N° 2571 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2005. AVIS PRÉSENTÉ AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2006 (n° 2540) TOME III AFFAIRES ÉTRANGÈRES AFFAIRES EUROPÉENNES (ARTICLE 50 : ÉVALUATION DU PRÉLÈVEMENT OPÉRÉ SUR LES RECETTES DE L'ÉTAT AU TITRE DE LA PARTICIPATION DE LA FRANCE AU BUDGET DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES) Par M. Roland BLUM, Député Voir le numéro 2568 (annexe n° 3) INTRODUCTION 7 I - L'EUROPE À L'HEURE DES CHOIX 9 A - QUELS ENJEUX POUR L'EUROPE AUJOURD'HUI ? 9 1) Un préalable : rétablir la confiance en l'Europe 9 a) Mieux informer nos concitoyens 9 b) Faire enfin de l'Europe un enjeu politique et démocratique interne 10 2) Un nouvel élargissement pour quoi faire ? Le risque de la fuite en avant 16 a) Les dimensions de l'Europe : le nœud gordien 16 b) Les élargissements en cours : achever le processus d'intégration de la Roumanie et de la Bulgarie 18 c) L'état des négociations avec la Turquie et la Croatie 19 B - QUELS MOYENS FINANCIERS POUR L'UNION EUROPÉENNE APRÈS 2007 ? 21 1) Bref retour sur d'âpres négociations 21 a) Les propositions initiales de la Commission européenne : des prétentions excessives 21 b) Les premières réactions à ces propositions : une critique généralisée 21 c) La position du Parlement européen : plus raisonnable en apparence 23 d) Les propositions de la présidence luxembourgeoise : un équilibre acceptable 25 2) Quelles priorités pour les perspectives 2007-2013 ? 30 a) Le maintien des dépenses européennes à un niveau raisonnable 30 b) Le respect de la parole donnée en 2003 : les dépenses agricoles 30 c) Maintenir la politique de cohésion comme instrument de solidarité entre tous les Etats membres 32 d) Agir en faveur de la recherche et du développement technologique 33 e) En finir avec le « rabais britannique » 34 II - LE BUDGET DE L'UNION EUROPÉENNE POUR 2006 37 A - LE BUDGET DE L'UNION EUROPÉENNE POUR 2006 : 121 MILLIARDS D'EUROS 37 1) La structure du budget européen pour 2006 37 2) Les dépenses agricoles : 51,2 milliards d'euros 39 3) Les dépenses régionales : 44,5 milliards d'euros 39 4) L'action extérieure de l'Union européenne : 5,2 milliards d'euros 41 5) Le coût de l'élargissement aux dix nouveaux membres pour 2004-2006 : 17,4 milliards 46 6) Les élargissements futurs 47 B - LA CONTRIBUTION FRANÇAISE : 18 MILLIARDS D'EUROS EN 2006 49 1) L'exécution du budget 2005 et la contribution française : 16,5 milliards d'euros prévus, 17,3 milliards versés. 49 2) La contribution française pour 2006 : 18 milliards d'euros 49 3) Les retours vers la France : 13,43 milliards d'euros en 2003 50 4) La France contributrice nette au budget européen pour 1,725 milliard d'euros en 2003 51 III - L'EXEMPLE D'UNE INTÉGRATION RÉUSSIE : LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE 53 A - LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE AU CœUR DE L'UNION EUROPÉENNE 54 1) Une carrefour européen 54 2) Une histoire mouvementée qui explique ce « besoin d'Europe » 54 B - UN BILAN TRÈS FAVORABLE APRÈS UNE ANNÉE DANS L'UNION 56 1) Une économie réformée et dynamique 56 a) Un pays prospère 56 b) Une réforme de l'économie en voie d'achèvement 57 2) La gestion des fonds européens : la montée en puissance du dispositif 57 a) Les dotations au bénéfice de la République tchèque pour 2004-2006 57 b) Une consommation des crédits européens à renforcer 59 c) Les transports 61 d) L'environnement 62 e) Les infrastructures agricoles 62 C - LA FRANCE ET LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE : UN PARTENARIAT ÉCONOMIQUE À RENFORCER 63 1) Les investissements français en République tchèque : une place honorable 63 2) Des échanges commerciaux entre la France et la République tchèque à intensifier 64 D - LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE : LA VOLONTÉ DE JOUER UN RÔLE ACTIF AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE 66 1) La Constitution européenne : la mise en suspens du processus de ratification 66 2) Les perspectives financières 2007-2013 : la volonté d'aboutir vite 66 3) La libre circulation des travailleurs tchèques : un dossier sensible 67 4) L'Europe de demain : réactions à quelques propositions 68 CONCLUSION 69 AUDITION DE MME CATHERINE COLONNA, MINISTRE DÉLÉGUÉE AUX AFFAIRES EUROPÉENNES 71 EXAMEN EN COMMISSION 81 Mesdames, Messieurs, L'Europe a longtemps constitué un espoir pour nos compatriotes. Elle semble aujourd'hui être devenue, pour eux, un motif d'inquiétude. Dans une conjoncture difficile, face à un monde qui subit de profonds bouleversements, alors que l'actualité n'offre que peu de raisons de se réjouir, les Français apparaissent comme désorientés. L'Europe est très souvent tenue pour responsable de cette situation. C'est à la fois injuste et légitime. Injuste, dans la mesure où l'Europe reste à construire. Comment la rendre comptable de tous nos maux alors qu'elle n'a pas encore réussi à se doter d'institutions lui permettant d'assumer pleinement son rôle, alors même que les Etats membres tiennent encore une place prépondérante dans l'Union européenne ? Cette Europe, que nous sommes si prompts à critiquer, est notre œuvre à tous. C'est aussi à nous-mêmes que ces critiques s'adressent. Légitime, parce que l'Union a souvent voulu aller trop vite avec, parfois, ce qui a pu être perçu comme une forme d'arrogance et de désintérêt à l'égard des personnes qui ne bénéficiaient pas directement de ses avancées, sans voir que la construction d'un grand marché associée à une ouverture sans cesse plus large à la concurrence internationale infligeait à nos sociétés des évolutions brutales. L'échec du référendum sur le traité constitutionnel, le 29 mai dernier, a été l'expression la plus vive de cette interrogation sur ce grand projet qu'est la construction européenne. Moins qu'une cause de la crise de l'Union, cet échec en est, au contraire, un symptôme douloureux. A travers la campagne référendaire qui a vu se multiplier les slogans les plus trompeurs contre l'Europe - souvenons nous du fameux plan B dont on attend encore la publication ou des diatribes peu honorables contre la menace du « plombier polonais » - s'est exprimée néanmoins le souhait légitime des Français de mieux peser sur l'Union européenne, sa nature, ses orientations, ses politiques. C'est ce désir qu'il nous faut aujourd'hui combler avec détermination. Si les circonstances ne nous facilitent pas la tâche, elles ont l'insigne mérite de nous mettre au pied du mur. Nous n'avons plus le choix. A l'échec de la Constitution européenne s'est ajoutée la crise des négociations sur les perspectives financières pour la période 2007-2013, imputable, pour l'essentiel, à l'intransigeance britannique. Puis est venue la décision d'ouvrir les négociations d'adhésion avec la Turquie qui - pour employer un euphémisme - n'a pas été prise dans la plus grande des clartés. L'année 2005 apparaîtra comme déterminante dans l'histoire du continent ; celle qui vient risque-t-elle d'être aussi mouvementée que celle qui s'achève ? L'examen du projet de loi de finances pour 2006 est l'occasion, pour nous, comme les années précédentes, de tracer un premier bilan de la politique européenne engagée depuis le début de 2005. Il s'agit pour notre Commission de se prononcer à la fois sur le montant du prélèvement sur recettes dont le projet de loi de finances pour 2006 prévoit le versement à l'Union européenne mais aussi sur le budget de l'Union qui est encore à l'état de projet, pendant au Parlement de Strasbourg. D'un point de vue strictement budgétaire, on constatera que l'année 2006 - dernier exercice des perspectives financières ouvertes en 2000 - ne présente pas de grande originalité. Mais avant d'aborder ce sujet, on s'attardera un instant sur trois questions qui se posent avec acuité à l'Union. Comment faire en sorte que nos compatriotes retrouvent confiance en l'Europe ? Quel est le sens d'un nouvel élargissement, en particulier à la Turquie ? De quels moyens financiers l'Europe doit-elle se doter dans les années à venir pour fonctionner de manière satisfaisante et tenir son rang dans le monde ? Puis, après l'examen du budget européen pour 2006, on reviendra sur le cas spécifique d'un des nouveaux Etats membres : la République tchèque. Votre Rapporteur pour avis a souhaité, à travers cet exemple particulier, dresser un premier bilan de l'intégration des pays entrés dans l'Union depuis un peu plus d'une année. De ce point de vue, l'expérience tchèque qui, par bien des aspects, constitue une réussite, est très riche d'enseignements. I - L'EUROPE À L'HEURE DES CHOIX A - Quels enjeux pour l'Europe aujourd'hui ? Pour que l'Europe puisse progresser après l'échec de la Constitution, une condition s'impose : que la confiance dans le projet européen soit restaurée. Il importe aussi que la question de l'élargissement de l'Union soit posée clairement et débattue sans faux-semblant. 1) Un préalable : rétablir la confiance en l'Europe Comment redonner à nos concitoyens confiance en l'Europe ? Le défi n'est pas mince quand on observe l'état d'une opinion qui croit à l'Europe mais s'interroge profondément sur la méthode employée pour la bâtir. Deux voies nous semblent devoir être explorées en priorité. La première consiste à mieux informer les Français de la véritable nature de l'Union européenne, pour qu'ils mesurent pleinement et avec plus de clarté ce qui ressortit à sa responsabilité et ce qui demeure du domaine des Etats. La seconde nous impose d'aller plus loin. La crise de l'Union européenne n'est pas née seulement d'un déficit d'information. Elle s'explique surtout par le sentiment, en grande partie justifié, en particulier en France, que les affaires européennes échappent au contrôle démocratique. De ce point de vue, de nouvelles pratiques sont nécessaires, que MM. Edouard Balladur, Hervé de Charette et votre Rapporteur avaient tenté de défendre au début de cette année lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle ayant modifié le titre XV « Des Communautés européennes et de l'Union européenne » de notre Constitution. Après l'échec du référendum, ce sujet nous semble d'actualité, aujourd'hui plus encore qu'hier. a) Mieux informer nos concitoyens Si nous voulons que les Français comprennent et acceptent mieux l'Europe, il importe qu'ils puissent être informés de l'activité de l'Union dans de meilleures conditions. Notre collègue Michel Herbillon a estimé dans son rapport rendu au Premier ministre en juin dernier - La fracture européenne - que la carence essentielle était moins aujourd'hui le manque d'information qu'une communication insuffisante autour des questions européennes. Les sources d'information sont nombreuses, trop foisonnantes même ; elles ne permettent pas aux citoyens mais aussi aux élus de s'orienter correctement dans ce dédale que constitue le système européen. Pour mieux sensibiliser nos compatriotes aux problématiques européennes, notre collègue a proposé quarante mesures les plus diverses comme donner au Ministre des Affaires européennes un rôle d'impulsion et de coordination, lancer une conférence du débat public sur l'Europe en 2005, confier au Ministre chargé des Affaires européennes la tenue d'une conférence de presse hebdomadaire sur l'Europe, « européaniser » les cabinets ministériels en y accueillant des ressortissants communautaires, intégrer la dimension européenne dans l'exposé des motifs des projets de loi... Ce rapport proposait également de mobiliser l'administration au service de l'Europe, de faire de l'école le lieu d'apprentissage de la citoyenneté européenne - par une révision des programmes, la formation des professeurs, la généralisation des jumelages électroniques... - de promouvoir l'esprit européen par les valeurs du sport et de la jeunesse, par le recours à des symboles, etc. Toutes ces initiatives seront évidemment les bienvenues. L'attachement à l'Europe, le sentiment européen ne se décrètent pas. L'éducation, l'échange, le voyage, l'habitude de vivre ensemble, de se côtoyer, sont les vecteurs qui permettront de rendre plus évidente encore la nécessité de poursuivre et de renforcer la construction de l'Europe. Mais cette floraison d'initiatives ne saurait suffire pour rétablir la confiance en l'Union européenne. Le problème qui se pose à l'Europe n'est pas seulement un manque d'explication ; il est plus profond. Il n'est pas uniquement de l'ordre de la communication que des campagnes bien menées pourraient améliorer ; il est de l'ordre plus fondamental de la politique. b) Faire enfin de l'Europe un enjeu politique et démocratique interne Depuis trop longtemps, l'Europe est demeurée, dans le débat politique français, un objet autour duquel pesait un silence poli ou qui, au contraire, provoquait un déchaînement dénué de toute mesure. La majeure partie du temps, les questions européennes ne suscitent aucun véritable débat, par désintérêt ou par ignorance même des discussions en cours à Bruxelles. Puis, parfois, autour d'un problème particulier - comme la directive dite « Bolkestein » - une sorte de frénésie s'empare de la société politique française alors même que l'Union européenne a abordé la question depuis plusieurs mois et qu'il aurait été plus efficace et plus sérieux de s'attaquer au problème en cause dès son émergence au plan communautaire. Entre ces deux attitudes - l'apathie ou le tumulte - il est possible d'ouvrir une nouvelle voie. L'Europe ne doit pas être considérée comme un objet étranger voire étrange, un sujet relevant des relations internationales pour lesquelles l'exécutif disposerait d'une sorte de monopole, le Parlement demeurant à l'écart ou étant consulté avec parcimonie lorsque le Gouvernement y trouve son seul intérêt. Sans hésitation, les questions européennes relèvent aujourd'hui de notre politique interne. A charge pour nous, parlementaires, de nous en emparer au quotidien. C'était le sens de l'initiative prise par le Président de notre Commission, M. Edouard Balladur, l'an passé, à laquelle M. Hervé de Charette et votre Rapporteur se sont joints. Il s'agissait là d'une proposition de loi constitutionnelle déposée le 9 décembre 2004 qui avait pour objet de modifier les dispositions de l'article 88-4 de la Constitution du 4 octobre 1958 afin de donner à notre Parlement un droit d'initiative en matière européenne. Cette proposition a été reprise, quelques semaines plus tard, sous forme d'amendement au projet de loi constitutionnelle adopté préalablement à la soumission du traité constitutionnel européen au peuple français. Cette proposition est née du constat porté sur les moyens dont notre Parlement dispose pour intervenir dans les affaires européennes. Rappelons rapidement les différentes étapes qui ont abouti aux dispositions actuelles de l'article 88-4 de la Constitution. En 1992, avant la ratification du traité de Maastricht, le Constituant a prévu que, désormais, le Gouvernement aurait l'obligation de soumettre au Parlement les propositions ou les projets d'actes européens comportant des dispositions de nature législative. C'est l'article 88-4, adopté d'ailleurs par voie d'amendement parlementaire. Puis en 1999, avant la ratification du Traité d'Amsterdam, cet article a été complété par une disposition qui permet - mais c'est une simple faculté - au Gouvernement de soumettre aux assemblées tout projet ou proposition d'acte ou tout document émanant d'une institution de l'Union européenne, qui ne comporterait pas de dispositions de nature législative. Rien n'oblige cependant le Gouvernement à soumettre aux assemblées ces projets ou ces documents qui peuvent parfois revêtir une grande importance. Dans les deux cas, que la transmission ait été obligatoire ou facultative, les assemblées peuvent voter une résolution - c'est là la question essentielle - et exprimer ainsi leur point de vue si une majorité se dégage à cet effet. Une résolution n'est pas contraignante pour le Gouvernement, comme le Conseil Constitutionnel l'a jugé dans sa décision n° 92-314 DC du 17 décembre 1992. Cet état du droit n'est pas cependant totalement satisfaisant pour deux raisons. Certains documents qui ne relèvent pas de la catégorie de ceux obligatoirement soumis par le Gouvernement aux assemblées peuvent ainsi échapper au Parlement qui ne pourra pas s'exprimer par le vote d'une résolution. En second lieu, on peut s'interroger sur la pertinence d'un dispositif qui ne donne au Parlement aucun droit d'initiative puisqu'il doit attendre la soumission des projets ou des documents européens par le Gouvernement pour pouvoir réagir par un vote. Ne serait-il pas judicieux que le Parlement puisse se saisir lui-même des questions sans demeurer passif ? La distinction entre documents devant être obligatoirement soumis au Parlement selon la procédure de l'article 88-4 de la Constitution et ceux qui ne le sont pas a fait l'objet de critiques justifiées, tant en 1992 qu'en 1999. Deux critères permettent d'opérer un tri entre ces types de documents européens. Pour être nécessairement soumis au Parlement, un document européen doit, d'une part, être « une proposition ou un projet d'acte » des Communautés européennes ou de l'Union européenne et, d'autre part, « contenir des dispositions de nature législative ». Au regard du premier critère, ne constituent pas, par exemple, des « projets ou propositions d'actes » les rapports ou documents appelés livres blancs ou livres verts qui exposent, à un moment donné, l'état de la réflexion communautaire sur un sujet. Les livres blancs publiés par la Commission sont des documents contenant des propositions d'action communautaire dans un domaine spécifique. On peut citer les livres blancs sur l'achèvement du marché intérieur, sur « la croissance, la compétitivité et l'emploi » ou encore sur le « rapprochement des législations des Etats associés d'Europe centrale et orientale dans les domaines touchant au marché intérieur ». Lorsqu'un livre blanc est accueilli favorablement par le Conseil, il peut alors conduire, le cas échéant, à un programme d'action de l'Union dans le domaine concerné. Les livres verts sont, quant à eux, publiés par la Commission afin de stimuler une réflexion et de lancer une consultation au niveau européen sur un sujet particulier. Ces documents sont importants car ils portent sur des sujets souvent essentiels et sensibles comme, entre autres, les marchés publics et les partenariats public-privé (2004) ou la reconnaissance mutuelle et l'exécution des sanctions pénales dans l'Union européenne (2004). Les thèmes contenus dans ces livres blancs ou verts font souvent l'objet ensuite de projets d'actes européens qui, eux, devront être nécessairement soumis au Parlement français en application de l'article 88-4. Mais tout l'intérêt de l'intervention des assemblées des Etats membres en matière européenne est d'influencer les réflexions communautaires le plus en amont possible. C'est pourquoi il peut être fort utile - y compris pour aider le Gouvernement à négocier - que les assemblées françaises puissent être saisies de ces documents européens au plus tôt, au stade des livres blancs et des livres verts. C'est lors de la définition des grandes orientations européennes que l'action parlementaire peut être la plus efficace. Le Gouvernement n'est pas davantage tenu de soumettre aux assemblées les « communications » de la Commission qui - on l'a vu sur l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie en 2004 - peuvent être très importantes. C'est aussi par de telles communications que la Commission avait présenté des propositions en février 2004 intitulée « Construire notre avenir commun. Défis politiques et moyens budgétaires de l'Union élargie 2007-2013 », consacrées aux perspectives financières pour la période 2007-2013. Ne figurent pas non plus dans la catégorie des projets d'actes obligatoirement soumis aux assemblées les accords interinstitutionnels conclus entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission. De tels accords sont ainsi intervenus en 1988 et 1993 pour fixer des règles de discipline budgétaire et un plafonnement des ressources financières des Communautés et de l'Union. Aux termes de la jurisprudence du Conseil d'Etat telle qu'elle est décrite dans la circulaire du Premier ministre du 13 juillet 1994 relative à ces questions, de tels projets d'accords ne constituent pas des projets d'actes au sens de l'article 88-4 de la Constitution ; dès lors, le Gouvernement n'est pas contraint de les transmettre. On a d'ailleurs pu assister par le passé à des attitudes contradictoires de la part du Gouvernement ainsi qu'à des évolutions de jurisprudence. Le Gouvernement a refusé de transmettre en 1994 les propositions de révision des perspectives financières de la Communauté afin de prendre en compte l'élargissement à la Suède, l'Autriche et la Finlande. En