006. Plus de cohérence et plus de transparence seraient nécessaires. La Cour des comptes partage d'ailleurs cet avis.

S'agissant des emplois, je veux saluer l'effort accompli en matière d'encadrement, aussi bien au niveau des personnels enseignants que des IATOS. Des disparités importantes subsistent toutefois entre universités, notamment entre les plus anciennes et les plus récentes. Même si des priorités d'affectation sont prévues pour ces dernières, comment faire pour y améliorer encore le taux d'encadrement ? J'insiste également sur l'importance de la gestion prévisionnelle des emplois. La pyramide des âges, tant des personnels enseignants que des IATOS, est en effet inquiétante. Des départs en très grand nombre vont avoir lieu dans les prochaines années. Il convient de les anticiper et de d'avoir une gestion plus dynamique

Un mot maintenant du patrimoine des universités. Vous avez souligné, Monsieur le ministre, les efforts faits en matière de constructions et de mise aux normes de sécurité. Pour ma part, je déplore que l'on connaisse toujours aussi mal la composition mais aussi l'utilisation des locaux des universités - c'est d'ailleurs un mal endémique de l'Etat que de ne pas connaître la situation exacte de son patrimoine immobilier ! On a beaucoup construit depuis 1990, ce qui était normal étant donné que le nombre d'étudiants a augmenté de 500 000 depuis. Cette croissance exponentielle étant aujourd'hui terminée, il convient désormais de privilégier la réhabilitation des locaux mais aussi l'optimisation de leur utilisation. Il est beaucoup plus facile d'exiger des mètres carrés supplémentaires que d'améliorer les emplois du temps ! Trop de locaux sont aujourd'hui sous-utilisés. Des économies substantielles seraient pourtant possibles grâce à une meilleure gestion.

J'aimerais aussi, Monsieur le ministre, connaître votre sentiment sur la gouvernance des universités. Alors qu'il serait indispensable d'expérimenter l'autonomie, cela n'est pas possible aujourd'hui vu la faiblesse de l'encadrement et des structures de gouvernance. Que comptez-vous faire pour y remédier ?

L'évaluation des universités s'est beaucoup améliorée, grâce notamment au travail de grande qualité accompli par le Comité national d'évaluation. Mais nous péchons encore en deux domaines. Tout d'abord, l'évaluation des enseignants-chercheurs, très insuffisante, aussi bien sur le plan interne qu'externe. Ensuite, l'évaluation des universités, laquelle devrait avoir lieu en théorie tous les quatre ans alors qu'il n'y est en pratique procédé en moyenne que tous les huit ou dix ans. Et je tiens ici à dénoncer tout particulièrement le scandale de l'université Paoli de Corte qui n'a pas été évaluée depuis plus de dix ans. Cela est intolérable : il y va de la transparence et de la bonne gestion des finances publiques. Quand une mission d'évaluation se rendra-t-elle enfin à Corte ? J'y veillerai tout spécialement.

Je me félicite de l'effort fait en matière de bourses, qu'il s'agisse des bourses de mobilité accordées dans le cadre des cursus européens ou des bourses attribuées sur critères sociaux. Je m'interroge en revanche sur celles accordées aux étudiants originaires des pays du Sud, en particulier d'Afrique francophone. Plutôt que d'accueillir en grand nombre des étudiants de premier cycle, ne serait-il pas de meilleure méthode de concentrer l'effort pour faire venir chez nous en deuxième cycle des étudiants ayant achevé avec succès leur premier cycle dans leur pays d'origine. Cela serait à la fois plus valorisant pour les intéressés et plus efficace pour notre coopération avec ces pays.

S'agissant du logement étudiant, divers programmes sont en cours de démarrage. Quelles mesures compte prendre le Gouvernement, en liaison avec le CNOUS, pour faciliter la politique foncière, indispensable pour mener à bien les opérations ? Trop d'entre elles sont bloquées pour des raisons foncières - c'est là encore un mal endémique de l'Etat français ! Une meilleure coopération avec les collectivités notamment serait indispensable.

Si le retard pris en matière de constructions a été rattrapé en province, ce n'est pas le cas en Ile-de-France où les objectifs du contrat de plan ne sont toujours pas atteints. Où en est-on du désamiantage de Jussieu ? Des conclusions ont-elles été tirées de cette opération pour le chantier qui va s'ouvrir à Censier ou risque-t-on de connaître encore le même cirque ?

Mme Juliana Rimane, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles pour le programme « Enseignement supérieur et recherche » et le programme « Vie étudiante » - Les crédits du programme « formations supérieure et recherche universitaire » progressent de 3,1 % par rapport à 2004 et ceux du programme « vie étudiante » de 2,3 %. Je me bornerai, pour ma part, à vous présenter la situation de l'université outre-mer et à aborder la question de la professionnalisation des cursus.

L'université est en pleine mutation : explosion du nombre d'étudiants, diversification des publics, harmonisation européenne des diplômes et des systèmes d'enseignement supérieur, attentes nouvelles des étudiants comme du monde économique. Désormais, lorsqu'ils le peuvent, les bacheliers optent pour les filières plus encadrées sur le plan pédagogique et offrant de meilleurs débouchés.

Avec la diversification de l'offre de formation grâce au système LMD - licence, mastère, doctorat -, une plus grande autonomie des établissements et face à l'importance des défis économiques à relever, l'enseignement supérieur devrait s'ancrer davantage dans la réalité de chaque région. Ce processus de territorialisation suppose un échange « gagnant-gagnant » entre universités, collectivités territoriales et monde économique, ainsi qu'une professionnalisation croissante des diplômes.

Outre-mer, le nombre d'inscrits dans les DOM a progressé de 1,4 % en 2004 pour atteindre 36 000 étudiants. C'est en Guyane que la croissance est la plus importante tandis qu'on relève une légère diminution à La Réunion. Dans les TOM, la croissance est surtout due aux inscriptions dans les IUFM. Beaucoup d'étudiants choisissent des matières littéraires, ce qui ne correspond guère au marché de l'emploi. De ce fait, ces études longues conduisent souvent à un échec.

Les universités d'outre-mer connaissent des difficultés spécifiques. Ainsi, elles comptent beaucoup plus de boursiers que la moyenne, sans compensation intégrale des droits d'inscription par l'Etat. Quant à l'université d'Antilles-Guyane, son éclatement entre trois départements entraîne des surcoûts importants dont il n'est pas tenu compte dans le système de répartition des moyens de l'enseignement supérieur. La sous-évaluation est de l'ordre de 1,3 million par an et le déficit s'accumule année après année.

Je reviens à la nécessaire professionnalisation des cursus. Avec la création de la licence professionnelle en 1999 et des mastères professionnels engagés en 2002, l'Université a engagé une mutation pour produire des diplômés directement opérationnels. Ces formations, issus d'un véritable partenariat entre l'Etat, l'Université et le monde socio-économique, comportent des stages en entreprise. Mais pour beaucoup d'étudiants, en obtenir un relève du parcours du combattant. Les filières de l'enseignement technologique court sont donc plus attirantes pour les nouveaux bacheliers : mieux encadrées que les filières classiques, elles assurent souvent un débouché au bout de deux ans. De leur côté, les directeurs d'IUT craignent que la spécificité de leurs établissements disparaisse, par absorption dans l'Université.

La meilleure voie ne serait-elle pas de faire des formations courtes le débouché prioritaire des titulaires d'un bac professionnel, en s'adaptant à la formation que ceux-ci ont déjà reçue dans le secondaire ? Cela suppose de réorganiser les premiers cycles universitaires classiques, dans leur contenu comme dans leur encadrement, sur le modèle des IUT et des sections de technicien supérieur ; c'est en s'inspirant de cette professionnalisation que les universités redeviendront plus attractives.

Depuis leur création, les licences professionnelles suscitent un intérêt croissant. A la rentrée 2004, il en était proposé 1 000 aux étudiants ; 240 nouvelles s'y ajouteront à la rentrée 2006. En quatre ans, le nombre d'étudiants dans ces formations a été multiplié par six. Elles couvrent un large éventail, de la production agricole ou industrielle au tertiaire, et se développent en particulier dans les services et les métiers émergents. Toutefois, les métiers évoluent vite. Les diplômes très spécialisés doivent donc faire place à suffisamment de compétences générales pour permettre des reconversions grâce à la formation continue ou la reprise des études. En tout cas, selon les enquêtes, les titulaires de ces licences professionnelles s'insèrent bien dans le monde du travail, alors même que le contexte économique est défavorable.

L'apprentissage et les contrats en alternance constituent également une des voies privilégiées de cette bonne insertion professionnelle. Pour cela, encore faut-il que le stage, qui fait partie intégrante de la formation, soit de qualité, bien préparé, puis bien suivi. Il n'est pas un emploi, et n'a de sens que par rapport au projet pédagogique. Or, selon les étudiants et les enseignants-chercheurs, la réalité est peu satisfaisante. D'abord, n'étant pas rémunérés, les stages ne sont pas accessibles aux étudiants salariés, ainsi exclus de ces filières. Ensuite, le contrôle et le suivi des stages n'entrent pas dans les missions des enseignants-chercheurs, ne sont pas rémunérés ni valorisés dans la carrière. Aussi, selon le directeur de l'IUT de Kourou, depuis la création en 1988, les enseignants-chercheurs ont été tellement absorbés par les tâches administratives, pédagogiques, et par le montage des stages qu'ils ont dû - en grande partie - limiter leurs activités de recherche. Quoi qu'il en soit, les stages, sans suivi très précis, sont souvent démotivants pour les étudiants. Le ministère avait bien discuté d'une charte des stages, mais elle est restée lettre morte. Les étudiants y voient plus un système de pré-recrutement à bas prix qu'un outil pédagogique. Enfin, l'Université, qui se plaint souvent d'un manque de partenaires économiques, semble ne pas solliciter suffisamment le secteur artisanal. Il reste donc des progrès à faire, dans l'intérêt même de nos territoires.

Ce projet de budget va dans le bon sens, car il donne une place centrale dans l'enseignement supérieur aux échanges avec les milieux socio-professionnels, trop longtemps ignorés. C'est pourquoi, au nom de la commission des affaires culturelles, j'appelle à voter les crédits de votre ministère.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances - Depuis deux ans, le Gouvernement s'est engagé à faire de la recherche une priorité, et c'est bien ce qu'il fait. En 2005, le budget a augmenté de 10 %, et en 2006 il progressera au même rythme, soit de un milliard. Même si tout n'est pas parfait, on peut s'en féliciter, dans la perspective de porter les dépenses en faveur de la recherche à 3 % du PIB. La croissance, dont les hommes politiques parlent tant sans toujours en connaître bien les composantes, combine trois facteurs, capital, travail et intelligence innovatrice. C'est dans celle-ci que vous avez décidé d'investir. Cet effort s'accompagne d'une vaste réforme de notre système de recherche, que traduira la loi d'orientation. Et les déclarations incantatoires ne suffisant pas, le Gouvernement a aussi décidé de soutenir les pôles d'excellence. Il mène donc une véritable stratégie.

Notre recherche dispose donc de moyens importants, mais elle pêche par ses résultats. Ainsi, la France est au neuvième rang dans l'Union européenne pour le dépôt des brevets. Dans ce domaine, la fameuse exception culturelle ne nous sert pas : tandis que nos voisins privilégient le financement des projets sur celui des structures, chez nous les dépenses administratives et les frais fixes de personnel pèsent très lourdement. La recherche publique a des structures trop rigides. Il est bien rare qu'on ferme un laboratoire - pourtant, quelle entreprise conserverait un service une dizaine d'années sans le modifier ? - et la mobilité des chercheurs vers les entreprise est très limitée - de 0,4 % par an. La gestion est centralisée, lente, peu efficace. C'est un gâchis d'intelligence, et la réforme s'impose donc.

C'est ce modèle à la française qui explique en grande partie que les chercheurs se plaignent d'une insuffisance de ressources. Dès lors, dans un pays où le nombre de chercheurs par habitant est plutôt bon par rapport à la moyenne européenne, vaut-il la peine de créer 3 000 postes de chercheurs fonctionnaires supplémentaires ? La France fait, ici encore, figure d'exception. Ne faudrait-il pas, plutôt que d'augmenter ces effectifs, donner plus de moyens aux chercheurs ou au moins recruter des contractuels, quitte à les payer mieux ? On donnerait ainsi davantage de souplesse aux laboratoires pour la gestion de leurs effectifs et on attirerait plus de jeunes chercheurs vers la recherche publique.

La recherche française manque de culture d'évaluation. Or, il n'y a pas de progrès sans évaluation, et elle joue d'ailleurs un rôle central chez nos voisins, notamment dans l'attribution des subventions. Des réformes sont annoncées, avec le développement de l'agence nationale de la recherche et la création de l'agence d'évaluation. Je m'en réjouis, sous la condition que les organismes redondants soient supprimés ! Je vous proposerai donc tout à l'heure de réaliser une économie de 687 000 euros en supprimant les crédits du comité national d'évaluation de la recherche, qui doit être absorbé par l'ANR, ainsi que de regrouper les aides à la recherche au sein de cette agence. Une dizaine d'autres comités ou conseils - la vogue de ces structures en France est assez extraordinaire - ne se sont pas réunis depuis 2001. Il est vrai qu'il serait vulgaire de rendre des comptes à la nation ! Leur activité mériterait néanmoins une sérieuse évaluation, comme la Cour des comptes l'a rappelé dans son rapport de 2003. Comment le système d'évaluation de la recherche va-t-il être organisé ? Force est de constater que la culture d'évaluation promue par la LOLF n'est pas entièrement acquise. Les indicateurs justifiant l'attribution des crédits ne sont pas encore très clairs. Il semble que cette année encore, la majorité des crédits soient reconduits, même s'ils sont répartis différemment.

