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N° 2571

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2005.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2006 (n° 2540),

TOME VI

DÉVELOPPEMENT ET RÉGULATION ÉCONOMIQUES

DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES

Par M. Jean-Paul BACQUET,

Député

Voir le numéro 2568 (annexe n° 11)

INTRODUCTION 5

I - LES RÉSULTATS CATASTROPHIQUES DU COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE : POURQUOI ? 7

A - LA FRANCE AFFICHE UN NIVEAU HISTORIQUE DE DÉFICIT DE SON COMMERCE EXTÉRIEUR 7

1. Dans un contexte international moins dynamique qu'en 2004... 7

2. Le commerce extérieur français affiche de mauvais résultats 9

B - DÉFICIT CONJONCTUREL OU MAL STRUCTUREL DU COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS ? 11

1. L'analyse officielle : un « déficit dynamique » dû à des causes échappant largement à notre maîtrise 11

2. Le recul des parts de marché de la France : un phénomène structurel 14

3. Trop peu d'exportateurs, trop peu d'exportations dans les secteurs porteurs, trop peu d'exportations vers les économies émergentes : les trois faiblesses du commerce extérieur français 16

II - COMMENT RETROUVER LE CHEMIN DURABLE DE LA RÉUSSITE SUR LES MARCHÉS EXTÉRIEURS ? 19

A - LE DISPOSITIF INSTITUTIONNEL FRANÇAIS DE SOUTIEN AU COMMERCE EXTÉRIEUR SOUFFRE D'UNE LISIBILITÉ TRÈS INSUFFISANTE 19

1. L'enjeu de la coordination : faut-il une politique régionale du commerce extérieure ou une politique nationale du commerce extérieur en région ? 21

2. Des outils potentiellement efficaces, qui pâtissent de la mise en place laborieuse d'Ubifrance 26

B - LA CRÉDIBILITÉ ET L'EFFICACITÉ DES OUTILS ET MOYENS DU COMMERCE EXTÉRIEUR DANS LE PROJET DE BUDGET POUR 2006 S'EN TROUVENT FORTEMENT AFFAIBLIES 34

1. Le commerce extérieur dans le projet de loi de finances pour 2006 : la poursuite et l'extension de la politique de ciblage 34

2. Les limites de la politique de ciblage : l'exemple du Maroc 41

CONCLUSION 49

EXAMEN EN COMMISSION 51

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES 53

ANNEXE : STATISTIQUES SUR LE MAROC 55

Mesdames, Messieurs,

En 2005, la France s'apprête à afficher un triste record : depuis le début de l'année 2005, le commerce extérieur français enregistre un déficit cumulé de 15,083 milliards d'euros (chiffre au mois d'août 2005), contre un déficit de 2,378 milliards d'euros sur les huit premiers mois de 2004. Pour la deuxième année consécutive, la France renoue ainsi avec les déficits de ses échanges extérieurs, qui enregistrent, en valeur absolue, un niveau de déficit historique.

Les raisons généralement invoquées pour expliquer l'état catastrophique de notre commerce extérieur sont de trois ordres : nous pâtirions d'un euro fort, la balance du commerce extérieur serait « plombée » par la facture pétrolière tandis que des facteurs internes - coût du travail trop cher, dynamisme particulièrement fort de la demande française - viendraient renforcer l'effet négatif de ces deux phénomènes dont la maîtrise nous échappe largement. Autant de raisons qui tendent à faire accroire l'idée que notre commerce extérieur est dans une mauvaise passe conjoncturelle et que les difficultés observées ne sont pas structurelles.

Si telles sont les raisons du marasme, comment expliquer que l'Allemagne obtienne des résultats florissants, alors qu'elle est confrontée aux mêmes handicaps, voire se trouve dans une situation moins favorable s'agissant du coût du travail et de la productivité horaire de sa main d'œuvre ? Plus encore, comment expliquer que, sur le long terme, les parts de marché de la France reculent ? Alors qu'elles représentaient 8 % de l'ensemble des exportations de l'OCDE en 2002, 7,6 % en 2003, elles sont tombées à 7,3 % en 2004. Dans le même temps, celles de l'Allemagne sont restées stables.

A l'évidence, ces chiffres reflètent l'existence d'un problème structurel. C'est dans des causes spécifiquement françaises qu'il faut chercher les raisons pour lesquelles notre commerce extérieur affiche un tel déficit : manque de moyens, structures de soutien inadaptées, manque d'esprit de conquête de nos entreprises : où est la faille ?

Pour dresser un diagnostic précis, le rapporteur s'attachera à examiner trois questions dans le présent rapport :

- Notre dispositif institutionnel de soutien aux exportations fonctionne-t-il de manière satisfaisante ?

- Quel est l'impact des mesures, budgétaires et fiscales, prises par le gouvernement, sachant qu'au seul titre des mesures budgétaires, nous consacrerons en 2006 462,9 millions d'euros à notre politique de soutien au commerce extérieur ?

- Quel bilan peut-on tirer de la politique de ciblage - ciblage des petites et moyennes entreprises, ciblage géographique, ciblage sectoriel ?

I - LES RÉSULTATS CATASTROPHIQUES DU COMMERCE
EXTÉRIEUR DE LA FRANCE : POURQUOI ?

Faut-il s'émouvoir du niveau historique du déficit du commerce extérieur français ? Selon les experts du ministère de l'économie et des finances, la question mérite d'être posée dans la mesure où si le déficit du commerce extérieur est certes historique en valeur absolue, il ne l'est pas en termes relatifs. Aussi bien le dynamisme de nos exportations que le taux de couverture (c'est-à-dire le rapport entre les exportations et les importations) seraient à des niveaux tout à fait satisfaisants, notamment comparés à celui de nos principaux partenaires.

Certes. Chacun reconnaîtra cependant qu'à l'heure où la France affiche un niveau record de sa dette publique, où les déficits budgétaires et des comptes sociaux se succèdent, le déficit historique du commerce extérieur est une très mauvaise nouvelle. D'autant plus mauvaise qu'il s'inscrit dans une tendance structurelle de recul des parts de marché de la France sur le plan international, tendance de long terme qui conduit à remettre radicalement en question la justesse des causes fréquemment invoquées pour expliquer la situation actuelle.

A - La france affiche un niveau historique de déficit de son commerce extérieur

1. Dans un contexte international moins dynamique qu'en 2004...

Au premier semestre 2005, l'économie mondiale est restée dynamique malgré une hausse quasi-continue des prix du pétrole. La croissance mondiale a continué d'être portée par la consommation des ménages américains et la forte croissance chinoise, alors que le Japon a connu un rebond. La croissance de la zone euro est restée modeste, au-delà des fluctuations de trimestre à trimestre. L'inflation est restée contenue malgré la hausse des prix du pétrole, y compris aux États-Unis où les prix ont accéléré modérément depuis un an.

· La croissance américaine est restée forte au premier semestre, à +3,6 % en rythme annualisé après +4,2 % en 2004. La consommation des ménages reste son principal soutien, et le taux d'épargne des ménages américains a continué de baisser pour devenir nul en juin ; le déficit mensuel de la balance commerciale américaine reste très élevé, à 58,8 milliards de dollars en juin. La contribution du commerce extérieur à la croissance est cependant devenue positive au deuxième trimestre pour la première fois depuis deux ans, sous l'effet d'une forte croissance des exportations (+3,0 %) et d'une baisse des importations (-0,5 %).

· L'économie britannique connaît un ralentissement depuis le second semestre 2004. La consommation des ménages, jusqu'alors principal soutien de la croissance, a en effet ralenti dans le sillage des prix de l'immobilier.

· L'Asie émergente est restée tirée par l'économie chinoise, qui se maintient au premier semestre 2005, sur un rythme de croissance de 9,5 % en rythme annualisé, égal à sa croissance moyenne en 2004. Les importations de la zone ont toutefois nettement ralenti au premier semestre.

· L'Amérique latine et les pays en transition ont connu une croissance soutenue au premier semestre 2005, bénéficiant de conditions monétaires très favorables et de la hausse des prix des matières premières.

· Dans la zone euro, la croissance est restée modeste (+0,5 % au premier trimestre et +0,3 % au deuxième). Si la croissance du premier trimestre était due à des facteurs externes, la conjoncture interne de la zone s'est améliorée depuis.

Dans ce contexte, le commerce mondial s'est légèrement contracté au premier trimestre, sous l'effet combiné d'une baisse des importations de l'Union européenne, liée en partie à l'atonie de la demande intérieure de la zone en début d'année, et au fort ralentissement en Asie émergente. Au deuxième trimestre, le commerce mondial a retrouvé un rythme de croissance légèrement inférieur à sa moyenne de longue période, la France ayant pour sa part bénéficié d'un rebond marqué de la demande mondiale qui lui est adressée (+2,2 %), grâce notamment au redressement des importations allemandes.

Il est donc à prévoir que le commerce mondial devrait connaître un ralentissement marqué en 2005 par rapport au niveau très élevé atteint en 2004, avec une croissance limitée à 5,8 % en 2005, contre 10,8 % en 2004. Pour 2006, les prévisions font état d'une progression du commerce mondial proche de sa moyenne de longue période, suivant en cela l'activité mondiale. Les contributions des États-Unis, de la zone euro et de l'Asie émergente seraient relativement équilibrées, comprises entre 1,5 % et 1,9 %.

A l'évidence, la hausse des prix des matières premières a largement pesé sur la croissance mondiale.

Les prix des matières premières en dollars ont ainsi augmenté de 17 % entre janvier et juin 2005, tirés par les prix de l'énergie qui ont crû de 24 % sur la même période. En particulier, les prix du pétrole sont passés de 38 dollars le baril au début du mois de janvier 2005 à des pics historiques compris entre 60 et 68 dollars. Cette progression s'explique par une demande toujours vigoureuse, en dépit de la hausse des prix. La hausse des prix du pétrole a entraîné celle de produits dont le prix est partiellement indexé sur celui du pétrole, en particulier le gaz. Cette situation ne changera pas à court et moyen terme. Le marché pétrolier devrait rester tendu et les prix élevés : d'une part, la croissance de la demande devrait être durablement plus forte que par le passé, en raison de l'entrée sur le marché de nouveaux acteurs (Chine et Inde notamment) ; d'autre part, la production de pétrole dans les pays qui n'appartiennent pas à l'OPEP devrait ralentir au cours des prochaines années.

La hausse des prix de l'énergie constitue un prélèvement sur les économies importatrices, qui se traduit par une augmentation de l'inflation et une baisse de la demande, partagée entre les ménages, qui enregistrent des pertes de pouvoir d'achat, et les entreprises, qui subissent une érosion de leurs marges. L'impact d'un choc pétrolier sur l'activité et les prix dans les pays développés est cependant moins fort que dans les années 1970, en raison d'une intensité énergétique plus faible, d'une plus grande crédibilité des banques centrales dans la lutte contre l'inflation et d'un fonctionnement plus concurrentiel des marchés du travail et des biens. On estime ainsi que chaque hausse de 10 dollars du prix du baril pourrait pénaliser la croissance des économies développées de l'ordre de un quart à un demi point en 2006.

2. Le commerce extérieur français affiche de mauvais résultats

Après deux années de dégradation, le solde commercial français a été déficitaire en 2004 et est amené à s'alourdir sensiblement en 2005. Ainsi, alors que les exportations françaises avaient rebondi en 2004, augmentant de 5,7 %, la croissance plus rapide des importations (+8,6 %) a entraîné l'apparition d'un déficit commercial de 8,4 milliards d'euros, après l'excédent, modeste, de 0,9 milliard d'euros en 2003.

Le premier semestre 2005 a confirmé et amplifié la tendance : selon les chiffres officiels fournis par la ministère de l'économie et des finances, le déséquilibre a atteint 12 milliards d'euros sur cette période, contre un milliard d'euros en 2004 sur la même période. Comme en 2004, le différentiel de croissance en volume, en France, entre importations et exportations, continue d'amputer la croissance. Ainsi, les exportations françaises ont progressé de 5,4 % au premier semestre 2005, pour dépasser 175 milliards d'euros, soit un résultat supérieur à celui qui avait été enregistré en 2004 sur la même période. Dans le même temps cependant, les importations françaises, si elles ont accusé un sensible ralentissement (+7,2 % au premier semestre 2005 contre 14 % au second semestre 2004), ont néanmoins continué de croître à un rythme toujours supérieur aux exportations.

L'analyse géographique de nos échanges montre que :

- les exportations françaises au sein de l'Union européenne, principal partenaire commercial de la France, ont crû à un rythme dans l'ensemble modeste (4,4 %), notamment du fait de l'atonie de la demande intérieure, en particulier en Allemagne. En revanche, il est à signaler que les exportations vers les nouveaux États membres se sont accrues de 10 %, constituant la composante la plus dynamique de nos ventes au sein de l'Union. Cette hausse s'inscrit dans une tendance décennale, qui aura vu nos ventes dans ces pays être multipliées par quatre depuis 1995. Elle reflète l'intégration croissante des nouveaux membres dans le tissu économique européen, mais aussi un processus de rattrapage des opérateurs français, après que l'Allemagne eut largement bénéficié du début de la transition ;

- la croissance de nos exportations vers les Etats-Unis a ralenti, mais à un rythme toujours dynamique (+6,1 %), évolution qui confirme la reprise de nos ventes, qui avait été engagée début 2004 après six semestres consécutifs de recul ;

l'Asie, Chine en tête, est désormais un moteur de croissance de nos exportations, qui s'y sont accrues de 26 % ; la région a ainsi représenté près de 40 % de la hausse de nos ventes au premier semestre 2005, alors qu'elle ne compte encore que pour 6 % de nos exportations ;

- dans l'ensemble, les exportateurs français ont profité de la majorité des zones en développement - Amérique latine et Afrique notamment -, à l'exception notable du Proche et Moyen Orient.

L'analyse sectorielle de nos échanges montre que les ventes de biens intermédiaires, en forte hausse au second semestre 2004 (+11,7 %), sont restées stables au premier semestre 2005 (+0,8 %), stagnation notamment due à trois filières : les produits textiles, les produits de la chimie organique et les produits minéraux. Ainsi, la progression des exportations de produits de l'industrie automobile, traditionnel point fort de l'économie française, a été médiocre (+0,3 %, contre +5,4 % au cours des six derniers mois 2004). Sur ces deux segments, à l'inverse, les importations françaises ont enregistré une nette augmentation, avec une croissance de 6,8 % des achats de biens intermédiaires de 9,2 % de produits de l'industrie automobile. Les bons résultats en matière de biens d'équipement, largement imputables à deux filières, le transport (avions, bateaux) et la mécanique, n'ont pas suffi à compenser cette croissance des importations des biens intermédiaires, pas plus que la croissance robuste des exportations de biens de consommation (+5,5 %), en ralentissement toutefois par rapport au second semestre 2004 (6,5 %).

