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N° 2571

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2005

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2006 (n° 2540),

TOME II

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ETAT

RAYONNEMENT CULTUREL ET SCIENTIFIQUE

PAR M. FRANÇOIS ROCHEBLOINE,

Député

--

Voir le numéro 2568 (annexe n° 1)

INTRODUCTION 5

I - LES CRÉDITS DU RAYONNEMENT CULTUREL ET SCIENTIFIQUE 7

A - PRÉSENTATION DES CRÉDITS 7

B - UN DÉCOUPAGE BUDGÉTAIRE CONTESTABLE 8

II - L'ACTION CULTURELLE EXTÉRIEURE : LA NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE IMPULSION 11

A - LE RÉSEAU CULTUREL : UNE RÉFORME IMPOSSIBLE ? 11

B - POUR UNE POLITIQUE VOLONTAIRE D'AIDE À LA CRÉATION 12

III - L'ENSEIGNEMENT ET LA RECHERCHE : MIEUX VALORISER LES FILIÈRES FRANÇAISES 15

A - L'AGENCE DE L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER (AEFE) 15

B - L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET LA RECHERCHE 16

IV - L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR : POUR UNE POLITIQUE AMBITIEUSE ET COHÉRENTE 21

A - L'ÉCLATEMENT DU SECTEUR AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR 21

B - LA CHAÎNE FRANÇAISE D'INFORMATION INTERNATIONALE : UN DOSSIER EN DÉSHÉRENCE ? 24

CONCLUSION 27

EXAMEN EN COMMISSION 29

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 45

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 49

Mesdames, Messieurs,

Loi organique relative aux lois de finances oblige, le présent avis budgétaire voit son intitulé et son périmètre modifiés. Traditionnellement consacré à la francophonie et aux relations culturelles internationales, le présent avis sera désormais consacré à l'examen des crédits du programme relatif au rayonnement culturel et scientifique au sein de la mission « action extérieure de l'Etat ».

L'ancien budget du Ministère des Affaires étrangères est désormais partagé entre deux missions : l'une consacrée à l'action extérieure de l'Etat, qui relève du seul Ministère des Affaires étrangères, l'autre consacrée à l'aide publique au développement (APD), qui relève également du Ministère de l'économie et des finances. A périmètre constant le montant des crédits mis en œuvre par le Quai d'Orsay est marqué par une baisse des crédits de la mission « action extérieure de l'Etat » de moins 18 millions d'euros (soit - 0,76 %) et d'un accroissement de 73,4 millions d'euros des crédits du programme solidarité au sein de la mission APD (soit + 3,72 %).

Votre Rapporteur se félicite de l'accroissement des moyens alloués à l'APD, puisque celle-ci devrait atteindre 0,47 % du revenu national brut l'an prochain et 0,5% en 2007. En revanche, il ne peut que déplorer la baisse constante des moyens dévolus à l'action extérieure de l'Etat. A budget constant, hors Fonds européen de développement (rattaché au Ministère en 2002), les crédits dévolus au département sont ainsi passés de 3 402,8 millions d'euros en 1996 à 3 149,34 millions d'euros en 2006, la part du Ministère dans le budget général de l'Etat ayant reculé de 1,45 % à 1,33 % sur la même décennie.

Cette baisse se matérialise également par une réduction des effectifs du Ministère de 235 personnes. Ce nouveau recul vient s'ajouter à la baisse régulière des effectifs du ministère des affaires étrangères depuis dix ans, le département ayant perdu 11 % de ses effectifs sur la période.

Cette mauvaise situation budgétaire alimente le mécontentement des personnels du Quai d'Orsay. Elle se traduit par une dégradation préoccupante des services rendus aux Français à l'étranger et elle contribue au recul de l'influence française dans le monde. Votre Rapporteur fait donc part de sa préoccupation face à cette situation, d'autant qu'elle rejaillit négativement sur l'influence de la France et affecte la motivation des personnels du réseau d'enseignement français à l'étranger et du réseau culturel et scientifique, dont l'action est pourtant essentielle. Votre Rapporteur souhaite ici leur apporter son soutien et entend se saisir du débat budgétaire pour que les moyens que consacre la France à son rayonnement culturel soient à la hauteur de ses ambitions.

I - LES CRÉDITS DU RAYONNEMENT CULTUREL ET SCIENTIFIQUE

A - Présentation des crédits

La Mission action extérieure de l'Etat est dotée de 2,40 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 2,36 milliards d'euros de crédits de paiement pour 2006, répartis en trois programmes :

- action de la France en Europe et dans le monde (1 421,4 millions d'euros de crédits de paiement et 8 812 emplois autorisés) ;

- Français à l'étranger et étrangers en France (603,6 millions d'euros et 3 406 emplois autorisés) ;

- rayonnement culturel et scientifique (334,1 millions d'euros et 1 371 emplois autorisés).

Cette mission ministérielle représente 1,04 % de la totalité des crédits de paiement inscrits dans le budget de l'Etat pour 2006 et 0,58 % des effectifs totaux de l'Etat en équivalent temps plein. Le programme dont votre Rapporteur est saisi représente pour sa part 15 % des crédits de la mission « action extérieure de l'Etat ».

Le programme « rayonnement culturel et scientifique » regroupe les politiques suivantes : le renforcement de l'attractivité de la recherche et de l'enseignement supérieur français ; la stratégie d'influence en matière d'idées dans des domaines comme l'environnement, l'immigration, la solidarité, la laïcité, la création culturelle, la recherche scientifique, l'organisation politique et institutionnelle ; la diffusion de la création culturelle et audiovisuelle contemporaines ; la promotion de la langue française.

Le programme dont les finalités viennent d'être décrites se décompose en quatre actions :

1) la première concerne l'animation du réseau ; elle regroupe les activités transversales relevant de la coopération et de l'action culturelles françaises dans les pays développés au sens de l'OCDE ; elle est mise en œuvre par la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) et par les services de coopération et d'action culturelle (SCAC), ainsi que par les services pour la science et la technologie (SST) ;

2) la deuxième concerne la langue et la culture française, la diversité linguistique et culturelle ; elle vise la promotion de la langue française dans les pays ne bénéficiant pas de l'aide publique au développement ; elle est mise en œuvre au niveau central par la DGCID et l'association française d'action artistique (AFAA), l'association pour la diffusion de la pensée française (ADPF), Unifrance pour le cinéma et le Bureau international de l'édition française pour le livre ; à l'étranger, cette action est mise en œuvre par le réseau culturel (69 centres et instituts culturels et 73 alliances françaises dotées d'une subvention sur un total de 148 instituts et 238 alliances) ;

3) la troisième concerne l'audiovisuel extérieur ; elle correspond principalement aux crédits dévolus à TV5 et RFI ; elle relève de la sous direction de l'audiovisuel extérieur, ainsi que du Bureau export pour la musique française ;

4) la quatrième concerne le renforcement des échanges scientifiques, techniques et universitaires ; elle vise à renforcer l'attractivité de la France pour les étudiants et chercheurs étrangers, à valoriser la recherche française à l'étranger et à contribuer à un mode de gouvernement plus démocratique dans les pays en transition ; elle est le plus souvent mise en œuvre dans le cadre des programmes européens tels que PHARE ou CARDS, à destination des pays candidats à l'adhésion à l'Union ou des pays relevant de la politique européenne de voisinage.

B - Un découpage budgétaire contestable

Votre Rapporteur formule deux objections principales au nouveau découpage budgétaire retenu dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) :

-  le découpage artificiel entre pays bénéficiaires de l'APD et les autres, qui prive de cohérence le programme consacré au rayonnement culturel et scientifique ;

-  le rattachement de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE) au programme « Français à l'étranger et étrangers en France », contestable tant sur la forme que sur le fond.

· La distinction artificielle entre pays bénéficiaires de l'APD et les autres

La nouvelle présentation des crédits au titre de la LOLF devait permettre de mettre en regard les politiques publiques avec les moyens financiers et humains approuvés par le Parlement dans le cadre du budget de l'Etat. Cet objectif est louable : il devait permettre de dépasser les découpages administratifs et les clivages existant entre les départements ministériels au profit d'une vision plus politique du budget. Or, le choix qui a été fait d'ériger l'aide publique au développement en un programme interministériel conduit à un découpage artificiel et contestable des politiques mises en œuvre au titre du rayonnement culturel.

Ce découpage est quelque peu paradoxal, alors même que le ministère de la Coopération a été supprimé et fondu dans les services du ministère des Affaires étrangères. Il réintroduit une distinction budgétaire au sein de l'action extérieure de l'Etat entre pays bénéficiaires de l'aide publique au développement et les autres, alors même qu'en matière de rayonnement culturel et scientifique les enjeux ne sont pas radicalement différents selon que les pays bénéficient ou non de cette aide.

Concrètement le nouveau découpage remet en cause la logique même du réseau culturel et scientifique, puisque dorénavant le réseau implanté dans les pays développés ou en transition relève du programme « action extérieure de l'Etat », tandis que le réseau implanté dans les pays bénéficiaires de l'APD relève du programme « solidarité à l'égard des pays en développement » et est financé au titre des actions « affirmation de la dimension culturelle du développement » et « promotion de l'enseignement supérieur et recherche au service du développement ».

Les 79 centres et instituts culturels et les 147 alliances françaises des pays bénéficiaires de l'APD ne sont donc pas financés au titre du rayonnement culturel et scientifique. De même les actions de l'AFAA, d'Unifrance ou du Bureau international de l'édition française pour le livre et l'écrit dans ces pays seront financées par le biais de crédits distincts. Cette situation ne doit pas nuire à la cohérence du réseau culturel et votre Rapporteur sera extrêmement vigilant sur ce point. Il est toutefois indéniable que le découpage budgétaire retenu crée une distinction artificielle qui risque d'être source de rigidités.

Retenons quelques exemples. Pourquoi l'AFAA devrait-elle financer l'année de la France en Chine ou au Brésil au titre de l'APD et financer l'année de la France en Russie ou aux Etats-Unis au titre de l'action extérieure de l'Etat ? La culture ne serait-elle un facteur de développement que dans les pays disposant d'un produit intérieur brut inférieur à celui des autres ? Pourquoi l'institut culturel de Jérusalem Est, dont le public est palestinien, serait-il financé au titre de l'APD, tandis que celui de Jérusalem ouest, qui se trouve à quelques centaines de mètres du précédent et dont le public est israélien, relèverait de l'action extérieure de l'Etat ? Enfin, en quoi l'action d'un service de coopération et d'action culturelle d'un pays d'Europe centrale et orientale, comme la Roumanie ou la Bulgarie, diffère-t-elle de celle d'un pays émergent de taille comparable bénéficiaire de l'APD ?

Notons enfin que le nouveau découpage budgétaire retenu consacre l'éclatement du secteur audiovisuel extérieur, puisque Canal France International (CFI) et les crédits de soutien de la radio marocaine Médi 1 ainsi que ceux destinés à la future télévision marocaine Médi 1 Sat relèvent désormais de l'APD, tandis que ceux dévolus à TV5 et à RFI, y compris pour sa filiale RMC - Moyen Orient dépendent du rayonnement culturel et scientifique. Cet éclatement est aggravé - nous y reviendrons - par la création d'un programme spécifique de la mission médias, rattachée au Premier ministre, consacré au financement de la future chaîne d'information internationale.

