N° 2569 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2005. AVIS PRÉSENTÉ AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2006 (n° 2540) TOME IX SÉCURITÉ SANITAIRE Par M. Jean-Marie LE GUEN, Député. ___ Voir le numéro : 2568 (annexe n° 32). INTRODUCTION 8 I.- LES ASPECTS BUDGÉTAIRES : ENVISAGER ENCORE DE FUTURS AJUSTEMENTS DANS L'ARCHITECTURE D'ENSEMBLE DES AGENCES 11 A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE LA MISSION « SÉCURITÉ SANITAIRE » ET LEUR ÉVOLUTION 11 B. LES AGENCES SANITAIRES ET LES ÉVENTUELS AMÉNAGEMENTS À LEUR ARCHITECTURE GÉNÉRALE 12 1. La situation des agences sanitaires 12 a) L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) 12 b) L'Institut de veille sanitaire (InVS) 12 c) L'Agence de biomédecine (ABM) 12 d) L'Etablissement français du sang (EFS) 13 e) L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) 13 f) L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) 14 2. Une architecture générale encore susceptible d'être améliorée 15 II.- FAIRE FACE À UNE ÉVENTUELLE PANDÉMIE DE GRIPPE AVIAIRE ET GAGNER LA COURSE CONTRE LA MONTRE 17 A. UN RISQUE DE PANDÉMIE, DONT LA FRANCE N'EST PAS À L'ÉCART, APRÈS L'EXTENSION RAPIDE DE L'ÉPIZOOTIE CES DERNIERS MOIS 18 1. L'épizootie de grippe aviaire liée au virus hautement pathogène H5N1 ne s'est pas limitée à l'Asie 18 a) Les alertes de 2003 aux Pays-Bas et en Belgique, ainsi qu'aux Etats-Unis, bien que contenues et résultant d'un autre type de virus, ont rappelé la permanence du risque de grippe aviaire 18 b) Depuis la fin de l'année 2003, la grippe aviaire n'a pas été éradiquée en Asie du Sud-Est, s'est étendue à une grande partie de l'Asie, puis à l'Europe, et menace dorénavant les Proche et Moyen-Orient ainsi que l'Afrique 19 2. L'hypothèse d'une modification du virus qui serait à l'origine d'une pandémie est donc plus probable 20 a) Une contamination humaine exceptionnelle, mais mortelle dans près de la moitié des cas 20 b) Une mutation du H5N1 hautement pathogène pourrait engendrer un virus aisément transmissible entre humains 21 3. Le risque d'une apparition de la pandémie est plus élevé dans les pays dont les moyens de surveillance sont insuffisants, aujourd'hui en Asie du Sud-Est, demain peut-être en Afrique 22 B. L'IMPOSSIBILITÉ DE PRÉPARER À L'AVANCE UN VACCIN À L'EFFICACITÉ GARANTIE REND EXIGEANTES LES CONDITIONS DE MISE EN œUVRE DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION 23 1. Le principe de précaution s'impose pour éviter une catastrophe non seulement sanitaire, mais également économique et sociale 24 a) Un nombre élevé de victimes en l'absence de mesures sanitaires adéquates 24 b) Des risques importants de désorganisation économique et sociale 25 2. L'impossibilité de prévoir quand une pandémie aura lieu et quels seront son ampleur ou son profil 26 3. L'absence de vaccin à l'efficacité garantie avant un certain délai, une fois la pandémie déclarée, rend nécessaire de recourir à des antiviraux, ainsi qu'à des mesures préventives limitant les risques de transmission interhumaine 27 a) L'impossibilité de mettre au point à l'avance un vaccin pandémique 27 b) Les mesures applicables lors de l'apparition d'une pandémie se limitent donc à la prescription des antiviraux et à la mise en œuvre de mesures complémentaires non thérapeutiques de « distance sociale » destinées à diminuer les possibilités de transmission interhumaine 29 C. L'ÉTAT DE PRÉPARATION DE LA FRANCE, RÉCEMMENT RÉÉVALUÉ, SOUTIENT LA COMPARAISON AVEC DE NOMBREUX PAYS MAIS DOIT ÊTRE RENFORCÉ EN PERMANENCE ET LES CADRES EUROPÉEN ET INTERNATIONAL MIEUX COORDONNÉS 32 1. Le plan français doit prévoir des mesures opérationnelles applicables pour tous, dès le début de l'éventuelle pandémie 32 a) Le plan français a été récemment amélioré notamment en ce qui concerne l'organisation administrative, les stocks d'antiviraux, les vaccins et les masques 32 b) Seuls certains Etats, jugés parmi les mieux préparés, ont initialement prévu un stock d'antiviraux comparable à celui prévu par la France pour la fin de l'année 2006 34 c) L'enveloppe financière totale pour la grippe aviaire, sur les années 2004 à 2006, a été portée à quelque 700 millions d'euros 36 d) Quelques éléments clefs peuvent être identifiés à ce stade 37 2. Renforcer le degré d'anticipation des initiatives communautaires 38 3. Développer, sous la coordination de l'OMS, la coopération internationale par solidarité avec les populations les plus déshéritées et pour tenter d'éradiquer la pandémie à la source 40 a) Le scénario de l'éradication à la base de l'éventuelle pandémie est envisageable et présente en outre, en cas d'échec, l'avantage de gagner une partie du temps nécessaire à la fabrication des vaccins 40 b) Faciliter l'accès aux antiviraux, sans goulet d'étranglement, dans des conditions financièrement équitables et assurer leur distribution dans des conditions ne favorisant pas l'apparition d'une résistance 42 c) Anticiper la question de l'accès aux vaccins 44 4. Mener de front des actions de médecine humaine et de médecine vétérinaire selon les recommandations des organisations internationales 44 TRAVAUX DE LA COMMISSION 47 I.- AUDITION DU MINISTRE 47 II.- EXAMEN DES CRÉDITS 67 ANNEXES 69 ANNEXE 1: LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 69 ANNEXE 2 : DÉCLARATION DE M. GEORGE B. ABERCROMBIE 73 Avertissement S'agissant de la grippe aviaire, le présent rapport a été établi d'après les éléments d'informations dont disposait le rapporteur pour avis à la date du 10 novembre 2005. Depuis le début de la législature, le bureau de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a souhaité que les avis budgétaires présentés par les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances se distinguent mieux des rapports spéciaux. Les questions financières, qui appartiennent par nature aux préoccupations de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, ont dorénavant vocation à être brièvement traitées dans les avis et l'essentiel des développements peut ainsi porter sur un thème sélectionné par le rapporteur pour avis, rapprochant ainsi sa démarche de celle d'un rapporteur d'information. Souscrivant pleinement à cette initiative qui, dans l'esprit de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, permet aux assemblées parlementaires de mieux suivre les conditions dans lesquelles les services de l'Etat et les établissements publics qui en dépendent assument et assurent l'exécution des fonctions qui leur incombent, le rapporteur pour avis a cette année orienté ses travaux sur la grippe aviaire, thème de santé publique et risque pandémique qui relève pleinement de la mission de veille et sécurité sanitaire de l'Etat. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a, en effet, estimé depuis déjà plusieurs mois que l'épizootie qui frappe l'Asie du Sud-Est de manière constante et croissante depuis 2003, et qui s'est maintenant étendue jusqu'à l'Europe, crée les conditions d'une telle pandémie. Après avoir effectué une mission aux Etats-Unis, à Washington et à Atlanta, aux Centers for disease control and prevention (CDC), du 19 au 22 juillet 2005, puis procédé à l'audition de nombreuses personnalités politiques, administratives et scientifiques dont la liste figure en annexe, le rapporteur pour avis est en mesure d'établir deux constats. D'une part, si la France fait bien partie du groupe des Etats a priori les mieux préparés à faire face aux conséquences d'une éventuelle pandémie grippale, c'est notamment l'effet des améliorations récentes qui ont été apportées à son dispositif en réponse notamment à l'initiative du Président de la République, qui a demandé au gouvernement le 25 août dernier « d'appliquer pleinement le principe de précaution » à l'égard de la grippe aviaire de manière que « chaque Français soit protégé ou puisse être soigné » et d'améliorer encore le plan d'octobre 2004. Une telle initiative relève du même état d'esprit que celui qui a guidé les questions adressées par le rapporteur pour avis au ministre de la santé et des solidarités et à ses collaborateurs en juillet dernier : respecter pleinement le devoir de prévention, sans en restreindre inutilement la portée sur les enveloppes financières à y consacrer, en appliquant ainsi à la protection de la santé publique une démarche similaire à celle de la défense nationale, où une large part de l'utilité des équipements repose davantage sur leur disponibilité que sur leur utilisation immédiate. Deux éléments sont également intervenus sur le plan international. D'abord le 31 août dernier, le Président de la République et le directeur général de l'OMS, M. LEE Jong-Wok, sont convenus au cours d'une réunion à l'Elysée d'intensifier la mobilisation internationale. Ensuite le 14 septembre lors du Sommet organisé pour le 60è anniversaire de l'ONU, le Président des Etats-Unis, M. Georges Bush, et le Premier ministre français, M. Dominique de Villepin, en l'absence du Président de la République, ont fait part de ce même impératif. D'autre part, l'actuel dispositif français doit néanmoins être encore amélioré, de manière à ce qu'aucune incertitude ne règne plus sur les éléments essentiels que sont, entre autres, le rôle de chacune des autorités sanitaires, les mesures à prendre, l'information du public, ainsi que, par-dessus tout, la disponibilité des médicaments et vaccins et leur doctrine d'emploi. C'est pourquoi une mission d'information de l'Assemblée nationale « grippe aviaire : mesures préventives » a été créée par la Conférence des présidents, le 4 octobre dernier. L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires le 10 octobre. Le rapporteur pour avis a demandé que les réponses lui parviennent le 1er octobre 2005. A cette date, aucune réponse ne lui était parvenue. A la date butoir ce pourcentage était de 6 %. I.- LES ASPECTS BUDGÉTAIRES : ENVISAGER ENCORE A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE LA MISSION « SÉCURITÉ SANITAIRE » ET LEUR ÉVOLUTION Pour 2006, les moyens demandés au titre de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire » s'établissent à 941 millions d'euros pour les autorisations d'engagement et 642 millions d'euros pour les crédits de paiement. Le plafond des emplois autorisés en équivalent temps plein est de 5 218. En ce qui concerne le programme « Veille et sécurité sanitaires », qui relève du ministère de la santé et des solidarités, les autorisations d'engagement sont en diminution de 10,4 %, passant de 116,12 millions d'euros en 2005 à 104,06 millions d'euros pour 2006. Les crédits de paiement connaissent une évolution similaire, à raison de 103,6 millions d'euros pour 2006 contre 116,12 en 2005, soit une chute de 10,7 %. Le gouvernement rappelle que cet ajustement négatif est pour l'essentiel permis par la mobilisation des fonds de roulement de certaines agences sanitaires. Par ailleurs, il faut tenir compte de ce que l'acquisition des stocks de précaution constitués pour faire face aux menaces sanitaires graves est financée par une contribution de l'assurance maladie. Ce fonds de concours a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, juste après les attentats du 11 septembre et les alertes à l'anthrax aux Etats-Unis. Son champ, initialement réservé au bioterrorisme, a été étendu l'année dernière, par la loi de financement de la sécurité sociale, à « toute mesure sanitaire grave, quelle que soit son origine ou sa nature ». Les articles 6 et 41 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 prévoient respectivement une somme de 176 millions d'euros pour l'exercice 2005 et 175 millions pour l'année 2006, dans ce but. Ces éléments sont plus largement évoqués ci-après au c) du 1 du C du II dans le cadre des développements relatifs aux mesures destinées à faire face à la menace de pandémie de grippe aviaire. A ce stade, le rapporteur pour avis tient uniquement à rappeler que si des crédits sont ainsi alloués par l'assurance maladie à l'Etat, ils ne doivent en aucun cas être utilisés pour financer des postes de fonctionnaires. Pour sa part, le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », qui concerne le ministère de l'agriculture, connaît une progression de 46 %. Les autorisations de programme passent de 572 à 837 millions d'euros. Cette variation s'explique pour une large part par les sommes prévues pour l'action 05 « Elimination des farines et des coproduits animaux », qui progressent de 86 à 406 millions d'euros. Il s'agit d'un ajustement aux besoins tels qu'ils résultent des marchés conclus pour assurer le fonctionnement du service public de l'équarrissage. S'agissant des crédits de paiement, la progression est moindre, de 503 millions d'euros en 2005 à 538 millions pour 2006, soit 6,9 %. B. LES AGENCES SANITAIRES ET LES ÉVENTUELS AMÉNAGEMENTS À LEUR ARCHITECTURE GÉNÉRALE 1. La situation des agences sanitaires a) L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) Pour 2006, la subvention de l'Etat à l'AFSSAPS devrait être de 16,41 millions d'euros et donc inférieure à celle de la loi de finances initiale pour 2005 (18,96 millions d'euros), pour tenir compte de la variation des ressources propres (égales à plus de 73 millions d'euros en 2005) et de la mobilisation du fonds de roulement. Deux emplois sont créés, portant le plafond à 948,7 équivalents temps plein. Un contrat d'objectif 2006-2009 est en cours de conclusion et devrait consolider les orientations stratégiques identifiées par le projet d'établissement. b) L'Institut de veille sanitaire (InVS) La subvention de l'Etat à l'InVS s'établira à 40,69 millions d'euros, en autorisations d'engagement et crédits de paiement, soit une diminution par rapport à la loi de finances initiale pour 2005 (41,57 millions d'euros). Un nouveau prélèvement sur le fonds de roulement est autorisé à hauteur de 6,27 millions d'euros, de manière à permettre une progression des dépenses effectivement autorisées à l'Institut pour le compte du ministère de la santé et des solidarités. Trois emplois nouveaux sont prévus, portant à 397 les équivalents temps pleins rémunérés par l'opérateur, ce qui apparaît comme un effort mesuré compte tenu de l'importance actuelle du développement de la veille sanitaire. Le deuxième contrat d'objectif et de moyens (2006-2009) devrait être conclu d'ici la fin de l'année. c) L'Agence de biomédecine (ABM) La création de l'ABM est intervenue en mai à partir de l'Etablissement français des greffes, pour tenir compte de l'élargissement des missions au domaine de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaine ainsi que de l'intégration de l'établissement France Greffe de Moelle. Parallèlement, le déménagement du siège à Saint-Denis a été effectué. Les recettes prévues pour 2005 s'établissent à 34,65 millions d'euros, dont 10,218 millions de subvention de l'Etat au titre du ministère de la santé. Pour 2006, 12 postes supplémentaires sont prévus, portant ainsi le total à 193 équivalents temps plein. Il s'agit de tenir compte des nouvelles missions. La subvention prévue pour 2006 est de 9,9 millions d'euros. Les réserves seront de 10,7 millions d'euros au 31 décembre prochain. Un contrat d'objectif doit couvrir la période 2006-2009. Il faut mentionner la participation de l'ABM, avec les services du ministère de la santé et les professionnels, à l'élaboration du schéma national d'organisation de la greffe, la révision des bonnes pratiques en matière d'assistance médicale à la procréation (AMP) et la construction d'un outil d'évaluation, ainsi que l'intégration du programme REIN (Réseau Epidémiologique et Information en Néphrologie). Le rapporteur pour avis considère pour sa part qu'une réflexion doit également être menée sur une approche médico-économique de certaines de ces interventions. d) L'Etablissement français du sang (EFS) S'étant substitué en 2000 à l'Agence française du sang en application de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits de santé, l'EFS, dont l'effectif est de 8 100 personnes, doit pourvoir aux besoins en matière de produits sanguins labiles et à l'adaptation de l'activité transfusionnelle aux évolutions médicales, scientifiques et technologiques, dans le respect des principes éthiques. Il assure donc la collecte du sang, ainsi que la préparation et la qualification des produits du sang et leur distribution aux établissements de santé. L'élaboration des normes médico-techniques, le contrôle des établissements et du fonctionnement du dispositif d'hématovigilance incombent, en revanche, à l'AFSSAPS. En principe financé par son activité (655 millions d'euros de recettes au titre de ses ventes en 2004), l'EFS ne bénéficie plus d'une subvention de l'Etat qu'au titre de la charge des contentieux transfusionnels qui lui a été transférée par l'Etat par la loi précitée de 1998 et la loi de finances rectificative pour 2000. Une somme de 4,51 millions d'euros est prévue pour 2006, équivalente à la moitié de celles des deux années précédentes (9,15 millions d'euros en 2004 et 2005). Un contrat d'objectif et de moyens doit couvrir la période 2006-2009. Deux éléments doivent être signalés. D'une part, l'objectif est d'éliminer les risques dits « résiduels » de contamination bactérienne (un décès par an selon l'établissement) et celui de la transmission de la maladie de Creutzfeld-Jacob, grâce à des techniques d'inactivation et de filtrage. D'autre part, le transfert du siège de Paris à Saint-Denis, et non à Lille comme antérieurement prévu par une décision du Comité interministériel d'aménagement du territoire qui n'avait pas connu d'exécution, est justifié par une logique de regroupement sur un même site au nord de Paris avec, notamment, l'AFSSAPS et l'ABM. e) L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) Pour 2006, l'AFSSA, placée sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l'agriculture et de la consommation, devrait recevoir du ministère de la santé une subvention de 6 millions d'euros, permettant la création d'un emploi pour l'observatoire des résidus des pesticides. Aucun prélèvement sur le fonds de roulement n'est prévu. Les priorités de l'établissement sont le renforcement de l'Agence nationale du médicament vétérinaire, le développement de la mission nutrition, avec notamment un programme d'étude des accidents alimentaires liés à la consommation de compléments alimentaires, les capacités de recherche et d'appui scientifique dans le domaine de l'hydrologie (laboratoire de Nancy) et la pérennisation de l'Observatoire des résidus des pesticides, pour mesurer le niveau d'exposition des populations. f) L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) Créée par la loi du 9 mai 2001, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE) a, cette année, vu ses missions étendues aux risques relatifs à la santé du travail, par l'ordonnance du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine, de manière à assurer la mise en œuvre du plan quinquennal Santé Travail adopté le 23 janvier 2005. Elle est devenue l'AFSSET. La solution en définitive adoptée de confier à l'AFSSE la sécurité sanitaire en milieu de travail avait été exclue par le rapport commun à l'Inspection générale des finances, à l'Inspection générale des affaires sociales, à l'Inspection générale de l'agriculture et à l'Inspection générale de l'environnement, présenté en mai 2004, Evaluation de l'application de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille et du contrôle sanitaire (1), préconisant la suppression de cette agence, ou plus exactement sa « disparition du paysage institutionnel ». Selon la directrice générale de l'AFSSET, cette extension des compétences vers un domaine d'activité vis-à-vis duquel les syndicats ont des attentes fortes donne une nouvelle impulsion. Néanmoins, l'intervention dans ce même domaine d'autres organismes, tels que l'Institut national des relations sociales (INRS) et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), ainsi que l'InVS, de même que la faiblesse de ses moyens, exige de l'Agence qu'elle prévoie et assume des coordinations. Cet élément donne un exemple de la réflexion de long terme qu'il faut mener sur l'articulation des agences et sur les éventuels ajustements futurs à opérer. En 2005, l'AFSSE/AFSSET dispose d'un budget de 15,43 millions d'euros et de 63,5 équivalents temps plein. Pour 2006, la subvention du ministère de la santé et des solidarités s'établit à 4,16 millions d'euros, soit une augmentation de 1 % par rapport à 2005. Un prélèvement sur le fonds de roulement est prévu à concurrence de 0,846 million d'euros. Les objectifs sont de renforcer la surveillance des risques chimiques cancérigènes ou nocifs pour la reproduction, ainsi que ceux des tours aéroréfrigérantes pour la légionellose. 2. Une architecture générale encore susceptible d'être améliorée Tant le rapport précité de mai 2004 des quatre inspections générales, que le rapport de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST) de janvier 2005 n° 2108 (Assemblée nationale) et n° 185 (Sénat), présenté par M. Claude Saulnier, sénateur, et que les conclusions de la Cour des comptes ont mis en évidence le grand nombre des hypothèses envisageables pour un perfectionnement de l'architecture d'ensemble des agences. Si les quatre inspections générales remarquent avec justesse qu' « aucun schéma n'est parfaitement satisfaisant », constatant que les modes d'approche sont pluriels dès lors que l'on dépasse le problème des produits destinés à l'homme pour intégrer tous les facteurs de risque, des ajustements pourraient cependant encore être envisagés, après ceux de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Le paysage de la veille et de la sécurité sanitaire reste encore trop complexe, en particulier sur l'eau, les produits chimiques, notamment les biocides, et les risques du travail. Les compétences sont encore éclatées et pourraient justifier des restructurations autour de groupes de compétences. Dans un premier temps, la coordination institutionnalisée dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens (COM) ou des conventions, comme celle opérée lors des réunions organisées par le Directeur général de la santé, peut clarifier la situation. L'expertise est l'autre élément sur lequel il convient de mener une réflexion de fond. L'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale de l'environnement ont, en effet, diligenté une enquête auprès de l'AFSSE, à la suite de l'intervention du président de son conseil d'administration, mettant en cause les conditions dans lesquelles est intervenue l'expertise sur la téléphonie mobile diffusée en 2003, laquelle ne correspondait semble-t-il pas aux critères que ce même conseil d'administration avait lui-même antérieurement adopté. Sans préjuger des résultats de cette enquête, il convient de rappeler que le rôle essentiel des agences exige que les conditions dans lesquelles elles interviennent ou font réaliser leurs expertises ne puissent être mises en cause. II.