B - Déficit conjoncturel ou mal structurel du commerce extérieur français ?

1. L'analyse officielle : un « déficit dynamique » dû à des causes échappant largement à notre maîtrise

En tout état de cause, l'augmentation des exportations françaises, qui ont atteint 341 milliards d'euros en 2004, ne permet pas de rattraper les d'importations (349 milliards d'euros en 2004).

Pour expliquer cette situation, trois raisons sont principalement avancées.

(1) En premier lieu, la dégradation du solde commercial serait largement imputable au renchérissement des cours des matières premières ; en particulier, dans un contexte d'inflation des prix du pétrole (+21 % en euros en 2004, +16 % au premier semestre 2005), l'alourdissement de la facture énergétique de la France contribuerait pour près de moitié au creusement du déficit des échanges français au cours des dix-huit derniers mois. On notera que, parmi les autres secteurs notables, les échanges de métaux et produits métalliques, ainsi que les échanges d'équipements électriques et électroniques ont contribué à hauteur de 15 % chacun à la détérioration de la balance commerciale française.

Si la prévision de l'évolution de la facture énergétique reste un exercice difficile, compte tenu des incertitudes pesant sur les prix (pétrole, taux de change), mais également sur les « volumes » (comportements de stockage), on estime que le déficit des échanges énergétiques de la France pourrait dépasser 40 milliards d'euros en 2005, contre près de 29 milliards d'euros en 2004 - toutes choses égales par ailleurs, en supposant les prix « gelés » à leurs niveaux du début août.

(2) En deuxième lieu, l'appréciation de l'euro, dont le renchérissement entre le début de l'année 2002 et la fin de l'année 2004 (+50 % face au dollar) a nettement pénalisé notre compétitivité, freinant les exportations et stimulant les importations.

Le taux de change effectif réel de la France, après avoir atteint un point bas historique en octobre 2000, s'est apprécié de façon quasi-continue jusqu'à la fin de 2004, se rapprochant du niveau qui était le sien il y a dix ans. Dans la première partie de l'année 2005, il observe un net repli : de décembre 2004 à juin 2005, la baisse s'élève à -3,6% pour les biens. Mesurée au moyen des prix à l'exportation et des coûts salariaux unitaires, la compétitivité des produits français vis-à-vis des pays de l'OCDE s'est donc sensiblement dégradée dans la période d'appréciation de l'euro de 2001 à 2004, avant de connaître une stabilisation début 2005.

Au premier semestre 2005, sous l'effet de l'amélioration de l'environnement de change, la compétitivité des exportateurs s'est légèrement améliorée en termes de coût salarial (+0,1 %) tout en fléchissant en termes de prix (-0,4 %). Au total, la compétitivité-prix à l'export se situe désormais à -1,5% au-dessous du niveau moyen observé depuis 1995 et la compétitivité-coût à -2,3%.

(3) En troisième lieu, le différentiel positif de croissance de la demande intérieure entre la France et ses principaux partenaires européens en 2004 aurait également contribué à pénaliser la France en 2005. Notamment, l'atonie de la demande chez nos principaux partenaires commerciaux - Allemagne notamment, Italie et Belgique -, alors même que la croissance de la demande française était extrêmement forte sur les huit premiers mois de l'année, aurait conduit à un effet de ciseaux. Les importations ont ainsi crû de manière très dynamique tandis que les exportations vers l'Allemagne notamment, notre principal partenaire commercial, pâtissaient de la faiblesse de la demande allemande.

Autant d'explications qui, selon le discours officiel, incitent à se garder de tout alarmisme. Cinq types d'arguments sont développés, visant à montrer qu'au-delà des causes qui viennent d'être évoquées, ce déficit n'aurait rien d'inquiétant.

· Premier argument : si la facture pétrolière continue d'être importante, sa croissance s'inscrit cependant dans un mouvement de long terme qui inviterait à en relativiser le poids.

Depuis 1995, les importations de produits énergétiques ont progressé de 10 % par an en moyenne, pour atteindre près de 40 milliards d'euros en 2004. En particulier, les achats d'hydrocarbures naturels ont contribué aux deux tiers à cette progression globale, les importations de produits pétroliers raffinés pour un quart. De fait, le déficit structurel des échanges français de produits énergétiques a triplé en dix ans : il a atteint près de 29 milliards d'euros en 2004, contre 9 milliards d'euros en 2003. Un tel creusement est imputable principalement aux seuls échanges d'hydrocarbures naturels, dont le déficit - 26 milliards d'euros en 2004 - s'est alourdi de 13 milliards d'euros depuis 1995. Dès lors, le poids des échanges énergétiques dans l'économie nationale n'a cessé de progresser : les importations en ont représenté 2,4 % du PIB en 2004, soit une croissance de 1,1 point en dix ans. De tels ratios doivent toutefois être mis en perspective : les achats de pétrole brut et raffiné représentaient 4,5% du PIB au début des années 1980, à la suite au second choc pétrolier, soit plus de deux fois son niveau de 2004. La politique française de réduction de sa dépendance énergétique a indéniablement porté ses fruits.

· Deuxième argument : l'euro ayant perdu 10 % entre le début janvier et la fin juin 2005, ses effets récessifs devraient a contrario se dissiper si la stabilisation du change se confirmait. En raison toutefois d'un effet-retard, cette inversion de tendance tarde à se traduire dans les faits.

· Troisième argument : nous avons connu des déficits dans les années récentes, généralement dus à l'insuffisante demande chez nos partenaires. Rien de bien nouveau, donc.

Entre 1995 et 2004, les échanges commerciaux de la France ont été dynamiques : les exportations ont progressé à un rythme annuel moyen de 5,4 % (à plus de 340 milliards d'euros en 2004), les importations de 5,8 % (près de 350 milliards d'euros). De fait, la croissance du commerce extérieur a été plus rapide que le PIB (3,6 %), moyennant une hausse du taux d'ouverture de la France : en 2004, les ventes françaises de marchandises ont représenté près de 21 % du PIB, contre 18 % en 1995. Or le développement du commerce extérieur français s'est accompagné d'une évolution erratique du solde commercial. Même si, entre 1995 et 2004, le solde de nos échanges est ressorti en excédent dans la majorité des cas, les années 2000 et 2004 ont également été déficitaires, sous l'effet notamment d'une hausse des prix des matières premières (pétrole en particulier) et d'un différentiel de croissance de la demande positif vis-à-vis de nos principaux partenaires.

· Quatrième argument : en tant que tel, le déficit commercial ne constitue pas une inquiétude majeure. Ainsi, les pays qui connaissent les déficits les plus élevés sont aussi ceux qui affichent la plus forte croissance : au Royaume-Uni, elle atteint 3,2 % tandis que le déficit du commerce extérieur se situait à 84 milliards d'euros en 2004 ; de même, en Espagne, la croissance était de 3,1 % et le déficit de 61 milliards d'euros ; enfin, aux Etats-Unis, les deux chiffres étaient respectivement de 4,4 % et 666 milliards de dollars.

· Cinquième argument : si le déficit a atteint un record historique en valeur absolue, il doit être mis en perspective. D'une part, rapporté à la taille de l'économie nationale, il a représenté 0,5 % du PIB en 2004, 1,5 % au premier trimestre 2005 ; surtout, le taux de couverture (rapport des exportations aux importations) - soit 94 % au premier semestre 2005 - reste inférieur à son étiage du début des années 1980, et nettement en deçà des niveaux du Royaume-Uni (78 %), de l'Espagne (71 %) et des Etats-Unis (55 %).

En quelque sorte, le déficit du commerce extérieur français serait un « déficit dynamique », pour reprendre l'analyse du Ministre délégué au commerce extérieur, qui faisait observer, au début de l'année 20051, que « Le déficit ne doit pas masquer le dynamisme des exportations qui atteignent en 2004 leur plus haut niveau historique. Le déficit résulte d'une forte progression de nos importations, qui s'explique par l'augmentation des prix de l'énergie et des métaux et par la bonne tenue de la consommation intérieure ». Il s'agirait donc d'un déficit dont le dynamisme viendrait de ce qu'il est dû à une consommation intérieure française forte ... de produits étrangers.

2. Le recul des parts de marché de la France : un phénomène structurel

Le rapporteur est extrêmement sceptique à l'égard de ce discours officiel. Dans la mesure où certains pays de la zone euro parviennent à maintenir des résultats excédentaires de leur commerce extérieur malgré l'effet euro et en dépit de l'alourdissement de la facture pétrolière (Allemagne, Pays-Bas, Irlande), pourquoi ces facteurs sont-ils neutres pour certains, mais dirimants pour la France ?

Notamment, le rapporteur exprime les plus grands doutes quant au caractère conjoncturel des difficultés que traverse notre commerce extérieur. Les exportations françaises augmentent, certes, mais à un rythme qui ne permet pas à la France de conserver ses parts de marché. Et c'est là que le bât blesse. Quels que soient les qualificatifs accolés au terme de déficit, quelles que soient les raisons que l'on peut trouver pour en expliquer l'évolution, un fait s'impose : la France perd structurellement des parts de marché dans le commerce mondial. Elle n'est certes pas seule dans ce cas : toutes les grandes économies nationales sont concernées, à la notable exception de l'Allemagne toutefois.

part de marché mondial en valeur de la france
et de ses principaux partenaires (exportations de biens)

graphique

Source : OMC.

Commentant ces résultats, le ministère attire notre attention sur le fait que « l'évolution de la part de marché mondial en valeur d'un pays reflète toutefois non seulement sa compétitivité intrinsèque et son engagement commercial vers les zones économiquement dynamiques, mais aussi la variation des prix des marchandises échangées : l'effet de valorisation des échanges, qui incorpore les fluctuations des différentes monnaies et l'évolution des prix mondiaux des marchandises échangées, sous-évalue mécaniquement la part de marché des pays dont la monnaie se déprécie, comme de ceux qui exportent peu de biens dont le prix monte. »

Ainsi, si l'observation de l'évolution des parts de marché en valeur, telle que l'OMC la calcule, est utile, il semble nécessaire de la compléter par un examen de l'évolution de la part de marché en volume, qui n'est pas affectée par la variation des prix des marchandises échangées. Malheureusement, « la disponibilité des données ne permet toutefois de calculer un tel indicateur que par rapport à nos concurrents développés. »

parts de marché relatives en volume de la france et des principaux partenaires par rapport aux 24 pays de l'ocde (biens et services)

graphique

Source : données OCDE, calculs DGTPE. S1 = premier semestre.

Là encore cependant, les résultats sont mauvais, en termes absolus comme en termes relatifs, comparés à ceux de notre voisin allemand notamment. On pourra estimer que, en dehors de ces deux exceptions, l'Italie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont également perdu des parts de marché de 1995 à 2005. On observera toutefois que, s'agissant des Etats-Unis, la décrue, continue de 1995 à 2002, s'est inversée, le pays regagnant des parts de marché depuis cette date ; qui plus est, la France a également connu une amélioration de sa situation de 1998 à 2002, date à laquelle la situation s'est retournée et qui marque le début d'une dégradation continuelle, qui s'est poursuivie au premier semestre 2005.

La diminution relative des parts de marché des principales puissances commerciales peut évidemment être considérée comme normale du fait de l'émergence de nouveaux acteurs sur le marché international : les grandes puissances commerciales traditionnelles doivent désormais compter avec l'arrivée de la Chine, de l'Inde ou du Brésil, dont l'explosion de la croissance érode rapidement les positions acquises. Ce constat ne répond cependant pas à la lancinante question des évolutions divergentes de la France et de l'Allemagne, dont les économies sont pourtant très proches : pourquoi l'Allemagne échappe-t-elle au mouvement quasi-général de recul des parts de marché des économies du premier âge industriel ? Toutes proportions gardées dans la mesure où les caractéristiques de leur économie sont largement différentes, pourquoi les Etats-Unis échappent-ils, eux aussi, depuis 2002, à cette tendance structurelle ?

3. Trop peu d'exportateurs, trop peu d'exportations dans les secteurs porteurs, trop peu d'exportations vers les économies émergentes : les trois faiblesses du commerce extérieur français

L'analyse comparée des échanges de la France et de ces deux pays révèle une triple faiblesse française en matière d'exportations : la France compte trop peu d'entreprises exportatrices, exporte trop peu de biens de haute technologie et insuffisamment dans les zones à forte croissance.

· Des exportateurs en nombre insuffisant : la PME, talon d'Achille du commerce extérieur français

Les exportations françaises sont concentrées sur un petit nombre d'opérateurs : en 2003, toutes tailles confondues, les huit premières entreprises à l'exportation ont assuré 14 % des exportations françaises de marchandises, tandis que 10 % des exportateurs réalisaient 95 % des ventes.

L'insuffisance du nombre d'exportateurs explique très largement l'insuffisante augmentation des exportations françaises qui, pour dynamiques qu'elles soient, auraient dû s'accroître de 8 % au cours du premier semestre 2005, compte tenu de la demande formulée. Une lenteur à attribuer au manque de force de frappe des entreprises françaises, qui ne sont que 100 000 environ à convoiter les marchés étrangers, contre 200 000 en Allemagne et 170 000 en Italie. Pire encore, on observe que le nombre d'entreprises exportatrices, qui était de 103 700 en 2002, est passé à 95 900 en 2003 et à 88 500 l'an dernier2.

Plus les entreprises sont de taille importante, plus leur propension à exporter est forte. Au sein des entreprises de plus de 250 salariés, près de 70 % des entreprises sont exportatrices (95 % dans le seul secteur industriel). A contrario, au sein des PME comptant de 10 à 249 salariés, la proportion est de 22 %, et parmi les micro-entreprises (moins de 10 salariés), 2,3 %. En l'occurrence, c'est donc du côté des PME que se trouve le problème, seules 3,7 % des PME exportant, ce qui montre qu'il existe un gisement d'entreprises qui doivent être sensibilisées aux marchés étrangers qui s'ouvrent. Il s'agit là d'une différence majeure avec l'Allemagne notamment. Ainsi, alors que la proportion d'exportateurs au sein des PME3 est du même ordre de grandeur en France et en Italie (4 %), elle est largement supérieure en Allemagne (18 %). De fait, des différences de structure des tissus micro-économiques respectifs contribuent à expliquer ces écarts : en France, 93 % des PME sont des micro-entreprises, et plus de 80 % en Italie, contre 64 % seulement en Allemagne4.

Le gisement d'entreprises identifiées comme exportatrices potentielles est évalué à 50 000 PME. L'enjeu est essentiel pour le commerce extérieur, mais également en termes d'emplois : près de 6,2 millions d'emplois dépendent directement ou indirectement des exportations de biens et services - dont plus de cinq millions des seules exportations de marchandises.