· Le rattachement contestable de l'AEFE au programme « Français à l'étranger et étrangers en France »

Autre point contestable de la nouvelle maquette budgétaire, les crédits de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE) sont inscrits dans le programme intitulé « Français à l'étranger et étrangers en France » aux côtés des crédits des services consulaires et de l'OFPRA, office chargé de l'examen des demandes d'asile. La cohérence d'un tel programme est faible et pose deux problèmes majeurs : d'une part il est en contradiction avec la mission même de l'AEFE, d'autre part, il ne laisse quasiment aucune possibilité de fongibilité des crédits.

L'AEFE est certes un service public d'enseignement au service des Français à l'étranger, mais elle aussi un instrument essentiel du rayonnement culturel et scientifique français. Sur un total de 160 000 élèves scolarisés dans le réseau en 2005, les Français sont 70 000, soit un peu moins de 44 %. Pourquoi dès lors financer l'Agence au titre des Français à l'étranger ? Cette imputation budgétaire est d'autant plus contestable que l'AEFE cherche à développer des filières diplômantes binationales et qu'il serait souhaitable qu'elle devienne à terme une véritable tête de pont pour le recrutement d'étudiants étrangers dans les filières d'enseignement supérieur françaises.

En outre, alors que la LOLF entendait permettre la fongibilité des crédits au sein de programmes cohérents, le caractère artificiel du programme « Français à l'étranger et étrangers en France » exclut toute marge de manœuvre en la matière : il serait en effet quelque peu paradoxal de transférer des crédits entre les services consulaires, l'OFPRA et l'AEFE, compte tenu des missions différentes qu'exercent ces organismes.

Pour ces raisons, votre Rapporteur souhaite transférer les crédits de l'AEFE vers le programme « rayonnement culturel et scientifique », ce qui constitue une imputation budgétaire plus pertinente.

Le Gouvernement donne lui-même des arguments en la matière, puisque dans la présentation du programme « Français à l'étranger et étrangers en France », il indique que l'enseignement français à l'étranger doit certes « fournir aux jeunes Français d'âge scolaire un enseignement français », mais « également promouvoir le rayonnement de la langue et de la culture françaises par l'accueil d'élèves étrangers ». Il reconnaît ainsi le caractère artificiel et contestable du rattachement budgétaire opéré et qui est davantage dicté par des considérations arithmétiques d'équilibre entre les différents programmes que par le souci de la cohérence budgétaire.

II - L'ACTION CULTURELLE EXTÉRIEURE :
LA NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE IMPULSION

A - Le réseau culturel : une réforme impossible ?

Le réseau culturel extérieur français constitue un outil d'influence essentiel. La question de sa modernisation est à l'ordre du jour depuis de nombreuses années, pourtant l'immobilisme prédomine. Votre Rapporteur entend saluer la motivation des personnels, qui est souvent exemplaire, mais il regrette qu'elle ne s'accompagne pas d'une volonté politique suffisante pour redynamiser le réseau et lui donner les moyens qui soient à la hauteur des ambitions françaises en matière de rayonnement culturel.

Le présent budget ne vient malheureusement pas démentir ce sentiment, puisque les crédits affectés à l'animation du réseau d'établissements culturels hors pays bénéficiaires de l'aide publique au développement pour 2006 sont de 18 071 000 d'euros soit une baisse de 546 000 euros par rapport à 2005. Selon les informations transmises à votre Rapporteur, les subventions pour opération aux établissements culturels devraient diminuer de 10 % par rapport aux prévisions d'exécution pour 2005.

Certes, le réseau connaît quelques adaptations : redéploiements ponctuels, ouverture de quelques centres culturels franco-allemands (Ramallah, Glasgow, Luxembourg, Palerme, Santa Cruz et Lahore), dont il faut se féliciter, mais les problèmes de fond demeurent. La densité de notre réseau, qui comporte en tout 148 instituts culturels et 238 alliances françaises subventionnées, contraste en effet avec la faiblesse des moyens qui lui sont accordés. La politique immobilière du Ministère aggrave en outre la situation, car trop souvent l'Etat doit louer à des prix prohibitifs des locaux pour héberger ses centres culturels, alors même qu'une politique intelligente d'acquisition serait vite amortie.

La compression des moyens a ses limites : une fois les loyers et les personnels payés, il n'y a le plus souvent plus de crédits disponibles pour mener des actions culturelles à la hauteur des ambitions affichées. La France est ainsi doublement perdante : elle supporte les charges du réseau culturel à l'étranger, mais en ne lui donnant pas les moyens de fonctionner, elle donne une image peu flatteuse d'elle-même dans les pays tiers, puisqu'elle oppose le plus souvent une fin de non recevoir aux demandes de soutien des actions culturelles qui lui sont présentées ou qu'elle organise des évènements qui ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées.

La LOLF, qui devait être un outil de réforme de l'Etat et de rationalisation des dépenses publiques, ne permettra pas d'engager la réforme nécessaire du réseau culturel, puisque les centres relèvent désormais de deux missions différentes - action extérieure de l'Etat ou aide publique au développement - selon leur implantation.

La situation est donc particulièrement préoccupante, alors même que le nombre de locuteurs français dans le monde est en fort recul comme en attestent les données suivantes :

Nombre d'apprenants de français par continent en 1994 (hors France)

Europe

Amérique

Afrique

Asie

Océanie

Total

17 367 474

7 836 389

31 161 218

999 443

172 095

57 536 619

Nombre d'apprenants de français par continent en 2004 (hors France)

Europe

Amérique

Afrique

Asie

Océanie

Total

15 015 206

7 088 374

50 452 974

1 487 909

221 664

74 266 127

Évolution du nombre d'apprenant de français par continent entre 1994 et 2004 (hors France)

Europe

Amérique

Afrique

Asie

Océanie

Total

- 13,6 %

- 9.6 %

+ 61.9 %

+ 48.8 %

+ 28.8 %

+ 29 %

Derrière les propos rassurants distillés par les autorités de tutelle du réseau culturel, se cache en réalité une situation contrastée, aggravée par la baisse constante des moyens. Dans ces conditions, il est urgent de mettre en œuvre une réforme ambitieuse du réseau culturel et de rompre avec l'attentisme actuel.

B - Pour une politique volontaire d'aide à la création

Votre Rapporteur a pu constater au cours des différentes missions qu'il a accomplies, la volonté de certains responsables du réseau culturel de favoriser la diffusion de la création française contemporaine. Une telle démarche est indispensable pour conquérir de nouveaux publics et donner de notre pays une image ancrée dans le présent.

Parallèlement, il est essentiel de soutenir la création française à l'étranger. L'Association française d'action artistique (AFAA), à côté de sa participation aux grandes manifestations (expositions à l'étranger, année de la France dans tel ou tel pays), soutient également les artistes français à l'étranger. Pourtant, des critiques récurrentes se font jour sur l'absence de visibilité des artistes français en dehors de l'hexagone. Ces critiques sont en grande partie excessives, elles n'en appellent pas moins un plus grand volontarisme des pouvoirs publics dans le soutien à la diffusion des artistes français à l'étranger.

La France a obtenu avec la consécration internationale du principe de la diversité culturelle à l'UNESCO une victoire diplomatique. Il serait pour le moins paradoxal qu'elle ne prenne pas les mesures nécessaires pour faire connaître sa culture et soutenir les artistes français à l'étranger. Les propos tenus par le Premier ministre à la FIAC le 10 octobre dernier vont dans le bon sens, puisqu'il a affirmé à cette occasion sa volonté de donner une nouvelle visibilité à la création française. Le diagnostic opéré par le Premier ministre est pertinent, puisqu'il estime que « nos artistes ont besoin de lieux et de projets nouveaux qui leur permettent de stimuler leur travail, de mieux l'exposer et le mettre en valeur ».

En revanche, les solutions préconisées sont insuffisamment ouvertes sur l'étranger. Il s'agit d'organiser dès 2006 des expositions d'art contemporain dévolues aux artistes français au grand Palais, de diversifier les expositions du Palais de Tokyo vers le design, la mode et la présentation de collections publiques ou privées d'art contemporain et d'arts décoratifs et d'ouvrir un site de création contemporaine à l'île Séguin. Cette dernière annonce apparaît extrêmement ambitieuse, puisqu'il s'agirait de créer un « centre européen de la création contemporaine » doté d'un ensemble d'ateliers et de résidences ouvert à des artistes français et étrangers sélectionnés, de créer des cycles supérieurs de formation artistique et culturels et d'ouvrir des lieux d'exposition publics et privés. Cet ensemble pourrait être financé par une fondation pour la création en France, financée par l'Etat et par des entreprises.

Votre Rapporteur regrette que ces annonces fassent l'impasse sur le soutien aux artistes français à l'étranger. Il est certes urgent de trouver un projet de substitution à celui de la Fondation Pineau, délocalisée à Venise, mais compte tenu des réalités du marché de l'art aujourd'hui, il serait quelque peu présomptueux, pour ne pas dire naïf, de penser que l'île Séguin puisse, par la seule volonté des pouvoirs publics, rivaliser avec Manhattan. Plus sérieusement, si le nouveau projet de l'île Séguin devait voir le jour et si la Fondation appelée de ses vœux par le Premier ministre devait être créée, il serait essentiel qu'ils ne demeurent pas confinés dans une logique franco-française.

Il convient dès lors de réfléchir à des mécanismes de soutien à la création française à l'étranger, dans les villes les plus emblématiques de la création contemporaines ou dans celles où le marché de l'art est le plus dynamique : New York, Londres, Tokyo, Mexico et Berlin. Votre Rapporteur souhaite qu'une réflexion soit entamée par les pouvoirs publics sur ce point : la diffusion de la culture française et le soutien aux créateurs français passe en effet par une action internationale plus vigoureuse et par la mise en place de dispositifs novateurs de soutien aux créateurs français à l'étranger, en complément des politiques mises en œuvre à l'échelle nationale.

III - L'ENSEIGNEMENT ET LA RECHERCHE :
MIEUX VALORISER LES FILIÈRES FRANÇAISES

A - L'agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

Pour l'année scolaire 2004 - 2005, l'AEFE gère directement 73 établissements et elle en a conventionnés 184. Ce réseau accueille 160 000 élèves dont 70 000 Français. Il emploie près de 20 000 personnes dont 6 462 titulaires de la Fonction publique.

En 2005 les moyens alloués au titre du budget de l'Etat s'élèvent à 324,7 millions d'euros et les droits de scolarité payés par les parents d'élèves représentent une somme de 450 millions d'euros. Les crédits alloués au titre du projet de loi de finances pour 2006 sont en baisse, puisqu'ils s'élèvent à 323 millions d'euros, financés au titre du programme « Français à l'étranger et étrangers en France ».

Les crédits de l'Agence sont en baisse constante depuis plusieurs exercices. Elle atteint toutefois l'équilibre par la conjonction de plusieurs facteurs : la réforme des rémunérations des personnels, qui se traduit par la diminution du nombre de personnels expatriés et allège les charges salariales pesant sur l'Agence, un effet de change positif, la fermeture de certains établissements en raison de troubles politiques (comme en Côte d'Ivoire) et l'augmentation constante des frais de scolarité. Il n'en demeure pas moins vrai que la situation financière de l'Agence demeure fragile.

