N° 2573 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2005. AVIS PRÉSENTÉ AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2006 (n° 2540), TOME II DIRECTION DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT FONCTION PUBLIQUE PAR M. Bernard DEROSIER, Député. Voir le numéro : 2568 (annexe 13).
INTRODUCTION 5 PREMIÈRE PARTIE : LE BUDGET DE LA FONCTION PUBLIQUE 7 I. - LA NOUVELLE ARCHITECTURE RÉSULTANT DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES (LOLF) 7 A. LA CRÉATION D'UN PROGRAMME « FONCTION PUBLIQUE » 7 B. DES INDICATEURS DE PERFORMANCE PLUS OU MOINS PERTINENTS 9 II. -- LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA FORMATION DES FONCTIONNAIRES ET A. LA FORMATION DES FONCTIONNAIRES 10 1. Les subventions aux écoles 11 2. Les autres dépenses de formation 12 3. Les dépenses de communication, d'études et la subvention aux organisations syndicales 13 B. L'ACTION SOCIALE INTERMINISTÉRIELLE 13 III. -- LES AUTRES MISSIONS DE LA DGAFP 15 A. LE PILOTAGE DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES B. LA TRANSPARENCE DES EFFECTIFS PUBLICS ET LE RÔLE DEUXIÈME PARTIE : LA RÉFORME RAMPANTE DE LA FONCTION PUBLIQUE 19 I. -- EN L'ABSENCE DE RÉFORME GLOBALE, UNE RÉFORME CACHÉE 19 A. UNE RÉFORME STATUTAIRE RÉGULIÈREMENT ANNONCÉE 19 B. LA MULTIPLICATION DE DÉROGATIONS AU STATUT 20 II. -- LA CRÉATION D'UNE FONCTION PUBLIQUE CONTRACTUELLE SOUS COUVERT DE TRANSPOSITION DU DROIT COMMUNAUTAIRE 21 A. LES OBLIGATIONS COMMUNAUTAIRES 21 1. L'égalité de traitement entre les femmes et les hommes 21 2. L'ouverture de la fonction publique aux ressortissants communautaires 22 3. La lutte contre la précarité 23 B. LA CRÉATION DE CONTRATS À DURÉE INDÉTERMINÉE 23 III. -- DES INSTITUTIONS PARITAIRES CONTOURNÉES 26 A. LES PROBLÈMES RENCONTRÉS PAR LES C.T.P. 26 B. LA REMISE EN CAUSE DES PRÉROGATIVES DES C.A.P. AVEC LA DÉCONCENTRATION 27 TROISIÈME PARTIE : UNE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES I. -- DES ÉVOLUTIONS SALARIALES PEU SATISFAISANTES 29 A. L'ABSENCE DE RATTRAPAGE DES PERTES DE POUVOIR D'ACHAT SUBIES DEPUIS QUELQUES ANNÉES 29 B. DES MESURES PONCTUELLES DE COURT TERME QUI NE RÈGLENT PAS 1. La fusion des échelles 2 et 3 de rémunération 30 2. La prime exceptionnelle de fin de grade 31 C. L'ACCENT MIS SUR LA RÉMUNÉRATION À LA PERFORMANCE 32 II. -- LA RÉDUCTION DES EFFECTIFS 33 A. DE NOUVELLES SUPPRESSIONS D'EMPLOI PRÉVUES POUR 2006 33 B. LE DÉVOIEMENT DE LA LOLF 35 III. -- DES TENTATIVES DE DIVERSIFIER LA COMPOSITION DE LA FONCTION PUBLIQUE 36 A. LA SUPPRESSION DES LIMITES D'ÂGE 36 1. L'extension des dérogations aux limites d'âge avec la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique 36 2. La suppression des limites d'âge par l'ordonnance du 2 août 2005 37 B. LE P.A.C.T.E. 38 1. Les objectifs du pacte 38 2. Un contrat de formation en alternance rémunéré à hauteur de 55 % du salaire minimum 39 C. L'INSERTION DES PERSONNES HANDICAPÉES 40 1. Une situation insatisfaisante 40 2. Les modifications apportées par la loi du 11 février 2005 41 PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 42 Les années précédentes, le rapporteur examinait dans son avis les crédits des services généraux du Premier ministre consacrés à la fonction publique et à la réforme de l'État. Lors de la réunion tenue le 22 juin 2005, et afin de tirer les conséquences de la nouvelle présentation du budget issue de la loi organique relative aux lois de finances (lolf) du 1er août 2001, la Commission l'a nommé rapporteur des crédits du programme « fonction publique, réforme de l'État et prospective ». Cependant, et pour tenir compte des modifications des structures intervenues au sein du nouveau Gouvernement, l'intitulé du programme finalement retenu dans le document présenté par le Gouvernement à l'occasion du débat d'orientation budgétaire le 5 juillet dernier, a été limité à la fonction publique. L'avis portera ainsi notamment - mais pas exclusivement - sur les crédits du programme « fonction publique », au sein de la mission « direction de l'action du Gouvernement ». En effet, les 138 millions d'euros de ce programme correspondent aux actions menées au niveau interministériel en matière de fonction publique, et non à l'ensemble des dépenses induites par la fonction publique, qui représentent environ 45 % du budget général de l'État (127 milliards d'euros en 2004). Les rémunérations et prestations sociales ministérielles sont imputées au budget de chaque ministère employeur, tandis que les cotisations et pensions de retraite sont inscrites sur un compte d'affectation spéciale. S'agissant de la politique menée par le Gouvernement en matière de fonction publique, le rapporteur peut réitérer en grande partie le constat effectué l'année dernière. La priorité apparente reste la réduction des effectifs publics, évoquée encore très récemment par le Premier ministre lors d'une conférence de presse sur le thème des services publics tenue le 27 octobre dernier. Le Premier ministre a indiqué avoir demandé « à chaque ministre de faire des propositions