- FAIRE FACE À UNE ÉVENTUELLE PANDÉMIE DE GRIPPE AVIAIRE ET GAGNER LA COURSE CONTRE LA MONTRE Plusieurs fois par siècle, le virus de la grippe se modifie d'une manière telle qu'il prend en défaut l'immunité de l'homme, provoquant alors, par rapport à la grippe saisonnière, une forte augmentation du nombre de malades comme de décès. Trois pandémies grippales sont intervenues au cours du XXe siècle. La plus importante, la première, a été la grippe espagnole, en 1918-1919, à l'origine d'au moins 20 millions de morts, certaines estimations allant même jusqu'à 40 ou 50 millions. La deuxième pandémie, celle de la grippe « asiatique » en 1957-1968, a tué entre 1,5 million et 4 millions de personnes dans le monde. La troisième, la grippe de « Hong Kong » en 1968-1969, a été à l'origine d'environ 2 millions de morts dans le monde. En regard, la grippe saisonnière provoque selon l'OMS entre 250 000 et 500 000 morts chaque année dans le monde. La présence continue de foyers d'épizootie de grippe aviaire en Asie du Sud-Est, où elle est devenue endémique, depuis la fin de l'année 2003, son extension vers l'Ouest depuis l'été 2005, jusqu'à atteindre l'Europe orientale en octobre, ainsi que la persistance de cas avérés de transmission à l'homme, dont la moitié environ ont été mortels, constituent autant d'éléments qui nourrissent les craintes d'une future modification du virus, qui deviendrait alors transmissible entre humains, et provoquerait par conséquent une nouvelle pandémie. Anticipant depuis plusieurs années une telle situation, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a régulièrement actualisé son « plan de préparation ». Elle considère maintenant que le risque est suffisamment proche pour avoir élaboré en août dernier et diffusé le 2 septembre dernier ses recommandations concrètes intitulées « mesures stratégiques recommandées ». Son directeur général, M. Lee Jong-Wok, a pour sa part estimé le 19 septembre, à Nouméa, à l'occasion de la cinquante-sixième session du Comité régional du pacifique occidental, qu'il y aurait une pandémie et que la seule condition qui manquait encore était « un virus se transmettant rapidement d'homme à homme ». Dans un entretien au quotidien Le Monde daté du 18 octobre, le professeur Didier Houssin, directeur général de la santé et délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire, a indiqué partager ce diagnostic, estimant qu' « une pandémie de grippe aviaire émergera un jour ou l'autre ». Distinguant naturellement l'épizootie, qui correspond au stade actuel et où la contamination humaine reste exceptionnelle, de la pandémie, qui n'est encore qu'un risque, le présent rapport vise donc à donner dans une optique de santé publique, une première évaluation de l'état de préparation de la France, lequel est pour une large part inscrit dans le plan de lutte contre une pandémie grippale, établi selon les prescriptions de l'OMS, et dont la première version a été présentée en octobre 2004. Il ne saurait aller au-delà de ces premiers éléments, la question relevant pour l'avenir de la compétence de la mission d'information « grippe aviaire : mesures préventives » créée par la Conférence des présidents le 4 octobre dernier et qui a tenu sa première réunion de travail le 26 octobre. A. UN RISQUE DE PANDÉMIE, DONT LA FRANCE N'EST PAS À L'ÉCART, APRÈS L'EXTENSION RAPIDE DE L'ÉPIZOOTIE CES DERNIERS MOIS La présence dorénavant endémique du virus actuellement responsable de la grippe aviaire, le H5N1, accroît d'autant plus les possibilités d'une mutation ou d'un réassortiment à l'origine de la pandémie, que les dispositifs de surveillance de la grippe sont encore imparfaits dans les pays les plus vulnérables. 1. L'épizootie de grippe aviaire liée au virus hautement pathogène H5N1 ne s'est pas limitée à l'Asie La première alerte sur la transmission à l'homme du virus aviaire grippal H5N1 hautement pathogène - distinct des souches du même nom faiblement pathogènes que l'on peut rencontrer dans certains pays - à l'origine d'une épizootie, est intervenue en 1997, à Hong Kong, lorsque a été constatée une transmission directe à l'homme (2), sans passer par l'intermédiaire d'un autre animal tel que le porc. Au total, plusieurs milliers de poulets sont morts ou ont été abattus. Sur 18 cas, 6 personnes sont décédées. Quelques années après, la grippe aviaire, aussi appelée « peste » aviaire lorsqu'elle ne concerne que l'animal, s'est de nouveau manifestée, en 2003. a) Les alertes de 2003 aux Pays-Bas et en Belgique, ainsi qu'aux Etats-Unis, bien que contenues et résultant d'un autre type de virus, ont rappelé la permanence du risque de grippe aviaire Les Pays-Bas, et la Belgique, ont connu une phase de grippe aviaire virulente au mois de février 2003, imputable à un autre virus que celui de Hong Kong, le H7N7. 25 millions de volailles ont été mortellement atteintes ou ont dû être abattues. La transmission de la pathologie à l'homme a été observée dans plus de 80 cas. Un vétérinaire est décédé. Depuis, aucune autre alerte n'est intervenue. Aux Etats-Unis par ailleurs, une épizootie due au virus H2N1 a entraîné à la fin de cette même année 1983 la destruction de 17 millions de volailles. b) Depuis la fin de l'année 2003, la grippe aviaire n'a pas été éradiquée en Asie du Sud-Est, s'est étendue à une grande partie de l'Asie, puis à l'Europe, et menace dorénavant les Proche et Moyen-Orient ainsi que l'Afrique · La transmission par les oiseaux sauvages ou les courants commerciaux La situation sanitaire n'a cessé d'être préoccupante en Asie du Sud-Est, après la confirmation le 15 décembre 2003 par la Corée du Sud de la mort de milliers de poulets. Huit pays ont été rapidement affectés par la première vague de cette nouvelle épizootie de grippe aviaire due au virus H5N1 déjà identifié plusieurs années auparavant à Hong Kong : la Corée ; le Cambodge ; la Chine ; l'Indonésie ; le Japon ; le Laos ; le Viêt Nam ; la Thaïlande. Après cette première vague, la crise s'est brutalement renouvelée et aggravée en deux étapes. D'abord, à partir de juillet 2004, une deuxième vague a frappé la péninsule indochinoise, puis a gagné la Malaisie en août, où les premiers cas ont été détectés. Ensuite, à partir de décembre, une troisième vague s'est traduite par une nouvelle extension de la contamination vers l'Indonésie. Les stratégies classiques d'éradication par abattage des volailles, non seulement des animaux des élevages contaminés mais également de ceux des alentours, et de mise en quarantaine de la zone concernée, n'ont pas permis en Asie du Sud-Est, contrairement au passé, d'éradiquer l'épizootie. Le virus est donc peu à peu devenu endémique chez les oiseaux sauvages, dont certaines espèces aquatiques telles que les canards constituent, d'une manière générale, des « réservoirs de virus grippaux ». A partir du printemps et de l'été 2005, le virus s'est diffusé au-delà de l'Asie du Sud-Est, d'abord en Mongolie, au Kazakhstan et en Russie, progressivement, suivant semble-t-il la voie commerciale du transsibérien, avant de gagner au mois d'octobre la Turquie du Nord-Ouest et l'Europe, par la Roumanie, le 7 octobre, puis la Croatie. Le rôle des oiseaux migrateurs dans cette extension, certains spécimens étant porteurs sains, d'autres étant gravement affectés, a été rapidement soupçonné, en raison de la découverte, en mai 2005, de milliers d'oiseaux infectés et de cadavres d'espèces concernées à proximité du lac de Qinhai, une réserve située en Chine. Le mode de transmission du virus, par les sécrétions et excréments, rendait en effet cette piste probable. Comme l'a indiqué le coordinateur des Nations unies, le Docteur David Nabarro, même s'il n'y a pas de preuve, un consensus s'est établi parmi les experts sur ce thème. D'ailleurs, l'Anatolie et l'Europe ont bien été atteintes par la souche originaire d'Asie. Enfin, il est très tôt apparu que l'Afrique pourrait à terme être contaminée lorsque les oiseaux venus de Sibérie qui stationnent au Proche et au Moyen-Orient reprendraient leurs migrations habituelles. · Les autres facteurs de transmission que les oiseaux sauvages sont en principe maîtrisés Dès lors qu'un pays est atteint par la grippe aviaire, des barrières sanitaires sont mises en place de manière à éviter que l'épizootie n'atteigne ses partenaires par la voie des échanges commerciaux. S'agissant de la viande cuite, les transactions peuvent en principe continuer puisque, comme l'indique l'OMS, une cuisson suffisante au-delà d'une certaine température (70°) assure son innocuité de même que celle des œufs. La principale mesure est donc l'embargo sur les volailles importées. Au fur et à mesure que l'épizootie a progressé, de telles mesures sont intervenues, notamment au niveau de l'Union européenne depuis janvier 2004, pour contrôler, interdire ou restreindre l'importation de produits à risque des zones contaminées. A la suite de la découverte, au mois d'octobre, à Londres, d'un perroquet contaminé lors de son passage en zone de quarantaine, la Commission européenne a décidé, avec l'avis favorable du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, de mettre en œuvre une interdiction générale d'importation au sein de l'Union européenne d'oiseaux sauvages capturés, à titre temporaire, jusqu'au 30 novembre, avec faculté de renouvellement. Les oiseaux domestiques accompagnant leurs propriétaires sont quant à eux soumis à quarantaine. Le principal danger est donc celui des trafics internationaux illégaux d'animaux, notamment d'espèces aviaires rares et contaminées. Les douanes européennes mettent régulièrement au jour des échanges de ce type. La saisie, citée par les professeurs Derenne et Bricaire, dans leur ouvrage « Pandémie : la grande menace » (Fayard, octobre 2005), le 18 octobre 2004, à l'aéroport de Bruxelles de deux aigles à crête, dont l'un porteur du H5N1, transportés par un passager thaïlandais pour le compte d'un fauconnier belge, le rappelle. Même si leur nombre est peu élevé, il faut, enfin, observer que des cas de grippe aviaire ont été observés chez certains mammifères, notamment des tigres dans un zoo de Thaïlande, ainsi que des civettes et des chats, attestant ainsi de la capacité du virus H5N1 hautement pathogène à franchir la barrière d'espèces. 2. L'hypothèse d'une modification du virus qui serait à l'origine d'une pandémie est donc plus probable a) Une contamination humaine exceptionnelle, mais mortelle dans près de la moitié des cas Confirmant que l'actuelle grippe aviaire était bien une zoonose, c'est-à-dire une pathologie transmissible à l'homme, les premiers cas de contamination humaine ont été déclarés par la Thaïlande et le Viêt Nam en décembre 2003 et janvier 2004. Depuis, des cas d'affection humaine sont régulièrement signalés. Au 9 novembre 2005, 125 cas au total ont été signalés à l'OMS. 63 décès ont été recensés. La virulence de la pathologie est telle qu'elle est mortelle dans la moitié des cas, environ. Quatre pays ont officiellement été affectés, en trois phases. La première d'entre elles, du 26 décembre 2003 au 10 mars 2004, a atteint le Viêt Nam, avec 23 cas dont 16 décès, et la Thaïlande, avec 12 cas dont 8 décès. La deuxième, du 19 juillet au 8 octobre 2004, a été de moindre ampleur, avec respectivement 4 et 5 cas, mais plus virulente. Un seul patient n'en est pas mort, en Thaïlande. La troisième a débuté le 16 décembre 2004 : 80 cas dont 31 mortels ont été décelés, essentiellement au Viêt Nam, avec 65 cas et 22 décès, et en Indonésie, avec 9 cas dont 5 mortels. b) Une mutation du H5N1 hautement pathogène pourrait engendrer un virus aisément transmissible entre humains Actuellement, la contamination humaine intervient essentiellement par contact avec les oiseaux infectés, morts ou vivants, et plus précisément par les voies respiratoires ou oculaires. L'ingestion des viandes et œufs est quant à elle sans risque après une cuisson à 70°, dans les pays concernés par l'épizootie. Dans les pays au contraire immuns comme la France, cette précaution fait que la consommation de produits est doublement sans risque. La contamination inter-humaine est pour l'instant, heureusement, non efficace, c'est-à-dire très rare. Toutefois, les virus grippaux ont une telle capacité de se modifier lors de leur réplication que l'hypothèse d'un nouveau virus hautement pathogène et aisément transmissible à l'homme est redoutée. Celle-ci pourrait intervenir à la suite d'une mutation ou d'un réassortiment génétique lequel interviendrait lors d'une recombinaison par exemple chez le porc avec un virus saisonnier. Si le virus de la grippe espagnole de 1918 semble d'origine strictement aviaire, sans réassortiment auparavant, tel n'est pas le cas des pandémies de 1957-1958 et 1968-1969 provoqués par un réassortiment chez le porc d'un virus grippal aviaire et d'un virus humain. Les virus grippaux Trois types de virus grippaux sont recensés : A, B et C. Seuls les types A et B provoquent des infections cliniques chez l'homme. Très répandu chez les oiseaux, notamment les oiseaux sauvages aquatiques qui en constituent le « réservoir naturel », le type A affecte d'autres espèces animales, notamment le porc et le cheval parmi les mammifères. La grippe associée aux virus de type A est une zoonose. Certaines souches, qui affectent d'abord les animaux, franchissent la barrière d'espèce et se transmettent à l'homme. Le virus de type B est spécifique à l'homme. Il est beaucoup plus stable que le virus de type A. Les épidémies qu'il engendre sont moindres que celles de grippe A. Parce qu'il est le plus répandu et qu'il tend, selon l'expression des professeurs Derenne et Bricaire dans leur ouvrage précité, à se « mondialiser », le virus H5N1 est celui qui a la plus forte probabilité d'être à l'origine de la future pandémie. Il fait donc l'objet de toute la vigilance des autorités sanitaires internationales, européennes et nationales. Une des interrogations que l'on peut avoir est d'ailleurs celle de la cause de l'absence de réassortiment depuis sa première diffusion en 1997. Aucune explication ne peut être avancée. Pourtant, on ne peut non plus exclure qu'un autre virus soit également à l'origine de la pandémie, notamment s'il y a réassortiment. Comme on l'a vu, l'alerte sanitaire qui a touché les Pays-Bas en 2003 n'était pas due au virus H5N1, mais à un autre sous-type du virus de la grippe aviaire, le H7N7. Il en a été de même aux Etats-Unis en 2003, avec le H2N1. Aussi la surveillance des différents virus aviaires actuellement en circulation et faiblement pathogènes ne doit-elle pas être négligée. Tel est d'ailleurs le sens de certaines des dispositions de la proposition de directive communautaire présentée par la Commission le 29 avril dernier et visant à actualiser les mesures communautaires de lutte contre l'influenza aviaire. Elle est actuellement en cours d'examen devant le Parlement européen. 3. Le risque d'une apparition de la pandémie est plus élevé dans les pays dont les moyens de surveillance sont insuffisants, aujourd'hui en Asie du Sud-Est, demain peut-être en Afrique En ce qui concerne la localisation géographique du départ des épidémies de grippe, l'Asie du Sud-Est tient une place particulière. Les densités humaines en milieu rural sont particulièrement élevées. Les conditions d'élevage, l'atomisation des structures agricoles font que l'homme y vit à proximité du canard et du porc, ainsi que des autres volailles. Le canard notamment, parce qu'il peut aisément être contaminé par les virus grippaux et offre une bonne résistance à la maladie, représente, en tant que porteur sain potentiel, une voie d'infection des poulets et des autres espèces domestiques telles que les dindes. Perdurent en outre en milieu rural des pratiques traditionnelles à risques qu'il s'agisse de l'abattage à domicile ou de la consommation d'animaux malades, sans même évoquer des rituels tels que l'absorption du sang d'un animal sacrifié. Or, les dispositifs d'alerte sanitaire précoce, qui reposent sur des systèmes d'informations épidémiologiques, des services sanitaires ainsi que des laboratoires performants, tant dans le domaine de la santé humaine que dans le domaine vétérinaire, n'y sont pas suffisants, comme le rappelle l'OMS dans son document du 2 septembre 2005 intitulé « Comment faire face à la menace d'une pandémie de grippe aviaire : mesures stratégiques recommandées », en des termes clairs : « dans les pays à risque, les systèmes d'information épidémiologiques et les capacités des services sanitaires et de laboratoires sont faibles ». En pratique, les Etats concernés dépendent donc largement des personnels, des installations, des informations et formations qui leur sont délivrées par les Etats développés dans le cadre de l'aide et de la coopération internationale. Lors de sa mission aux Etats-Unis, il a ainsi été clairement indiqué au rapporteur pour avis que la coopération du CDC avec la Thaïlande et celle de l'Institut Pasteur avec le Viêt Nam et le Cambodge notamment étaient essentielles. Dans cette perspective, au cours de son déplacement en Asie du Sud-Est, en Thaïlande, au Vietnam, au Cambodge et au Laos au mois d'octobre 2005, le secrétaire américain à la Santé, M. Michael Leavitt, a fortement incité les gouvernements à mettre en place d'un système de surveillance et d'alerte sanitaire rapide, notamment dans les zones rurales où l'habitat humain et les enclos des volailles sont très proches. Cet élément rappelle l'importance des subventions publiques versées à l'Institut Pasteur, qui doivent être adaptées à ses besoins. Le cas de la Chine, où le premier cas de contamination humaine a été recensé à la fin du mois d'octobre et le premier décès suspecté déclaré le 6 novembre, a alimenté toutes les interrogations, compte tenu des tensions entre les différents échelons territoriaux. L'important délai, de quelques mois, qu'a pris la Chine pour déclarer le SRAS à l'OMS n'est pas oublié. Le coordinateur de l'ONU sur la grippe aviaire, le Docteur David Nabarro, a ainsi rencontré le 21 octobre le ministre de la santé de Chine, lequel a promis transparence et coopération pour la lutte contre l'épidémie. Enfin, l'OMS et la FAO ont émis des réserves sur l'action des autorités indonésiennes. S'agissant de l'Afrique, le Bureau interafricain des ressources animales (BIRA) a indiqué lors de la conférence de services vétérinaires africains le 1er novembre, que le continent doit adapter aux volailles son réseau de surveillance, qui fonctionne déjà pour la peste bovine. B. L'IMPOSSIBILITÉ DE PRÉPARER À L'AVANCE UN VACCIN À L'EFFICACITÉ GARANTIE REND EXIGEANTES LES CONDITIONS DE MISE EN œUVRE DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION Comme l'a rappelé le coordinateur des Nations Unies pour la grippe aviaire, le Docteur David Nabarro, lors d'une conférence de presse au siège de la FAO, à Rome, le 11 octobre 2005, une pandémie de grippe aviaire « aura lieu un jour, mais on ne sait pas quand », ajoutant qu'elle pourrait être « modérée » comme « grave ». Cette double incertitude pose d'autant plus de difficultés aux autorités sanitaires qu'elles ne sont pas en mesure de disposer d'un vaccin à l'efficacité garantie, puisque le futur virus, qui conditionne tant sa mise au point que sa fabrication, n'existe pas encore. Elles doivent donc recourir à une stratégie exceptionnelle associant aux quelques instruments thérapeutiques disponibles des mesures qui visent à diminuer les contacts sociaux. 1. Le principe de précaution s'impose pour éviter une catastrophe non seulement sanitaire, mais également économique et sociale a) Un nombre élevé de victimes en l'absence de mesures sanitaires adéquates · Les simulations présentées dans les cadres internationaux Outre sa virulence, le danger de la grippe aviaire vient de ce que sa durée d'incubation est courte, en général de deux jours environ. A l'opposé, la durée d'incubation du SRAS, plus longue, de dix jours a été un élément favorable à la maîtrise de cette épidémie entre février et juillet 2003. En ce qui concerne l'évaluation des conséquences de la grippe aviaire au niveau mondial, on peut en première approche reprendre les taux d'attaque clinique, c'est-à-dire de contamination avec développement des symptômes, et de mortalité de la grippe espagnole, soit respectivement 25 % et de 2 %. On obtient environ 1,5 milliard de malades et 30 millions de morts. Des simulations reposant sur des hypothèses plus élaborées ou des modèles complexes ont également été présentées notamment dans le cadre des réunions internationales du groupe d'action pour la sécurité sanitaire mondiale (Global Health Security Action Group - GHSAG -, ou encore plus communément appelé G7 + Mexique), régulièrement réuni pour coordonner la préparation des programmes sanitaires de lutte contre le terrorisme biologique, chimique et nucléaire. Comme il s'agit de modèles mathématiques, les résultats dépendent des paramètres retenus, lesquels sont toutefois estimés d'après les observations. Une manière de synthèse des résultats de plusieurs études a par ailleurs été établie dès novembre 2004, par le Docteur Stöhr, coordinateur de l'OMS contre la grippe, qui avait estimé qu'une pandémie pourrait faire de 7 à 10 millions de morts dans le scénario le plus prudent, mais que le maximum pourrait être de 50 millions ou, dans le pire des cas, de 50 ou de 100 millions de décès. Pour sa part, le Docteur David Nabarro, coordinateur de l'ONU pour la grippe aviaire, a estimé ce même maximum à 150 millions de morts, et le minimum à 5 millions. · Les travaux de l'Institut de veille sanitaire (InVS) Dans le cadre d'une étude annexée au plan de préparation à la lutte contre une pandémie grippale, une équipe de l'InVS notamment composée des Docteurs Daniel Lévy-Brühl et Isabelle Bonmarin, a procédé pour la France à une estimation de l'impact épidémiologique d'un tel événement. Ses conclusions ont été fondées sur un taux d'attaque clinique variant de 15 % à de 35 %. Les auteurs précisent qu'en 1918, le taux d'attaque a été de 50 %, mais le taux d'attaque clinique d'environ 25 %. Les taux d'attaques de deux pandémies suivantes, de 1957-1958 et 1968-1969, ont été similaires. En l'absence d'intervention sanitaire 21,5 millions de personnes seraient atteintes en France, DOM-TOM compris, selon l'hypothèse haute. Il y en aurait 9,2 millions en hypothèse basse. Le nombre d'hospitalisations s'établirait entre 470 000 et 1,2 million. Le nombre des décès entre 93 200 et 217 400. Il y aurait même selon les projections du déroulement temporel de la crise un pic d'hospitalisation allant de 31 000 à 151 000 malades sur une semaine. Le système de soins serait donc engorgé et désorganisé, créant une grave crise. b) Des risques importants de désorganisation économique et sociale Avant même d'évoquer l'hypothèse d'une pandémie, l'épizootie de grippe aviaire a eu d'importantes conséquences. Le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, a ainsi dû recommander de ne pas céder à la panique, le 14 octobre, de nombreuses personnes s'adressant à leur médecin ou leur pharmacien pour obtenir un antiviral. D'un point de vue économique, après la découverte de la contamination d'oiseaux en Turquie et en Roumanie, la consommation de volaille a aussitôt diminué de 50 % dans le premier pays et de 10 à 15 % en Hongrie, premier voisin occidental de la Roumanie, ainsi que de 20 à 30 % environ en France, pays pourtant immune à ce jour. En cas de pandémie à laquelle les Etats seraient insuffisamment préparés, les comportements d'angoisse désorganiseraient la vie économique et sociale. Trois études publiques portant l'une sur les Etats-Unis, l'autre sur le Royaume-Uni permettent de se rendre compte d'une manière plus précise la manière dont une préparation insuffisante ou perçue comme telle par l'opinion, peut entraîner une catastrophe économique et sociale. Dans un article publié dans la revue Nature (n° 435, 26 mai 2005), M. Declan Butler a tenté d'imaginer ce que pourrait être un scénario noir, aux Etats-Unis, à partir de l'apparition d'une souche mutante du virus H5N1, transmissible à l'homme, au Viêt Nam. Il met en évidence l'engorgement des services d'urgence hospitaliers, la création de centres de tri de fortune dans les lieux publics (les écoles et les universités ont été fermées), le confinement à domicile, l'intervention de l'armée pour éviter les émeutes et le pillage des pharmacies (cf. les scènes auxquelles on a assisté au début du mois de septembre 2005 à la Nouvelle-Orléans en Louisiane, après le passage du cyclone Katrina), le développement du marché noir, notamment pour les masques de protection, et, en définitive, l'engourdissement des activités économiques. Selon le New York Times, par ailleurs, un exercice de simulation mené par l'administration américaine aurait abouti à des conclusions semblables : hôpitaux débordés, émeutes pour se procurer les vaccins, un nombre élevé de décès, l'isolement des malades par les autorités, enfin. Les conséquences économiques et sociales, pour le Royaume-Uni, d'une pandémie qui affecterait 15 millions de personnes ont été évaluées dans le cadre d'une étude de la Nottingham University Business School, selon un scénario établi par les professeurs Adam Blake et Thea Sinclair. Le PIB reculerait de 8 % entraînant la disparition de 3,3 % des emplois. Même en l'absence de transmission humaine du virus, l'impact négatif de l'épizootie serait significatif, entraînant une réduction de l'activité de l'ordre de 0,1 % du PIB. S'agissant de l'Asie, la Banque asiatique de développement a publié le 3 novembre un rapport suivant lequel une pandémie de courte durée n'entraînerait qu'une perte de croissance de 2,3 points en Asie, mais qu'une durée plus longue, d'un an, y interromprait virtuellement la croissance, tirant alors vers le bas celle de l'économie mondiale. Pour sa part, la Banque mondiale évalue à deux ou trois points de croissance le coût mondial d'une pandémie. 