· Des exportations insuffisantes dans les secteurs porteurs

Le positionnement sectoriel de la France à l'exportation est globalement porteur : près de 40 % des exportations françaises sont constituées de secteurs dans lesquels la France détient des avantages comparatifs, et qui sont en progression dans le commerce mondial. Cette configuration est propice à une croissance des échanges, avec un effet favorable en termes relatifs sur la balance commerciale. Dans l'ordre, cette catégorie rassemble les secteurs de l'automobile, de l'aéronautique et de l'espace, des matériels de télécommunications et des produits pharmaceutiques.

En revanche, la présence de la France dans le secteur des produits de haute technologie est très largement insuffisante5. S'ils alimentent désormais un quart des exportations françaises, contre 15 % à la fin des années 1980, soit un ratio supérieur à l'Allemagne (20 %), la proportion reste inférieure au Royaume-Uni (40 %), aux Etats-Unis (38 %) et au Japon (31 %). A l'inverse, les ventes de biens de moyenne et basse technologie comptent pour un tiers de nos exportations, contre seulement un quart en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, et moins de 20 % au Japon. De fait, le marché mondial des biens haute technologie est largement dominé par les Etats-Unis, qui détenaient, en 2001, plus de 25 % des parts du marché OCDE, devant le Japon (dont la part de 13 % accuse depuis 1994 une sensible érosion. Si les positions de la France (6,5 %) restent stables, elles sont toutefois sensiblement inférieures aux parts de marché du Royaume-Uni (10 %) et de l'Allemagne (11,5 %).

· Des exportations insuffisantes dans les régions en croissance

Comparée à la répartition géographique de la demande mondiale, la structure du positionnement de la France à l'exportation est déséquilibrée. Les trois zones d'Europe occidentale, du Proche et Moyen Orient et d'Afrique absorbent trois quarts de nos exportations, alors qu'elles représentent moins de 45 % du commerce mondial. A contrario, les zones Asie, Amérique du Nord et Amérique du Sud ne contribuent qu'à hauteur de 20 % à nos exportations, alors qu'elles pèsent plus de la moitié du commerce mondial.

Un tel tropisme régional n'est pas en soi une anomalie. Les flux commerciaux ne sont pas seulement déterminés par des facteurs de demande (PIB, population, etc.), mais également par des facteurs de distance (géographique, historique et culturelle). De fait, la régionalisation des échanges n'est pas un phénomène spécifique à la France, mais est observée dans les principales zones dans le monde.

Toutefois, si l'inadéquation de la structure géographique des exportations françaises à la demande mondiale n'est pas « anormale », elle constitue un désavantage pour la France : les zones sur lesquelles notre présence est forte ont compté parmi les moins dynamiques au cours des deux dernières décennies, alors que les régions sur lesquelles notre présence est faible ont affiché les taux de croissance les plus rapides.

Certaines données semblent montrer un léger infléchissement dans la période récente, avec une réorientation très progressive de nos échanges vers les zones émergentes. Ainsi, l'Asie émergente, Chine en tête, a expliqué près de 40 % de la hausse de nos ventes au premier semestre 2005, alors qu'elle ne représente encore que 6 % de nos exportations. Dans le même temps, la part des exportations vers l'Union européenne a légèrement diminué, passant de 67 à 64 %. C'est une évolution encourageante, qui traduit une réorientation progressive de la structure géographique des exportations françaises vers les zones les plus porteuses.

II - COMMENT RETROUVER LE CHEMIN DURABLE
DE LA RÉUSSITE SUR LES MARCHÉS EXTÉRIEURS ?

Les faiblesses structurelles du commerce extérieur français appellent des réponses tout aussi structurelles. Ce constat pose la triple question de la pertinence des structures, des outils et des moyens budgétaires :

- le dispositif institutionnel de commerce extérieur est-il efficace ?

- les outils d'action des acteurs, publics et privés, du commerce extérieur, sont-ils adaptés ?

- le soutien budgétaire et fiscal est-il satisfaisant ?

Telles sont les trois questions qui sous-tendent l'analyse contenue dans la présente partie, que le rapporteur a étayée par plusieurs auditions et une mission au Maroc, effectuée les 20 et 21 octobre 2005. Il ressort de ces travaux qu'aussi longtemps que le dispositif institutionnel français de soutien au commerce extérieur ne gagnera pas en lisibilité, se posera un problème de crédibilité et d'efficacité des outils et des moyens mis en œuvre par la puissance publique en faveur du commerce extérieur français. C'est dans cette perspective qu'il convient d'examiner les mesures contenues dans le projet de loi de finances pour 2006 en faveur du commerce extérieur.

A - Le dispositif institutionnel français de soutien au commerce extérieur souffre d'une lisibilité très insuffisante

Après avoir entendu les principaux acteurs du commerce extérieur, publics (ministère, missions économiques, Ubifrance) et privés (chambres de commerce et d'industrie en France et à l'étranger, conseillers du commerce extérieur), le rapporteur ne peut que souligner l'extrême complexité du dispositif institutionnel français de soutien au commerce extérieur. Elle est regrettable, dans la mesure où l'empilement, la juxtaposition voire la concurrence entre les structures existantes, conduit à une lisibilité extrêmement réduite du dispositif, notamment pour les entreprises, qui en sont pourtant les destinataires prioritaires. La situation actuelle est pour le moins paradoxale : alors même que ce sont les petites et moyennes entreprises qui ont le plus intérêt à recourir à ce dispositif, en priorité fait pour elles, elles sont les moins bien informées non seulement sur l'organisation institutionnelle du système de soutien au commerce extérieur mais, plus encore, sur l'existence même d'un dispositif en faveur du commerce extérieur.

Pour donner un bref aperçu du dispositif de soutien au commerce extérieur, il convient de distinguer entre les acteurs publics (1) et privés (2) :

(1) Composante principale du dispositif public, les organes de d'État en matière de soutien à l'exportation sont les suivants :

- Ubifrance au plan national ;

- le réseau des missions économiques à l'étranger ;

- les directions régionales du commerce extérieur (DRCE) dans les régions.

Précisons en outre que l'État dispose, avec l'agence française des investissements internationaux (AFII) d'un instrument chargé d'attirer les investisseurs étrangers en France ; si l'AFII intervient au plan national, en faisant la promotion du « produit » France à l'étranger, elle est également très présente dans les régions et département, ses interlocuteurs naturels dans le processus d'installation d'investisseurs étrangers.

Au plan local, les collectivités territoriales ont, pour la plupart d'entre elles, mis en place des agences régionales ou départementales de soutien au commerce extérieur. Depuis l'intervention de la loi du 13 août 2004 sur les responsabilités locales, les régions peuvent en outre se voir mettre à disposition le personnel et les compétences des DRCE, selon une procédure expérimentale limitée à cinq ans et sur une base uniquement volontaire.

(2) Les acteurs privés du commerce extérieur sont constitués par les organes consulaires que sont :

- au plan local, les chambres, régionales et départementales, du commerce et de l'industrie ;

- à l'étranger, les chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger.

Il faut également compter, à l'étranger, avec l'existence des conseillers français du commerce extérieur, voire d'associations de professionnels, composées par secteurs ou selon un critère géographique.

La seule lecture de cette liste impressionnante d'intervenants donne une idée de la confusion qui règne en la matière. Cette confusion est en outre encore accentuée par la difficulté, pour l'État comme pour les collectivités territoriales, de fixer une ligne d'action et un mode d'emploi clairs des structures existantes, dont certaines sont d'une efficacité encore limitée. La coordination entre les acteurs ne s'effectue donc que sur une base ad hoc, lorsqu'elle a lieu.

Nul besoin de souligner que cette confusion est à l'origine d'une très importante perte d'énergie, dont les premières victimes sont les entreprises elles-mêmes.

1. L'enjeu de la coordination : faut-il une politique régionale du commerce extérieure ou une politique nationale du commerce extérieur en région ?

· La loi sur les responsabilités locales du 13 août 2004 : le non-choix

Si les années 1990 ont été marquées par la restructuration du réseau international de soutien au commerce extérieur, la question majeure aujourd'hui est celle de la réforme de son organisation régionale.

Force est de reconnaître que l'adoption de la loi du 13 août 2004 relative aux responsabilités locales représente, à cet égard, une réforme ratée. L'objectif initial de la réforme était, dans l'esprit du précédent Ministre délégué au commerce extérieur notamment, de supprimer les directions régionales du commerce extérieur (DRCE) et de confier sans réserve aux régions la compétence en matière de commerce extérieur, en cohérence avec la compétence qui leur est reconnue en matière de développement économique. Comme sur bien d'autres points contenus dans cette loi, ce n'est pas cette solution, simple et claire - au-delà même du jugement que l'on peut porter sur le principe même du transfert -, qui a été retenue, mais une solution que le rapporteur juge bâtarde. La loi précitée prévoit en effet la délégation aux régions qui le souhaitent, dans le cadre du schéma régional expérimental de développement économique, des compétences et des personnels des DRCE, ainsi que des crédits budgétaires afférents. Concrètement, si elles remplissent les conditions fixées par la loi, les régions pourront se voir transférer les crédits budgétaires correspondant aux aides individuelles aux entreprises et mettre à disposition les personnels de l'État. Il s'agit d'une expérimentation réversible. A ce jour, seules trois régions ont opté pour cette possibilité : Bourgogne, Franche-Comté, Poitou-Charentes.

· État, régions et commerce extérieur : les enseignements européens

A l'évidence, l'échelon régional est le plus pertinent pour agir efficacement sur le développement des entreprises à l'international. En cela, la loi du 13 août 2004 avait bien identifié le problème. Toute la difficulté vient de ce qu'elle y a répondu par un non-choix, là où nos partenaires européens ont adopté des partis pris, certes divers, mais sans ambiguïté.

compétences de l'etat, compétence des régions : les choix européens

La Grande-Bretagne et l'Espagne sont les deux pays où l'action des régions paraît la plus importante, en matière d'investissements comme de promotion commerciale.

Le Scottish Development International, qui est l'équivalent écossais de UKTI, dispose d'un budget global de 132 millions d'euros, avec 125 agents dans son siège social de Glasgow et 21 bureaux à l'étranger. La Welsh Development Agency consacre 14 millions d'euros à la promotion des exportations galloises. Invest Northern Ireland dispose d'un budget très important (187 millions d'euros) dont la majeure partie correspond à des aides directes mais qui inclut une part non spécifiée d'actions de promotion. Par comparaison, on rappellera que les régions françaises ont une dépense annuelle pour l'action de promotion sur les marchés extérieurs de l'ordre de 40 millions d'euros, dont 10 millions d'euros donnés par l'Etat au titre des contrats de plan Etat-Régions (CPER), et que cet engagement est en progression constante.

Côté espagnol, les quatre régions les plus actives en matière d'internationalisation des entreprises et d'attraction des investissements directs étrangers (IDE) sont la Catalogne, avec une dotation régionale de 16,2 millions d'euros au CIDEM qui dispose de 32 bureaux à l'étranger, le Pays Basque, dont le budget international est de 18,5 millions d'euros, avec dix délégations à l'étranger et une cinquantaine de correspondants, l'Andalousie, qui accorde 14 millions d'euros à son agence de développement international et dispose d'une douzaine de bureaux à l'étranger, et la région de Valence (7 millions d'euros.

Les Länder allemands jouent un rôle plus important pour l'attraction des investissements étrangers que pour l'appui au commerce extérieur. Collectivement, la Rhénanie-Nord Westphalie, la Bavière et les nouveaux Länder consacrent 39 millions d'euros à la recherche des IDE. En matière d'appui à l'exportation, les Länder ont une dépense annuelle globale de 49 millions d'euros, qui semble plutôt en diminution depuis quelques années. Là encore, la Rhénanie Nord-Westphalie, la Bavière et le Bade-Wurtemberg sont les trois Länder les plus actifs.

Les données recueillies sur l'Italie sont limitées aux deux régions les plus importantes. La Lombardie consacre environ 15 millions d'euros par an à l'internationalisation de son économie et dispose de 24 bureaux dans le monde. Le Piémont a également une politique de présence directe à l'international avec une douzaine de bureaux et un budget de l'ordre de 4 à 5 millions d'euros.

Il est à noter que l'importance accrue des régions n'entraîne pas un retrait de l'État, comme le montrent notamment les exemples britannique ou espagnol. Elle s'est traduite en revanche par une prise de conscience des risques accrus de gaspillage et de dispersion des énergies. C'est la raison pour laquelle les partenariats État-régions se développent chez tous nos voisins européens, selon des modalités variables, en particulier pour l'attraction des investissements où aucune région européenne n'a une dimension économique suffisante pour agir seule à l'échelle mondiale. Ces partenariats sont le plus souvent conclus entre des organismes nationaux et les régions et se fondent majoritairement sur une logique de co-financements.

En Allemagne, cette répartition des compétences se traduit par l'attribution, aux Länder, de l'appui direct des entreprises à l'international, tandis que le niveau fédéral - le Bund - est uniquement chargé de la collecte et de la diffusion de l'information. Le panorama est plus complexe en Espagne, selon le degré d'autonomie financière des 17 communautés autonomes ou régions. La Catalogne, par exemple, dispose d'une batterie complète d'interventions, et a mis en place son propre réseau d'implantations à l'étranger (36 représentations). Les régions italiennes disposent de pouvoirs étendus en matière de promotion du commerce extérieur, en collaboration avec l'Etat. Au Royaume-Uni enfin, la politique nationale ne peut être mise en œuvre directement qu'en Angleterre, l'Ecosse, le Pays de Galle et l'Irlande du Nord ayant compétence directe en matière d'appui à l'internationalisation.

En regard, la situation française se caractérise par l'absence de choix, dont la première conséquence est la sous-utilisation des outils existants. Aujourd'hui, force est de constater que l'État n'a pas de politique du commerce extérieur en région, les DRCE n'étant nullement en mesure de jouer le rôle qui est le leur en théorie.

Sur le papier, il existe 23 DRCE en région, soit environ 130 agents qui ont pour missions principales la gestion des aides à l'export - soit 7,38 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2006, auxquels s'ajoute le volet commerce extérieur du contrat de plan - et la coordination des initiatives locales en matière de commerce extérieur. Chaque prospecteur des DRCE est supposé, grâce à un réseau de contacts extérieurs, de sélectionner et visiter chaque année environ quatre-vingts entreprises dont le potentiel à l'international est susceptible d'être développé.