chiffrées de redéploiement des effectifs et de non remplacement des départs en retraite avant le 1er février 2006 ». Les évolutions salariales ne semblent pas en mesure d'accroître l'attractivité de la fonction publique, en particulier pour la catégorie C. Les statistiques établies par l'insee mettent en évidence la baisse du pouvoir d'achat des fonctionnaires sur les dernières années, du fait de revalorisations insuffisantes du point d'indice. Une refonte des grilles de rémunération apparaît plus que jamais nécessaire car l'éventail des salaires se réduit progressivement et se rapproche du minimum fonction publique. Cependant, seules trois perspectives sont présentées pour remédier à ces problèmes : la remise en cause de la réduction du temps de travail, en application du principe « travailler plus pour gagner plus », la compression des effectifs publics pour dégager de nouvelles marges de manœuvre budgétaires et le développement de certaines prestations sociales, censé compenser la baisse des traitements en euros constants. Enfin, malgré les tergiversations concernant les projets de réformes statutaires, notamment pour la fonction publique territoriale, de sérieuses atteintes ont été portées aux principes du statut. La principale concerne l'introduction d'un contrat à durée indéterminée dans la fonction publique pour les personnels contractuels employés depuis plus de six ans. Cette disposition crée une fonction publique parallèle, recrutée sans concours, sans condition de qualification, et ne bénéficiant pas des mêmes garanties que les agents statutaires. Cette nouvelle catégorie d'agents publics sera régie par des règles plus proches de celles du secteur privé, au détriment de ce principe fondateur du service public qu'est l'égal accès des citoyens aux emplois publics en fonction de leurs mérites. Ainsi, une réforme présentée comme une simple mesure de transposition du droit communautaire parmi d'autres s'avère amorcer en réalité un démantèlement de la fonction publique. PREMIÈRE PARTIE : I. - LA NOUVELLE ARCHITECTURE RÉSULTANT DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES (LOLF) A. LA CRÉATION D'UN PROGRAMME « FONCTION PUBLIQUE » Le programme « fonction publique » correspond aux crédits de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (dgafp). Il reprend une partie de l'ancien agrégat n° 21 « fonction publique », à l'exception des crédits de la réforme de l'État et de réimplantations d'administrations. À la suite de la formation d'un nouveau gouvernement en juin 2005, la nomenclature budgétaire a été refondue et le programme « fonction publique, réforme de l'État et prospective » est devenu un programme « fonction publique ». La réforme de l'État étant confiée non plus au ministre de la fonction publique, mais au ministre du budget, les crédits correspondants ont été rattachés aux crédits de ce ministère. Les actions « réforme de l'État » et « administration électronique » ont ainsi été intégrées au programme « stratégie économique et financière et réforme de l'État » de la mission « stratégie économique et pilotage des finances publiques ». Ce regroupement témoigne de la volonté du Gouvernement d'instrumentaliser la réforme de l'État à des fins purement budgétaires, au détriment de sa dimension transversale. Cette évolution va à l'encontre des préconisations du Commissariat général du Plan (1), qui considère que la dimension interministérielle de la réforme de l'État lui accorde « un surcroît de légitimité administrative et d'autorité politique » et que cette politique doit être menée dans un cadre stable pour aboutir à des résultats, par opposition à la succession de structures différentes intervenue sous la Quatrième République. En revanche, le rapporteur se félicite que les crédits de l'action « prospective », qui sont sans lien avec la fonction publique, aient été rattachés au programme « coordination du travail gouvernemental » plutôt qu'au programme « fonction publique », conformément aux recommandations de la Commission des finances (2). Avec ce redécoupage, les crédits du programme passent en apparence de 195 millions d'euros en 2005 à 138 millions d'euros en 2006. Cependant, la part correspondant plus précisément à la fonction publique - les actions « formation des fonctionnaires » et « action sociale interministérielle » - connaît une augmentation de 4,3 % par rapport à 2005. ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME
Source : documents budgétaires. Certes, les crédits de la dgafp sont d'un montant très modeste, mais ils ne reflètent pas l'importance des missions de cette direction. La dgafp joue en effet un rôle moteur dans la définition des grandes orientations de la politique de la fonction publique au niveau interministériel, notamment en ce qui concerne le calcul du nombre exact de fonctionnaires, la conduite des négociations salariales, le développement de la rémunération au mérite ou la réduction du nombre de corps. À ce titre, la fonction publique aurait pu faire l'objet d'une mission, car il s'agit d'une politique à part entière, sans lien véritable avec le programme « coordination du travail gouvernemental » qui regroupe la coordination du travail gouvernemental, la coordination en matière de défense, le Médiateur de la République, diverses autorités administratives indépendantes et le Commissariat général du Plan. Le manque de cohérence de la mission « direction de l'action du Gouvernement » constitue une illustration du découpage des missions et des programmes en fonction des structures gouvernementales préexistantes, et non en fonction d'une logique stratégique. PROGRAMME FONCTION PUBLIQUE
Source : documents budgétaires. B. DES INDICATEURS DE PERFORMANCE PLUS OU MOINS PERTINENTS Les objectifs stratégiques et les indicateurs de performance qui leur sont associés ne permettent souvent pas un véritable contrôle parlementaire sur l'efficacité des politiques menées. En premier lieu, l'indicateur « transparence de l'emploi public pour les administrations de l'État » associé à l'objectif n° 1, « connaître l'emploi public et promouvoir une gestion prévisionnelle des effectifs », est particulièrement obscur. Il s'agit d'un indicateur mesurant le niveau de connaissance par les ministères de leurs effectifs, construit à partir des réponses fournies par les ministères au questionnaire de l'Observatoire de l'emploi public. L'indice prévu pour 2005 est de 10, et le but est de le porter à 12 en 2006, pour atteindre 18 en 2008. Certes, ces données permettent de mesurer les progrès effectués dans le recensement des agents, mais elles sont peu lisibles et ne permettent pas de savoir si le niveau de connaissance de leurs effectifs par les ministères est bon en valeur absolue ou non. On ignore notamment à quel indice correspond une connaissance complète des effectifs. Le rapporteur regrettait l'an dernier l'absence d'indicateur relatif à l'ena, alors que trois objectifs étaient assignés aux ira. Cette année, le projet annuel de performance prévoit un nouvel indicateur de coût par élève associé à l'objectif n° 4, « optimiser la formation initiale des fonctionnaires ». L'information du Parlement n'est cependant pas accrue significativement, car seule la valeur pour l'année 2005 est transmise (60 000 euros), ce qui ne permet pas d'avoir un aperçu de l'évolution des coûts. L'estimation pour 2006 n'est pas disponible, au motif que la réforme de l'ena est source de coûts conjoncturels, mais aucune explication n'est avancée pour l'absence des données de 2003 et 2004. S'agissant du choix des cibles, l'indicateur associé à l'objectif n° 5, « améliorer la formation délivrée dans les ira », apparaît peu instructif. Il s'agit d'une enquête menée auprès des employeurs pour savoir combien d'entre eux considèrent que les compétences des anciens élèves des ira correspondent à leurs attentes. Le ministère prévoit un taux de satisfaction de 90 % des employeurs en 2005 et se fixe pour objectif de le porter à 93 % en 2006 puis 95 % en 2007. Or, le taux de satisfaction relevé en 2004 étant de 94 %, ces objectifs ne paraissent pas démesurément difficiles à atteindre. De plus, une variation de quelques points dans les résultats d'une enquête de satisfaction ne saurait être considérée comme une inflexion importante. Enfin, les deux indicateurs associés à l'action sociale interministérielle, c'est-à-dire la part des crédits d'action sociale gérée par les préfets de région et le coût de gestion par la mutuelle fonction publique (mfp) de certaines prestations, restent focalisés sur les moyens mis en œuvre et ne donnent aucune idée de l'efficacité des prestations versées et de leur adaptation aux besoins des agents. II. -- LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA FORMATION DES FONCTIONNAIRES ET À L'ACTION SOCIALE INTERMINISTÉRIELLE Les crédits du programme « fonction publique » sont ventilés entre deux actions : « formation des fonctionnaires » et « action sociale interministérielle ». Les dépenses de fonctionnement (titre 3), prédominantes, représentent 96,6 % des crédits, tandis que 1,5 % des crédits sont consacrés aux dépenses d'investissement (titre 5) et 1,9 % aux dépenses d'intervention (titre 6). En revanche, ce programme ne se voit pas affecter de crédits de personnel (titre 2), car le Gouvernement a fait le choix d'imputer tous les crédits de personnel au programme « coordination du travail gouvernemental ». Ainsi, en dépit des objectifs de transparence liés à la mise en œuvre de la lolf, le Gouvernement maintient une division des dépenses par nature qui ne permet pas au Parlement d'avoir une vision complète des crédits consacrés à la politique interministérielle de la fonction publique. A. LA FORMATION DES FONCTIONNAIRES Les crédits de cette action connaissent une diminution de 1,9 % par rapport à ceux inscrits dans la loi de finances pour 2005. L'essentiel des crédits de l'action « formation des fonctionnaires » est constitué par les subventions de fonctionnement de l'École nationale d'administration (ena) et des cinq instituts régionaux d'administration (ira), qui sont sous la tutelle de la dgafp. CRÉDITS CONSACRÉS À L'ENA ET AUX IRA