Les entreprises à fort potentiel de croissance souffrent d'un déficit de financement. Le crédit impôt recherche est une bonne mesure, mais il ne suffit pas. La durée des cycles de recherche rend le risque trop élevé pour les acteurs institutionnels du financement. Or, la France ne compte que trois à quatre mille business angels, tradition anticapitalistique oblige, contre 50 000 en Angleterre ou 500 000 aux Etats-Unis. La raison en est qu'ils ne sont pas incités à investir en France. Certes existent les SUIR, les sociétés unipersonnelles d'investissement à risque, mais ce dispositif bien trop contraignant semble être un échec. Il ne sert à rien d'élaborer des systèmes qui sont incompatibles avec les réalités économique - oui, il y en a en France. Une réforme est-elle envisageable ? Nous restons un des leaders européens en termes d'obscurantisme économique !

Soutenir nos pôles d'excellence est une nécessité stratégique. Lorsqu'on investit 100 dans des projets qui rapportent 10, il faut être sûr qu'ils vont finir par être rentables ! Sinon, il est temps de s'orienter vers des projets où l'on investit 10 et qui rapportent 100... C'est une idée révolutionnaire en France, mais il faut avoir le courage de retirer des crédits aux mauvais projets ! Ce qui est extraordinaire, c'est que malgré tous nos soucis, nous restons leaders mondiaux dans plusieurs secteurs, comme ceux des transports ou de l'énergie. Toutefois, la concurrence y reste féroce. Je vous propose donc d'anticiper sur les orientations stratégiques qui devront être mises en œuvre par la nouvelle ANR et, afin de diriger les crédits vers les secteurs les plus contributeurs à la croissance, d'orienter 50 millions sur le programme de recherche dédié aux transports.

Enfin, il faut veiller à ce que les aides aux secteurs de l'aéronautique et du spatial ne soient pas déséquilibrées par rapport à celles de leurs concurrents de l'autre côté de l'Atlantique : ne soyons pas plus royalistes que le roi, arrêtons de donner des leçons au monde entier et revenons aux réalités ! La concurrence existe, il faut en tenir compte. Au niveau communautaire, il faut également veiller à ce que les règles d'encadrement ne soient pas trop défavorables par rapport au reste du monde. Pour finir, pouvez-vous nous indiquer la stratégie du Gouvernement en termes de pilotage de la recherche ?

M. Michel Lejeune, rapporteur pour avis de la commission des finances pour la recherche et l'enseignement supérieur - Le volet recherche de la MIRES, issue de l'ancien BCRD, est cette année examiné par plusieurs rapporteurs au sein de la commission des affaires économiques. C'est le quatrième budget de l'Etat en volume. Les programmes sur lesquels je me suis penché peuvent dépendre du ministre délégué à la recherche et à l'enseignement supérieur, de celui de la défense ou de celui de la culture. Des organismes aussi importants que le CNRS, l'INSERM, le commissariat à l'énergie atomique, l'INRIA ou le CNES y sont rattachés. Le développement de l'ANR et la création d'un établissement public OSÉO traduisent l'un des axes principaux du « pacte pour la recherche » : valoriser les résultats de la recherche et les adosser à un système de recherche publique renforcé, tant en effectifs qu'en moyens, pour dynamiser l'innovation et tisser des liens plus étroits entre le public et le privé.

L'étude des moyens des organismes publics et des mesures fiscales incitant à la recherche dans le privé doit donc constituer une introduction au débat sur le projet de loi de programme. La partie recherche de la MIRES connaîtra en 2006, pour la deuxième année consécutive, une croissance significative des ses moyens, tant financiers qu'humains. La part de la recherche dans le budget de l'Etat, restée aux alentours de 3 % entre 2000 et 2005, atteint cette année 4,3 %. Un premier tiers de ces crédits est consacré au renforcement des activités de recherche des établissements publics. Ils doivent être examinés à la lumière des objectifs et des indicateurs de la nouvelle loi de finances. Un second tiers est attribué au développement de l'ANR, appelée à devenir l'agence des moyens de la recherche sur projet. Elle disposera de 590 millions, soit une augmentation de 280 millions par rapport à 2005. Nous pouvons nous réjouir que la part importante laissée aux « programmes blancs » valorise l'initiative des équipes de recherche. Le dernier tiers est constitué de mesures fiscales, telles que le crédit impôt recherche, qui viennent d'être renforcées dans la première partie du projet de loi de finances. Il appuiera un système de valorisation de la recherche rénové, avec la création d'OSÉO et la mise en place de pôles de compétitivité qui devraient participer activement au développement des territoires par les activités de recherche. L'ensemble devrait rendre à la recherche son attrait auprès des étudiants en diversifiant une offre publique et privée moins cloisonnée, plus abondante et avec des parcours plus souples, tout en améliorant les conditions d'étude et l'insertion professionnelle des jeunes chercheurs.

Je voudrais terminer par quelques questions. La nouvelle présentation des mesures fiscales est un outil précieux pour juger de la valorisation de la recherche. Peut-on déjà observer un redressement de l'utilisation du crédit d'impôt recherche, après le déclin des années 2001 à 2003 ? Alors que le conseil d'administration du CNRS vient d'adopter un important projet de réforme, quelle place le Gouvernement lui assigne-t-il dans l'ensemble du dispositif de la recherche ? La France, qui a un rôle moteur dans la recherche spatiale, est le premier contributeur de l'Agence spatiale européenne. Quels sont les projets phares du CNES ? Alors que les scientifiques de la génération du baby-boom vont atteindre l'âge de la retraite, comment allez-vous assurer le renouvellement des équipes ? La nouvelle présentation de la loi de finances propose des indicateurs intéressants en matière d'évaluation de la recherche, mais les données sont, cette année, incomplètes. Comment le dispositif national d'évaluation de la recherche va-t-il être réformé ? La décision du Premier ministre de ne pas procéder à l'ouverture du capital d'AREVA entraîne une perte des recettes espérées par le commissariat à l'énergie atomique. Comment cette baisse sera-t-elle compensée ? Enfin, quelle sera l'utilisation du nouveau label Carnot et quels en seront les critères d'attribution ?

Ce budget va dans le bon sens. Je demande aux membres de la commission des affaires économiques de lui donner un avis favorable.

M. Pascal Ménage, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la recherche - Le rapport pour avis que j'ai l'honneur de présenter porte sur les crédits du programme recherche de la MIRES, qui s'élèvent à 20,688 milliards en crédits de paiement. Je tiens à souligner l'effort du Gouvernement, qui augmente, pour la deuxième année consécutive, les crédits de la recherche. Ce choix s'inscrit dans la perspective donnée aux Conseils de Lisbonne, en 2000, et de Barcelone, en 2002, de faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus compétitive au monde. Près de 40 % des nouveaux moyens dégagés sont consacrés aux grands organismes et aux universités. Les domaines les plus faibles - recherche privée et financement sur projet - sont renforcés. L'effort d'équipement des laboratoires et des équipes de chercheurs est poursuivi, pour 50,3 millions, et l'articulation avec les pôles de compétitivité permettra de regrouper entreprises, centres de recherche et instituts de formation. La hausse globale des crédits se traduit ainsi dans chaque secteur, mais à des niveaux différents, ce qui peut expliquer les quelques traces d'amertume qui ont transparu au cours des auditions.

Cet effort très important, traduction de l'engagement du Gouvernement envers la recherche, prépare l'examen par l'Assemblée en janvier 2006 du projet de loi qui donnera à la recherche française un cadre rénové pour mieux relever les nouveaux défis internationaux.

Un effort sans précédent est fait en faveur des emplois scientifiques avec 3 000 créations de postes en 2006, dont 1 900 dans les universités - répartis entre 1 100 postes et d'enseignants-chercheurs et le reste en personnels IATOS, comme cela avait été demandé par les responsables universitaires - et 1 100 dans les organismes de recherche dont 100 postes CDI dans les EPIC de type CEA.

Parce que cet effort s'inscrit dans une logique d'excellence, les mesures en faveur des jeunes chercheurs s'élèvent à 7,9 millions d'euros. Pour autant, l'élaboration d'un statut social solide du jeune chercheur reste la condition nécessaire au retour de nombreux étudiants dans cette voie délaissée depuis ces dernières années et la revalorisation de 8 % du taux d'allocation de recherche au 1er octobre 2006 devra s'accompagner d'un mécanisme d'indexation. Les jeunes chercheurs représentent près de la moitié des ressources humaines des laboratoires publics ; c'est donc là que se joue véritablement l'avenir de la recherche. A l'instar de nos concurrents, il nous faut accélérer le développement des bibliothèques électroniques, lieu de travail privilégié du chercheur.

L'effort du Gouvernement s'inscrit également dans une logique de performance qui se traduit au premier chef par la création de l'agence nationale de la recherche - ANR - et l'agence de l'innovation industrielle - AII. Les budgets alloués à ces agences de moyens sont importants : 350 millions pour l'ANR, et 1 milliard pour l'AII. L'ANR en finançant, dans le cadre d'appels à proposition fondés sur des critères internationaux, des projets de recherche émanant d'organismes privés ou publics, sera le vecteur d'une réelle sélectivité. En revanche, ces agences, parce qu'elles ne permettent pas l'entretien d'un vivier de chercheurs, doivent s'adosser aux grands organismes et aux universités de même qu'aux Etats-Unis, en Finlande, au Royaume-Uni et en Allemagne.

Enfin, l'accent doit également être mis sur le développement de la recherche privée. C'est en effet un de nos points faibles puisque nous lui consacrons 1,17 % du PIB au lieu des 2 % recommandés à Barcelone. La création de l'AII en juillet 2005 va dans le bon sens mais nous ne pouvons faire l'économie d'une véritable stratégie axée sur la dimension européenne et l'intégration des PME innovantes. Aussi le Gouvernement a-t-il augmenté de 40 millions la dotation d'OSÉO-ANVAR et décidé la mise en œuvre des contrats d'insertion pour la recherche des entreprises - CIPRE -et du nouveau label Carnot pour les institutions ayant une double activité entreprises et recherche fondamentale. Enfin, il a relevé les seuils de sous-traitance pour le crédit impôt recherche à 10 millions d'euros.

Pour conclure, Monsieur le ministre, je tiens à souligner l'inquiétude légitime des présidents d'université concernant les futurs campus de recherche. Comment s'intégreront-ils dans les pôles pluridisciplinaires de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES ? Puis, que comptez-vous faire pour améliorer le financement des centres techniques et industriels, sachant que certains, faute de moyens, ne peuvent plus mener à bien leurs missions ? Enfin, pourquoi ne pas lancer un mécénat scientifique et médical des entreprises avec un crédit impôt incitatif calqué sur celui du mécénat culturel, comme le suggère la proposition de la Fondation Recherche médicale ?

Comme le disait Rabelais, « science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». Ce budget illustre combien ce gouvernement a pris conscience de l'importance de faire de la recherche française une priorité. Par conséquent, je donne un avis favorable à l'adoption des crédits.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Très bien !

M. Le Président de la commission des finances - Les moyens attribués à la recherche et à l'université peuvent produire des résultats différents selon la nature du système. Hier, je recevais des membres du Conseil d'Etat qui soulignaient la multiplication des procédures et des structures, contraire à la promesse de simplification administrative que nous avons faite aux Français depuis vingt ans. Les présidents d'université se plaignent eux-mêmes que l'autonomie, qu'ils avaient chèrement conquise, leur soit progressivement retirée par les administrations centrales et les syndicats. Au lieu de simplifier, nous avons complexifié, c'est ce que ressentent, à juste titre, les Français sur le terrain.

Monsieur le ministre, allons-nous enfin réussir à passer d'une société de défiance à une société de confiance ? La bureaucratie doit s'en tenir à fixer des objectifs et laisser ensuite la société civile les poursuivre. Je crains que la « suradministration » dont souffre la France ne soit un obstacle à cette autonomie, condition du succès dans d'autres pays.

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Avant d'émettre toute critique envers ce budget, nous devons avoir conscience qu'il est comme suspendu entre l'ancienne organisation financière et le nouveau cadre de la LOLF, entre ce mode d'analyse financière et la loi de programmation pour la recherche à venir. Reste, Monsieur le ministre, que de nombreuses questions anticipent sur le débat parlementaire à venir sur les relations entre les PRES et les nouveaux campus, entre les PRES et les pôles de compétitivité, entre recherche industrielle et recherche fondamentale ou encore entre recherche universitaire et recherche au sein des organismes. Les questions du statut du chercheur et de l'évaluation ont également été posées. Notons qu'il est effarant que la dimension internationale et européenne soit absente de nos débats.

Enfin, Monsieur le ministre, trouvons un autre système que le label Carnot que personne ne connaît. Quand vous irez au marché à Vannes, demandez ce qu'est que le label Carnot et l'on vous mènera sur l'inévitable place Carnot !

M. Michel Bouvard - L'histoire est mal enseignée !

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour le programme « Recherche industrielle » - La recherche industrielle est clairement une priorité du projet de loi de finances pour 2006 : les autorisations d'engagement augmentant de plus de 42 % et les crédits de paiement de 24 % par rapport à 2005.