En réalité, la loi sur les responsabilités locales a abouti à un statut très ambigu des DRCE qui, en bref, ne servent que pour autant qu'on les sollicite, donc peuvent potentiellement rester inutilisées. A dire vrai, la question de la fonction et, surtout, de l'utilisation des DRCE, n'est pas nouvelle. Dès leur création, en 1982, ni le Ministre ni son administration de tutelle n'étaient en mesure d'indiquer quels étaient leur nature et leur rôle. Cette faiblesse originelle n'a jamais disparu, l'administration n'ayant jamais su s'approprier cet outil, dont il faut avouer qu'il occupe dans la hiérarchie interne du commerce extérieur une place peu enviée, en tout état de cause sans comparaison avec celle des missions économiques. Dans une premier temps, le précédent ministre du commerce extérieur, M. François Loos, en avait souhaité la disparition, désireux d'aller jusqu'au bout de la logique de la décentralisation et de confier aux régions la responsabilité du commerce : par anticipation, les DRCE ont ainsi disparu de tous les organigrammes ainsi que de tous les actes administratifs. Ce projet n'a pas été mené à bien, la loi du 13 août 2004 ayant été largement vidée de son sens par le dispositif boiteux qu'elle a retenu.

Les DRCE sont des outils utiles, dotés d'une réelle plus-value par rapport aux chambres régionales de commerce et d'industrie (CRCI) ou aux agences régionales et départementales. Notamment, leur expérience internationale collective est sans équivalent. Elles sont en effet connectées au réseau des missions économiques, soit 2000 personnes dans le monde entier, et animées par des personnels eux-mêmes issus des rangs des missions économiques, donc forts d'une expérience internationale souvent variée. Grâce à leurs liens privilégiés avec Ubifrance et les missions économiques à l'étranger, les DRCE peuvent jouer un rôle d'accompagnement des PME à l'international en les introduisant aux services d'Ubifrance et des missions économiques. Ainsi, en 2004, les DRCE ont conduit 8434 visites-entretiens et 411 entreprises, dont 108 PME, ont bénéficié, par leur biais, des prestations d'Ubifrance et des missions économiques. En outre, leur rôle de coordination des initiatives locales en matière de commerce extérieur correspond à un vrai besoin. Grâce à leurs connaissances de l'international accumulées au cours des séjours antérieurs au sein des missions économiques, les DRCE peuvent très utilement favoriser la coordination des partenaires régionaux (conseils régionaux, chambres régionales de commerce et d'industrie...) pour que les services apportés aux entreprises soient cohérents entre eux.

De plus, depuis l'année 2000, les DRCE assurent, avec les DRIRE, le secrétariat et la gestion technique des ateliers techniques régionaux (ATR) pour mobiliser dans chaque région l'ensemble des décideurs économiques et mettre en œuvre une politique coordonnée du commerce extérieur en faveur des PME. En 2004, les DRCE ont instruit plus de 4000 dossiers de demande d'aide (assurance-prospection, VIE ou CPER).

Ces résultats sont très honorables, au regard des moyens limités dévolus aux DRCE ; ils ne sont cependant pas du tout à la hauteur des enjeux puisque ce sont seulement 1,8 million d'euros qui seront consacrés au fonctionnement du réseau, pour un effectif de 132 agents en 2006, contre 130 en 2005. De deux choses l'une : soit les DRCE ont réellement, en pratique, le rôle qui leur est reconnu en droit, et cette somme est ridicule ; soit elles ne sont ni dans les organigrammes de l'État, ni dans ceux de la région et deviennent en quelque sorte des consultants en politique publique que le Président du Conseil régional sollicite intuitu personae, auquel cas ces crédits sont gaspillés.

En bref, il est urgent de définir la « feuille de route » des DRCE. Il n'est pas concevable qu'elles restent dans l'attente de la décision de la région dans laquelle elles sont implantées de se voir, ou non, mises à disposition. Les équipes des DRCE ont besoin d'être motivées et il ne fait pas de doute que la situation actuelle ne permet pas de mobiliser les ressources humaines. Comment concevoir que, dans certaines régions, comme dans la région Auvergne par exemple, nul ne connaît la (et le) DRCE, ni au conseil régional, ni dans les entreprises ? La piste proposée par les chambres régionales de commerce et d'industrie - qui sont, notons-le, les seules à proposer une solution claire -, de réaffirmer solennellement le rattachement des DRCE au préfet de région, en définissant enfin une véritable politique du commerce extérieur en région, mérite d'être attentivement étudiée. Certes, c'est théoriquement le cas aujourd'hui, mais sans que ce rattachement soit, en quelque sorte, assumé par l'État.

Une telle solution peut sembler ne pas aller dans le « sens de l'histoire ». Soyons réalistes cependant, où est l'intérêt politique des régions : dans la prise en charge de cette tâche ingrate et de longue haleine qu'est le développement de l'internationalisation des entreprises ou bien dans une politique de développement de l'attractivité du territoire régional ? Fait symptomatique, autant l'AFII est parfaitement bien connue des élus locaux, autant ni les DRCE ni Ubifrance ne sont véritablement connues, sinon dans leur existence, du moins dans leur rôle exact. Pour le dire autrement, il est beaucoup plus facile et gratifiant d'afficher le nombre d'entreprises qui se sont implantées sur le territoire de la région dans le bilan de mandature que de quantifier le retour, pour une région, du développement à l'international des entreprises de la région. Or, l'internationalisation des PME ne saurait s'inscrire dans une stratégie de court terme : elle en est même antithétique puisque ce qui conditionne une implantation réussie à l'international, ce sont le temps, la persévérance et la continuité. Le rapporteur, lui-même élu régional, se demande si les préoccupations de moyen et de long terme qu'exige le développement international des entreprises sont compatibles avec les impératifs du calendrier régional.

Plus encore, si les régions recevaient la pleine compétence en la matière, qui aurait pour tâche de mettre en œuvre la politique nationale du commerce extérieur en région ? D'ores et déjà, la juxtaposition des acteurs en région pose un problème de cohérence de l'action publique, les régions recourant à une palette de moyens d'action très diversifiés :

- la participation aux contrats de plan Etat-régions ;

- le financement d'actions via les structures existantes d'appui à l'exportation - chambres de commerce notamment ;

- la mise en place de structures propres aux collectivités locales, notamment d'agences de développement des exportations.

Dans l'hypothèse où l'État se retirerait du jeu ou du moins n'y resterait que sous la forme de la signature de contrats d'objectifs, qui assurera la coordination du dispositif ?

Si l'on se réfère au modèle des pôles de compétitivité, le gouvernement a choisi la technique de labellisation pour les 67 projets du label « Pôle de compétitivité », ces pôles étant appelés à bénéficier de la concentration des moyens de l'État : les moyens d'intervention de l'État, directs ou par l'intermédiaire des agences compétentes financeront des projets coopératifs entre les différents acteurs du pôle. Dans le domaine du commerce extérieur, c'est l'agence Ubifrance qui devrait assumer ce rôle au regard des compétences qui lui ont été confiées par la loi n°2003-721 du 1er août 2003 sur l'initiative économique : cet organisme constitue désormais le guichet national unique d'information et d'accompagnement sur les marchés extérieurs. Cependant, dotée de 480 personnes, Ubifrance n'a pas vocation à s'implanter en région et commence donc à développer, pour mener à bien ses activités régionales, un réseau de « partenaires régionaux agréés » ou bien labellise, au cas par cas, des opérations collectives d'initiative locale, auxquelles elle accorde un financement. En pratique, les partenaires régionaux agréés sont généralement soit les agences régionales soit les CRCI (Chambre Régionale du Commerce et de l'Industrie), sélectionnées à la suite d'un appel d'offre. Ce partenaire est chargé de promouvoir les prestations d'Ubifrance et des missions économiques, en contrepartie d'un intéressement financier.

Telles sont la mission et les ambitions de l'agence Ubifrance : est-elle à même de les mener à bien ?

2. Des outils potentiellement efficaces, qui pâtissent de la mise en place laborieuse d'Ubifrance

Dans le rapport qu'il avait présenté sur la loi de finances pour 2005, le rapporteur avait émis les plus grandes réserves sur la capacité d'Ubifrance à mener à bien la lourde mission qui lui était confiée, tout en mettant en œuvre, dans le même temps, une réforme radicale de ses structures immobilières, humaines, financières et de ses méthodes de travail. Il ne fait certes pas de doute qu'Ubifrance est aujourd'hui entre des mains compétentes, faut-il pour autant aller jusqu'à affirmer qu'Ubifrance se consacre désormais pleinement aux trois missions qui lui ont été confiées : mieux vendre et diffuser les prestations réalisées par le réseau des 160 missions économiques à l'étranger ; doubler en deux ans le nombre de salons professionnels à l'étranger ; faire de même en ce qui concerne le nombre de volontaires internationaux en entreprise (VIE) ?

· Réforme immobilière, plan social, délocalisation : l'aboutissement d'un long processus

A l'actif du bilan d'Ubifrance, il faut reconnaître que, conformément à l'instruction des ministres du 15 novembre 2004 qui avait donné mandat au directeur général d'Ubifrance « d'étudier rapidement une solution immobilière pour les sites parisiens permettant de réduire les coûts, de financer le solde du plan social et d'assurer la visibilité nécessaire au nouveau siège d'Ubifrance », Ubifrance a réussi la partie immobilière de sa réforme. Ainsi, la cession des deux immeubles d'Ubifrance situés avenues d'Eylau et d'Iéna a dégagé une soulte de 117 millions d'euros, dont 77 millions d'euros ont été consacrés à l'achat d'un nouveau siège, situé boulevard Saint-Jacques, susceptible d'accueillir tous les services parisiens d'Ubifrance ainsi que le siège de l'AFII, en tant que locataire.

Grâce au solde de 40 millions d'euros dégagés par cette opération immobilière menée avec professionnalisme, Ubifrance a été en mesure de payer les frais annexes (travaux, achat de mobilier, déménagement, droits de mutation, honoraires et frais de commercialisation), pour un montant de 15 millions d'euros.

Le bénéfice dégagé, soit 25 millions d'euros, a permis de financer le reste du plan social (PSE), à hauteur de 16 millions d'euros. En effet, la réforme récente d'Ubifrance visant à une économie structurelle de cinq millions d'euros par an, elle s'est traduite par d'importantes réductions d'emplois. Celui-ci visait une réduction nette de 100 emplois, diminuant les effectifs de 588 à 488. Le nombre des volontaires au départ (176) s'est toutefois révélé supérieur, ce qui a conduit l'agence à recruter de nouveaux collaborateurs. Ce plan s'est accompagné d'une réorganisation de l'agence visant à une plus grande efficacité avec notamment la création d'une direction marketing et commerciale et la refonte des procédures de service aux entreprises. ainsi que les autres besoins en financement. Le solde restant, soit 9 millions d'euros, devrait être reversé, comme prévu dans le mandat des Ministres, au budget de l'Etat.

Parallèlement au plan social, le Premier ministre avait décidé, au titre de la politique d'aménagement du territoire, de délocaliser une partie de l'activité et de l'effectif d'Ubifrance à Marseille à partir du 1er septembre 2004. Les compétences transférées sont la gestion du volontariat international en entreprise, le télé service d'information sur les marchés extérieurs et leur environnement règlementaire, les études, la comptabilité. Un pôle dédié aux entreprises de la région grand sud a par ailleurs été créé. Le coût total de cette délocalisation a atteint 5,6 millions d'euros en 2004, réparti entre les investissements, à hauteur de 1,1 millions d'euros, et les frais de personnels (4,5 millions d'euros), dont 32 licenciements d'agents ayant refusé leur mutation et les mesures liées au transfert de 61 agents. Si ces derniers frais ont été financées dans le cadre du plan social, les investissements ont été financés par le Comité pour l'implantation territoriale des emplois publics (CITEP).

Votre rapporteur a toujours été plus que sceptique sur le bien-fondé de cette délocalisation, qui ne correspond à aucune logique administrative, sociale ou économique. Plus encore, d'après les données fournies par le ministère de l'économie et des finances, cette délocalisation, du fait de la répartition de l'effectif sur deux sites, aggrave la situation financière d'Ubifrance : l'établissement de Marseille représente en effet un coût supplémentaire estimé à 1 million d'euros en année pleine.

Ce constat est d'autant plus préoccupant qu'Ubifrance continue d'afficher un déficit d'exploitation, certes en baisse : en 2004, il s'élevait à 11,6 millions d'euros, pour un montant total de dépenses de 148 millions d'euros, en intégrant le coût du plan de sauvegarde de l'emploi ; hors PSE cependant, ce déficit était de 4,3 millions d'euros. En 2005, le résultat d'exploitation devrait s'améliorer pour revenir à un déficit de 4,2 millions d'euros, limité à 1 million d'euros hors PSE. Ubifrance vise un résultat positif en 2006, soit 0,8 million d'euros. Toujours selon les données fournies par le ministère, il convient par ailleurs de noter que, malgré les difficultés liées au PSE et à la délocalisation, les résultats opérationnels (hors personnel et fonctionnement) font apparaître une reprise de l'activité à l'origine d'un bénéfice sur le total des interventions de l'agence de 1,47 million d'euros en 2004, qui devrait atteindre 4 millions d'euros en 2005 et 5,2 millions d'euros en 2006.

Au total, Ubifrance dégage 50 % d'autofinancement aujourd'hui. C'est du moins sur cette base qu'a été déterminée la subvention d'équilibre qu'est la dotation budgétaire d'Ubifrance inscrite dans le projet de loi de finances pour 2006, soit 34,8 millions d'euros, montant équivalent à celui qui était prévu dans la loi de finances initiale pour 2005. On rappellera que cette dotation s'élevait à 38,5 millions d'euros en 2002. D'après l'actuel directeur général d'Ubifrance, un objectif de 55-60 % d'autofinancement n'est pas hors de portée ce qui, à charges égales, pourrait permettre de réduire encore la dotation budgétaire d'Ubifrance. Votre rapporteur note toutefois, non sans intérêt, que le ministère de l'Economie et des Finances estime au contraire que cette dotation « doit pour le moins être maintenue à son niveau actuel. Cette contraction ne saurait se poursuivre sans peser durablement sur la capacité de l'agence à assurer son fonctionnement et mener à bien les missions qui lui sont confiées. Ubifrance doit donc bénéficier d'un soutien actif et d'un engagement clair de l'Etat. »

· Une agence qui doit encore faire la preuve de son efficacité et de son aptitude à remplir ses missions

Ce mea culpa du ministère est surprenant et, en tout état de cause, significatif du sentiment de malaise persistant qui règne autour d'Ubifrance. Sentiment que votre rapporteur n'est pas loin de partager.