2. L'impossibilité de prévoir quand une pandémie aura lieu et quels seront son ampleur ou son profil En l'absence d'élément sur la virulence et les délais d'une modification du virus, la lutte contre la prochaine pandémie grippale s'apparente pour les autorités sanitaires à une véritable course contre la montre. Nul ne peut en effet prévoir le délai dans lequel la modification du virus qui en sera à l'origine peut se réaliser. Tout au plus les experts peuvent-ils émettre des pronostics tel que celui du Docteur Jean-Claude Manuguerra, virologue à l'Institut Pasteur, qui a déclaré dans un entretien au journal Le Monde daté du 31 août 2005, qu'il estimait intuitivement à 8 chances sur 10 la probabilité d'une pandémie dans les cinq prochaines années. On ne dispose pas non plus d'élément sur le niveau de virulence du virus qui sera à l'origine de cette éventuelle pandémie. Par ailleurs, l'histoire des pandémies montre qu'elles ont souvent, mais pas toujours, deux vagues. Certaines n'ont cependant qu'une seule phase. La grippe espagnole de 1918, dont la virulence particulièrement élevée fait qu'elle peut servir de référence, s'est quant à elle déroulée en trois vagues. La plus virulente a été la deuxième, notamment au Royaume-Uni, selon les études de l'Health Protection Agency. Pour la grippe asiatique de 1957 en revanche, la première vague fut la plus virulente. Toutes les hypothèses de déroulement de la pandémie ne sont pas équivalentes. L'une des moins défavorables est celle où la première phase est moins violente que les suivantes. Elle peut, en effet, permettre aux autorités sanitaires de se préparer dans de meilleures conditions que dans l'hypothèse inverse, car un vaccin efficace peut entre-temps être mis au point. Par ailleurs, les contraintes de l'intervention des autorités sanitaires sont d'autant plus fortes qu'il ne faut exclure que les efforts qui seront déployés, s'ils ne répondent pas aux exigences du moment où seront prises les décisions, pourront par la suite ne plus apparaître comme aussi légitimes. En témoigne l'exemple de la grippe du porc en 1976, aux Etats-Unis. A la suite d'un début d'épidémie due à un virus porcin de sous-type H1N1 dans le New Jersey, dans une base militaire, qui s'est traduit par plus de 200 personnes affectées et un mort, l'administration américaine décida de lancer une campagne de vaccination, lancée par le président des Etats-Unis, Gerald Ford. Il n'y eut ensuite aucune extension de l'épidémie, sans d'ailleurs pourvoir imputer cet arrêt aux caractéristiques propres du virus, trop faible pour créer une pandémie, ou à l'efficacité des mesures sanitaires mises en œuvre, parmi lesquelles la quarantaine. La menace étant passée, le vaccin fut même mis en cause, soupçonné par certains, sans que l'on puisse ni le confirmer ni l'écarter, d'être à l'origine de certains cas du syndrome de Guillain-Barré et Strohl. 3. L'absence de vaccin à l'efficacité garantie avant un certain délai, une fois la pandémie déclarée, rend nécessaire de recourir à des antiviraux, ainsi qu'à des mesures préventives limitant les risques de transmission interhumaine a) L'impossibilité de mettre au point à l'avance un vaccin pandémique · Etablir et produire un vaccin exigent de disposer des souches du virus D'une manière générale, parmi l'ensemble des mesures envisageables pour la lutte contre la grippe, qu'elle soit saisonnière ou pandémique, la vaccination est la mesure de choix. Toutefois, il n'est pas possible, en l'état, de mettre au point ni de fabriquer à l'avance le vaccin qui permettra de contrer le virus de la future pandémie. Celui-ci n'est par définition pas encore en circulation, puisqu'il résultera, comme on l'a vu, de la mutation ou du réassortiment encore à venir d'un virus actuel. En phase prépandémique, deux mesures peuvent néanmoins intervenir. La première mesure concerne la préparation d'un vaccin prototype ou parfois dit prépandémique à partir de l'actuel virus H5N1 non humanisé. Il est certes très peu probable qu'un tel vaccin puisse constituer un élément de base dans la lutte contre une pandémie. Son efficacité contre le virus mutant ne serait que le résultat d'un heureux concours de circonstances. Néanmoins, sa mise au point et sa production sont essentielles pour avancer les phases de recherche et développement (R&D) et rôder l'appareil industriel. Un accord-cadre a ainsi été négocié sur le plan européen avec les industriels constitués en consortium, pour le développement d'un vaccin selon les lignes directrices définies par l'Agence européenne des médicaments. D'une part, sur le plan administratif, la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché pour un tel vaccin prototype permettra ainsi une fois la pandémie déclarée de recourir à la procédure des modifications d'autorisation de mise sur le marché, qui exige de moindres délais qu'une nouvelle autorisation de mise sur le marché. D'autre part, sur le plan médical et technique, un tel vaccin permet de procéder aux expérimentations cliniques nécessaires et de mieux évaluer les conditions de fabrication du futur vaccin, qui repose sur la génétique inverse (reverse genetic). Le virus H5N1 ayant la propriété de tuer les œufs embryonés qui lui servent de milieu de culture, il a été nécessaire de prévoir une modification génétique, ce qui impose d'ailleurs de s'adresser à l'Agence européenne du médicament pour l'autorisation de mise sur le marché. Comme l'a indiqué le ministre de la santé et des solidarités, M. Xavier Bertrand, le 24 octobre dernier, l'obligation d'être dans l'anticipation exige de « gagner du temps » et de « favoriser la recherche ». Les grands Etats ont opté pour la commande de vaccins prépandémiques. La seconde mesure est à plus long terme. Certains laboratoires ont entrepris des recherches sur nouvelles technologies vaccinales qui permettraient de ne plus dépendre des œufs, mais d'autres cellules animales, comme milieu de culture. Dans cette perspective, les Etats-Unis ont conclu, à la suite d'un appel d'offres, avec Sanofi-Pasteur un contrat de 97 millions de dollars pour le développement de la culture cellulaire. Aucune initiative de ce type n'est cependant intervenue au niveau européen. · Le délai de mise au point et de mise en fabrication d'un vaccin pandémique Dès lors que la pandémie aura été déclarée par l'OMS et que les souches auront été isolées par elle et mises à la disposition des laboratoires selon des modalités similaires à celles en vigueur pour le virus grippal saisonnier, plusieurs questions devront être résolues. La première est celle du délai ensuite nécessaire à la mise au point du vaccin et à sa mise en fabrication, qu'il est difficile de prévoir par avance. Selon les entretiens menés par le rapporteur pour avis, il serait au minimum de l'ordre de trois mois. Une durée plus longue, de six mois est souvent évoquée. C'est celle que retiennent d'ailleurs dans leur ouvrage précité les professeurs Derenne et Bricaire. Pour sa part, le laboratoire Glaxo-Smith-Kline aurait indiqué un délai de 4 mois. Un délai allant de quatre à six mois est très généralement évoqué. La deuxième interrogation concerne le rythme de production, qui dépend de la quantité de vaccin nécessaire à la fabrication de chaque unité de vaccination, sachant qu'il est possible d'utiliser des adjuvants. Actuellement, la capacité européenne est de 190 millions de vaccins trivalents, c'est-à-dire contre trois souches de grippe saisonnière, à raison de 15 _g contre chaque souche. En théorie, une production de 470 millions de vaccins monovalents est possible. Néanmoins, une telle hypothèse n'est pas a priori considérée comme la plus réaliste. Une unité de vaccination d'une quantité supérieure à ces 15 _g, administrée en une ou deux doses, est plutôt envisagée, pour le vaccin pandémique. Enfin, de cette question dépend la capacité de production hebdomadaire des vaccins, qui commande à son tour le rythme de vaccination et ainsi le délai de sortie de la situation de pandémie. Par ailleurs, compte tenu de l'extrême brièveté de ces délais et de l'existence de risques inhérents à toute vaccination, les laboratoires pharmaceutiques souhaitent une limitation de la mise en jeu de leur responsabilité en tant que fabricant de vaccins. Cette question a été largement évoquée par plusieurs des interlocuteurs du rapporteur pour avis notamment lors de sa mission aux Etats-Unis où les services juridiques de laboratoires pharmaceutiques gardent en mémoire les contestations, déjà évoquées, qui ont suivi la campagne de vaccination de 1976 contre la grippe porcine. b) Les mesures applicables lors de l'apparition d'une pandémie se limitent donc à la prescription des antiviraux et à la mise en œuvre de mesures complémentaires non thérapeutiques de « distance sociale » destinées à diminuer les possibilités de transmission interhumaine · Prévoir le recours à des antiviraux, Tamiflu® et Relenza®, s'impose - même si leur efficacité ne peut être garantie par avance et la stratégie de leur utilisation reste à préciser - de même que les stocker par avance afin de ne pas dépendre des limites de la capacité de production des laboratoires - Les raisons d'un recours aux antiviraux En l'absence de vaccin, les médicaments antiviraux représentent la première ligne de défense, selon l'expression du Commissaire européen à la santé et à la protection des consommateurs, M. Markos Kyprianou. Des quatre antiviraux couramment disponibles contre la grippe saisonnière, tous ne sont cependant pas utilisables contre la grippe aviaire. Une résistance des souches actuelles de virus H5N1 a été constatée pour les deux substances les plus anciennement utilisées, l'amantadine et la rimantadine. Restent donc deux antiviraux plus modernes, inhibiteurs de la neuraminidase, laquelle est l'une des clefs du processus de réplication et donc de diffusion du virus grippal. Le Zanamivir®, mis sur le marché depuis 1999 par Galxo-Welcome, est actuellement exploité par Glaxo-Smith-Kline à la suite de la fusion entre Glaxo-Welcome et Smith-Kline-Beecham au début de l'année 2000. Ne pouvant franchir la barrière gastro-intestinale, il s'administre, en l'état, par inhalation. Selon les professeurs Derenne et Bricaire (cf. ouvrage précité), il peut également s'administrer par voie intraveineuse et l'utilisation d'un nébulisateur serait envisagée. Il n'est pas non plus d'usage universel, car contre-indiqué chez les enfants de moins de douze ans, et son autorisation de mise sur le marché (AMM) ne prévoit par ailleurs pas d'utilisation prophylactique. Une extension de celle-ci est cependant envisagée pour l'Amérique du Nord et l'Europe. Le plus répandu est donc l'oséltamivir, fabriqué et commercialisé sous le nom de Tamiflu® par le groupe pharmaceutique Roche en application de l'accord de développement et de brevet conclu en 1996 avec Gilead Sciences Inc., l'entreprise californienne qui en est l'inventeur. Utilisable au-delà de l'âge d'un an, il s'est d'autant imposé comme le médicament de référence qu'il est plus aisément stockable. C'est ainsi sur ce produit que sont fondées les stratégies conseillées par les scientifiques et celles des Etats, pour lutter contre la pandémie. Trois éléments pourraient néanmoins tempérer les espoirs que l'on peut fonder sur son utilisation. D'une part, son efficacité, bien qu'élevée, n'est pas absolue, réduisant seulement la durée et la virulence des symptômes. D'autre part, ses conditions d'utilisation sont exigeantes. Utilisé à titre curatif, il doit être administré dans les 48 heures qui suivent les symptômes et, comme son principe actif vise à arrêter la reproduction des virus, il convient même de le prendre le plus tôt possible pour que ses effets soient sensibles. Enfin, la résistance de certaines souches de virus H5N1, souvent évoquée lors des entretiens qu'a eu le rapporteur pour avis notamment aux Etats-Unis, a été mise en évidence. La souche isolée chez une patiente vietnamienne aurait subi une mutation qui la rendrait résistante à cet antiviral, selon la communication du Docteur Q. Mai Le, de l'Institut national d'hygiène et d'épidémiologie d'Hanoi, diffusée par Nature le 15 octobre dernier. Les chercheurs recommandent donc de prévoir dorénavant le stockage de Relenza®, en complément au Tamiflu®, mais comme on le verra ci-après au a) du 1 du C, d'autres molécules pourraient être utilisées, sous réserve d'expertise. - La nécessité d'en stocker par avance en raison des limites de la capacité de production Selon les informations communiquées au rapporteur pour avis, la capacité de production de Roche était de quelque 60 millions de traitements curatifs en 2005 et devait être portée à 80 millions de traitements en 2006, hors Etats-Unis. Compte tenu de l'importance des commandes mondiales, les délais de livraison étaient récemment de 12 à 14 mois pour la forme en vrac et de 18 à 22 mois pour la forme commerciale. Même si, comme on le verra ci-après au b) du 3 du C, les capacités de production peuvent être améliorées, l'impossibilité de répondre à la demande en temps réel doit être prise en compte et des stocks constitués. · Utiliser des masques respiratoires La transmission des virus grippaux se faisant par les voies respiratoires, les masques de protection doivent être prévus, tant pour les malades, que pour les personnels soignants. Pour ces derniers, il s'agit, en complément des mesures d'hygiène habituelles telles que le lavage des mains et le port de lunettes ou de gants, d'éviter leur propre contamination comme celle des patients dont ils ont la charge et qui ne sont pas affectés par la grippe aviaire. Parmi les différentes sortes de masques, deux sont identifiées comme requises dans le cadre des mesures de lutte contre une pandémie : - les masques antiprojection, masques de soins ou masques chirurgicaux, qui peuvent éviter la contamination de leur environnement par les malades ; - les masques jetables de la catégorie FFP2, qui assurent une protection efficace, notamment des personnels soignants. Leur durée d'utilisation est estimée à quatre heures. Certains pensent cependant qu'un délai plus long est envisageable. · Mettre en œuvre, en complément des dispositions thérapeutiques, des mesures de protection exceptionnelles et notamment de contrôle des transports internationaux - Les mesures d'ordre interne Dans ses recommandations figurant dans le document de septembre 2005 et intitulé « Comment faire face à la menace d'une pandémie de grippe aviaire : mesures stratégiques recommandées », l'OMS insiste sur l'intérêt des « interventions non pharmaceutiques », mesures de protection exceptionnelles qui visent à réduire la fréquence des contacts sociaux et, ainsi, les risques de contamination. Deux mesures doivent faire l'objet d'une mention particulière. Il s'agit, d'une part, de la fermeture des écoles, mesure qui vise non seulement à protéger les enfants qui sont par essence une population fragile, mais également à éviter une large diffusion du virus. Selon une étude d'Ira Longini et Elizabeth Halloran publiée dans l'American Journal of Epidemiology (n° 159, avril 2004), une vaccination de 80% des enfants contre la grippe a la même efficacité que la vaccination de 80% de la population. La deuxième mesure est la quarantaine, c'est-à-dire l'isolement par la contrainte des personnes malades ou soupçonnées telles. Cette disposition est souvent évoquée, mais sa faisabilité apparaît très difficilement réalisable et son efficacité est nulle. Les autres mesures telles que l'interdiction des réunions publiques, les restrictions à la libre circulation des personnes et la fermeture ou la limitation des accès aux lieux publics n'appellent pas de remarque particulière. - Les transports internationaux S'agissant des transports aériens internationaux, il faut rappeler qu'en phase prépandémique comme c'est actuellement le cas, des informations sont délivrées aux voyageurs sous forme soit de plaquettes, soit de spots audiovisuels ou de panneaux d'affichage. En phase pandémique, c'est-à-dire dès que la transmission interhumaine est avérée dans un pays, des mesures complémentaires d'une tout autre teneur doivent intervenir. D'une part, des mesures de détection avec des caméras thermiques dans les aéroports, pour identifier les personnes malades comme ce fut le cas selon des modalités variées pour le SRAS en 2003. D'autre part, une limitation des déplacements internationaux doit être envisagée. Selon Neil Ferguson du département d'épidémiologie infectieuse de l'Imperial college de Londres, il s'agit de ralentir de manière efficace le développement de la pandémie. La principale difficulté est de la mettre en œuvre uniquement selon des critères médicaux et aucunement politiques ainsi que de prévoir une doctrine sur les éventuels rapatriements sanitaires des personnes séjournant à l'étranger. C. L'ÉTAT DE PRÉPARATION DE LA FRANCE, RÉCEMMENT RÉÉVALUÉ, SOUTIENT LA COMPARAISON AVEC DE NOMBREUX PAYS MAIS DOIT ÊTRE RENFORCÉ EN PERMANENCE ET LES CADRES EUROPÉEN ET INTERNATIONAL MIEUX COORDONNÉS 1. Le plan français doit prévoir des mesures opérationnelles applicables pour tous, dès le début de l'éventuelle pandémie a) Le plan français a été récemment amélioré notamment en ce qui concerne l'organisation administrative, les stocks d'antiviraux, les vaccins et les masques Il n'appartient pas au présent rapport de procéder à une présentation détaillée ni à une évaluation du plan de lutte contre une "pandémie grippale" établi à partir de janvier 2004, présenté en Conseil des ministres puis diffusé en octobre 2004, mais issu d'une réflexion de long terme menée sur le plan national par le ministère chargé de la santé, depuis la dernière décennie, en liaison avec le niveau communautaire et en coordination avec l'OMS. Cette compétence relève dorénavant, comme on l'a vu de la mission d'information « grippe aviaire : mesures préventives », dont le rapporteur est M. Jean-Pierre Door, député, le rapporteur pour avis en assurant pour sa part la présidence. Ce plan a déjà fait l'objet de deux révisions. La première est intervenue en mai 2005. La deuxième a été engagée au cours de l'été à la suite notamment de la demande du Président de la République au Gouvernement, le 25 août dernier, de faire pleinement jouer le principe de précaution et d'actualiser, ainsi que d'améliorer ce plan en permanence face à l'évolution du risque. Le Président de la République a également indiqué qu'« aucun obstacle notamment économique ou financier, ne pourra être opposé à une mesure utile pour protéger ou la santé des Français. » Cette impulsion a rejoint les préoccupations exprimées ou ressenties au sein de la représentation parlementaire. Pour l'essentiel, les principaux éléments d'amélioration suivants lui ont été apportés, selon les indications données dès le 30 août par le Premier ministre, M. Dominique de Villepin : - la coordination gouvernementale a été renforcée, avec la nomination d'un délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire, par décret daté du 1er septembre 2005 ; il s'agit du professeur Didier Houssin, le directeur général de la santé ; - les mesures ont été prises pour accroître le nombre de masques de protection, de manière à porter les réserves à 200 millions d'unités pour le début de l'année 2006, les besoins globaux estimés étant de 600 millions. La question de la localisation en France d'unités de production a fait l'objet d'une grande attention, une fabrique de masques FFP2 étant pour sa part établie en Bretagne. S'agissant, par ailleurs, des antiviraux, le niveau du stock, initialement prévu à 13,8 millions de traitements, dont 13,6 millions de Tamiflu® et 200 000 unités de Relenza®, devrait être porté à quelque 32 millions de traitements, à raison d'une commande supplémentaire, d'une part, de 10 tonnes de Tamiflu® en vrac (10 millions de doses environ), s'ajoutant aux 6 millions déjà disponibles sous cette forme et qu'il appartiendra à la Pharmacie centrale des armées de transformer en produit administrable aux patients, et, d'autre part, de 9 millions de traitements de Relenza®. Même si le stock initialement prévu de 13,8 millions de traitements curatifs avait été déterminé selon des critères scientifiques, cette augmentation présente plusieurs avantages : - elle est plus en rapport avec le haut de la fourchette du nombre de malade estimé par l'InVS, qui est de 21 millions, comme on l'a vu ; - elle permet de faire face à des taux d'attaque grippaux qui seraient inhabituellement élevés ; - elle permet de prévoir sans difficulté, selon des modalités compatibles avec la nécessité de ne pas créer les conditions de l'apparition d'une résistance virale, la délivrance en prophylaxie, pour certaines catégories de personnes prioritaires indispensables à la continuité des services essentiels, notamment les personnels médicaux, ainsi que pour les populations faibles ou à haut risque de complication. Ces dernières sont constituées pour l'essentiel de la moitié des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, des patients atteints d'une affection de longue durée, des femmes enceintes, des personnes vivant en institution et des enfants de moins de deux ans. En prophylaxie postexposition, la seule actuellement permise par l'AMM de Tamiflu®, la dose nécessaire est équivalente à celle du traitement curatif, soit 2 gélules par jour pendant cinq jours ; - elle permet de prendre en compte le cas des personnes qui développeront des symptômes sans avoir été atteintes, et qui ne pourront être identifiées faute de test rapide, simple et fiable. Il faut en effet rappeler que lors de la crise de l'anthrax aux Etats-Unis, 6 personnes parmi les 7 qui développaient les symptômes de la maladie n'en étaient pas atteintes. Il sera impraticable, en période pandémique, de procéder par analyse virologique notamment par RT-PCR (Reverse transcription - Polymerase chain reaction) pour tous les cas supposés ; - elle représente politiquement un élément rassurant propre à éviter dans l'opinion des comportements d'angoisse qui risqueraient d'avoir des conséquences économiques et sociales dramatiques ; - elle permet également d'intervenir, dans des conditions compréhensibles par l'opinion, dans le cadre d'une stratégie de coopération internationale. En complément, il appartient au gouvernement de faire procéder à une expertise scientifique pour déterminer si une diversification des antiviraux ne doit pas être envisagée. Deux molécules seraient concernées. Il s'agit, d'une part, de la ribavirine, utilisée selon les professeurs Derenne et Bricaire dans leur ouvrage précité, pour