En réalité, ces crédits ne rendent pas compte de l'effort total consenti par le Gouvernement en faveur de la recherche industrielle. En effet, il faut également prendre en compte la dotation de l'AII de 1 milliard d'euros et donc de l'augmentation des ressources de l'OSÉO-ANVAR de 50 % par rapport à l'année précédente. Cet effort repose également sur les dépenses fiscales. Elles représentent plus de 770 millions d'euros. L'on peut y ajouter le coût du crédit impôt recherche - créé en 1983 et profondément rénové en 2004 - rattaché au programme 172 « orientation et pilotage de la recherche » dont bénéficient largement les entreprises industrielles et qui s'élèvera à 730 millions en 2005 contre 480 l'année précédente. En outre, lors de l'examen de la première partie du projet de loi finances, le bénéfice du crédit d'impôt recherche a été accru pour les entreprises dont l'effort de recherche est régulier par l'augmentation dans le calcul du crédit de la part volume et le relèvement du plafond de 8 à 10 millions d'euros. L'emploi des jeunes docteurs est également encouragé, puisque les frais de personnels ont retenus pour le double de leur montant. Toutes mesures représentent une augmentation supplémentaire de 300 millions d'euros par an.

Dépenses fiscales, dotations en capital et crédits budgétaires témoignent de l'engagement global de l'Etat en faveur de la recherche industrielle.

Cet engagement est désormais mis en œuvre par un dispositif institutionnel profondément rénové. Outre la mise en place de l'ANR, trois innovations majeures sont intervenues. D'abord la création de l'AII issue des propositions du rapport remis par M. Beffa au Président de la République en janvier 2005. Cette agence, à la différence des autres instruments, concentrera ses moyens sur le soutien de projets jusqu'à la phase de développement pré-concurrentiel. Ensuite, la constitution du groupe OSÉO par le rapprochement de l'ANVAR et de la BDPME. Enfin, la constitution des pôles de compétitivité, regroupant sur un même territoire entreprises et organismes de recherche, qui bénéficieront en priorité des subventions publiques et d'avantages fiscaux et sociaux.

Ce projet de loi de finances renforce considérablement le soutien public à la recherche industrielle. J'ai donc donné un avis très favorable à l'adoption des crédits du programme « recherche industrielle »

Des évolutions complémentaires semblent toutefois possibles.

Avant tout, alors que la recherche industrielle est une priorité et que l'emploi public de l'enseignement supérieur et de la recherche est relancé avec 3 000 créations de postes, seuls 45 emplois nouveaux de chargés de recherche sont créés dans les écoles d'ingénieurs placées sous la tutelle du ministère de l'industrie. Ne faudrait-il pas créer quelques emplois supplémentaires afin d'y renforcer le lien entre industrie et recherche ?

D'autre part, la réorganisation du dispositif public a rendu plus lisible l'action de l'OSÉO-ANVAR - pour l'aide aux PME - de l'agence nationale pour la recherche fondamentale et de l'agence de l'innovation industrielle. J'ai aussi constaté l'existence d'une petite structure indépendante, l'association Jessica. Sans préjuger de la qualité de ses travaux, ne faudrait-il pas confier ses missions à l'OSÉO-ANVAR par exemple, qui gère par ailleurs la procédure Atout aux objectifs assez similaires ?

Troisièmement, les avantages fiscaux et sociaux liés aux pôles de compétitivité sont accordés selon un zonage géographique. Qu'a-t-on fait pour prévenir les difficultés qu'entraîne toujours ce type de zonage ?

Par ailleurs, le crédit d'impôt recherche a été amélioré depuis 2004. Cependant, pourrait-on obtenir de Bruxelles de prendre en compte les dépenses de création de nouvelles collections - secteur proche de la recherche - non seulement, comme on le fait aujourd'hui, pour les entreprises de l'habillement, du cuir et de la chaussure, mais pour d'autres aussi, où d'importants efforts d'innovation sont fournis en matière de design ? Elu du Doubs, je ne peux m'empêcher de citer l'horlogerie.

M. Michel Bouvard - Un amendement a été déposé en loi de finances à cette fin.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur pour avis - Enfin, concernant la nomenclature budgétaire, les crédits de l'agence de l'innovation industrielle sont rattachés à l'action 2 « soutien et diffusion d'innovations technologiques ». L'activité réelle de l'agence n'exige-t-elle pas son rattachement à l'action 3 « soutien de la recherche industrielle stratégique » ?

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources - J'apporte en mon nom, et non comme porte-parole de mon groupe, un septième étage à l'empilement des rapports sur un programme essentiel - c'est pourquoi on me l'a confié - à notre cadre de vie : la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources. Il vise à mieux inscrire les relations entre l'homme et les milieux naturels dans le cadre d'un développement durable. Bien qu'il dépende du ministère de l'éducation nationale, il comprend de nombreux enjeux pour la revitalisation des territoires ruraux et pour l'agriculture.

Les politiques publiques de soutien à la recherche sont cruciales dans les domaines de l'environnement, de la santé, de l'alimentation, de l'agriculture, de l'énergie et de la gestion des risques naturels. C'est dire l'étendue du champ opérationnel qu'embrasse ce programme.

Je n'en évoquerai que deux aspects mis en valeur par l'actualité récente : la recherche sur les catastrophes naturelles, qui concerne des dizaines de milliers de vies, et la recherche sur les agrocomposants, qui ouvre de nouvelles perspectives face à la disparition annoncée des produits pétroliers.

Les événements récents ont rappelé que les catastrophes naturelles peuvent à tout moment laisser démunies des populations entières. La France n'est pas épargnée : la tempête de 1999 et la sécheresse de l'été 2003 ont provoqué des ravages dont je ne rappellerai pas les chiffres, de peur d'en choquer certains.

Il est indispensable de conduire des recherches permettant d'anticiper de tels drames. En limitant les dommages, les mesures de prévention scientifique favorisent le développement durable des sociétés. La coopération internationale est évidemment nécessaire, et la France doit tenir toute sa place dans cet effort.

Les risques de tremblement de terre, par exemple, concernent particulièrement le sud-est de la France et surtout les Antilles, où une cartographie des failles alentour est nécessaire. Un tel programme coûterait 100 millions d'euros : ils ne sont pas dans votre budget. Engagerez-vous des fonds dans cette direction, Monsieur le ministre, avec un échéancier sur dix ans, comme certains chercheurs le proposent ?

Outre les catastrophes brutales, il y a les catastrophes au long cours, notamment le réchauffement climatique. Son étude scientifique suppose la collecte de données à long terme et la création d'observatoires permanents. Les trente observatoires mis en place en France ne sont pas des créations, mais de simples labellisations d'organismes existants. Consacrerez-vous les moyens suffisants pour que ces laboratoires puissent enfin poursuivre leurs campagnes de mesure ?

J'en viens à la mise au point des agrocomposants. Issus des déchets et sous-produits végétaux des filières agricoles et forestières, ils ont vocation à se substituer aux hydrocarbures, par exemple pour la fabrication d'emballages « verts ». Ils peuvent aussi servir de source d'énergie alternative aux produits fossiles à moindre coût et sans rejet polluant pour le chauffage, l'éclairage voire la cuisson. La production des agrocomposants peut, en outre, être organisée en un essaimage de petites unités de proximité bénéfique aux territoires ruraux car il limite les nuisances et la pollution liées au transport. Cette technologie préserve donc les stocks fossiles et limite les émissions de gaz à effet de serre : voilà qui participe au développement durable tant celui des pays développés que celui des pays en développement.

A ce titre, le programme AGRICE - « agriculture pour la chimie et l'énergie » - engagé en 1994 finance la recherche dans quatre domaines : l'efficacité des biocarburants ; les biocombustibles comme le miscanthus, plante à hauts rendements de biomasse ; les biomolécules, pour développer notamment les dégraissants biodégradables issus de protéines d'origine végétale ; les biomatériaux comme la fibre de chanvre - pour remplacer la laine de verre - ou l'addition au papier-carton de pulpe de betterave.

L'AGRICE est financé à hauteur de dix millions d'euros par an. N'est-il pas, Monsieur le ministre, indispensable d'augmenter ces crédits, d'autant plus qu'un article de la loi d'orientation agricole incite à l'utilisation de ces agrocomposants en interdisant dès le 1er janvier 2010 la commercialisation et la distribution de sacs ou emballages non biodégradables ?

Le budget de ce programme n'est pas clair. Globalement, les crédits représentent 1 136 millions d'euros, soit 5 % des crédits affectés à la mission « recherche et enseignement supérieur ». Ces chiffres correspondent-ils aux risques réels de catastrophes naturelles ? En outre, ils baissent de 0,5 % pour les actions de recherche proprement dites. N'est-ce pas là une forme d'autisme, au regard des catastrophes récentes ? Est-ce ainsi que vous soutenez la recherche en France, sur des sujets aussi cruciaux ?

Par ailleurs, on a peine à retrouver dans les documents que vous nous proposez les crédits affectés aux deux questions que j'ai évoquées. L'action « recherche pour la sécurité alimentaire, sanitaire, environnement et sur les risques naturels » est dotée d'un montant de 140 millions d'euros, mais ne concerne pourtant pas la recherche en matière de catastrophes naturelles. Et si j'en ai bien compris les règles, la LOLF ne garantit même pas cette enveloppe globale, puisqu'une action n'est qu'indicative et que c'est un fonctionnaire, en l'occurrence le directeur de la technologie, qui affectera les crédits du programme aux actions. Où est le contrôle parlementaire ? Quant aux crédits de la recherche sur les agrocomposants, je les ai cherchés en vain.

Enfin, la LOLF repose sur le contrôle d'objectifs par le suivi de critères. Mais où est la meilleure prise en compte des risques liés aux catastrophes naturelles et aux variations climatiques ? Où sont les mesures de progrès en matière de substitution des agrocomposants aux hydrocarbures ? C'est dire que ces cinq objectifs sont beaucoup trop généraux.

Après les avis favorables des six rapporteurs précédents, permettez-moi donc de vous surprendre : j'émets un avis défavorable sur le programme de la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources !

M. le président de la commission des affaires culturelles - Nous souhaitions que la discussion soit un peu plus animée qu'en séance publique, cela semble un peu mal parti. C'est au tour des porte-parole des groupes de s'exprimer.

M. Pierre Cohen - Cette formule nous interdit en effet d'interpeller l'orateur, ce qui rend les débats moins vivants que dans l'hémicycle.

Le projet de loi sur la recherche, annoncé depuis deux ans, distillé à coups de brouillons, est examiné de fait aujourd'hui alors qu'il n'a pas encore été présenté en conseil des ministres. Les rapporteurs présentent leur rapport comme si de rien n'était, ce qui signe un certain recul de la démocratie parlementaire.

Voici un budget de rattrapage, qui intervient après que le Gouvernement a sacrifié la recherche en 2002, 2003 et 2004. Le milliard d'euros de 2005 a permis de revenir au niveau de 2001, et le budget de 2006 égalera tout juste celui de 2002 en euros constants. Nous sommes donc loin d'un budget prioritaire et plus loin encore de l'objectif de Lisbonne, soit 3 % du PIB en 2010.

Ce budget est en vérité illusoire. Un premier tiers, soit 340 millions, correspond à la défiscalisation : vous renouvelez ainsi une somme conséquente sans recul sur les résultats qu'elle a produits l'année dernière. A qui profitent ces mesures ? Quelle est la part des effets d'aubaine ? A force d'ajouter des enveloppes de défiscalisation, n'a-t-on pas dépassé les capacités d'investissement des entreprises ?

Le deuxième tiers s'appuie sur un basculement vers un pilotage de la recherche par l'AII, dont le conseil d'administration sera nommé, qui ne disposera d'aucun conseil scientifique et dont les moyens seront plus importants que ceux du CNRS et des organismes réunis.

Le dernier tiers, enfin, permet la création de 3 000 postes, suite au mouvement sans précédent des chercheurs. Sur ces 3 000 postes, 1 080 seront occupés par des enseignants-chercheurs. L'Université devant faire face à la massification de son public, et à des étudiants souvent en grande difficulté, les enseignants-chercheurs doivent leur consacrer une grande partie de leur temps, et ces 1 080 postes ne sont pas l'équivalent de 840 emplois de recherche à temps plein. S'agissant de la partie qui revient aux laboratoires, on notera que, hors équipements, les budgets sont en diminution de 3 %.

Vous souhaitez innover en promouvant la recherche par projet, mais le CNRS en fait depuis des années ! Votre démarche de pilotage condamne à terme la liberté de la recherche : si vous aviez eu à financer les recherches d'Yves Chauvin, le prix Nobel ne lui aurait pas été décerné !

Enfin, il faut cesser de parler comme vous le faites de l'évaluation. Quant aux allocations de recherche, elles frisent l'indécence : les jeunes chercheurs ont besoin d'un statut et d'un salaire décent.

Un mot encore de l'espace. Lors d'un colloque récent au Sénat, tout le monde est convenu qu'un service minimum est assuré par les pays européens, mais que la compétence et le savoir-faire de notre pays, qui se satisfait d'être le premier, se trouvent peu à peu grignotés.

Un dernier mot concernant la culture scientifique et technique : nous ne finançons que la Cité des sciences, alors que le budget devrait être doublé pour accompagner les personnes qui font de la vulgarisation et qui permettront un jour que les carrières scientifiques soient autant valorisées que celles du football ou du management.