Cette situation est aggravée par le récent transfert du Ministère des Affaires étrangères à l'Agence de la gestion du parc immobilier des établissements en gestion directe. Ce transfert n'est accompagné d'aucune compensation financière et il risque de placer l'Agence devant des choix difficiles. Cette situation est d'autant plus contestable que certains établissements, dont le lycée français de Vienne, que votre Rapporteur a visité en mai dernier, sont dans une situation de dégradation telle que la sécurité des élèves et des personnels est directement menacée. Il est donc essentiel que les pouvoirs publics s'engagent en faveur de l'AEFE et accroissent les moyens dont elle dispose.

L'Agence doit par ailleurs poursuivre sa mutation en devenant une véritable tête de pont de l'enseignement supérieur français. Le développement de bacs binationaux doit constituer pour l'Agence une priorité : une telle politique doit en effet permettre d'éviter que la plupart des élèves nationaux du réseau ne le quittent à la fin de leurs études secondaires, pour pouvoir obtenir un diplôme reconnu dans leur pays. La délivrance de bacs binationaux doit ainsi permettre d'attirer des étudiants étrangers vers le système d'enseignement supérieur français. Il serait d'ailleurs souhaitable que les pouvoirs publics français puissent disposer de statistiques sur le nombre des étudiants étrangers ayant suivi des études dans le réseau de l'AEFE : un tel indicateur serait particulièrement utile pour juger de la performance de notre réseau en termes d'attractivité des formations supérieures françaises.

Par ailleurs, il serait souhaitable que l'Agence soit en mesure, à côté des bourses qu'elle délivre sur critères sociaux aux ressortissants français, de financer des exonérations de frais de scolarité au profit d'élèves étrangers excellents mais ne disposant pas des moyens pour acquitter les frais de scolarité. Votre Rapporteur a en effet constaté en Bulgarie, que seuls les élèves bulgares issus des milieux les plus favorisés pouvaient s'inscrire au lycée français, alors même que leurs familles s'opposaient à la mise en place d'exonérations sur critères sociaux. Il n'est pas admissible que les conseils d'établissement mettent en œuvre une politique de sélection par l'argent à l'égard des élèves nationaux. L'Agence devrait donc être en mesure de compenser financièrement aux établissements concernés le manque à gagner que représente des exonérations partielles ou totales de droits d'inscription accordées sur la base du dossier scolaire et des revenus des parents. Une telle politique, peu coûteuse financièrement, pourrait contribuer à attirer dans notre système d'enseignement supérieur des élèves excellents n'ayant pas nécessairement les moyens d'acquitter les frais de scolarité dans les lycées français.

B - L'enseignement supérieur et la recherche

Les crédits dévolus à l'action internationale en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche pour les pays non bénéficiaires de l'aide publique au développement sont désormais regroupés dans une action spécifique du programme « rayonnement culturel et scientifique ». Cette action s'intitule « renforcement des échanges scientifiques, techniques et universitaires ». Elle comprend trois objectifs principaux : renforcer l'attractivité du territoire pour les étudiants et chercheurs étrangers, valoriser la science française et affirmer son image hors de nos frontières, contribuer à la gouvernance démocratique et à l'échange d'expertise technique.

Cette action est dotée 63 016 232 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement en loi de finances pour 2006. Ces crédits représentent près de 19 % des crédits de l'ensemble du programme « rayonnement culturel extérieur ». Comme pour le réseau culturel, les crédits correspondants versés au profit de pays bénéficiaires de l'aide publique au développement figurent désormais dans la mission APD. Une action spécifique du programme « solidarité à l'égard des pays en développement » est ainsi dévolue à la « promotion de l'enseignement supérieur et recherche au service du développement ». Elle est dotée de 141 004 791 euros dans le projet de loi de finances pour 2006. Votre Rapporteur regrette ce nouveau découpage budgétaire, car il nuit à la lisibilité des politiques mises en œuvre en faveur de l'attractivité de notre enseignement supérieur et de la diffusion des travaux des chercheurs français.

La politique d'accueil des étudiants étrangers et de soutien à la recherche française est essentielle dans le contexte actuel de mondialisation des échanges. La capacité d'un pays à attirer des étudiants et à former la future élite est en effet l'un des principaux facteurs d'influence dans le monde actuel. Il est fondamental que la France puisse peser dans le débat d'idées à l'échelle internationale. A cet égard, la formation d'étudiants étrangers dans les établissements d'enseignement supérieur et de recherche français est très importante.

D'après les statistiques établies par l'UNESCO, la France se situe au quatrième rang mondial des pays d'accueil après les Etats-Unis, le Royaume Uni et l'Allemagne.

Les tableaux suivants montrent l'origine géographique des étudiants étrangers venus en France pour les années universitaires 2003-2004 et 2004-2005 et leur répartition dans les différentes filières :

graphique

graphique

Le tableau suivant retrace par ailleurs la répartition géographique des bourses du Gouvernement français pour 2004 :

Régions/Effectifs

2004 Effectifs

%

Union Européenne (25 pays dont France)

1.846

9,5

Autres pays d'Europe

2.112

10,9

Maghreb

4.306

22,2

Afrique sub-saharienne

4.407

22,7

Proche et Moyen-Orient (dont Egypte)

2.289

11,8

Asie du Sud et du sud-est

1.641

8,5

Extrême-Orient et Pacifique

1.078

5,6

Amérique du nord

195

1,0

Amérique centrale et sud

1.501

7,7

TOTAL

19.375

100

Le Ministère des Affaires étrangères a décidé de renforcer son action dans le domaine des bourses d'excellence en accroissant les moyens donnés au titre du programme Eiffel, notamment par la création d'un programme Eiffel doctorat, qui a été doté en 2005 d'une mesure nouvelle de 1,5 million d'euros. Cette mesure est reconduite en 2006.

En outre, les bourses Major succèdent aux bourses d'excellence de l'AEFE en faveur des étudiants étrangers issus des lycées français qui poursuivent leurs études en France. Le coût de ce programme est de 3,7 millions d'euros en 2005 pour un total de 320 bourses. Le montant de ces bourses d'excellence doit être modulé en fonction des revenus des familles, ce qui permettra d'augmenter le nombre de bourses allouées. Votre Rapporteur se félicite de cette décision, qui va dans le sens de l'équité et qui permettra d'attribuer un plus grand nombre de bourses. Il serait toutefois souhaitable que l'AEFE puisse développer une politique d'exonération totale ou partielle de ses droits d'inscription sur des critères de mérite et de ressources : une telle politique permettrait ainsi d'attirer des étudiants en amont du système Major, qui ne s'applique qu'à l'issue du baccalauréat.

Il est essentiel d'accroître les efforts en faveur de l'attractivité de notre pays pour les étudiants étrangers. Le succès de l'Allemagne, notamment vis-à-vis des étudiants provenant des pays d'Europe centrale et orientale, doit inciter les autorités françaises à un plus grand volontarisme. Alors que le nombre total de locuteurs français dans le monde est estimé à 290 millions au total et que le nombre de locuteurs allemands est de 123 millions, l'Allemagne réussit néanmoins à attirer un plus grand nombre d'étudiants étrangers. Il convient d'analyser les raisons de cet écart.

Sans doute la France pourrait-elle faire davantage en matière d'accueil des étudiants étrangers et notamment dans le domaine du logement : la situation en Ile-de-France est ainsi source de difficultés et nuit à l'attractivité de l'enseignement supérieur français. Il ne s'agit là que d'une piste de réflexion et il conviendra d'étudier plus avant les politiques à mettre en œuvre pour renforcer la présence française dans la formation supérieure et la recherche au niveau mondial.

IV - L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR :
POUR UNE POLITIQUE AMBITIEUSE ET COHÉRENTE

A - L'éclatement du secteur audiovisuel extérieur

Le nouveau découpage budgétaire introduit par la mise en œuvre de la LOLF consacre l'éclatement du secteur audiovisuel extérieur. Cet éclatement a été aggravé par la décision des pouvoirs publics de financer la chaîne française d'information internationale au titre du programme « médias », rattaché aux services du Premier ministre.

Désormais, l'audiovisuel extérieur relève de quatre sources distinctes de financement :

-  la mission action extérieure de l'Etat, dont le programme « rayonnement culturel et scientifique » comporte une action dévolue à l'audiovisuel extérieur dotée de 141 974 519 euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement pour 2006 ; cette action finance en partie RFI et RMC-Moyen Orient (respectivement 72,1 millions d'euros et 4,27 millions d'euros) et en totalité la contribution française à TV5 monde (62,7 millions d'euros) ; cette action finance également partiellement le portail Internet « idées de France » à hauteur de 1,9 million d'euros ;

-  la mission aide publique au développement, dont le programme « solidarité à l'égard des pays en développement » comporte une action dévolue à l'affirmation de la dimension culturelle du développement ; cette action financera CFI, ainsi que la radio marocaine Médi 1 et la future télévision marocaine Médi 1 Sat ; elle contribuera à hauteur de 600 000 euros au financement du portail Internet « idées de France » ;

-  la mission médias, qui comporte un programme spécifique pour le financement de la chaîne française d'information internationale, à hauteur de 65 millions d'euros ;

-  enfin, la redevance, qui contribue au financement de RFI à hauteur de 53,71 millions d'euros (soit 42,7 % du budget total) en 2005 et devrait contribuer à hauteur de 55,86 millions d'euros pour 2006 (soit 43,6 % du budget total) ; elle finance également Arte France (204,2 millions d'euros) et, par le biais du budget de France Télévisions, l'opérateur Euronews.

A ces quatre sources de financement correspondent désormais trois tutelles distinctes, puisque le Premier ministre vient désormais piloter l'audiovisuel extérieur aux côtés du ministre des Affaires étrangères et du ministre de la Culture et de la communication. Force est donc de constater la dispersion croissante des moyens et des tutelles dans le domaine de l'audiovisuel extérieur, dispersion conjuguée avec l'effacement progressif du Ministère des Affaires étrangères dans la définition de la politique audiovisuelle extérieure. Ce recul est d'autant plus préoccupant, que l'action audiovisuelle extérieure est un outil d'influence qui participe au rayonnement de notre pays. En tant que tel, il serait logique qu'elle soit rattachée à la mission « Action extérieure de l'Etat » dans le cadre d'un programme spécifiquement consacré à l'audiovisuel extérieur. Aussi votre Rapporteur présentera-t-il un amendement en ce sens.