revanche, en 1996, il a transmis les nouvelles propositions de révision des perspectives financières qui, pourtant, se fondaient sur le même accord interinstitutionnel. Un second critère permet de distinguer ce qui doit être soumis au Parlement au titre de l'article 88-4 et ce qui ne doit pas l'être ; c'est celui de la nature législative ou non des dispositions contenues dans les projets ou propositions d'actes communautaires. Il a souvent été jugé contestable. Tout d'abord, il peut sembler étrange que l'on applique au contrôle des textes européens une distinction entre domaine législatif et réglementaire qui n'a pas la même signification en droit communautaire. Il est tout aussi curieux que l'on respecte avec autant de rigueur un critère qui, au plan interne, n'est plus aussi strictement observé. Depuis la décision du Conseil constitutionnel n° 82-143 DC du 30 juillet 1982, dite « Blocage des prix », la loi peut contenir des dispositions de nature réglementaire sans encourir la censure de la haute juridiction. Depuis, les Gouvernements successifs n'ont jamais manqué d'introduire dans leurs projets de loi des règles qui auraient trouvé leur place naturelle dans un décret. Pourquoi, dès lors, s'arc-bouter sur la distinction entre les domaines législatif et réglementaire pour ce qui est des textes européens ? On doit constater, par ailleurs, que le tri entre les projets ou propositions d'actes contenant ou non des dispositions législatives n'est pas toujours effectué dans la plus grande des clartés. Dans la masse des documents dits documents « E » transmis par le Gouvernement au Parlement, la distinction n'est pas faite clairement et les critères employés par l'exécutif, en s'appuyant sur l'expertise du Conseil d'Etat, pour opérer cette distinction apparaissent souvent opaques ou critiquables. Le Conseil d'Etat a ainsi estimé que les matières qui, relevant de la loi, avaient été déléguées par le législateur au pouvoir réglementaire - comme les « règles prudentielles » applicables aux établissements de crédit, par exemple - devaient être considérées comme échappant désormais au domaine législatif. Dès lors, les projets d'actes européens relevant de cette matière ne devaient pas être nécessairement soumis aux assemblées. La question de la fixation des prix agricoles a été également l'objet d'une polémique dans les années quatre-vingt dix. Dans un avis du 22 février 1994, le Conseil d'Etat a considéré que la fixation des prix agricoles n'entrait pas dans le champ des dispositions de nature législative. Le Gouvernement a alors refusé de soumettre aux assemblées les propositions européennes relatives à la fixation des prix agricoles pour la campagne 1994-1995. Pour ce qui est des conventions internationales signées par l'Union avec des Etats tiers, la soumission des projets aux assemblées est fonction du contenu de ces traités. Si elles relèvent des domaines mentionnés à l'article 53 de la Constitution pour lesquelles une loi autorisant la ratification est nécessaire, elles sont alors obligatoirement transmises aux chambres. A partir de ces différents éléments, il nous semble que le Gouvernement dispose donc d'un pouvoir doublement discrétionnaire. Il peut ou non adresser au Parlement les actes ou documents ne comportant pas de dispositions législatives. Mais surtout il a le pouvoir, compte tenu de l'opacité de la procédure administrative préalable à une éventuelle transmission, de ranger dans la catégorie des documents non obligatoirement transmissibles certains actes qui pourraient l'être cependant, sans qu'aucun contrôle ne s'exerce sur ce choix, ni politique, ni juridictionnel. Le Sénateur Haenel estimait, pour sa part, dans un rapport récent que sur 1000 documents européens identifiés par an, seulement 250 étaient transmis par le Gouvernement en application de l'article 88-4. Sans doute, un bon nombre des 750 documents non transmis étaient sans grand intérêt mais certainement pas leur totalité. Déposée en décembre 2004, la proposition de MM. Balladur, de Charette et votre Rapporteur entendait donc remédier à cette situation en redonnant au Parlement un droit d'initiative. Il s'agissait très simplement de permettre aux présidents des assemblées, des commissions et à soixante députés ou soixante sénateurs, de demander et d'obtenir la transmission de tout document européen sur lesquels ils souhaiteraient s'exprimer, le cas échéant, par le vote d'une résolution. Il a semblé aux auteurs de cette proposition que la construction communautaire avait eu pour effet de donner compétence à l'Europe dans de nombreux domaines qui relevaient auparavant de la loi française. En outre, ce droit communautaire de plus en plus étendu s'impose au droit national. Dès lors, des domaines sans cesse plus nombreux qui affectent quotidiennement la vie de nos concitoyens, de nos entreprises, de nos administrations, échappent au pouvoir législatif français. Il importe donc de soumettre les organes européens à un contrôle émanant d'institutions proches des citoyens. Comme le soulignait le Président Balladur dans son article « Europe : pour un meilleur contrôle parlementaire », publié dans Le Figaro le 5 janvier 2005, « les Parlements nationaux sont les mieux à même d'assumer cette fonction ». Après une discussion parlementaire serrée, l'amendement en question voté par la Commission des Affaires étrangères a été repoussé par la Commission des Lois ainsi qu'en séance plénière. Reste que cette question de l'intervention du Parlement dans les questions européennes a été au cœur du débat constitutionnel de 2005 et que le Premier ministre de l'époque, M. Jean-Pierre Raffarin, avait pris l'engagement solennel de prendre une circulaire qui ouvre plus largement la voie à la soumission par le Gouvernement aux assemblées du plus grand nombre de textes possible émanant des institutions européennes. A notre connaissance, cette circulaire n'a hélas jamais vu le jour. Mais l'échec du référendum nous donne raison plus encore a posteriori. Les Français ont eu, pour beaucoup d'entre eux, le sentiment qu'on voulait les priver d'une forme de droit de regard vis-à-vis de la politique européenne ; on a eu tort de ne pas tenir suffisamment compte de cet état de l'opinion. Ce rendez-vous manqué de la démocratie européenne et française l'est d'autant plus que le Traité constitutionnel comportait lui aussi certaines stipulations reconnaissant aux Parlements nationaux un pouvoir d'évocation concernant les projets d'actes européens pour assurer, en particulier, le respect du principe de subsidiarité. L'échec du traité fait tomber ce pan très utile de la réforme institutionnelle et fait regretter plus encore la pusillanimité du pouvoir constituant. Certains proposent évidemment des solutions alternatives pour améliorer le rôle du Parlement français. C'est le cas de notre collègue Michel Herbillon dans le rapport précité. Il suggère d'organiser un débat en séance publique avant et après chaque réunion du Conseil européen, de former les parlementaires français à Bruxelles, de leur adresser une lettre du Gouvernement d'information sur l'Europe, de transformer les délégations pour l'Union européenne du Sénat et de notre Assemblée en commissions permanentes non législatives, de renforcer les liens entre parlementaires français et européens, d'instaurer des journées parlementaires sur l'Europe. Toutes ces propositions peuvent avoir leur utilité. Reste que le Parlement ne peut s'exprimer clairement qu'en agissant conformément à sa vocation, c'est-à-dire en votant. Tout le reste n'est qu'accessoire. Tant que le Gouvernement pourra décider de soumettre ou non certains documents européens selon son seul bon plaisir, empêchant ou autorisant de ce fait le Parlement à s'exprimer par le vote d'une résolution, nous ne pourrons pas jouer un rôle actif en matière européenne. Que des présidents d'assemblée ou de commission, que soixante députés ou soixante sénateurs puissent ainsi enclencher la procédure de résolution en réclamant la soumission d'un document européen imposera aux parlementaires une réelle vigilance et partant, une implication constante dans les questions européennes. Nous en sommes persuadés. C'est la conviction de votre Rapporteur qui ne doute pas que le débat constitutionnel de 2005 aura constitué les prémices d'une réforme qui, d'ici quelques années, apparaîtra des plus naturelles. La question de l'élargissement et en particulier les négociations avec la Turquie seront d'ailleurs l'occasion d'éprouver l'implication des parlementaires et la volonté des gouvernements successifs de faire de l'Europe un enjeu démocratique, faute de quoi la réaction des Français risque d'être à la hauteur de celle du 29 mai 2005. 2) Un nouvel élargissement pour quoi faire ? Le risque de la fuite en avant a) Les dimensions de l'Europe : le nœud gordien S'il est nécessaire que les Européens et les Français en particulier ne se détournent pas de l'Union, cet objectif primordial ne pourra être atteint que si cette Union à vingt-cinq et bientôt à vingt-sept réussit à s'organiser plus efficacement. Une condition doit être respectée pour ce faire. L'Union européenne ne doit pas s'étendre à l'infini sous peine de perdre sa substance et de trahir sa vocation. Après l'élargissement massif de 2004, dont on a sans doute mal apprécié l'impact institutionnel, financier et psychologique, il est temps de marquer une longue pause pour permettre à l'Union de mieux se structurer et d'absorber le choc que constitue l'intégration de 80 millions d'habitants (110 millions avec la Roumanie et la Bulgarie). C'est d'ailleurs ce que le Conseil du 3 octobre dernier a pris en compte en mentionnant que, parmi les conditions qui devaient être remplies pour que la Turquie nous rejoigne, figurait la capacité d'absorption de l'Union européenne. Car la question des dimensions de l'Union est bien, de manière plus ou moins sous-jacente, à l'origine de toutes les secousses qui agitent l'Union européenne. La campagne référendaire et les slogans portant sur « le plombier polonais » - sorte d'archétype qui concentre le mépris de l'autre, le fantasme de l'invasion, la culture du repli sur soi - ont montré que les populations des anciens Etats membres et parmi eux, les citoyens français n'avaient peut-être pas encore intégré cette nécessaire solidarité européenne qui doit naturellement unir les pays fondateurs de l'Europe avec les nouveaux membres. De même, la question turque a témoigné à la fois de l'intérêt de nos concitoyens pour le débat sur l'élargissement de l'Union mais aussi de leur profonde méfiance à l'égard d'un mouvement qui les inquiète sans doute à juste titre. Nous ne pouvons aujourd'hui accueillir un pays aussi grand et au niveau de vie encore trop éloigné du nôtre sans déséquilibrer profondément l'Europe. De la dimension de l'Europe peut dépendre l'avenir même de l'Union qui deviendra soit un espace dilué, sans volonté, grand marché associé à un vaste forum politique, soit une entité plus structurée capable de peser au plan international et de mener des actions concrètes. Compte tenu de la taille actuelle de l'Union, on peut craindre que nous ne soyons à mi-chemin entre ces deux hypothèses. Pour autant, cette situation ne doit ni nous décourager ni justifier une fuite en avant au motif que, puisqu'une Union efficace et cohérente est un objectif qui s'éloigne, autant s'ouvrir plus largement encore, pour gagner en taille ce que nous aurions perdu en intensité. De ce point de vue, les propositions concrètes faites par le Président Edouard Balladur dans son rapport intitulé : L'Europe : unité et diversité 1 nous semblent de nature à répondre à cette problématique. Il s'agit de préserver l'acquis communautaire autour d'une Union de droit commun, à vingt-cinq ou vingt-sept membres, tout en améliorant le fonctionnement au mieux des institutions européennes sans remettre en débat le traité constitutionnel européen, ce qui serait une tâche vaine. Il est possible de créer une présidence stable de l'Union, de nommer un ministre des Affaires étrangères et d'instituer le service diplomatique qui l'épaulera, d'adopter une déclaration des valeurs européennes. Il s'agit également de mettre en place des « coopérations spécialisées », alternatives aux « coopérations renforcées » qui, elles, sont enserrées dans des procédures communautaires rigides et, somme toute, peu praticables. Les « coopérations spécialisées » engagées par plusieurs pays, différents selon les domaines - la défense, la sécurité, la recherche...- et qui souhaiteraient faire avancer l'Europe sans esprit de système, avec pragmatisme, permettraient de constituer des cercles dynamiques au cœur même de l'Union pour que celle-ci progresse. Il s'agirait enfin d'organiser avec nos principaux voisins un cercle de confiance avec la conclusion de contrats de partenariats privilégiés. Ces contrats bâtis autour d'un socle commun - la démocratie, l'Etat de droit - et variés pour le reste dans leur contenu, selon les pays, constitueraient un préalable à toute adhésion nouvelle ou un aboutissement pour les pays ne souhaitant pas adhérer à l'Union. Selon nous, un tel contrat de partenariat privilégié devrait s'appliquer à tous les nouveaux candidats à l'adhésion, y compris à la Turquie et à la Croatie, mais aussi à terme à l'Ukraine ou à la Serbie, par exemple. Ces propositions nous paraissent pouvoir concilier les deux idées, aujourd'hui courantes, que sont l'Europe espace et l'Europe puissance. Mais la condition pour réussir cette conciliation est avant tout de laisser à l'Europe le temps dont elle a besoin pour se réorganiser et réfléchir à sa vocation profonde. On a souvent dit que, pour survivre, l'Europe avait besoin d'être perpétuellement en mouvement. Nous ne sommes plus persuadés que cette maxime est aujourd'hui avérée. L'heure n'est plus à la frénésie aveugle, au mouvement pour le mouvement ; elle est à la réflexion et à l'action qui doit s'ensuivre. b) Les élargissements en cours : achever le processus d'intégration de la Roumanie et de la Bulgarie Nous devons cependant en terminer avec les procédures d'adhésion qui ont presque abouti, celles concernant la Roumanie et la Bulgarie. C'est en 2000 que la Bulgarie et la Roumanie ont entamé leurs négociations d'adhésion avec l'Union européenne. Ces deux pays ont vocation à entrer dans l'Union le 1er janvier 2007 si les conditions fixées dans les traités d'adhésion sont réunies. Les négociations avec ces deux pays ont été conclues le 14 décembre 2004 et se sont traduites par la signature, le 25 avril 2005, du traité d'adhésion. Il est en cours de ratification par les divers Etats membres. Toutefois, lors de la clôture des négociations, la Bulgarie et la Roumanie ont dû souscrire à une clause de « monitoring » renforcé, pour reprendre la terminologie anglo-bruxelloise, qui autorise la Commission à proposer le report d'un an de l'adhésion si des difficultés sérieuses transparaissent dans les préparatifs d'adhésion d'ici à 2007. Dans cette hypothèse, le Conseil devra statuer à l'unanimité sur la base de la recommandation de la Commission. Dans ce cadre, la Commission a envoyé, début juin 2005, à Bucarest et à Sofia, une lettre d'avertissement précoce concernant des domaines pour lesquels ces pays connaissent des retards patents dans les réformes. Pour la Roumanie, sept volets étaient concernés : le régime d'imposition, les droits de propriété intellectuelle, l'agriculture, les acquisitions publiques, les aspects juridiques liés à la lutte contre la corruption, l'environnement et la concurrence. Ces questions ne manquent pas d'être préoccupantes et la situation politique roumaine actuelle, qui est des plus confuses, ne laisse pas présager une entrée sereine de ce pays dans l'Union européenne. De ce point de vue, votre Rapporteur tient à exprimer son souci de voir les conditions d'adhésion de la Roumanie scrupuleusement respectées par ce pays. Nous devons être particulièrement vigilants dans les mois qui viennent. Le Parlement devra exercer son droit de regard et le Gouvernement rendre compte de l'état réel de ce dossier. Pour la Bulgarie, cinq domaines sont concernés par la lettre d'avertissement de la Commission : l'agriculture, l'environnement, la réforme du système judiciaire, les droits de propriété intellectuelle et les services. Nous devrons adopter à l'égard de la Bulgarie la même rigueur que vis-à-vis de la Roumanie. La prochaine étape importante se déroulera dans quelques jours avec la publication le 25 octobre 2005 des rapports sur la Bulgarie et la Roumanie par la Commission. Ils auront un rôle essentiel quant à la décision d'une adhésion définitive au 1er janvier 2007 ou d'un report d'un an de celle-ci. c) L'état des négociations avec la Turquie et la Croatie Pour les partisans de l'entrée de la Turquie dans l'Union, une promesse aurait été faite à ce pays en 1963, lors de la signature de l'accord d'association entre ce qui était alors la Communauté et la Turquie. Celle-ci aurait vocation à intégrer l'Union. Votre Rapporteur ne partage pas ce point de vue. Après de nombreux soubresauts politiques, la Turquie s'est vu reconnaître le statut de pays candidat en 1999 lors du Conseil européen d'Helsinki. Le 6 octobre 2004, la Commission européenne a émis un avis favorable à l'ouverture des négociations d'adhésion avec cet Etat, avis qui n'a d'ailleurs jamais été soumis à l'Assemblée nationale par le Gouvernement au titre de la procédure de l'article 88-4. La Commission constatait dans son rapport que la Turquie avait réalisé des progrès en vue d'atteindre les critères dits de Copenhague. Sur la base de cette recommandation de la Commission, le Conseil européen du 17 décembre 2004 a décidé d'ouvrir les négociations avec la Turquie le 3 octobre 2005. Là encore, les conclusions du Conseil n'ont pas été soumises au Parlement français. On sait que, le 3 octobre dernier, la décision a été prise par le Conseil européen d'ouvrir les négociations avec ce pays. Un « cadre de négociation » constituera la référence à laquelle se conformer tout au long des discussions entre tous les Etats membres de l'Union et la Turquie. Car les négociations impliqueront chacun des pays membres. Trente-cinq domaines ou chapitres feront l'objet d'un examen précis au cours des dix ou quinze années à venir. Parmi eux on trouve la libre circulation des biens, des travailleurs ou du capital, la fiscalité, la justice, les libertés et la sécurité, la sécurité sanitaire, etc. La Turquie devra respecter scrupuleusement ce cahier des charges. Un intérêt particulier devra être porté, comme chacun le sait, à la question des droits de l'homme, de la démocratie, du respect du droit des minorités, de l'égalité entre les femmes et les hommes mais également - sujets qui ont particulièrement retenu notre attention ces derniers temps - la reconnaissance du génocide arménien et celle de la République de Chypre. Il va de soi que, sur ces deux derniers points - les plus critiques aujourd'hui - l'intransigeance européenne devra être totale. On peut difficilement accepter ainsi que la Turquie nie l'existence d'un génocide dont elle fut responsable et ne reconnaisse pas l'un des membres de l'Union avec lequel elle va pourtant négocier. La signature, le 29 juillet 2005, du protocole additionnel à l'accord d'association intégrant dans l'union douanière entre l'Union européenne et la Turquie les dix nouveaux Etats membres a montré qu'un long chemin restait à parcourir puisque les autorités turques ont jugé bon d'assortir cette signature d'une déclaration unilatérale précisant qu'elle ne valait pas reconnaissance de la République de Chypre. La promesse prétendument faite en 1963 n'était nullement celle d'intégrer une Union politique. L'idée à l'époque était d'ouvrir, à long terme, le marché économique européen à la Turquie. Depuis plus de quarante ans, l'Europe a changé de visage et, si la Turquie a progressé, reste à démontrer l'intérêt que l'Europe pourrait trouver à une telle adhésion. En tout état de cause, rien n'est joué aujourd'hui. Si la Turquie ne réussit pas à satisfaire à toutes les conditions imposées par l'Union ou - point essentiel - si l'Europe estime qu'elle n'est pas en mesure d'absorber ce vaste pays, notamment pour des raisons institutionnelles ou financières, il appartiendra, comme le prévoit fort judicieusement le « cadre de négociation » approuvé le 3 octobre dernier, d'établir le lien le plus fort possible entre l'Europe et la Turquie, autrement dit : un partenariat privilégié. L'histoire dira ce qu'il adviendra. L'essentiel est de saisir que la logique de ces négociations n'est pas binaire : l'adhésion ou le rejet. La troisième hypothèse, celle du partenariat privilégié, demeure. Parallèlement, l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Croatie a suscité moins de commentaires, même si elle n'a pas manqué d'en étonner plus d'un. La Croatie avait déposé sa demande d'adhésion en février 2003. Le statut de candidat lui a été formellement reconnu en juin 2004 par le Conseil européen. L'Union a signé avec ce pays un accord de stabilisation et d'association, généralement interprété comme un préalable à l'adhésion. Lors du Conseil européen de décembre 2004, un calendrier a été arrêté avec une ouverture des négociations au 17 mars 2005. Mais, à cette date, il est apparu que la coopération de la Croatie avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie n'était pas satisfaisante. Le général Ante Gotovina demeurait en fuite depuis son inculpation, en 2001, de crimes de guerre commis contre des Serbes de Croatie, ce pays ne mettant pas tout en œuvre pour permettre son arrestation. Après des déclarations pessimistes, il y a quelques jours, qui auguraient mal de la suite du processus d'adhésion pour la Croatie, le procureur du TPI pour l'ex-Yougoslavie a déclaré que cet Etat coopérait pleinement avec le tribunal depuis quelques semaines, levant ainsi fort opportunément l'obstacle qui s'opposait à l'ouverture des négociations d'adhésion. Acte doit être pris de cette déclaration et de la décision qui a suivi. Néanmoins et même si l'enjeu que représente l'entrée de la Croatie n'est en rien comparable à celui de l'adhésion de la Turquie, la vigilance du Parlement français sera nécessaire tout au long des négociations. A côté de l'élargissement, la question des perspectives financières pour la période 2007-2013 a suscité toutes les attentions. Elle est essentielle, car elle porte en elle toutes les contradictions de l'Union aujourd'hui. De sa résolution dépend la capacité de l'Europe à progresser dans les dix ans à venir. B - Quels moyens financiers pour l'Union européenne après 2007 ? L'adoption de perspectives financières pour la période 2007-2013 n'est pas une obligation contenue dans les traités européens. Il s'agit d'une pratique selon laquelle le Conseil, le Parlement et la Commission s'accordent sur une programmation budgétaire afin d'éviter que chaque année l'Union ne se perde dans des négociations sans fin qui paralyseraient son fonctionnement. Le traité constitutionnel avait prévu d'institutionnaliser cette pratique désormais coutumière. On sait le sort qui a été réservé à ce texte. Ajoutons que faute d'adoption des perspectives financières pour 2007-2013 en 2006, la programmation des crédits européens sera difficile, notamment pour les dépenses relevant de la politique régionale. Les nouveaux Etats membres seront les premiers à en pâtir. Si l'Union pourra toujours adopter un budget pour 2007 en se référant à celui de 2006, il est clair que cela ne constituerait pas le scénario idéal. 