M. Alain Claeys - Cette réunion, dont on peut améliorer l'organisation, tombe bien : le projet de loi n'est pas encore présenté en conseil des ministres, les universités voteront bientôt - dans des conditions délicates - leur budget et des décrets sont encore publiés pour annuler des crédits concernant les universités.

Le groupe socialiste vous reproche de ne pas prendre à bras-le-corps la question des universités. Quelle que soit notre appartenance politique, nous sommes tous convaincus qu'un projet de loi sur la recherche doit inclure les universités.

Quelques brèves remarques sur le projet de budget. S'agissant des contrats de plan Etat-région - essentiels pour tout ce qui concerne l'investissement -, il semble que l'écart entre les autorisations de programmes et les crédits de paiement atteigne désormais près de 800 millions : qu'en est-il exactement ? Comment entendez-vous y remédier si tel est bien le cas ? L'échéance normale des CPER - 2006 - sera-t-elle respectée ?

En matière de maintenance et de sécurité des bâtiments, il reste, chacun le sait, plusieurs points noirs sur l'ensemble du territoire et certaines situations dangereuses font courir des risques réels à la communauté universitaire en général et aux présidents d'université en particulier. Pourrait-on enfin obtenir un état des lieux exhaustif et rigoureux de notre patrimoine immobilier universitaire ? Des campagnes de désamiantage sont-elles prévues partout où cela est nécessaire, au-delà de Jussieu et Censier ?

La situation du logement étudiant est hautement préoccupante, en région parisienne, mais aussi ailleurs. Si un effort notable a été accompli pour améliorer l'offre de restauration, le logement étudiant reste sinistré. Qu'envisagez-vous pour faire face à l'urgence ?

Tout bien considéré, le président de la conférence des présidents d'université, M. Yannick Vallet, considère qu'il manque 3 milliards aux universités françaises : confirmez-vous ce chiffre ?

Je profite de la discussion budgétaire pour évoquer, avant sa présentation au conseil des ministres, l'avant-projet de loi sur la recherche car, au vu des questions qu'il soulève, nous tenons à vous faire plusieurs propositions.

Les Assises de la recherche avaient permis de dégager un consensus sur le fait que la réussite des universités et leur meilleure implication dans la recherche passaient par une amélioration sensible de leurs mécanismes de gouvernement. Cela impliquait à l'évidence de réformer la loi de 1984 ! Las, rien ne vient et les systèmes de gouvernance de nos pôles universitaires restent figés.

Il semble ensuite que votre projet prévoie une possibilité de modulation des obligations de service des enseignants-chercheurs, mais que vous hésitiez à proposez la modification statutaire qui donnerait à la réforme sa pleine efficacité : qu'en est-il exactement ? Allez-vous enfin donner aux universités les moyens de leur politique ?

J'en viens aux questions touchant à l'organisation de la recherche. Si la communauté scientifique et universitaire est globalement favorable à la création de pôles de recherche et d'enseignement supérieur, elle redoute que la constitution de « campus de recherche » prive les universités de leurs pôles d'excellence et aboutisse au démembrement des équipes les plus performantes. Disons le nettement : oui aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur ; non aux campus de recherche ! Monsieur le ministre, le groupe socialiste vous demande solennellement de retirer cette disposition de votre projet de loi. Nous risquerions, sinon, de voir émerger des îlots de richesse et d'excellence dans un océan de pauvreté. L'université a besoin d'excellence, mais elle a aussi besoin d'être mise en réseau.

Autre enjeu majeur : la simplification administrative. Les présidents Méhaignerie et Dubernard l'appellent de leurs vœux en toute occasion. Je doute que le projet de loi sur la recherche leur donne satisfaction ! Ne prévoit-il pas en effet de créer de nouvelles personnes morales - les PRES - sans supprimer aucun organisme existant, et d'installer deux nouvelles agences - l'ANR et l'agence de l'innovation industrielle - dont les missions se recouvrent partiellement ? Le tout, bien entendu, sans outil d'évaluation valable !

Au reste, l'avant-projet dont nous avons eu connaissance est ambigu : votre propos, Monsieur le ministre, n'est-il pas de démanteler les organismes de recherche tels qu'ils existent aujourd'hui ? Si tel est le cas, dites-le ! Pour l'heure, on perçoit mal l'articulation entre l'ANR et les différents EPST. L'annonce de la mort du CNRS est-elle à rechercher dans les non-dits de votre projet ?

Je le répète : il est impossible de prendre une grande loi sur la recherche si l'on ne réforme pas concomitamment l'Université, au sein de laquelle s'accomplissent 80 % de l'effort de recherche du pays ! Ce que demande l'Université, ce sont des moyens, une évaluation objective de sa contribution à la recherche et une organisation territoriale cohérente, assise sur ses propres structures, sur les organismes de recherche et sur les grandes écoles.

Mme Anne-Marie Comparini - L'avantage de la formule de la commission élargie est de nous permettre d'interroger le ministre sur les différents secteurs de son domaine d'activité, dont l'avant-projet de « pacte pour la recherche » que vient d'évoquer notre collègue.

Le budget pour 2006 a le mérite, conformément aux engagements du Gouvernement, de poursuivre l'effort dont la pays a besoin : 3 000 postes sont créés, pour répondre aux besoins que le passage au LMD a encore amplifiés, rattraper le retard en matière d'emploi environné et créer des emplois de chercheurs. Parallèlement, l'allocation de recherche est revalorisée et diverses mesures catégorielles viendront améliorer la rémunération des chercheurs.

Nous regrettons toutefois que la logique de programmation pluriannuelle des moyens se borne à 2007, la poursuite de l'effort n'étant pas garantie au-delà. Il convient en effet, dans un secteur aussi stratégique, d'éviter les effets « dents de scie » et d'affirmer plutôt la continuité de la mobilisation. Au reste, l'effort prévu reste très en deçà des besoins tels que les a évalués le commissariat au Plan il y a quelques semaines.

Je remarque au passage que s'agissant de l'emploi dans la recherche, les indicateurs retracés dans les tableaux et dans le texte ne convergent pas forcément. Qu'en est-il ?

Je l'ai dit, l'allocation de recherche est revalorisée. Atteint-elle cependant un niveau suffisant pour attirer les meilleurs de nos jeunes dans nos universités ? Le système est-il, et Mme Rimane se l'est demandé elle aussi, assez souple et audacieux ?

Après avoir interrogé M. de Robien à ce sujet, je souhaite, Monsieur le ministre, vous poser la question du devenir des contrats pluriannuels pour l'enseignement supérieur privé. L'année dernière, votre prédécesseur m'avait répondu qu'il fallait attendre la parution du rapport Chartier pour se prononcer. Le rapport Chartier a paru : que fait-on ?

Nous connaissons tous la vétusté et l'archaïsme des modes d'organisation des campus français : l'effort d'investissement programmé pour 2006 sera-t-il suffisant pour les remettre au niveau des campus européens ? Il semble qu'en tendance, les autorisations d'engagement diminuent depuis 2000. Or 2006 est l'année d'échéance des CPER. Est-il prévu de lancer très rapidement un nouveau programme de modernisation des campus ?

En matière de vie étudiante, fait-on suffisamment pour aider les jeunes contraints de travailler pendant la durée de leurs études ? Les prêts bancaires à taux réduit et fiscalement déductibles figurent dans l'avant-projet de loi, et nous nous en félicitons. Mais sera-ce suffisant ? Ne pourrait-on faire en sorte que les étudiants forcés de travailler pour financer leur parcours trouvent des « jobs » en rapport direct avec leurs études, afin que cette expérience constitue une porte d'entrée pour leur vie professionnelle future ? Cela serait d'autant plus nécessaire que le chômage des jeunes diplômés, y compris de deuxième et troisième cycle, a beaucoup augmenté ces dernières années. Enfin, je souhaiterais qu'il soit possible de réglementer les stages obligatoires en entreprise, par le biais d'une négociation interprofessionnelle ou de l'élaboration d'une charte, de façon qu'ils soient à la fois mieux encadrés et mieux indemnisés ?

Je me permets d'insister sur le rôle irremplaçable des CTI. Je viens d'une ville où coexistent un Institut Carnot et trois CTI sur le textile, le cuir et la catalyse. D'une manière générale, les Instituts Carnot ne doivent pas concurrencer les CTI qui accomplissent un travail remarquable au profit des PME-PMI. En effet, l'agence de l'innovation industrielle aidera les grands groupes, mais certainement pas les PME-PMI innovantes et les jeunes pousses. Il nous faut donc revoir cela.

Au-delà de ce budget, l'avant-projet de loi de programmation suscite bien des interrogations. Le partage des rôles et des financements entre les diverses structures n'y est pas très clair. Comment le maintien de la dualité entre grands organismes de recherche et universités pourrait-il favoriser la créativité, la souplesse, l'émergence de jeunes équipes qui conditionnent pourtant largement le succès de la recherche ? Comment équilibrer recherche fondamentale et recherche industrielle quand le milliard d'euros supplémentaire prévu chaque année pour la recherche comporte 480 millions d'euros d'aides directes au privé et que les moyens de la MIRES n'augmentent que de 0,6 % en euros constants - 1 % si l'on tient compte des crédits de l'ANR en faveur des laboratoires ? Comme des chercheurs vous l'ont encore dit, lors de votre visite à Lyon, Monsieur le ministre, sans recherche fondamentale, quantité de progrès aujourd'hui indispensables à notre vie quotidienne n'auraient jamais été réalisés.

Particulièrement attachée au couple indissociable de l'enseignement supérieur et de la recherche, je regrette que l'avant-projet de loi conserve un système figé, trop centralisé, au risque de marginaliser certaines universités qui mènent pourtant une part importante de la recherche fondamentale. La gouvernance des universités doit changer. Les directions des pôles doivent, enfin, bénéficier d'autonomie.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Tout à fait.

Mme Anne-Marie Comparini - Lorsque certaines universités ou certains pôles souhaitent expérimenter l'autonomie, laissons-les faire ! Laissons-les vivre, oserais-je dire. Ces aspects organisationnels sont presque plus importants que les moyens financiers, fussent-ils accrus, dont nous débattons aujourd'hui.

M. Frédéric Dutoit - Je ne suis pas convaincu par la forme retenue pour la discussion du budget de la recherche, si décisif pour l'avenir de notre pays. Il ne me semble pas que ce soit la manière la plus efficace de débattre de cette question essentielle, d'autant que ce budget est « suspendu », pour reprendre les propos du président Dubernard, au futur projet de loi de programmation pour la recherche, dont nous ne pouvons le dissocier.

Le monde de la recherche et de l'enseignement supérieur est en colère - certes encore sourde - car ce budget est insuffisant, tant pour les moyens que pour les créations d'emplois, mais aussi manipulé pour donner l'illusion de répondre aux objectifs de Lisbonne, alors qu'il n'en est rien. En effet, le Gouvernement annonce un milliard d'euros de plus pour la recherche, mais il s'agit d'un milliard en euros courants - ce qui relativise l'effort consenti. Dans ce pseudo-milliard, figurent 389 millions pour la recherche publique, 280 millions pour l'ANR et l'OSÉO-ANVAR et 340 millions de dépenses fiscales.

Vous affichez triomphalement une hausse des crédits de la MIRES. Mais une fois retirés les crédits du programme « vie étudiante », soit 1,738 milliard, ses moyens ne s'élèvent qu'à 18,950 milliards, objectif qui figure pour 2006 dans le Pacte pour la recherche. C'est surtout la hausse des salaires, liée à l'augmentation du point d'indice, qui gonfle les crédits et permet d'atteindre le milliard annoncé ! En effet, cette seule augmentation représente tout de même 97 millions d'euros pour les universités et 40 pour le CNRS. Pour ceux qui réclamaient une augmentation en euros constants du budget de la recherche publique, on est donc loin du compte ! Les 3 000 postes créés ne le seront qu'à compter du 1er septembre ou du 1er octobre 2006 - ils n'entrent donc en ligne de compte que pour 27,8 millions d'euros.

Quant aux 240 et 40 millions versés respectivement à l'ANR et à l'OSÉO-ANVAR, ils seront prélevés sur les recettes des privatisations. Outre le scandale que constitue le bradage des entreprises publiques, je n'y reviens pas, et les effets dévastateurs qu'aura l'ANR sur les universités et les organismes de recherche, je tiens à souligner le caractère tout à fait aléatoire de ces moyens. Dès lors qu'ils ne proviennent pas de l'impôt, comment peut-on garantir qu'ils seront pérennes ?

Sur les 340 millions de dépenses fiscales, 50 millions seront consacrés aux exonérations des bénéfices des entreprises participant à un pôle de compétitivité, 100 millions aux déductions d'impôts pour dons aux établissements publics de recherche ou aux petites entreprises innovantes, et jusqu'à 20 millions aux exonérations de charges sur les salaires des étudiants travaillant durant les vacances universitaires.... Certaines de ces mesures seront probablement peu utilisées. Toujours le mirage de l'effet d'annonce !

Ce budget s'inscrit dans le droit fil idéologique du Pacte pour la recherche, lequel consacre la précarité croissante des emplois et la déstructuration des établissements de recherche et du réseau des universités. Dans le cadre d'un édifice étatiste des plus bureaucratiques, les organismes passeront leur temps à rechercher des financements, non seulement précaires mais visant à répondre aux exigences des multinationales, des dirigeants de fonds de pensions et autres fonds spéculatifs. Sur ce point, des propositions essentielles des états généraux de la recherche n'ont pas été prises en compte.