A l'évidence, Ubifrance mène, plus qu'une réforme immobilière, financière, etc., une véritable révolution culturelle. L'agence est en effet en train de se tourner vers une logique extrêmement managériale, dont les résultats sont mesurés à l'aune d'une batterie d'indicateurs de performance. Notamment, une convention d'objectifs et de moyens a été signée entre la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) et Ubifrance, visant à l'augmentation de 50 % des recettes commerciales entre 2002 et 2005. Augmentation d'ailleurs loin d'être atteinte puisque le chiffre d'affaires lié aux actions d'information et prestations sur mesure s'est élevé à 9,5 millions d'euros en 2004, soit une très légère augmentation (+1 %) par rapport à 2002. Cette logique d'objectifs chiffrés est d'ailleurs également présente dans le projet de loi de finances pour 2006, en application de la LOLF. Deux indicateurs ont ainsi été définis :

- le nombre d'entreprises clientes des prestations payantes du réseau international du MINEFI et Ubifrance ;

- le niveau de satisfaction des entreprises clientes par rapport aux prestations payantes fournies par ce réseau et par Ubifrance.

Nul ne contestera qu'Ubifrance avait besoin d'une réforme profonde. Faut-il en conclure que le nouvel outil qu'est aujourd'hui Ubifrance est adapté aux objectifs qui sont les siens, notamment de conduire un nombre toujours croissant d'entreprises, en particulier de PME, vers l'export - que ce soit en les informant mieux, en organisant ou labellisant des salons ou en développant le volontariat international en entreprise (VIE) ?

Votre rapporteur n'est pas convaincu qu'Ubifrance dispose de tous les atouts pour prendre le chemin de la réussite.

En premier lieu, Ubifrance souffre d'un très important défaut de notoriété. Quelles que soient les compétences certaines de ses personnels, le rôle de l'agence n'est pas connu : 90 % des PME présentes dans les salons français organisés au Maroc y ont été conduites par les chambres de commerce et de l'industrie. L'image d'Ubifrance reste donc presque totalement à construire. Les dirigeants d'Ubifrance en sont pleinement conscients, qui ont financé une importante campagne de communication dans les médias en 2005. A cet égard, on doit s'interroger sur l'intérêt qui existe à augmenter le budget de l'AFII de 30 % dans le projet de loi de finances pour 2006, soit 5 millions d'euros destinés aux seules fins de communication d'une agence d'ores et déjà parfaitement connue des acteurs français du commerce extérieur. Augmentation qui, d'ailleurs, fait suite à un accroissement de 11,7 % dans le budget pour 2005.

En deuxième lieu, les indicateurs choisis par la convention précitée comme par le projet de loi de finances ne sont pas pertinents au regard de la mission ultime assignée au seul outil national de pilotage du commerce extérieur. Vendre des prestations aux entreprises ne signifie ni prospecter ni suivre une entreprise sur un marché export. En bref, les critères choisis ne permettent pas de remédier aux faiblesses structurelles de notre commerce extérieur. En l'occurrence, un indicateur - ou plutôt un contre-indicateur - intéressant aurait été bien plutôt de déterminer le nombre d'entreprises qui renoncent à faire appel aux services d'Ubifrance parce qu'elles les jugent trop chers. Tel est en effet le reproche le plus couramment fait par les entreprises qui connaissent Ubifrance, notamment par les PME qui sont - ou devraient être pourtant la cible principale d'Ubifrance. Quel paradoxe de constater que le MEDEF ou les chambres de commerce et d'industrie facturent trois fois moins cher - voire ne facturent pas - des prestations aux montants rédhibitoires chez Ubifrance, soutenue par la puissance publique !

Or cette situation est le résultat direct du choix fait par le Gouvernement d'assigner un objectif d'accroissement de 50 % de la facturation d'Ubifrance aux entreprises entre 2002 et 2005. Cet objectif ambitieux s'explique, nous dit-on « davantage par un souhait de professionnaliser la relation entre le réseau public et l'entreprise que par un souci de modifier radicalement l'équilibre financier d'Ubifrance » et a conduit Ubifrance, au terme d'un engagement pris dans le cadre de la convention d'objectifs et de moyens liant l'organisme à sa tutelle, à refondre entièrement l'offre de service du réseau - Ubifrance étant en la matière le donneur d'ordres des missions économiques - et sa grille de tarification à l'automne 2004. Le temps réellement passé à effectuer les prestations sur mesure en fonction du cahier des charges élaboré avec le client constitue désormais la base de la négociation permettant de définir le périmètre exact de la prestation effectuée. Selon le ministère de l'économie et des finances, « le devis permet de passer d'une facturation intuitive (avec de fortes disparités d'une mission économique à l'autre, pas toujours explicables) à une facturation plus rationnelle où les différences de tarifs d'une mission à l'autre pourront être expliquées et justifiées au client. » Au total, Ubifrance et son réseau à l'étranger fonctionne sur le principe des cabinets d'avocat d'affaires, avec une facturation à l'heure ou à la journée : par exemple, une journée de travail d'un chargé de projet ou d'études est facturée 540 euros hors taxes.

C'est, in fine, une culture hybride qui se met en place à Ubifrance, alliant les réflexes de la noble technocratie du ministère de l'Economie et des Finances avec les pratiques les plus libérales, dans lesquelles ne se reconnaissent même pas les organes consulaires. Et cela faute d'un montant suffisant d'argent public, comme si Ubifrance devait payer le prix de la mauvaise allocation passée des ressources publiques en étant aujourd'hui sevrée de fonds publics.

Votre rapporteur ne prétend certainement pas qu'existe un lien automatique entre le montant des fonds publics alloués aux structures nationales de soutien au commerce extérieur et les résultats dans ce domaine. Les comparaisons européennes infirment en effet largement ce constat. Ainsi, notre dispositif est, par comparaison, l'un des moins coûteux pour l'État, soit 169 millions d'euros en 2004 pour les activités combinées d'Ubifrance, des missions économiques (dans leur partie commerciale), de l'AFII et de la SOPEXA6. En Grande-Bretagne, ce montant s'élève à 408 millions d'euros ; en Italie, il atteint 210 millions d'euros, tandis qu'en Espagne, il est de 241 millions d'euros. L'Allemagne est dans une situation spécifique, puisqu'elle dépense 146 millions d'euros ; cette spécificité trouve son origine dans deux raisons principales : la relative autonomie des chambres de commerce allemandes à l'étranger, qui autofinancent leur activité à 70 %, et le rôle significatif joué par les Länder qui consacrent collectivement 49 millions d'euros à l'appui au commerce extérieur.

Si l'on pondère cette comparaison en prenant en compte les niveaux de population (effort par habitant) et les niveaux d'exportations (effort relatif), les écarts constatés en Europe s'accentuent sensiblement.

Dépense de l'Etat par habitant
(en €)

Dépenses en millièmes d'exportations
de biens et services
(%)

France

2,8

0,42

Grande-Bretagne

6,9

1,02

Italie

3,7

0,64

Espagne

5,9

1,16

Allemagne

1,8

0,19

Au total, il apparaît que la France est la plus économe après l'Allemagne, aussi bien en termes de dépenses par habitant (2,8 euros) que de dépenses rapportées aux exportations. L'Allemagne, premier exportateur mondial, réalise une dépense par millième d'euro exporté qui est six fois inférieure à celle de l'Espagne. Les deux pays dont le ratio exportations/PIB est le plus faible (Grande-Bretagne et Espagne), sont également ceux qui consacrent le plus de moyens à l'internationalisation de leurs entreprises.

Si l'on s'intéresse cependant à la structure des dépenses consacrées au soutien au commerce extérieur par nos voisins, la France apparaît cette fois nettement en retard en matière de ressources budgétaires consacrées à l'information et à la promotion commerciale sur les marchés extérieurs :

- les ressources budgétaires françaises dans ce domaine sont restées quasi-stables en euros courants depuis 1990, soit une diminution de 16 % depuis 1990 et de 10 % à partir de 1995 en euros constants. La réduction est particulièrement sensible pour les organismes centraux : les prédécesseurs d'Ubifrance recevaient conjointement une dotation de 50 millions d'euros en 1990 ; celle d'Ubifrance était de 40 millions d'euros en 2004, réduite à 34,8 millions d'euros en 2005. Soit, en euros constants, une évolution qui correspond à une baisse de 40 % du soutien de l'Etat.

- pour la période 1999 - 2004, on observe au contraire un effort important sur les crédits d'intervention chez nos principaux partenaires. Ils se sont accrus de plus de 30 % en Grande-Bretagne (passant de 104 à 149 millions d'euros), de 66 % en Italie sur la même période (de 44 à 73  millions d'euros), de 15 % en Espagne et de 25 % en Allemagne pour ce qui concerne le programme foires et salons.

Au total, jusqu'en 2002, l'outil des salons internationaux est resté moins utilisé en France que chez la plupart des concurrents. L'Espagne, la Grande-Bretagne et l'Allemagne consacraient alors aux salons internationaux entre sept et huit fois plus de subventions publiques que la France, l'Italie près de quatre fois. L'Italie et la France appuyaient environ le même nombre de salons, mais l'Allemagne et l'Espagne près de trois fois plus, et la Grande Bretagne six fois. La subvention moyenne par opération accordée par l'Espagne, l'Allemagne et l'Italie était environ trois fois supérieure à la subvention accordée par la France. Sous l'impulsion du ministre délégué au commerce extérieur, la France a récemment doublé la capacité d'intervention d'Ubifrance pour les programmes de manifestations à l'étranger sur la période 2004 - 2006.

Par conséquent, le financement de la procédure de labellisation d'Ubifrance doit être pérennisé. Le redéploiement des fonds du FASEP-garantie, à hauteur de 22 millions d'euros sur la période 2004 à 2006, est à l'origine de l'augmentation des actions de promotion enregistrée sur le budget de l'agence (20,1 millions d'euros prévus en 2005 contre 14,1 millions d'euros en 2002). Il a permis de doubler le nombre des pavillons nationaux sur salons à l'étranger organisés par Ubifrance ou des opérateurs publics et privés au titre de la labellisation. Pour 2005, le Ministre a fixé un objectif de 140 opérations labellisées : à l'évidence, cette montée en charge de la labellisation implique une perspective de stabilisation des fonds qui pourraient, à terme, être inclus dans la dotation budgétaire de l'agence.

Le rapprochement que votre rapporteur établit entre les enjeux financiers du fonctionnement d'Ubifrance et la métamorphose culturelle de l'agence n'est pas anodin. Ce qui est aujourd'hui en jeu dans la mise en place de ce nouvel outil, qui est encore à la recherche de sa culture institutionnelle, c'est le développement d'une véritable culture PME. Désormais, Ubifrance doit avant tout être un prestataire de service aux PME : Ubifrance et son réseau à l'étranger doivent apprendre à considérer la PME comme la priorité absolue de leur action.

Dans cette optique, la bonne coordination entre Ubifrance et les chambres, régionales ou départementales, de commerce et d'industrie (CRCI et CCI) est essentielle, de même qu'à l'étranger, le réseau des missions économiques doit travailler en coordination avec les Chambres de Commerce et d'Industrie Françaises à l'Étranger (CCIFE) qui se sont structurées pour offrir des prestations d'information et d'appui commercial aux entreprises.

Cette volonté de coordination est aujourd'hui affichée par tous les acteurs. Ainsi, le 12 mai 2005, une lettre de cadrage, accompagnée d'un modèle de convention, a été signée par le directeur des relations internationales de la DGTPE, le Directeur Général d'Ubifrance et le Président de l'UCCIFE, l'association regroupant les chambres de commerce à l'étranger, créée en 1907 et reconnue d'utilité publique en 1939. Elle invite les chefs des missions économiques et les présidents des chambres de commerce et d'industrie françaises locales à améliorer la coordination et la complémentarité entre les deux réseaux.

Reste à la décliner localement, ce qui implique que tous les acteurs aient la même conception de leur propre rôle et de celui des autres : l'exercice ne va pas de soi si l'on en croit les représentants des CRCI. Ainsi, comme l'ont expliqué au rapporteur les représentants de la CRCI des pays de Loire, d'Île-de-France et de la chambre de commerce et d'industrie de Paris, les négociations locales permettront de vérifier comment Ubifrance conçoit son rôle : si c'est la mission de coordinateur et de fédérateur qui est mise en avant, les acteurs pourront travailler en harmonie ; si Ubifrance se situe dans une logique comptable et vise avant tout à « faire du chiffre » en démarchant les entreprises, elle sera considérée comme empiétant sur le domaine « naturel » des organes consulaires.

En tout état de cause, la coordination n'est pas une option, mais une obligation ; elle ne doit plus être l'exception, mais devenir la norme. Alors qu'il se rendait en mission au Maroc pour la préparation du présent rapport, votre rapporteur a lui-même pris la mesure du chemin qu'il restait à parcourir : ayant rencontré un entrepreneur de sa région - Auvergne -, spécialisé dans la fabrication de jus d'orange, qui souhaitait se développer au Maroc, pays producteur d'oranges, c'est lui-même qui a mis en contact cet entrepreneur avec le réseau institutionnel français du commerce extérieur à Casablanca, ce dernier n'ayant aucune idée de la démarche qu'il lui fallait suivre.

Un seul indicateur permettra de vérifier que cette coordination aura bel et bien lieu sur le terrain : l'accroissement du nombre de PME sur les marchés export. La tâche est certes beaucoup plus ingrate que celle qui était traditionnellement celle des prédécesseurs d'Ubifrance, habitués au monde plus feutré et moins complexe des grandes entreprises, mais elle est la seule qui justifie les dépenses budgétaires et fiscales allouées au commerce extérieur.

B - La crédibilité et l'efficacité des outils et moyens du commerce extérieur dans le projet de budget pour 2006 s'en trouvent fortement affaiblies

Prolongement international des politiques économiques visant à assurer les grands équilibres macro-économiques, à soutenir l'emploi et le développement de l'économie française, les actions menées par l'Etat en faveur des échanges extérieurs recouvrent une action multiforme. Par conséquent, l'action budgétaire de l'Etat en la matière ne peut qu'être complexe : dans la mesure où la démarche d'exportation est avant tout micro-économique - exception faite des grands contrats à forte dimension intergouvernementale, l'enjeu de l'intervention de l'Etat dans ce domaine réside dans la lisibilité de son action.

Beaucoup reste à faire dans ce domaine, faute de quoi c'est la crédibilité et l'efficacité même de l'ensemble de notre politique de commerce extérieur qui est voué, sinon à l'échec, du moins à la médiocrité. De fait, la politique de ciblage mise en œuvre par le Gouvernement pâtit de l'insuffisante coordination entre les acteurs que nous avons décrite. Encore faut-il cependant que ce ciblage se traduise par des mesures adéquates. Or, aussi bien sur le ciblage des PME que sur la politique de ciblage géographique, votre rapporteur a de nombreux doutes sur la pertinence des mesures proposées dans le projet de budget pour 2006. Doutes étayés par les témoignages qu'il a recueillis notamment lors de sa mission au Maroc, marché particulièrement intéressant au regard de la problématique du développement de l'activité export des PME.