Source : documents budgétaires. Depuis octobre 2003, une vaste réforme de l'ena, inspirée par le premier rapport de la commission présidée par M. Yves-Thibault de Silguy, a été engagée. En premier lieu, tous les cycles d'enseignement d'une durée supérieure à un mois sont transférés à Strasbourg, ce qui permet de vendre l'immeuble de la rue de l'Université. Les recettes attendues de cette vente devraient être largement supérieures aux frais de déménagement. Le deuxième volet de cette réforme est l'intégration du Centre des études européennes de Strasbourg (cees), qui réalise des actions de formation de courte durée des fonctionnaires français en matière européenne. Enfin, la scolarité initiale est complètement refondue à partir du 1er janvier 2006 pour l'adapter au nouvel environnement du secteur public. Elle se composera de modules thématiques de neuf mois, centrés respectivement sur l'Europe, l'administration des territoires et la gestion publique et comportant chacun une alternance entre études théoriques et stage professionnel. Le nombre de places ouvertes pour les concours d'entrée connaît une baisse constante : fixé à 120 en 2000 et 2001, il a décru chaque année pour s'établir à 90 places en 2005. Dans un contexte de départs à la retraite de plus en plus nombreux, cette évolution paraît surprenante. De plus, le décret n° 2004-313 du 29 mars 2004 a réduit la proportion de places ouvertes au concours interne (3) et établi une limite d'âge de trente-cinq ans maximum pour se présenter, témoignant de la volonté du Gouvernement de limiter le rôle du concours interne à celui de « seconde chance » pour les jeunes candidats n'ayant pas pu intégrer l'ena par la voie externe. Parallèlement, le Gouvernement annonce sa volonté d'élargir le recrutement par la voie du tour extérieur des corps qui recrutent normalement par la voie de l'ena, en commençant par le corps des administrateurs civils. Il semble que le souci de pourvoir les postes vacants à moindre coût prenne le pas sur les garanties de neutralité et de qualité offertes par le recrutement par concours et la formation suivie à l'ena. S'agissant des ira, trois évolutions sont annoncées : - en 2006, la scolarité sera profondément réformée « afin que la formation des fonctionnaires de catégorie A d'administration générale soit davantage professionnalisée et réponde mieux aux attentes des ministères » ; - le rôle des ira en matière de reconversion et de requalification des agents devrait être accru ; - le Gouvernement souhaite déconcentrer l'organisation des concours au niveau de chaque ira, dans le but de réduire les délais de recrutement. Il s'écoule actuellement environ un an entre le lancement du concours et l'affectation des nouvelles recrues ; l'objectif n° 6 mentionné dans le projet annuel de performance est de réduire ce délai à 10 mois en 2006, puis à 9 mois en 2007. 2. Les autres dépenses de formation Les autres dépenses de formation sont reconduites à l'identique par rapport à la loi de finances pour 2005. Ainsi, les subventions aux autres établissements de formation, tels que les 26 instituts ou centres de préparation à l'administration générale (ipag/cpag) ou l'Institut européen d'administration publique, stagnent par rapport à 2005 à hauteur de 471 824 euros. De même, 209 580 euros sont prévus pour financer l'organisation des concours des ira. Les crédits prévus pour les actions de formation interministérielle continue, tant au niveau central qu'au niveau déconcentré, s'élèvent à 2,79 millions d'euros pour l'année 2006, comme en 2005. Selon le ministère, cette somme doit pourtant financer des formations plus nombreuses, notamment le programme de formation portant sur les conséquences de la lolf sur la gestion des ressources humaines, grâce à la réduction attendue des coûts. Cette argumentation apparaît peu convaincante au vu des indicateurs de performance correspondants. Ainsi, le coût moyen par stagiaire d'un jour de formation au niveau déconcentré, qui était de 51 euros en 2004, devrait passer à 60 euros afin d' « accroître significativement le contenu des formations proposées ». L'effort de maîtrise des coûts devrait donc concerner uniquement les actions de formation au niveau central, avec un objectif de dépense moyenne par jour et par stagiaire de 170 euros pour 2005, contre 258 euros en 2004. D'une part, la réalisation d'économies aussi substantielles apparaît difficile, d'autant plus que l'objectif fixé pour 2004 était de 150 euros, et n'a pas pu être respecté. D'autre part, il semble peu probable de dégager des marges de manœuvre importantes en économisant sur les formations au niveau central, qui représentent 17,5 % des dépenses, et en augmentant le coût des formations déconcentrées, qui comptent pour 82,5 % des dépenses. 3. Les dépenses de communication, d'études et la subvention aux organisations syndicales Conséquence logique du découpage peu pertinent des actions, plusieurs types de dépenses sans lien avec la formation des fonctionnaires lui sont rattachées. Il s'agit tout d'abord des crédits correspondant aux études et actions de communication menées par la dgafp, évalués à 1,5 millions d'euros pour 2006, soit une baisse de 22,9 % par rapport à 2005. Ces dépenses se décomposent de la façon suivante : DÉPENSES D'ÉTUDES ET DE COMMUNICATION