1) Bref retour sur d'âpres négociations a) Les propositions initiales de la Commission européenne : des prétentions excessives C'est en février 2004 que la Commission européenne a diffusé une première communication relative aux perspectives financières pour la période 2007-2013 ; puis elle a établi des propositions législatives en juillet 2004, qui ont servi de base ensuite aux discussions. La position de la Commission reposait sur un choix : celui de voir le budget européen augmenter fortement à l'horizon 2013. Elle proposait qu'il atteigne 1,27 % du RNB de l'Union européenne ce qui correspondrait à une évolution de + 30 % en volume par rapport à 2006. Cela devait représenter un budget de 1,26 % du RNB de l'Union européenne en moyenne sur 2007-2013, soit 1 024 milliards d'euros en prix 2004 sur la période. Les pays membres, les présidences successives de l'Union et le Parlement européen - qui est cosignataire de l'Accord interinstitutionnel avec le Conseil et la Commission - sont ensuite intervenus dans la discussion, réagissant aux positions de la Commission. b) Les premières réactions à ces propositions : une critique généralisée Au second semestre 2004, la présidence néerlandaise a montré que ces propositions de la Commission n'étaient pas susceptibles de recueillir l'accord des vingt-cinq Etats membres. Il faut rappeler que, dès le premier semestre 2004, sous présidence irlandaise, six pays et non des moindres - Allemagne, Autriche, France, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède - avaient fait connaître leur opposition aux propositions de la Commission en faveur d'une forte croissance du budget européen. Ils demandaient, au contraire, la stabilisation du budget à 1 % du RNB de l'Union européenne. Sous la présidence néerlandaise, les Six s'en tinrent à leur position antérieure du 1 % ce qui correspondait à un budget de 815 milliards d'euros sur la période. Certains d'entre eux comme les Pays-Bas, la Suède ou le Royaume-Uni proposèrent même de fixer le montant du budget à un niveau inférieur. Le Danemark, la Finlande, la Slovénie, l'Irlande, Chypre et la Belgique déclaraient, pour leur part, pouvoir se satisfaire d'un budget compris entre 1 et 1,15 % du RNB de l'Union européenne. La plupart des nouveaux Etats membres se montrèrent ouverts à une révision à la baisse des propositions de la Commission pourvu que les crédits destinés à la politique de cohésion n'en pâtissent pas. Fin 2004, la présidence néerlandaise obtint la définition de quelques lignes directrices minimales alors que les débats préalables au Conseil européen mirent en évidence trois points de discussion majeurs : La politique agricole commune et le respect des accords de Bruxelles d'octobre 2002, qui prévoient une enveloppe de 293 milliards d'euros pour les dépenses agricoles de marché et les aides directes de l'Union européenne à vingt-cinq sur la période 2007-2013. Les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède, ont alors marqué leur souhait de financer sous ces plafonds l'élargissement agricole à la Bulgarie et à la Roumanie pour un montant de 8 milliards d'euros. La politique de cohésion : là encore, le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou la Suède se sont interrogés sur l'opportunité de maintenir une politique de cohésion dans les pays dits « riches » de l'Union, qui sont en mesure de financer la solidarité interrégionale sur leur propre budget ; l'Allemagne a exprimé ses réserves sur l'intérêt de voir l'Union intervenir substantiellement en dehors des zones les plus défavorisées, c'est-à-dire dans le cadre de l'« objectif 2 » ; la France est, quant à elle, attachée à la préservation de cet objectif au sein de la politique de cohésion. La question du financement de l'Union européenne est apparue enfin comme une pierre d'achoppement entre les Etats membres en raison de l'augmentation continuelle du rabais britannique alors que les contributeurs nets les plus importants comme l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède ont appelé à une nouvelle répartition des contributions. c) La position du Parlement européen : plus raisonnable en apparence Le Parlement européen a mis rapidement en place une commission chargée d'étudier la question des défis politiques et des moyens budgétaires de l'Europe élargie. Dirigée par le Président du Parlement européen Josep Borrell lui-même, cette commission avait pour charge de définir les priorités politiques du Parlement européen et de proposer une structure pour les perspectives financières et une estimation des ressources financières de l'Union européenne pour la période 2007-2013. Le Rapporteur de la commission temporaire, le député démocrate-chrétien allemand Reimer Böge, a présenté la recommandation du Parlement européen. Il ressort clairement de ce texte que l'élargissement constitue le principal défi européen pour les années à venir et que la solidarité européenne devra jouer pour permettre aux nouveaux Etats membres de rattraper leur retard structurel sur les régions les plus avancées ; les « politiques d'avenir » sont également affirmées comme une priorité du prochain cadre financier par le Parlement européen qui plaide pour un financement important de la recherche au plan européen et un programme « ambitieux » en matière d'éducation et d'innovation afin de stimuler la croissance et la compétitivité de l'Europe ; enfin, le rapport de M. Böge propose une politique de voisinage également « ambitieuse » afin d'affirmer le rôle de l'Union européenne dans le monde. Le 8 juin 2005, le Parlement européen a adopté à une large majorité (426 voix pour, 140 contre et 122 abstentions) ce rapport. Le Parlement européen propose un budget total pour la période 2007-2013 de 975 milliards d'euros en crédits d'engagement (en prix 2004), soit 1,18 % du RNB de l'Union européenne et 883 milliards d'euros en crédits de paiement (en prix 2004), soit 1,07 % du RNB de l'Union européenne. Cette proposition semble donc en deçà de celle présentée par la Commission européenne. Il ne faut pas cependant se contenter de cette première appréciation d'ensemble. En effet, au motif de préserver une plus grande flexibilité dans le fonctionnement de l'Union, le Parlement européen a choisi de ne pas insérer dans ce cadre financier le Fonds européen de développement (FED) qui représente 21,87 milliards d'euros. Le Parlement propose également la constitution de réserves hors du périmètre de ce cadre pour faire face à des situations imprévues et faciliter l'adaptation économique de l'Union européenne dans le domaine de la compétitivité. De la sorte, en raisonnant à périmètre comparable, les dépenses proposées par le Parlement européen se situeraient à un niveau proche de celui proposé par la Commission ; l'écart ne serait que de - 0,01 % du RNB, soit 10 milliards d'euros d'économies nettes seulement sur un paquet financier de l'ordre de 1 000 milliards d'euros sur sept ans. Examinons comment le Parlement européen propose de répartir cette masse budgétaire entre les différentes rubriques du cadre financier. Le Parlement propose un budget de 459 milliards d'euros pour la rubrique 1 « Compétitivité et cohésion au service de la croissance et de l'emploi », consacrée, d'une part, aux dépenses en matière de recherche, de réseaux transeuropéens (RTE), d'enseignement et de formation, de politique sociale et, d'autre part, aux dépenses liées à la politique régionale. La rubrique 1a) qui porte sur la compétitivité pour la croissance et l'emploi est pour le Parlement européen une priorité des prochaines perspectives financières. C'est pourquoi il soutient globalement les propositions de la Commission en matière de recherche et de RTE. Pour la rubrique 1b) relative à la politique de cohésion économique et sociale, les propositions de la Commission sont reprises par les parlementaires européens qui prévoient d'affecter à cette politique une enveloppe représentant 0,41 % du RNB de l'Union européenne, soit 341 milliards d'euros. Le Parlement européen propose que la rubrique 2 « Préservation et gestion des ressources naturelles » atteigne un montant de 396,2 milliards d'euros. Elle permet de financer les dépenses agricoles de marché, le développement rural, la pêche et la protection de l'environnement. Le Parlement européen a pris clairement position contre toute renationalisation de la politique agricole commune même s'il envisage l'introduction progressive au sein de l'Europe des Quinze d'un cofinancement obligatoire des dépenses agricoles. Le Parlement européen y voit un moyen de faire face au surcoût lié à l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie qui est évalué à 8 milliards d'euros sur la période 2007-2013 en cas d'adhésion le 1er janvier 2007 sans relever le plafond de 293 milliards d'euros fixé pour l'Union européenne à vingt-cinq à Bruxelles en octobre 2002. Le Parlement européen semble même estimer que le cofinancement obligatoire des aides directes pourrait être un moyen d'aller au-delà des plafonds fixés à Bruxelles, en compensant l'effort de discipline financière - avec la dégressivité des aides directes - qu'imposent ces plafonds pour les agriculteurs de l'Union européenne à quinze. Il prévoit également que soit réservée une enveloppe financière de 21 milliards d'euros pour financer le programme Natura 2000 sur la biodiversité et la protection des habitats naturels. La rubrique 3 « Citoyenneté, liberté, sécurité et justice » bénéficierait, selon le Parlement européen, de 19,4 milliards d'euros de crédits, soit 1,3 milliard de plus que la Commission. Elle concerne principalement les politiques d'asile et d'immigration, les frontières extérieures, la sécurité, la justice et les droits fondamentaux, la santé, la protection des consommateurs, la culture et la jeunesse. La dernière rubrique intitulée « L'Union européenne comme acteur sur la scène mondiale » représenterait, selon les propositions du Parlement européen : 70,6 milliards d'euros soit 2,5 milliards d'euros de plus que la proposition de la Commission. Le Parlement européen a considéré que l'Union élargie aurait à mener une politique plus ambitieuse au-delà de ses frontières que ce soit en matière de préadhésion ou de politique de voisinage. Surtout, prenant le contre-pied de la Commission, le Parlement européen refuse la budgétisation du Fonds européen de développement (FED), moins pour des raisons de fond - le Parlement européen a été de longue date favorable à l'intégration du FED au budget communautaire - que pour éviter que cette intégration n'ait pour effet - si l'on raisonne à enveloppe fermée - de réduire le montant des autres programmes. En conclusion, on peut constater que la position adoptée par le Parlement européen n'est pas réellement plus rigoureuse que celle de la Commission. Si le montant proposé par le Parlement européen est de 975 milliards d'euros contre 1 024 milliards d'euros pour la Commission, cela s'explique par une approche différente du périmètre du budget de l'Union européenne. L'absence d'intégration du FED dans ce budget est loin d'être négligeable puisqu'elle correspond à 22 milliards d'euros pour la période ; il en est de même pour le Fonds de solidarité de l'Union européenne (6 milliards d'euros). Cette différence entre la proposition parlementaire et celle de la Commission s'explique aussi par des transferts de financement sur les budgets nationaux, comme par exemple pour les aides directes de la PAC. La position du Parlement européen n'apparaît pas comme un progrès significatif vers la position globale des Etats membres. Les propositions faites peu de temps après par la présidence luxembourgeoise l'ont montré largement et c'est en toute logique que le Parlement européen s'est opposé à cette offre de compromis. d) Les propositions de la présidence luxembourgeoise : un équilibre acceptable La présidence luxembourgeoise a conduit des négociations qui ont abouti à une position équilibrée. Malheureusement la position intransigeante du Royaume-Uni en juin dernier n'a pas permis de faire de ce compromis un accord entre les vingt-cinq. C'est le 19 mai 2005 que la présidence luxembourgeoise a proposé les premières données chiffrées pour les perspectives 2007-2013. Elle présentait un cadrage global compris entre 870 et 910 milliards d'euros pour la période, les propositions de la présidence se distinguant de celles de la Commission essentiellement sur les rubriques autres que la gestion des ressources naturelles (agriculture et développement rural) et la politique régionale. Pour les ressources propres de l'Union européenne, la Présidence luxembourgeoise a mis en avant deux principes : - la nécessité de stabiliser le « rabais britannique » au niveau antérieur à l'élargissement et d'engager sa diminution progressive ; - la nécessité de mesures temporaires financées par tous les Etats membres en faveur de ces pays souffrant au plan européen de déséquilibres budgétaires excessifs que sont l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède. Lors du conclave des ministres des Affaires étrangères le 22 mai 2005, est apparue la volonté du « Groupe des Six » de revoir à la baisse le cadrage de la présidence jugé encore trop élevé. Le Ministre britannique des Affaires étrangères, M. Jack Straw, fit savoir, à cette occasion, qu'une tentative de mise en cause du rabais britannique se verrait opposer un veto de la part de son gouvernement. A l'issue de ce conclave, la présidence luxembourgeoise diffusa une quatrième version de la « boîte de négociation », en mentionnant pour la première fois des chiffres précis. Le cadrage global proposé était de 870 milliards d'euros (FED non inclus). La présidence était également beaucoup plus précise concernant les recettes de l'Union européenne avec une proposition de plafonnement du chèque britannique à 4,7 milliards d'euros et l'octroi aux trois contributeurs nets les plus importants - l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède - d'une réduction du taux d'appel à la ressource TVA, dont le montant n'était pas encore précisé. Un deuxième conclave des ministres des Affaires étrangères, intervenu le 12 juin 2005, a permis de faire le point sur les positions des Etats membres à la veille du Conseil européen. Il faut constater que cette réunion ne se tenait pas dans les meilleures conditions alors que la France et les Pays-Bas venaient de rejeter le traité constitutionnel et qu'en Allemagne des élections générales étaient annoncées après le scrutin régional de Rhénanie du Nord-Westphalie du 22 mai. Quel bilan tirer de cette réunion ? Il est clair que les nouveaux Etats membres souhaitaient avant tout aboutir à un accord au Conseil européen de juin. Ce souhait était largement partagé par les autres pays, des divergences apparaissant cependant côté britannique, néerlandais et suédois. Ceux-ci s'avéraient mécontents face à un budget jugé encore trop élevé et profitant trop aux politiques traditionnelles de l'Union que ce soit la politique régionale ou agricole. Ces pays critiquaient également l'absence de solution, selon eux, à leur problème de contribution nette. Ce fut l'occasion pour le Royaume-Uni, par la voix de M. Jack Straw, de s'en prendre violemment à la politique agricole commune. A la veille de l'ouverture du Conseil européen, le 15 juin 2005, la Présidence luxembourgeoise diffusa une cinquième version de la « boîte de négociation ». Le cadrage global était ramené à 868 milliards d'euros (contre 870 dans la précédente version). Du côté des recettes, cette nouvelle proposition de compromis maintenait le gel du chèque britannique à son niveau précédent l'élargissement de 2004 soit 4,7 milliards d'euros, tout en précisant les modalités de ce mécanisme de gel. La présidence proposa enfin une ultime solution de compromis lors du Conseil européen des 16 et 17 juin 2005. Elle fixait le cadrage global à 871,5 milliards d'euros en prix 2004 pour la période 2007-2013 en crédits d'engagement, soit toujours 1,06 % du RNB de l'Union européenne. Cette réduction par rapport aux propositions de la Commission (environ 990 milliards d'euros hors FED et fonds de solidarité pour l'Union européenne) était rendue possible par 121 milliards d'euros de coupes, réparties de la manière suivante : - 50 milliards d'euros sur la rubrique 1a (« politiques de Lisbonne »), ramenée de 122 milliards d'euros à 72 milliards d'euros ; observons que même ramené à un tel niveau, ce poste représenterait une hausse d'un tiers par rapport au niveau 2006, à laquelle viendrait s'ajouter l'octroi de 10 milliards d'euros de financements pour la recherche et le développement au travers de la Banque européenne d'investissement ; - 22 milliards d'euros sur les rubriques 3 (« citoyenneté, liberté, sécurité, justice »), 4 (« l'Union européenne partenaire mondial ») et 5 (« administration ») ; - 22 milliards d'euros sur la rubrique 2 (« ressources naturelles »), au travers d'une économie de 13 milliards d'euros sur le développement rural et de 6 milliards d'euros sur la politique agricole commune (PAC) de marché qui serait ramenée de 301 milliards d'euros à 295 milliards d'euros grâce à l'inclusion sous les plafonds de Bruxelles des trois quarts du financement de l'élargissement agricole à la Bulgarie et à la Roumanie ; - 27 milliards d'euros sur la rubrique 1b (« politique régionale »), concernant essentiellement les dépenses des pays de l'Union européenne à quinze, soit une baisse de l'ordre de 8 % seulement par rapport aux propositions initiales de la Commission. Cette baisse réduite permettait de conserver un objectif 2 significatif et de limiter l'effort demandé sur leurs retours aux pays du Sud (Italie, Espagne, Portugal, Grèce) et aux Länder de l'Est de l'Allemagne. Le tableau suivant retrace le contenu des propositions luxembourgeoises.
Source : Conseil de l'Union européenne Notes : rubrique 3 hors fonds de solidarité de l'Union européenne ; rubrique 4 hors Fonds européen de développement ; l'ensemble des dépenses administratives a été regroupé au sein de la rubrique 5.