1. Le commerce extérieur dans le projet de loi de finances pour 2006 : la poursuite et l'extension de la politique de ciblage

· La mise en œuvre de la LOLF : un budget invisible

N'est-il pas pour le moins paradoxal que, l'année même où le déficit du commerce extérieur affiche un record historique, le budget du commerce extérieur ait disparu en tant que tel de la loi de finances ? La mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, pour la première fois dans le projet de loi de finances pour 2006, a conduit en effet à la disparition de l'entité « commerce extérieur ». Dans la nouvelle nomenclature budgétaire issue de la LOLF, le commerce extérieur s'inscrit dans trois programmes différents au sein de la mission globale « Développement et régulation économiques » : développement des entreprises, appels en garantie de l'État, aide économique et financière au développement.

Il est vrai que le commerce extérieur n'a jamais fait l'objet d'une présentation budgétaire aisément identifiable, dans la mesure où il fallait ajouter au budget du ministère stricto sensu les crédits inscrits dans le compte spécial du Trésor « Prêts aux Etats étrangers » et où, par définition, les dépenses fiscales n'apparaissent pas. Reste que cette disparition ne va pas de soi et qu'elle renforce la faible visibilité budgétaire d'un outil lui-même mal identifié par les acteurs économiques.

· Les crédits du commerce extérieur en 2006

L'effort budgétaire total consacré par l'Etat aux actions menées en faveur du commerce extérieur, y compris les crédits inscrits au budget des charges communes et au compte spécial du Trésor n° 903-07 « prêts aux Etats étrangers » s'établit à 462,9 millions d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2006, soit une augmentation de 10,8 % par rapport à la loi de finances pour 2005.

Evolution des crédits du commerce extérieur 2005/2006

Nomenclature ordonnance de 1959

Nature des crédits

LFI

2005

PLF

2006

Programmes

31-10

Dépenses de personnel

102,7

125,2

Développement des entreprises

37-07

Fonctionnement

63,0

38,4

57-90 AE

Immobilier

1,5

1,5

57-90 CP

1,5

1,5

Total DO+CP

Fonctionnement du réseau des ME

167,2

165,1

Organismes de soutien

44-84-20

Ubifrance

34,8

34,8

Développement des entreprises

44-84-60

AFII

15,4

20,4

44-84 autres

BITD,BIE, Partenariat France

0,2

0,2

Plan sectoriel (mesure nouvelle 2006)

0  

7,0

Total interventions

50,4

62,4

Contrats de plan Etat-Régions

64-00-30 AE

CPER

9,4

7,4

Développement des entreprises

64-00-30 CP

7,4

7,4

Garanties

14-10-71

Assurance-crédit

0,0

0,0

Appels en garantie de l'Etat

14-10-72

Assurance-prospection

31,0

31,0

14-10-73

Garantie de change

0,0

0,0

14-10-74

Risque économique

30,0

23,0

Total

Crédits évaluatifs (charges communes)

61,0

54,0

Aide publique au développement

37-01-20

Rémunération Natexis

3,6

3,7

Aide économique et financière au développement

37-01-30

Rémunération AFD

1,5

0,0

37-75-83

Evaluations préalables de projets

0,3

0,3

68-00-10 AE

Dons d'aide extérieure (Fasep-études)

12,0

20,0

Total DO+CP

Interventions financières

32,5

23,7

CST 903-07 AE

Prêts aux Etats étrangers (RPE)

90,0

300,0

Compte spécial du Trésor

Prêts aux Etats étrangers

CST 903-07 CP

105,0

150,0

Total DO+CP

Interventions financières

105,0

150,0

Total général des crédits du commerce extérieur

423,5

462,9

Variation

2005-2006 : 10,8 %

En toute rigueur, il conviendra d'additionner à ce chiffre les dépenses fiscales détaillées ci-après, dont le coût pour l'État pourrait aller jusqu'à 200 millions d'euros en année pleine ; portant cependant sur les revenus de 2006, elles ne produiront d'effets budgétaires (moindres rentrées fiscales) qu'au cours de l'exercice 2007.

L'augmentation des crédits telle que présentée dans le tableau ci-dessus appelle les cinq commentaires suivants :

(1) La diminution des crédits destinés au fonctionnement du réseau des missions économiques s'inscrit dans la politique continue de rationalisation du fonctionnement du réseau ; l'objectif porte désormais davantage sur le redéploiement des moyens des missions vers les cinq pays pilotes sélectionnés par le ministère (Etats-Unis, Russie, Chine, Inde, Brésil). S'agissant des redéploiements internes de crédits que l'on observe entre les dépenses de personnel et le fonctionnement, ils sont liés à l'adoption de la nouvelle nomenclature qui rattache désormais les dépenses liées aux salariés recrutés sous contrat local aux charges de personnel, et non plus de fonctionnement comme c'était le cas auparavant.

(2) Les dépenses d'intervention connaîtront une forte augmentation, due à la croissance des crédits destinés à l'AFII et à la mise en œuvre des plans sectoriels.

. Après une augmentation de 11,27 % dans le projet de loi de finances pour 2005, le budget de l'AFII bénéficie cette année encore d'une très forte augmentation, d'environ 30 %, toujours à des fins de communication. Votre rapporteur doit faire part de son très grand scepticisme quant à la pertinence de cette augmentation. Attirer les investisseurs internationaux est évidemment une priorité. Toutefois, l'AFII est déjà très largement dotée, sans compter que départements et régions sont également très actifs dans ce domaine. Enfin, alors que l'on veut faire d'Ubifrance le pivot du commerce extérieur, n'est-il pas étonnant d'en diminuer chaque année la subvention publique, dans des proportions importantes comme il a été expliqué précédemment ? Votre rapporteur craint qu'en axant l'effort budgétaire supplémentaire en faveur de l'attraction des investisseurs, on cède à des objectifs plus politiques qu'économiques. Autant l'installation d'une entreprise sur un territoire produit un effet politique immédiat, autant son effet économique est incertain, dans la mesure où le risque existe toujours que l'investisseur quitte le territoire une fois disparues  les facilités budgétaires et fiscales accordées lors de l'installation ; au contraire, autant le développement des exportations représente un gain politique de court et moyen terme assez faible, autant il est doté d'un effet économique prouvé et certain, un milliard d'euros d'exportations supplémentaires représentant 15 000 emplois.

. Dotés de 7 millions d'euros, les plans sectoriels représentent une nouvelle déclinaison de la politique de ciblage, venant s'ajouter au double ciblage existant des PME et de certaines zones géographiques.

Cette nouvelle mesure de ciblage est directement inspirée de l'exemple de nos voisins européens. C'est ainsi qu'en Espagne, l'ICEX accorde des subventions attrayantes pour des salons dans des secteurs et pays cibles, mais aucune pour certains salons en Europe, où elle organise néanmoins une présence officielle. L'ICE italienne consacre pour sa part 55 % des ressources publiques à la promotion de quatre filières (machines spécialisées; mode; domotique; agroalimentaire) qui constituent les secteurs phares du Sistema Italia. Trade Partners UK annonce dans ses priorités 2001-2004 que son aide sera concentrée sur les secteurs/marchés identifiés, avec le secteur privé, comme présentant, un potentiel important pour les exportateurs britanniques.

Compte tenu de l'érosion des parts de marché de la France due à notre spécialisation insuffisante sur les segments sectoriels de marché les plus dynamiques dans la demande mondiale, le Gouvernement a également décidé de mettre en œuvre des plans d'action sectoriels à l'exportation, dans l'esprit des plans d'action géographiques déjà mis en œuvre par le ministre délégué au Commerce extérieur sur 25 pays prioritaires. Une étude permettant d'identifier les segments de marché susceptibles d'être sélectionnés à partir d'une analyse fine de la demande mondiale (poids et dynamisme des secteurs dans la demande sur longue période) et de l'offre française (structure du tissu productif, positionnement à l'international) a conduit à retenir onze secteurs à la fin de l'année 2004 : aéronautique, équipements de la chimie, équipements de la personne, technologies de l'information et de la communication, santé, équipements de la maison, équipements de loisir, architecture, bâtiment, secteur des éco-industries et agro-alimentaire.

Pour chaque secteur, un groupe de travail présidé par un industriel et impliquant les différents acteurs concernés, en particulier les fédérations professionnelles, a été chargé de mener la réflexion sur la stratégie à mettre en place et les actions prioritaires à réaliser. A ce jour, six plans d'action sectoriels ont été validés dans l'aéronautique, la santé, la chimie, les éco-industries, les équipements de la maison et les équipements de la personne. Les cinq plans restants entreront en action avant la fin de l'année.

Une fois les plans sectoriels adoptés par le ministre délégué au commerce extérieur, les actions collectives qui en relèvent peuvent recevoir un soutien financier. Il peut s'agir, par exemple, de la contribution aux frais de participation des entreprises aux actions de promotion collective organisées par les organisations professionnelles ou autres opérateurs (pavillons France sur salons à l'étranger, présentations de produits français, missions collectives, invitations d'acheteurs en France, rencontres d'acheteurs. Une enveloppe de 10 millions d'euros de crédits sur une période de deux ans a été mobilisée pour financer ces plans, soit 3 millions d'euros au cours de l'exercice 2005 et 7 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006.

(3) Les crédits de paiement inscrits au titre de la mise en œuvre des contrats de plan État-régions (CPER) sont identiques à ceux inscrits en 2005, tandis que les autorisations d'engagement diminuent très logiquement du fait de l'arrivée à échéance, en 2006, de ces contrats.

Rappelons que, alors que la part des conseils régionaux au volet « commerce extérieur » du 11ème contrat de plan Etat-régions surpassait très largement celle de l'Etat, l'importance accordée par ce dernier à l'effort d'internationalisation des entreprises françaises a abouti, au titre des CPER 2000-2006, à une quasi parité des moyens mis en œuvre par les différents co-signataires dans la majorité des régions. Le volet « commerce extérieur » du contrat actuel totalise ainsi près de 152 millions d'euros, dont plus de 85 millions représentent la part des régions, renforçant sensiblement l'appui public à l'internationalisation des entreprises (+ 75 % pour la part de l'État par rapport au précédent contrat de plan).

L'enjeu majeur est de moderniser le dispositif des aides et de les adapter aux évolutions du commerce international, tout en élargissant la base des PME exportatrices (entreprises performantes et primo exportateurs notamment). Un effort particulier est accompli en faveur des technologies d'information et de communication. Trois opérations principales peuvent être aidées avec un taux de subvention maximum de 50 % : le recours à un conseil externe, l'implantation commerciale légère à l'étranger et le recrutement d'un cadre export. Selon les régions sont également favorisés la participation à des foires et salons, la formation au commerce international et le recours à un volontaire international en entreprise (VIE).

Quel bilan peut-on tirer de ces douzièmes CPER, à un an de leur échéance ?

Les mises en place d'autorisations de programme se sont faites à un rythme satisfaisant puisque 5/7 de la dotation 2000-2006 des contrats de plan, soit 46,8 millions d'euros, étaient délégués fin 2004. Le succès des appuis au commerce extérieur ne se démentant pas, 86 % des autorisations de programme ont été engagées au bénéfice de plus de 5700 entreprises.

Les demandes d'aides individuelles des entreprises ont porté principalement sur :

- le recrutement de personnels spécialisés à l'international (10,2 millions d'euros) ;

- l'implantation commerciale sur les marchés étrangers, hors Union européenne principalement (6,7 millions d'euros) ;

- la prospection de nouveaux marchés (4,8 millions d'euros) ;

- la participation à des foires ou salons internationaux (1,7 million d'euros).

A la fin de l'année 2004, plus de 1170 PME sur les 3400 qui avaient sollicité une aide individuelle ont mené leurs projets à terme et bénéficié de subventions : 17,8 millions d'euros ont ainsi été mandatés depuis la mise en œuvre du contrat de plan Etat-régions. Dans le même temps, 6 millions d'euros ont financé des actions incitant, pour la plupart, les entreprises à participer collectivement à des foires et salons internationaux ou à des missions de prospection à l'étranger.

Les entreprises bénéficiaires sont des PME employant 250 personnes et moins. 79 % d'entre elles ont 50 salariés et moins et un tiers de ces dernières ont un effectif qui ne dépasse pas 10 employés. Elles appartiennent principalement aux industries mécaniques et sidérurgiques (30 %), à l'agroalimentaires (21 %) et aux secteurs du cuir, du textile et de l'habillement (8 %), de l'électronique et des NTIC (7 %) et des services à l'entreprise (7 %).

(4) S'agissant des crédits inscrits au titre des garanties, l'absence de dotations budgétaires pour l'assurance-crédit, s'explique, selon le ministère, par l'existence de créances importantes héritées du passé, recouvrées par la COFACE via le club de Paris.

En dépit de la stagnation des crédits destinés à l'assurance prospection cette procédure fera l'objet d'une mesure nouvelle dans le projet de budget pour 2006.

l'assurance prospection

Il s'agit d'une procédure gérée par la COFACE pour le compte de l'Etat. Elle permet d'accompagner les PME dans leurs démarches de prospection des marchés étrangers en prenant en charge temporairement une partie des dépenses qu'elles engagent. Ainsi, le dispositif combine une assurance contre le risque d'échec des prospections, dans la limite de budgets préalablement négociés avec COFACE, et permet, pour les plus petites entreprises, de bénéficier d'avances de trésorerie. Les contrats d'assurance prospection ont des durées de 3 à 9 ans et comprennent deux périodes. L'une concerne l'accompagnement proprement dit de la prospection et la prise en charge annuelle des dépenses engagées par l'entreprise, l'autre période correspond au remboursement à COFACE des indemnités versées dans la phase précédente. Ce remboursement s'effectue annuellement au prorata des recettes d'exportations enregistrées par l'assuré dans la zone prospectée. Les sommes non remboursées au terme du contrat restent définitivement acquises à l'entreprise.

L'assurance prospection bénéficie à plus de 1000 entreprises nouvelles chaque année. Tous les secteurs d'activités sont représentés. Les bénéficiaires sont essentiellement des petites entreprises. En 2005, 92 % de ces entreprises réalisaient un chiffre d'affaires annuel inférieur à 1,6 million d'euros. Plus d'un assuré sur deux est primo exportateur.

Si les dépenses de prospection continueront à être indemnisées dans la limite de 65 % d'un budget préalablement négocié entre COFACE et l'assuré, la quotité des dépenses garanties sera portée de 65 % à 85 % pour les prospections vers les cinq pays pilotes à fort potentiel de développement identifiés par le ministère (Chine, Japon, Inde, Russie et Etats-Unis). Ce concept de pays pilotes est une innovation récente. Dans un souci d'efficacité, le ministère du commerce extérieur avait tout d'abord décidé, en 2003, que les soutiens publics seraient désormais concentrés sur 25 pays cibles.