Le tableau suivant retrace les dotations des différents opérateurs de l'audiovisuel extérieur ; il souligne le recul du Ministère des Affaires étrangères dans le secteur audiovisuel extérieur :

DOTATIONS PUBLIQUES AUX OPERATEURS
DE l'ACTION TELEVISUELLE EXTERIEURE

(en millions d'€)

Bénéficiaires

2003

2004

2005

PLF

2005

exécution

2006

PLF

TV5

Dont MAE

65,10

61,11

66,63

62,64

66,71

62,72

65,60

65,59

66,71

62,72

CFII

Dont MAE

-

-

-1

-

65,00

-

France Télévisions

Dont MAE

0,75

0,75

0,10

0,10

1,14

1,14

0,10

0,10

-

-

Transport satellitaire2

Dont MAE

4,34

-

3,18

-

0,60

-

0,60

-

0,60

-

Euronews

Dont MAE

2,59

-

3,09

0,50

2,59

-

2,50

-

2,35

-

Votre Rapporteur tient ici à saluer la progression d'audience enregistrée par TV5 : reçue par quelque 160 millions de foyers dans le monde, la chaîne francophone est créditée d'une audience cumulée hebdomadaire de 73 millions de téléspectateurs. Il est cependant regrettable que la chaîne voie ses moyens stagner depuis 2003, puisque la dotation de l'Etat sera reconduite en euros constants à hauteur de 62,72 millions d'euros, ce qui signifie une érosion des moyens dévolus à l'opérateur. Il serait souhaitable que les pays partenaires de la chaîne accroissent leurs efforts, car la France finance 77 % du budget de TV5 (90,2 millions d'euros au total). L'élaboration du dernier plan stratégique de la chaîne adopté en conférence des ministres à Bruxelles le 19 septembre 2005 a donné l'occasion aux autorités françaises de faire état de leur souhait d'un tel rééquilibrage.

L'une des priorités de la chaîne est de développer le sous-titrage, ce qui constitue un moyen d'attirer des publics non francophones ou maîtrisant mal notre langue. Le sous-titrage exhaustif en plusieurs langues nécessiterait dix millions d'euros, ce qui n'est actuellement pas possible compte tenu du contexte budgétaire. Il serait souhaitable que ces moyens puissent être dégagés rapidement pour conforter la progression en audience de TV5 dans le monde.

S'agissant de RFI, le contexte budgétaire apparaît particulièrement contraint, puisque le Ministère des affaires étrangères a reconduit à l'identique en euros courants sa subvention d'un montant de 72,13 millions d'euros, ce qui signifie une diminution des moyens de l'opérateur versés par le Quai d'Orsay en euros constants. La dotation d'ensemble de RFI et de sa filiale RMC Moyen-Orient s'élèvera à 132 millions d'euros pour 2006. La part de la redevance revenant à l'opérateur étant en hausse de 4 %, le budget de RFI augmentera en définitive de 1,7 % l'an prochain.

Dans ce contexte, RFI doit poursuivre la rationalisation de son fonctionnement et la diminution de ses coûts. La renégociation de la convention avec TDF devrait permettre à l'opérateur de réaliser des économies substantielles. Celles-ci sont chiffrées à 65 millions d'euros sur 9 ans par l'actuelle direction de la chaîne. La numérisation de la production doit également permettre de réaliser des économies. Il serait en revanche regrettable de réduire l'offre de programmes en langue étrangère, car elle fait partie des atouts de l'opérateur français et doit permettre de conforter son audience dans les zones où le nombre de francophones est faible ou en déclin.

La présente loi de finances consacre donc l'éclatement de l'audiovisuel extérieur et le recul du rôle du Ministère des Affaires étrangères dans son financement comme dans la définition de ses orientations stratégiques. Cette situation avait déjà fait l'objet d'un rapport public de la Cour des comptes en 2002. Celle-ci pointait la dispersion des moyens et des tutelles, la fréquence des changements de stratégie, l'absence de pilotage d'ensemble du secteur et elle réclamait une plus grande implication des opérateurs nationaux, dont France télévisions.

Aujourd'hui ce constat est toujours valable et les errements des pouvoirs publics sur le dossier de la chaîne française d'information internationale (CII) confirment la pertinence des critiques de la Cour. Il est essentiel que le Gouvernement améliore sa politique en matière d'audiovisuel extérieur : si la LOLF constitue à cet égard une occasion manquée, la mise en place de la CII devrait être l'occasion de repenser la cohérence d'un secteur qui souffre d'un manque de vision stratégique.

B - La chaîne française d'information internationale : un dossier en déshérence ?

Projet annoncé par le Président de la République lors de la dernière campagne présidentielle, la chaîne française d'information internationale (CII) aurait dû constituer une occasion de redonner une cohérence d'ensemble à l'action audiovisuelle extérieure de l'Etat. Les propositions de la Mission d'information commune de l'Assemblée nationale formulées en mai 2003 et qui avaient reçu l'approbation de l'unanimité des groupes parlementaires allaient dans ce sens. Depuis, le lancement de la chaîne a été retardé par les atermoiements des pouvoirs publics en butte aux pressions émanant des différents opérateurs intéressés par le projet.

Alors que la Mission d'information commune de l'Assemblée nationale avait proposé la mise en place d'un groupement d'intérêt public fédérant les opérateurs publics intéressés, tout en ménageant la possibilité d'une ouverture minoritaire à des partenaires privés, le Gouvernement a suivi à l'automne 2003 les recommandations formulées par M. Bernard Brochand, proposant la mise en place d'une alliance à 50-50 entre TF1 et France Télévisions. Dans ce schéma, le nouvel opérateur était intégralement financé par des fonds publics sans être diffusé en France. Depuis lors, le Gouvernement a inscrit dans le collectif budgétaire voté en décembre 2004 une somme de trente millions d'euros, destinée à financer le lancement de la future chaîne. Cette somme n'a, à ce jour, pas été dépensée.

Entre temps, le nouveau PDG de France Télévisions a fait part de sa préférence pour un schéma 100 % public dans lequel France Télévisions serait le moteur. Le Gouvernement a pour sa part décidé d'inscrire dans le projet de loi de finances la somme de 65 millions d'euros sans avoir au préalable rendu son arbitrage quant au futur montage de la chaîne. Le Ministre de la culture et de la communication a finalement informé l'Assemblée le 7 novembre 2005 au cours de l'examen des crédits consacrés aux médias que le Gouvernement avait opté pour une société détenue à parité par France Télévisions et TF1. Il a également déclaré que la chaîne serait diffusée en France, sans préciser clairement sur quel support (TNT, câble ou satellite). Il a enfin indiqué que France Télévisions jouerait un rôle moteur dans la future chaîne.

Votre Rapporteur fait une nouvelle fois part de sa perplexité face à ces annonces. La méthode choisie demeure erratique : le Gouvernement a informé l'Assemblée du montage retenu juste avant qu'elle ne soit appelée à voter les crédits correspondants. Par ailleurs, la décision arrêtée par les pouvoirs publics est finalement la même que celle qui avait été prise à l'automne 2003. Si le schéma 50-50 TF1 et France Télévisions s'impose, pourquoi avoir attendu si longtemps pour créer la nouvelle chaîne ? Pourquoi ne pas avoir utilisé les crédits du projet de loi de finances rectificatives pour 2004 destinés à financer la CII ?

Outre les critiques sur la forme, le montage qui semble finalement retenu appelle des critiques sur le fond. Il est tout d'abord pour le moins curieux que les pouvoirs publics aient décidé de choisir unilatéralement le groupe TF1 pour exercer une mission de service public, qui plus est financée par l'argent des contribuables. D'autres candidats privés ont fait part de leur intérêt pour la future chaîne : de quel droit les pouvoirs publics peuvent-ils les évincer sans procéder à un appel d'offre en bonne et due forme ? En outre, il est pour le moins curieux que l'opérateur privé choisi détienne la moitié de la nouvelle société, mais qu'il ne contribue absolument pas à son budget. Il y a là une utilisation très contestable des deniers publics.

Enfin, il est contestable d'affirmer que France Télévisions jouera un rôle moteur au sein du nouvel opérateur, alors même que le groupe public n'en détiendra pas la majorité et que toutes les décisions devront être prises d'un commun accord entre les deux actionnaires. Le schéma retenu s'oppose en outre à toute participation ultérieure des autres opérateurs publics au capital de la nouvelle chaîne, car cela reviendrait à rendre TF1 actionnaire de référence du nouvel opérateur, alors même que la chaîne privée ne participe pas à son financement.

Votre Rapporteur souhaite que la future chaîne voie enfin le jour, mais il regrette le montage retenu par les pouvoirs publics, car il a l'intime conviction que l'alliance entre les deux principaux concurrents du paysage audiovisuel français n'est pas viable.

La création de la future chaîne devrait être l'occasion de rationaliser le secteur audiovisuel extérieur en mutualisant les moyens existants et en lui donnant une cohérence qui, aujourd'hui, lui fait défaut. Il serait en conséquence souhaitable que la création de la chaîne obéisse aux principes suivants :

-  la chaîne doit être diffusée en France sur la TNT ; cette diffusion est souhaitable dès lors que la chaîne est financée par le contribuable ; la diffusion de la chaîne sur le câble ou par satellite n'est pas satisfaisante, car le contribuable ne doit pas avoir à payer une deuxième fois pour pouvoir regarder la nouvelle chaîne ;

-  la chaîne doit exercer une mission de service public dans des conditions définies par la loi ; alors que TV5 ou Arte relèvent de traités internationaux, que RFI relève de la loi, il est logique que la nouvelle chaîne voie son statut et ses missions définies par le législateur ;

-  premier groupe de l'audiovisuel public, France Télévisions doit être l'actionnaire de référence de la nouvelle chaîne ; mais la société doit également être ouverte à la participation d'autres opérateurs comme RFI, TV5, Arte France, Euronews, l'INA ou la Chaîne parlementaire ; si des opérateurs privés étaient intéressés pour participer au capital de la nouvelle chaîne, ils devront contribuer à son budget ou à son fonctionnement à due concurrence ;

-  l'indépendance de la chaîne doit être garantie par son statut ; d'une part, elle ne doit pas être le seul opérateur audiovisuel financé par les services du Premier ministre et elle doit relever d'un programme fédérant l'ensemble des opérateurs de l'audiovisuel extérieur au sein de la mission « action extérieure de l'Etat » ; d'autre part, le PDG de la future chaîne doit être nommé par le CSA ;

-  la chaîne doit fonctionner en mutualisant les moyens existants alloués aux différents opérateurs de l'audiovisuel public ; les moyens nouveaux dégagés en faveur de la chaîne doivent principalement permettre la diffusion de programmes en plusieurs langues (l'anglais et l'arabe dans un premier temps) et de recourir au sous-titrage ; il faut éviter de constituer un opérateur ex nihilo, car les moyens nécessaires pour la constitution de rédactions dans plusieurs langues, la mise en place de bureaux étrangers et la production propre d'images sont considérables (au bas mot 200 millions d'euros) ;

-  la chaîne ne doit pas être financée et diffusée au détriment des opérateurs existants, notamment TV5, RFI et CFI, qui sont dans une situation budgétaire contrainte.

Votre Rapporteur rappellera ces principes, qui avaient reçu l'assentiment des parlementaires des différents groupes, au cours de la discussion budgétaire.

CONCLUSION

Votre Rapporteur formule trois critiques principales à l'encontre du présent projet loi de finances :

-  la distinction introduite entre l'action extérieure de l'Etat et l'aide publique au développement est contestable en matière de rayonnement culturel et scientifique, car elle nuit à la lisibilité des politiques mises en œuvre en la matière ;

-  le rattachement budgétaire des crédits de l'AEFE au programme « Français à l'étranger et étrangers en France » n'est pas pertinent eu égard aux missions de l'Agence ;

-  l'action de l'Etat en matière d'audiovisuel extérieur est caractérisée par la dispersion des moyens, par un désengagement croissant du Ministère des Affaires étrangères et par l'absence de projet clair pour la chaîne française d'information internationale.