En matière de financement du budget, la proposition finale de la présidence luxembourgeoise comportait des avancées au profit des contributeurs nets les plus importants que sont le Pays-Bas et la Suède avec un taux d'appel TVA ramené à 0,10 % contre 0,30 % pour le taux « normal » ce qui aurait représenté un gain annuel net estimé respectivement à 470 millions d'euros et 200 millions d'euros. En outre, cette proposition prévoyait aussi un rabais forfaitaire annuel pour ces deux pays pour respectivement 210 millions d'euros et 105 millions d'euros sur la contribution versée au titre de la ressource RNB. Le Royaume-Uni s'est vu proposer un relèvement du plafonnement envisagé pour son « rabais » de 4,7 à 5,5 milliards d'euros ainsi qu'un changement de modalités de calcul. La présidence proposait d'exclure de l'assiette du rabais britannique les dépenses liées à l'élargissement, à l'exception des dépenses engagées au titre de la PAC de marché. Les Britanniques auraient donc continué à bénéficier à plein de leur rabais sur les dépenses intervenant dans les pays de l'Union européenne des quinze et sur toutes les dépenses au titre de la PAC de marché, politique qui selon le Royaume-Uni est la justification du « chèque britannique ». Cette proposition fut rejetée par cinq pays. Le Royaume-Uni s'est arc-bouté sur la question du chèque, refusant toute remise en cause de ce mécanisme pourtant obsolète. Ce pays a entendu justifier sa position et détourner l'attention sur le caractère anormal de ce rabais en attaquant vivement la structure du budget européen notamment la PAC dite « de marché », c'est-à-dire les aides directes et les soutiens aux marchés (on parle aussi de « premier pilier » de la PAC) et, dans une moindre mesure, la politique de cohésion. La Suède et les Pays-Bas ont soutenu le Royaume-Uni dans ses critiques sur la structure et le niveau jugé encore trop élevé du budget et ont estimé, contrairement à l'Allemagne, que la proposition de la présidence ne leur assurait pas un allègement suffisant de leur contribution nette. La Finlande a critiqué, pour sa part, les coupes sur la politique de cohésion et sur la recherche, ainsi que la complexité jugée excessive du mécanisme envisagé pour le financement de l'Union. Enfin, l'Espagne - bénéficiaire net - a pris date afin que les pays contributeurs nets ne constituent un « front du refus » qui aurait sans doute poussé les futures présidences de l'Union européenne à proposer une baisse plus importante encore du montant global du budget communautaire pour la période 2007-2013. Bien que les nouveaux Etats membres aient fait savoir qu'ils étaient prêts à consentir des sacrifices sur l'enveloppe qui leur était promise, la présidence luxembourgeoise n'a eu d'autre choix, devant l'inflexibilité britannique, que de constater l'absence d'accord. Une déclaration fut simplement intégrée aux conclusions du Conseil européen, demandant à la future présidence de « faire avancer les discussions en mettant à profit les progrès réalisés jusqu'à présent », tout en soulignant qu'il était « nécessaire en particulier de maintenir l'orientation et la dynamique données aux discussions par le biais du cadre de négociation élaboré à l'initiative de la présidence [luxembourgeoise] ». Depuis ce constat d'échec, nous nous trouvons dans cette situation paradoxale où la présidence de l'Union est assurée par le pays qui a refusé tout compromis. Le Royaume-Uni a procédé à de nombreuses consultations bilatérales au cours de l'été 2005 sans avancer pour l'heure de propositions concrètes, ce qui est regrettable. Votre Rapporteur estime que l'accord sur les perspectives financières 2007-2013 doit être trouvé sur le fondement du compromis proposé par la présidence luxembourgeoise autour de cinq priorités : le maintien des dépenses européennes à un niveau raisonnable ; le respect de la parole donnée sur les dépenses agricoles ; le maintien d'une politique régionale qui puisse bénéficier à toutes les régions qui en ont besoin ; l'engagement de l'Union dans une politique active en faveur des activités de recherche ; la révision du chèque britannique. 2) Quelles priorités pour les perspectives 2007-2013 ? a) Le maintien des dépenses européennes à un niveau raisonnable La France s'est engagée au côté de cinq autres de ses partenaires en faveur d'une limitation des dépenses européennes à hauteur de 1 % du RNB de l'Union. Cet objectif est raisonnable. A un moment où l'on exige des Etats membres une plus grande rigueur budgétaire, en particulier au sein de la zone euro, on comprendrait mal que l'Union se laisse aller à une augmentation inconsidérée de ses dépenses. Avec un tel montant, l'Union pourrait disposer des moyens suffisants pour assurer ses missions. Ajoutons que, sur la période, la fixation d'un plafond proche de 1 % du RNB de l'Union ne signifiera pas une stagnation des moyens puisque le RNB connaît, en principe, une progression. b) Le respect de la parole donnée en 2003 : les dépenses agricoles Il est de bon ton de critiquer la politique agricole commune. Les Britanniques ne s'en sont pas privés lors des négociations de juin dernier. Les reproches faits à cette politique qui est la plus ancienne des politiques communautaires sont pourtant injustes pour trois raisons. On ne peut tout d'abord oublier que la politique agricole commune est l'une des principales réussites de la construction européenne puisqu'elle a permis d'accroître la productivité agricole alors que l'Europe connaissait, au début des années soixante, un déficit en matière de production. Cette politique a contribué à la progression du niveau de vie dans le monde rural, à la stabilité des marchés, à la garantie des approvisionnements et au respect des besoins des consommateurs. En outre, la question de la production agricole est stratégique pour tout pays. L'autosuffisance alimentaire est un facteur d'indépendance évident. Que dire, de plus, de la nécessité de veiller à la qualité de notre production agricole. L'épizootie d'encéphalite spongiforme bovine qui est intervenue - rappelons-le - au Royaume-Uni où les menaces de grippe aviaire démontrent que nous devons nous préoccuper de l'agriculture qui, contrairement à ce que laissent entendre les critiques de la PAC, n'est pas une activité dépassée. Enfin, la PAC a fait l'objet d'une réforme profonde en 2002-2003 qui a suivi celle de 1992. Le Royaume-Uni, qui critique cette politique, semble l'avoir oublié alors même qu'il a signé avec nos autres partenaires l'accord de Bruxelles qui a arrêté cette réforme. Il est vrai que la politique agricole commune pèse encore particulièrement sur le budget de l'Union puisqu'elle représente plus de 40 % des dépenses européennes. Pour autant, la part de la PAC diminue de manière constante ; elle représentait près de 90 % du budget dans les années quatre-vingt et, au terme de la période concernée par la réforme, en 2013, elle correspondra à moins d'un tiers de ces dépenses. D'un point de vue qualitatif, les prix garantis et les interventions sur les marchés ne représentent plus que 20 % des financements de la politique agricole commune ; le reste est affecté au développement rural ou aux aides directes. Cet accord de 2002-2003 a réglé, en principe, le sort de la politique agricole commune jusqu'en 2013. Dans ces conditions, ce domaine ne devrait pas faire l'objet de nouvelles négociations dans le cadre des perspectives financières pour 2007-2013. Tel n'a malheureusement pas été le cas et, dès la fin 2004, certains Etats comme les Pays-Bas, la Suède ou le Royaume-Uni ont fait connaître leur volonté de voir les dépenses agricoles baisser en posant la question du financement des dépenses liées à l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie soit 8 milliards d'euros sur la période. L'impact de l'entrée de ces deux pays dans l'Union n'a pas été réglé formellement dans l'accord de 2002-2003. Considérer que ces 8 milliards devraient s'imputer dans l'enveloppe de 301 milliards d'euros prévus pour la période 2007-2013 conduirait mécaniquement à porter à 293 milliards d'euros les dépenses agricoles au bénéfice des exploitants des pays de l'Europe des Quinze. D'autres propositions ont été faites, par exemple par l'Italie, pour mettre en place un cofinancement national du premier pilier de la PAC, c'est-à-dire des aides directes et des soutiens aux marchés. Cette idée n'a pas trouvé d'écho favorable à la Commission ou à la présidence de l'Union mais elle a été reprise par le Parlement européen en juin 2005. Un tel cofinancement serait le point de départ du démantèlement de la politique agricole commune ce qui ne serait pas acceptable. Comme on l'a indiqué, le Conseil européen de juin 2005 a vu vingt Etats membres sur vingt-cinq se rallier à un compromis prévoyant un budget de la PAC de marché de 295 milliards d'euros, avec une intégration partielle dans ce montant des dépenses liées à l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie - 6 milliards d'euros sur 8 milliards d'euros. La France avait accepté de ce point de vue une concession majeure pour éviter une nouvelle crise européenne. L'intransigeance britannique a eu raison de la tentative luxembourgeoise de trouver un accord équilibré. Pour l'heure, le Royaume-Uni n'a pas fait connaître ses propositions concrètes. Notre Gouvernement doit demeurer d'une extrême vigilance, qui n'a jamais été prise en défaut jusqu'à ce jour sur ce sujet. Le couplage auquel les Britanniques ont procédé entre la politique agricole commune et le rabais dont ils bénéficient est, quant à lui, absolument injustifié tant les deux questions relèvent de problématiques différentes. c) Maintenir la politique de cohésion comme instrument de solidarité entre tous les Etats membres Dans ses propositions sur les perspectives financières, la Commission a clairement entendu faire de la politique de cohésion un instrument privilégié de réalisation des objectifs de la stratégie de Lisbonne c'est-à-dire « faire de l'Europe, d'ici 2010, l'économie fondée sur la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde ». La proposition de la Commission s'élève à plus de 340 milliards d'euros pour la période 2007-2013, ce qui ferait de cette politique la plus lourde en termes financiers dans le budget européen en 2013. Ces propositions de la Commission ont conduit à de vifs débats parmi les Etats membres. Les actuels pays de la cohésion - l'Espagne, la Grèce et le Portugal - ont soutenu la Commission. Principaux bénéficiaires de cette politique dans la période 2000-2006 avec 104 milliards d'euros sur les 213 alloués, ils entendent conserver les retours les plus élevés possibles en évitant des redéploiements vers les nouveaux Etats membres. Ces derniers sont évidemment très attentifs à ce problème en raison de leur retard économique qui justifie un effort de solidarité de la part des Etats européens les plus développés. Rappelons que le PIB par habitant des dix nouveaux Etats membres s'élevait en 2002 à la moitié de la moyenne de l'Union à vingt-cinq. Lors de la négociation de leur adhésion, il a été toutefois convenu que les retours vers ces pays seraient plafonnés à 4 % de leur RNB. Dans ces conditions, les nouveaux membres ont le souci non pas d'obtenir une augmentation des fonds mais leur maintien à hauteur de ce que la Commission avait prévu de leur attribuer pour la période 2007-2013. Le groupe de six Etats hostiles à une hausse du budget européen au-dessus de 1 % du RNB de l'Union a considéré que les propositions de la Commission en matière de politique de cohésion étaient incompatibles avec cet objectif. Toutefois ce groupe n'a pas dégagé une ligne commune sur cette question, les Britanniques, les Néerlandais et les Suédois contestant notamment le fait que des pays comme l'Italie, l'Allemagne ou la France bénéficient de retours au titre de cette politique alors qu'ils seraient en mesure d'assumer eux-mêmes l'effort financier nécessaire à une politique d'aménagement du territoire et de cohésion économique et sociale. La France défend deux principes. La priorité en faveur des nouveaux Etats membres doit être préservée. Mais un certain équilibre doit être maintenu entre les différents instruments de cette politique de cohésion en respectant l'idée que les fonds destinés aux anciens Etats membres ne sauraient constituer la seule variable d'ajustement. Dans son projet de compromis, la présidence luxembourgeoise a ramené de 341 milliards à 309 milliards le budget de la politique de cohésion. Cette baisse constitue une part assez faible de la diminution globale proposée par la présidence par rapport au projet de la Commission. Elle s'imputerait essentiellement sur les fonds destinés aux anciens membres tout en maintenant ceux-ci à une hauteur acceptable, notamment pour l'Espagne, la Grèce, l'Italie, le Portugal et les Länder de l'Est de l'Allemagne. L'absence d'accord sur les perspectives financières est préoccupante car il rend impossible tout démarrage des programmes en 2007. Il faut être conscient que les nouveaux Etats membres seront les premiers à pâtir de cette situation. La France doit, quant à elle, se résoudre à voir les retours au titre de cette politique diminuer. La situation des régions qui ont le plus besoin de ces fonds - les DOM - aurait été cependant préservée en cas d'adoption du compromis luxembourgeois, ce qui n'est, en revanche, nullement certain avec la présidence britannique. d) Agir en faveur de la recherche et du développement technologique On ne saurait trop insister sur le caractère stratégique de la recherche et du développement pour l'avenir de l'Union européenne. Il faut être conscient que la concurrence de pays comme la Chine ou l'Inde concerne aussi des secteurs technologiques de premier plan. Nous ne pouvons nous réfugier dans l'idée aujourd'hui dépassée d'un Occident qui disposerait d'une large avance en matière d'innovation et de recherche. L'année 2006 sera la dernière du sixième programme cadre de recherche et de développement technologique (PCRD), adopté en 2002. Près de 5,3 milliards d'euros en crédits d'engagement sont prévus pour l'année prochaine, le sixième PCRD ayant été doté de 17,5 milliards avant l'élargissement auxquels se sont ajoutés 1,7 milliard d'euros pour prendre en compte les nouveaux membres. Pour la période 2007-2013, la Commission a adopté une communication, en avril dernier, intitulée « La science et la technologie, clés de l'avenir de l'Europe - orientations pour la politique de soutien à la recherche de l'Union ». Le nouveau PCRD serait doté d'un montant de 73,2 milliards d'euros selon la Commission ce qui représenterait un saut d'échelle considérable par rapport à la période précédente. En termes d'objectifs, il est envisagé, par exemple, la formation de 700 000 chercheurs supplémentaires ce qui permettrait à l'Union de rattraper le retard dont elle souffre par rapport aux grands pays dans ce domaine. Nous avons aujourd'hui 5,7 chercheurs pour 1000 personnes actives contre 8,1 % aux Etats-Unis et 9,1 au Japon. L'implantation du projet ITER en France grâce à une action concertée et efficace des Etats européens, la réussite d'Airbus avec le lancement de l'A 380 montrent à quel point l'Europe peut être un pôle d'excellence. Elle doit s'en donner les moyens. e) En finir avec le « rabais britannique » Plus rien ne justifie le maintien du rabais britannique. Les Britanniques le savent et, faisant montre d'un certain cynisme et d'un sens de leur intérêt national exacerbé, pour tout dire, peu conforme à l'idée européenne, ils tentent de détourner l'attention des Etats membres en mettant sur le même plan la question de la PAC et plus globalement des dépenses européennes et celle des ressources et du rabais dont ils bénéficient. Cette approche ne convainc personne et aucun pays européen n'est prêt à soutenir l'idée qu'il faut maintenir la compensation dont bénéficie le Royaume-Uni. La correction britannique trouve son origine dans les conclusions du Conseil européen de Fontainebleau de juin 1984 ; un principe y a été posé : « tout Etat membre supportant une charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité relative est susceptible de bénéficier, le moment venu, d'une correction » et ce principe a été ensuite appliqué au cas du Royaume-Uni. Il faut bien avouer - tout le monde le sait - que le principe en question n'avait été posé que pour régler le cas de ce pays et répondre aux demandes incessantes de son Premier ministre d'alors. Le Royaume-Uni a obtenu de se voir rembourser chaque année les deux tiers de l'écart entre sa contribution due en vertu du système des ressources propres de l'Union européenne et le montant des dépenses communautaires en sa faveur. Ce « chèque britannique » était initialement financé par tous les autres Etats membres au prorata de leur part dans le PNB communautaire, à l'exception de l'Allemagne qui bénéficiait, dès l'origine, d'une réduction d'un tiers de sa participation, compte tenu des déséquilibres qu'elle supportait elle aussi. Grâce au « chèque britannique », le Royaume-Uni, même s'il reste un contributeur net significatif au budget communautaire (environ 0,35 % de PIB en moyenne sur 1998-2001, soit plus que la France), ne participe qu'à hauteur de 12 % au financement de l'Union alors que son PNB représente 17 % de celui de l'Union européenne à vingt-cinq. Toutes les raisons qui ont pu justifier, à l'époque, l'adoption de ce système ont disparu, comme l'a souligné le Président de la République dès le Conseil européen de Bruxelles d'octobre 2002. Il y a vingt ans, le Royaume-Uni enregistrait le solde net négatif exprimé en pourcentage du PNB de loin le plus élevé au sein de l'Europe des dix. Or aujourd'hui, si le Royaume-Uni reste, avant application de la correction, un gros contributeur net, trois autres Etats membres En 2000, par les accords de Berlin puis, en 2002, par celui de Copenhague une modification du mécanisme du chèque britannique est intervenue pour alléger le poids supporté notamment par l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et l'Autriche. Cette réforme que l'on a pu qualifier de « rabais sur le rabais » s'est faite au détriment de la France qui est le plus gros contributeur au rabais britannique. La part de la France dans le financement de la correction britannique est passée de 23 % en 2002 à plus de 31 % en 2003. Le coût du chèque britannique pour notre pays s'élevait à une moyenne de 0,8 milliard d'euros sur la période 1995-2002 ; il a atteindra environ 1,6 milliard d'euros en 2006, soit 28 % du montant total de la correction et représentera ainsi près de 10 % de la contribution totale de la France au budget de l'Union européenne. Il nous paraît impossible que le Royaume-Uni puisse maintenir vaille que vaille un mécanisme que plus aucun autre Etat membre n'accepte et que rien ne justifie plus. Il est tout aussi clair que nous n'obtiendrons pas la suppression immédiate et radicale de cette correction. Plusieurs solutions sont dès lors envisageables. La Présidence luxembourgeoise a proposé, dans un premier temps, un « gel » du chèque à son niveau actuel, c'est-à-dire 4,7 milliards d'euros. Puis, face au refus anglais, elle a proposé de remonter le plafond envisagé pour le rabais britannique de 4,7 à 5,5 milliards d'euros avant de suggérer d'en modifier les modalités. Le Luxembourg a avancé l'idée d'exclure de l'assiette du rabais britannique toutes les dépenses liées à l'élargissement, à l'exception des dépenses au titre de la PAC de marché. Ces propositions n'ont pas été jugées recevables par le Royaume-Uni qui demeure intransigeant mais isolé sur cette question. La suite des négociations montrera si notre voisin d'outre-manche pourra s'en tenir à ce splendide isolement. Votre Rapporteur n'en est nullement convaincu. II - LE BUDGET DE L'UNION EUROPÉENNE POUR 2006 Comment caractériser le prochain exercice budgétaire de l'Union européenne ? Il est clair que l'année 2006 fait d'abord figure d'année charnière puisqu'elle est la dernière de l'agenda 2000-2006 alors même que les perspectives financières pour 2007-2013 sont enlisées dans une négociation difficile. Ensuite l'exercice 2006 voit se conjuguer la montée en puissance du coût de l'élargissement et la fin de la programmation 2000-2006 des fonds structurels. On examinera, en premier lieu, le projet de budget tel qu'il a été présenté par le Conseil des ministres. Puis on reviendra sur le montant de la contribution française qui apparaît, en prévision, à l'article 50 du projet de loi de finances pour 2006. A - Le budget de l'Union européenne pour 2006 : 121 milliards d'euros 1) La structure du budget européen pour 2006 Le budget général européen pour 2005 s'est élevé à 116,5 milliards d'euros en crédits d'engagement ce qui représente plus du tiers du budget de l'Etat français et 1,10 % du RNB communautaire. Pour 2006, l'avant-projet de budget présenté par la Commission représente plus de 121 milliards d'euros en crédits d'engagement. Le projet finalement proposé par le Conseil des ministres, après une première lecture, porte sur un montant total de 120,8 milliards d'euros, soit une très légère baisse par rapport au montant arrêté par la Commission. Cette faible différence tranche avec celles observées les années passées. Les prévisions du Collège des Commissaires sont apparues pour le Conseil plus rigoureuses et proches des besoins réels de l'Union pour 2006. La structure des dépenses et des recettes ne connaît pas de bouleversements pour 2006. Les dépenses agricoles et régionales demeurent au premier rang. 2) Les dépenses agricoles : 51,2 milliards d'euros Depuis 1999, la PAC comprend deux piliers. Le premier correspond aux mesures dites de marché comme les aides directes et les soutiens de marché financés par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section garantie (FEOGA-G). Le second pilier porte sur le développement rural ; il est financé par le FEOGA section garantie (FEOGA-G), mais également, dans certaines régions, par le FEOGA section orientation (FEOGA-O), qui est l'un des quatre fonds structurels. En 2006, les dépenses au titre de la PAC atteindront 51, 262 milliards d'euros, soit une hausse de 3,2 % par rapport au budget de 2005. Les crédits alloués aux dépenses de marché (premier pilier de la PAC) s'élèveront à 43, 491 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,5 %, et ceux alloués au développement rural à 7, 771 milliards d'euros, soit une augmentation de 13,6 %. 3) Les dépenses régionales : 44,5 milliards d'euros La politique régionale ou politique de cohésion a pour objectif d'assurer la cohésion économique et sociale au sein de l'Union, en réduisant les disparités de développement entre les différentes régions. Les dépenses régionales constituent un levier puissant pour mener à bien cette politique puisqu'elles représentaient le deuxième poste du budget communautaire avec 42,4 milliards d'euros de crédits d'engagement en 2005, soit 36,4 % du budget. Quatre fonds structurels constituent les instruments financiers de la politique régionale européenne : - le Fonds européen de développement régional ou FEDER ; - le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole section orientation ou FEOGA-O ; - le Fonds social européen ou FSE ; - l'Instrument financier d'orientation de la pêche ou IFOP. S'ajoute à ces quatre fonds, depuis 1993, le Fonds de cohésion qui participe de la politique de cohésion sans toutefois constituer un fonds structurel. Il concerne les Etats dont le PNB par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire et qui ont mis en place un programme visant à satisfaire aux conditions de convergence économique de l'article 104 du traité instituant la Communauté européenne, c'est-à-dire qui évitent un déficit public excessif et qui ont une dette publique raisonnable. Aujourd'hui, l'Espagne, le Portugal, la Grèce et les dix nouveaux adhérents bénéficient de cet instrument qui permet de financer les réseaux transeuropéens de transport ainsi que des projets en matière d'environnement. Pour la période 2000-2006 les quatre fonds structurels poursuivent ainsi trois objectifs. L'objectif 1 est destiné à « promouvoir le développement et l'ajustement structurel des régions en retard de développement » ; il couvre les régions dont le PNB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Regroupant 22,2 % de la population de l'Union avant l'élargissement, il concerne désormais 34,5 % de la population de l'Union européenne à vingt-cinq. Car l'ensemble du territoire des dix nouveaux pays membres est éligible à l'objectif 1, à l'exception de Chypre et des régions de Prague et de Bratislava. Les décisions du Conseil européen de Copenhague ont porté la dotation au titre de l'objectif 1 de 135,9 milliards d'euros à 149,2 milliards d'euros (en prix 1999) pour 2000-2006. L'objectif 1 représente 71,2 % de l'enveloppe totale hors fonds de cohésion. L'objectif 2 qui vise à « soutenir la reconversion économique et sociale des zones en difficulté structurelle » couvre les zones en mutation socio-économique dans les secteurs de l'industrie et des services, les zones rurales en déclin, les zones urbaines en difficulté, ainsi que les zones en crise dépendant de la pêche. 18 % de la population de l'Union européenne à quinze résident dans un territoire couvert par cet objectif. Avec 10,8 % de la dotation hors fonds de cohésion, l'objectif 2 bénéficie de 22,6 milliards d'euros de crédits (en prix 1999). L'objectif 3 tend à « soutenir l'adaptation et la modernisation des politiques et systèmes d'éducation, de formation et d'emploi » ; il intervient sur l'ensemble du territoire de l'Union en dehors des régions de l'objectif 1 et reçoit 11,5 % de la dotation hors fonds de cohésion (soit 24,2 milliards d'euros, en prix 1999). Existent aussi en complément de ces trois objectifs, des programmes d'initiative communautaire (PIC) ; ils financent des actions revêtant un intérêt particulier pour l'Europe comme la coopération territoriale, la lutte contre les discriminations dans le marché du travail, etc. Le tableau suivant expose la répartition des 44,55 milliards d'euros consacrés à la politique de cohésion en 2006.
Source : Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie Il convient de souligner que toute prévision d'exécution pour 2006 est marquée par une forte incertitude ; il s'agira en effet du premier exercice budgétaire où les retours des nouveaux Etats membres au titre des actions structurelles ne relèveront plus du paiement des avances (10 % en 2004 et 6 % en 2005) mais du remboursement de dépenses effectivement acquittées. On pourra donc vérifier l'aptitude des nouveaux Etats membres à consommer les crédits qui leur ont été alloués. 4) L'action extérieure de l'Union européenne : 5,2 milliards d'euros L'action extérieure de l'Union européenne relève principalement de la rubrique 4 des perspectives financières ; toutefois les dépenses de préadhésion sont, pour leur part, regroupées dans une rubrique spécifique (n° 7). Le montant de la rubrique 4 sera de 5,23 milliards d'euros en 2006 en crédits d'engagements, ce montant étant sensiblement équivalent à celui de 2005.
Source : Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie Note : Le budget 2005 comprend l'impact de l'avant-projet de budget rectificatif n° 3 Tsunami validé lors du Conseil ECOFIN/Budget du 15 juillet 2005 qui autorise un recours supplémentaire à l'Instrument de flexibilité de +15 millions d'euros en CE mais s'entend hors mobilisation de la réserve d'urgence (100 millions d'euros Tsunami) qui reste par convention imputée sur la rubrique 6. * incluant entre autres les chapitres 02 (relations multilatérales et relations extérieures générales), 05 (relations avec les pays de l'OCDE non membres de l'UE) et 11 (stratégie politique et coordination du domaine politique des relations extérieures). ** incluant les titres 5 (agriculture et développement rural), 6 (énergie et transport), 7 (environnement), 14 (fiscalité et union douanière), 15 (éducation et culture), 17 (santé et protection des consommateurs) et 20 (commerce). On constate que l'avant-projet de budget pour 2006 de la Commission dépasse ainsi de 123,5 millions d'euros le plafond des perspectives financières fixé à 5 269 millions d'euros. La Commission a, en effet, proposé un montant de 5, 392 milliards d'euros en crédits d'engagements, soit une hausse de + 3 % par rapport au budget de 2005. Le projet de budget adopté par le Conseil est revenu sur ce dépassement en procédant à des coupes que le Gouvernement français juge équilibrées notamment parce qu'elles préservent la PESC et permettent de restaurer une marge minimale pour financer l'impact de la réforme du sucre pour les pays d'Afrique, des Caraïbes et du pacifique (ACP). De fait, le projet de budget établi par le Conseil rétablit une marge positive de 41,6 millions d'euros pour cette rubrique. Au sens budgétaire, par action extérieure de l'Union européenne on entend la mise en œuvre de différents programmes. Il s'agit, en premier lieu, des programmes d'assistance technique et d'aide au développement élaborés sur la base de grandes zones géographiques à l'image de MEDA (Méditerranée), ALA (Asie et Amérique Latine) TACIS (pays de la Communauté des Etats indépendants issus de l'ancienne Union soviétique hors pays Baltes) et CARDS (Balkans occidentaux). Existent aussi des programmes d'aide humanitaire d'urgence gérés par l'office ECHO et d'aide alimentaire. L'action extérieure de l'Union européenne s'appuie également sur des programmes plus thématiques consacrés à la santé et en particulier à la lutte contre le SIDA, aux droits de l'homme ou au développement durable. Cela passe par des actions directement gérées par l'Union ou des contributions à des fonds ou programmes internationaux. L'Union européenne participe aussi à l'aide à la reconstruction de l'Irak depuis 2004, à des accords internationaux en matière de pêche. Enfin, est intégrée à l'action extérieure de l'Union européenne la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Ce sont les accords de Cotonou qui régissent les relations entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique dits ACP. Ils puisent leur financement dans le Fonds européen de développement (FED) qui, comme on le sait, est un instrument placé hors du budget de l'Union. Le 9e FED qui couvre la période 2000-2007 est doté de 13,8 milliards d'euros de ressources nouvelles. Les actions menées dans le cadre de la PESC font l'objet, dans le budget communautaire, d'un chapitre distinct (chapitre 19-03) doté en 2005 de 62,6 millions d'euros en crédits d'engagement, soit un peu plus de 1 % du budget de la rubrique 4 ; ce montant est reconduit dans le projet de budget 2006. Parce que cette ligne budgétaire est une dépense non obligatoire pour laquelle le Parlement a le dernier mot, elle constitue donc un point sensible lors des débats budgétaires entre le Conseil et le Parlement, ce dernier utilisant son pouvoir de décision budgétaire pour tenter d'obtenir en contrepartie un droit de regard sur cette politique de nature essentiellement intergouvernementale.