les cas sévères ou compliqués de grippe et, d'autre part, de REP 9, molécule annoncée le 2 novembre par la compagnie pharmaceutique canadienne Replicor. En ce qui concerne les vaccins, un premier marché en deux lots a été conclu sur appel d'offres européen avec deux fabricants, Sanofi-Pasteur et Chiron, d'un montant de 22,9 millions d'euros, pour 2 millions de vaccins prépandémiques au maximum (le nombre de traitements dépend du nombre de doses nécessaires pour une vaccination pour le lot de Sanofi) et la réservation de 40 millions de traitements vaccinaux pandémiques à fabriquer en cas de crise sanitaire, dont 28 millions auprès de Sanofi Pasteur et 12 millions auprès de Chiron. S'agissant de Chiron, il s'agit d'un vaccin à deux doses. En ce qui concerne Sanofi, cet élément n'est pas défini. Le délai de livraison sera ajusté en fonction du nombre de doses nécessaires pour un traitement. Le modèle économique de financement de ces deux vaccins n'est pas défini. Les sommes qui seront nécessaires à l'Etat ne sont d'ailleurs pas budgétées. Le rapporteur pour avis estime qu'un élément aussi important doit faire l'objet d'un débat public, compte tenu du caractère nouveau que présente la production de vaccins en nombre aussi important. La question devrait d'ailleurs peut-être faire l'objet d'une coordination au niveau communautaire. Pour ce qui est de la santé animale par ailleurs, le Gouvernement a d'ores et déjà pris plusieurs mesures essentielles, notamment le confinement des volailles d'élevage habituellement stationnées en plein air (ou leur surveillance en cas d'impossibilité matérielle) décidé pour 21 départements le 25 octobre, et étendu à 5 autres départements deux jours après. De même, le rassemblement des oiseaux vivants sur les foires, marchés et expositions a été suspendu. Enfin, l'utilisation des « appelants » pour la chasse a été interdite. Enfin, après les exercices de simulation menés le 30 juin dernier, le Gouvernement en a organisé un nouveau les 3 et 4 novembre, dans un élevage de poulets du Finistère. b) Seuls certains Etats, jugés parmi les mieux préparés, ont initialement prévu un stock d'antiviraux comparable à celui prévu par la France pour la fin de l'année 2006 Sans évoquer le cas des Etats de la zone Europe de l'OMS qui n'ont pas prévu de plan d'urgence face à la pandémie grippale, à savoir la Macédoine et la Moldavie, selon les informations communiquées par cette organisation le 26 octobre dernier, la France figure parmi les Etats les plus prévoyants en ce qui concerne le stockage d'antiviraux. En dépit du secret qui entoure ces données, la publication de différentes informations par l'AFP a permis au rapporteur pour avis d'en avoir une idée plus précise. Parmi les Etats initialement très éloignés de la recommandation de l'OMS visant à assurer une couverture allant de 25 % à 40 % de la population, il faut ainsi citer le Portugal, qui disposait à la date du 18 octobre d'une quantité permettant de soigner 0,5 % de la population, mais envisageait d'en commander 2,5 millions de plus pour couvrir le quart de sa population, ou encore l'Espagne qui n'en avait commandé que 2 millions, avant de relever sa demande à un total allant de 6 à 10 millions de manière à couvrir les groupes à risques censés représenter entre 15 et 25 % de la population, laquelle s'élève à 40 millions d'habitants. Le 2 novembre, le ministre de la santé du Danemark indiquait disposer d'un stock de 30.000 unités, et commander 10,5 millions de gélules (1,05 million de traitements). En dehors de l'Europe, le stock de Tamiflu® s'élevait en Thaïlande en octobre à 725 000. Aux Etats-Unis où le stock de 4,3 millions de traitements, à raison de 2,3 millions déjà en stock et 2 millions en commande, avait été pour le rapporteur pour avis le premier indice d'un état d'impréparation inquiétant, la stratégie étant beaucoup trop axée sur les vaccins et faisant ainsi l'impasse sur la période pendant laquelle ils seront indisponibles, le Sénat a adopté en septembre un plan d'urgence de 3,9 milliards de dollars, après que le secrétaire à la santé, M. Michael Leavitt eut estimé entre 100 000 et 2 millions le nombre de décès en cas de pandémie et à 10 millions le nombre des hospitalisations. Certains membres du Congrès appartenant au parti démocrate, Mme Hillary Clinton, MM. Barack Obama et Edward Kennedy en étant parfaitement conscients et ayant pour leur part engagé des initiatives pour rectifier cette situation. Toutefois, l'annonce, en octobre, du projet de construction d'une unité de production de l'antiviral Tamiflu® aux Etats-Unis modifie beaucoup l'état de la question. Le 27 octobre, le Sénat a par ailleurs accru l'effort programmé, avec une enveloppe portée à 7,9 milliards de dollars, et des traitements d'antiviraux pour 40 % de la population. Pour sa part, le Président Bush a annoncé le 1er novembre un plan de 3,1 milliards de dollars, dont 2,8 milliards pour le développement de la capacité de production de vaccins et 1,03 milliard pour les antiviraux. Parmi les Etats en revanche préparés d'une manière plus conforme aux prescriptions de l'OMS, il faut citer les Pays-Bas, le ministre néerlandais de la santé ayant indiqué le 14 octobre dernier disposer, à la fin de l'année, d'un stock d'antiviraux permettant de soigner 30 % de la population, le Royaume-Uni qui a dans un premier temps prévu 14,6 millions d'antiviraux pour traiter 25 % de la population, avant de passer à 40 millions semble-t-il, et l'Australie avec 4 millions de traitements de Tamiflu® et Relenza®. Par ailleurs, sur le plan de l'organisation générale, il semble que les Etats fédéraux aient des difficultés à organiser une réponse satisfaisante, en raison du partage des compétences entre le niveau fédéral et celui des Etats membres. Ce problème concerne naturellement les Etats-Unis, comme l'ont souligné la plupart des interlocuteurs du rapporteur pour avis lors de sa mission sur place. Le plan du Président Bush prévoit d'ailleurs 644 millions de dollars pour aider les 50 Etats membres à se coordonner avec le niveau fédéral et à prévoir un schéma de distribution rapide des vaccins. Il s'agit d'éviter la répétition de la situation de l'hiver 2004 où le circuit des vaccins grippaux saisonniers a été déficient. c) L'enveloppe financière totale pour la grippe aviaire, sur les années 2004 à 2006, a été portée à quelque 700 millions d'euros Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, notamment de ses articles 6 et 41, relatifs aux contributions de l'assurance maladie au titre de 2005 et de 2006, respectivement, au financement des produits de santé nécessaires en cas de menace sanitaire grave, la question des modalités de financement de la constitution des stocks nécessaires à la prévention de la grippe aviaire, notamment du stock de Tamiflu®, a été posée par plusieurs orateurs. Ceux-ci ont critiqué le système en vigueur du fonds de concours de l'assurance maladie à l'Etat, en invoquant une conception rigoureuse du partage des responsabilités et des charges, la première ne devant financer que le système de soins et le second ayant en charge la politique de santé publique et la prévention. Pour sa part, ainsi qu'il l'a indiqué en séance publique, le rapporteur pour avis ne partage pas cette analyse, et estime donc qu'il convient de mener une réflexion sur le sujet. Une telle vision dichotomique étant a priori dépassée, l'idée d'intégrer toujours davantage soins et prévention, en particulier pour la prévention primaire, comme c'est le cas pour la grippe, lui apparaît pertinente. Cependant la souplesse doit s'arrêter là. Il faut ainsi regretter que ce fonds de concours de l'assurance maladie au profit de l'Etat, créé en 2001 pour la lutte contre le bioterrorisme, a été utilisé de manière contraire aux règles, en dehors de son champ d'intervention, et qu'il ait fallu attendre 2004 et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, pour que le champ d'intervention soit étendu à l'ensemble des menaces sanitaires et que les faits soient en accord avec le droit. Même si sur le fond la dépense n'était pas infondée, le procédé doit être critiqué. Au total, ainsi que l'a annoncé le ministre de la santé et des solidarités, M. Xavier Bertrand, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2006, le 26 octobre, à l'Assemblée nationale, l'enveloppe totale déployée contre le risque pandémique devrait atteindre quelque 700 millions d'euros entre 2004 et 2006. En effet, selon les indications données au rapporteur pour avis, 199 millions d'euros avaient déjà été utilisés à la date de la rédaction du présent rapport, à raison de 149 millions d'euros pour le stock de Tamiflu® alors détenu, de 2 millions pour le Relenza®, de 23 millions comme on l'a vu pour les vaccins prépandémiques de Sanofi et de Chiron ainsi que de 27 millions pour l'acquisition de masques par les hôpitaux à partir de juin 2005. A ces sommes, il faut ajouter celle de 176 millions d'euros prévue par l'article 6 précité du PLFSS pour 2006 au titre de 2005, l'essentiel des 175 millions prévus par l'article 41 du même texte au titre de l'exercice de 2006 (160 millions et non plus 146 comme initialement prévu, selon les dernières informations communiquées au rapporteur pour avis) et 177 millions d'euros de crédits d'Etat annoncés, sur la mission veille sanitaire, par le ministre de la santé et des solidarités, ce même 26 octobre devant l'Assemblée nationale. Un décret d'avance en cours de signature devrait abonder pour 2005 l'action 02 du programme « Veille et sécurité sanitaires ». En ce qui concerne enfin la recherche, le ministre délégué à la recherche, M. François Goulard, a indiqué le 3 novembre que la part des crédits consacrés à la recherche sur les virus, qui s'établit à 12,6 millions d'euros d'engagements en 2005, serait accrue en 2006. Pour sa part, M. Didier Houssin, directeur général de la santé, a évoqué la nécessité d'une « recherche clinique turbo », de même que les indispensables recherches en sciences sociales et en communication. d) Quelques éléments clefs peuvent être identifiés à ce stade · Les éléments opérationnels Même si la coordination internationale en atténue les effets, les opinions ne manqueront pas de comparer la manière dont les différents Etats concernés auront fait face aux impératifs de santé publique et le plan français sera, comme ses homologues, évalué a posteriori selon ses résultats. Ces derniers dépendront non seulement de l'état de préparation des différents acteurs, notamment de l'Etat, des hôpitaux et des professionnels de santé, de leurs délais d'intervention, mais également et surtout de la bonne information du public et de la confiance qu'il aura dans les recommandations qui lui seront adressées. A ce stade, il apparaît que les éléments essentiels sont notamment : la doctrine d'emploi des antiviraux, et en particulier l'identification des personnes qui bénéficieront d'un traitement prophylactique ; la doctrine d'emploi des vaccins au fur et à mesure de leur production ; la disponibilité des traitements et, le cas échéant des vaccins contre les complications provoquées par la grippe, lesquelles peuvent être mortelles, notamment la pneumonie à pneumocoques ; l'efficacité du système d'orientation et de tri de patients ; l'arbitrage entre le maintien des malades à domicile ou leur hospitalisation ; l'anticipation et la bonne gestion des mesures telles que la fermeture des écoles, ce qui implique de prévoir la garde des enfants dont les deux parents seraient indispensables au fonctionnement d'un service public ou d'une entreprise ; les secours apportés aux ressortissants français à l'étranger ; la capacité à maintenir le fonctionnement des services essentiels (ravitaillement, eau, électricité, santé) et le fonctionnement d'un grand nombre d'activités privées en environnement dégradé ; la stratégie d'information et de communication, et l'identification des relais d'opinion nationaux et locaux ; le contrôle des transports internationaux. Par ailleurs, l'un des éléments stratégique est la sécurisation de l'ensemble de la chaîne de production des vaccins, et notamment la garantie d'un approvisionnement suffisant en œufs sains, non contaminés. Enfin, il faut prévoir des indemnisations pour les secteurs économiques qui seront le plus durement touchés. Au-delà, l'un des éléments essentiels de la réussite du plan sera semble-t-il la capacité de la France, exportateur net de vaccins antigrippaux, à réaliser concomitamment la satisfaction de ses propres besoins selon sa doctrine d'emploi des vaccins, et l'approvisionnement de ses partenaires extérieurs. · La question de la création d'une structure dédiée à la gestion de crise La simple question de la conservation des stocks d'antiviraux, qui se pose tant pour le Tamiflu®, actuellement détenu par la Pharmacie centrale des armées sur deux sites, que pour le Relenza®, plus volumineux en raison du vaporisateur, et ultérieurement de leur distribution fait ressortir le besoin d'une structure ad hoc. Celle-ci serait chargée, comme les créateurs de la Federal Emergency Management Agency (FEMA) aux Etats-Unis en ont eu l'intention, de la gestion concrète des crises et des situations d'urgence. Placée auprès du Premier ministre, compte tenu de l'importance des enjeux et de la nécessité d'une approche d'ensemble, une telle structure, qui ne serait pas chargée de la détection ni de l'analyse du risque, se concentrerait donc sur la seule approche opérationnelle dont dépend in fine la réussite de tout plan de crise aussi bien conçu soit-il. 2. Renforcer le degré d'anticipation des initiatives communautaires C'est le 20 mars 2004 que la Commission a présenté sa stratégie de base contre la grippe aviaire, dans le cadre du document de travail concernant la préparation à une pandémie de grippe et les plans d'intervention communautaires (COM [2004] 201 final), adopté par le Conseil du juin 2004. Il faut également rappeler les mesures destinées à faciliter la procédure d'AMM des vaccins en cas de pandémie, déjà évoquée, et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (CEPCM) de Stockholm, opérationnel depuis le 20 mai dernier. Le niveau communautaire a fait l'objet de critiques assez vives, notamment celles de M. Jean-Claude Manuguerra, virologue au sein de l'Institut Pasteur à Paris, qui a estimé dans un entretien paru dans le quotidien Le Monde du 31 août 2005, que le plan européen était « une vraie coquille vide », observant que sa valeur ajoutée se limitait à une mise en réseau des systèmes de surveillance, avec notamment le soutien au Programme de surveillance de la grippe en Europe (European Influenza Surveillance Scheme ou EISS) depuis 1999. Dans la période récente, lors de la session informelle des ministres de la Santé, le 20 octobre dernier, la Commission a pris plusieurs initiatives, certaines dans le domaine vétérinaire déjà évoquées, sous la forme de barrières sanitaires et d'un renforcement de la surveillance, d'autres en matière de santé publique. Ces dernières n'appellent pas d'observation sur le fond, leur légitimité ne pouvant être mise en doute, puisqu'il s'agit de : - la coordination des mesures nationales de lutte contre l'éventuelle pandémie ; - l'organisation les 23 et 24 novembre prochains, d'un test d'efficacité et d'interopérabilité des différents plans nationaux entre eux, ainsi que de leur articulation avec le plan communautaire et celui de l'OMS ; - l'actualisation pour le 9 décembre prochain de ce même plan communautaire ; - la création d'un stock stratégique communautaire d'antiviraux, géré par la Commission, et pour lequel le Parlement européen a adopté dans le sens de ses propositions, le 26 octobre dernier, une résolution visant à mobiliser pour ce faire le Fonds de solidarité de l'Union européenne normalement prévu pour les catastrophes naturelles. Il s'agit de soulager les dépenses de certains Etats en cas de déclenchement d'une pandémie. On ne peut cependant qu'émettre les plus grandes réserves quant à leur calendrier. C'est en effet au moment où le risque de pandémie s'accroît que les autorités communautaires se mettent en quête de la manière dont chacun des vingt-cinq membres fait jouer le principe de précaution, et notamment du niveau de couverture de la population par les traitements antiviraux. Compte tenu des délais d'approvisionnement et de l'enjeu, une telle recommandation apparaît bien tardive. Par ailleurs, il faut regretter qu'en matière de recherche, contrairement à ce qui a été fait aux Etats-Unis, aucune initiative ne soit intervenue pour aider le financement des travaux sur de la technologie de la culture cellulaire sur laquelle on fonde de grands espoirs pour l'avenir, pour faciliter la production de vaccins. Financer un tel saut technologique aurait tout à fait relevé de la stratégie de Lisbonne, qui vise à faire des économies européennes les plus avancées en 2010, en se fondant sur la science et la technique. Certes Solvay fabrique déjà quelques doses vaccinales par culture cellulaire, mais en quantités relativement limitées. 3. Développer, sous la coordination de l'OMS, la coopération internationale par solidarité avec les populations les plus déshéritées et pour tenter d'éradiquer la pandémie à la source Face à une menace telle qu'une pandémie grippale, l'action des pays les plus riches au-delà de leurs frontières constitue non seulement une exigence au titre de la solidarité, mais également un élément d'une stratégie permettant de tenter d'étouffer dans l'œuf l'apparition de la nouvelle pathologie. Il faut par conséquent se féliciter de ce que tant le Président des Etats-Unis que le Premier ministre français, en l'absence du Président de la République, aient appelé le 14 septembre au Sommet pour le 60e anniversaire de l'ONU à une mobilisation internationale contre la grippe aviaire, qualifiée de « nouvelle urgence ». a) Le scénario de l'éradication à la base de l'éventuelle pandémie est envisageable et présente en outre, en cas d'échec, l'avantage de gagner une partie du temps nécessaire à la fabrication des vaccins Parmi les différents scénarios envisageables pour la lutte contre une pandémie, celui de l'étouffement dès le départ est naturellement le plus favorable. L'objectif serait de reproduire le succès obtenu contre le SRAS en 2003. L'exemple de l'éradication rapide d'une épidémie : le SRAS en 2003 Moins de cinq mois se sont écoulés entre le premier signalement du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), lorsqu'un médecin de l'hôpital français de Hanoi, au Viêt Nam, s'adresse à l'un des responsables des maladies infectieuses, à l'OMS, le 28 février 2003, et la fin de l'épidémie, considérée comme en phase finale dès le 5 juillet suivant, l'OMS ayant déclaré l'interruption de la transmission interhumaine. Cette maîtrise est d'autant plus remarquable que le syndrome était apparu en Chine dès le 16 novembre précédent, dans la province de Canton (Guangdong), que ce n'est que le 14 février que les autorités chinoises informèrent l'OMS d'une pneumonie atypique et mirent en œuvre les mesures sanitaires de quarantaine et d'hospitalisation. Le syndrome avait, dès le 16 mars, affecté outre la Chine continentale, le Canada, Hong Kong, l'Indonésie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Viêt Nam. Ce succès, largement imputable à la diligence de l'OMS, à la coordination internationale et à la mise en place de mesures de contrôle sanitaire dans les transports aériens internationaux, a également tenu à la rapidité des travaux de recherche (La découverte du coronavirus concerné, chez l'une des personnes décédées quelques jours auparavant à Toronto, a été annoncée dès le 22 mars) et aux dispositifs sanitaires d'identification des malades et de suivi de leurs contacts. Au total, quelque 8 000 personnes ont été atteintes par le SRAS et 774 en sont décédées. S'agissant de la grippe aviaire, les conditions de réussite d'une telle stratégie visant à contenir à la source la pandémie naissante ont fait l'objet, pour la Thaïlande, d'une étude dirigée par M. Neil Ferguson, du département d'épidémiologie des maladies infectieuses de l'Imperial College de Londres, publiée le 4 août dernier dans la revue Nature, et réalisée grâce à un modèle de simulation de la transmission du virus. Celle-ci conclut à la possibilité d'une éradication de la pathologie dans sa zone d'origine dès lors que : - les personnes atteintes de la maladie et, notamment, le cas d'origine, sont rapidement identifiées ; - des antiviraux sont rapidement distribués, de préférence dans les 48 heures suivant l'identification d'un cas ; - des mesures de limitation des rapports sociaux sont mises en œuvre ; - le stock d'antiviral disponible est suffisant. Il est estimé à 3 millions de traitements de Tamiflu® en l'espèce. Comme le reconnaissent les auteurs de l'étude, la détection précoce, la distribution et l'administration d'antiviraux à une population assez nombreuse notamment en zones rurales et le respect des mesures restreignant les libertés d'aller et venir comme de réunion sont autant de conditions exigeantes et difficiles à remplir. De même, le scénario n'est envisageable que si le nombre de cas secondaires ayant été contaminés par un malade - ce que les scientifiques désignent comme le paramètre Ro dans les modèles de simulation - est inférieur à 1,6. Enfin, il ne faut pas méconnaître qu'il pourrait ne plus s'appliquer si les densités de population sont nettement plus importantes que celles retenus pour la simulation. Il faut rappeler à cet égard que la Thaïlande avec une densité de 125 habitants au kilomètre carré est dans une situation plus favorable que le Viêt Nam, à raison de 257 habitants au kilomètre carré ou bien l'île de Java en Indonésie, avec 848 habitants au kilomètre carré. Par ailleurs, il va de soi que le ou les pays concernés doivent bénéficier d'une aide médicale internationale délivrée en urgence. Tous les Etats ne peuvent qu'en être convaincus, comme l'étaient dès le mois de juillet, les interlocuteurs américains du département d'Etat, du rapporteur pour avis lors de sa mission, lesquels ont d'ailleurs insisté d'une manière surprenante sur ce thème dans ces locaux. Toutefois, même si une telle stratégie peut en définitive échouer, elle doit néanmoins être tentée, car elle permet en tout état de cause, au bénéfice de l'ensemble de la communauté internationale, de retarder la diffusion de la pandémie à d'autres pays, ce qui comme on l'a vu serait précieux pour la mise au point et la fabrication du vaccin. C'est d'ailleurs dans la perspective d'une telle stratégie d'éradication à la base que le laboratoire Roche a mis 3 millions de traitements à la disposition de l'OMS au mois d'août dernier. Le 6 novembre dernier, l'OMS a indiqué être en discussion avec Roche pour la constitution d'un deuxième stock. b) Faciliter l'accès aux antiviraux, sans goulet d'étranglement, dans des conditions financièrement équitables et assurer leur distribution dans des conditions ne favorisant pas l'apparition d'une résistance · L'accès aux antiviraux La plupart des pays n'ayant pas constitué de stock d'antiviral, puisque seuls 40 gouvernements, environ, auraient conclu des accords de commande, les stocks des pays développés étant par ailleurs, comme on l'a vu, d'ampleur assez variable et n'étant pas, par conséquent, nécessairement suffisants, et les délais de livraison s'allongeant, la question de l'accès aux antiviraux, notamment au Tamiflu®, est apparu dès le mois de juillet, au rapporteur pour avis, comme la question clef à résoudre. Elle a d'autant plus été l'un des éléments centraux de la plupart des entretiens qu'il a eus lors de sa mission aux Etats-Unis que le Président-Directeur général de Roche, M. George B. Abercrombie venait même de faire l'objet d'une audition par la Chambre des