En outre, les crédits dévolus au rayonnement culturel et scientifique souffrent de la baisse globale des crédits du Ministère des Affaires étrangères, ce qui est regrettable. Les contraintes de l'article 40 de la Constitution ne permettent pas d'accroître les crédits du rayonnement culturel et scientifique sans réduire les crédits des autres programmes relevant de l'action extérieure de l'Etat. En revanche, votre Rapporteur entend proposer les deux amendements suivants : l'un vise à rattacher l'AEFE au programme « rayonnement culturel et scientifique », ce qui est plus conforme à la mission de l'Agence, l'autre vise à créer un programme spécifique dévolu à l'audiovisuel extérieur, afin qu'à terme, l'ensemble des moyens destinés à ce secteur soient regroupés au sein de la mission « action extérieure de l'Etat ».

Sous réserve de l'adoption de ces deux amendements, votre Rapporteur émet un avis favorable aux crédits du programme « rayonnement culturel et scientifique ».

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 1er juin, la commission a entendu M. François Rochebloine, rapporteur pour avis des crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique », sur son déplacement effectué en Autriche, Bulgarie et Roumanie, du 9 au 13 mai 2005.

M. François Rochebloine a déclaré que la mission qu'il avait effectuée en Autriche, Bulgarie et Roumanie avait été conduite au titre du rapport budgétaire consacré aux relations culturelles extérieures et à la francophonie. Dans chacune des villes visitées, la mission a porté son attention sur les établissements de l'Agence pour l'Enseignement français à l'étranger (AEFE), les centres culturels et les établissements d'enseignement supérieur francophones.

A Vienne, le lycée français, qui a été construit après guerre, constitue un établissement tout à fait exemplaire par son dynamisme. Des accords entre la France et l'Autriche permettent aux élèves autrichiens et binationaux de préparer dans cet établissement un baccalauréat reconnu par les deux pays. Grâce à cet accord, le lycée, qui dispense des enseignements allant de la maternelle à la terminale, n'est pas affecté par le départ des élèves non français à l'approche du baccalauréat, à la différence de ce qui se produit dans la plupart des établissements du réseau. La répartition des élèves par nationalité est la suivante : 55 % d'élèves autrichiens, 25 % d'élèves français et binationaux et 20 % d'élèves d'autres nationalités. Grâce à son ouverture sur la société autrichienne, le lycée français constitue un pôle d'attractivité pour l'enseignement supérieur français, puisque 20 % des élèves autrichiens qui y sont inscrits poursuivent leurs études en France.

Si le lycée français de Vienne constitue sans aucun doute un exemple à suivre pour l'ensemble des établissements du réseau de l'AEFE, il faut cependant tirer la sonnette d'alarme en raison de l'état déplorable des bâtiments. Outre le fait que le lycée est implanté sur deux sites, ce qui accroît les coûts de fonctionnement, l'état général du bâtiment constitue une menace pour la sécurité du personnel et des usagers. Il y a de nombreuses fissures, les portes et fenêtres ne sont pas aux normes, les façades tombent en morceaux. Alors que les coûts de fonctionnement du lycée de Vienne sont autofinancés à 79 %, l'Etat français n'a même pas dégagé les sommes nécessaires à la réalisation d'études sur la rénovation du bâtiment, alors même que l'AEFE n'a pas d'autonomie budgétaire dans le domaine immobilier, qui relève du titre V. Il conviendra d'être particulièrement vigilant au moment de l'examen des crédits pour que les budgets nécessaires à la réhabilitation complète de cet établissement soient dégagés (ceux-ci sont estimés à 7 millions d'euros).

S'agissant des établissements d'enseignement supérieur, il convient ici de saluer le travail accompli par l'Académie diplomatique de Vienne, qui a mis en place un programme de formation trilingue en Allemand, Anglais et Français avec l'aide de l'Agence internationale de la Francophonie. Le renforcement du pôle d'études francophones de cette institution doit être soutenu par les pouvoirs publics.

Enfin, l'Université d'Innsbruck dispose d'un pôle d'études françaises qui contribue au rayonnement de notre langue et de notre culture. Un accord entre l'Université et notre Ambassade permet de financer à hauteur de 30 600 euros par an des acquisitions d'ouvrages en langue française et des programmes de coopération scientifique. Malheureusement la rigidité de nos procédures comptables et la régulation budgétaire nuisent à la lisibilité de notre action et sont mal perçues par nos partenaires autrichiens.

M. François Rochebloine a ensuite présenté l'action du réseau culturel français en Bulgarie. Ce réseau se compose d'un centre culturel et de coopération et de huit Alliances françaises, implantées en province. Les crédits de programmation de ce réseau pour 2005 s'élèvent à 1 780 000 euros. Ces crédits sont orientés de manière prioritaire vers la coopération technique en vue de l'accompagnement de la Bulgarie sur le chemin de l'adhésion à l'Union européenne.

L'appartenance de la Bulgarie à la Francophonie est tout à fait justifiée compte tenu de la place du français dans le système éducatif et dans la société bulgares, même si notre langue est aujourd'hui en très fort recul par rapport à l'anglais. Les cours de langue dispensés par le réseau culturel français attirent annuellement 5 000 personnes. Le français vient en 4ème position des langues étrangères enseignées derrière l'anglais, le russe et l'allemand ; 100 000 élèves apprennent le français, soit environ 10 % des élèves de l'enseignement secondaire général. Le système éducatif bulgare comporte par ailleurs des lycées bilingues qui proposent des cours en langue étrangère dans des disciplines non linguistiques (par exemple la physique ou l'histoire). L'enseignement bilingue francophone concerne aujourd'hui environ 11 000 élèves dans 48 établissements, dont 23 sont agréés par le ministère français de l'Éducation nationale.

Grâce à cette forte présence du français dans le système éducatif, près de 3 000 étudiants bulgares font leurs études en France, tous cycles confondus. Les pays germanophones arrivent très nettement en tête en terme d'attractivité pour les étudiants bulgares. Ceci s'explique notamment par le coût de la vie très élevé à Paris, surtout pour le logement, et par le faible nombre de bourses : 178 bourses d'études en tout, dont 121 bourses Erasmus.

S'agissant du lycée français de Sofia, il s'agit d'un établissement dynamique, qui est passé de 210 à 350 élèves en 4 ans. Le nombre d'élèves bulgares y est de 45. Compte tenu des coûts de scolarité (entre 2 500 et 2 900 euros par an), l'établissement attire davantage les élèves issus de familles récemment enrichies, plutôt que ceux présentant un fort potentiel académique. Une plus grande ouverture de l'établissement sur le public bulgare nécessiterait une politique d'exonération à laquelle le conseil d'établissement est actuellement opposé. Il apparaît qu'une étude prospective est nécessaire pour développer le lycée dans la perspective de l'adhésion de la Bulgarie à l'Union ; il va cependant de soi que ce développement ne doit pas se faire au détriment des établissements bulgares bilingues qui offrent un enseignement en français.

Enfin, il convient de saluer l'action du Poste pour diffuser la culture française contemporaine, afin d'attirer des publics jeunes et diversifiés qui sortent des cercles francophones traditionnels. Le centre culturel a ainsi organisé plusieurs manifestations en partenariat avec des institutions culturelles bulgares qui ont connu un vif succès. Il convient de poursuivre dans cette voie et d'être vigilant sur les moyens alloués en faveur du rayonnement culturel de notre pays, dont on ne peut que déplorer la baisse constante depuis plusieurs exercices.

M. François Rochebloine a ensuite abordé la situation du français en Roumanie en indiquant qu'elle demeurait privilégiée, même si elle avait tendance à s'effriter. La perspective du prochain sommet de la Francophonie qui doit se tenir à Bucarest en 2006 constitue une occasion de mobiliser les différents acteurs de la francophonie dans ce pays. Le nombre de francophones en Roumanie est actuellement estimé à 20 %, dont 5 % d'excellents locuteurs. Chaque année le nombre d'élèves apprenant le français recule de 2 % au bénéfice de l'anglais. Ainsi, le nombre d'élèves apprenant le français est passé entre 1997 et 2002 de plus de 57 % à moins de 45 %.

Afin de répondre à cette situation, les actions de formation linguistique ont été renforcées. Les cours de français pour les adultes dispensés par notre réseau culturel connaissent une hausse continue avec 4 000 inscriptions en 2004. Il conviendrait cependant d'investir pour répondre à la demande qui se heurte aujourd'hui à une pénurie de locaux. Une politique de coopération linguistique et éducative a été mise en œuvre dans l'enseignement pré-universitaire, afin de moderniser les contenus et les méthodes d'enseignement. Les instances de la Francophonie soutiennent ces actions, notamment en termes de formation des formateurs. Les établissements bilingues roumains sont ainsi soutenus activement par notre réseau qui met à disposition des lecteurs français. Cela dit, le budget de coopération linguistique et éducative ne permet pas d'affecter des lecteurs dans les autres établissements enseignant le français, alors qu'une forte demande existe.

La coopération universitaire est dense : la France accueille aujourd'hui 4 600 étudiants roumains, soit le 3ème rang après l'Allemagne et l'Italie. L'Agence universitaire de la francophonie est impliquée dans ces échanges et elle a financé un pôle informatique et documentaire très performant. La complémentarité entre l'action des pouvoirs publics français et la Francophonie est sur ce point opérante. Malheureusement, la situation économique de la Roumanie est si difficile, que bon nombre d'étudiants souhaitent émigrer définitivement. Par ailleurs, les métiers de l'enseignement sont totalement dévalorisés et le corps enseignant va très rapidement souffrir de l'absence de renouvellement. Dans ce contexte, le risque est fort que la position encore confortable du français en Roumanie ne connaisse un très fort décrochage à moyen terme, faute d'une nouvelle génération de professeurs.

La présence des médias français en Roumanie est insuffisante. Plusieurs intellectuels et enseignants rencontrés ont fait part de leur souhait de pouvoir recevoir Arte et beaucoup de francophones ont déploré la mauvaise diffusion de TV5.

Enfin, un projet de construction d'un nouveau bâtiment pour le lycée français a été retenu par le conseil d'établissement avec le soutien actif de l'Ambassadeur de France. Il conviendra là encore que notre Commission soutienne ce projet et veille au dégagement des crédits nécessaires à cette réalisation importante pour le rayonnement de notre pays dans un Etat qui a vocation a adhérer très prochainement à l'Union européenne.

M. François Rochebloine a conclu son propos en rendant hommage aux personnels du réseau culturel et scientifique, qui font preuve d'une grande motivation et qu'il convient de soutenir en leur donnant les moyens d'agir.

Le Président Edouard Balladur a estimé que le rapport sur la situation du français en Bulgarie et en Roumanie faisait état d'une situation extrêmement préoccupante. La défense de la langue française en Europe fait partie des tâches régaliennes de l'Etat et il convient d'y consacrer les moyens nécessaires. En outre, il est regrettable que l'Etat dégage des crédits d'investissement qui ne sont pas accompagnés des crédits de fonctionnement nécessaires.