Nous ne le rappellerons jamais assez : 41 % des jeunes sortis du système éducatif en 2001, mais aussi 34 % de ceux ayant obtenu un DESS et 35 % de ceux titulaires d'une doctorat, avaient un emploi précaire ou étaient au chômage en 2004. Ces cinq dernières années, le nombre d'enseignants-chercheurs à statut précaire a augmenté deux fois plus vite que celui des titulaires, au point que 19% des chercheurs et plus de 25 % des enseignants à l'université n'ont qu'un emploi précaire. Les jeunes docteurs qui souhaitent continuer à faire de la recherche sont très souvent obligés de s'expatrier ou de vivre de bourses qui ne leur donnent aucun droit social. Selon un rapport du Commissariat général au Plan, il faudrait 14 700 postes supplémentaires à l'horizon 2013.

Le Premier ministre a annoncé le déblocage d'une première enveloppe de 110 millions d'euros pour la réhabilitation des bâtiments universitaires. Cette mesure, dont les contours demeurent d'ailleurs à préciser, risque d'être bien insuffisante, vu l'état de dégradation du parc. L'Etat accuse d'ailleurs un retard important dans le versement des crédits de paiement aux universités qui doivent engager des travaux.

Rien n'est annoncé pour rattraper le retard en matière d'encadrement pédagogique, améliorer le début de carrière des enseignants-chercheurs ni le statut des doctorants. On est loin de porter la dépense annuelle totale par étudiant à 10 000 euros, comme il serait souhaitable !

Tout cela reflète le sous-financement chronique de l'enseignement supérieur, en particulier des universités, dont certaines n'ont trouvé d'autre solution que de se placer dans l'illégalité en augmentant leurs frais d'inscription de façon inconsidérée, comme l'a fait Grenoble II.

Pis, dans ce budget, la situation sociale des étudiants, pourtant très difficile, ne fait l'objet d'aucune attention particulière. Alors que leurs dépenses obligatoires ont augmenté de 5,6 % durant la dernière année universitaire, les bourses et allocations d'études n'ont été revalorisées que de 1,5 %. Sur cinq ans, les aides n'ont progressé que de 5 % quand les dépenses progressaient, elles, de 20% !

Bref, la paupérisation des étudiants et le bradage de l'enseignement supérieur comme de la recherche se poursuivent. Je pense avoir démontré combien on est loin des annonces triomphalistes du Gouvernement.

M. Claude Goasguen - Au-delà des aspects budgétaires, je souhaite, étant universitaire moi-même, analyser quelques problèmes de la politique universitaire. Notre université ne va pas bien - qu'elle soit amorphe, même, n'est pas bon signe.

Ce budget est un bon budget, et vous avez effectivement obtenu des crédits pour la recherche. Mais, sans parler de la réforme de l'enseignement supérieur, nous sommes à la veille d'un changement inéluctable de l'Université. Le préparons-nous suffisamment ? Sur le plan qualitatif, du moins, je reste sceptique.

D'abord, je souhaite que votre ministère soit doté d'une réelle autonomie, et cela passe forcément par la création d'une direction générale des finances qui lui soit propre. On sait trop comment une direction générale des finances sise rue de Grenelle a tendance à trancher : la France a misé sur l'enseignement secondaire - sans obtenir forcément les résultats attendus - et le supérieur a été laissé de côté.

Réfléchir sur l'autonomie future des universités, c'est aussi réfléchir sur leur mode de financement. Peut-on continuer ce système dans lequel les crédits dépendent du nombre d'étudiants de premier cycle ? Les présidents d'Université ont évidemment intérêt à les enrôler en nombre - mais tout autant intérêt à ne pas retenir ces « clients » jusqu'à la fin du DEUG, s'ils veulent se procurer une petite aisance financière. On se plaint du pourcentage d'échec en premier cycle, mais tout le monde n'y perd pas. Ce système est pervers. De même, l'accueil des étudiants d'Afrique francophone n'a pas que des avantages : pendant ce temps, les universités de Dakar et d'Abidjan, que nous avons construites, sont en crise profonde. Non que je sois pour la sélection. Mais on ne peut aborder le problème de l'autonomie qu'en renonçant à toute hypocrisie sur ces questions de fond.

En second lieu, il faut parvenir à une véritable évaluation, celle de la gestion bien sûr, mais celle aussi des activités pédagogiques. Le niveau ne s`améliorera pas si les enseignants n'acceptent pas de s'y soumettre. Dans le secondaire, des progrès ont été accomplis. A l'Université, mes collègues l'accepteront difficilement, j'en ai bien conscience, mais c'est une nécessité.

Enfin, intervenant sur ce budget depuis une dizaine d'années, je ne saurais renoncer à mon antienne sur l'orientation. Les étudiants ne sont pas orientés car il n'y a pas de personnel qualifié pour le faire, ni pour mettre en commun tout ce qui relève des relations avec le monde économique. Les universités allemandes, comme les américaines, ont des départements spécialisés dans ces tâches. Tant que nos universités n'en seront pas dotées, ce sera l'un des facteurs de la supériorité des grandes écoles, que je ne remets d'ailleurs pas en cause : heureusement que nous les avons. Dans les années qui viennent, il faudra absolument mettre en place de tels départements.

Pour en revenir à la politique de la recherche, la disparition du contrôle financier au CNRS m'inquiète.

M. le Ministre délégué - Du contrôle a priori.

M. Claude Goasguen - Un jour ou l'autre, il faudra restructurer nos grands organismes de recherche, dont le rendement n'est pas évident, et la qualité de gestion parfois sujette à caution. J'aurais préféré qu'on supprime le contrôle financier sur les universités, qui ont des projets déjà évalués, que sur cet univers clos et, parfois, obscur.

Dans l'ensemble, nous sommes satisfaits de l'évolution des crédits, et de certaines possibilités d'évaluation. Ce budget est un bon budget, et le groupe UMP le votera, même si nous nous posons des questions pour l'avenir.

M. le Président de la commission des finances - On a parlé à plusieurs reprises des stages. Je ne voudrais pas qu'une loi médiatique vienne réglementer l'existant avant qu'on ait procédé à une étude d'impact. Menons-là, et nous verrons. Il arrive qu'un nouveau texte ait des effets pervers.

M. Pierre Lasbordes - Je me félicite de ce budget, qui répond aux engagements pris par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, et cela dans un contexte difficile. L'essentiel ayant déjà été dit, je me contenterai de quelques remarques et questions précises.

Personnellement, je suis très favorable à la création d'un ANVAR. Dans d'autres pays, le benchmarking a prouvé son efficacité. Il faudra néanmoins rester attentif à la transparence dans l'évaluation et dans l'affectation des crédits, notamment pour la recherche fondamentale. D'autre part, je crains que les 530 millions affectés à la sécurité des bâtiments universitaires ne soient pas suffisants, étant donné l'état du patrimoine.

Je me félicite de l'augmentation de 8 % des allocations de recherche. Mais ne faut-il pas indexer cette allocation sur le SMIC ? Quand en terminera-t-on avec la résorption des libéralités ? L'affaire est ancienne. Il faut la clore définitivement.

Dans l'objectif de consacrer 3 % du PIB à la recherche, le privé doit intervenir pour 2 % et le public pour 1 %. Or, le privé en est à 1,17 % : comment l'inciter à atteindre l'objectif de 2 % ? Le crédit d'impôt recherche est renforcé. Dont acte. A-t-on mesuré l'impact des mesures précédentes ? Nous aimerions en avoir connaissance avant la discussion du projet de loi d'orientation.

M. Claude Birraux - Ce budget s'inscrit dans la perspective de la loi d'orientation. Le groupe de l'UMP le soutiendra, car il tient les engagements du Premier ministre. Cela ne rend pas la tâche facile à l'opposition, surtout quand on se souvient qu'il fut un temps où les grands organismes de recherche devaient emprunter auprès des banques pour payer les salaires de novembre et de décembre... C'était entre 1981 et 1986 ! (Exclamations)

Le haut conseil pour la recherche est un outil essentiel. Je regrette donc qu'il soit créé par décret, et ne fasse pas l'objet de l'article premier du projet. Il lui faudra ensuite acquérir sa légitimité. Il serait bon que des parlementaires y siègent - pourquoi pas des membres de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, par exemple ?

D'autre part, j'insiste pour que l'on n'oppose pas recherche fondamentale et recherche appliquée. Attention, à ne pas remplir le tonneau de la première, le robinet qui alimente la second risque de se tarir. Le CERN fait de la recherche fondamentale, et les études sur le boson de Higgs ne passionnent peut-être pas l'opinion. Mais c'est ce qui a permis de développer l'imagerie médicale de haute résolution et la protonthérapie de tumeurs cancéreuses.

L'évaluation est indispensable, si elle repose sur des critères objectifs et identiques pour tous et surtout si elle prend en compte la pluridisciplinarité, ce qui n'est pas le cas jusqu'à présent. Dans le cadre du partenariat Science et Parlement, deux chercheurs qui s'occupent de biologie structurale ont fait, pour l'un de la physique et pour l'autre du génie chimique. Dans quelle discipline seront-ils évalués ? Je suis plus que favorable à l'évaluation, mais en gardant un petit espace de liberté. Songez à la récompense tardive obtenue par Alain Connes et Miroslav Radman : il faut prendre garde à ne pas pénaliser les chercheurs qui mettent un peu plus de temps à aboutir.

J'en viens à quelques questions. Le contrôle a posteriori est un progrès en matière de simplification, mais il faudra veiller à ce que décrets d'application et circulaires ne fassent pas le contraire ! Le crédit d'impôt recherche doit inclure l'emploi des docteurs. La stratégie de Lisbonne implique un nombre accru de chercheurs dans les organismes publics et privés, sans quoi nous n'arriverons jamais aux 3 % de PIC pour la recherche. Quelle est votre vision de l'emploi scientifique d'ici 2010 ? Quelle place auront les grands organismes de recherche ? Je suis favorable à leur maintien, mais pas à ce que leurs statuts et leur organisation restent figés à jamais ! Ils doivent évoluer avec leur temps, comme le CNRS est en train de le faire et comme le fait si bien l'INSERM depuis que Christian Bréchot en est le directeur : il sait anticiper et même inciter des scientifiques partis aux Etats-Unis à revenir !

Les premiers retours concernant l'ANR sont positifs, mais il faudra préserver son efficacité, éviter de tomber dans la bureaucratie et coordonner son action avec celle de l'agence de l'innovation sans bâtir pour autant une usine à gaz. Enfin, les opérations immobilières pour les universités sont caractérisées depuis trente ans par une politique de stop and go. Vous avez prévu des rénovations pour cette année, mais êtes-vous prêt à vous engager sur un plan pluriannuel de réhabilitation ?

M. Jean-Yves Le Déaut - D'abord, une remarque sur la forme : si l'on peut considérer que la discussion en commission est préférable à la séance publique, je remarque que nous en sommes à 1 h 56 de temps de parole pour la majorité, UDF comprise, et à 40 minutes pour l'opposition. Nous n'avons pas le temps de nous exprimer et de débattre réellement, même lorsque la majorité, ce qui n'est pas toujours le cas, dit des choses justes... On pourrait certes répondre que le fait d'être entre nous évite la surenchère verbale, mais justement : les documents budgétaires laissent une impression d'illusion et d'embrouillamini.

D'abord, ce budget repose entièrement sur une loi qui n'est pas encore votée - et j'en profite pour regretter une nouvelle fois qu'un texte aussi important qu'une loi sur la recherche et l'enseignement supérieur soit déposé en premier lieu au Sénat plutôt qu'à l'Assemblée. La situation est donc surréaliste : dans les régions, les pôles de compétitivité sont déjà en place et on leur a promis 1,5 milliard ! On n'a pas encore discuté de la corrélation des instituts Carnot avec les autres structures et on leur attribue déjà 40 millions ! Des crédits sont prévus en faveur de l'agence pour l'innovation industrielle, mais rien n'a encore été discuté au Parlement ! On met la charrue avant les bœufs. Pour aller vite, sans doute ? Mais rien ne pourra se faire tant que la grande misère des universités ne sera pas un peu réduite ! On compte 6 800 euros par étudiant à l'université, contre 9 000 en moyenne dans l'OCDE ! Et à côté de cela, on dépense 13 000 euros pour un étudiant en préparation aux grandes écoles ! Tant que cette cassure, due à la fameuse exception française, ne sera pas réparée, on n'avancera pas.

Mais où l'illusion devient fantastique, c'est que les chiffres annoncés ne se retrouvent pas dans le document budgétaire. Vous promettez un milliard supplémentaire : je ne trouve que 41 millions, soit une augmentation de 4 pour mille par rapport à l'année précédente ! Comment vous croire, quand la commission des finances est avertie le 27 octobre que l'aide à la cuve pour les ménages les plus modestes sera financée par des annulations de crédits de 200 millions sur le CNRS ? Et sur les premiers gels opérés, 200 autres millions concernaient la recherche. De votre milliard, il ne reste déjà plus que 600 millions. Il faut encore retirer une inflation de 2 % qui représente encore, sur les 20 milliards de l'ensemble, 400 millions : ne restent que 200 millions !

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Quel prestidigitateur !