Les 25 pays prioritaires définis par le Ministre délégué du commerce extérieur

Etats-Unis

Canada

Taiwan

Pologne

Hongrie

Allemagne

Chine

Malaisie

Inde

Afrique du sud

Japon

Pays Bas

Brésil

Russie

Maroc

Royaume Uni

Corée du sud

Thaïlande

Israël

Algérie

Italie

Mexique

Turquie

Rép. tchèque

Tunisie

Au sein de ces 25 pays, la gouvernement a décidé en 2005 de cibler encore davantage les efforts, en distinguant les cinq pays précités, dits pays pilotes, dont les économies conjuguent trois caractéristiques : une taille conséquente, des perspectives de croissance élevées à moyen terme, un potentiel de gain de parts de marché substantiel pour les opérateurs français.

La procédure de risque économique enregistre une forte diminution des dotations qui lui sont destinées, n'étant quasiment plus utilisée et exceptionnelle.

(5) S'agissant enfin du budget de l'aide publique au développement, il diminue dans sa partie consacrée aux interventions financières, sous l'effet de la réduction des crédits de paiement en faveur du FASEP-études, dont les autorisations d'engagement augmentent fortement en revanche. Quant au budget de prêt aux Etats étrangers, ils augmentent fortement, expliquant d'ailleurs très largement la hausse du total des crédits du commerce extérieur mentionnée ci-dessus.

Deux des mesures phares récemment décidées par la Ministre déléguée au commerce extérieur n'apparaissent pas dans le projet de budget, dans la mesure où il s'agit de dépenses fiscales :

- Le crédit d'impôt export a pour objet d'inciter les PME à franchir une étape importante de leur développement international par la prospection et par un recrutement, même de six mois, dédié à l'export. Ce dispositif est accessible aux PME ayant réalisé un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros, et à certaines sociétés de professions libérales exposant des dépenses de prospection commerciale à l'exportation en dehors de l'espace économique européen. Le fait générateur de cette mesure est le recrutement d'un salarié, même pour six mois, dont l'activité est dédiée à l'exportation, par exemple les VIE, contribuant ainsi à l'emploi des jeunes. Le crédit d'impôt est plafonné à 40 000 euros par entreprise pour la période de 24 mois suivant ce recrutement. L'assiette porte sur 50 % des dépenses réalisées. Sont éligibles les frais et indemnités de déplacement et d'hébergement liés à la prospection, les dépenses visant à réunir des informations sur les marchés et clients, les dépenses de participation à des salons et à des foires expositions, les dépenses visant à faire connaître les produits et services de l'entreprise. Le crédit d'impôt export ne peut être obtenu qu'une seule fois.

La nouveauté vient de ce que le crédit d'impôt export sera étendu à compter du 1er janvier 2006 aux prospections réalisées en Europe car c'est principalement vers cette zone que les PME exportent. Les rémunérations des VIE seront dorénavant éligibles à l'assiette, ce qui devrait permettre aux 40 000 jeunes candidats de trouver plus facilement des expériences professionnelles à l'international.

- Pour faciliter l'internationalisation de l'économie française et le développement de ses exportations, une motivation fiscale simple et lisible est ainsi proposée à ceux qui acceptent les contraintes attachées à ce genre de missions. Il s'agit d'exonérer de l'impôt sur le revenu les salariés en charge de l'export passant plus de 120 jours à l'étranger, sur la part de salaire correspondant.

Les traitements et salaires perçus au titre du développement des exportations par des personnes ayant leur domicile fiscal en France, envoyées par un employeur établi en France et justifiant d'une activité à l'étranger d'une durée professionnelle supérieure à 120 jours au cours d'une période de 12 mois consécutifs, ne seront plus soumis à l'impôt sur la fraction de leur rémunération correspondant au temps passé à l'étranger.

2. Les limites de la politique de ciblage : l'exemple du Maroc

« Rendre le dispositif de soutien plus simple, plus lisible et plus efficace » : tel est l'objectif affiché par le gouvernement dans le document Cap export présentant notamment les mesures qui viennent d'être évoquées.

Votre rapporteur ne peut que souscrire sans réserve à cet objectif qui, comme il l'a montré, est le seul à même de mettre fin à la grande confusion qui règne en matière de soutien public au commerce extérieur. Il doute cependant que les mesures envisagées par le gouvernement pour stimuler la croissance de nos exportations aient un impact suffisant.

Ses doutes ne relèvent pas de quelque a priori idéologique que ce soit, mais de sa conviction profonde. Une conviction forgée par les rencontres qu'il a eus avec nombre d'acteurs du commerce extérieur français, que ce soit lors d'auditions à l'Assemblée nationale ou lors du déplacement qu'il a effectué au Maroc les 20 et 21 octobre dernier, pays dont le choix était motivé par le fait qu'il se situe à la croisée de toutes les problématiques actuelles du commerce extérieur français : comment développer l'internationalisation des PME françaises ? Où faut-il orienter notre effort d'exportation et sur quels critères ? Que signifie un choc économique tel que la libéralisation totale du marché du textile et de l'habillement ?

· L'accompagnement insuffisant des PME : le point faible

Si le rapporteur soutient pleinement la politique de ciblage des PME, il s'interroge toutefois sur la compatibilité entre cet objectif et les mesures retenues dans le projet de loi de finances.

Ainsi, quelles qu'en soient les raisons techniques, l'affichage d'une diminution des crédits de garantie dans le projet de budget pour 2006 ne constitue pas un signe positif en direction des PME, dont la sensibilité au risque représente l'un des principaux freins à leur engagement à l'export.

De manière plus générale, c'est la question de l'efficacité de l'accompagnement de ces entreprises sur les marchés export qui est posée à travers cet exemple. A l'évidence, ce point constitue aujourd'hui le maillon faible du dispositif de commerce extérieur : il n'est pas difficile de conduire 100, 200 ou 300 PME dans un salon à l'étranger ; il l'est en revanche beaucoup plus d'en assurer le suivi et l'accompagnement dans la durée. Tous les interlocuteurs entendus par le rapporteur issus du monde économique l'ont souligné, en France comme au Maroc : aussi longtemps que ce talon d'Achille persistera, le nombre de PME françaises qui se lancent à l'export n'évoluera pas sensiblement.

Votre rapporteur n'a pas le sentiment que les pouvoirs publics aient pris la mesure de ce risque. Lorsque, interrogé par le rapporteur sur la diminution du nombre d'entreprises exportatrices de 2002 à 2004 évoquée par Les Echos le 14 février 2005, le ministère délégué au commerce extérieur reconnaît que « la progression continue du nombre d'opérateurs entre 1995 et 2000 (+ 6 000 entités) a été enrayée depuis 2000 », votre rapporteur estime insuffisant de se contenter de l'explication selon laquelle « cette évolution rappelle que la conjoncture reste un déterminant de premier ordre du commerce extérieur, et partant du nombre d'opérateurs ». Ce constat, qui peut être porté sur toutes les données relatives au commerce extérieur, est trop général pour être pertinent. Sans compter que s'en remettre à la conjoncture revient ni plus ni moins à postuler l'impuissance du politique. Si vraiment seul le marché est à même d'influer sur le comportement à l'export des entreprises françaises, alors même le budget modeste dévolu au dispositif de soutien au commerce extérieur est excessif.

Pour tenter d'expliquer les freins à l'internationalisation des PME françaises, faut-il invoquer la perte de « l'esprit de conquête » des PME françaises, à l'instar du constat dressé par M. Karim Tazi, Président de la Fédération des Industries marocaines du textile ? Le 20 octobre dernier, ce dernier a livré au rapporteur son analyse sur les raisons expliquant la frilosité des PME françaises. Constatant ce qu'il a estimé être « une dynamique de déclin des PME françaises dans le tissu textile », M. Karim Tazi a jugé que « l'attitude de moins en moins conquérante de la PME française par rapport à l'entreprise espagnole explique en partie la perte des parts de marché françaises au Maroc. Plus que la taille des parts de marchés détenues, il s'agit d'avoir un état d'esprit dynamique, volontaire et de conquête. Or, les entrepreneurs français se recroquevillent sur eux-mêmes et l'étau administratif, fiscal et social en France broie l'esprit de conquête. Les systèmes économique et fiscal en France ont été bâtis autour de la grande entreprise au détriment de la petite. La protection du salarié s'est construite au détriment de l'entrepreneur, preneur de risques, souvent confondu avec le « patron rentier ». La relative présence des PME au Maroc en est une illustration claire. »

Cette grille de lecture de l'état d'esprit des PME françaises est sans doute assez proche de la réalité et fournit, en tout état de cause, une explication au recul des parts de marché françaises au Maroc, qui sont passées entre 1999 et 2004 de 25,7 % à 18 % - recul que l'alourdissement de la facture pétrolière du Maroc ne saurait suffire à expliquer. Elle est d'autant plus intéressante qu'elle émane d'une personnalité notable d'un pays très proche de la France, qui s'ouvre cependant à d'autres partenaires commerciaux et est à même de comparer les différences de comportements entre les entreprises françaises et leurs homologues étrangères.

A cet égard, tous les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur au Maroc ont mis en avant le remarquable dynamisme des entreprises espagnoles : évoquant la mise en place récente du comité d'initiative d'impulsion économique, qui vise à redynamiser les relations entre la France et le Maroc, M. Salahedine Mezouar, Ministre marocain de l'industrie, du commerce et de la mise à niveau de l'économie, a clairement mis en avant le risque d'un recul de la présence française au Maroc « quand d'autres pays du pourtour méditerranéen, comme l'Espagne, se positionnent dans le pays, et, au-delà, les Etats Unis. » L'Espagne qui est aujourd'hui le deuxième fournisseur du Maroc, avec 12 % des parts de marché ; quant aux Etats-Unis, ils occupent une place encore modeste, se situant au huitième rang des fournisseurs du Maroc, avec 4,1 % des parts de marché. L'accord de libre-échange qu'ils ont signé en 2002 avec le Maroc devrait toutefois se traduire par une densification des échanges entre les deux Etats.

Face à cette frilosité, quelle est la solution ? S'unir pour surmonter les obstacles ? Le rapporteur a en effet posé la question à ses interlocuteurs marocains et français vivant au Maroc de l'intérêt, pour les PME, d'unir leurs forces à l'export, démarche d'ailleurs favorisée par les pouvoirs publics. Par exemple, il s'agirait, pour plusieurs PME, d'embaucher un seul VIE. Le scepticisme est unanime à l'égard de cette mesure. Quand bien même elle pourrait être adoptée par certaines PME, elle ne saurait se substituer à la nécessité d'un meilleur encadrement des PME à l'export.

· Pays cibles, pays pilotes : les limites d'une vision étroitement économique de la politique de ciblage

Dans le cadre de la politique de ciblage des PME, le Maroc représente sans doute l'un des marchés les plus favorables pour permettre une première expérience à l'exportation. Pays géographiquement, historiquement, culturellement et linguistiquement très proche de la France, il représente non pas une cible facile ni un terrain conquis, comme trop de nos compatriotes ont encore tendance à le croire - ce qu'ont, à juste titre, vivement regretté les interlocuteurs marocains de votre rapporteur -, mais un pays riche d'opportunités. Sans doute traverse-t-il une période difficile sur le plan économique, frappé par un triple choc : climatique, pétrolier et concurrentiel, avec la libéralisation du marché mondial du textile depuis le 1er janvier 2005. L'économie marocaine est néanmoins assainie et dispose d'atouts réels au plan macroéconomique.

Notamment, la politique d'ouverture commerciale, sans doute douloureuse à court et moyen terme, est porteuse de dynamisme à long terme7. Après l'accord d'association conclu avec l'Union Européenne en 1996 et visant à instaurer progressivement une zone de libre-échange entre l'Europe et le Maroc d'ici 2012, le Maroc s'est lancé depuis 2002 dans une ambitieuse politique d'ouverture avec la signature d'accords avec ses principaux partenaires méditerranéens (Tunisie, Jordanie, Egypte, Turquie), mais également avec les Etats-Unis et bientôt sans doute avec plusieurs pays d'Amérique du Sud.

Pour le secteur du textile, cette dynamique paraît positive et devrait contribuer à le dynamiser. Cette politique a déjà permis de renforcer les liens des industriels marocains avec les donneurs d'ordre européens. Elle devrait à l'avenir donner les moyens aux professionnels marocains de diversifier leurs sources de matières premières (fils et tissus de Turquie notamment) tout en ouvrant de nouveaux marchés comme celui des Etats-Unis. L'accord conclu avec ce dernier pays prévoit néanmoins, après une période de quatre ans, que les vêtements confectionnés exportés par le Maroc n'entreront à droit nul que s'ils respectent le principe de la triple transformation : filature, tissage et confection réalisés au Maroc ou aux Etats-Unis.

Certes, la fin, au 1er janvier 2005, de la quatrième et dernière phase de l'arrangement multifibres (AMF) sur les textiles et vêtements, suscite de fortes inquiétudes chez les industriels marocains. Ils estiment en effet que la suppression des quotas sur le marché européen et la réorientation des commandes vers l'Asie pourraient in fine réduire de 50 % les achats effectués au Maroc. Une étude de l'OMC est moins pessimiste, prévoyant que la part de marché des vêtements marocains sur le marché européen passera de 5 à 4 % pendant que les produits chinois atteindront en quelques années 29 % des importations européennes contre 18% aujourd'hui. Il ne fait aujourd'hui aucun doute que le Maroc va devoir abandonner certaines productions, comme la bonneterie pour enfants, pour lesquelles il ne pourra plus être compétitif. Le secteur textile-habillement devra jouer, s'il veut maintenir son positionnement sur le marché européen, la carte de l'innovation, de la créativité, de la qualité et de la réactivité. Il devra améliorer ses services, travailler en circuit court et faire preuve d'une grande flexibilité. Pour ce faire, le Maroc pourra s'appuyer sur de sérieux atouts : une proximité culturelle et géographique avec ses principaux fournisseurs et clients, une capacité de production dans des délais courts ainsi qu'une puissance de production adaptable à tous types de vêtements, une main d'œuvre expérimentée, des procédures douanières entièrement rénovées, des moyens de transport modernes et performants et une association représentative, organisée et agissante. La mise en place de consortium textiles pour développer les positions du Maroc à l'export illustre la capacité des opérateurs locaux à s'investir dans une stratégie collective et offensive particulièrement novatrice au Maroc.

Charm'in Mode, premier consortium textile marocain, est né en juin 2004 et regroupe quatre entreprises exportatrices. D'autres opérateurs du textile ont créé, fin 2004, un second consortium à l'export baptisé « Mosaic Textile consortium », composé de cinq sociétés de confection de taille moyenne, employant entre 150 et 300 personnes et fabriquant des produits différents. Ce dispositif devrait permettre aux entreprises, notamment aux PME, de partager un certain nombre de coûts liés à l'approche des nouveaux marchés (Etats-Unis, Europe élargie, PECO) et à la promotion de leur offre.