M. Bruno Bourg-Broc a également estimé que le rapport qui venait d'être fait était particulièrement préoccupant, même si le ton se veut optimiste. L'action conduite en faveur du rayonnement de la langue française à Vienne est essentielle en raison du statut de capitale internationale de cette ville. Il est regrettable que les droits d'inscription dans les établissements de l'AEFE soient aussi élevés, ce qui exclut bon nombre d'élèves intéressés par l'apprentissage du français. La diffusion d'Arte et de TV5 doit être améliorée, notamment en Roumanie, où le français recule de manière inquiétante. La présence de la presse française pose également problème : elle est mal diffusée, elle est chère et elle arrive souvent tardivement.

M. François Rochebloine a indiqué qu'il avait cherché à faire un rapport objectif de la situation et que son optimisme relatif provenait de la motivation des personnels du réseau, ce qui n'enlève rien au caractère préoccupant de la situation du français dans les pays visités. La diffusion de la presse et des chaînes de télévision constituent un sujet sur lequel il convient de se pencher.

*

* *

Au cours de sa réunion du mardi 8 novembre 2005, la Commission a entendu M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères, sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat ».

M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères, a souligné que le projet de budget en 2006 se définissait par trois traits principaux : nouveauté, rigueur, mais aussi détermination. Nouveauté de la structure du budget, de son élaboration et de ses modalités de mise en œuvre, qui sont conformes à la LOLF ; rigueur de l'effort fait par le ministère dans la poursuite d'une gestion sérieuse et efficace, qui donne la priorité à la modernisation de notre outil diplomatique ; détermination exprimant la volonté du Ministre et de l'ensemble des agents du ministère dans la conduite de notre politique étrangère et la réalisation des objectifs qui sont assignés par le Président de la République et le Premier ministre, en concertation avec les représentants de la Nation. Le Ministre a rappelé que ces objectifs figuraient dans les différents programmes dont le pilotage était confié au ministère des Affaires étrangères.

Abordant l'examen des crédits, M. Philippe Douste-Blazy a expliqué que le nouveau format du budget et les nouvelles modalités de sa mise en œuvre, conformes à la LOLF, venaient conforter la mise en œuvre de deux missions :

- la mission ministérielle « Action extérieure de l'Etat », composée de trois programmes : « Action de la France en Europe et dans le monde » (programme 105) ; « Français à l'étranger et étrangers en France » (programme 151) ; « Rayonnement culturel et scientifique » (programme 185) ;

- la mission interministérielle « Aide publique au développement », composée de deux programmes : « Solidarité à l'égard des pays en développement » (programme 209), mis en œuvre par le ministère des Affaires étrangères ; « Aide économique et financière au développement » (programme 110), mis en œuvre par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le Ministre des Affaires étrangères a rappelé que ce dispositif n'englobait pas la totalité des crédits engagés par l'action extérieure de la France, soit du fait de l'articulation des politiques publiques - pas moins de 27 programmes relevant d'autres ministères (Économie et finances, Défense, Éducation nationale, Recherche, Équipement etc.) contenant des crédits mis en œuvre à l'étranger ; soit du fait des règles budgétaires, les prêts de l'Agence Française de Développement et les remises de dettes ne figurant pas au budget général. Le Ministre a insisté sur le caractère fondamental de ce point, faisant valoir que la vraie modernisation de l'État et de son action internationale supposait une vision complète des moyens engagés et des actions menées à l'extérieur. Il a souligné que tel était d'ailleurs le choix fait dans les deux documents de politique transversale (DPT) préparés par le ministère des Affaires étrangères et qui seraient très prochainement portés à la connaissance des députés.

Il a par ailleurs attiré l'attention de la Commission sur le caractère délicat de la gestion 2006 : certes, la mise en œuvre de la LOLF est source d'opportunités par le jeu de la fongibilité et du suivi des indicateurs de performance, qui permettent enfin au Ministre et à l'administration de disposer d'outils de gestion ; pour autant, et en dépit des efforts déployés par le ministère pour aider les ambassadeurs, des difficultés demeureront dans la gestion au quotidien des postes à l'étranger. Le Ministre a expliqué que ses services s'y étaient préparés au mieux, qu'il s'agisse des circuits budgétaires et comptables, de l'appareil statistique, du contrôle de gestion ou de la formation des agents et qu'ils restaient déterminés à faire face avec pragmatisme à ces difficultés inhérentes à la mise en place de tout nouveau dispositif.

M. Philippe Douste-Blazy a fait valoir qu'au delà de l'effort remarquable et continu de rigueur que réalisait depuis des années le département ministériel dont il avait la charge, ce projet de loi de finances témoignait de la priorité accordée à la modernisation de notre outil diplomatique. Il a rappelé que le ministère des Affaires étrangères contribuait largement à l'effort de maîtrise des finances publiques. La mission « action extérieure de l'État » est ainsi stabilisée en volume à 2,36 milliards d'euros en crédits de paiement. N'étaient les transferts en provenance des charges communes - soit 56 millions d'euros au titre des cotisations de retraite ou d'expérimentations nouvelles et 11,6 millions d'euros pour les loyers domaniaux -, elle serait même en légère diminution de 0,8 %.

Soulignant la diminution de la masse salariale - de 976 à 910 millions d'euros hors pensions - comme des effectifs - le plafond des emplois passant de 16 955 à 16 720 emplois équivalents temps plein (ETP), soit une réduction de 235, le Ministre des Affaires étrangères a rappelé que, au cours des dix dernières années, le ministère avait réduit ses effectifs de 11 %, en respectant scrupuleusement la règle du non remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Il a mis en avant le caractère important de cet effort pour un ministère dont les missions demeuraient inchangées. De même, il a souligné le progrès considérable qui avait été accompli en matière de fonctionnement, dont les moyens diminuaient encore, conduisant à une nouvelle réduction du coût de structure du Quai d'Orsay, qui était passé en six ans de 33 % du budget à 24,9 % dans le projet de loi de finances.

Le ministère des Affaires étrangères s'est également engagé dans une gestion plus dynamique de l'immobilier et a décidé d'autofinancer une partie de ses opérations, grâce à une accélération des cessions et à une révision des procédures. Enfin, il poursuivra son effort de rationalisation du réseau consulaire et culturel.

S'agissant de la modernisation et l'efficacité de notre outil diplomatique, M. Philippe Douste-Blazy a expliqué qu'il avait décidé, au vu des résultats d'un travail de comparaison avec les ministères des Affaires étrangères de nos principaux partenaires, d'accroître l'investissement du ministère dans les systèmes de communication et d'information avec une hausse des crédits pour ce secteur de 9 millions d'euros dans le projet de loi de finances 2006. Il a précisé que ce choix impliquait nécessairement de plus fortes économies sur d'autres postes de dépenses  et qu'il s'accompagnait d'une réflexion globale de moyen terme sur l'informatisation du ministère autour d'un « agenda 2010 », en cours d'élaboration.

Il a ajouté qu'il avait également demandé la poursuite des négociations d'un contrat de modernisation avec le ministère du Budget, de manière à ce que le ministère des Affaires étrangères bénéficie effectivement d'une partie significative des gains de productivité qu'il était en train de réaliser. Il a fait valoir que c'était à cette seule condition que l'on pourrait maintenir l'efficacité du département ministériel dont il avait la charge dans la réalisation des missions qui lui étaient assignées, en particulier cette capacité de réaction et d'adaptation dont les agents ont su faire preuve face aux diverses situations de crise qui se sont multipliées au cours de ces derniers mois ; il en allait également de la motivation de ces mêmes agents qui pourrait s'éroder s'ils ne pouvaient constater un retour réel sur les efforts qu'ils continuent à consentir.

M. Philippe Douste-Blazy a ensuite passé brièvement en revue chacun des programmes confiés au ministère des Affaires étrangères :

- Tout d'abord, le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », qui représente 1,421 milliard d'euros en crédits de paiement, couvre une large partie de l'action diplomatique de l'État, regroupant l'essentiel des moyens dévolus aux ambassades. Les contributions de la France aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix et les crédits de la coopération militaire et de défense y figurent également.

Outre les moyens de fonctionnement évoqués précédemment, le principal enjeu budgétaire de ce programme réside dans le financement des contributions internationales obligatoires, notamment celles dues aux Nations unies, pour les opérations de maintien de la paix. Les crédits correspondants sont reconduits au même niveau qu'en 2005. Toutefois, ces dépenses étant soumises aux variations des taux de change et aux aléas de l'actualité internationale, il a été décidé que la réévaluation de ces crédits ferait partie du contrat de modernisation en cours de négociation avec le ministère de l'Économie et des Finances.

- Ensuite, le programme 151 « Français à l'étranger et étrangers en France », soit 603 millions d'euros en crédits de paiement), comprend  l'animation du réseau consulaire français, tant dans sa mission de service public à l'égard des Français de l'étranger que dans sa mission de contrôle des demandes de visas ; l'enseignement français à l'étranger ; le traitement des demandes d'asile et la protection des réfugiés.

Il s'agit donc d'un programme de service public qui s'est engagé dans le sens d'une plus grande modernisation, avec, notamment, le redéploiement du réseau consulaire de l'Union européenne vers les grands pays émergents.

Notant que la subvention de fonctionnement à l'Agence pour l'Enseignement Français à l'Étranger (AEFE), à la fois outil de rayonnement et service public pour les Français de l'étranger, marquait une légère baisse dans le projet de loi de finances pour 2006, le Ministre a expliqué que cela nécessiterait un recours exceptionnel au fonds de roulement de l'établissement, dont le niveau est particulièrement élevé, et pour lequel l'exercice 2005 s'avère une nouvelle fois positif. Il a ajouté que le ministère porterait encore une partie significative des investissements de l'AEFE en 2006 mais qu'une réflexion d'ensemble sur la capacité immobilière de l'agence était en cours : en tout état de cause, le Ministre veillerait à ce que les missions de l'agence puissent être accomplies comme les années précédentes et s'assurerait que le transfert des compétences immobilières soit effectué dans des conditions permettant à l'agence de financer ses dépenses prioritaires, au premier rang desquelles les travaux de sécurité qui s'avèrent indispensables dans certains établissements.

S'agissant de l'Office Français pour les Réfugiés et Apatrides (OFPRA) et de la Commission de Recours des Réfugiés (CRR), ils consolideront leur situation grâce à une légère augmentation de leur subvention.

Le Ministre des Affaires étrangères a relevé que le projet de loi de finances ne comprenait pas les crédits nécessaires au développement de nouveaux projets, tels que les visas biométriques. Il a fait valoir qu'en la matière, le choix avait été fait de financer, dans le cadre du contrat de modernisation, les moyens additionnels nécessaires par un retour accru sur les recettes résultant des frais de dossier payés par les demandeurs de visas. Il a expliqué qu'il négociait, au plan européen, l'augmentation de ces frais de dossier.

- Troisième programme, le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique », doté de 334 millions d'euros en crédits de paiement, concerne exclusivement les pays développés, en particulier nos partenaires de l'Union européenne et du G8, et s'articule autour de quatre axes : l'attractivité de la France pour les étudiants et chercheurs étrangers ; la promotion de nos idées ; la diffusion de la création culturelle et audiovisuelle contemporaine ; et la promotion de la langue française en tant que moyen d'accès à des savoirs et à des métiers - autant de chantiers majeurs pour l'influence de la France dans le monde.