M. Jean-Yves Le Déaut - Pas du tout ! C'est avec de tels artifices que vous essayez de masquer le fait que le budget de la recherche est aujourd'hui au même niveau qu'en 1992 ! On est très loin des autres pays développés ! A ce propos, M. Fourgous a tort : l'emploi scientifique est plus faible en France qu'au Japon ou aux Etats-Unis - d'au moins 50 % -, et la différence est particulièrement accentuée dans le secteur privé. On perd des emplois scientifiques dans la pharmacie et le médicament, et des pans entiers de notre recherche sont en train de disparaître faute de soutien à l'innovation.

Votre budget est divisé en trois tiers, dont deux dépendent théoriquement de la recherche industrielle : les mesures fiscales et une partie des crédits de l'agence pour l'innovation industrielle - dont on ne sait d'ailleurs pas où ils se trouvent. Pour établir les nouveaux documents budgétaires, vous n'avez fait que reprendre l'ancien BCRD ! Regardez les crédits de l'ADEME : ils sont toujours rattachés à la fois au ministère de la recherche, à celui de l'industrie et à celui de l'écologie ! Comment voulez-vous que nous travaillions si l'on ne fait aucun effort pour clarifier et regrouper les crédits ? Moi qui suis là depuis dix-neuf ans, je n'y comprends rien !

Vous parlez de 360 millions d'aide à la recherche industrielle : où sont-ils ? Il n'y a que 170 millions d'écart entre ce projet et la loi de finances initiale pour 2005 ! Ou bien les trouverez-vous dans d'autres budgets ? Dans ce cas, vous ne contrôlerez rien ! Il est facile de mettre de l'argent dans des secteurs où leur utilisation effective ne sera pas contrôlée. C'est le cas des fonds du crédit d'impôt recherche. Vous avez déjà fait le coup : Mme Haigneré avait annoncé 150 millions pour les fondations, prélevés sur les recettes de privatisation. Où sont-ils ?

M. le Ministre délégué - Ils ont été versés !

M. Jean-Yves Le Déaut - Quand ? Où ? Vous annoncez que les crédits atteindront 24 milliards au total, avec une augmentation d'un milliard par an d'ici 2010. Etant à 20,7 pour 2006, restent 3,3 milliards à trouver. En comptant avec l'inflation et un PIB évalué à 1905 milliards pour 2010, il faut encore 1,8 milliard. Si les gels de crédits continuent comme cette année, on ne s'y retrouvera jamais ! Il faudra donc bien un jour affronter la réalité. Vous nous serinez que l'Etat consacre 1 % du PIB à la recherche publique, mais ce n'est pas vrai ! Je n'ai trouvé que 0,7 %, en considérant l'ensemble des ministères ! 1 % du PIB prévu pour 2006, cela fait 17,6 milliards pour la seule recherche. Or, on est à 20,7 milliards, enseignement supérieur compris : le compte n'y est pas !

Vous ne serez crédible que si vous remédiez rapidement à la misère des universités et des chercheurs : que de jeunes chercheurs de 26 ou 27 ans soient payés en dessous du SMIC n'est pas acceptable pour un pays développé ! Il faut passer à 1 500 euros par mois rapidement. L'effort qui a été fait pour la police doit pouvoir être fait pour l'université.

Par ailleurs, il est évident que la recherche nationale est liée à la recherche européenne. Il a été proposé de porter le septième programme-cadre de recherche et développement technologique à 75 milliards, au lieu des 50 milliards du compromis de Luxembourg. Quelle est la position française à cet égard ?

Enfin, et c'est loin d'être anecdotique, le CNRS est aujourd'hui attaqué par l'ANR. Il subit des gels de crédits importants et la pagaille qui règne entre sa direction et sa présidence, avec des directeurs thématiques qui restent en place quand d'autres sont nommés et ne prennent pas leurs fonctions, doit absolument être réglée. Il faudra impérativement informer les parlementaires sur cette situation très grave.

M. Pierre-André Périssol - Ma maîtrise de l'arithmétique étant moindre que celle de mon prédécesseur (Sourires), je me contenterai, Monsieur le ministre, de vous dire que vous nous présentez un bon budget !

Néanmoins, se posent encore quelques questions. Premièrement, si un Haut conseil est chargé de fixer les grandes orientations scientifiques que l'ANR aura pour tâche de mettre en œuvre, quel sera le rôle du ministère délégué à l'enseignement et à la recherche ? Il faut redéfinir la place du ministère dans le soutien à la recherche en France en lui conservant, je l'espère, son rôle de véritable stratège. Deuxièmement, vous annoncez la création de 3 000 emplois scientifiques. Comment seront-ils répartis entre public et privé, et entre les différents statuts ? Enfin, nous découvrons à nouveau le manque de moyens dont souffre l'Université française. Je m'associe aux supplications de l'opposition pour une nouvelle gouvernance des universités et une plus grande autonomie qui leur permettent d'affronter la concurrence internationale. Peut-être pouvons-nous également envisager la création de fondations pour compléter le financement public auquel nous sommes évidemment très attachés ?

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Compte tenu du nombre de rapporteurs spéciaux et de rapporteurs pour avis, il serait bon, les années à venir, de former un collège de rapporteurs et qu'un seul soit désigné pour exposer la situation budgétaire de tel ou tel programme. Ainsi, nous préserverions l'intérêt de cette formule de la commission élargie qui permet, en temps normal, une meilleure réactivité dans les débats.

M. le Ministre délégué - J'essaierai de répondre au mieux aux nombreuses questions posées. Sur l'architecture budgétaire et les frontières des missions, Monsieur Bouvard, la Cour des Comptes a effectivement rendu un rapport très éclairant. Cet exemple montre combien l'apport d'un organisme de contrôle peut être précieux au pouvoir exécutif et au Parlement. Cela dit, le musée du quai de Branly et le muséum sont bien de grands établissements de recherche.

S'agissant de l'évaluation, notre but est simple : il s'agit de la rendre universelle et unitaire pour mieux faire des comparaisons, d'où la création de l'agence pour l'évaluation de la recherche. Certes, Monsieur Birraux, l'évaluation n'est pas tout, et il faut savoir raison garder. L'agence aura pour mission d'évaluer les organismes et leurs équipes en s'appuyant sur les systèmes existants et s'assurera que les organismes ont un système d'évaluation adapté à leur personnel. Monsieur Méhaignerie, la création de cette agence constitue bien une mesure de simplification administrative puisqu'elle naît de la fusion du Conseil national d'évaluation et du Conseil national d'évaluation de la recherche. Elle représente un grand progrès - jusqu'à présent, la recherche strictement universitaire ne faisait pas l'objet d'évaluations - et s'intéressera également à l'évaluation des enseignements.

Concernant l'emploi scientifique, il est évident que l'Etat souffre de lacunes statistiques. Mais soulignons que l'on ne peut vouloir une plus grande autonomie des universités sans leur accorder la liberté de recrutement. Nous allons donc leur accorder la gestion des crédits de recrutement de personnels. Du reste, n'oublions pas que le fameux principe de fongibilité asymétrique, posé par la LOLF et voulu par le législateur, donne aux gestionnaires de programme une plus grande liberté dans l'utilisation des crédits. Par conséquent, notre vision de l'emploi scientifique ne peut être totalement précise a priori.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - En saura-t-on plus dans les rapports annuels de performance, y compris pour les opérateurs ?

M. le Ministre délégué - Oui.

S'agissant des disparités, bien réelles, des taux d'encadrement entre les universités, les contrats quadriennaux permettent de les corriger. Sur ce point, je tiens tout de même à souligner que ce ne sont pas les universités les mieux dotées au point de vue financier qui réussissent forcément le mieux. La qualité de l'emploi des fonds publics prime sur le niveau de la dotation budgétaire, comme l'a rappelé le président de la commission des finances.

Quant à la gestion prévisionnelle des chercheurs, nous devons l'améliorer. Nous créons 3 000 emplois cette année, mais les départs à la retraite vont libérer 4 à 5 000 postes par an dans l'avenir.

Sur l'utilisation des mètres carrés universitaires, nous avons des progrès à faire. Je reviendrai plus tard sur les questions d'entretien et de rénovation.

Venons-en à la gouvernance des universités. La globalisation des crédits de recherche représente un pas concret en direction de leur plus grande autonomie financière. Au-delà, l'autonomie juridique des universités est de plus en plus importante. En matière de conception des formations, elles ont une grande liberté d'initiative et certaines ont fait délibérément le choix d'une plus grande professionnalisation pour répondre aux besoins de leur bassin d'emploi. Le financement public des universités, auquel le Gouvernement est très attaché, ne remet pas en question leur autonomie. Cela étant, nous pouvons encore faire des progrès en matière de transfert des compétences. Nous allons, notamment, permettre aux universités de moduler l'obligation de 192 heures d'enseignement des enseignants-chercheurs - mais cette mesure n'est pas inscrite dans le futur projet de loi car elle relève du règlement. Par ailleurs, nous souhaitons renforcer la capacité administrative des universités et placer auprès du président, issu du monde universitaire, des personnels chargés des questions administratives. Nous allons donc prendre des mesures indemnitaires pour encourager les hauts fonctionnaires à se diriger vers ce secteur.

S'agissant de l'accueil des étudiants étrangers, nous avons une politique traditionnelle d'accueil d'étudiants originaires d'Afrique. Il n'est pas question de revenir sur ces liens culturels et historiques, et ces flux réguliers continueront. Dans le même temps, nous observons l'arrivée croissante d'étudiants venus d'ailleurs, notamment d'Extrême-Orient, et nous l'encourageons car la diversification est souhaitable. En outre, ces nouveaux étudiants viennent plus souvent en troisième cycle qu'en premier cycle, et c'est un phénomène heureux de rééquilibrage entre ceux qui viennent faire toutes leurs études en France et ceux qui viennent s'y perfectionner.

Les contrats quadriennaux, instruments de pilotage des universités, favorisent ces évolutions. Nous discutons actuellement de leur mise en œuvre avec un tiers des universités. Ils permettront d'améliorer l'équilibre géographique des étudiants étrangers dans le respect de nos liens traditionnels.

Il y a cependant quelques universités qui cherchent à « faire du nombre », comme l'a relevé M. Goasguen, sans se soucier assez de la réussite des étudiants. Tout le monde y perd : les étudiants bien sûr, mais aussi les universités qui gaspillent les moyens publics. Il faut au contraire favoriser des cursus de réussite, en vérifiant les capacités initiales des étudiants et, le cas échéant, en leur proposant des mesures de rattrapage.

En matière de logement étudiant - comme pour l'immobilier universitaire - nous sommes en retard. Mais il s'agit d'une responsabilité collective ! Il ne suffit pas de quelques années pour mettre à niveau un parc immobilier : il faut des décennies ! Pour corriger ce retard, le rythme de 5 000 constructions neuves et 7 000 rénovations par an sera atteint en 2006. Nous nous heurtons parfois à des difficultés foncières, M. Bouvard l'a rappelé, notamment dans des grandes villes comme Paris. Dans ce domaine, le concours des collectivités territoriales est indispensable ! Nous avons les crédits de construction, mais il nous faut des terrains.

Il faut encore optimiser l'utilisation des surfaces et des moyens à Censier comme à Jussieu - le recteur y travaille. Nous disposons de 75 millions d'euros d'autorisations d'engagements pour financer les opérations très lourdes de désamiantage.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Je me permets de réitérer ma question sur l'absence de la direction des enseignements supérieurs de la mission et du programme. Il y a là une incohérence.

M. le Ministre délégué - Il ne s'agit pas de crédits très importants.

Vous connaissez bien, Madame Rimane, les problèmes de professionnalisation des enseignements supérieurs avec les licences et les mastères. Ce sont de vrais succès ! L'Université, souvent critiquée, s'est transformée en développant des formations professionnelles, dont on mesure le succès au taux d'emploi à l'obtention du diplôme.

Il n'est pas question de revenir sur les formations courtes - BTS, IUT - qui sont de bonne qualité. Près de 70 % des étudiants de ces filières souhaitent poursuivre leurs études, peut-être par inquiétude pour leur avenir professionnel, mais il est avéré que l'on peut trouver un emploi avec une formation de ce type à Bac+2, souvent même plus facilement qu'avec d'autres formations. Nous avons simplement semestrialisé l'enseignement des IUT pour le raccorder au système licence-mastère-doctorat.

Je n'ai pas d'explication sur le remboursement partiel des droits d'inscription de certains étudiants boursiers de l'université Antilles-Guyane car la règle prévoit leur remboursement intégral. Nous vérifierons cela. Quant au financement du CPER, nous tiendrons les engagements prévus de 11 millions d'euros.

Il existe toujours une convention de stage entre les établissements supérieurs et les entreprises d'accueil. On peut certes y apporter des perfectionnements - une charte générale, un travail avec les professionnels, un effort envers les petites entreprises - mais le sujet est trop complexe pour qu'on le règle par quelques dispositions. Je le répète : les stages sont indispensables ! Il peut y avoir des écarts ou des abus, mais ils relèvent du droit du travail. Ne noircissons pas le tableau : les stages ne sont pas de dangereuses dérives consistant à utiliser les étudiants pour remplacer les salariés. Ils sont nécessaires dans toutes les formations.

Je suis entièrement d'accord avec l'analyse de M. Fourgous : dans une économie contemporaine, l'intelligence est un facteur de production. C'est précisément le pari de notre effort sur la recherche. Le nombre de dépôts de brevets progresse, même si les organismes publics et certaines entreprises n'ont pas toujours cette culture. Nous sommes derrière l'Allemagne et la Grande-Bretagne, mais les écarts se resserrent - 25 000 dépôts en France contre 29 000 outre-Manche. Environ 10 % des laboratoires publics ferment chaque année. C'est un mouvement normal de naissances et de morts qui montre bien que le paysage n'est pas figé. La culture de l'évaluation doit progresser : c'est l'objectif de la loi organique. Il faudra faire mieux partout, y compris dans nos propres administrations.