Représentants, le 30 juin. Une traduction en français de son intervention figure ci-après en annexe 2. La fabrication par Roche de cet antiviral dans une seule unité de production située en Suisse ne pouvait, en effet, manquer de susciter des inquiétudes, même si la firme indiquait avoir notablement renforcé ses capacités de production, multipliées par huit entre 2003 et 2006, rationalisé ses méthodes de fabrication, ainsi que découvert, grâce aux biotechnologies, de nouvelles modalités d'obtention du précurseur, lequel était jusque-là exclusivement extrait de la badiane cultivée en Chine. Reléguant fort opportunément à un second plan qu'ils n'auraient jamais dû quitter dans une telle situation d'urgence sanitaire, les arguments techniques sur la complexité et les dangers du processus de production, sa difficulté pour d'autres entreprises à le maîtriser ainsi que d'éventuelles objections juridiques, le laboratoire Roche a indiqué le mardi 18 octobre, qu'il était disposé à « discuter toutes les options valables » et à octroyer à d'autres laboratoires des licences de fabrication secondaires. Cette initiative est intervenue au moment où le laboratoire indien CIPLA venait de faire savoir qu'il avait réussi à maîtriser le processus de production de l'oséltamivir, nom scientifique du Tamiflu®, qu'il avait l'intention de fabriquer des traitements et qu'il n'avait pas d'accord avec Roche, au moment où Taiwan faisait, après des essais concluants menés proprio motu, à Roche une offre de collaboration pour la production de l'oséltamivir, peu avant que quatre laboratoires américains se proposent pour une collaboration et au moment où était annoncée l'autorisation par la Food and Drug Administration pour la construction d'une unité de production aux Etats-Unis relève dorénavant d'une perspective plus large que la seule sécurité de la population américaine. Bien que la préparation de cette dernière décision ait été entourée d'un profond secret, on ne pouvait cependant ne pas soupçonner que l'administration américaine ne puisse renforcer son dispositif sans étudier une telle solution. Au total, le 6 novembre, quelque 150 laboratoires avaient fait une demande de licence de production. Roche indiquait par ailleurs, le 2 novembre, des contacts avec Shangaï Pharmaceutical s'agissant de la Chine, et l'Organisation pharmaceutique du gouvernement thaïlandais a annoncé, le 4 novembre, qu'elle produirait son propre générique. En définitive, l'initiative de Roche s'inscrit en parallèle aux réflexions de nombreux responsables sanitaires fort justement résumées par le secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, suivant lequel il ne faut pas laisser « la propriété intellectuelle entraver l'accès de tous aux médicaments », dans un esprit qui n'est pas éloigné des dispositions de l'Accord, de 2001, de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (adpic). Selon celles-ci, chaque Etat peut, sous certaines conditions, en cas d'urgence nationale notamment, octroyer à une société nationale une licence obligatoire lui permettant de copier un médicament étranger, et l'accord de 2003 permet aux producteurs de génériques de vendre des copies à des pays n'ayant pas de capacité de production. Elle ne règle pas, semble-t-il, l'ensemble des questions pendantes, notamment celles de la fixation et du niveau de la rémunération, qui ne doit pas apparaître comme excessive au regard des sensibilités de l'opinion, puisque l'hypothèse de la production d'un générique pur et simple a plusieurs fois été envisagée. Le contexte est encore délicat, Roche ayant indiqué le 26 octobre déposer une demande de brevet pour l'Inde, alors que deux laboratoires, Cipla et Ranbaxy avaient demandé l'autorisation de produire l'antiviral. Sans qu'il soit possible à ce stade de se prononcer de manière définitive, on peut seulement noter que s'agissant du Relenza®, le Directeur général de GSK a indiqué, selon les Financial times du 28 octobre, que des prix différenciés (tiered pricing) seraient proposés aux pays les plus pauvres, prix plus avantageux que ceux prévus pour les Etats qui procèdent actuellement à un stockage en prévision d'une pandémie grippale. En définitive, on ne peut que regretter que c'est au moment où l'urgence se fait sentir à un niveau tel qu'il est peut-être bien tard, qu'un laboratoire pharmaceutique consent à élargir les conditions de production d'un médicament dont il a le monopole, alors qu'il ne pouvait ignorer que le faible niveau de sa capacité de production initiale entraînerait, dès que l'hypothèse de la pandémie grippale se préciserait, une insupportable anticipation d'un risque de rationnement. Le 9 novembre, l'OMS a indiqué que Roche serait en mesure de produire 115 millions de traitements de Tamiflu® en 2006 et 300 millions en 2007 soit une capacité supérieure aux commandes actuellement enregistrées. Le laboratoire a indiqué produire dorénavant en continu cinq jours sur sept sans interruption nocturne. · Faire définir par l'OMS les conditions de la distribution des antiviraux La diffusion d'un grand nombre de traitements antiviraux accroît, en l'absence de mesures adaptées quant à leur utilisation, le risque d'apparition de souches virales résistantes. Une telle hypothèse, de la sélection rapide de souches virales contre lesquelles la médecine serait démunie, doit être évitée. Il convient donc que des règles très précises de distribution des antiviraux en vue de leur utilisation soient édictées par l'OMS dans le cadre de son rôle de coordination. c) Anticiper la question de l'accès aux vaccins De la même manière, la question de l'accès aux vaccins, dont la capacité de production est également concentrée dans les Etats les plus développés, et du modèle économique de développement et de production de ces vaccins se pose. Son acuité est certes moindre, d'une part, en raison de l'existence d'un plus grand nombre d'entreprises, en Europe de l'Ouest pour l'essentiel, (Sanofi Pasteur, Chiron avec trois implantations au Royaume-Uni, en Allemagne et en Italie, Berna et Solvay) et, d'autre part, avec des capacités d'initiatives mieux réparties. Notamment, des laboratoires de Hongrie et de Russie ont communiqué sur leurs travaux préparatoires. 4. Mener de front des actions de médecine humaine et de médecine vétérinaire selon les recommandations des organisations internationales Le risque d'émergence d'un virus pandémique dépend directement du niveau d'exposition au virus actuel de l'homme ou des animaux tels que le porc pouvant servir d'intermédiaire pour la transmission des virus grippaux. Les mesures permettant d'éradiquer ces mêmes souches grippales pathogènes chez les volailles et d'assurer la protection des élevages apparaissent par conséquent comme étroitement complémentaires de celles qui visent à protéger la santé humaine. Au niveau national, la principale question est de savoir s'il convient ou non de prévoir un stock de vaccins vétérinaires contre la grippe aviaire, de manière à pouvoir compléter les mesures d'éradication de l'épizootie par abattage systématique des volailles des élevages contaminés ou situés à proximité. S'agissant de la France, elle ne pourra être tranchée que si l'épizootie l'atteint durablement. Plusieurs initiatives sont intervenues sur le plan international pour faciliter la mise en œuvre des interventions adaptées dans les pays aux moyens les plus faibles. L'OIE a ainsi le 27 mai dernier adopté un nouveau chapitre sur l'Influenza aviaire du Code Sanitaire pour les Animaux Terrestres, qui a renforcé la transparence en élargissant le champ des virus aviaires surveillés, en facilitant le recours à la vaccination pour le commerce international et en introduisant la notion de compartiment qui permet de distinguer, le cas échéant, au sein d'un Etat la situation sanitaire des territoires qui le composent. En pratique, toutefois, il convient d'aller au-delà. Ce sont actuellement les pays d'Asie du Sud-Est qui doivent être les pays destinataires, mais il faut également songer à l'Afrique et au Proche-Orient, compte tenu des trajets des oiseaux migrateurs. Trois aspects doivent être pris en considération : la capacité de détection et d'intervention des services vétérinaires ; les modalités d'indemnisation des éleveurs dont les volailles sont abattues ou sont mortes à l'issue d'une attaque de grippe aviaire, de telle sorte que les exploitants ou les autorités locales ne soient pas tentés, pour des raisons économiques, de masquer la réalité de leur situation ; la capacité de vaccination, en complément des mesures d'abattage. La question de l'indemnisation est stratégique. Selon les informations diffusées par l'Agence France presse le 26 octobre dernier, l'information des éleveurs serait encore insuffisante en Asie. Les montants des aides seraient également jugés trop faibles, à raison de 1,2 dollar par poulet détruit en Chine, dont les fermiers ne percevraient que la moitié lorsqu'il y a corruption, et un dollar au Viêt Nam, soit la moitié du prix du marché. Selon le directeur général de l'OIE, M. Bernard Vallat, 120 des 167 pays membres de cette organisation n'ont pas de dispositif approprié. Ainsi, la Conférence conjointe OMS/OIE/FAO/Banque mondiale sur la mobilisation des ressources pour la lutte contre l'influenza aviaire et la prévention d'une pandémie humaine de grippe, qui s'est réunie à Genève du 7 au 9 novembre derniers, a présenté un cadre pour la validation du plan global d'action d'urgence contre la grippe aviaire, pour assurer notamment la maîtrise de la circulation du virus de la grippe aviaire dans les élevages. Estimant devoir obtenir les « moyens politiques et financiers » d'une intervention efficace et fort du soutien du Secrétaire général de l'ONU pour un plan d'action immédiat, l'OIE et la FAO estiment à plus de 175 millions de dollars le coût du plan, dont 102 millions pour les Etats d'Asie du Sud-Est et 75 millions pour l'Est de l'Europe et l'Afrique. La Banque mondiale envisage pour sa part un financement allant jusqu'à 500 millions de dollars et estime par ailleurs entre 750 millions et 1 milliard de dollars le coût pour la période 2006-2008 des programmes nationaux pour les quelque 150 pays en développement, hors plans d'urgence. L'objectif est de compléter substantiellement l'aide bilatérale et multilatérale déjà prévue, à laquelle la France participe par l'envoi d'experts sur place en 2004 et 2005 ou l'OIE et les Etats-Unis, ainsi que l'enveloppe cumulée de 30 millions de dollars des principaux donateurs. En visite officielle au Viêt Nam, le Commissaire européen à la Santé, M. Markos Kyprianou, a annoncé le 7 novembre dernier une aide de 30 millions d'euros de l'Union européenne à l'Asie du Sud-Est, après avoir rappelé celle de 1,6 million d'euros versée dès février 2004. La France a fait part à Genève d'une contribution immédiate de 10 millions d'euros. De manière à coordonner ces efforts, une conférence de donateurs destinée à financer le plan d'action triennal 2006-2008 a été prévu à Pékin les 17 et 18 janvier 2006, sous l'égide de la Banque mondiale et de l'Union européenne, avec l'appui des Nations-Unies. S'agissant de la vaccination, le Viêt Nam, profitant des assouplissements précités du code sanitaire de l'OIE a entrepris une large campagne. Il en est de même de l'Indonésie. Pour chaque pays, il est clair que les moyens financiers de la vaccination animale devront être prévus en complément si la réussite des seules stratégies d'abattage et de confinement s'avère insuffisante. * * * En dépit des quelques réserves qu'appelleraient certains éléments des crédits du programme « Sécurité sanitaire », notamment la baisse des moyens de la mission « Veille et sécurité sanitaires », et la nécessité de prévoir encore des améliorations au dispositif de pandémie grippale, le rapporteur pour avis considère qu'une position défavorable n'aurait guère de sens dans un tel contexte d'urgence et de mobilisation. Aussi émet-il un avis favorable l'adoption de ces crédits. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu, en commission élargie à l'ensemble des députés, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur les crédits de la mission « Sécurité sanitaire » pour 2006, au cours de sa séance du mercredi 9 novembre 2005. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je me réjouis que les commissions des finances, des affaires culturelles et des affaires sociales puissent examiner ensemble ce matin les crédits de la mission « sécurité sanitaire », c'est là tout l'intérêt de la formule de la commission élargie. M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Avec la nouvelle architecture budgétaire introduite par la LOLF, il est désormais possible de traiter de manière spécifique des problèmes majeurs tels que celui de la sécurité sanitaire, ce dont je me félicite. Je salue la présence du ministre de la santé, M. Bertrand, et vous prie d'excuser l'absence du ministre de l'agriculture, M. Bussereau, retenu à Bruxelles et représenté par son directeur de cabinet. M. Richard Mallié, rapporteur spécial de la commission des finances - Grâce à la LOLF, une mission regroupant l'ensemble des crédits affectés à la sécurité sanitaire, de nature réellement interministérielle, a été créée. En revanche, cette mission ne comprend pas les crédits de personnel. Certes, le programme « sécurité et qualité sanitaire des aliments » inclut le personnel de la direction départementale des services vétérinaires, mais non les personnels de l'administration centrale du ministère de l'agriculture qui ont pourtant vocation à y figurer. Quant aux dépenses de personnel du ministère de la santé, elles figurent dans une autre mission. Ensuite, l'absence de vision globale de la mission est à déplorer. Les deux ministères concernés - celui de l'agriculture et celui de la santé - continuent de travailler chacun de leur côté et d'apporter à nos questions des réponses qui ne sont nullement communes, ce qui est contraire à l'esprit de la LOLF. Par conséquent, deux questions se posent : les dépenses de personnel seront-elles intégrées à la mission ? Les deux ministères travailleront-ils ensemble sur la sécurité sanitaire ? S'agissant du programme « veille et sécurité sanitaires », notons le renforcement des moyens des agences sanitaires avec la création de 17 équivalents temps plein travaillé, ETPT, répartis de la manière suivante : deux à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS ; trois à l'Institut national de veille sanitaire, l'INVS ; enfin, douze à l'Agence de biomédecine, l'ABM. Les moyens financiers de ces agences, malgré une baisse apparente des crédits affectés, sont maintenus car l'on a fait appel à leur fonds de trésorerie. Par ailleurs, la capacité d'expertise de l'Etat a été élargie par la création de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, l'AFSSET, qui était autrefois seulement consacrée à l'environnement. Le budget du dispositif de gestion des alertes sanitaires représente 8 millions d'autorisations d'engagement, et diminue de 90 000 euros de moins en crédits de paiement. Cela est dû à la non-reconduction des crédits au Fonds d'urgence instauré par la loi relative à la politique de santé publique, qui bénéficiera du report des crédits non utilisés en 2005. En outre, l'assurance maladie finance une partie de la préparation des plans de réponse aux menaces sanitaires graves, à hauteur de 175 millions d'euros dont 146 millions iront à l'application du plan de prévention et de lutte contre le risque de pandémie grippale d'origine aviaire. Je note aussi la mise en place d'un délégué interministériel à la grippe aviaire, M. Didier Houssin. La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a également élargi les missions de l'Institut national de veille sanitaire ; le système de télétransmission des certificats de décès à l'INSERM se développe et la direction générale de la santé a créé en son sein un département des situations d'urgence sanitaire, le plan canicule 2005 illustrant le renforcement des plans de réponse aux alertes sanitaires. S'agissant de la sécurité alimentaire, nous observons une augmentation de 10 % des moyens concacrés à la lutte contre les maladies animales, les autorisations d'engagement s'élevant à 90,42 millions d'euros et les crédits de paiement à 99,71 millions. Cela permettra d'assurer la poursuite des actions de surveillance et de gestion des risques, les plans d'urgence contre les épizooties majeures et les bilans annuels des cheptels. Les moyens consacrés aux services vétérinaires afin d'assurer le contrôle sanitaire de la chaîne alimentaire augmentent de 13,2 % et les crédits destinés à l'élimination des stocks de farine animale de 6 %. Le périmètre du service public de l'équarrissage est redéfini : les opérateurs contractualisent désormais directement avec les équarisseurs pour l'élimination des déchets, ce qui permet de baisser le taux de la taxe d'abattage. La dotation d'Etat augmente pour sa part de 30 %. Enfin, les dépenses en personnel ne varient que très peu, le budget s'élevant à 239 millions d'euros. A ce sujet, je souhaiterais vous interpeller, Monsieur le ministre, sur l'aide de 1 000 euros destinée aux bouchers soumis au service public de l'équarrissage pour la collecte et l'élimination des matériaux à risque spécifié. L'expérimentation sur six sites a commencé avec retard au 1er novembre et vous prévoyez de supprimer l'aide dès le 1er janvier. Il y a là une certaine incohérence. M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales - L'exercice intéressant et novateur du contrôle des agences sanitaires dans un domaine régalien, renforcé grâce à la LOLF, est l'occasion de réfléchir à l'efficacité de l'action de l'Etat. Toutefois, il peut sembler prématuré dans la mesure où il n'autorise pas encore une vision prospective. Ces agences ont été mises en place ces dernières années : cela était alors nécessaire et justifié. Mais il conviendrait sans doute aujourd'hui de réfléchir à leur éventuelle restructuration, selon la voie ouverte par M. Mattei, afin de rendre cette politique plus cohérente. A cet égard, je ne suis pas certain que les dernières décisions prises quant aux périmètres des agences soient opportunes. Les fonds de roulement ont été mobilisés pour financer ces agences, ce que l'on peut considérer comme de bonne gestion. Mais, alors que personne n'imagine pouvoir à l'avenir baisser la garde dans ce domaine, il nous faudra trouver le moyen de substituer de véritables moyens budgétaires à ces expédients. Je suis, certes, néophyte sur les questions de sécurité alimentaire, mais j'estime que la République est bonne fille de prévoir 406 millions d'euros pour financer le retraitement des farines animales, alors que les industriels concernés semblent exonérés de leur responsabilité financière. Mais j'en viens au risque de pandémie grippale liée à l'épizootie de grippe aviaire. J'ai commencé à travailler sur ce sujet dès le printemps et la prise de conscience qui a eu lieu cet été a amené le Parlement à créer une mission d'information. Je ne saurais, bien sûr, au regard de l'importance quantitative et qualitative du sujet, présenter des conclusions définitives. Le Gouvernement communiquera prochainement sur le plan de préparation de lutte contre la pandémie, que la mission aura pour mission d'observer attentivement. Pour autant, je souhaiterais faire quelques remarques : les lois de financement de la sécurité sociale pour 2005 et 2006 ayant ouvert à ce titre 300 millions d'euros sur deux ans, un débat a eu lieu au sein de la commission des affaires sociales sur le fait de savoir s'il était légitime que les crédits de l'assurance maladie soutiennent une politique de sécurité sanitaire. Si nous avons conclu en ce sens, nous estimons néanmoins nécessaire que l'Etat s'engage à ce que ces moyens sont essentiellement consacrés aux dispositifs médicaux et ne substituent pas aux crédits de fonctionnement des agences et des administrations décentralisées, comme cela a pu être observé pour le plan Biotox. Enfin, Monsieur le ministre, vous nous avez annoncé un complément de financement sur le budget de l'Etat de 177 millions d'euros, sans nous donner les éléments qui vous permettent d'inscrire cette somme. Or, nous en aurons d'autant plus besoin que nous serons obligés de poursuivre des achats de matériel médical, dans la mesure où nous devrons passer, notamment pour les antiviraux, d'une logique de traitement à une logique prophylactique pour protéger à la fois les personnes fragiles et les personnes exposées. M. Jean Gaubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - J'ai essentiellement dirigé mes investigations sur la sécurité alimentaire et son organisation. Le bilan est satisfaisant, même s'il est évident que nous ne devons pas baisser la garde, les événements dans le Sud-Ouest l'ont prouvé. Par ailleurs, si nous disposons de l'AEV, j'estime qu'une organisation européenne digne de ce nom est nécessaire. Alors que selon les importateurs, certains points d'accès permettent d'introduire en Europe des produits peu sûrs, l'EAV pointe des manques en France, malgré les contrôles systématiques sur la production et le travail de renseignement. Quand on cherche moins, on trouve moins. Il est nécessaire de travailler sur une véritable harmonisation européenne, tout en ayant conscience que nous devrons pleinement la respecter, si une réglementation européenne est élaborée, sans rien ajouter ni retrancher. Or, actuellement, si la production des produits « bio » répond à des règles spécifiques en France, il est possible de trouver sur notre marché des produits européens qui ne respectent pas les critères imposés à nos propres producteurs. Cette année, l'AFSSA a complété son budget en puisant sur ses réserves, mais sa directrice me l'a indiqué, elle ne pourra plus en faire autant l'an prochain, à moins de toucher à sa réserve prudentielle. Or l'AFSSA est beaucoup saisie, trop parfois, tant il est facile de se débarrasser ainsi de la « patate chaude ». Le budget prévu ne lui permettra ni de créer des emplois ni de fonctionner correctement tout au long de l'année, alors même qu'il existe des risques de pandémie. Ses crédits augmentent de 7 %, ce qui pourrait paraître satisfaisant dans un contexte de restriction budgétaire si l'essentiel de l'augmentation ne bénéficiait pas à l'action 6, qui prévoit des hausses de rémunération et quelques renforcements de personnel. L'action 5 concerne l'élimination des farines animales, dont le stockage coûte fort cher au contribuable - il faut bien rémunérer les bailleurs des hangars ! Si résorber ainsi les erreurs du passé est une bonne chose, cela ne saurait tenir lieu d'une politique dynamique. Je ne reviens pas sur l'action 4, dont les crédits ne sont pas suffisants. L'action 2 porte sur la lutte contre les maladies animales et la protection des animaux, dont les crédits de paiement baissent dangereusement - d'environ 104 à 99 millions d'euros - alors que la surveillance des maladies animales revêt une grande importance pour la sécurité sanitaire de nos concitoyens. Ce budget suscite donc bien des réserves, et je ne voudrais pas que s'y ajoutent des gels budgétaires, qui seraient extrêmement préjudiciables. M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques - Je précise que la commission n'a pas partagé vos doutes, Monsieur Gaubert, et qu'elle a rapporté favorablement. Je vais donner la parole aux orateurs des groupes qui sont inscrits, puis Monsieur le ministre répondra globalement, avant que nous passions aux questions. Mme Geneviève Gaillard - En réponse aux très fortes préoccupations des consommateurs et des citoyens, nous avons créé depuis 1998 de nombreux outils pour évaluer les risques : l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Institut de veille