Bien qu'étant le moins coûteux, ce programme permet en fait de mobiliser des sommes plus importantes au service de ses objectifs, grâce aux partenariats et aux co-financements développés pour sa mise en œuvre, y compris pour les bourses, notamment dans le domaine de la recherche. Le Ministère se montre novateur dans ce domaine, en développant de nouveaux services au travers des centres d'études en France installés dans six pays et qui seront étendus, ou encore en réfléchissant, à la demande du Ministre, à la manière de rendre plus lisible et visible notre action culturelle dans le monde et plus attractif l'accueil des étudiants étrangers dans notre pays.

S'agissant des opérateurs audiovisuels, les subventions à RFI et TV5 sont reconduites en euros courants, ce qui constitue un effort non négligeable, compte tenu de la contrainte budgétaire générale. Quant à la chaîne d'information internationale, elle constitue un programme de la mission « médias », qui dépend du Premier ministre.

- Enfin, le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », qui représente 2,047 milliards d'euros en crédits de paiement, contribue pleinement, en cohérence et en complémentarité avec le programme 110 piloté par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, à la mise en œuvre de notre politique d'aide publique au développement, selon les orientations définies par le Comité Interministériel de Coopération International et de Développement (CIDID). L'accent est mis sur la santé, l'éducation, le développement rural et l'accès à l'eau, en lien notamment avec les leçons tirées de la crise alimentaire au Niger.

Ce programme concerne l'ensemble des pays en développement au sens du comité d'aide au développement de l'OCDE, y compris les pays émergents. Toutefois, l'aide de la France demeure concentrée sur la zone de solidarité prioritaire, en particulier les pays les moins avancés et l'Afrique, qui continuera de recevoir environ deux tiers de notre aide bilatérale. Des efforts seront consentis également sur les grands pays émergents.

L'évolution des crédits de ce programme, qui progressent de 9,8 %, hors crédits de rémunération, révèle la priorité que le gouvernement souhaite conférer à l'aide au développement, en droite ligne avec l'objectif fixé par le Président de la République de porter notre aide au développement à 0,47 % du revenu national en 2006 et à 0,5 % en 2007. Cette augmentation est concentrée sur les organismes multilatéraux, soit le Fonds Européen de Développement (qui augmente de 98 millions d'euros), le fonds mondial pour la lutte contre le SIDA (en augmentation de 75 millions d'euros, ce qui constitue la première étape vers le doublement de la contribution de la France qui en fera le premier contributeur) et certaines contributions volontaires aux Nations unies, qui croissent de 22 millions d'euros. Il s'agit là pour la France de remplir ses engagements européens et de consolider sa position au sein du G8 comme au sein des Nations unies.

Cette hausse de nos engagements multilatéraux ne se fait pas au détriment de notre aide bilatérale, qui bénéficie d'une très forte augmentation des autorisations d'engagement, qui passent de 274 à 450 millions d'euros, en faveur de l'aide aux projets, selon la répartition des compétences décidée par le CICID, entre le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) et l'Agence française du développement (AFD). Celle-ci voit d'ailleurs son rôle renforcé par différents transferts, notamment en matière d'assistance technique dans les domaines de sa compétence.

Enfin, les crédits mis en œuvre par les opérateurs de la société civile (ONG et collectivités territoriales) augmentent également, de 18 %.

M. Philippe Douste-Blazy a noté en conclusion que ce projet de loi de finances était, pour ce qui concernait le ministère des Affaires étrangères, à la fois réaliste et ambitieux, ses missions étant inchangées voire croissantes, du fait du rôle essentiel des agents du ministère des Affaires étrangères lorsque nos compatriotes étaient confrontés à des crises graves, dont l'actualité récente a été remplie. Il a fait valoir que, dans ce contexte, notre réseau diplomatique était un atout et qu'il nous revenait de le valoriser au mieux en faisant jouer pleinement au ministère son rôle interministériel. Il a souligné à cet égard la grande importance qu'il attachait à ce que les postes français à l'étranger dégagent des synergies en rassemblant les moyens de l'État, notamment, dans un premier temps, par la création de services administratifs et financiers uniques interministériels, en conformité avec la demande du Premier ministre. Il a insisté sur l'effort de productivité réalisé, année après année, par le ministère des Affaires étrangères, qui en faisait le « meilleur élève » parmi les administrations. Revenant sur le contrat pluriannuel de modernisation que ce ministère souhaitait conclure avec le ministère de l'économie et des finances, il a répété la nécessité d'une réévaluation des contributions obligatoires du ministère et l'obligation qu'il y avait à assurer un retour des gains de productivité au bénéfice des agents du ministère et des moyens de l'action diplomatique de la France.

Le Président Edouard Balladur a d'une part interrogé le Ministre sur l'état d'avancement du projet de création d'une chaîne d'information internationale, d'autre part sur les raisons pour lesquelles le Comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger (CIMEE), créé en 1993, ne s'était pas réuni depuis plusieurs années.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis des crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique », a déploré que le projet de chaîne internationale, confirmé aujourd'hui tant par le Premier ministre que le ministre de la culture, entérine finalement l'alliance de France Télévisions et de TFI, à l'instar du projet Brochand de 2003. Quant à l'Agence de l'enseignement du français à l'étranger, s'il a constaté une diminution de ses crédits, l'équilibre financier du budget de l'Agence est atteint grâce notamment aux réformes de rémunération du personnel, à la fermeture d'établissements et à l'augmentation des frais de scolarité. Toutefois le transfert du parc immobilier du ministère des Affaires étrangères à l'Agence représente une véritable difficulté. Existe-t-il un espoir que les pouvoirs publics s'engagent sur le financement des programmes immobiliers de l'Agence ? D'une façon générale, la politique de gestion immobilière du réseau culturel français, qui compte 148 centres et institutions culturels et 295 Alliances françaises, pourrait être améliorée.

Sur l'enseignement du français à l'étranger, M. Pierre Lequiller a approuvé les annonces du Ministre tout en souhaitant que l'instrument budgétaire propose des orientations réelles pour être un vecteur de diplomatie française et de promotion de la formation des jeunes à l'étranger.

Mme Geneviève Colot, présidente du groupe d'études des Français de l'étranger, a transmis au Ministre le souhait de l'association des Français de l'étranger que le nouveau programme de la LOLF qui regroupe « les Français de l'étranger et les étrangers en France » puisse être distingué en deux sous programmes.

M. Jacques Myard a exprimé sa désapprobation quant à la suppression de postes du ministère des Affaires étrangères et a fait valoir l'utilité de son personnel déployé à l'étranger. Par ailleurs, sauf à ce que la France redevienne une puissance décisionnaire, il n'est pas étonnant que le Français soit moins parlé aujourd'hui car la langue du dominé n'est jamais apprise.

En réponse aux différents intervenants, M. Philippe Douste-Blazy a apporté les éléments suivants :

- Le projet de Chaîne internationale de l'Information (CII) sera présenté prochainement par M. Patrick de Carolis, Président de France Télévisions, devant le Sénat. On s'achemine vers une société anonyme détenue à parts égales par France Télévisions et TF1. Son budget qui relèverait des services du Premier ministre et non du ministère des Affaires étrangères atteindrait 65 millions d'euros. Des négociations sont actuellement en cours entre les partenaires concernés pour répartir les responsabilités au sein du Conseil de surveillance.

- Le Comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger (CIMEE) ne s'est pas réuni depuis 1997. Le Premier ministre a décidé de réactiver cette structure en la réunissant probablement au début de l'année prochaine pour étudier les conditions d'une rationalisation des implantations de l'Etat à l'étranger et pour faire le point sur ces implantations depuis 1997 et sur la mise en place de pôles administratifs uniques et interministériels en dehors de nos frontières. Les membres des Commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ont déjà accueilli favorablement l'annonce de cette initiative.

- La politique immobilière de l'Etat à l'étranger a fait l'objet d'un rapport de la Cour des comptes pour une période aujourd'hui révolue puisqu'il s'agissait de 1998-2002. Une réforme a été engagée pour améliorer l'organisation et les méthodes employées dans ce domaine. Il est vrai que des difficultés avaient pu apparaître, s'expliquant notamment par l'évolution rapide des contraintes relatives à la mise en sécurité de nos bâtiments à l'étranger. Il convient de préciser que la construction de notre ambassade à Berlin a coûté finalement 60 millions d'euros et non 63 millions, grâce à la récupération de la TVA et à des contentieux gagnés contre des entreprises qui avaient participé au chantier. Les investissements immobiliers pour 2006 - 14,5 millions d'euros - connaissent une baisse de la moitié de leur montant par rapport à l'exercice précédent. Un fonds de concours sera destiné, en 2006, à l'entretien et à la rénovation des logements et le ministère compte aussi sur le produit de cessions immobilières qui lui revient en propre. Le recours à la procédure nouvelle du « partenariat public-privé » est également envisagé, de même qu'ont été expérimentés les loyers domaniaux, c'est-à-dire l'inscription au budget des ambassades qui possèdent des immeubles de leur contre-valeur locative.

- L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est bien gérée. Elle a dégagé des excédents de 20 millions d'euros en 2003, 27 millions en 2004 et 7 millions en 2005. En 2006, son budget sera donc en légère baisse pour atteindre 323 millions d'euros. Le transfert à l'Agence des biens immobiliers qui dépendent d'elle s'est déroulé dans de bonnes conditions. Il est vrai que le coût des programmes immobiliers qui doivent être réalisés par cet organisme ne peut pas être supporté par les seuls parents d'élèves. Pour 2006, 11,3 millions d'euros sont prévus dans le budget à cet effet, dont 6 millions pour le lycée de Milan. Des partenariats public-privé pourraient être développés pour quatre ou cinq établissements, tout d'abord, ce procédé pouvant être étendu ensuite. Le lycée de Vienne a fait l'objet d'une mission de l'Inspection générale du ministère des Affaires étrangères ; des dispositions vont être prises pour en améliorer la sécurité.

- L'action culturelle française souffre, à l'évidence, d'un manque de visibilité. Beaucoup d'actions sont menées mais ne connaissent pas le retentissement que peuvent avoir celles du British Council, par exemple. Pourtant 148 centres culturels ou instituts, 295 Alliances françaises, 800 agences spécialisées sont mobilisés. La taille de ce réseau tend cependant à diminuer aujourd'hui, alors que de nouveaux partenaires sont recherchés au plan local pour financer des actions.

- La remarque de Mme Geneviève Colot est pertinente et rejoint d'ailleurs les constats qu'avait faits le ministère lors de l'élaboration de la LOLF, à quoi il avait été répondu que les deux ensembles envisagés représentaient des masses financières trop modestes pour être érigés en programmes ; à l'issue de ce premier exercice budgétaire placé sous l'égide de la LOLF, il conviendra sans doute d'examiner les évolutions qui pourraient être apportées en la matière, sur lesquelles le ministère et le Parlement pourraient travailler conjointement.