* Source : prévisions de la Commission en date du 8 juillet 2005. ** Mission de police au Soudan (Eupol Kinshasa), mission d'appui au Congo (Eusec RD Congo), mission de surveillance de l'Union européenne dans les Balkans (EUMM), missions d'audit des opérations engagées et diverses actions préparatoires. Ce chapitre 19-03 permet de financer des actions communes du Conseil prises en application de l'article 28 du traité sur l'Union européenne. Il s'agit, par exemple, en matière de non prolifération d'une collaboration avec l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA). On peut aussi citer la mission de surveillance de l'Union européenne dans les Balkans occidentaux. Relèvent de cette mission l'action Proxima dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine pour 10,9 millions d'euros et la mission de police de l'Union européenne en Bosnie pour 14,9 millions d'euros. La résolution de conflits, la vérification et le soutien aux processus de paix sont également des domaines où l'Union intervient, que ce soit avec la mission d'aide au rétablissement de l'Etat de droit en Irak créée en 2005, la mission dite « EUPOL Kinshasa » créée en 2004, ou la mission dite « EUSEC RD Congo » créée en 2005. Au titre de la PESD, sont notamment prises en compte dans le budget européen les dépenses administratives relatives à l'état-major de l'Union. Plusieurs actions menées dans le domaine de la PESC en 2004 et en 2005, et plus précisément sur le volet PESD, font l'objet de dispositions budgétaires spécifiques en vertu de l'article 28 du traité sur l'Union européenne. Ce dernier prévoit en matière de financement des dépenses militaires proprement dites que, lorsque « une dépense n'est pas mise à la charge du budget des Communautés européennes, elle est à la charge des Etats membres selon la clé du produit national brut, à moins que le Conseil, statuant à l'unanimité, n'en décide autrement ». Jusqu'en 2004, cette disposition a été interprétée par le Conseil de manière très restrictive, en distinguant des coûts communs très réduits - en général le financement du fonctionnement des états-majors - et une très large majorité de coûts individuels restant à la charge des Etats participants. Une décision ad hoc devait être rendue pour chaque opération, ce qui était source de complexité. Après avoir constaté les difficultés relatives à la prise en charge des coûts communs apparues lors des précédentes opérations, telles Artémis en République démocratique du Congo où la France a été désignée nation-cadre et a, à ce titre, financé l'essentiel de l'opération, une réflexion s'est engagée sur la mise en œuvre d'une structure légère mais permanente pour résoudre ces besoins. Il en est résulté la mise en place du mécanisme Athéna créé par la décision 2004/197/PESC du 23 février 2004. C'est un mécanisme permanent de gestion du financement des coûts communs des opérations de l'Union européenne ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense qui concerne vingt-quatre Etats membres de l'Union européenne, le Danemark restant en dehors de ce dispositif. Les coûts mis en commun sont financés sur la base de la clé RNB soit par exemple 16,5 % pour la France en 2004, sans intervention du budget communautaire. Hormis les coûts administratifs permanents, le budget du mécanisme est susceptible de varier fortement et rapidement en fonction du nombre d'opérations menées. L'essentiel des coûts opérationnels militaires demeure cependant à la charge des pays participant aux actions. On doit observer que le mécanisme Athéna n'a pas uniformisé l'ensemble des dispositifs de financement des actions de l'Union européenne dans le domaine de la PESD. Ainsi l'opération militaire de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine, dénommée Althéa, et créée après la mise en place d'Athéna, est dotée directement de 71,7 millions d'euros pour la période 2004-2005. Cette opération représente un changement d'échelle dans les actions militaires menées par l'Union européenne si l'on rappelle que l'opération Artémis était dotée d'un montant de référence de 7 millions d'euros et que l'opération Concordia dans l'ancienne république yougoslave de Macédoine disposait d'une dotation de 4,7 millions d'euros. Sans entrer dans un détail d'ailleurs exposé dans le fascicule jaune consacré aux relations financières avec l'Union européenne annexé au projet de loi de finances, on constate que les efforts en matière de rationalisation et de simplification des financements des actions militaires de l'Union n'ont pas encore complètement abouti et que des efforts doivent encore être menés dans ce domaine qui reste largement du domaine interétatique.
Source : Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie * RAL : reste à liquider. ** Modification de périmètre à partir de 2004 s'agissant de la stratégie de préadhésion qui n'inclut plus la Turquie, basculée vers la rubrique 7. Cette composante ne comprend plus, à titre transitoire et résiduel, que Malte et Chypre. Ceci crée un effet d'optique assez marqué sur le RAL puisqu'un stock d'environ 225 millions d'euros est basculé vers la rubrique 7 et disparaît de la base 2004. A périmètre comparable hors Turquie, le RAL au 31/12/2003 s'élève à environ 12 600 millions d'euros. A l'inverse, les aides à destination de la Croatie ne basculent dans la rubrique 7 qu'à partir de 2005. Pour ce qui concerne l'exécution du budget 2005, on constate, sur les sept premiers mois, une diminution du taux global d'engagement à 45,2 % contre un taux de 50,9 % en 2004 à la même période. Des disparités demeurent importantes entre des programmes qui connaissent un taux de consommation élevé tels que les actions de coopération (74 %), les opérations dans les Balkans (66 %), la PESC (59 %), l'aide alimentaire (64 %) ou l'aide humanitaire (71 %) et d'autres actions pour lesquelles ce taux reste très bas (6 % pour l'Europe orientale, 11 % pour l'Amérique latine et 11 % pour l'Afrique australe). Les lignes budgétaires consacrées à l'Asie demeurent, quant à elles, stables avec un taux de 30 %. 5) Le coût de l'élargissement aux dix nouveaux membres pour 2004-2006 : 17,4 milliards Les perspectives financières pour la période 2000-2006, conclues à Berlin en 1999, prévoyaient l'adhésion de six nouveaux Etats membres en 2002 et, en conséquence, des enveloppes de 58 milliards d'euros en crédits d'engagements (CE) et de 45 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Cet accord a été renégocié lorsqu'il est apparu que l'élargissement concernerait dix nouveaux pays et, non plus six, et ce à compter du 1er mai 2004. La Commission a alors proposé de retenir les montants prévus à Berlin pour 2004-2006 et de consacrer la marge dégagée du fait du report de l'élargissement de 2002 à 2004 à l'extension progressive des aides agricoles à partir de 2004, à l'accélération de l'introduction des fonds structurels et au renforcement des moyens prévus en faveur du développement rural. L'accord obtenu entre les Quinze repose sur l'octroi progressif, en matière agricole, des aides directes à hauteur de 25 % en 2004, 30 % en 2005, 35 % en 2006, 40 % en 2007 puis une augmentation de 10 % tous les ans pour arriver à un versement intégral en 2013. L'effort budgétaire pour l'Union est ainsi étalé dans le temps. Les aides concernant le développement rural, qui se distinguent des aides directes, bénéficient, pour leur part, d'un phasage plus rapide avec des taux de 86 % pour 2004, 94 % pour 2005 et 100 % pour 2006. En matière d'aides structurelles, les versements seront également étalés pour tenir compte de l'accroissement progressif de la capacité d'absorption des nouveaux Etats membres, tous éligibles au Fonds de cohésion. Deux facilités ont été ouvertes aux nouveaux membres pour atténuer l'impact du paiement immédiat de leur contribution au budget communautaire : une facilité de trésorerie de 2,4 milliards d'euros de 2004 à 2006 avec des aides accrues pour la Pologne et la République tchèque ; une compensation budgétaire dégressive de 987 millions d'euros pour Chypre, la République tchèque, Malte et la Slovénie qui auraient été, sinon, dans la position de contributeurs nets dès leur adhésion. Trois facilités spécifiques ont, par ailleurs, été mises en place pour la période 2004-2006 afin de répondre à certains besoins précis de nouveaux États membres : une facilité de renforcement institutionnel prenant le relais des actions financées au titre des aides de pré-adhésion (PHARE) ; une « facilité Schengen » destinée au renforcement du contrôle aux frontières externes ; une facilité en matière nucléaire pour le démantèlement de centrales en Lituanie et Slovaquie. Les dix nouveaux entrants vont ainsi bénéficier d'une aide globale de 40,9 milliards d'euros (en prix 1999) en crédits d'engagement sur la période 2004-2006, à laquelle s'ajoutent 480 millions d'euros obtenus à la demande du Parlement européen et destinés aux politiques internes. A ces enveloppes, il faudrait adjoindre une « perte » de 1,6 milliard d'euros, en 2004, pour le budget de l'Union européenne puisque les nouveaux États membres acquittent seulement huit mois de contribution pour cette année mais bénéficient de douze mois de dépenses. Sur la base de crédits d'engagement de 40,9 milliards d'euros (prix 1999), ces crédits atteignent 46,1 milliards d'euros en prix courants. Les crédits de paiement sont évalués à 33,4 milliards d'euros en prix courants. Les dix nouveaux entrants contribueront en fonction de leur RNB qui représente 5 % du RNB de l'Union européenne à vingt-cinq. Ainsi, si le budget communautaire s'élève à environ 320 milliards d'euros sur la période 2004-2006, les nouveaux États membres contribueront pour environ 16 milliards d'euros. En crédits de paiement, le coût net peut être évalué à 17,4 milliards d'euros - soit la différence entre 33,4 milliards d'euros et 16 milliards d'euros sur la période 2004-2006. La France assurera environ 23 % des coûts nets de l'élargissement (17 % de contribution auxquels s'ajoutent un surcoût dû au titre de la correction britannique en conséquence de l'élargissement), ce qui revient à une contribution de 4 milliards d'euros sur la période 2004-2006. Elle sera ainsi le second contributeur à l'élargissement, après l'Allemagne. Aucun des nouveaux membres ne sera contributeur net au budget de l'Union européenne de 2004 à 2006. C'est sous la rubrique 7 que sont regroupées les « Aides de préadhésion ». Ces fonds sont octroyés aux seuls pays engagés dans un processus d'adhésion à l'Union européenne. Ils portent sur les secteurs où l'effort lié au processus d'adhésion et à la reprise de l'acquis communautaire est le plus important. Sont concernés par ces dotations, la Roumanie et la Bulgarie mais aussi la Turquie et la Croatie. La Roumanie et la Bulgarie ont reçu ou recevront 4,5 milliards d'euros en aides de préadhésion sur la période 2004-2006 soit 3,3 milliards d'euros pour la Roumanie et 1,2 milliard d'euros pour la Bulgarie. La Turquie bénéficie de financements au titre de la rubrique 7 depuis 2004 et aura reçu au total 1,05 milliard d'euros sur la période 2004-2006. Enfin, la Croatie bénéficie également de financements au titre de la rubrique 7 depuis 2005. Dans le projet de budget pour 2006, on constate une montée en puissance des engagements ce qui est normal dans la période qui voit le début des négociations de préadhésion. La hausse programmée s'élève à + 19,2 % par rapport à 2005 ; elle atteindra près de 2,5 milliards d'euros. Cette progression se conforme à ce qui avait été convenu lors du Conseil européen de Copenhague en 2002. Ainsi, 2,2 milliards d'euros bénéficient à trois pays candidats reconnus au moment de la présentation de l'avant-projet de budget soit 1,7 milliard d'euros pour la Bulgarie et la Roumanie - en hausse de 200 millions d'euros - et 500 millions d'euros pour la Turquie, soit également une augmentation de 200 millions d'euros par rapport à 2005. Par ailleurs, 140 millions d'euros sont destinés à la Croatie alors que le Nord de Chypre devrait bénéficier de 139 millions d'euros. Les plafonds arrêtés en 1999 à Berlin n'ont pas été révisés à la baisse au moment de l'élargissement de 2004 alors même que ces Etats sont sortis du champ de la rubrique 7. Cette rubrique budgétaire dispose, comme l'an passé, d'une marge considérable de plus de 1 milliard d'euros. exécution 2004 et 2005
RAL : reste à liquider Source : Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie projet de budget pour 2006
* dont Turquie, Chypre-Nord, éducation et culture. Source : Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie B - La contribution française : 18 milliards d'euros en 2006 1) L'exécution du budget 2005 et la contribution française : 16,5 milliards d'euros prévus, 17,3 milliards versés. Comme on le sait, la contribution française au budget de l'Union européenne prend la forme d'un prélèvement sur recettes examiné en première partie de loi de finances. Il s'agit en fait d'une prévision qui est toujours révisée en cours d'année. Pour l'exercice 2005, la contribution française a connu une progression sensible en exécution par rapport à ce que prévoyait la loi de finances initiale. En effet, elle atteindrait 17,34 milliards d'euros alors que 16,57 milliards d'euros étaient prévus en loi de finances initiale. Rappelons qu'en 2004, le prélèvement finalement versé par la France s'élevait à 15,5 milliards d'euros. Cette différence significative entre le montant prévu et celui constaté in fine s'explique entre autres par une sous-exécution du budget 2004 nettement inférieure à ce que l'on escomptait lors de la confection du budget pour 2005. De fait, le report des ressources budgétaires espéré de 2004 vers 2005 a été moins important que prévu ce qui explique que la contribution demandée à la France (comme celle des autres pays) soit plus élevée pour l'exécution du budget 2005. Elle est également la conséquence des ajustements concernant la quote-part de la France au titre de la ressource TVA et la base PNB et d'une révision à la hausse du calcul de la contribution française au rabais britannique. Elle témoigne, à l'évidence, de la difficulté de prévoir avec exactitude le montant des ressources propres dues par la France au titre de l'exercice à venir. 2) La contribution française pour 2006 : 18 milliards d'euros Comme le prévoit l'article 50 du projet de loi de finances pour 2006, le prélèvement sera de 18 milliards d'euros en 2006, ce qui représente 6,3 % des recettes fiscales nettes de notre pays et une croissance de 0,7 milliard d'euros par rapport à la prévision d'exécution pour 2005. Il s'agit là d'une estimation qui repose sur l'avant-projet de budget (APB) pour 2006 qui a été adopté le 27 avril 2005 par la Commission européenne. Contrairement aux années précédentes, cette estimation ne repose pas sur le projet de budget pour 2006 adopté par le Conseil le 15 juillet 2005. Comme le Gouvernement l'indique dans le fascicule jaune, « l'impact de ce choix est limité (182 millions d'euros), étant donné les niveaux en crédits de paiement relativement proches du projet de budget (111,4 milliards d'euros) et de l'APB (112,6 milliards d'euros). Cette hypothèse permet toutefois de mieux tenir compte de la dynamique des discussions entre les deux branches de l'autorité budgétaire (Conseil et Parlement européen), qui se traduit en général par une hausse des dépenses entre la première lecture au mois de juillet et la seconde lecture au mois de novembre (déterminant in fine le montant des contributions des Etats membres) ». 3) Les retours vers la France : 13,43 milliards d'euros en 2003 La France reçoit au titre du budget européen 13,43 milliards d'euros soit 80 % au titre de la PAC (10,5 milliards d'euros), 15 % au titre des fonds structurels (2 milliards d'euros) et 5 % au titre des politiques internes (0,7 milliard d'euros ; essentiellement pour la recherche). Observons que, pour l'année 2004, le taux de retour de la France au titre de la PAC s'est élevé à 21 %. Notre pays reste ainsi le premier bénéficiaire des soutiens au titre de la PAC, loin devant l'Espagne (14,1 %), l'Allemagne (13,5 %), l'Italie (11,2 %) et le Royaume-Uni (8,9 %). Le tableau suivant expose les montants des dépenses communautaires en France.
Source : Commission européenne, rapports sur la répartition des dépenses opérationnelles de l'UE. 4) La France contributrice nette au budget européen pour 1,725 milliard d'euros en 2003 Même si la notion de contribution nette - différence entre ce qu'un Etat membre verse au budget communautaire au titre des ressources propres et les dépenses de l'Union européenne effectuées à son profit - pose des difficultés de méthode (2) et s'avère loin d'être parfaite - elle ne prend pas en considération les gains en termes économiques tirés par un pays de l'intégration dans un grand marché, par exemple, on doit constater qu'elle est une manière commode de mesurer les efforts que les Etats consentent à l'égard de l'Union. La France est un contributeur net au budget de l'Union européenne pour un montant de 1,725 milliards d'euros en 2003, dernière année pour laquelle ce calcul est techniquement possible à ce jour. Nous sommes, en 2003, à la fois, après l'Allemagne, le deuxième pays pour les versements nominaux au budget communautaire et après l'Espagne le deuxième bénéficiaire de la dépense communautaire. La France se place ainsi en volume au quatrième rang des contributeurs nets, derrière l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas (3). Solde des contributions
Source : Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie - calcul à partir des données établies par la Commission européenne dans son rapport annuel sur les dépenses réparties.