sanitaire, l'Etablissement français du sang et l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale. Ce budget est divisé en deux programmes : le programme de veille et de sécurité sanitaire et le programme de sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation, dotés respectivement de 104 millions et de 538 millions d'euros en crédits de paiement, soit 642 millions au total. Malgré la légère augmentation de 7 % du budget, des carences se font jour, qu'il s'agisse des risques de pandémie aviaire ou des contrôles évoqués par M. Gaubert. S'agissant de l'AFSSA, je me demande si la limitation de ses crédits lui permettra de jouer pleinement son rôle, pourtant si essentiel. J'aimerais connaître le résultat des audits pratiqués l'an dernier ainsi que les suites données aux recommandations portant sur l'expertise phytosanitaire et la création d'un comité de suivi. Pouvez-vous aussi nous rassurer sur la question des personnels d'expertise ? Il manquerait 400 000 euros pour que l'Agence fonctionne correctement. Il serait également bon que les avis publiés par l'AFSSA soient moins difficiles à comprendre, même pour quelqu'un qui, comme moi, a une certaine pratique de ces questions. Je voudrais également savoir ce qui est prévu en 2006 pour les farines animales. Un certain nombre de projets semblent au point mort. Qui va les financer ? Est-il vraiment nécessaire que ce soit la collectivité publique qui paie pour les choix économiques du passé ? Quant à L'AFSSE, qui a connu bien des difficultés à sa naissance, et dont le champ a été élargi à la sécurité du travail, je souhaiterais que nous puissions disposer d'une vision globale de son fonctionnement. Elle doit pouvoir trouver toute sa place, notamment dans le cadre de la charte de l'environnement. Pour revenir sur les contrôles aux frontières, les services de la DGCCRF font ce qu'ils peuvent malgré l'insuffisance de leurs effectifs, qui risque de poser des difficultés importantes. Que compte faire le Gouvernement ? Un mot également sur les services vétérinaires, qui jouent un rôle essentiel d'anticipation des crises et de veille sanitaire sur le terrain : la réduction des postes ne me semble pas la meilleure façon de fournir un service de qualité. Quels sont donc vos objectifs ? Pourriez-vous enfin nous dire, Monsieur le ministre, qui s'occupe des rayonnements ionisants en matière alimentaire ? Il semble que nous sommes particulièrement mauvais sur ce sujet et il est indispensable de progresser, notamment pour éviter tout problème avec l'Union européenne. M. Claude Leteurtre - Monsieur le ministre, vous exercez décidément un métier bien difficile et j'avoue que l'empilement des agences et autres comités techniques, dont les rapports sont souvent abscons, me plonge dans une certaine perplexité. Une telle organisation vous aide-t-elle à prendre les bonnes décisions dans ces domaines sensibles ? Ne serait-il pas plus efficace de désigner un chef de file unique, placé sous l'autorité d'un seul ministre, pour mener une politique clairement identifiée ? Chacun n'est-il pas tenté de s'abriter derrière le poncif du « principe de précaution » alors qu'il serait plus responsable de parler de risque vital, afin que toute l'organisation se mobilise dès lors qu'une menace est identifiée ? Le fait que l'on demande toujours plus de postes pour les agences et comités ne démontre-t-il pas que des progrès doivent être faits pour rendre l'organisation plus rationnelle ? Tous les membres de la commission sur la canicule ont comme moi constaté que l'INVS n'avait pas choisi les bons objectifs de santé publique et que les comités interministériels régionaux - les CIR - n'avaient pas été mis en route. En ce mois d'août tragique, l'Etat était aux abonnés absents. La recherche d'une meilleure efficacité passe par une meilleure coordination des interventions, sous l'autorité d'un réseau central. S'agissant des farines animales - lesquelles présentent de mon point de vue un risque de toxicité limité -, j'estime que l'on a créé une psychose inutile, au profit exclusif des entreprises chargées du stockage. On ne sait plus comment les détruire et la situation doit se débloquer rapidement. Trop d'argent a déjà été gâché ! Monsieur le ministre, je ne suis pas un expert de ces questions et c'est donc avec la naïveté du béotien que je me demande si notre organisation de sécurité sanitaire n'est pas inutilement compliquée. Comment l'améliorer pour qu'elle aide les décideurs politiques à prendre les bonnes décisions ? Mme Jacqueline Fraysse - Autant saluer d'emblée les points positifs de ce projet de budget : les crédits de sécurité sanitaire connaissent une augmentation sensible dans tous les domaines d'intervention, pour le plus grand bénéfice de la sécurité et de la qualité. Nous saluons aussi la nouvelle configuration de l'AFSSET - Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail -, l'extension des missions de l'AFSSE au domaine de la santé au travail répondant à une revendication très ancienne de notre groupe. Améliorer la prévention et la réparation des atteintes à la santé liées au travail, coordonner les institutions existantes, faciliter la diffusion des connaissances sur la santé au travail : le rôle de l'Agence sera déterminant. Pouvez-vous cependant préciser l'articulation de ses missions avec celles des structures existantes, son rôle exact et sa composition ? La représentation du monde du travail - en particulier des institutions représentatives du personnel - sera-t-elle bien assurée ? Nous sommes par ailleurs fort préoccupés de la diminution drastique - moins 60 unités ! - du nombre de postes ouverts au titre de la formation en médecine du travail : 73 postes ouverts en 2004, 13 cette année ! Pourquoi une telle baisse ? N'est-elle pas contradictoire avec l'extension des missions de l'AFSSE à la santé au travail ? En tout cas, cette décision peu justifiée tranche avec les bonnes intentions qu'exprime la création de l'AFSSET. Autre sujet de préoccupation, la part croissante prise par les crédits de l'assurance maladie dans le financement des actions de prévention : 176 millions en 2005, 175 millions l'année prochaine, soit 371 millions qui représentent 50 % du budget total. S'il est légitime que l'assurance maladie contribue, il ne faut pas que l'Etat se désengage du financement des dépenses de prévention sanitaire, au moment même où les menaces liées à la grippe aviaire semblent bien réelles. Quels moyens exacts l'Etat va-t-il mobiliser sur ses propres crédits - indépendamment de l'assurance maladie - contre la grippe aviaire ? Est-il prévu d'aider les éleveurs si des opérations d'abattage s'imposent ? Les aviculteurs bénéficieront-ils d'aides financières s'il est décidé de vacciner préventivement leurs animaux ? Où en est-on ? Dans ce contexte, si nous saluons la progression des crédits de prévention, nous nous inquiétons de voir diminuer les crédits de soins et de protection des animaux. N'oublions pas que le risque de propagation de la grippe aviaire est directement lié à l'état sanitaire des animaux. Les crédits afférents ne doivent donc pas diminuer. M. Jean-Pierre Door - Le présent projet de budget confirme que la sécurité sanitaire est une priorité de l'action gouvernementale. Au reste, pourrait-il en être autrement alors que le passé a enseigné qu'il était criminel de faire l'impasse sur ces enjeux essentiels. Il convient aussi d'orienter l'action vers l'avenir, et votre budget, Monsieur le ministre, le permet. Le rapporteur Jean-Marie Le Guen s'est interrogé sur notre organisation en six agences principales : peut-être n'est-elle pas optimale mais l'action menée semble globalement satisfaisante. Les offices parlementaires d'évaluation des choix scientifiques, le Sénat et la Cour des comptes se sont penchés sur la question. Tout bien considéré, l'organisation générale n'est pas défaillante. Jean-Marie Le Guen a légitimement insisté sur les risques liés à la grippe aviaire et sur le rôle de la mission d'information qui vient d'être créée. Il conviendra que son action soit menée en cohérence avec celles conduites dans le cadre du plan gouvernemental, en cours d'élaboration sous l'autorité de Xavier Bertrand. S'agissant du déstockage des farines animales, je partage les préoccupations qui viennent d'être exprimées, ayant dans ma circonscription plusieurs de ces disgracieux silos. Il faut aller vite. La population nous demande de traiter le problème et l'augmentation de 15 % des crédits afférents va dans le bon sens. L'apparition du sida et la progression de l'hépatite C, la diffusion du SRAS et du virus H5N1 - sans parler du risque bio-terroriste qui ne peut être écarté - nous interpellent. Rien n'est certain et l'aléa existera toujours, malgré les progrès considérables accomplis sous l'impulsion de l'INVS pour identifier les risques. Dans le cadre de mon rapport relatif à la gestion des risques sanitaires, j'ai acquis la certitude que la mise en œuvre locale des dispositifs nationaux se heurtait parfois au manque de moyens récurrent des DDASS et des collectivités. Je souhaite par conséquent que les moyens visant à garantir la bonne déclinaison des mesures nationales au plan local soient revus. Je ne puis conclure sans rendre hommage au rôle de l'Institut Pasteur et de son réseau. Veillons à ne pas casser sa dynamique alors qu'il est engagé dans un programme pluriannuel d'investissements lourds, financé aux deux tiers sur fonds privés et pour le restant sur des crédits publics, l'INVS et le ministère de la recherche devant verser une subvention. Il est impératif de préserver ce joyau national de notre recherche sur les maladies infectieuses. Monsieur le ministre, votre projet de budget est tout à fait conforme aux besoins. Il prévoit des augmentations ciblées là où il le faut et nous le soutiendrons sans réserve. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances -Même si le système de santé sanitaire français est un des plus développés et des plus efficaces en Europe, je pense comme M. Leteurtre que son organisation pourrait être plus claire. Par exemple, les laboratoires publics départementaux ont tendance à éliminer les laboratoires privés et, dans certains cas, des structures se superposent. Je voudrais vous interroger sur les farines animales, dont le retraitement coûte 405 millions. Où en est-on sur le plan scientifique et où en sont les autres pays ? Enfin, qui paye ? Entre les différentes taxes et la participation des agriculteurs, on ne s'y retrouve pas. D'autre part, la France avait le meilleur système pour la traçabilité de la production animale, et nos entreprises industrielles occupent 70 % de ce marché. Le passage au système électronique risque de nous faire perdre cette maîtrise si nous ne lançons pas, dès maintenant, des expériences. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles - Je donne maintenant la parole à M. Xavier Bertrand, que je remercie d'être aussi présent devant l'Assemblée et notamment devant notre commission qui le sollicite souvent, et jamais en vain. M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - De nouveaux risques sanitaires émergent et la demande de protection collective de la santé s'accroît. Nous devons donc mener une action plus résolue dans ce domaine, et c'est l'objectif de cette mission dont j'assume la responsabilité avec M. Bussereau. En 2006, elle est dotée de 104 millions pour améliorer la vigilance en ce qui concerne la sécurité sanitaire et faire évoluer les esprits et les pratiques. Elle s'appuie sur la constitution de système de veille, d'alerte et d'expertise, l'amélioration de nos connaissances sur les risques, le renforcement de notre capacité à traiter l'urgence et le développement d'une culture du risque sanitaire. Pour cela, nous avons besoin d'une expertise fiable et indépendante - elle provient de différentes agences car le risque est diffus - mais, j'en suis bien conscient, la responsabilité politique ne peut, à aucun moment, se déléguer. Mais notre choix de regrouper toutes les dépenses de personnel sur un seul programme est tout à fait pragmatique, comme c'était le cas pour la mission santé. Il est en effet difficile de ventiler les personnels des DDASS et des DRASS sur les huit programmes. En outre, cette mission a pour objet de mobiliser les personnels de l'Agriculture et de la Santé sur des dossiers comme celui de la grippe aviaire. Nous avons donc besoin d'expertise dans des domaines aussi divers que le médicament, les greffes ou l'environnement. Pour 2006, 77 millions sont alloués à l'AFSSA, à l'AFSSAPS et à l'agence de biomédecine, ainsi qu'à l'AFSSET, à l'INVS et à l'EFS, l'établissement français du sang. Leurs moyens ne diminuent pas. Certains, comme M. Le Guen, demandent que nous réfléchissions à l'architecture de ce système. Avec M. Bussereau, Mme Olin et M. Larcher, nous le faisons, dans une vision prospective. La complexité peut conduire à l'éparpillement, mais la synergie des moyens est aussi gage d'efficacité. En tout cas, nous avons veillé à ne pas multiplier encore le nombre d'agences. Ainsi, l'agence de biomédecine rassemble, de façon plus large, les compétences de l'établissement français des greffes, l'AFSSET s'occupe de santé et environnement et de santé au travail. La cohérence est également assurée par le contrat d'objectifs et de moyens que nous allons passer avec chaque agence pour préciser ce que nous attendons d'elle, puis mesurer les résultats. Sur le plan financier, les moyens des agences sont renforcés en 2006 par une plus grande mobilisation de leurs ressources propres, produits des taxes et fonds de roulement. Le ministère de la Santé maintient son effort en leur faveur, et d'autres ministères participent désormais à leur financement. En outre 18 postes supplémentaires leur sont attribués. La confiance que nous faisons aux agences doit s'accompagner d'un pilotage efficace de leur action. M. Mallié s'est interrogé sur l'articulation entre services et agences. La généralisation des contrats d'objectifs et de moyens à toutes les agences doit permettre d'assurer la meilleure coordination. Nous voulons renforcer l'expertise et la validation dans le domaine du médicament. Telle est la mission de l'AFSSAPS. Il faut aussi évaluer plus rapidement l'apport d'un nouveau médicament et le risque thérapeutique qu'il peut présenter, car il n'est pas normal que les patients attendent aussi longtemps des innovations qui contribueraient à leur guérison. Nous avons donc fixé comme objectif à l'agence de ramener les délais de traitement des demandes d'AMM à 190 jours en 2005, 160 jours en 2006 et 100 jours en 2008. D'autre part, l'AFSSAPS exerce aussi un contrôle des laboratoires - 700 inspections sur site ont eu lieu en 2003- et une pharmacovigilance pour les médicaments déjà mis sur le marché, problème qui a actuellement une dimension internationale. S'agissant de biomédecine, nous voulons réaliser des progrès notamment dans la sécurité des greffes. L'agence, issue de l'établissement français des greffes, poursuit sa montée en charge, avec 12 nouveaux postes en 2006. Elle veillera également au développement des règles de bioéthique pour le prélèvement et la greffe d'organes, de tissus et de cellules, ainsi que dans les domaines de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaine. Ses nouveaux moyens devraient permettre de diminuer le nombre de greffes en attente ainsi que les délais d'attente. Nous sommes conscients des efforts à accomplir dans ce domaine, et bien résolus à les accomplir, en conciliant exigences éthiques et progrès de la recherche. Pour affirmer l'importance que nous attachons à l'environnement et au travail, la dotation du programme national Santé et environnement, inscrit dans la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004 est reconduite à 22 millions. L'ordonnance du 1er septembre 2005 a créé l'AFSSET, qui soutient la mise en œuvre du PNSE. Elle étudie et prévient les risques liés à l'usage de substances chimiques, de fibres minérales artificielles remplaçant l'amiante, les risques de légionelle dans les tours aéroréfrigérantes, et les environnements de travail dangereux. La santé au travail est, Madame Fraysse, un de nos objectifs prioritaires. Bien évidemment le personnel continuera à y être représenté comme il l'était dans l'AFSSE. M. Mallié a insisté sur la prévention des risques liés à environnement. Le ministère de la Santé procède à un certain nombre de contrôles. Ainsi en 2004, il a fait prélever 286 000 échantillons d'eau potable, effectué des contrôles pour prévenir les intoxications au monoxyde de carbone et mené avec l'INPES des campagnes dans ce domaine ainsi que pour prévenir le saturnisme, qui touche les populations les plus précaires. Nous renforçons également les procédures et les outils permettant de faire face aux urgences, situations exceptionnelles et crises sanitaires majeures. C'est l'objet d'un certain nombre de plans qui visent à anticiper le plus possible ces phénomènes. S'il faut appliquer le principe de précaution, il faut en effet le faire très en amont. En 2004, nous avons développé le plan canicule et le plan contre la pandémie grippale. Nous mettons aussi en place des plans pour lutter contre le bioterrorisme, dont le plan variole, et contre le SRAS, les inondations, les pannes d'électricité et le grand froid. Pour faciliter la mobilisation en cas d'urgence, nous devons réaliser des exercices, comme ce fut le cas cette année pour la variole et la grippe aviaire en Ille-et-Vilaine. Nous avons mis en place un indicateur du pourcentage de plans ayant fait l'objet d'un retour d'expérience ou d'un exercice, qui devrait passer de 50 % en 2005 à 66 % en 2006 et 100 % en 2008. Parallèlement, nous menons une action de long terme pour répondre aux situations d'urgence par des traitements et des matériels adaptés : depuis 2001, plus de 350 millions d'euros ont été consacrés aux stocks de précaution - qui comprennent notamment 72 millions de vaccins contre la variole. Dans le dispositif de prévention d'une pandémie de grippe aviaire, l'Institut de veille sanitaire a un rôle prépondérant d'alerte et d'analyse. A la Réunion, c'est parce qu'il y avait deux cas de suspicion de grippe aviaire, déclarés positifs sur place, que j'ai décidé de rendre l'information publique. J'ai ensuite demandé à l'INVS et à la délégation interministérielle les raisons du décalage avec le résultat définitif. Nous devons tirer les leçons de cette expérience. Nous avons la responsabilité de prendre toutes les mesures nécessaires, de l'information et de la prévention à la protection et à l'organisation des soins, pour faire face à cette éventuelle pandémie qui pourrait toucher 9 à 21 millions de Français. Les moyens affectés sont considérables : 177 millions d'euros sont déjà mis à disposition du fonds Biotox par un décret d'avance. Je l'ai dit lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale : ces sommes seront bien gérées par le ministère du budget. S'y ajouteront 176 millions de crédits dégagés par l'assurance maladie en 2005 au titre d'un fonds de concours doté, en 2006, de 175 millions d'euros. D'ici le début 2006, 14 millions de traitements antiviraux seront disponibles et 10 millions supplémentaires en commande : tels sont les résultats de la mobilisation humaine et financière qui font de la France l'un des pays les mieux préparés d'Europe. Le Président de la République l'a rappelé : aucun obstacle financier ne doit s'opposer à notre préparation optimale face à un risque de pandémie. Outre les 200 millions de masques dont nous disposerons d'ici le début de l'année prochaine, une capacité nationale de production sera développée. Nous allons accélérer la livraison de vaccins prépandémiques, et nous avons commandé un vaccin pandémique auprès des laboratoires compétents. L'Etat met en place des procédures de traitement gratuit sur l'ensemble du territoire et prépare, en cas de crise, l'organisation des soins - dont il faut, au-delà la communication et de la protection, prévoir le détail. La France est en ligne avec les recommandations de l'OMS, et la coopération européenne et internationale se renforce. Le 21 octobre dernier, lors du conseil européen informel des ministres de la santé, j'ai proposé la mise en commun de la production d'antiviraux, de vaccins et de masques, la protection mutualisée de nos ressortissants et l'aide technique aux régions touchées. Un exercice européen commun, baptisé « Common Ground », aura lieu les 23 et 24 novembre pour tester la coordination européenne en la matière. L'action multilatérale internationale est également importante : avec l'OMS, l'OIE, la FAO et la Banque mondiale, nous disposons des institutions compétentes. La conférence des donateurs s'achève d'ailleurs aujourd'hui à Genève. En partenariat avec le ministère de l'agriculture, nous sommes prêts à faire face à la menace. Je me rendrai prochainement au Vietnam, en Chine et à Hongkong pour évaluer la situation sur place. M. François Brottes - Soyez prudent ! M. le Ministre - Votre souci de ma santé me va droit au cœur ! Nous restons tout aussi vigilants face à d'autres menaces qui perdurent, comme le terrorisme. A ce titre, le plan Biotox reste l'une de nos priorités - au même plan que la lutte contre la grippe aviaire. Les financements de 2006 couvrent les opérations déjà programmées. La première vague d'acquisition de matériels - antidotes antibiotiques et vaccins - est achevée. Cette année, nous porterons notre effort sur le renouvellement et la maintenance des stocks. Les postes budgétaires, Monsieur Le Guen, sont bien là : 111 des 126 postes créés par la loi de finances de 2002 sont pourvus, et c'est très satisfaisant compte tenu des profils recherchés. En outre, d'autres agents travaillent à temps partiel sur le bioterrorisme. Pour perfectionner encore ce dispositif, j'entends améliorer la coordination des acteurs des services déconcentrés. En 2004, nous avons développé la lutte contre la peste, le charbon et la tularémie. Les treize hôpitaux de référence abritent des stocks de médicaments efficaces contre ces risques. Nous disposons aussi de cinq stocks d'antidotes contre les menaces chimiques, ainsi que 65 millions de jours de traitements antibiotiques préventifs et 600 000 jours de traitements antibiotiques curatifs contre la peste, le charbon, la tularémie et la brucellose. La culture de prévention des risques que nous voulons développer impose l'information des citoyens et la formation des professionnels de santé. L'information des citoyens d'abord, inhérente à la démocratie, est une exigence de santé publique : la bonne connaissance des dispositifs de sécurité sanitaire accroît la rapidité de réaction de chacun. C'est pourquoi nous souhaitons promouvoir une véritable culture du risque, pour la grippe aviaire comme à plus long terme dans le cadre de l'Institut national d'éducation par la santé. Ensuite, la formation est nécessaire aux professionnels de santé qui sont un maillon essentiel de la chaîne de réaction liant l'alerte des pouvoirs publics à la réaction des citoyens. Comment, quand, où se soigner : ce sont ces informations essentielles en cas de crise qu'ils doivent diffuser. Voilà pourquoi des formations sont organisées avec l'aide de l'Ecole nationale de santé publique. Tous les professionnels de santé, médicaux et paramédicaux, sont concernés. L'indemnisation des transfusés illustre notre volonté de prendre en compte les risques et erreurs de santé en amont - par la prévention et l'information - comme en aval - par le dédommagement des victimes. Le projet de loi de finances pour 2006 change l'organisation de l'indemnisation du contentieux lié à la transfusion sanguine, en améliorant les délais de traitement des dossiers et de mise en paiement des indemnités. L'EFS est en charge de ce contentieux