- La diminution du nombre de postes budgétaires dévolus au ministère des Affaires étrangères doit cesser : à moins que nous fassions des choix cruciaux et décidions de supprimer des postes sur certains continents, il n'est plus possible de supprimer des emplois ; considérer le ministère des Affaires étrangères comme une variable d'ajustement de la politique budgétaire serait une erreur majeure ; s'agissant en l'occurrence des 235 suppressions d'emplois budgétaires prévues par le projet de loi de finances pour 2006, elles se décomposent en 135 suppressions nettes et 91 transferts de personnels à l'AFD ; il convient également de mentionne les 4 747 recrutés locaux par les centres culturels et de recherche, qui ne sont pas inclus dans le plafond d'emplois du ministère, car ils sont financés sur ressources propres ; au total, les recrutés locaux représentent 10 327 emplois des 21 467 qui dépendent du ministère.

*

* *

Au cours de sa réunion du mercredi 9 novembre 2005, la Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Rochebloine, les crédits du Rayonnement culturel et scientifique pour 2006.

Après l'exposé du Rapporteur, le Président Edouard Balladur s'est interrogé sur le montant et la répartition du capital de la future chaîne internationale de l'information.

M. Jean-Claude Lefort a souhaité connaître la procédure juridique qui avait été suivie pour désigner TF1 alors qu'aucun appel d'offres n'a été organisé à cet effet.

M. Bruno Bourg-Broc a observé que le budget relatif à l'action extérieure de l'Etat aboutissait à une situation paradoxale : les pouvoirs publics ne cessent d'affirmer l'importance de cette action alors même que les crédits qui lui sont alloués diminuent. Quel est, par ailleurs, le montant affecté dans ce budget aux institutions multilatérales de la francophonie ? En effet, dans ce domaine comme dans d'autres, le multilatéralisme conduit à réduire la visibilité de notre action, ce qu'on observe aujourd'hui.

M. François Rochebloine, Rapporteur pour avis, a déclaré qu'il avait été annoncé que TF1 et France Télévisions détiendraient à parts égales le capital de la future chaîne de l'information dont on ignore cependant toujours le montant. L'Etat prendra en charge l'intégralité du budget de la chaîne. Finalement on revient à la structure que M. Bernard Brochand, parlementaire en mission, avait proposé en 2003 au Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin. On peut regretter ce retour en arrière et s'interroger sur la position du nouveau président de France Télévisions qui avait affirmé, il y a peu, qu'il souhaitait que son groupe soit le pilote de ce projet. D'ici la fin de 2005, on devrait connaître la forme juridique choisie pour cette chaîne d'information qui devrait voir réellement le jour avant le terme de 2006. Aucune procédure juridique particulière n'a été diligentée pour choisir TF1 comme seul partenaire privé de ce projet alors même que d'autres groupes auraient pu s'y associer.

Les crédits de la francophonie relèvent, pour ce qui concerne leur aspect multilatéral, de la mission interministérielle « Aide publique au développement ». Ils sont reconduits pour un montant de 58,4 millions d'euros dont 45,2 millions pour le Fonds multilatéral unique (FMU) et 11,94 millions d'euros pour l'Agence internationale de la Francophonie (AIF). Ils représentent deux tiers des moyens d'action de la francophonie institutionnelle.

En conclusion, le Président Edouard Balladur a estimé que la défense de la langue française supposait que les moyens budgétaires nécessaires soient mis en œuvre, en particulier pour l'enseignement du français à l'étranger. Or on constate une stagnation des crédits ce qui n'est pas satisfaisant. Enfin, les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances pour 2006 manquant singulièrement de clarté, il a indiqué qu'il allait saisir le Premier ministre de cette question, afin notamment d'obtenir des précisions sur la structure de la future chaîne française d'information internationale.

Article 52 : Etat B - Mission « Action extérieure de l'Etat »

La Commission a été saisie d'un amendement de M. François Rochebloine, rapporteur pour avis, visant à créer au sein de la mission « action extérieure de l'Etat », un programme spécifique dévolu à l'audiovisuel extérieur. Il a indiqué que cet amendement visait à donner une meilleure lisibilité au secteur audiovisuel extérieur et qu'il permettait de répondre aux préoccupations de la Cour des comptes sur l'absence de pilotage stratégique de ce secteur. Il a indiqué, qu'à terme, ce programme devait avoir pour vocation de regrouper l'intégralité des crédits dévolus à ce secteur.

M. Jacques Myard s'est interrogé sur le sens de cet amendement et sur ses conséquences pratiques.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat », a fait observer que le Président de la Commission des Finances avait fait part de son opposition à cet amendement. Il a estimé qu'il était prématuré d'adopter un tel amendement, alors même que la chaîne d'information internationale n'avait pas encore vu le jour. Il serait préférable d'attendre pour avoir une meilleure visibilité en la matière et de reprendre ce débat dans la prochaine loi de finances.

Le Président Edouard Balladur a estimé que ce débat montrait que la présentation des documents budgétaires était confuse et qu'il était indispensable d'obtenir des éclaircissements du Gouvernement sur le financement de l'audiovisuel extérieur, cette démarche ne faisant par ailleurs pas obstacle à l'adoption de cet amendement.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis, a indiqué que cet amendement ne remettait pas en cause les crédits de la chaîne d'information internationale, car ceux-ci sont inscrits dans la mission « médias » qui a été adoptée en séance publique lundi 7 novembre 2005. Il n'y a aucune raison de différer le vote de cet amendement, dont l'objet est d'améliorer la lisibilité de la politique menée en matière d'audiovisuel extérieur.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 253).

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement présenté par MM. Richard Cazenave et François Rochebloine, rapporteurs pour avis.

M. Richard Cazenave, Rapporteur pour avis, a indiqué que l'amendement visait simplement à modifier le programme de rattachement de l'action « Service public d'enseignement à l'étranger ». Le rattachement de l'AEFE au programme « Français à l'étranger et étrangers en France » est contestable alors que plus de la moitié des enfants scolarisés ne sont pas français et que le réseau de l'AEFE joue un rôle essentiel dans la diffusion de la langue et de la culture françaises. L'avenir de la culture française dépend notamment de l'élargissement du réseau des lycées français et de son adaptation à l'importante demande émanant de parents étrangers. L'AEFE est un outil essentiel pour attirer des étudiants étrangers dans l'enseignement supérieur français.

M. Jacques Myard s'est interrogé sur le montant des crédits encore affecté au programme « Français à l'étranger et étrangers en France » après le transfert de la dotation de l'AEFE.

M. Richard Cazenave, Rapporteur pour avis, a expliqué que l'affectation de la subvention de l'AEFE au programme « Rayonnement culturel et scientifique » réduira les crédits de son programme d'origine à 300 millions d'euros, ce qui ne remet pas en cause son existence.

La Commission a adopté l'amendement des Rapporteurs pour avis (amendement n° 254).

Conformément aux conclusions des deux Rapporteurs pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » pour 2006 ainsi modifiés.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article 52

État B

Mission « Action extérieure de l'État »

I. - Créer le programme « audiovisuel extérieur ».

II. - En conséquence modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

(En euros)

Programmes

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont Titre 2 Dépenses de personnel

Rayonnement culturel et scientifique

dont Titre 2 Dépenses de personnel

141.974.519

974.519

Français à l'étranger et étrangers en France

dont Titre 2 Dépenses de personnel

Audiovisuel extérieur

dont Titre 2 Dépenses de personnel

141.974.519

974.519

TOTAUX

141.974.519

141.974.519

SOLDE

0

Exposé sommaire

Le présent amendement vise à créer au sein de la mission « action extérieure de l'Etat » un programme spécifique dévolu à l'audiovisuel extérieur. Un tel programme doit permettre au Parlement de mieux suivre les politiques mises en œuvre dans ce secteur. Il répond par ailleurs aux préoccupations exprimées par la Cour des comptes dans son rapport public pour 2002 sur l'absence de pilotage stratégique du secteur audiovisuel extérieur et sur la dispersion des tutelles dans ce domaine. A terme, ce programme devrait avoir pour vocation de regrouper l'intégralité des crédits dévolus à ce secteur conformément aux objectifs de lisibilité de la LOLF.

Article 52

État B

Mission « Action extérieure de l'État »

Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

(En euros)

Programmes

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont Titre 2 Dépenses de personnel

Rayonnement culturel et scientifique

dont Titre 2 Dépenses de personnel

323.000.000

Français à l'étranger et étrangers en France

dont Titre 2 Dépenses de personnel

323.000.000

TOTAUX

323.000.000

323.000.000

SOLDE

0

Exposé sommaire

Cet amendement vise à déplacer l'action « Service public d'enseignement français à l'étranger » et l'ensemble des crédits qui lui sont affectés du programme « Français à l'étranger et étrangers en France » vers le programme « Rayonnement culturel et scientifique ».

L'AEFE est certes un service public d'enseignement au service des Français à l'étranger, mais elle aussi un instrument essentiel du rayonnement culturel et scientifique français. Sur un total de 160 000 élèves scolarisés dans le réseau en 2005, les Français sont 70 000, soit un peu moins de 44 %. Par ailleurs, l'AEFE cherche à développer des filières diplômantes binationales et vise à devenir à terme une véritable tête de pont pour le recrutement d'étudiants étrangers dans les filières d'enseignement supérieur françaises.

En outre, alors que la LOLF entendait permettre la fongibilité des crédits au sein de programmes cohérents, le caractère artificiel du programme « Français à l'étranger et étrangers en France » exclut toute marge de manœuvre en la matière.

Pour ces raisons, il est souhaitable de transférer les crédits de l'AEFE vers le programme « rayonnement culturel et scientifique », ce qui constitue une imputation budgétaire plus pertinente.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

· M. Jean-Jacques Aillagon, PDG de TV5 Monde et Mme Marie-Christine Saragosse, Vice-Présidente-Directrice générale de TV5 Monde

· M. Antoine Schwarz, PDG de RFI

· Mme Anne-Gabrielle Heilbronner-Lahoud et M. Eric Fournier, conseillers du Ministre des Affaires étrangères

· M. Dominique Baudis, Président du Conseil supérieur de l'audiovisuel

· Mme Maryse Bossière, directrice de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger

· Syndicats de l'audiovisuel :

- SNJ-CGT : MM. Michel Diard, Jean-François Téaldi, Patrick Kamenka, Mmes Gabrielle Lorne et Addala Benraad

- SNRT-CGT : MM. Charles Kmiotek, Marc Chauvelot, Pierre Vernay et Mme Françoise Delignon

- FO : MM. Gérard Sebag et Jean-Michel Seybald

- CFDT : MM. Yves Loiseau, Jacques Ricau et Christophe Pauly

- CFTC : MM. Sélim Fares, Yann Le Nabour et Christophe Debuisne

- CGC : MM. Jean-Jacques Cordival et Jacques Van Gaver

· M. Ulysse Gosset, Directeur délégué de France Télévisions pour la CFII

· MM. Hervé Digne et Eric Gross, conseillers du Premier ministre.

· M. Jean Mino, Directeur général de CFI

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N° 2571-02 - Avis présenté par M. François Rochebloine au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540), Tome II : Action extérieure de l'Etat, rayonnement culturel et scientifique (M. François Rochebloine)

1 La loi de finances rectificative 2004 a affecté à ce projet 30 M€, qui ont fait l'objet d'un report sur 2005

2 transport satellitaire analogique d'Arte et de France 5 pour la couverture de l'Europe jusque fin 2004, puis d'Arte seule en numérique


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