Les subventions versées aux organisations syndicales représentatives de la fonction publique apparaissent également sans lien avec la formation des fonctionnaires. Leur montant est fixé, comme en 2005, à 2 178 207 euros. B. L'ACTION SOCIALE INTERMINISTÉRIELLE Cette action regroupe les dépenses relatives aux prestations sociales interministérielles, qui ont pour objectif d'améliorer les conditions de travail et de vie des agents de l'État et de leur famille. Elle ne comprend plus les crédits du Fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, qui s'élevaient en 2005 à 7,62 millions d'euros. En effet, ce fonds est remplacé à partir du 1er janvier 2006 par le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique issu de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Après une baisse importante en 2005 - 12,4 millions d'euros de moins en loi de finances, auxquels il faut ajouter une annulation de crédits de 750 000 euros (4) -, les crédits de l'action sociale interministérielle connaissent cette année une progression de 10,5 %, avec 6,5 millions d'euros supplémentaires. Cette augmentation est censée compenser l'insuffisance des revalorisations du point d'indice. Le ministre a ainsi déclaré lors de son audition par la Commission qu'il était réducteur de se focaliser sur les évolutions du seul point d'indice, et qu'il entendait promouvoir une approche plus globale du pouvoir d'achat des fonctionnaires, incluant l'action sociale. Avec la présentation de type lolf, les dépenses de fonctionnement sont classées selon le type de prestation sociale : aides aux familles, aides aux retraités, aides au logement... L'importance respective de ces types d'aides apparaît ainsi plus clairement qu'avec l'ancienne présentation, qui distinguait les dépenses réalisées au niveau interministériel et les dépenses déconcentrées. À partir de 2006, les prestations collectives, telles que le logement, la restauration ou la garde d'enfants, devraient être progressivement déconcentrées au niveau des préfets de région, afin de les adapter plus facilement aux besoins constatés sur le terrain. Le choix de l'échelon régional semble en effet le plus adapté, car les organes du dialogue social existent déjà avec les sections régionales interministérielles d'action sociale (srias), déclinaisons régionales du comité interministériel d'action sociale (cias). Celles-ci voient leur dotation augmenter de 175 510 euros afin de faire face à cette déconcentration. La majeure partie des crédits correspond à des prestations sociales individuelles, dont la plupart sont gérées par la mutuelle fonction publique (mfp). 39 millions d'euros sont consacrés à l'aide aux familles, notamment au chèque-vacances qui représente un coût de 30,6 millions d'euros, identique à celui prévu pour 2005. Cette prestation sera complétée en 2006 par la mise en place du chèque emploi service universel (cesu) pour les agents de l'État, pour lequel la participation de l'employeur se montera à 8,5 millions d'euros. Le cesu est un titre de paiement qui permet de financer le recours à des services à domicile comme la garde d'enfants, le soutien scolaire ou des travaux domestiques. L'aide aux retraités se monte à 17,1 millions d'euros en 2006, soit 0,4 % de plus qu'en 2005. Alors que l'aide ménagère à domicile est maintenue à son niveau de 2005, avec 15,2 millions d'euros, la participation versée au Fonds de financement de l'allocation personnalisée à l'autonomie (ffapa) augmente de 3,8 %. Le principal effort concerne les aides au logement, dont le montant est multiplié par quatre et atteint 7,56 millions d'euros. Cette progression est principalement due à l'extension de l'aide et du prêt à l'installation des personnels (aip/pip), créés en 1990 pour les jeunes fonctionnaires affectés en Île-de-France et étendus à la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur en 2000, puis aux zones urbaines sensibles en 2001. L'aide prend en charge tout ou partie du premier mois de loyer, tandis que le prêt finance le versement de la caution. Le rapporteur se félicite de la généralisation de cette prestation, devant la croissance rapide du coût des loyers constatée dans l'ensemble des régions. Par ailleurs, 500 000 euros seront consacrés à l'expérimentation du dispositif de garantie du paiement des loyers et des charges (loca-pass), qui n'existe aujourd'hui que dans le secteur privé. En revanche, les dépenses d'investissement subissent à nouveau une diminution de 16,5 %, passant de 2,395 millions à 2 millions d'euros, dont l'essentiel financera la mise aux normes des restaurants inter-administratifs. Cette somme apparaît nettement insuffisante, sachant que le coût des opérations de