en matière de produits sanguins labiles. Sa provision pour risque atteint 240 millions d'euros : nous ne l'abonderons en 2006 qu'à hauteur de 4,5 millions d'euros, car les provisions disponibles à la juste indemnisation des victimes sont déjà suffisantes. Je suis convaincu que ce projet de loi de finances pour 2006 nous permettra de mener une politique ambitieuse de veille et de sécurité sanitaires. J'ai été sensible à toutes vos remarques, tant ce sujet dépasse les clivages. Nous avons une exigence de résultats : anticiper sans cesse les menaces, prévoir des réponses toujours plus performantes et ancrer la culture du risque et de la réaction chez nos concitoyens, tel est l'horizon de notre action. M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Le ministre de l'Agriculture M. Bussereau étant retenu à Bruxelles, son directeur de cabinet Michel Cadot va le représenter ici, ainsi que notre Règlement l'autorise. M. Michel Cadot, directeur de cabinet du ministre de l'agriculture - Merci de me permettre de prendre la parole au nom de M. Bussereau, retenu par la négociation sur l'OMC et qui vous prie d'accepter ses excuses. Je vais vous présenter en son nom la participation du ministère de l'agriculture à la politique sanitaire. Les enjeux, pour notre ministère, se présentent bien sûr d'abord en termes de sécurité sanitaire : il s'agit d'assurer la maîtrise des risques sanitaires et phytosanitaires et de garantir la conformité aux règles de mise sur le marché des denrées et des aliments pour les animaux. Le réseau des services vétérinaires et de la protection des végétaux est très développé, et plusieurs d'entre vous en ont relevé la qualité. Au niveau international, notre situation dans ce domaine est satisfaisante. Pour compléter cette action, nous devons développer la culture de veille sanitaire qu'évoquait le ministre de la santé. Mais la sécurité sanitaire touche aussi à des enjeux économiques : elle est intimement liée à la politique de promotion de la qualité et de diversification des produits alimentaires. La notion de traçabilité est liée à celle de qualité des produits. Les actions de sécurité sanitaire se traduisent immédiatement en termes de performance économique et de qualité des filières, et rejoignent donc la mission générale du ministère de développement des filières agroalimentaires. Dernier aspect de notre mission sanitaire : nous préparer aux nouvelles techniques de production, dont bien sûr les organismes génétiquement modifiés. Nous devons mettre en œuvre des procédures garantissant que ces nouvelles techniques seront acceptables tant pour la santé que pour l'environnement. Les enjeux de l'action sanitaire sont donc très larges. Cette politique de sécurité sanitaire se développe dans un cadre européen : 2006 verra l'entrée en vigueur du « paquet hygiène », composé de cinq règlements, et qui permet de passer d'une logique très sectorielle à une vision plus unifiée. Ces cinq règlements regroupent en effet les 18 directives communautaires qui régissaient jusqu'à présent le secteur. C'est donc une politique d'hygiène beaucoup plus transparente qui s'appliquera à la totalité des denrées alimentaires et à l'ensemble des exploitants du secteur alimentaire, y compris ceux de l'alimentation animale. Elle doit créer des instruments efficaces pour gérer les alertes sur l'ensemble de la chaîne alimentaire, en veillant à une plus grande implication des professionnels : le dialogue entre les services administratifs qui contrôlent et fixent les règles, et les professionnels qui doivent prendre leurs responsabilités dans leur exécution doit être renouvelé. La nouvelle présentation budgétaire rend les priorités plus lisibles. Les sept objectifs du programme sont déclinés en neuf indicateurs. Ont été notamment retenus deux objectifs de performance des services, l'un relatif à la mise en œuvre des plans d'urgence et l'autre à la mise sous assurance qualité des services. L'architecture du programme est simple et claire, avec sept actions immédiatement compréhensibles, dont cinq techniques. Enfin, M. Bussereau a veillé à favoriser le plus possible la déconcentration des budgets, au niveau régional par exemple pour les interventions et même au niveau du responsable de service en ce qui concerne les crédits de fonctionnement. La progression de 7% des crédits du programme concerne principalement l'accélération du processus d'élimination des farines animales, qui doit être achevé d'ici à la fin de la législature. Elle aboutira à une économie importante, puisque les charges de location des sites de stockage sont particulièrement élevées. Cette augmentation bénéficie également à la prévention et à la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires. Elle permettra à la France de répondre à ses exigences communautaires, ce qu'elle a peine à faire en ce moment. En la matière, l'effort portera prioritairement sur la lutte contre les salmonelles et le renforcement des inspections en abattoirs. Le dernier poste d'augmentation significatif concerne la prévention et la gestion des risques inhérents à la production végétale, l'accent étant mis sur la surveillance et la gestion des risques liés à la bioaccumulation dans les végétaux de pesticides et autres contaminants. Quant aux effectifs, ils connaissent l'effort de rigueur commun à tous les budgets, sachant que la sécurité sanitaire a bénéficié depuis plusieurs années de fortes hausses de personnel. Le ministère de l'agriculture a choisi de mettre les moyens de fonctionnement au plus près des responsables opérationnels. Pour les services déconcentrés, les dépenses de personnel sont donc localisées dans les budgets opérationnels de programme. Pour l'administration centrale, le secrétaire général assure la coordination des moyens et pourra les répartir, grâce au contrôle de gestion et à la comptabilité analytique, entre chacune des actions. Sur les 89 millions de frais de personnel, 28 correspondent à l'administration centrale, le reste allant aux services régionaux de la protection de végétaux. La question de l'équarrissage est une des priorités du budget pour 2006. En ce qui concerne les bouchers, l'élimination des colonnes vertébrales de bovins de plus de douze mois relève jusqu'au 1er janvier 2006 du service public de l'équarrissage. Nous travaillons, avec le ministre chargé des PME et en concertation avec les professionnels, à une aide qui se substituera à compter de cette date à celle du ministère de l'Agriculture. Il pourrait s'agir d'une mesure de défiscalisation du matériel de conservation des déchets, en tout cas d'une mesure de type incitatif. Ce nouveau dispositif intervient au moment où les délais de conservation des déchets des bouchers ont été allongés, ce qui allège leurs obligations. S'agissant des farines animales, la République doit tenir les engagements qu'elle a pris dans les années 2000, au moment de la crise de l'ESB. L'Etat a stocké les farines en son nom propre, et les loyers correspondants représentent 39 millions pour 2005. Ces frais doivent être supprimés le plus rapidement possible. Le Gouvernement a dégagé 25 millions pour 2006, qui auront un effet immédiat puisque seront consacrées à la suppression des stockages des sommes aujourd'hui payées en loyers. Sept cent mille tonnes de farines animales restent à éliminer. Il est donc tout à fait nécessaire d'accélérer le lancement des marchés de déstockage et d'incinération. Outre cette priorité, nous devons nous préoccuper d'harmonisation européenne. Nous sommes en phase pour ce qui concerne l'ensemble des farines, mais un certain nombre de sous-produits relèvent de mesures spécifiques au plan national, comme les graisses de ruminants ou les os. Nous sommes en train d'envisager de lever ces prescriptions après un avis de l'AFSSA. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Pour quelle différence de coût ? M. le Directeur de cabinet du ministre de l'Agriculture - Je ne suis pas en mesure de vous répondre à brûle-pourpoint, mais je vous donnerai la réponse au plus tôt. L'accélération des marchés et l'harmonisation européenne sont donc des priorités, à mettre en œuvre dans le cadre de la réforme du service public de l'équarrissage. Il est envisagé d'autoriser à nouveau les farines de poisson dans l'alimentation des ruminants. Des expériences scientifiques sont en cours à ce sujet. S'agissant des contrôles aux frontières, il existe 33 postes d'inspection chargés de contrôler les animaux vivants et produits d'origine animale importés de pays tiers. Ces contrôles donnent lieu à la perception d'une redevance sanitaire pour 3,6 millions par an et 67 000 lots contrôlés. Concernant le financement des mesures contre une épizootie éventuelle de grippe aviaire, une centaine de millions d'euros est prévue dans ce budget au titre de la lutte contre les maladies animales pour compenser l'abattage des volailles. Pour l'heure, rappelons qu'aucun foyer contaminé n'a été constaté. Par ailleurs, l'AFSSA ne préconise pas la vaccination des volailles - qui, en tout état de cause, se limiterait à certains zoos et élevages particuliers. Il n'y a donc pas lieu de prévoir des mesures budgétaires spécifiques. M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques - Nous arrivons aux questions. M. François Dosé - Sous le gouvernement précédent, j'ai participé à la commission d'enquête sur l'ESB présidée par M. Sauvadet. Nous avons beaucoup travaillé pendant six mois, il y a eu un rapport. Et ensuite, plus rien, pas le moindre suivi. Pourtant de nombreuses questions se posent encore sur le nombre d'incinérateurs, les farines animales, l'importance des stocks. S'agissant de sujets si importants, ne pourrait-on imaginer une sorte de « droit de suite » ? Risque de grippe aviaire avéré ou non, les éleveurs à la campagne se souviennent encore de l'abattage de leurs troupeaux ! M. Antoine Herth - Le projet annuel de performance de cette mission indique clairement que le Gouvernement entend éliminer 200 000 tonnes de farines animales sur un stock total de 700 000 tonnes en 2006, pour un coût unitaire de 120 euros par tonne. Or, ce montant me semble trop élevé. L'année dernière, lorsque j'ai présenté le budget de l'agriculture, il était prévu de consacrer à l'élimination des stocks 100 euros par tonne et j'ai entendu dire que les équarisseurs obtiennent en négociant de gré à gré avec les cimentiers un prix d'environ 50 euros. Même si le coût de l'énergie a augmenté, l'on pourrait prévoir un prix unitaire de 75 euros par tonne, ce qui permettrait d'éliminer la moitié du stock dès 2006. Le Gouvernement, avant de lancer tout appel d'offres, doit donc se montrer plus offensif sur les prix. Ensuite, concernant l'AFSSA, j'ai noté qu'elle poursuivait son travail sur les produits phytosanitaires. Ses compétences seront-elles étendues à l'homologation des produits phytosanitaires ? Si oui, cela sera-t-il traduit dans le budget ? Enfin, concernant les agences sanitaires, j'approuve l'orientation prise par le ministre de la santé. L'argent public doit être prioritairement utilisé pour la prévention plutôt que pour la correction des effets négatifs. La filière volaille a déjà subi des pertes considérables alors qu'aucun cas de grippe aviaire n'a été constaté. Nous ne pouvons nous contenter d'additionner le nombre de vaccins et de masques dont nous disposons, comme on comptait autrefois les boutons de guêtre. Ce qui sera déterminant, ce sera notre capacité à nous adapter à une situation forcément imprévisible. M. le Rapporteur spécial - La grippe aviaire est une maladie. A ce titre, elle doit être prise en charge par l'assurance maladie et non par l'Etat, comme le sida le fut en son temps. S'agissant des farines animales, l'Etat a aujourd'hui la charge d'éliminer les stocks de farines animales dont il avait interdit l'utilisation au nom du principe de précaution. Reste qu'il convient d'accélérer leur élimination pour ne plus payer de loyers. Certes le prix de chaque tonne éliminée est élevé, cela tient au surcoût occasionné par le transport depuis les sites de stockage jusqu'aux fours de cimenterie. Enfin, le prélèvement sur le fonds de roulement des agences n'est pas un expédient budgétaire. Il serait anormal que les contribuables financent la constitution de bas de laine dans chacune de ces agences. Mme Catherine Génisson - Monsieur le ministre, vous avez évoqué à juste titre la nécessité de multiplier les exercices permettant de vérifier la réactivité des personnels à une éventuelle épidémie. Or, ces exercices mobilisent de nombreux personnels hospitaliers, alors que ceux-ci travaillent déjà à flux tendu pour accomplir leur tâche habituelle. Des crédits spécifiques sont-ils prévus pour dédommager les hôpitaux dont le budget est grevé par ces exercices ? M. Claude Birraux - Dans son rapport de février 2005 sur l'application de la loi du 1er juillet 1998, présenté au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, M. le sénateur Saunier préconise d'apporter plus de clarté dans l'organisation complexe des instances d'expertise existantes et d'établir des liens entre les contrats d'objectifs et de moyens et les structures de la LOLF. Le Gouvernement tiendra-t-il compte de ces recommandations ? M. Jean-Marie Le Guen - Monsieur Cadot, vous avez annoncé tout à l'heure que le ministère de l'Agriculture envisage d'autoriser la mise en circulation de farines animales à base de poisson. Sur quelle expertise scientifique vous fondez-vous pour permettre ce franchissement des barrières d'espèces ? M. Jean Gaubert - Concernant le fonds de roulement des agences sanitaires, la situation financière de l'AFSSA - seule agence sur laquelle je me suis penché - est de plus en plus tendue. Depuis 2002, les réserves qu'elle avait constituées - peut-être trop hautes - ont été prélevées. Or, elle a besoin de conserver une réserve prudentielle, ne serait-ce que pour payer les factures en fin de mois et honorer ses engagements vis-à-vis des salariés contractuels, relevant du droit privé, qui sont de plus en plus nombreux dans ses structures. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Est-il vrai que certains pays européens réintroduisent dans l'alimentation animale non seulement des farines de poisson mais aussi des farines de porc et de volaille ? M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques - La parole est au Gouvernement pour répondre aux questions des parlementaires. M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Madame Génisson, il est vrai que nous voulons multiplier les exercices « grandeur nature », même si nous ne disposons pas de crédits propres. Par ailleurs, nous souhaitons que ces exercices aient lieu sur des sites spécifiques plutôt qu'en hôpital : en Ille-et-Vilaine, les services hospitaliers n'ont été qu'en partie associés à cette expérience, qui présentait principalement une dimension agricole. Je ne pense donc pas que cela pose aux hôpitaux des problèmes durables d'organisation ou mette en péril leur équilibre budgétaire. Je tiens néanmoins à votre disposition le détail des exercices effectués et prévus. Et si des problèmes devaient se poser, nous en tirerions les conséquences. Monsieur Birraux, un décret consacrant la transformation du CHSPF en Haut conseil de la santé publique devrait paraître prochainement. Enfin, je remercie M. Mallié qui a bien voulu apporter des précisions en sa qualité de rapporteur ainsi que M. Herth pour ses propos. M. le Directeur de cabinet du ministre de l'Agriculture - Monsieur Herth, le projet de loi d'orientation agricole prévoit de transférer à l'AFSSA l'évaluation des produits phytosanitaires, le ministère de l'agriculture et de la pêche conservant la prérogative régalienne de l'autorisation de mise sur le marché et de l'agrément. Ce principe, souhaité par l'Assemblée nationale, a d'ailleurs été adopté conforme cette nuit par le Sénat et n'entraînera pas de coûts supplémentaires, puisqu'il n'y a pas de création d'une nouvelle Agence. S'agissant du traitement des farines animales, nous avons bien noté que l'estimation de 120 euros par tonne, mentionnée dans le bleu, est excessive. Grâce aux négociations conduites de façon volontariste, les prix sont passés de 100 euros en 1984 à 70 euros en 2005, ce qui devrait permettre d'atteindre les objectifs plus rapidement. Monsieur Méhaignerie, la réintroduction des farines dans l'alimentation animale permet de réaliser une économie de 6 millions d'euros. Elle est harmonisée au niveau communautaire : les farines de porc et de volaille sont interdites dans l'alimentation des ruminants. Le cas des farines de poisson, actuellement examiné, n'a pas encore fait l'objet de décisions d'autorisation, même si l'AESA a donné un avis favorable. M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques - Les commissions vont à présent procéder séparément à l'examen des amendements. A l'issue de l'audition de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, et de M. Michel Cadot, directeur de cabinet du ministre de l'agriculture, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, au cours de sa séance du mercredi 9 novembre, sur le rapport de M. Jean-Marie Le Guen, les crédits pour 2006 de la mission « Sécurité sanitaire ». Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité sanitaire ». LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES En France ¬ M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. ¬ Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) : Mme Pascale Briand, directrice générale. ¬ Institut de veille sanitaire (InVS) : M. Gilles Brücker, directeur général. ¬ Agence de biomédecine : Mme Carine Camby, directrice générale. ¬ Roche-France : M. Henri-Vincent Charbonne, directeur général. ¬ Secrétariat général pour la défense nationale : M. Francis Delon, secrétaire général. ¬ Etablissement français du sang : Mme Catherine Dessein, directrice générale. ¬ Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSET) : Mme Michèle Froment-Vedrine, directrice générale. ¬ Sanofi-Pasteur : M. Didier Hoch, président, et vice-président de « European vaccine manufacturers ». ¬ M. Didier Houssin, directeur général de la santé, délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire. ¬ Institut de veille sanitaire (InVS) : M. Daniel Levy-Brühl et Mme Isabelle Bonmarin, épidémiologistes. ¬ Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) : M. Jean Marimbert, directeur général. ¬ Organisation mondiale de la santé animale (OIE-Office international des épizooties) : M. Bernard Vallat, directeur général. Aux Etats-Unis · A Washington ¬ Sénat : - M. Richard Burr, Senator, North Carolina ; - Mme Ann Gavaghan, Legislative Aide, Senator Hillary Rodham Clinton (New York) Bureau ; - Mme Dora Lynn Hughes, Health and Education Policy Advisor, Senator Barack Obama (Illinois) Bureau ; - Mme Jennifer R. Leib, Legislative Fellow, Senator Edward M. Kennedy Bureau, Committee on Health, Education, Labor and Pensions. ¬ Chambre des représentants : - Mme Susie Schulte, Professional Staff Member, Government Reform Committee. ¬ Département d'état : - M. Don P. Bourque, Deputy Director, BioIndustry Initiative, Office of Proliferation Threat Reduction ; - Mme Nancy Carter-Foster, Senior Advisor, Health Affairs ; - Mme Rebecca S. Daley, Foreign Affairs Officer, Office of International Health Affairs, Bureau of Oceans and International Environmental and Scientific Affairs ; - Mme Carmen Ess, Office of International Visitors, Educational Cultural Affairs Bureau ; - M. Daniel A. Singer, Senior Medical Policy Advisor. ¬ Ministère de la santé (department of health and human services) : - Dr Bruce Gellin, Director of the National Vaccine Program Office. - M. Philip M. Budashewitz, Captain, US Public Health Service, Director, Office for Europe and Eurasia, Office of the Secretary, Office of Global Health Affairs ; ¬ Advancing national strategies and enabling results (ANSER) : - M. James I. Player, Vice President, National Strategies Support ; - Mme Elin A. Gursky, Principal Deputy for Biodefense, National Strategies Support Directorate. ¬ Center for integration of medicine & innovative technology (CIMIT) : - M. Michael V. Callahan, Program Leader, Biological Threat Defense & Mass Casulty Care, World Emergency, Massachusetts General Hospital. ¬ Service de recherché du congrès - Bibliothèque du congrès : - Mme Kerry B. Dumbaugh, Specialist in Asian Affairs, Foreign Affairs, Defense and Trade Division ; - Mme Sarah A. Lister, Specialist in Public Health and Epidemiology, Domestic Social Policy Divisions ; - Mme Erin D. Williams, Specialist in Bioethical Policy, Domestic Social Policy Division. ¬ National disaster risk communication initiative : - Dr Michael D. McDonald, President of Global Health Initiatives Inc. and Coordinator of National Disaster Risk Communication initiative. ¬ Institut de médecine : - Dr Patrick W. Kelley, Director, Board on Global Health ; - Mme Eileen Choffnes, Senior Program Officer, Board on Global Health & Forum on Microbial Threats. ¬ Mailman school of public health (Columbia university) : - Dr Stephen S. Morse, Founding Director & Senior Research Scientist, Center for Public Health Preparedness, National Center for Disaster Preparedness. ¬ Ntinitiative (NTI) : - Dr Margaret A. Hamburg, Vice President for Biological Programs. ¬ Laboratoires pharmaceutiques : - Mme Atika Abelin, Responsable des affaires européennes, Aventis Pasteur ; - Mme Gail H. Cassell, Vice President, Scientific Affairs, Eli Lilly and company ; - M. Bruno Jactel, Head of Strategic Marketing, Companion Animal Global Enterprise, Merial ; - M. Tom Mickle, Associate Director, Business Development & Strategic Marketing, Merial ; - Mme Christine Bugos, International Affairs, Institutional & Professional Relations, Sanofi Aventis ; - M. Jim Dillman, Manager, Marketing and Sales Planning, Sanofi Pasteur ; - M. James Matthews, Director, External Research and Development, Sanofi Pasteur ; · A Atlanta ¬ Centers for disease control and prevention (CDC) : - M. Stephen B. Blount, Associate Director for Global Health and Director, Office of Global Health, Department of Health and Human Services ; - M. Douglas Klaucke, Doctor, Office of Global Health, Department of Health and Human Services. - M. Pierre E. Rollin, Doctor, Special Pathogens Branch, National Center for Infectious Diseases ; - M. Timothy M. Uyeki, Medical Epidemiologist, National Center for Infectious Diseases, Division of Viral and Rockettsial Diseases, Influenza Branch, Department of Health and Human Services ; Le rapporteur pour avis souhaite remercier vivement les personnalités qui ont bien voulu accepter de le rencontrer. Il remercie également S. Exc. M. Jean-David Levitte, ambassadeur de France aux Etats-Unis, ses services, ainsi que les agents du consulat général d'Atlanta et du poste d'expansion économique de leur aide très précieuse. DÉCLARATION DE M. GEORGE B. ABERCROMBIE, (30 juin 2005) Monsieur le Président, Messieurs les membres de la commission, Mon nom est George Abercrombie, président-directeur général d'Hoffmann-La Roche Inc. (« Roche »), entreprise de recherche pharmaceutique. Je vous suis reconnaissant de cette opportunité qui m'est ainsi donnée de discuter avec vous du rôle de Roche et des traitements antiviraux dans la préparation et la réaction à une pandémie de grippe, et je salue les efforts déployés par la commission pour protéger la population américaine contre cette menace, très réelle, pour la santé publique. · La menace d'une pandémie de grippe Chaque année, la grippe saisonnière occasionne en moyenne 36 000 décès et 200 000 hospitalisations (3). Outre ces épidémies annuelles saisonnières, trois autres pandémies ont eu lieu au 20e siècle. En 1918, 500 000 personnes environ succombèrent aux États-Unis à ce que l'on appela la « grippe espagnole », et