J'en viens au pilotage global de la recherche : naturellement, personne ne peut prétendre piloter la science, qui est le fait des hommes et des femmes de science. Néanmoins, une politique de la recherche publique est nécessaire. C'est la responsabilité de l'Etat. Les choix se font souvent de manière implicite, lorsqu'on affecte par exemple plus ou moins de crédits à l'INRA ou à l'INSERM. Il faut les expliciter, et justifier que tel ou tel effort porte sur un domaine plutôt qu'un autre.

Vous avez raison, Monsieur Lejeune : les programmes blancs sont extrêmement importants. Quant à l'ANR, elle dispose de 590 millions en crédits de paiement, mais de 800 millions en autorisations d'engagements puisque les projets sont généralement envisagés sur deux ou trois ans.

Le crédit impôt recherche est, quant à lui, passé de 500 millions en 2004 à 730 en 2005, de fait de la réforme de 2004, et atteindra 860 millions en 2006, pour dépasser le milliard à terme. Le CIR est une véritable dépense de recherche-développement. Le doublement des salaires des jeunes chercheurs dans l'assiette du CIR, par exemple, sert à la fois les entreprises et l'emploi. Les réformes adoptées par le Parlement ont un effet direct : on ne peut pas dire à la fois que l'effort de recherche des entreprises françaises est insuffisant et critiquer le CIR, qui est le meilleur outil d'incitation à la recherche.

Dans le vaste domaine de la recherche spatiale, la question des lanceurs se pose au double titre d'Ariane V et de la nouvelle génération de lanceurs. M. Cohen l'a dit : nous devons maintenir les compétences en France et en Europe, afin de garantir notre autonomie. L'Europe aura bientôt une gamme complète de lanceurs - Ariane, Soyouz et Véga.

Le programme GMES, Monsieur Chassaigne, qui vise à utiliser les données satellitaires pour les question climatiques, est une priorité absolue ! Loin d'abandonner la recherche en matière d'environnement, nous lui donnons une dimension nouvelle, et la France milite pour que l'environnement soit retenu parmi les thèmes prioritaires du 7ème PCRD.

Si le programme ISS a connu des difficultés dues aux échecs de la navette américaine, le programme quadriennal fait néanmoins du CNES un outil très efficace et la plus performante des agences spatiales européennes.

Les instituts Carnot doivent leur nom à Sadi, fils de Lazare et oncle du Président de la République homonyme, père de la thermodynamique. C'est un label que nous attribuons aux organismes, sur le modèle des instituts Franzhofer en Allemagne.

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Le grand public ne saura pas de quoi il s'agit.

M. le ministre délégué - Permettez-moi d'être en désaccord. Ce label permettra aux entreprises de se repérer dans un paysage complexe et de montrer qu'il existe des établissements spécialisés dans le transfert de la recherche vers les applications. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu de consacrer 40 millions d'euros au label Carnot.

M. le président de la commission des affaires culturelles - Trouvez au moins une signification à chacune des lettres, de manière à former un sigle !

M. le Ministre délégué - Monsieur Ménage, le statut social du jeune chercheur est pour nous une préoccupation. J'ai entendu des critiques d'ordre budgétaire mais personne ne contestera la réalité des 3 000 postes inscrits au budget 2006. N'oublions pas que la majorité précédente avait pour ambition de créer 800 emplois sur cinq ans ! Voilà qui fait une différence et qui ouvre des perspectives d'emploi dans l'ensemble des organismes de recherche pour les jeunes chercheurs. S'agissant des allocations de recherche, leur revalorisation avait pris beaucoup de retard : nous les avons augmentées depuis 2002 de 15 % et nous programmons deux hausses annuelles de 8 %.

Le secteur des bibliothèques électroniques n'est pas oublié, puisque 106 millions d'euros, soit deux millions supplémentaires, lui sont consacrés.

Les PRES sont un outil de coopération, à géométrie variable, entre l'enseignement supérieur et les organismes de recherche. Leur statut, fondation publique ou établissement public de coopération scientifique, ainsi que leur gouvernance seront du ressort de leurs initiateurs.

Les Campus de recherche se rattachent au concept précédent. Ils permettent de mobiliser les forces de recherche dans certains domaines, comme les nanotechnologies ou les neurosciences, afin de placer la France sur le devant de la scène internationale. Leur vocation est donc plus large que celle des PRES, ils portent sur un thème identifié et bénéficient de moyens spécifiques.

M. Alain Claeys - Lorsqu'une université comporte un pôle d'excellence, en est-elle dessaisie si elle intègre un Campus de recherche ?

M. le Ministre délégué - Ce sont les initiateurs qui décident de mettre des moyens dans un PRES, et le Campus n'est autre chose qu'un PRES qui a bénéficié d'un label de l'Etat, celui-ci ayant décidé de faire du thème de recherche une priorité nationale. Pour vous donner un exemple, il est fort probable que le rassemblement d'universités et d'organismes de recherche spécialisés dans la fusion autour d'ITER sera candidat à la labellisation et que cette demande fera l'objet d'un examen attentif de la part de l'Etat.

M. le Président de la commission des affaires sociales - Le Campus, c'est un label, comme la volaille de Bresse (Rires).

M. Jean-Yves Le Déaut - Comment ce mécanisme s'articule-t-il avec les pôles de compétitivité ? Est-il vrai que 300 millions d'euros sont déjà prévus pour les Campus de recherche ? Ils n'apparaissent dans aucun document budgétaire.

M. le Ministre délégué - Les pôles de compétitivité sont constitués au niveau d'une région et rassemblent les forces économiques, de recherche et d'enseignement supérieur, tandis que les PRES et les Campus appartiennent au monde de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il peut y avoir recoupement, mais il s'agit de deux formes de coopération différentes.

M. le Président de la commission des finances - L'Ecole d'économie de Paris n'est-elle pas la marque d'un colbertisme bien français ?

M. le Ministre délégué - Le Premier ministre, pour illustrer la nouvelle politique de Campus, a annoncé que cette école bénéficierait du label. Née à l'initiative d'un certain nombre d'organismes situés en Ile-de-France, rien ne l'empêchera de s'ouvrir à des forces de recherche situées dans d'autres régions. De toute façon, cette formule a vocation à s'appliquer partout en France.

S'agissant des CTI, bien qu'une légère baisse des dotations budgétaires puisse être constatée, leur rôle n'est pas remis en cause.

Monsieur Binetruy, vous avez demandé s'il ne convenait pas d'attribuer des moyens supplémentaires à l'école des Mines ou à l'école des Télécoms. La dotation de ces établissements est en rapport avec leur taille ; ils feront du reste, par le biais de mesures comme la légalisation de l'association de recherche, l'objet de beaucoup d'attention.

Vous m'avez interrogé sur la coexistence des trois instances, OSÉO-ANVAR pour les PME, l'ANR pour la recherche, l'AII pour l'innovation industrielle. Elles disposent d'administrateurs communs et leurs interventions sont coordonnées par le ministère. Je veux rappeler ici que l'AII n'a pas pour vocation exclusive de financer des projets conduits par de grandes entreprises, et des PME seront associées aux projets qu'elle aura retenus. Au reste, il n'existe pas aujourd'hui de grand projet industriel qui soit l'apanage des grandes entreprises !

D'impact assez modeste, le programme Jessica semble assez efficace et il n'y a pas lieu de le mettre en cause.

S'agissant des zonages, effectivement essentiels, les cartes paraîtront par voie de décret, et il semble que le découpage retenu suscite assez peu de contestations. En toute hypothèse, ce qu'un décret prend, un autre peut le défaire et il n'y a donc pas d'inquiétude particulière à avoir à ce sujet.

S'agissant de l'imputation des crédits de l'AII, je la qualifierai de « naturelle », puisqu'il ne sont constitués que de crédits de fonctionnement.

Tous les sujets abordés par M. Chassaigne correspondent à des priorités de notre action, qu'il s'agisse des biocarburants, de la promotion des énergies renouvelables, des programmes en faveur de l'environnement ou des dotations de l'ADEME.

M. Cohen a abordé plusieurs points sur lesquels je me suis déjà largement exprimé. Bien entendu - et pour apaiser ses craintes ! - l'ANR exercera sa mission dans un environnement éminemment scientifique. Qu'il s'agisse du choix des thèmes ou des appels à projets, l'ensemble des décisions seront validées par des scientifiques. Quant au Haut Conseil de la science et de la technologie, il n'est guère sérieux, permettez-moi de vous le dire, de prétendre qu'il sera mis à la disposition du Gouvernement ! Composé de femmes et d'hommes de science de haut niveau, son indépendance ne fait aucun doute ! Les personnalités scientifiques ne servent que la science et l'avancée de la connaissance, pas telle ou telle autorité politique.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - A part Von Braun !

M. le Ministre délégué - Autre analyse des plus contestable : notre avant-projet de loi annoncerait la mort programmée du CNRS. La vérité, c'est que la dotation de l'établissement progresse de 2,9 % et que pas moins de 1 400 de ses équipes ont été retenues dans les appels à projets de l'ANR. Loin de décliner, l'organisme est plus fort que jamais.

Non, la Cité des sciences, pour grand que soit son rayonnement, n'est pas la seule institution chargée de diffuser la culture scientifique et technique. A Paris, il faut compter aussi avec le Palais de la découverte et avec le Muséum d'histoire naturelle ; en outre, notre programme d'expositions et de manifestations décentralisées vient à la rencontre du plus large public.

Le lien à nouer, Monsieur Cohen, entre l'enseignement supérieur et la recherche fait partie de notre credo. Quant à l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, il n'est pas du tout de 800 millions ! S'il existe un écart mécanique - c'est du reste toute la logique du dispositif AE/CP -, je puis vous garantir que fin 2006, 90 % des autorisations auront été couvertes par des crédits disponibles.

Je ne reviens pas sur les difficultés liées au patrimoine immobilier et au logement étudiant. Le Gouvernement est conscient des problèmes qui se posent et s'attache à les résoudre en priorité.

Un commentaire sur les comparaisons au sein de l'OCDE, pour dire que les conclusions à tirer méritent d'être nuancées. Certes, pour la dépense par étudiant sur la durée d'une année universitaire, nous nous situons sensiblement en dessous de la moyenne. Mais d'une part, les Etats-Unis tirent fortement la moyenne vers le haut, puisqu'ils font deux fois et demie celle-ci. Si l'on se réfère à la médiane, le tableau devient moins défavorable pour la France. D'autre part, si l'on considère la dépense engagée par étudiant pour la totalité du cursus de formation le conduisant au diplôme, la France se situe au dessus de la moyenne de l'OCDE, ce qui tend à prouver que nos jeunes font des études plus longues que les autres. Reste posé le problème de l'échec en premier cycle, qu'il ne saurait être question d'esquiver. Par ailleurs, dans les écoles d'ingénieurs placées à l'intérieur des universités - et elles sont de plus en plus nombreuses -, la dotation moyenne par étudiant est exactement identique à celle constatée dans les grandes écoles relevant de l'Education nationale. Cela tient au fait que les études scientifiques coûtent beaucoup plus cher que les autres, et l'impression que les grandes écoles sont avantagées doit beaucoup à la nature des formations qu'elles dispensent.

S'agissant de la loi sur la recherche de 1984, j'ai noté que le groupe socialiste souhaitait désormais sa révision ! Pour nous, le sujet n'est pas d'actualité, même s'il faut, j'en conviens, œuvrer à améliorer l'administration des universités.

M. le Président de la commission des finances - Monsieur le ministre, votre exposé est passionnant mais nous sommes rattrapés par le temps. Pouvez-vous faire montre de votre esprit de synthèse habituel ?

M. le Ministre délégué - Je me dois de répondre à chacun. Mme Comparini m'a interrogé sur les moyens consacrés à l'enseignement supérieur privé, dont l'utilité n'est plus à démontrer. La dotation reste faible, mais elle progresse, passant de 44,95 millions à 46,70 millions. Comme vous l'avez dit, les intérêts des prêts bancaires accordés aux étudiants pour achever leurs études seront déductibles. Quant à la MIRES, son taux de progression s'établit bien, à structure constante, à 2,2 %, compte non tenu des dotations des agences - ANR et AII -, lesquelles proviennent d'un compte d'affectation spéciale non retracé dans la mission interministérielle. La nécessité de la recherche fondamentale ne fait pas débat et le temps me manque pour développer ce point essentiel.

Contrairement à vous, Monsieur Dutoit, je considère que les dépenses fiscales tendant à favoriser l'effort de recherche des entreprises sont extrêmement utiles et que l'emploi scientifique n'est pas fragilisé par nos décisions. Nous nous attachons à supprimer toutes les formes d'emploi précaire, le programme de résorption des libéralités étant poursuivi résolument. Quant aux droits d'inscription illégaux, est-il bien nécessaire d'indiquer que nous y sommes fermement opposés ?

Je précise à M. Lasbordes que le plan de résorption des libéralités est suffisamment doté et que les objectifs de Lisbonne ne constituent pas une prévision mais une cible à atteindre. Dès lors, la mobilisation pour les remplir concerne chacun d'entre nous. Conformément à vos attentes, l'efficacité du crédit d'impôt recherche est soumise à évaluation.