rénovation des restaurants inter-administratifs effectuées au cours du premier semestre 2005 atteignait déjà 2,15 millions d'euros. III. -- LES AUTRES MISSIONS DE LA DGAFP Les trois premiers objectifs énoncés dans le projet annuel de performance - « connaître l'emploi public et promouvoir une gestion prévisionnelle des effectifs », « déconcentrer la gestion des corps » et « développer la reconnaissance des résultats » - ne se rattachent à aucune des deux actions du programme « fonction publique », mais concernent d'autres volets de l'action de la dgafp. En effet, la dgafp exerce une mission générale d'animation et de coordination de la politique de gestion des ressources humaines, au niveau interministériel. À ce titre, elle prépare les réformes permettant d'améliorer la gestion des fonctionnaires et des autres agents publics, conduit les négociations salariales, suit l'évolution des trois fonctions publiques... Ces tâches ont une place marginale dans le projet annuel de performance, au motif que leur impact se fait sentir au sein de chaque ministère concerné. Le rapporteur regrette que des missions importantes, qui mobilisent les personnels et les moyens de la dgafp, ne soient pas identifiables dans les documents budgétaires. A. LE PILOTAGE DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES DES MINISTÈRES L'importance de cette mission apparaît clairement au vu de l'article 15 de l'ordonnance n° 45-2283 du 9 octobre 1945 relative à la formation, au recrutement et au statut de certaines catégories de fonctionnaires et instituant une direction de la fonction publique et un conseil permanent de l'administration civile, qui établit les missions de la dgafp. Celle-ci est en effet chargée : « 1° de préparer les éléments d'une politique d'ensemble de la fonction publique ; 2° d'établir ou de faire établir une documentation et des statistiques d'ensemble touchant la fonction publique ; 3° d'étudier toute proposition tendant à : a) améliorer l'organisation des services publics ; b) coordonner les règles statutaires particulières aux divers personnels de l'État et des autres collectivités publiques ; c) aménager les principes de la rémunération et le régime de prévoyance de ces personnels. » Dans un récent rapport sur la dgafp (5), M. François Marc constatait que le rôle de celle-ci évoluait vers celui d'une direction des ressources humaines de groupe. La déconcentration de la gestion d'un nombre croissant de prestations sociales interministérielles a d'ailleurs pour objectif de recentrer la dgafp sur ce rôle. L'objectif n° 2 mentionné dans le projet annuel de performance, « déconcentrer la gestion des corps », ainsi que l'objectif n° 3, « développer la reconnaissance des résultats », se rattachent à cette mission de la dgafp. Celle-ci joue en effet un rôle moteur dans les évolutions statutaires, à travers l'activité de la sous-direction des statuts et des rémunérations. En matière de déconcentration de la gestion des corps, les perspectives affichées sont relativement modestes : le pourcentage d'agents dont plus de la moitié des actes de gestion soumis à cap sont déconcentrés devrait rester à 70 % en 2006, comme en 2005, puis atteindre une cible de 75 % en 2008. Le développement de la reconnaissance des résultats est abordé uniquement sous l'angle de la rémunération à la performance des cadres, sans mention des déroulements de carrière, qui contribuent pourtant à rétribuer le mérite des agents. En 2006, le dispositif expérimental de rémunération à la performance des directeurs d'administration centrale, piloté par la Mission interministérielle de pilotage de l'encadrement supérieur (mipes) dans six ministères volontaires, devrait être étendu à l'ensemble des ministères. B. LA TRANSPARENCE DES EFFECTIFS PUBLICS ET LE RÔLE DE L'OBSERVATOIRE DE L'EMPLOI PUBLIC Le recensement du nombre exact de fonctionnaires constitue l'une des principales missions de la dgafp, exercée notamment grâce aux travaux de l'Observatoire de l'emploi public, créé en 2000. Cet organisme est chargé d'une double mission : d'une part, il doit assurer la transparence de l'emploi public, en élaborant des outils nécessaires à une bonne connaissance des effectifs, et d'autre part, il promeut le développement de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (gpeec). Il est donc concerné en premier lieu par l'objectif n° 1 : « connaître l'emploi public et promouvoir une gestion prévisionnelle des effectifs ». L'Observatoire, dont le secrétariat est assuré par la dgafp, bénéficie de moyens en personnel modestes : six personnes lui sont affectées, dont la secrétaire générale et le secrétaire général adjoint. Par conséquent, l'essentiel de son action consiste à traiter des données chiffrées recueillies par d'autres organismes. D'une part, l'Observatoire adresse des questionnaires aux directions du personnel de chaque ministère. D'autre part, des conventions sont passées avec l'insee, pour un montant annuel total de 30 000 euros, inscrit au titre de l'action « formation des fonctionnaires ». Les