Si l'on se réfère au pourcentage de RNB, il apparaît que la France, le Danemark, la Finlande, l'Italie et dans une moindre mesure l'Autriche se trouvent placés dans une situation médiane entre les contributeurs nets les plus importants Parmi ces derniers, il convient de distinguer, d'un côté, le Luxembourg et la Belgique, qui, parce qu'ils accueillent les institutions communautaires, bénéficient de retours importants au titre des dépenses administratives et, de l'autre, les pays dits de la cohésion - l'Espagne, le Portugal et la Grèce - qui bénéficient largement des fonds structurels. La France assume donc une part importante du budget européen, conforme à sa qualité de pays fondateur de l'union. L'année 2006 ne bouleversera pas sa situation en attendant une nouvelle période 2007-2013 dont le sort n'est pas scellé aujourd'hui. III - L'EXEMPLE D'UNE INTÉGRATION RÉUSSIE : Votre Rapporteur a souhaité porter son attention sur les conditions dans lesquelles les nouveaux Etats membres ont vécu leur première année au sein de l'Union européenne. La République tchèque a été choisie à titre d'exemple. La situation de ce pays démontre - on le verra - que l'adhésion à l'Union européenne peut se faire sans heurt en dépit de certaines préventions. En examinant le cas tchèque, on mesure combien l'Union européenne avait bel et bien vocation à s'ouvrir à ces pays européens qui entendent désormais jouer pleinement leur rôle dans une Union qui cherche sa voie. A cet effet, votre Rapporteur s'est rendu en République tchèque les 8 et 9 septembre dernier. A l'occasion de cette mission il a rencontré les personnalités suivantes : - M. Ladislav Kylar, responsable des Fonds de cohésion et M. Miroslav Danek, chargé des fonds structurels, au ministère du développement régional ; - M. Jaroslav Mil, Président de la Confédération des Industries ; - les représentants des entreprises françaises implantées en République tchèque ; - M. Miroslav Somol, Vice-Ministre de l'Industrie et du Commerce, en charge des affaires intérieures ; - Mme Hana Heidlerova, Directrice à l'Intégration européenne, Ministère des Finances ; - M. Milan _tech, Président du syndicat CMKOS, Confédération tchéco-morave des Unions syndicales ; - M. Martin Povejsil, Directeur politique au Ministère des Affaires étrangères ; - M. Pavel Svoboda, Député, Président de la Commission des affaires européennes à la Chambre des députés du Parlement tchèque. A - La République tchèque au cœur de l'Union européenne Avec une superficie de près de 79 000 km² et une population de plus de dix millions d'habitants, la République tchèque est un pays de taille moyenne. En 2004, la population de la République était constituée de 81 % de Tchèques, de 3 % de Moraves et de Slovaques et, pour le reste, de minorités polonaise, allemande, silésienne, hongroise et rom. Il suffit de regarder une carte pour mesurer à quel point, la République tchèque n'est pas un pays de l'Est comme certains le pensent parfois, confondant dans un vaste ensemble la plupart des Etats qui furent isolés du reste de l'Europe par le Rideau de fer. Ce pays est au cœur même de l'Union européenne et fait figure de passerelle entre ces deux parties du continent. 2) Une histoire mouvementée qui explique ce « besoin d'Europe » On ne peut évidemment dresser ici un panorama complet de l'histoire de la République tchèque. Il conviendrait d'ailleurs de commencer par s'attarder sur l'histoire de la Bohème et de la Moravie puis aborder les multiples péripéties qui ont marqué cette région au coeur de l'Europe. Comment oublier cependant que c'est à Prague que débuta la Guerre de Trente ans qui ravagea le continent et aboutit avec les Traités de Westphalie à une réorganisation politique de l'Europe ? Comment ne pas évoquer également les longues luttes des populations slaves contre la dynastie des Habsbourg et sa politique de germanisation ? Comment ne pas rappeler aussi le caractère incroyablement fécond d'une société qui, à la fin du XIXe et au début du siècle dernier a connu un foisonnement artistique, architectural, littéraire dont Prague témoigne encore aujourd'hui ? L'histoire de ce pays semble une suite de longues révoltes, de soubresauts, de la défénestration de Prague en 1618 au fameux Printemps de 1968 en passant par le mouvement de 1848. La France joua son rôle dans l'avènement de la République tchécoslovaque, née de l'éclatement de l'Autriche-Hongrie après la Première guerre mondiale. Ernest Denis, grand intellectuel français, professeur à la Sorbonne, historien, spécialiste du monde slave fut l'un des plus ardents défenseurs de la cause des Tchèques et des Slovaques ; à tel point qu'un statue honore encore sa mémoire à quelques pas du Parlement tchèque. Au XXe siècle, la Tchécoslovaquie semble avoir été vouée à l'oppression. Après l'affaire des Sudètes et la crise internationale qui conduit au lâche soulagement de Munich, ce pays est envahi par les troupes allemandes le 15 mars 1939, premier acte de ce qui allait devenir la Seconde guerre mondiale. La résistance s'organise en Tchécoslovaquie avec un gouvernement en exil présidé par Edouard Bene_, le successeur du Président Masaryk. Puis vient la Libération, et après le coup de force des communistes - le fameux Coup de Prague en 1948 - Klement Gottwald devient Président de la République. Sous le joug soviétique, les Tchécoslovaques ne perdent pas leur esprit de résistance et le Printemps de Prague marque, en 1968, un espoir dans toute l'Europe oppressée. Mais cette tentative d'instaurer, un « socialisme à visage humain » avec la figure emblématique d'Alexandre Dubcek est réprimée par les troupes du Pacte de Varsovie, auxquelles seule la Roumanie refuse de se joindre. Il en fallait plus pour anéantir la foi des Tchécoslovaques en la liberté. Après les accords d'Helsinki signés en 1975, des mouvements de dissidence s'organisent pour réclamer l'application de ce traité qui impose le respect des droits de l'homme. C'est la fameuse Charte 77 avec Jan Patocka qui meurt en 1977, après de longs interrogatoires, ou le dramaturge Vaclav Havel, qui fut plusieurs fois emprisonné. Dès 1987, des manifestations contre le régime communiste se déroulent. Ce qu'on appellera la Révolution de Velours est en marche. A la suite de la répression d'un mouvement étudiant en novembre 1989, le régime communiste est renversé sans violence et Vaclav Havel est élu Président de la République. Cette manière dont la Tchécoslovaquie a su sortir du communisme a fait l'admiration du monde entier. On peut ajouter que tel fut également le cas lorsqu'en 1993, ce pays se scinda en deux Etats distincts, la République tchèque et la Slovaquie, après avoir constaté l'impasse que constituait le régime fédéral. Alors que parallèlement la Yougoslavie sombrait dans le pire des abîmes, cette scission sans heurt majeur, opérée dans un cadre politique civilisé, fut saluée par tous. L'après 1989 n'est pas une période facile pour la République tchèque. Les conditions de vie se dégradent dans un contexte de transition indispensable mais très difficile à négocier. Des scandales économiques, des affaires de corruption alourdissent l'atmosphère et accroissent la défiance des Tchèques vis-à-vis des milieux dirigeants. La question des minorités rom, en butte à des actes racistes pose aussi des difficultés. Sur le plan international, la République tchèque trouve, en revanche, assez rapidement, sa place. Elle rejoint l'OTAN aux côtés de la Hongrie et de la Pologne en 1999. L'adhésion à l'Union européenne est l'aboutissement logique de l'histoire d'un peuple pour lequel la liberté n'est pas un vain mot. C'est aussi pour cela que nous pouvons nous réjouir que l'Union ait renoué avec de telles nations qui partagent si ardemment nos valeurs. B - Un bilan très favorable après une année dans l'Union 1) Une économie réformée et dynamique L'économie de la République tchèque connaît aujourd'hui une certaine prospérité après une décennie 1989-1999 particulièrement difficile. Les ajustements nécessaires qui ont suivi la Révolution de Velours ont été tels qu'il a fallu attendre 1999 pour que le pays retrouve le niveau de vie qui était le sien dix ans plus tôt, au sortir du joug communiste. La croissance est désormais solidement installée en République tchèque et l'inflation maîtrisée comme le montre le tableau suivant. La question du chômage demeure cependant avec de grandes inégalités entre les régions, le nord du pays, bastion industriel en reconversion, étant beaucoup plus touché que Prague où plusieurs interlocuteurs ont indiqué que régnait le plein emploi.
Source : Ministère tchèque des Finances La République Tchèque bénéficie du PIB par habitant le plus élevé des pays d'Europe Centrale, après la Slovénie ; il correspond à 65 % de la moyenne de l'Union européenne à quinze, soit 14 872 euros en parité de pouvoir d'achat. Toutes les personnes rencontrées lors de la mission de votre Rapporteur ont souligné que l'entrée dans l'Union se traduisait par d'excellents résultats économiques. La croissance du PIB, 4 % en 2004, a atteint son niveau le plus élevé depuis dix ans au deuxième trimestre 2005 (+ 5,1 %), notamment sous l'effet de la forte progression des exportations industrielles (+16 % en glissement annuel). Les PME contribuent à hauteur d'environ 60 % au PIB. L'inflation reste très limitée - 1,8 % au premier semestre 2005 - en raison de l'ouverture de l'économie puisque le taux d'ouverture de l'économie tchèque atteint 124 %, et du caractère très concurrentiel de la grande distribution puisque la vente à perte n'est pas interdite en République tchèque. Les producteurs de fruits et légumes se plaignent d'ailleurs dans ce pays de la faiblesse des prix de vente. Le déficit du commerce extérieur a fortement baissé en 2004. Depuis avril 2005, la Banque Centrale de la République tchèque maintient le taux directeur à 1,75 %, en raison de la faiblesse de l'inflation et de l'appréciation continue de la couronne - la monnaie tchèque - par rapport à l'euro. Sous le double effet de l'appréciation de la couronne et d'une hausse annuelle des salaires de l'ordre de 6 % par an depuis quatre ans, le pouvoir d'achat progresse régulièrement. Toutefois, ainsi que l'a souligné notamment le Président du syndicat CMKOS lors de son entretien avec votre Rapporteur, le taux de chômage, bien qu'en diminution, reste élevé à plus de 8,6 % et - comme on l'a indiqué - de très fortes disparités régionales demeurent : de moins de 3 % à Prague, il avoisine les 20 % dans les zones en reconversion, en Bohême du Nord et en Silésie-Moravie. b) Une réforme de l'économie en voie d'achèvement Au cours de plusieurs des entretiens avec les responsables tchèques et les représentants des entreprises françaises en République tchèque, la question des privatisations et de la réforme économique a été évoquée. En la matière, l'essentiel a déjà été fait avant l'entrée dans l'Union européenne. M. Jaroslav Mil, président de la confédération de l'industrie et des transports, a fait part à votre Rapporteur des perspectives de privatisations des dernières entreprises publiques tchèques. Le secteur privé représente d'ores et déjà plus de 90 % du PIB du pays ; le processus est donc en voie d'achèvement. Récemment, la République tchèque a encore procédé à plusieurs privatisations avec les ventes, en 2004, du conglomérat chimique Unipetrol au groupe polonais PKN Orlen, en avril 2005 de Cesky Telecom à Telefonica et, en août dernier, des aciéries de Vitkovice au holding russe Evraz. La compagnie aérienne tchèque CSA demeure, quant à elle, publique ; une privatisation pourrait intervenir dans les deux années qui viennent. Pourraient également être remis au secteur privé le constructeur aéronautique Aerovodochody, l'aéroport de Prague, CSL - la société en charge de la gestion de l'aéroport -, la poste tchèque, les chemins de fer, et en dernier lieu la compagnie nationale CEZ, deuxième exportateur européen d'électricité. 2) La gestion des fonds européens : la montée en puissance du dispositif a) Les dotations au bénéfice de la République tchèque pour 2004-2006 Pour la période 2004-2006 - jusqu'à l'ouverture des nouvelles perspectives financières - la République tchèque bénéficie de près de 2,6 milliards d'euros répartis ainsi : - environ 1,5 milliard d'euros au titre des fonds structurels (FEDER, FSE, FEOGA-O et IFOP) pour les trois objectifs de la politique régionale communautaire et les « programmes d'initiative communautaire » (100,8 millions euros pour INTERREG et EQUAL en République tchèque) ; - 945,3 millions d'euros au titre du Fonds de cohésion, auquel la République tchèque est éligible ; ce fonds est appelé à cofinancer de grands projets d'infrastructures environnementales et de transport d'un montant supérieur à 10 millions d'euros. En pratique les premiers appels à projets n'ont été lancés que depuis mai 2004. Fonds structurels alloués à la République tchèque, 2004-2006, pour les trois objectifs de la politique régionale (en millions d'euros)
Un montant de 1,454 milliard d'euros est dévolu sur la période 2004-2006 pour les régions relevant de l'objectif 1 de la politique régionale. L'ensemble du territoire de la République tchèque, sauf Prague est éligible au titre de cet objectif. Ces priorités se déclinent dans cinq programmes opérationnels - quatre sont thématiques et un régional. A chacun de ces programmes sont affectés des financements communautaires, complétés par des financements nationaux. Le programme opérationnel commun « Développement régional » dispose de 454,3 millions d'euros venant du FEDER et du FSE. Les collectivités régionales et locales sont ainsi appelées à développer au niveau régional : l'entreprenariat, les infrastructures de transport, les ressources humaines, le tourisme. Une assistance technique est prévue pour 11,8 millions d'euros sur financements communautaires (FEDER). Le Ministère du développement régional dont votre Rapporteur a rencontré les représentants est l'autorité de gestion de ce programme. Le programme opérationnel « Ressources Humaines » dispose de 319 millions d'euros en provenance du FSE. Il est présenté comme un programme clé, devant faciliter les mesures de politique active de l'emploi, d'intégration sociale, d'apprentissage tout au long de la vie, d'adaptabilité de la main d'œuvre aux exigences du marché du travail. Le Ministère des affaires sociales en est l'autorité de gestion. Le programme opérationnel « Industrie et Entreprise » bénéficie de 261 millions d'euros en provenance du FEDER pour le développement de l'environnement commercial des entreprises - infrastructures, centres de formation, zones industrielles... - ainsi que des aides au renforcement de la compétitivité des entreprises - innovation, recherche et développement, accès aux services de conseil... L'assistance technique correspondra à 4 % des fonds alloués au titre de ce programme soit 10,44 millions d'euros. Le Ministère de l'industrie en est l'autorité de gestion. Le programme opérationnel « Infrastructure (transport et environnement) » dispose de 246,4 millions d'euros en provenance du FEDER, pour cofinancer des projets d'infrastructures de transport d'intérêt national ou interrégional et environnementales. L'assistance technique correspond à 2,18 % des fonds attribués au programme, pour 5,4 millions d'euros. Le Ministère de l'environnement est en charge de ce programme. Enfin, le programme opérationnel « Développement rural et agriculture multi-fonctionnelle » devrait disposer de 174 millions d'euros de financements communautaires (FEOGA-O et IFOP), gérés par le Ministère de l'agriculture. On constate que les porteurs de projets sont très divers selon les programmes : les collectivités locales ou leurs groupements mais également des associations, des organismes publics ainsi que le secteur privé, pour l'essentiel les PME. b) Une consommation des crédits européens à renforcer La répartition des fonds alloués à la République tchèque (2004-2006) et des crédits consommés en 2004 concernant les Fonds structurels et le Fonds de cohésion est la suivante :
La question de la consommation des Fonds structurels alloués à la République tchèque a fait l'objet d'entretiens particuliers de votre Rapporteur avec des représentants des différents ministères concernés comme celui du développement régional. Pour la période 2004-2005, on constate que cette consommation reste faible : 1,5% seulement de l'allocation totale à la fin avril 2005. Toutefois, les projets approuvés représentent à ce jour un tiers du montant total des crédits comme le montre le tableau suivant. Répartition des Fonds structurels fonds disponibles / montants des projets approuvés / crédits consommés
* en % du montant total des fonds alloués pour le programme) - PO = programme opérationnel Source : www.strukturalni-fondy.cz Une forte hétérogénéité apparaît, en fonction des programmes opérationnels, de la consommation des crédits et de la répartition des financements accordés. Si, pour les programmes opérationnels portant sur les infrastructures, les projets approuvés représentent 73,3 % du montant des fonds alloués pour la réalisation de ce programme, les projets approuvés pour le programme opérationnel relatif aux ressources humaines représentent 3 % seulement des financements prévus pour ce programme. On observe ainsi que le montant total des demandes déposées pour la réalisation de projets entrant dans le cadre de la mesure « Amélioration des infrastructures permettant d'accroître la protection de l'environnement » du programme opérationnel « Infrastructures », a été largement supérieur aux subventions prévues. Quarante trois demandes avaient été déposés lors à la date du déplacement de votre Rapporteur à Prague, pour un montant total de 6,2 milliards de couronnes, soit onze fois plus que les fonds alloués normalement à cette mesure. Pour le programme opérationnel « Industrie et Entreprise », le montant total des demandes déposées pour la réalisation de projets entrant dans le cadre de la mesure intitulée « Développement des entreprises » s'est élevé à plus de 275 % des fonds disponibles. En revanche, très peu de demandes ont été déposées pour des projets dans le domaine des ressources d'énergie renouvelables et économie d'énergie. Fin avril 2005, plus de 8070 demandes de subventions sur fonds structurels avaient été déposées auprès des autorités compétentes. Le nombre de demandes rejetées pour des raisons de vices de forme est assez élevé puisqu'il atteint plus de 14 % des demandes déposées dans le cadre du programme opérationnel « Infrastructures » et plus de 10% des demandes pour le programme opérationnel « Industrie et Entreprise ». Le Fonds de cohésion a pour objet d'accorder des financements pour des projets en matière d'environnement ou de réseaux transeuropéens de transport. Sur les 936,05 millions d'euros alloués à la République tchèque au titre de ce Fonds, seuls 67,157 millions d'euros ont été consommés en 2004, soit 7,2 % de l'enveloppe totale pour la période 2004-2006. Là encore, le résultat est mince. Les interlocuteurs de votre Rapporteur ont confirmé la faible consommation, à ce jour, des fonds communautaires. Conscients de cette difficulté et du risque de dégagement d'office des crédits, le Ministère des finances et le Ministère du développement régional semblent avoir engagé un processus de rationalisation et de simplification des circuits financiers. Selon les représentants du Ministère du développement régional rencontrés - MM. Ladislav Kylar et Miroslav Danek, en charge du Fonds de cohésion et des fonds structurels - la complexité des procédures d'éligibilité des projets peut expliquer la faible consommation constatée. Une certaine inertie administrative explique que peu d'avances de trésorerie sont versées aux bénéficiaires. Les entretiens ont permis de constater que, pour les autorités tchèques, la gestion des fonds structurels est perçu comme un bon exercice pratique pour inciter ministères, agences et collectivités bénéficiaires a adopter des pratiques de travail plus efficaces et rigoureuses. Les interlocuteurs de votre Rapporteur se sont, dans tous les cas, montrés confiants dans la capacité de la République tchèque à absorber la manne des fonds européens. La gestion des fonds semble largement assurée par l'échelon central, les représentants des ministères donnant peu de détails sur les conditions dans lesquelles les régions pourraient être associées plus intensément à cette gestion. Le Fonds national tchèque pour les infrastructures de transports estime à environ 25 milliards d'euros les besoins financiers pour réaliser le programme tchèque de développement qui se répartit ainsi : 69 % pour les transports routiers et 30 % pour le chemin de fer. La République tchèque prévoit ainsi un doublement du réseau autoroutier de 2004 à 2012 passant de 500 à 1 000 km. La France n'est pas tenue éloignée de ces projets financés par les fonds européens. On peut espérer que le programme pluriannuel de construction d'infrastructures de transports partiellement financé sur fonds structurels et sur Fonds de cohésion pour un montant de 723,5 millions d'euros pour 2004-2006 ouvre des opportunités pour les grandes compagnies françaises (4). Les investissements en matière d'environnement dans le cadre du Fonds de cohésion s'élèveraient à 10 milliards d'euros, de 2004 à 2010. 56 % proviendraient du secteur privé. Le montant total des soutiens communautaires consacrés à l'environnement sur la période 2004-2006 serait d'environ 630 millions d'euros dont 472 financés sur le Fonds de cohésion et 157 sur les fonds structurels au titre du programme opérationnel « Infrastructures ». Des besoins existent en matière de qualité de l'eau à hauteur de 3,775 milliards d'euros. En 2010, toute agglomération de plus de 2 000 habitants devrait disposer d'une station d'assainissement et les investissements nécessaires sont évalués à 3,3 milliards d'euros. Les entreprises françaises devraient pouvoir bénéficier de ces opportunités. Concernant le traitement des déchets, la dépense envisagée s'élèverait à 532 millions d'euros sur la période 2004-2010, la République tchèque manquant d'équipements pour le recyclage et l'incinération des déchets. La qualité de l'air supposerait des investissements d'un même montant soit 532 millions d'euros, notamment pour l'achat d'équipements de contrôle des niveaux de pollution. Par ailleurs, l'obligation pour les entreprises industrielles des secteurs les plus polluants d'adopter une stratégie de prévention de la pollution constitue un marché estimé à 650 millions d'euros. e) Les infrastructures agricoles Pour la période 2004-2006, la République tchèque recevra 1,6 milliard d'euros au titre de la politique agricole commune soit 480 millions d'euros pour le développement rural et 173,9 millions d'euros de fonds structurels au titre du programme opérationnel « Développement rural et agriculture multifonctionnelle ». Les fonds européens contribuent à soutenir les importations tchèques de matériel agricole ; celles-ci on atteint 147,8 millions d'euros en 2004, soit une augmentation de 16 % par rapport à 2003. On constate que la France figure parmi les premiers exportateurs de matériel agricole vers la République tchèque. La majorité de la population ressent les effets économiques positifs liés à l'adhésion, en particulier, l'augmentation des exportations et du PIB. Toutefois, pour le Président de la confédération syndicale CMKOS, M. Milan Stech, les retombées économiques positives pour la République tchèque ne sont pas toujours appréciées à leur juste valeur par l'opinion, notamment en raison de la persistance d'un chômage élevé et de l'impatience des Tchèques à rejoindre le niveau de vie des Etats membres les plus anciens. Pour lui, si l'opinion tchèque avait parfois une image négative des institutions européennes, elle exprimait ainsi ses craintes que l'Europe économique ne prenne le pas sur l'Europe sociale, que la « promotion du modèle américain n'entraîne le démontage de l'Europe sociale ». Mais d'un point de vue global, tous les interlocuteurs rencontrés ont souligné que la première année passée dans l'Union avait été très bénéfique pour le pays. La grande majorité des Tchèques en sont convaincus. Le seul point négatif relevé lors de cette mission a été l'augmentation du transit routier en raison de l'ouverture des frontières et de la position centrale de la République tchèque en Europe qui est ainsi traversée par des camions de plus en plus nombreux roulant sur un réseau routier trop peu développé. C - La France et la République tchèque : un partenariat économique à renforcer 1) Les investissements français en République tchèque : une place honorable En 2004, les investissements directs étrangers (IDE) ont représenté 4,2 % du PIB de la République tchèque. Ils sont soutenus par le réinvestissement sur place des bénéfices réalisés par les filiales de groupes étrangers, qui représentent 53 % des IDE. La quasi-totalité des flux d'investissements français sont des bénéfices réalisés par les filiales implantées en République tchèque et réinvestis sur place. Avec 7,9 % des stocks, la France occupe ainsi la quatrième place, derrière les Pays-Bas (30,9 %), l'Allemagne (20,6 %), l'Autriche (11,8 %), devant les Etats-Unis (5,2 %). Les investisseurs français sont présents dans tous les secteurs : industrie (45 % du total des investissements), services (39 %) distribution (16 %). Les Etats-Unis sont, quant à eux, surtout présents dans le secteur informatique, mais ne détiennent plus de grande présence stratégique depuis le désengagement, à l'automne 2004, de Boeing du constructeur aéronautique tchèque Aerovodochody On observera la présence croissante du Japon devenu le 9e investisseur en stocks, en particulier dans les secteurs de l'automobile et de l'électronique. On doit enfin indiquer qu'une opération a souvent été citée en exemple, celle du rachat et de la restructuration par la Société générale en 2001 de la Komercni Banka. Chacun s'accorde sur le fait que cet investissement a été exemplaire de la qualité qui peut être celle des grandes entreprises françaises à l'étranger. 2) Des échanges commerciaux entre la France et la République tchèque à intensifier Alors que la croissance des échanges commerciaux entre la France et la République tchèque a été très soutenue entre 1993 et 2001, les exportations françaises ont baissé de 0,4 % en 2002 et n'ont progressé que de 1,8 % en 2003. En 2004, les exportations en valeur se sont accélérées (+ 5,8 %) soutenues par la croissance de l'économie tchèque, la hausse des cours des matières premières et la levée des dernières barrières tarifaires et non tarifaires dans l'agro-alimentaire, consécutive à l'adhésion de la République tchèque à l'Union européenne. Depuis la transition politique qu'a connue l'Europe centrale, les échanges commerciaux de la région se sont tournés vers l'Union européenne. Ainsi les échanges avec l'Union à vingt-cinq représentent 86 % des exportations tchèques et 72,2 % des importations du pays. La République tchèque est donc parfaitement intégrée dans le marché européen. La France a largement bénéficié de cette réorientation. Les ventes françaises à la République tchèque ont progressé de 14 % en moyenne annuelle depuis 1995 partant, il est vrai, de niveaux relativement peu élevés. La part de marché de la France est passée de 3,4 % en 1993 à 4,7 % en 2004, contre 4,9 % en 2003, ce qui la place au cinquième rang des fournisseurs de la République tchèque. La structure des échanges commerciaux entre la France et la République tchèque est proche. Sur les quatre premiers produits exportés par la France et la République tchèque, trois sont communs. La France exporte par ordre décroissant : des véhicules automobiles (13,2 % des ventes), des équipements automobiles (6,6 %), des préparations pharmaceutiques (6,2 %) et des pneumatiques (3,6 %). La République tchèque, de son côté, exporte vers la France : des automobiles (12,7 %), des équipements pour automobiles (12,4 %), des composants électroniques (4,6 %) et des pneumatiques (4,1 %). Echanges commerciaux France/République tchèque