Je rends hommage, cher président Birraux, à l'excellence des travaux de l'OPECST...

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Il est mérité ! Mais n'oubliez pas l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé !

M. le Ministre délégué - Soyez sûr que toutes les questions liées à l'état du patrimoine immobilier me préoccupent tout particulièrement. Le Gouvernement est tout à fait conscient de la nécessité d'un plan de rattrapage pluriannuel.

Non, Monsieur Le Déaut, les crédits de la recherche ne subissent aucune annulation. Les mouvements de crédits sont liés au nouveau régime de TVA applicable aux EPST, que j'ai précisé en début de séance. Pour ce qui concerne le nombre de chercheurs par rapport à l'ensemble de la population, il est vrai que nous nous situons loin derrière les Etats-Unis et le Japon, mais nous devançons l'Allemagne et le Royaume-Uni. Rapporté à l'ensemble de la population, le nombre de chercheurs est deux fois et demie plus élevé en France qu'en Italie. Quant aux fondations de recherche, les dotations prévues permettront de couvrir les besoins.

Je pense avoir déjà répondu aux questions de Pierre-André Périssol et je vous prie de m'excuser d'avoir été un peu long : vos questions passionnantes appelaient des réponses précises.

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Nous vous en remercions et nous allons, avec les autres présidents de commission, réfléchir aux moyens d'améliorer ces séances de commission élargie pour favoriser les échanges directs. Avec sept rapporteurs et cinq porte-parole de groupes - dont deux pour le groupe socialiste ! -, l'exercice n'était pas des plus aisés !

II. EXAMEN DES CRÉDITS

A l'issue de l'audition de M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, au cours de sa séance du jeudi 3 novembre 2005, sur le rapport de M. Pascal Ménage, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2006, à l'exception des crédits des programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « vie étudiante » qui font l'objet d'un rapport spécifique de Mme Juliana Rimane.

La commission a approuvé les conclusions du rapporteur pour avis et a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

ANNEXE 1

DOTATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2006
(par grands opérateurs)

OPÉRATEURS

DO+CP pour 2006

(en millions d'euros)

Évolution 2005/2006

(à structure constante)

Établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST)  (29)

3 899

+ 3,2 %

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

2 351

+ 2,9 %

Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

492

+ 3,7 %

Institut national de la recherche agronomique (INRA)

607

+ 2,7 %

Institut national de recherche en informatique et automatique (INRIA)

131

+ 7,4 %

Établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC)  (30)

2 638

+ 2,8 %

Commissariat à l'énergie atomique (CEA)

942

+ 5,3 %

Centre national d'études spatiales (CNES)

1 376

+ 0,7 %

Agence nationale de la recherche (ANR)

586

+ 69,4 %

Agence de l'innovation industrielle (AII)

1 000

(31)

Recherche universitaire (32)

574

+ 3,6 %

ANNEXE 2

ÉVOLUTION DES DOTATIONS BUDGÉTAIRES 2000-2006

Évolution des dotations des EPST et des EPIC () en crédits de paiement (2000-2006)

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Évolution des dotations de la recherche universitaire, de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et de l'Agence de l'innovation industrielle (AII) (2000-2006)

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Évolution globale des dotations (33) (2000-2006)

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ANNEXE 3

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

¬ Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales B et C (ANRS) - M. Jean-François Delfraissy, directeur

¬ Collectif « Sauvons la Recherche » (SLR) - M. Alain Trautmann, porte-parole, M. Georges Debrégeas et Mme Hélène Combes, membres du collectif

¬ Confédération des jeunes chercheurs (CJC) - M. Florent Olivier, président, M. Sylvain Collonge, vice-président, et M. Sylvain Bureau, membre

¬ Mme Catherine Bréchignac, physicienne, membre du comité d'identification en vue de la création du Conseil européen de la recherche (European research council ERC), ancienne directrice générale du CNRS

¬ Institut Montaigne - M. Daniel Laurent, responsable du groupe de travail « Enseignement supérieur-Recherche », et M. Gérard Tobelem, professeur d'hématologie, directeur de l'Institut des vaisseaux et du sang

¬ Agence de l'innovation industrielle (AII) - M. Robert Havas, président du directoire

¬ Centre national de la recherche scientifique (CNRS) - M. Bernard Larrouturou, directeur général

¬ Agence nationale de la recherche (ANR) - M. Gilles Bloch, directeur

¬ Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) - M. Christian Bréchot, directeur général, et M. Victor Demaria-Pesce, chargé des relations avec le Parlement

¬ Conférence des présidents d'université (CPU) - M. Yannick Vallée, premier vice-président, M. Bernard Bosredon, deuxième vice-président, M. Richard Lioger, troisième vice-président, et M. Eric Espéret, délégué général

¬ Université François Rabelais de Tours - M. Michel Lussault, président

¬ Faculté de médecine de Tours - Pr. Dominique Perrotin, doyen

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N° 2569 - Avis présenté par M. Pascal Ménage au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) - tome VI - recherche et enseignement supérieur - recherche

1 () Il est à regretter que la réforme dont le but était précisément de permettre aux représentants de la Nation une plus grande latitude dans la répartition des crédits se traduise par l'établissement de documents budgétaires telle que l'annexe Recherche et enseignement supérieur dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle est difficilement lisible et donc peu exploitable.

2 () En crédits de paiement, le montant de la mission « Recherche et enseignement supérieur » s'élève, dans le projet de loi de finances pour 2006, à 20,688 milliards d'euros.

3 () De type Synchrotron SOLEIL qui va entrer dans une phase opérationnelle dès l'année prochaine.

4 () Le nouveau classement de l'université dont la presse française s'est fait l'écho au mois d'août 2005 place la France au sixième rang mondial derrière les Etats-Unis, le Royaume Uni, le Japon, l'Allemagne et le Canada. Tandis que parmi les cent premières universités de ce classement, plus de la moitié sont américaines, le Royaume-Uni place onze universités dans le top 100 et la France seulement quatre de ses établissements, le premier d'entre eux, l'université Paris VI, arrivant en 46e position alors qu'il occupait le 41e rang l'année précédente.

5 () Surtout, il conviendra de mieux associer les acteurs de la recherche, au premier rang desquels les universités, à la constitution de ces campus. De ce point de vue, l'annonce, par M. Dominique de Villepin, de la création du premier campus, l'Ecole d'économie de Paris, a été très mal ressentie par les présidents d'université qui ont estimé n'avoir pas été suffisamment associés à la définition du projet. Rappelons que ceux-ci, par la voie de leurs représentants de la Conférence des présidents d'universités (CPU), sont favorables à la création des « campus » mais à certaines conditions : que les campus soient organisés dans le cadre des PRES et à l'initiative des présidents d'universités. Les membres de la CPU redoutent en effet que la constitution des campus aboutisse à une « vente à la découpe », selon leur propre expression, des universités. Seuls les laboratoires les plus performants seraient partie du campus qui drainerait la majorité des crédits au détriment d'autres laboratoires et d'autres enseignements condamnés à la portion budgétaire congrue et donc, à terme, condamnés dans leur existence même.

6 () La gestion de la recherche dans les universités, Rapport public particulier, octobre 2005.

7 () Cf. Dépenses de recherche et développement en France en 2003 - Premières estimations 2004, Note Recherche du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (septembre 2005).

8 () Cf. Article 15 du projet de loi de finances pour 2006.

9 () Ces dispositions permettent aux entreprises de déduire, de leur impôt sur les sociétés 2006, 65 % des versements qu'elles auront effectuées entre le 26 mars et le 31 décembre 2005 en faveur d'établissements publics de recherche ou d'enseignement supérieur, dans la limite de 2,5 % du montant de l'impôt.

10 () Les ressources des CTI sont mixtes et proviennent pour une part de l'Etat, pour une part des ressources propres dégagées par la vente de leurs services et de leurs produits aux entreprises qui font appel à eux. Selon les centres - au nombre de dix-sept - la part de l'Etat prend soit la forme de recettes fiscales affectées soit la forme d'une dotation budgétaire. Or pour les centres ayant retenu cette solution, le montant de la subvention n'a pas été revalorisée depuis l'an 2000 ce qui, en dépit des gains réels de productivité réalisés par les centres depuis cinq ans, les placent dans une situation financière difficilement compatible avec l'accomplissement de leurs missions.

11 () Deux pôles en Ile-de-France (System@tic et Pôle Ile-de-France MédiTech Santé) ; deux pôles en Rhône-Alpes (Lyonbiopole et Minalogic) ; un pôle en Provence-Alpes-Côte d'Azur (Solutions communicantes sécurisées) ; un pôle associant les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées (Aéronautique, espace et systèmes embarqués).

12 () Un pôle en Alsace (Innovations thérapeutiques Alsace) ; deux pôles en Bretagne (SEA-NERGIE et Images et réseaux) ; un pôle en Ile-de-France (Image, multimédia et vie numérique) ; un pôle en Nord-Pas de Calais (pôle i-Trans) ; un pôle en Pays de la Loire (Végétal spécialisé) ; un pôle associant les régions Picardie et Champagne-Ardenne (Industries et agro-ressources) ; un pôle en Provence-Alpes-Côte d'Azur (Mer, sécurité et sûreté PACA) ; un pôle en Rhône-Alpes (Chimie-environnement Lyon Rhône-Alpes).

13 () Liste arrêtée par le comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT) du 14 octobre 2005.

14 () Contraction de Doctor of philosophy, équivalent en anglais de « docteur » (quelle que soit la discipline).

15 () Au risque sinon de ne plus trouver aucune personnalité compétente pour faire des évaluations.

16 () National health institute (NIH), dans le domaine des sciences de la vie ; National science foundation (NSF), essentiellement tournée vers la recherche fondamentale ; National aeronautics and space administration (NASA), dans le domaine de l'exploration spatiale ; National oceanic and atmospheric administration (NOAA), dans le domaine de l'environnement ; National institute of standrads and technology (NIST), interface entre les mondes industriel et universitaire ; Environmental protection agency (EPA), responsable des problèmes liés à l'environnement.

17 () Selon les chiffres de l'Observatoire des sciences et des techniques (OST), la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD), en 2001, s'élevait à 47,8 milliards d'euros en Allemagne, 31,5 milliards d'euros en France et seulement 25,8 milliards d'euros en Grande-Bretagne.

18 () A leurs côtés on retrouve : le Biotechnology biological science research council (BBSRC), spécialisé dans le domaine des sciences du vivant, l'Engineering & physical sciences research council (EPSRC), orienté sur la physique et les sciences de l'ingénieur, l'Economic & social research council (ESRC), qui finance les recherches en sciences économiques et en sciences sociales, le Natural environment research council (NERC), axé sur les questions d'environnement, le Particle physics and astronomy research council (PPARC), orienté vers la recherche sur les particules et sur la connaissance de l'univers, et, enfin, le plus récemment créé, en avril de cette année, l'Arts and humanities research council (AHRC), compétent dans le champ des sciences humaines.

19 () Pour remplir sa mission, l'ANR a été constituée, à titre provisoire, en groupement d'intérêt public (GIP) ce statut devant évoluer, comme il est prévu dans l'avant-projet de loi sur la recherche, en établissement public à caractère administratif (EPA) doté de possibilités de dérogations en matière de recrutement et de fonctionnement. Si la souplesse de gestion est une nécessité pour ce type de structure, le rapporteur pour avis se demande en revanche pourquoi il n'est pas prévu de constituer directement l'ANR en établissement public à caractère économique et commerciale (EPIC).

20 () Les projets concernés mobilisent effectivement une masse de crédits importante, de l'ordre de 20 à 100 millions d'euros par an sur cinq ans.

21 () A l'exception du champ spatial, de l'aéronautique et du nucléaire, financés par ailleurs.

22 () A la recherche du temps perdu... Pour une recherche française à l'avant-garde de la compétition mondiale (rapport d'information n° 1998 - http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i1998.asp).

23 () Recherche : petits projets deviendront grands ! (http://www.institutmontaigne.org/site/page.php?page_id=23)

24 () Le cas du programme « Jeunes chercheuses, jeunes chercheurs » qui réserve une partie des financements de l'agence à des projets présentés par des jeunes chercheurs est différent puisque, à l'intérieur du cadre défini, la logique de concurrence continue de jouer à plein.

25 () Centre pour le développement technologique industriel.

26 () Ministère fédéral de l'éducation et de la recherche.

27 () Avec cette réserve que la langue dans laquelle sont rédigés les réponses aux appels d'offre (en l'occurrence, pour l'ANR, le français) fait barrage à une coopération poussée.

28 () A ce titre la présence, dans les instances dirigeantes de l'ERC, du directeur de l'ANR (et vice-versa) est à envisager.

29 () Tous les chiffres concernant les EPST sont exprimés à structure constante. Outre les quatre établissements figurant dans le tableau font partis de la catégorie administrative des EPST les établissements de recherche suivants : le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts (CEMAGREF), l'Institut national d'études démographiques (INED), l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS), l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC).

30 () Hors Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et Institut Paul Emile Victor (IPEV). Outre le CEA et le CNES, figurent au nombre des EPIC : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER).

31 () Créée en août 2005, l'AII entrera véritablement en activité au début de l'année 2006.

32 () Données reconstituées à périmètre constant 2005-2006 (source : ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche).

33 () Cumul des dotations des EPST, des EPIC (hors BRGM et IPEV), de la recherche universitaire (à périmètre constant), de l'ANR et de l'AII.


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