Force est de constater cependant que la période de transition qui s'annonce aura, à n'en pas douter, un coût économique et social lourd. Certes, votre rapporteur en est convaincu au vu du grand professionnalisme et du volontarisme des interlocuteurs marocains qu'il a rencontrés sur le sujet, des pôles d'excellence et de compétitivité émergeront dans les prochaines années, reposant sur quelques noyaux de sociétés bien armées pour faire face aux nouveaux défis. Beaucoup d'autres devront sans doute fermer leurs portes, ce qui contribuera, sur le plan économique, in fine, à assainir le tissu industriel local et à le tirer vers le haut, mais qui, sur le plan politique, peut conduire à déstabiliser les catégories les plus fragiles d'une société soumise à de fortes tensions sociales.

C'est pour cette double raison, économique et politique, que les entreprises françaises doivent défendre leurs positions au Maroc et que notre dispositif de soutien au commerce extérieur ne doit pas se détourner du Maroc ni des pays qui relèvent de problématiques identiques. On objectera que tel est le cas, le Maroc figurant dans la liste des 25 pays cibles précitée. Votre rapporteur s'interroge toutefois sur le poids concret que revêt aujourd'hui cette liste, après l'identification, au sein de cette liste, de cinq pays pilotes, qui bénéficient, eux, de mesures concrètes, telles que le relèvement du plafond de dépenses pris en charge au titre de l'assurance prospection, par exemple. D'après les acteurs économiques qu'il a rencontrés, la politique de ciblage prioritaire ne se ressentait déjà pas véritablement sur le terrain, s'apparentant davantage à une mesure d'affichage politique. Qu'en sera-t-il dès lors que vingt de ces cibles n'en sont plus, étant désormais placées à l'arrière-plan ?

Sans doute la pertinence économique des cinq pays choisis ne fait-elle guère de doute. Reste que cette démarche de « super-ciblage » pose deux types de questions :

en quoi le ciblage des PME dans le dispositif de soutien au commerce extérieur et la désignation de ces cinq pays sont-ils compatibles ? La proximité des marchés extérieurs joue un rôle déterminant dans la décision d'une PME de se lancer à l'export : il s'agit là d'un constat unanimement partagé, y compris d'ailleurs par le ministère délégué au commerce extérieur qui étend le crédit d'impôt à l'export à l'espace économique européen, dans le but avoué d'en faire profiter les PME. Dans le même temps, tous les acteurs du commerce extérieur s'accordent à reconnaître qu'il serait suicidaire de lancer des PME sur les marchés indien ou chinois sans qu'elles aient une expérience préalable à l'export. Par conséquent, si vraiment l'objectif est de développer le nombre de PME accédant pour la première fois à l'export, alors le choix des cinq pays pilotes précités est difficilement explicable ;

- la politique de soutien au commerce extérieur peut-elle être déconnectée de la politique étrangère de la France ? Votre rapporteur revient du Maroc convaincu que la France paierait de lourdes conséquences politiques si elle continuait à reculer sur le plan économique au Maroc. Le drame des immigrés d'Afrique subsaharienne cherchant par tous les moyens à pénétrer dans les enclaves espagnoles au Maroc de Ceuta et Melilla nous rappelle à quel point nous sommes unis par une communauté de destin avec le Maghreb. C'est tout le sens du dialogue initié en 1992 avec le processus de Barcelone, dont tous les interlocuteurs marocains du rapporteur ont d'ailleurs regretté la faible densité. Comme l'a judicieusement fait remarquer M. Karim Tazi, au-delà des seules considérations économiques, le fait, pour l'Europe, de prendre la décision de rester tournée vers la Méditerranée est un « choix de philosophie politique et de civilisation ».

· Un dispositif tourné vers les grandes entreprises ? L'exemple des volontaires internationaux en entreprise

In fine, votre rapporteur a le sentiment que notre dispositif de soutien à l'exportation reste encore trop façonné pour les grandes entreprises. La politique des pays pilotes en fournit un nouvel exemple. Il a le même sentiment concernant les mesures prises en faveur du développement du volontariat international en entreprise (VIE), notamment l'extension du crédit d'impôt export dont bénéficieront les entreprises recourant aux volontaires.

A l'évidence, les PME ne sont pas les plus concernées par la procédure des VIE : tant les secteurs que l'origine géographique des entreprises qui ont recours aux VIE montrent que la grande entreprise reste le premier bénéficiaire de ce dispositif. Le ministère de l'économie et des finances estime ainsi que « bien qu'en progression régulière, le nombre de PME utilisatrices reste inférieur à 50 % ».

les VIE : quel profil ?

Les entreprises exportatrices et les représentations permanentes de la France, trouvent dans le volontariat international un moyen d'employer des jeunes actifs dans des conditions attractives. Les Françaises et Français âgés de 18 à 28 ans, sans condition de diplôme, peuvent être candidats aux missions proposées. Celles-ci ont une durée de 6 à 24 mois et peuvent être prorogées une fois dans la limite de 24 mois. Ce dispositif est également ouvert aux ressortissantes et ressortissants des Etats membres de l'Union Européenne.

Les indemnités mensuelles versées sont exonérées de l'impôt sur le revenu et exclues de l'assiette de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale.

La durée moyenne des missions à l'étranger progresse et est maintenant de 16,83 mois. La forte augmentation du nombre des renouvellements prouve la meilleure adéquation entre le profil des jeunes VIE et les attentes des entreprises. Ces dernières expriment ainsi leur satisfaction sur la qualité des VIE accueillis en leur renouvelant leur confiance. 27% des VIE sont des femmes. Plus d'un cinquième des VIE en mission ont un niveau d'étude Bac +5 et plus, et 13,5% ont un niveau Bac +3/4. Fin 2004, 47 % des VIE étaient en poste en Europe contre 44 % en 2003. 19 % l'étaient en Asie - Océanie et 12 % en Amérique du nord. Les Etats-Unis (287) constituaient le premier pays d'accueil devant l'Allemagne (262), le Royaume Uni (232) et la Chine en très forte hausse (220).

Les secteurs les plus demandeurs sont ceux des équipements de l'industrie automobile et de la banque-assurance puis dans une moindre mesure ceux de la distribution et des hydrocarbures.

Le nombre d'entreprises bénéficiaires demeure encore limité malgré une progression constante (697 entreprises en 2004 et près de 720 en juin 2005). 1 432 entreprises bénéficient à ce jour d'un agrément à la procédure. Les entreprises sises en Ile de France ont recruté 76 % des VIE en poste.

Une réorientation du VIE vers les PME est-elle possible ? La gestion du VIE ayant été confiée à Ubifrance, c'est une nouvelle fois la question des relations entre l'agence nationale de soutien aux exportations et les PME qui est posée en filigrane. Ainsi, le succès du VIE, c'est-à-dire le développement de leur nombre et leur affectation dans des PME, est étroitement lié à la qualité du dialogue qu'Ubifrance saura établir avec les PME. A l'inverse, la capacité d'Ubifrance à répondre aux PME qui souhaiteraient recourir à la procédure du VIE déterminera sa crédibilité et sa notoriété à l'égard des entreprises qui doivent devenir ses interlocuteurs principaux.

Or rien n'est acquis en la matière.

D'abord parce qu'il n'est pas certain que cette mesure soit pertinente pour les PME, qui en déplorent toutes le coût beaucoup trop élevé. L'extension du crédit d'impôt export est supposée répondre à cette critique : les chiffres diront si cette mesure est adaptée.

Ensuite parce que l'accroissement du recrutement de jeunes volontaires internationaux en entreprise, priorité proclamée de notre politique du commerce extérieur, n'est pas au rendez-vous. L'ambition affichée en la matière était le doublement du nombre de VIE en trois ans, soit 4 000 en 2005. Les résultats ne sont pas là. A la fin de l'année 2004, 2 694 VIE étaient en poste à l'étranger. Ils étaient près de 3 100 en juin 2005.Votre rapporteur en a d'ailleurs lui-même fait l'expérience : ayant inscrit son nom sur la page du site d'Ubifrance dédiée aux candidatures au VIE voici plus d'un an, il attend toujours une réponse d'Ubifrance... Là encore, il s'agit de se donner les moyens de nos ambitions, alors que plus de quarante mille jeunes sont candidats au départ, inscrits sur le site d'Ubifrance.

CONCLUSION

Les déterminants des résultats du commerce extérieur sont complexes : pour cette raison, il est difficile de déterminer la part exacte de chacun d'entre eux dans le déficit historique qu'enregistre aujourd'hui notre commerce extérieur.

Le recul des parts de marché de la France dans le commerce international conduit cependant à s'interroger sur les faiblesses structurelles de notre commerce extérieur. A cet égard, la faible lisibilité du dispositif de soutien aux exportations pose la question de la crédibilité de l'action publique dans ce domaine : seule une véritable coordination entre les intervenants publics et privés permettra de lever l'hypothèque qui pèse sur notre capacité à conduire les entreprises françaises, notamment les petites et moyennes, sur les marchés export.

Cette coordination suppose une implication politique très nette de la puissance publique : la question de notre capacité à vendre les produits que nous produisons sur les marchés internationaux est un enjeu national, du fait de l'impact des exportations sur l'emploi. Elle l'est aussi en raison du lien complexe qu'entretiennent relations commerciales et relations extérieures : à cet égard, si la réorientation de nos échanges vers les marchés émergents les plus dynamiques s'impose, elle ne saurait se faire au détriment des régions avec lesquelles nous entretenons des liens politiques solides et historiques.

Le projet de budget du commerce extérieur ne répond que partiellement à ces objectifs, même s'il s'inscrit dans un volontarisme certain. Pour cette raison, votre rapporteur recommande le rejet des crédits du programme Développement des entreprises qui porte ces crédits dans le projet de loi de finances pour 2006.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 2 novembre 2005, la Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Paul Bacquet, les crédits du Développement des entreprises pour 2006.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Hervé de Charette, Vice-Président, a fait connaître son accord avec l'essentiel du constat fait par le Rapporteur pour avis à propos des pertes de parts de marché de la France dans les pays étrangers. On observe que, depuis dix ans, nous avons perdu plus du tiers de nos positions, par exemple en Asie. Les éléments fournis par le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie pour justifier ce phénomène ne sont pas réellement convaincants. Le fait est que nos exportations, sans se réduire en volume, n'ont pas progressé au même rythme que les marchés importants qui se sont ouverts de manière accélérée, notamment en Chine. Alors que la France occupait 4 % du marché chinois il y a quelques années, cette part a diminué pendant que celle de pays comme l'Allemagne augmentait dans le même temps. Il ne s'agit pas là d'un événement secondaire et passager. Néanmoins si ce phénomène est regrettable et préoccupant, il ne justifie pas que l'on suive la proposition du Rapporteur pour avis consistant à ne pas voter en faveur des crédits budgétaires destinés à soutenir notre commerce extérieur.

Observant que, depuis plusieurs années, on faisait le constat de la faiblesse de notre réseau de PME sur le marché international sans remettre clairement en cause un dispositif de soutien illisible et inefficace en raison de la sédimentation des structures administratives, M. Jean-Paul Bacquet, Rapporteur pour avis, a estimé qu'il était temps de dénoncer cette situation en mettant clairement en lumière les carences de ce système, au moment même où la nouvelle présentation budgétaire tente de les masquer maladroitement.

Contrairement aux conclusions du rapporteur, la Commission a donné un avis favorable au programme Développement des entreprises de la mission Développement et régulation économiques du projet de loi de finances pour 2006.

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES

· A l'Assemblée nationale

- M. Louis-Michel Morris, directeur général d'Ubifrance (18 octobre 2005)

- M. Philippe Porche, vice-président de la CRCI des Pays de la Loire et Président de la CCI de Saumur et Mme Armelle Rebuffet, directrice de la CCI Internationale à la CRCI des Pays de la Loire (18 octobre 2005)

- M. Cardela, président de la CRCI des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse (18 octobre 2005)

- M. Edmond Viviand, directeur de la direction des actions et de la coopération internationales de la CCI de Paris et M. Pierre Lahoche, directeur général délégué de la CRCI d'Île-de-France (19 octobre 2005)

- M. Stanislas Pottier, directeur adjoint du cabinet de Mme Christine Lagarde, Ministre déléguée au commerce extérieur, Mme Isabelle Deleu, Conseillère politique et parlementaire et M. Bruno Valersteinas, administrateur civil du ministère de l'économie et des finances (25 octobre 2005)

· Au Maroc (20 et 21 octobre 2005)

- M. Salahedine Mezouar, Ministre de l'Industrie, du Commerce et de la mise à niveau de l'économie

- M. Mustapha Mechahouri, Ministre du Commerce extérieur

- M. Philippe Faure, Ambassadeur de France au Maroc

- M. Gilles Bienvenu, Consul général de France à Casablanca

- M. Patrick Hervé, chef de la Mission économique et financière de Casablanca

- M. Jean-Luc Martinet, Président de la CCI française au Maroc

- M. Jean-Claude Bouveur, Président de la section des conseillers du commerce extérieur

- M. Karim Tazi, Président de la Fédération des Industries marocaines du textile

- M. Mohamed Lahlou, Président de la Commission « Compétitivité de l'entreprise » à la Confédération générale des entreprises du Maroc

- M. Majid Boutaleb, membre du bureau de la Confédération générale des entreprises du Maroc et Président délégué de Filarsy

ANNEXE : STATISTIQUES SUR LE MAROC8

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N° 2571-06 - Avis au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540), Tome VI : Développement des entreprises (M. Jean-Paul Bacquet)

1 In La revue parlementaire, n° 877, mars 2005.

2 Les Echos, 14/02/05.

3 Selon la définition européenne, une PME est une entreprise de moins de 250 salariés (définition retenue dans cette note, sauf mention contraire).

4 Les PME entre 10 et 249 salariés représentent 34% des entreprises en Allemagne contre 16% en Italie et 7% en France.

5 Selon la terminologie OCDE, il s'agit des produits pharmaceutiques, des machines de bureau et du matériel informatique, des appareils de radio/télévision/télécommunications, des appareils médicaux, de précision et d'optique ainsi que de l'aéronautique et du spatial.

6 La Sopexa (Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires) est une société anonyme chargée de promouvoir les produits agro-alimentaires en France et à l'étranger. Sopexa bénéficie chaque année d'une dotation du Ministère de l'agriculture qui est en diminution régulière depuis 1997.

7 Les analyses qui suivent sont issues des fiches synthèses établies par la mission économique française à Casablanca.

8 Source : mission économique, ambassade de France au Maroc.


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