Source : Douanes françaises Les exportations françaises se sont accélérées en 2004. Elles ont progressé de 5,8 % en 2004 contre + 1,8 % sur l'année 2003. Toutefois, on constate que les exportations vers la République tchèque sont moins dynamiques que vers la Pologne (+ 10,8 %) dont l'économie croit plus rapidement. En revanche, elles le sont plus que vers la Hongrie (+ 3,4 %). D'un point de vue sectoriel, on note la progression notable des exportations agro-alimentaires (+ 13,8 %), les producteurs français bénéficiant depuis mai 2004 de la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires à l'entrée en République tchèque. A plus long terme, les produits français devraient bénéficier de la hausse du pouvoir d'achat des ménages et de la montée en gamme de leur consommation. Les ventes de produits d'équipement du foyer sont également en forte hausse (+ 8,2 %) en lien avec l'équipement progressif des ménages tchèques. Les ventes de produits pharmaceutiques et de parfumerie, secteur où la France dispose traditionnellement d'avantages comparatifs, progressent de 5,5 %. On note également la forte progression de nos exportations de biens intermédiaires (+ 9,2 %) Echanges sectoriels France/République tchèque (en millions d'euros) :
Source : Douanes françaises Après un fort ralentissement en 2003, les importations françaises en provenance de République tchèque ont été très vigoureuses en 2004 En 2004, les importations françaises en provenance de République tchèque ont progressé de 17,2 % contre + 0,8 % en 2003. Ce regain reflète notamment le raffermissement de l'activité en France, dans un contexte de quasi stabilité de la couronne par rapport à l'euro. L'excédent français dégagé avec la République tchèque s'est, dès lors, fortement réduit pour atteindre 237 millions d'euros contre 412 millions d'euros en 2003. Cela s'explique par la vigueur des importations que nous venons d'évoquer et, en premier lieu, des importations de biens d'équipement électriques et électroniques. D - La République tchèque : la volonté de jouer un rôle actif au sein de l'Union européenne 1) La Constitution européenne : la mise en suspens du processus de ratification Les Tchèques, auparavant majoritairement favorables à sa ratification, semblent aujourd'hui émettre des réserves sur l'intérêt de ratifier la Constitution européenne. De ce point les interlocuteurs de votre Rapporteur ont tous souligné les effets négatifs des refus français et néerlandais. Selon les derniers sondages, 44 % des Tchèques se déclarent à présent favorables à une ratification du traité. Pour M. Pavel Svoboda, président de la Commission des Affaires européennes à la Chambre des députés, on peut considérer que, d'une certaine manière, ces réserves montrent que la France fait l'opinion européenne, en République tchèque et dans les autres Etats membres. Notre collègue tchèque a clairement indiqué que les pays de l'Union attendaient un signe de la France pour continuer à progresser. Il serait temps que notre pays adresse un message clair sur la conception de l'Union européenne que la France entend défendre. Les personnalités rencontrées tant dans le monde politique que dans les milieux économiques ont estimé, sans voix discordante, que le pays n'était pas eurosceptique, même si les déclarations du Président de la République, M. Vaclav Klaus peuvent parfois le laisser paraître. 2) Les perspectives financières 2007-2013 : la volonté d'aboutir vite Hormis quelques nuances sur la PAC, la République tchèque est largement en accord avec ses partenaires du groupe de Visegrad, la Slovaquie, la Pologne et la Hongrie. Elle est attachée à l'aboutissement des négociations qui conditionne largement la possibilité de mettre en place à temps la politique régionale dont on a montré toute l'importance pour la République tchèque. C'est pour cela, que ce pays était prêt à accepter la proposition de compromis de la Présidence luxembourgeoise en juin dernier. Critiques sur le chèque britannique, les Tchèques ne se sont pas montrés a priori hostiles au discours anglais sur la réorientation des politiques européennes. Ils souhaitent qu'un effort budgétaire soit consenti en faveur des objectifs de la stratégie de Lisbonne. Le maintien de fortes dotations pour l'agriculture n'est pas une priorité, le monde agricole étant faiblement représenté dans ce pays industrialisé de longue date. Toutefois, il est apparu clairement à votre Rapporteur, que les responsables tchèques attendaient des propositions autrement plus complètes de la part du Royaume-Uni. Favorable à une réforme de la PAC, M. Svoboda, Président de la Commission des Affaires européennes de la Chambre, a semblé craindre que les petits Etats membres ne soient « pris en otage » dans une querelle franco-britannique. Rappelant que les pays bénéficiaires des fonds structurels étaient ceux qui avaient consenti le plus de concessions lors des négociations de juin dernier, il a ajouté que la République tchèque souhaitait un budget ambitieux, même si cela devait la conduire à devenir plus rapidement contributeur net. Mme Heidlerova, directrice en charge de l'intégration européenne au Ministère des finances, a, elle aussi, souligné que toute possibilité d'accord était dans les mains des grands Etats Membres, et que la République Tchèque avait déjà fait des concessions pour permettre un compromis. Elle a rappelé que la République Tchèque souhaitait un accord en décembre prochain. Le respect de cette échéance, a-t-elle ajouté, est essentiel pour que le pays puisse disposer des délais nécessaires à la mise en oeuvre des fonds communautaires. 3) La libre circulation des travailleurs tchèques : un dossier sensible Depuis le 1er mai 2004, les ressortissants tchèques peuvent travailler sans permis spécial uniquement dans trois pays de l'Union européenne : la Suède, le Royaume-Uni et l'Irlande. La France a, pour sa part, décidé de protéger son marché du travail pour au moins deux années supplémentaires. D'autres membres de l'Union prévoiraient même de prolonger au maximum cette période de transition jusqu'en 2011. Ce sujet a été abordé au cours de tous les entretiens de votre Rapporteur. Il préoccupe beaucoup nos interlocuteurs tchèques mais aussi les représentants des entreprises françaises. Ces derniers ont vivement plaidé en faveur de la levée des restrictions au 1er mai 2006, à l'instar de la décision d'ouverture prise par le Royaume-Uni depuis le 1er mai 2004. Tous estiment qu'il s'agirait de la part de la France d'une mesure qui mettrait en évidence l'existence d'une véritable solidarité européenne. Ils en ont d'ailleurs souligné le caractère largement symbolique ; en effet, très peu de travailleurs tchèques useraient de cette liberté, eu égard à leur faible mobilité, y compris sur le marché intérieur de la République tchèque. Le député Pavel Svoboda a particulièrement insisté sur ce point. Il a estimé qu'il s'agissait là d'une question de principe pour les Tchèques, qui devaient être considérés par leurs partenaires comme membres à part entière de l'Union. Il a indiqué attendre un signal positif de la part de la France. On notera que M. Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères, a été également interpellé sur cette question lors de son passage dans la capitale tchèque le 7 octobre dernier. En réponse aux attentes tchèques, il a indiqué, semble-t-il, que des solutions étaient à l'étude, la résolution de ce problème n'étant pas aisée dans le contexte politique français depuis le 29 mai dernier. 4) L'Europe de demain : réactions à quelques propositions Votre Rapporteur a également évoqué avec ses interlocuteurs les questions qui sont posées aujourd'hui à l'Europe pour son organisation future. Sur l'idée d'aller de l'avant par des coopérations renforcées ou spécialisées, les réactions ont été nuancées. Certains se sont déclarés ouverts à cette proposition pourvu que les coopérations n'aboutissent pas à l'organisation de clubs fermées, notamment aux nouveaux Etats membres. Sur les questions de défense, jugées sensibles en République tchèque, parce qu'elles touchent à la souveraineté, il a été souligné que la relation entre l'Union européenne et l'OTAN était une question-clé pour Prague. La proposition d'engager un mouvement tendant à harmoniser les systèmes fiscaux et sociaux au sein de l'Union selon des modalités qui restent à définir a suscité globalement des réticences, notamment du milieu des entreprises. Certains ont considéré que la politique fiscale devait demeurer un puissant levier des gouvernements nationaux pour peser sur l'activité économique et l'orienter. Concernant l'élargissement de l'Union, l'ouverture à la Turquie ne semble pas poser de difficultés pour les Tchèques rencontrés lors de cette mission, hormis la question de la reconnaissance de Chypre. En revanche, le député Pavel Svoboda avait vivement plaidé en faveur de l'engagement rapide des négociations avec la Croatie, considérant que ce pays était prêt et posait finalement moins de problèmes, notamment économiques, que la Roumanie et la Bulgarie. Il a jugé injuste de retarder ces négociations, dont l'ouverture aurait un effet d'entraînement et stabilisateur pour toute la région. On peut constater que le Conseil du 3 octobre dernier lui a donné gain de cause. * * * De cette mission, il ressort que l'image de la France est plutôt bonne en République tchèque. Toutes les personnes entendues attendent beaucoup de notre pays pour relancer l'Europe après le coût d'arrêt porté à la Constitution européenne. Il faut espérer que notre pays ne décevra pas les attentes de nos amis tchèques qui ont su parfaitement intégrer l'Union et entendent agir au mieux pour en assurer le progrès. L'année 2006 sera une année charnière, avons-nous dit. Elle sera celle de tous les efforts. Après l'année critique que fut 2005, il est temps d'aller de l'avant de manière pragmatique mais volontaire. L'Europe doit poursuivre son œuvre à son rythme. Nous devrons être très vigilants sur les conditions dans lesquelles les négociations seront engagées avec la Turquie puisque l'intégration de ce vaste pays dans l'Union en changerait le visage profondément. Est-ce ce que veulent réellement les Européens ? Le moment venu, il faudra leur soumettre ce choix. AUDITION DE MME CATHERINE COLONNA, Au cours de sa réunion du mardi 18 octobre, la Commission a entendu Mme Catherine Colonna, Ministre déléguée aux Affaires européennes. Le Président Edouard Balladur a accueilli Mme Catherine Colonna en indiquant qu'elle venait présenter à la Commission le budget de l'Union européenne pour 2006 et le prélèvement sur recettes auquel la France va devoir procéder pour contribuer à ce budget, ainsi que, plus largement, les perspectives européennes pour les mois qui viennent. Présentant le budget de l'Union européenne pour 2006, Mme Catherine Colonna, Ministre déléguée aux Affaires européennes a constaté que la France devrait demeurer, avec une contribution de 18 milliards d'euros, soit 16,4 % des recettes communautaires, le deuxième contributeur du budget communautaire derrière l'Allemagne qui verse 22,6 milliards d'euros. Notre pays devrait également rester le deuxième bénéficiaire de ce budget à hauteur de 12,9 milliards d'euros en 2004, qui sont les derniers chiffres disponibles, derrière l'Espagne qui a reçu 16,3 milliards d'euros. Nous devons cette situation avant tout à notre excellent taux de retour sur la politique agricole commune (PAC) : en 2004, la France a bénéficié de 21,6 % des dépenses agricoles communautaires et reçu 9,4 milliards d'euros au titre de la PAC de marché. Au total, la France est contributrice nette au budget européen, comme dix autres Etats membres. Notre solde net - c'est-à-dire la différence entre notre contribution brute et les dépenses réalisées sur notre territoire - s'est élevé, en 2004, à - 2,9 milliards d'euros, soit environ 50 euros par habitant. Ce montant est raisonnable au regard des bénéfices que nous procure la construction européenne, qu'il s'agisse des gains économiques du grand marché européen ou des gains encore plus difficiles à quantifier tels que les apports de la paix et de la stabilité du continent. L'avenir des moyens budgétaires de l'Union européenne sera déterminé par la négociation sur les perspectives financières pour la période 2007-2013. Lors du Conseil européen des 16 et 17 juin 2005, et malgré la disponibilité d'une très large majorité d'Etats membres, dont la France, la présidence luxembourgeoise a échoué à y obtenir un accord. L'enjeu de ces perspectives financières est le financement de l'Union élargie et de ses politiques ; chacun doit prendre part à ce financement de façon équitable, ce qui suppose notamment la réforme du « rabais britannique ». Rappelons aussi que la proposition de la présidence luxembourgeoise était satisfaisante puisqu'elle permettait tout à la fois de financer les politiques actuelles, de développer des politiques nouvelles - la recherche et développement, la justice et les affaires intérieures, la politique étrangère et de sécurité commune - et de supporter le coût de l'élargissement. Il revient maintenant à la présidence britannique de trouver un accord d'ici décembre 2005, comme elle dit vouloir le faire. C'est une nécessité. Elle n'a pour le moment mené que des consultations bilatérales avec chacun des Etats membres, sans faire de proposition, ce qu'elle entend faire dans le courant du mois de novembre seulement. Il faut se hâter : comme l'a rappelé le Premier ministre, le 17 octobre dernier, sans budget, l'Europe n'avancera pas. Puis la Ministre a abordé la question des négociations d'adhésion lancées le 3 octobre dernier avec la Turquie et la Croatie. Il s'agira là d'un processus ouvert. Si la Turquie ne remplissait pas les critères requis ou si la capacité d'absorption de l'Union européenne ne permettait pas de l'accueillir, ce processus s'orienterait vers une solution alternative à l'adhésion sous la forme d'un lien « le plus fort possible » entre la Turquie et l'Union. La France, ainsi que d'autres Etats membres, notamment les Pays-Bas et l'Autriche, ont demandé et obtenu que ces principes soient clairement établis dès le début des négociations. De plus, chaque chapitre sera ouvert et clos à l'unanimité. Dans le cas où les négociations déboucheraient sur un projet d'adhésion, les Français auront en tout état de cause le dernier mot par la voie du référendum. S'agissant de la Croatie, les ministres présents à Luxembourg ont pris note de la conclusion de Mme la Procureure Carla del Ponte selon laquelle la coopération de la Croatie avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie était désormais entière. C'était la dernière condition à l'ouverture des négociations conformément aux décisions du Conseil européen du 17 décembre 2004. On a veillé à ce que cette coopération fasse l'objet d'un suivi tout au long des négociations et à ce que l'arrestation du Général Gotovina soit un objectif de court terme. En cas de défaillance de Zagreb dans cette coopération, les négociations d'adhésion peuvent être suspendues à tout moment. Les négociations d'adhésion avec la Turquie, comme avec la Croatie, feront donc l'objet d'un contrôle politique étroit. A cet égard, la Ministre a rappelé qu'il s'agissait bien de négociations entre chacun des Etats candidats et l'ensemble des Etats membres, et non avec la seule Commission européenne. En outre, celles-ci sont fondées sur le principe de l'unanimité, ce qui confère à la France un droit de veto à chaque étape. Le Gouvernement tiendra les parlementaires dûment informés tout au long de ces négociations. Le prochain Conseil européen informel de Hampton Court est un rendez-vous important puisque c'est la première fois que, depuis le dernier Conseil européen des 16 et 17 juin 2005, les chefs d'Etat et de gouvernement se retrouveront. En outre, les citoyens européens seront très attentifs au bon déroulement de ce sommet et aux orientations qui pourront en être dégagées. D'après les informations recueillies à ce stade auprès de la présidence britannique, trois thèmes seront abordés : comment maintenir et consolider la justice sociale et la compétitivité dans le contexte de la mondialisation ? Cette question sera l'occasion d'échanges sur la recherche et le développement, l'énergie, la démographie... Seront ensuite évoquées la place de l'Europe dans le monde ainsi que la sécurité de nos citoyens. Ce Conseil européen informel qui ne fera l'objet que de conclusions orales, sera donc consacré aux principaux défis que l'Union doit relever aujourd'hui. La France s'y rendra dans un esprit constructif, avec la volonté de soutenir la présidence pour faire de ce rendez- vous une réussite. C'est tous ensemble que nous pourrons trouver les réponses, en gardant à l'esprit que le coeur du projet européen repose sur un esprit de solidarité, une exigence d'harmonisation et une volonté commune de défendre nos intérêts. La Ministre a souhaité conclure son intervention en présentant les travaux que le Gouvernement avait entrepris depuis le mois de juin 2005 pour tenir compte du message que les Français avaient adressé le 29 mai. Ce point est au coeur de l'action du Gouvernement. Il est nécessaire de réaffirmer que notre projet est celui d'une Europe politique, forte, ambitieuse et solidaire, et répondre par des politiques concrètes aux préoccupations quotidiennes des Français, à commencer par la croissance et l'emploi. Mais il faut également proposer une autre façon de construire l'Europe, qui associe mieux les Français aux décisions relatives à leur avenir. Il y a sur ce point une attente très forte, que la Ministre a constatée à l'occasion de chacun de ses déplacements dans les régions. C'est pourquoi le 29 août 2005, dans son discours devant les ambassadeurs, le Président de la République a demandé que le Parlement français mais aussi les collectivités locales, les partenaires sociaux et la société civile soient davantage associés aux processus de décision européens. Le Premier ministre lui fera prochainement une série de propositions. Il a aussi été décidé, lors du Comité interministériel sur l'Europe du 20 septembre 2005, de créer un nouveau site portail interactif sur l'Europe, qui sera la tête de réseau de l'ensemble des sites publics et associatifs. Enfin, la Ministre a entamé une série de rencontres avec les partenaires sociaux pour recueillir leurs propositions sur les moyens de mieux associer les Français aux processus européens de décision et pour échanger avec eux sur les grands dossiers du moment. Le Parlement a naturellement un rôle crucial à jouer dans cet effort qui doit être mené au quotidien pour refaire la preuve de l'Europe à nos concitoyens. Le Premier ministre l'avait confirmé dès le 15 juin 2005, certaines initiatives ayant, d'ores et déjà, été prises pour mieux associer le Parlement français : il pourra désormais se prononcer sur un plus grand nombre de textes européens ; par ailleurs, des sessions de sensibilisation aux problématiques européennes vont être proposées aux parlementaires dans le cadre d'un déplacement à Bruxelles et à Strasbourg. La Ministre a conclu en déclarant qu'elle savait pouvoir compter sur les parlementaires dans cette action. Après avoir remercié la Ministre pour la présentation qu'elle venait de faire du budget de l'Union pour 2006 et plus largement des perspectives qui s'ouvraient aujourd'hui pour l'Union européenne, M. Roland Blum a déclaré que, selon lui, le vote du 29 mai dernier traduisait une grande incompréhension des Français vis-à-vis du rôle réel de l'Union européenne. Cette suspicion à l'égard de l'Europe, qui atteint aujourd'hui un point critique est à la fois injuste et légitime. Injuste, parce qu'on demande souvent plus à l'Union européenne qu'elle ne peut elle-même accomplir ; il ne faut pas oublier que les Etats sont encore dominants dans le jeu institutionnel. Légitime, car le système européen pris au sens large - Commission et Etats membres - a engagé un mouvement de réformes et d'adaptation absolument nécessaire sans prendre cependant en compte le fait que cela infligeait à nos sociétés des évolutions parfois brutales. Pour y remédier, M. Roland Blum a estimé qu'il fallait améliorer l'information de nos concitoyens sur les questions européennes. C'est le sens des propositions de M. le député Michel Herbillon dans son rapport remis au Premier ministre en juin 2005. Mais cela ne suffit pas. Il faut également que les Français puissent peser sur la politique européenne par le biais, en particulier, de leurs représentants. Il a rappelé que l'amendement adopté par la Commission des Affaires étrangères en janvier 2005 - plus connu désormais sous le nom d'« amendement Balladur » et que M. de Charette et lui-même avaient cosigné - donnait aux assemblées un pouvoir d'initiative et le droit de voter. C'est là le seul pouvoir qui compte pour une assemblée : s'exprimer par un vote. Il a convenu que des débats seraient