il est probable que 50 millions de personnes en sont mortes de par le monde. La « grippe asiatique » de 1957-1958 fit quelque 70 000 victimes américaines, tandis que la « grippe de Hong-Kong » de 1968-1969 occasionna plus de 34 000 décès aux Etats-Unis (4). Une pandémie de grippe se produit lorsqu'il y a mutation d'une souche d'influenza existante. L'émergence de cette nouvelle souche virale, le défaut d'exposition antérieure et d'immunité au virus et l'absence d'un vaccin capable de protéger contre cette nouvelle souche peuvent déclencher une épidémie de grippe mondiale, c'est-à-dire une pandémie. Il semble actuellement que les facteurs associés à une pandémie se mettent en place. Premièrement, nous sommes en présence d'une souche de grippe aviaire fortement pathogène, qui se propage largement en Asie. Deuxièmement, cette souche aviaire se révèle de plus en plus susceptible d'occasionner une maladie mortelle chez l'homme et chez l'animal. En fait, le virus aviaire est fatal chez 50 pour cent environ des personnes infectées (5). S'il faut encore qu'une transmission d'homme à homme efficace intervienne - dernier rempart contre une pandémie grippale - il est possible, sinon probable, que des sujets porteurs des deux virus de la grippe humaine et de la grippe aviaire deviennent des « vecteurs mixtes », dont pourrait émerger un nouveau virus qui se transmette facilement de personne à personne. En effet, une étude récente de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) observe que de nouveaux résultats d'épidémiologie en Asie montrent que le virus pourrait être plus susceptible d'une transmission d'homme à homme (6). Ne nous y trompons pas : si une pandémie de grippe devait intervenir, la menace sur la santé publique aux États-Unis serait grande. Dans son projet de plan de préparation et de réaction à une pandémie de grippe, le ministère américain de la Santé et des Services à l'homme (HHS) reconnaît qu'une pandémie de grippe a « le potentiel d'occasionner un accroissement rapide du nombre de décès et de maladies, supérieur à pratiquement n'importe quelle autre menace naturelle sur la santé » (7). Certains experts sanitaires estiment que si le virus se transmet efficacement d'homme à homme, la grippe aviaire pourrait conduire à une pandémie causant plus de 50 millions de décès dans le monde (8). Des études citées par le réseau CDC (Centers for Disease Control and Prevention) estiment qu'en l'absence de vaccins ou de traitements, une pandémie de « niveau moyen » tuerait entre 89 000 et 207 000 Américains et en rendrait malades entre 20 et 47 millions d'autres - occasionnant jusqu'à 42 millions de visites chez les patients et 734 000 hospitalisations (9). En fait, selon le ministère de la Sécurité intérieure, une pandémie de grippe, même d'envergure limitée, pourrait potentiellement entraîner des décès, des hospitalisations et des désordres économiques d'une ampleur largement plus grande que la plupart des scénarios d'attentats terroristes (10). Outre le tribut humain, le coût économique d'une pareille pandémie s'échelonnerait, selon les estimations, de 71 à 167 milliards de dollars (11). Sans aucun doute, la préparation à une telle crise sanitaire mondiale doit constituer une priorité de santé publique majeure. Le projet de plan du HSS comme le plan de préparation à une pandémie de l'OMS insistent tous deux sur l'idée que pour apporter une réponse appropriée à la menace d'une pandémie grippale, il faudra disposer à la fois d'un vaccin antigrippal et de traitements antiviraux (12). Lorsqu'ils existent, les vaccins, qui sont ordinairement administrés avant que n'éclate une épidémie de grippe, peuvent fournir des moyens de défense efficaces contre le développement de la grippe saisonnière ou d'une pandémie grippale, et ralentissent la transmission d'homme à homme. Dans nos campagnes de marketing saisonnier du Tamiflu®, nous étudions avec soin nos messages et nos actions de façon qu'ils soient complémentaires des efforts déployés pour promouvoir une large vaccination saisonnière contre la grippe, et non qu'ils aillent à leur encontre. Cependant, les vaccins se heurtent à certaines limites majeures, en particulier dans le cadre d'une pandémie grippale. Tout d'abord, il n'est pas certain de pouvoir prédire avec précision la ou les souche(s) virale(s) spécifique(s) qui peuvent en définitive provoquer une pandémie. Par conséquent, il est possible que des vaccins efficaces fassent défaut au moment où les premiers signes de la pandémie sont détectés. Ensuite, la propension des virus à muter peut conduire à l'apparition rapide de nouvelles souches. Il est donc possible qu'un vaccin efficace contre la souche virale responsable de l'épidémie soit inefficace contre la lignée virale mutante du virus. C'est l'une des raisons pour lesquelles il y a lieu de produire, d'autoriser et de distribuer chaque année des vaccins spécifiques à une souche pour se prémunir contre la grippe saisonnière, plutôt que de les stocker pour lutter contre des épidémies à souches multiples. Enfin, compte tenu de la rapidité de propagation d'une pandémie de grippe, compter en première instance sur des vaccins peut ne pas être faisable. Ainsi, l'OMS estime qu'il faudrait de six à neuf mois pour développer un vaccin efficace contre la souche virale de la pandémie (13). Naturellement, la production et la distribution du vaccin à grande échelle nécessiteraient des délais considérables, sans compter qu'une fois administré, un vaccin peut prendre plusieurs semaines pour assurer l'immunité du sujet ou nécessiter plusieurs vaccinations. Pour toutes ces raisons, le HHS et l'OMS ont recommandé que les mesures de préparation à une pandémie de grippe ne s'appuient pas uniquement sur la vaccination. Ainsi que l'affirme un récent rapport de l'OMS, « en attendant que des vaccins soient disponibles, les agents antiviraux seront le principal moyen d'intervention médicale pour lutter contre la morbidité et la mortalité, lesquelles sont la première priorité lorsqu'une pandémie est en cours » (14). En particulier, certains antiviraux peuvent être utilisés soit pour traiter la grippe, soit à titre prophylactique pour empêcher l'infection des sujets à risque. Des modèles publiés récemment suggèrent qu'une pandémie de grippe pourrait être contenue si 80 pour cent des sujets exposés au virus utilisaient des antiviraux ciblés à titre prophylactique (15). Enfin, les antiviraux possèdent quatre autres caractéristiques qui font que ces traitements méritent d'être d'intégrés dans un plan de préparation à une pandémie de grippe : 1) les antiviraux ont une longue durée de conservation - cinq ans dans le cas des capsules de Tamiflu® - ce qui permet de les stocker et de les avoir immédiatement à disposition en cas d'épidémie ; 2) les antiviraux commencent à agir dès qu'ils ont été administrés ; 3) certains antiviraux agissent contre plusieurs types de grippe ; 4) l'utilisation d'antiviraux n'interfère en rien avec la réponse immunologique, ce qui signifie que le patient peut continuer à développer son immunité au virus tout en prenant du Tamiflu® pour se protéger. · Le rôle du Tamiflu® dans une pandémie de grippe Le Tamiflu® de Roche (phosphate d'oseltamivir) est le premier antiviral oral prescrit dans le traitement de la grippe. Roche a conclu un contrat de licence sur le produit avec le laboratoire Gilead Sciences et a accéléré son développement en procédant aux études des phases II et III, ainsi que la procédure d'autorisation auprès de l'autorité sanitaire américaine (Food and Drug Administration, FDA). Récemment, Gilead Sciences a informé Roche de son intention de dénoncer l'accord de développement et de commercialisation du Tamiflu®. Chez Roche, nous sommes profondément déçus par les agissements de Gilead et sommes en vif désaccord avec leurs déclarations publiques concernant notre activité sur le Tamiflu®. Cependant, nous sommes aussi optimistes quant au règlement de ce différend et nous nous engageons à ce que cette question n'interrompe pas et ne retarde pas la production du Tamiflu® et sa disponibilité ultérieure, ni n'interfère sur les engagements de livraison que nous avons contractés auprès de différents gouvernements dans le monde entier. La FDA a autorisé le Tamiflu® pour la première fois en 1999, pour le traitement de sujets adultes atteints de la grippe de type A et B. Plus précisément, le Tamiflu® est un inhibiteur de la neuraminidase, qui agit en attaquant le virus de la grippe et sa capacité à se répliquer, plutôt qu'en s'attaquant seulement aux symptômes grippaux. Actuellement, le Tamiflu® est indiqué dans le traitement des patients à partir d'un an et s'il est pris dans les quarante-huit heures suivant l'apparition des symptômes, il peut procurer aux patients un soulagement plus rapide. En prophylaxie, indication approuvée en 2000, le Tamiflu® est destiné aux adultes et aux adolescents à partir de 13 ans, même si des données sur des enfants âgés d'au moins un an ont été communiquées récemment à la FDA pour examen. Le Tamiflu® a une faible probabilité d'interactions médicamenteuses cliniques significatives et est généralement bien toléré, les nausées et les vomissements étant les effets indésirables les plus souvent signalés. Le Tamiflu® est disponible en capsules et en suspension orale. Témoignant devant le Congrès le mois dernier, le docteur Julie Gerberding, directrice du réseau CDC, a réaffirmé que « le Tamiflu® est actuellement le seul antiviral à se révéler efficace contre le virus de la grippe aviaire H5N1 en Asie » (16). L'efficacité du Tamiflu® contre la grippe aviaire a été démontrée dans des études sur l'animal par d'éminents chercheurs, des données in vitro et une expérimentation pratique durant l'épidémie de grippe aviaire survenue au Pays-Bas (17). En outre, des données obtenues sur des humains et des animaux infectés suggèrent une implication systémique significative du virus aviaire H5N1. Il est important de noter que contrairement à un antiviral qui se prend par inhalation, le Tamiflu®, qui s'administre par ingestion, s'est révélé avoir une action systémique chez les humains. Par voie de conséquence, l'OMS a préconisé l'utilisation du Tamiflu® chez les sujets potentiellement exposés à la grippe aviaire en Asie (18). Des rapports d'actualité récents ont mis en lumière la résistance à l'antiviral amantadine du fait de son usage vétérinaire en Chine. Jusqu'à plus ample informé, il n'existe pas d'usage vétérinaire comparable pour le Tamiflu® et il ne fait aucun doute que nous n'y sommes pas favorables. S'il est possible qu'un virus de la grippe émerge face à une moindre sensibilité aux antiviraux, il semble que les virus résistants au Tamiflu®, isolés à ce jour chez l'homme, ne soient pas transmissibles de manière efficace (19). Des études sur des échantillons de populations montrent également que la résistance au Tamiflu® est très rare. Afin de veiller à ce que le Tamiflu® demeure efficace contre le virus de la grippe, Roche ne préconise pas d'appliquer des stratégies qui font appel à des doses plus faibles ou à des durées de traitement plus courtes que la posologie recommandée. S'agissant de la prévention de la grippe chez les sujets âgés d'au moins 13 ans, le Tamiflu® peut être administré à raison d'une fois par jour pendant sept jours, consécutivement à un contact étroit avec un sujet infecté manifestant les symptômes caractéristiques de la grippe. Le Tamiflu® peut également être pris pendant six semaines à titre de prophylaxie saisonnière si la grippe se propage dans une population. Cependant, la posologie approuvée pour le traitement de la grippe - soit 75 mg deux fois par jour pendant cinq jours - est supposée constituer le minimum requis pour gérer une pandémie grippale. S'il était intégré dans un plan rationnel de préparation et de réaction à une pandémie, le Tamiflu® pourrait jouer un rôle déterminant à la fois comme « bouche-trou », en attendant qu'un vaccin soit disponible, et pour traiter ou prévenir des infections futures une fois qu'un vaccin existera. En période de pandémie, la sensibilisation à la grippe est renforcée et un traitement rapide peut être mis en place, sous réserve d'une infrastructure opérationnelle et d'un prépositionnement approprié. Même si Roche prend des mesures pour augmenter sa production de Tamiflu®, les autorités américaines doivent prendre par contrat des engagements de constitution de stocks afin d'assurer un approvisionnement correct des États-Unis en antiviraux Ainsi qu'on l'a observé, le HHS et l'OMS prévoient tous deux de constituer des stocks d'antiviraux en tant que composante centrale de leur stratégie actuelle de préparation à la pandémie de grippe. L'IDSA (Infectious Diseases Society of America) et l'OMS ont récemment reconnu que le Tamiflu®, en particulier, est un produit spécifiquement adapté à la constitution de stocks en vue d'une pandémie, et ce pour plusieurs raisons : 1) son efficacité contre les virus de la grippe de types A et B ; 2) l'absence de virus connu résistant au Tamiflu® et transmissible à l'homme ; 3) sa durée de conservation de cinq ans et 4) sa forme pharmaceutique en capsules. Il est impératif de constituer des stocks de Tamiflu® en amont du déclenchement d'une pandémie car les complexités intrinsèques de sa production restreignent sérieusement la capacité à faire face rapidement à une demande de grande ampleur, une fois que la pandémie est déclarée. Le processus de production du Tamiflu® est complexe et nécessite entre huit et douze mois, du stade de la matière première à celui du produit fini. Il implique plusieurs étapes intermédiaires, y compris un matériel de départ spécifique, et une phase de production potentiellement délicate, qui ne peut être réalisée que dans des installations spécialisées et coûteuses. Compte tenu de ces difficultés, des délais importants sont nécessaires pour accroître la capacité de production et constituer des stocks en quantité requise pour une pandémie de grippe. Le marché saisonnier du Tamiflu® est traditionnellement modeste au regard des besoins de constitution de stocks pour une pandémie et se retrouverait rapidement en situation de pénurie. Roche a toujours produit le Tamiflu® en quantité suffisante pour répondre à la demande pendant les grippes saisonnières. Nous nous sommes employés à éduquer les professionnels de santé et les patients à une utilisation appropriée du Tamiflu®, en cherchant à développer le marché saisonnier sans nuire aux messages de santé publique relatifs aux vaccinations. Ces efforts d'information se sont traduits par une progression constante des prescriptions de Tamiflu® aux États-Unis ces dernières années, qui sont passées d'environ 700 000 lors de la saison grippale 1999-2000 à plus de 1,7 million lors de la dernière épidémie. Par contre, l'IDSA recommande aux autorités américaines de stocker des antiviraux en quantité suffisante pour pouvoir traiter jusqu'à 50 pour cent de la population américaine, soit quasiment 150 millions de patients. Roche a toujours pris les devants pour identifier les besoins de santé publique et y répondre. Ainsi : - pour atteindre les niveaux de production requis pour constituer des stocks, nous avons doublé notre capacité de production dans notre usine européenne entre 2003 et 2004, et nous faisons de même à nouveau en 2005. Roche envisage une nouvelle extension de sa capacité de production du Tamiflu® en 2006 ; - nous avons mis en place une chaîne d'approvisionnement sur le sol américain qui, une fois qu'elle sera opérationnelle d'ici à la fin de l'année, multipliera par huit la capacité de production totale globale du principe actif et de capsules de Tamiflu®, par rapport à 2003 ; - Roche a élaboré un conditionnement spécifique pour les stocks de Tamiflu® constitués aux États-Unis afin de prolonger la durée de conservation et de simplifier la distribution et la gestion des stocks ; - nous avons découvert et développé un processus de synthèse pour fabriquer la substance chimique utilisée dans la phase de production initiale, ce qui nous permettra, à terme, de réduire notre dépendance vis-à-vis des sources d'approvisionnement naturelles ; - Roche a également collaboré avec l'OMS en fournissant du Tamiflu® pour les épidémies de grippe aviaire survenues à ce jour. Nous travaillons actuellement avec l'OMS pour constituer des stocks d'urgence afin d'essayer de ralentir, voire de stopper, la propagation du virus dès son apparition. Roche a reçu des commandes et des lettres d'intention concernant la constitution de stocks d'urgence de Tamiflu® d'une trentaine de pays du monde entier et honorera ces commandes - dans les délais. En effet, des pays comme le Royaume-Uni, la France, la Finlande, la Norvège, la Suisse et la Nouvelle-Zélande passent commande de stocks de Tamiflu® en quantité suffisante pour couvrir entre 20 et 40 pour cent de leur population respective. En revanche, les achats de stocks du HHS à ce jour équivalent à quelque 2,3 millions de traitements - i.e. une quantité permettant de traiter moins d'un pour cent de la population américaine. Nous sommes en pourparlers avec les autorités américaines concernant une éventuelle extension de l'accord d'approvisionnement du Tamiflu® destiné aux stocks nationaux. Sur la base d'un tel accord et ainsi que nous l'avons toujours fait jusqu'à maintenant, Roche sera tout à fait disposée à travailler avec le HHS en vue d'une nouvelle augmentation de capacités pour constituer des stocks nationaux conséquents. Alertés de la menace de pandémie, les gouvernements ont actuellement une opportunité sans précédent pour tenter de réduire le plus possible les pertes en vies humaines catastrophiques, les maladies affaiblissantes et les coûts économiques considérables qu'une pandémie ferait subir aux États-Unis et dans le monde. Permettez-moi de résumer mon témoignage d'aujourd'hui en trois messages : premièrement, les autorités sanitaires mondiales reconnaissent toutes unanimement que le Tamiflu® est un instrument majeur dans la stratégie de préparation et de réaction à une pandémie de grippe. Deuxièmement, d'autres nations ont une nette longueur d'avance sur les États-Unis dans la constitution de stocks de Tamiflu® et nous exhortons les États-Unis à passer des accords maintenant - et à poursuivre leur effort d'approvisionnement dans le temps - afin de constituer des stocks adéquats. Enfin, je voudrais que vous sachiez que la disponibilité du Tamiflu®, en tant qu'élément d'une stratégie d'intervention rationnelle contre la pandémie, demeure ma première priorité en tant que président-directeur général d'Hoffmann-La Roche. Chez Roche, nous voulons continuer à collaborer étroitement avec cette commission, avec le HHS et avec les gouvernements du monde entier pour apporter notre aide dans la préparation à la pandémie. Au nom de Roche, je vous remercie d'avoir mis en lumière l'importance de cette question de santé publique primordiale. Le docteur Iacuzio et moi-même serons enchantés de répondre aux questions que vous pourriez vous poser. -------- N° 2569 - Avis présenté par M. Jean-Marie Le Guen au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) - tome IX - sécurité sanitaire 1 () Rapport COPERCI (Comité permanent de coordination des inspections) 2004 T n° 110. 2 () A l'époque, on pensait qu'il s'agissait d'un premier cas de transmission directe. En fait, dans un article publié dans la revue Nature du 6 octobre 2005, plusieurs chercheurs, sous la direction de M. Jeffrey Taubenberger, indiquent que le virus H1N1 de la grippe espagnole de 1918 présente les caractéristiques d'un tel passage, sans intermédiaire, de l'oiseau à l'homme. 3 () William W. Thomson et al., Influenza-Associated Hospitalizations in the United States, 292 JAMA 1333 (2004). 4 () Centers for Disease Control and Prevention, Fact Sheet: Information About Influenza Pandemics (8 mars 2005). 5 () Organisation mondiale de la santé, Cumulative Number of Confirmed Human Cases of Avian Influenza A/(H5N1) Reported to WHO (17 juin 2005). Rapport disponible à l'adresse suivante : http://www.who.int/csr/disease/avian_influenza/country/cases_table_2005_06_17/en/print.html. 6 () Organisation mondiale de la santé, Inter-country Consultation, Influenza A/H5N1 in Humans in Asia (6 mai 2005). 7 () Department of Health and Human Services, Draft Pandemic Influenza Response and Preparedness Plan, Executive Summary 3, (août 2004). Disponible à l'adresse suivante : http://www.hhs.gov/nvpo/pandemicplan. 8 () Organisation mondiale de la santé, Estimating the Impact of the Next Influenza Pandemic: Enhancing Preparedness (8 décembre 2004). Disponible à l'adresse suivante : http://www.who.int/csr/disease/influenza/preparedness2004_12_08/en/index.html. 9 () Centers for Disease Control and Prevention, Influenza Pandemic Fact Sheet (8 mars 2005). Disponible à l'adresse suivante : http://www.cdc.gov/flu/avian/gen-info/pandemics.htm. 10 () 15 Nightmares for Disaster Planning, N.Y. Times (16 mars 2005). 11 () CDC, Influenza Pandemic Fact Sheet. 12 () Department of Health and Human Services, Draft Pandemic Influenza Response and Preparedness Plan, Core Document 23 (août 2004), disponible à l'adresse suivante : http://www.hhs.gov/nvpo/pandemicplan/finalpandemiccore.pdf. Organisation mondiale de la santé, WHO Global Influenza Preparedness Plan 13 (2005). Disponible à l'adresse suivante : http:/:www.who.int/csr/resources/publications/influenza/WHO_CDS_CSR_GIP_2005_5.pdf. 13 () Organisation mondiale de la santé (OMS), Global Influenza Preparedness Plan: The Role of WHO and Recommendations for National Measures Before and During Pandemics (avril 2005). Disponible à l'adresse suivante : http://www.who.int/csr/resources/publications/influenza/WHO_CDS_CSR_EDC_99_1/en/print.html. 14 () Organisation mondiale de la santé (OMS), Avian Influenza: Assessing the Pandemic Threat (janvier 2005). Disponible à l'adresse suivante : http://www.who.int/csr/disease/influenza/H5H1-9reduit.pdf. 15 () N.M. Ferguson et al., A Population-Dynamic Model for Evaluating the Potential Spread of Drug-Resistant Influenza Virus Infections During Community-Based Use of Antivirals, 51 Journal of Antimicrobial Chemotherapy 977 (2003); L.M. Longini et al., Containing Pandemic Influenza with Antiviral Agents, 159 Am. J. Epidemiology 623 (2004). 16 () The Threat of and Planning for Pandemic Flu: Hearing before the Subcomm. on Health of the House Comm. on Energy & Commerce, 109th Cong. (26 mai 2005) (déclaration du Dr. Julie Gerberding). 17 () I.A. Leneva et al., The Neuraminidase Inhibitor GS4104 (Oseltamivir Phosphate) is Efficacious Against A/Hong Kong/156/97 (H5N1)et A/Hong Kong1074/99 (H9N2) Influenza Viruses, 48 Antiviral Res 101 (2000). 18 () Organisation mondiale de la santé, WHO Interim Guidelines for Health Monitoring of Persons Involved in Culling of Animals Potentially Infected with Highly Pathogenic Avian Influenza Viruses (22 mars 2004). Disponible à l'adresse suivante : http://www.wpro.who.int/avian_flu/docs/health_monitor_person.asp. 19 () Des données recueillies auprès de patients traités au Tamiflu®, selon la posologie et la durée de traitement approuvées, montrent une incidence globale des virus résistants de 0,4 pour cent seulement chez l'adulte, et de quatre pour cent chez l'enfant entre un et 12 ans. Il a été établi que toutes les souches virales résistantes étaient peu susceptibles de se propager au sein d'une population, même en cas d'usage généralisé du Tamiflu® à des fins thérapeutiques et prophylactiques de la grippe. N .Roberts, Treatment of Influenza with Neuraminidase Inhibitors: Virological Implications, 356 Philosophical Transactions of the Royal Society 1895 (2001). - Cliquer ici pour retourner au sommaire général - Cliquer ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires © Assemblée nationale |