sans doute organisés avant et après les Conseils européens et s'en est réjoui. Mais cela ne suffit pas non plus. Une suite de discours dans l'hémicycle n'est pas un débat ; cela reste une suite de discours et pour débattre réellement, il faut voter. Le Gouvernement a tout fait au début d'année pour que l'initiative adoptée par la Commission des Affaires étrangères soit finalement rejetée. Mais le vote du 29 mai ne semble-t-il pas avoir invalidé largement cette position ? M. Roland Blum a demandé si le Gouvernement entendait donner plus de poids aux avis du Parlement sur les affaires européennes notamment en lui soumettant tous les projets d'actes et les documents produits par les instances européennes que ce soit le Conseil, le Parlement ou la Commission. Il s'est enquis du sort de la circulaire promise sur ce sujet par le Premier ministre en février 2005. M. Roland Blum a ensuite souhaité aborder la question de l'élargissement, en estimant que les conditions dans lesquelles on avait étendu l'Union et surtout projeté de l'élargir plus encore, notamment, pour être clair, à la Turquie, était l'une des causes profondes de la crise actuelle. Il a souhaité savoir quelle était aujourd'hui la position du Gouvernement sur les élargissements futurs, au-delà même de la question turque et quelle vision avait-il de l'Europe dans vingt ans ? Avec quels pays et pour quoi faire ? Pour ce qui est de la Turquie, comment le Gouvernement entend-il concrètement s'organiser pour associer le Parlement dans le processus de négociations ? Enfin, la Roumanie et la Bulgarie vont-elles pouvoir entrer dans l'Union européenne au 1er janvier 2007 ? A propos des perspectives financières et des négociations difficiles engagées depuis plus d'un an, il faut saluer la position responsable qui fut celle du Président de la République et du Gouvernement lors du Conseil de juin 2005. Les Britanniques ont fait le choix de l'intransigeance sans proposer quoi que ce soit. Cette attitude est critiquée notamment dans les nouveaux Etats membres, comme M. Roland Blum a pu l'observer en République tchèque en septembre dernier. Il a indiqué à la Ministre qu'elle pouvait compter sur son soutien en la matière dans les semaines qui viennent. Enfin, concernant la République tchèque, qui a parfaitement négocié sa première année de présence dans l'Union européenne, il a souhaité savoir quelle était la position de la France à propos de l'ouverture de nos frontières aux travailleurs tchèques, ouverture limitée au moins jusqu'au printemps 2006 et quel était le calendrier envisagé pour régler cette question ? Il a ajouté que les Tchèques avaient globalement peu envie de s'expatrier et qu'ils considéraient que le refus, notamment de la France, de leur ouvrir pleinement ses frontières était un signe de défiance difficilement acceptable, certains pays comme le Royaume-Uni ayant d'ores et déjà fait disparaître toute barrière. Le Président Edouard Balladur a souhaité savoir si le projet de circulaire qui avait été annoncé par le Premier ministre et par le garde des Sceaux lors du débat sur la révision constitutionnelle relative au Traité établissant une constitution pour l'Europe concernerait non seulement les textes européens relevant de la co-décision mais les textes ayant une incidence budgétaire et ceux relatifs à l'élargissement de l'Union. Il a estimé que, pour la bonne harmonie entre le Gouvernement et le Parlement, il n'aurait pas été inutile que ce dernier fût informé sur le sort de ce projet de circulaire. Il a ensuite souhaité savoir d'où provenait la différence entre la contribution française au budget communautaire votée en loi de finances initiale pour 2005 à hauteur de 16,5 milliards d'euros et celle constatée in fine qui s'élève à 17,3 milliards d'euros. Faisant référence aux propos du Vice Premier ministre britannique, déclarant que la Grande-Bretagne devait faire des concessions sur le rabais consenti à son pays par l'Union européenne, il s'est demandé s'il s'agissait d'une position unanime du Gouvernement du Royaume-Uni. Il a fait observer que, si l'Europe s'élargissait de plus en plus, elle deviendrait inéluctablement de moins en moins politique ; le référendum du 29 mai 2005 ayant d'autre part montré les réticences des Français à l'égard du processus d'élargissement, ne faudrait-il pas marquer une pause dans ce processus ? Il a souhaité pouvoir disposer d'un inventaire exhaustif des différentes formes d'association existantes dans le cadre de la politique de voisinage et a demandé si le Parlement serait informé des décisions prises concernant les différents pays voisins de l'Union tels que la Georgie, l'Ukraine, ou la Macédoine. Enfin, la Commission des Affaires étrangères ayant adopté une proposition de résolution demandant que, dans le cadre de la politique de codification entreprise par l'Union européenne, la langue française puisse servir de référence en cas de divergences d'interprétation, le Gouvernement entend-il défendre cette position lors du prochain Conseil des ministres européen consacré à la compétitivité prévu les 28 et 29 novembre prochain ? M. René André a souhaité avoir des précisions sur les limites du mandat dont disposait la Commission européenne pour négocier avec l'Organisation mondiale du commerce (OMC). A-t-on tort de considérer que la volonté britannique de réduire le rôle de la politique agricole commune en Europe et la position que vient de prendre le Commissaire européen, M. Peter Mandelson, en outrepassant le mandat qui lui avait été confié par le Conseil, seraient liées ? Après avoir observé que la Ministre avait évoqué les relations entre l'Union européenne et ses voisins, notamment l'Ukraine, M. Loïc Bouvard s'est interrogé sur l'évolution des relations de l'Union avec la Russie, pays partiellement européen. M. Pierre Lequiller a constaté que, face à la crise que traverse l'Union européenne, on invoquait la nécessité d'engager des politiques communes, par exemple dans le domaine de la recherche ou de l'industrie, sans que des propositions concrètes aient cependant été avancées en la matière. Quels sont les progrès accomplis aujourd'hui sur ce point sous la présidence britannique ? Par ailleurs, le Royaume-Uni n'aurait-il pas un intérêt politique à attendre le premier semestre 2006 et la présidence autrichienne de l'Union pour voir aboutir les négociations sur les perspectives financières 2007-2013 ? Après avoir considéré que le référendum du 29 mai 2005 était un succès puisqu'il démontrait que les Français avaient pris conscience que la « machine européenne » leur échappait, M. Jacques Myard a estimé que l'affaire du mandat de négociation de la Commission à l'OMC n'était que la répétition de ce qui avait pu être observé à l'époque où M. Edouard Balladur était Premier ministre et M. Alain Juppé, Ministre des Affaires étrangères. Le système européen est aujourd'hui incontrôlé et incontrôlable, le « quantitatif » - c'est-à-dire la taille de l'Union européenne - ayant des conséquences néfastes sur le « qualitatif » - sa capacité d'action. Il est frappant de constater que nos autorités n'ont pas conscience de la nécessité de passer à un nouveau projet, car parler aujourd'hui d'Europe politique paraît totalement surréaliste. Il existe, d'ores et déjà, plusieurs Europe, des marchés ou des Etats ; à l'évidence il est urgent que l'on sorte du système communautaire comme l'impose l'organisation d'un continent à trente Etats. En conclusion, M. Jacques Myard a souhaité savoir si la Ministre entendait enfin donner instruction à son administration de renvoyer tout document européen qui lui serait désormais adressé en anglais, la situation actuelle étant, de ce point de vue, marquée par un laxisme révoltant. Il s'est ainsi indigné que les dernières négociations au Conseil se soient déroulées exclusivement en anglais, sans que la délégation française n'ait exigé que les travaux soient conduits également dans notre langue. En réponse aux différents intervenants, la Ministre déléguée a apporté les éléments d'information suivants : - La nouvelle circulaire relative à la mise en œuvre de l'article 88-4 de la Constitution portant sur l'information du Parlement en matière européenne doit être très prochainement signée par le Premier ministre ; la publication de ce texte ne pouvait intervenir avant celle du décret transformant le Secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI) en Secrétariat général des affaires européennes, qui est intervenue le 18 octobre 2005 ; la circulaire prévoit la transmission au Parlement de tous les projets d'acte communautaire relevant de la codécision, c'est-à-dire de tous les textes législatifs au sens du traité constitutionnel européen, ce que prévoyaient les dispositions du titre XV de la Constitution du 4 octobre 1958 qui devaient entrer en vigueur après l'adoption de ce traité. - La procédure budgétaire n'est pas une procédure de codécision à proprement parler mais une procédure ad hoc. Le Parlement français est consulté chaque année sur le montant du prélèvement communautaire lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances ; ce prélèvement est établi conformément à la décision européenne sur les ressources propres. - Le processus d'élargissement ne relève pas non plus de la codécision puisqu'il est du domaine intergouvernemental, de la négociation entre Etats ; tout traité d'adhésion requiert, en effet, la ratification par chaque Etat membre suivant leurs règles internes. - En matière d'élargissement il convient de distinguer le cas des pays balkaniques de celui des pays, qui comme l'Ukraine, n'ont pas vocation à intégrer rapidement l'Union européenne et qui relèvent de la politique du voisinage ; la perspective d'intégration des pays balkaniques a été entérinée dans le cadre des accords de stabilisation et d'association conclus avec ces pays à la suite du sommet de Zagreb qui s'est déroulé sous Présidence française en 2000 ; pour certains de ces pays la perspective d'intégration demeure lointaine, mais il est utile qu'elle existe, car elle constitue un levier en faveur de leur transformation sur la voie de l'application des critères de Copenhague. - Il n'est pas envisagé que la Russie devienne membre de l'Union, ce que ce pays ne souhaite d'ailleurs pas. Si l'un des membres du Conseil européen a pu l'évoquer parfois - en l'occurrence, le Premier ministre italien, M. Silvio Berlusconi - cette prise de position est demeurée isolée. Par sa géographie, la Russie n'est que partiellement européenne, les limites orientales de l'Europe n'ayant d'ailleurs jamais pu être fixées clairement. - L'Europe dans vingt ans sera, selon la vision qu'elle s'en fait, une Europe politique qui aura progressé sur le plan de l'intégration ; cela pose la question des frontières et il n'y a pas de réponse a priori sur ce point ; il s'agit d'une question difficile qui doit faire l'objet de discussions avec nos partenaires, y compris ceux qui auront rejoint l'Union dans les prochaines années ; s'agissant de la Turquie, il convient de souligner que le critère de la capacité d'absorption de l'Union européenne a été ajouté aux critères de Copenhague et qu'il ne faut en tout état de cause pas préjuger de la décision future des Etats membres sur ce point. - Le Parlement sera informé des prochains développements en matière d'élargissement et la Commission des Affaires étrangères constitue à cet égard un interlocuteur privilégié ; s'agissant de la Turquie, le Gouvernement tiendra les parlementaires informés du passage de chacun des trente-cinq chapitres. - Depuis 1957, la construction de l'Europe s'est manifestée à la fois par un élargissement et un approfondissement des liens entre les Etats. Pour le futur ce processus se posera dans les mêmes termes, avec le paradoxe suivant : si l'Europe des Six est parfois évoquée avec nostalgie, cette organisation était cependant beaucoup moins intégrée qu'aujourd'hui ; il n'existait aucune politique étrangère et de sécurité commune, aucune politique en matière de justice et d'affaires intérieures et l'euro n'avait pas vu le jour. - La politique de voisinage s'applique aux pays situés au Sud et à l'Est de l'Europe. Dès lors qu'ils bénéficient d'un accord d'association avec l'Union, ces pays doivent respecter des valeurs communes, comme celles de la liberté, de l'Etat de droit et de la démocratie. - La Commission européenne doit remettre le 25 octobre 2005 au Conseil un rapport sur les perspectives d'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie ; ce rapport constituera l'un des éléments d'appréciation de la possibilité d'intégrer ces deux pays le 1er janvier 2007, comme cela était initialement prévu. - La différence entre le prélèvement de 16,5 milliards d'euros votés en loi de finances initiale pour 2005 et le prélèvement effectif de 17,3 milliards d'euros s'explique par trois facteurs : l'écart entre le budget adopté en décembre et celui voté par le Conseil sur lequel l'estimation de la loi de finances était fondée ; les budgets rectificatifs adoptés en cours d'année (notamment sur les fonds structurels) ; l'écart entre la prévision et l'exécution sur les recettes liées à la conjoncture (droits de douane, autres ressources propres). - Le manque de précision sur les perspectives financières de l'Union à la suite des annonces de la Présidence britannique suscite de nombreuses interrogations chez les dix nouveaux Etats membres, qui craignent d'être pénalisés ; si la négociation sur ces perspectives ne devait pas prendre pour point de départ l'accord établi en juin dernier par la Présidence luxembourgeoise, il ne serait pas possible d'aboutir sur ce point avant la fin de l'année ; il est souhaitable que la Présidence britannique tienne compte de cette situation. - Des responsables britanniques ont évoqué une possible évolution sur le niveau du « chèque britannique » en lien avec d'autres paramètres comme la réforme de la PAC, qui ne saurait en aucun cas intervenir avant 2013. M. Tony Blair a également exprimé le souhait de parvenir à un accord sur les perspectives financières avant la fin de l'année, soit à la mi-décembre 2005, aucune proposition concrète ne devant être formulée lors du Conseil informel d'octobre. - La présidence britannique n'a pas, pour l'heure, abouti à des propositions concrètes en vue du Conseil européen informel qui se tiendra dans quelques jours. La France a contribué à la préparation de cette réunion en suggérant notamment de mobiliser des financements européens en faveur de la recherche que ce soit en sollicitant le budget de l'Union ou en utilisant des facilités dégagées par la Banque européenne d'investissement. Notre pays souhaiterait qu'un consensus se dégage lors de ce Conseil européen informel sur les questions énergétiques notamment, pour assurer la sécurité de nos approvisionnements, la hausse du prix du pétrole l'imposant. Des nouvelles technologies doivent être également développées en la matière. Enfin, la France a demandé que la problématique démographique, qui pèse sur la croissance, soit évoquée à l'occasion de cette réunion. - Concernant l'intérêt politique que pourrait trouver le Royaume-Uni à ne pas voir conclure avant la fin 2005 les négociations sur les perspectives financières, on peut considérer que, selon la logique communautaire, au terme de laquelle le pays qui assume la présidence de l'Union met tout en œuvre pour que les discussions aboutissent, une issue à cette question pourrait être trouvée, même si des interrogations demeurent. - En matière de circulation des travailleurs des nouveaux Etats membres au sein de l'Union, il ne paraît pas possible d'accorder un régime dérogatoire à tel ou tel pays au motif que sa main d'œuvre serait peu mobile, comme c'est le cas en République tchèque. Le sort de tous les nouveaux Etats membres doit être réglé globalement. - Le respect du principe d'égalité des langues en Europe ne permet pas, juridiquement, de retenir la proposition de la Commission des Affaires étrangères visant à ce que le français soit la langue de référence en cas de conflits d'interprétation sur les textes juridiques, et ce même si notre langue est celle des délibérés de la Cour de justice. La Ministre a rappelé que les actions du Gouvernement pour la diffusion du français dans les instances européennes et en direction des nouveaux Etats membres, par le biais de programmes cofinancés avec la Commission, connaissaient un grand succès. - On doit constater, tout en le regrettant, que si l'administration française devait rejeter tous les projets de textes et documents européens qui lui proviennent d'abord en version anglaise, sa capacité de réaction lors des négociations communautaires serait considérablement réduite. - Le Conseil Affaires générales du 18 octobre 2005 vient de s'achever sur la question du mandat de la Commission pour négocier à l'OMC. Il est apparu, en effet, que la semaine dernière, la Commission européenne avait fait une nouvelle proposition de négociation à cette organisation sans aucune concertation préalable avec les Etats membres, ce qui est anormal. La France a demandé que la preuve soit apportée par la Commission que cette proposition nouvelle respectait le cadre du mandat qui avait été fixé préalablement par le Conseil. Le Commissaire européen chargé de ces questions, M. Peter Mandelson, a fait savoir, sans précision aucune, qu'il considérait que tel était bien le cas. Il sera nécessaire de le vérifier par un examen technique de cette nouvelle proposition. Elle n'a été découverte par les Etats membres qu'après sa transmission à des pays tiers dans le cadre de la négociation commerciale. Les premières expertises engagées par la France laissent supposer que la Commission aurait atteint la limite de son mandat pour les négociations relatives à certains produits et serait même allée au-delà pour certains autres. Notre pays a demandé que, pour l'avenir, à chaque étape de ces négociations, le Conseil puisse vérifier le respect par la Commission de son mandat. Adoptées après un débat difficile et sans qu'un accord unanime se dégage spontanément, les conclusions du dernier Conseil Affaires générales donnent satisfaction à la France. Le mandat qui a été confié à la Commission par le Conseil a été rappelé dans son contenu et il a été réaffirmé explicitement, comme le demandait en vain notre pays depuis 2003, que la réforme de la PAC constituait la contribution de l'Union européenne aux négociations de l'OMC et, dès lors, faisait figure de limite que le Commissaire européen ne pouvait transgresser. Ces conclusions ont également rappelé l'obligation de transparence des négociations menées par la Commission, condition nécessaire pour que celle-ci et le Conseil puissent travailler en toute confiance. Enfin, le Conseil a réaffirmé l'importance de parvenir, dans le cadre des discussions au sein de l'OMC, à un résultat équilibré d'un point de vue global. - L'assertion de M. Jacques Myard selon laquelle le référendum du 29 mai 2005 serait un « succès » n'est évidemment pas partagée par la Ministre, puisque les Français ont rejeté le traité constitutionnel européen. On ne peut pas non plus partager son point de vue selon lequel construire l'Europe politique serait un projet surréaliste. De manière un peu paradoxale, on doit d'ailleurs observer qu'après cet échec, la matière qui est appelée à connaître les progrès les plus sensibles sera la PESC qui demeure dans le domaine des relations intergouvernementales. Au cours de sa réunion du mardi 18 octobre 2005, la Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Roland Blum, les crédits des Affaires européennes pour 2006. M. Roland Blum, Rapporteur pour avis, a indiqué qu'il ne reviendrait pas sur le détail du budget européen pour 2006 qui venait d'être évoqué abondamment par la Ministre déléguée aux Affaires européennes. Le budget européen pour 2006 est dans la parfaite continuité de celui de l'an passé. De l'ordre de 121 milliards d'euros, avec une contribution française de 18 milliards (contre un peu plus de 17 milliards pour 2005), il marque la fin des perspectives 2000-2006 avant l'ouverture du nouvel agenda ; on a souligné les incertitudes qui pesaient sur lui. Il a souhaité ensuite aborder plus particulièrement la situation de la République tchèque choisie comme exemple dans le cadre de son rapport pour avis afin d'illustrer la manière dont un nouvel Etat membre a pu négocier sa première année dans l'Union. Après une décennie quatre-vingt-dix difficile - la République tchèque n'a retrouvé qu'en 1999 son niveau de vie de 1989 - le bilan est très favorable pour ce pays qui a réformé son économie et qui connaît une croissance de plus de 4 %, une inflation maîtrisée et une balance commerciale excédentaire. Seul le chômage reste élevé (environ 8 %) avec cependant de fortes disparités entre Prague, par exemple, et certaines régions en voie de reconversion au Nord du pays notamment. La République tchèque est très industrialisée, ce qui explique qu'elle se sent peu concernée par la politique agricole commune (PAC) au contraire de ses voisins polonais ou slovaque. En revanche, elle porte une attention particulière à la question des dépenses régionales. Les administrations tchèques avaient mis en place des structures très sérieuses pour gérer les fonds européens. La République tchèque a cependant pris du retard pour ce qui concerne la consommation des crédits dégagés en 2004, retard qu'elle entend rattraper en 2006. Les relations entre la France et la République tchèque sont plutôt bonnes même si les Tchèques regrettent que notre pays ne se tourne pas plus vers eux. Ils s'interrogent aussi sur l'attitude de la France après le vote du 29 mai 2005, ce qui est réjouissant et préoccupant. Cela est réjouissant, car on voit clairement que la France est toujours perçue comme l'un des leaders concernant le projet européen. Mais cela est aussi préoccupant car, faute de signal fort de notre pays, on sent que les nouveaux Etats membres risquent de se détourner durablement de la France. La question de l'ouverture pleine et entière de nos frontières aux travailleurs tchèques qui sont d'ailleurs peu mobiles y compris dans leur pays est devenue un point de crispation entre la France et la République tchèque. La décision de reporter ou pas cette clause de sauvegarde doit être prise au printemps prochain. Il ressort de cette mission que la République tchèque entend jouer un rôle actif en Europe sur les questions d'élargissement - avec un soutien très net à la Croatie - ou diplomatique. Au cours de sa mission, le Rapporteur pour avis a pu rencontrer des interlocuteurs très au fait des questions européennes et soucieux d'apporter leur contribution au débat. Surtout, il y a perçu une position beaucoup plus nuancée que celle qui voudrait que les nouveaux Etats membres adoptent la même attitude que celle du Royaume-Uni, favorable à un grand marché. Les Tchèques semblent, au contraire, très attachés à une Union qui assure ses missions politiques et apporte stabilité et paix en Europe. L'histoire tchèque explique pour beaucoup cet attachement à ce rôle de l'Union. Pour conclure, il a invité la Commission à donner un avis favorable à l'article 50 du projet de loi de finances pour 2005 qui porte sur le prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne. Suivant les conclusions du Rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 50 du projet de loi de finances pour 2006. -------------- N° 2571 tome III Avis affaires européennes - Projet de loi de finances pour 2006 (M. Roland Blum) 1 Edouard Balladur, L'Europe : unité et diversité. De l'Europe de droit commun aux coopérations spécialisées et aux partenariats privilégiés : les trois cercles, A.E.E., septembre 2005, 75 p. 2 . La Commission et la présidence luxembourgeoise ont retenu dans la négociation des perspectives financières la méthode dite de la « correction britannique » qui conduit à considérer que le solde net de la France s'établirait en 2003 à - 2,373 milliards d'euros. 3 . La France se classe troisième sur la base de la méthode dite de la « correction britannique ». 4 Sur les opportunités offertes aux entreprises françaises : voir le Plan d'action commerciale 2004-2006 présenté par le Ministère délégué au commerce extérieur, « Développer les exportations des entreprises françaises sur le marché tchèque », http://www.ubifrance.fr/medias/ubi/PlanActionRepTcheque.pdf. - Cliquer ici pour retourner au sommaire général - Cliquer ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires © Assemblée nationale |