travaux menés par l'Observatoire ont permis d'appréhender de manière plus précise le nombre d'agents publics, grâce à un recensement minutieux et à l'élaboration de nouveaux outils pour prendre en compte les emplois temporaires. Cette tâche devrait être facilitée par les nouvelles règles posées par la lolf en matière d'emplois, qui mettent fin à la pratique des « effectifs sur crédits ». Sous le régime de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, les crédits permettant de rémunérer des personnels temporaires n'étaient pas présentés sous forme d'emplois budgétaires, mais faisaient partie des crédits de fonctionnement. Il en résultait une grande opacité sur les effectifs réels rémunérés par l'État. Dans son rapport d'activité de 2003, le ministère de la fonction publique constatait que « les effectifs sur crédits ministériels représentent en moyenne 4,7 % des emplois budgétaires, avec cette distinction notable du ministère des affaires étrangères (88,8 %) et les services du Premier ministre (56,4 %) ». L'Observatoire a donc dû utiliser les feuilles de paie, en partenariat avec l'insee, pour appréhender le nombre exact d'agents publics. En régime lolf, en revanche, les agents non titulaires ou occasionnels seront pris en compte dans la définition des plafonds d'emplois. L'Observatoire est également investi d'autres tâches, qui devraient se développer dans l'avenir, notamment : - améliorer la classification des agents, grâce à une nouvelle nomenclature des emplois et l'élaboration d'un répertoire interministériel des métiers ; - inciter les ministères à élaborer des scénarios de gpeec qui ne se limitent pas à évaluer le nombre de départs à la retraite, mais exposent les besoins en emplois compte tenu du type de service public offert (6) ; - appuyer la mise en place des systèmes d'information sur les ressources humaines (sirh). Les organisations syndicales auditionnées par le rapporteur ayant regretté l'absence de statistiques consensuelles sur les rémunérations des fonctionnaires (7), il semble opportun d'aborder ces questions au sein d'un organisme rassemblant des représentants des trois fonctions publiques et des syndicats, afin que les négociations salariales partent d'un diagnostic partagé sur l'évolution du pouvoir d'achat. Plutôt que de créer une nouvelle structure chargée uniquement des rémunérations, il serait possible d'élargir les compétences de l'Observatoire de l'emploi public aux questions salariales. Les statistiques pourraient ainsi être élaborées sous le contrôle des acteurs concernés, puisque siègent au conseil d'orientation des représentants des assemblées parlementaires, des directeurs d'administrations centrales, des élus de la fonction publique territoriale, de différents organismes des fonctions publiques territoriale et hospitalière et des organisations syndicales. DEUXIÈME PARTIE : LA RÉFORME RAMPANTE I. -- EN L'ABSENCE DE RÉFORME GLOBALE, UNE RÉFORME CACHÉE A. UNE RÉFORME STATUTAIRE RÉGULIÈREMENT ANNONCÉE La nécessité d'une modernisation des statuts de la fonction publique fait aujourd'hui l'objet d'un consensus entre les différents acteurs concernés. Pourtant, malgré les annonces régulières du Gouvernement, les projets de réformes statutaires tardent à se concrétiser. Le premier chantier est celui de la réforme de la fonction publique territoriale, qui est évoqué depuis plus de deux ans et jugé urgent par les fonctionnaires. Le calendrier annoncé a été sans cesse bouleversé, amenant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (csfpt), lors de sa réunion tenue le 6 avril 2005, à dénoncer les « multiples annonces » et « déclarations contradictoires » du Gouvernement. C'est seulement en octobre 2005 qu'a été présenté au csfpt un avant-projet, dont les principales orientations sont les suivantes : - créer pour les agents un droit individuel à la formation de 20 heures par an et un livret de formation ; - favoriser la reconnaissance de l'expérience professionnelle pour l'accès à la fonction publique et pour la progression de carrière ; - recentrer le Centre national de la fonction publique territoriale (cnfpt) sur sa mission de formation et transférer aux centres de gestion l'organisation des concours et la prise en charge des fonctionnaires de catégorie A momentanément privés d'emplois ; - réguler les mutations en remboursant le coût de la formation initiale quand un fonctionnaire est embauché par une autre collectivité moins de deux ans après sa titularisation ; - abaisser le seuil pour créer des emplois fonctionnels de 3 500 à 2 000 habitants. La modernisation du système des corps dans la fonction publique de l'État devrait également constituer une priorité de l'action gouvernementale. Les effets néfastes de l'existence de trop nombreux corps - on recense environ 900 corps « vivants », c'est-à-dire qui font l'objet de recrutements, et 190 corps en voie d'extinction - sont bien connus. La gestion de multiples corps constitue une tâche compliquée pour les ministères, qui doivent faire face à plusieurs régimes et procédures au sein de chaque service. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse, par exemple, comprend 23 corps. La présence de nombreux corps à faible effectif, en particulier, alourdit les procédures car les actes individuels de gestion doivent être pris au niveau central, faute de pouvoir créer des commissions administratives paritaires au niveau déconcentré. La diversité des corps est également préjudiciable à la mobilité et aux perspectives de carrière des agents, car elle limite les possibilités d'occuper d'autres types d'emplois. Certains métiers similaires relèvent ainsi de corps différents selon les ministères, voire selon les services, pour des raisons purement historiques. Cependant, en dépit du consensus sur la nécessité de regrouper des corps pour en réduire le nombre total, aucune piste concrète n'a encore été présentée. Le projet annuel de performance évoque un projet d'évolution de l'architecture statutaire, mais se limite à trois grandes orientations : « mieux distinguer le grade et l'emploi pour une gestion des personnels axée davantage sur les fonctions occupées que sur le grade », « lever les freins statutaires et corporatifs à la mobilité des personnels » et « diminuer les coûts de gestion liés à la complexité statutaire ». Aucun objectif n'est fixé en la matière, malgré l'importance de ces sujets. Comme le soulignent nos collègues Michel Bouvard, Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard (8), « les objectifs de déconcentrer l'action sociale interministérielle et d'optimiser la gestion des prestations d'action sociale ne sont pas prioritaires. En contrepartie, le ministère de la fonction publique pourrait utilement réfléchir à la définition d'objectifs et d'indicateurs relatifs à des sujets d'importance stratégique comme la mobilité des fonctionnaires ». B. LA MULTIPLICATION DE DÉROGATIONS AU STATUT Si le statut de la fonction publique n'a pas été remis en cause de manière ouverte, de nombreux actes épars ont contribué à le mettre à mal plus discrètement. La multiplication des dérogations au principe du concours en est un exemple flagrant. Le Gouvernement a tout d'abord instauré un contrat à durée indéterminée (cdi) dans la fonction publique à l'occasion d'un projet de loi de transposition du droit communautaire, puis un nouveau mode d'accès sans concours pour les jeunes non diplômés par ordonnance, et a enfin accru les possibilités de recrutement sans concours en décidant la fusion des échelles de rémunérations 2 et 3 (9). Ces dérogations ont chaque fois été présentées comme nécessaires pour permettre respectivement la lutte contre la précarité, la diversification de la fonction publique et la revalorisation des bas salaires, mais il est possible d'atteindre ces objectifs sans porter atteinte aux valeurs du statut. Cette réforme masquée montre bien que « quand on ne peut intellectuellement ou politiquement critiquer un principe, le vider de son contenu concret est une façon habile de le mettre à mort sans le dire » (10). Avec la création du cdi précédemment mentionné et la plus grande souplesse laissée par la lolf pour recruter des contractuels plutôt que des titulaires pour exercer certaines missions se profile un risque de déclin des personnels sous statut au sein de la fonction publique. II. -- LA CRÉATION D'UNE FONCTION PUBLIQUE CONTRACTUELLE SOUS COUVERT DE TRANSPOSITION DU DROIT COMMUNAUTAIRE La loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique a mis le droit français en conformité avec diverses directives communautaires en matière de lutte contre les discriminations, d'accès de la fonction publique aux ressortissants communautaires et de travail à durée déterminée. A. LES OBLIGATIONS COMMUNAUTAIRES 1. L'égalité de traitement entre les femmes et les hommes Ce principe a été consacré par la directive 76/207/CEE du 11 février 1976 relative à la mise en œuvre des principes d'égalité et de traitement entre hommes et femmes. La Cour de justice des Communautés européennes (cjce) ayant jugé incompatibles avec cette directive les dérogations aux conditions d'âge et de diplôme pour se présenter aux concours de la fonction publique française accordées à certaines catégories de femmes, étant donné que les hommes placés dans une situation identique n'en bénéficiaient pas (11), la loi du 26 juillet 2005 a supprimé ce traitement différencié en fonction du sexe. Elle a étendu aux hommes les dérogations bénéficiant aux femmes ayant élevé un enfant, aux mères de plus de trois enfants et aux femmes élevant seules un enfant. En revanche, elle a supprimé les dérogations en faveur des femmes veuves, divorcées ou séparées. La France devait par ailleurs transposer la directive du 23 septembre 2002 modifiant la directive du 11 février 1976, qui ajoute de nouvelles obligations : - elle incite les États membres à prendre des mesures préventives contre le harcèlement sexuel et moral, notamment en assurant une protection juridictionnelle à la victime qui dénonce le harcèlement et aux personnes qui témoignent de faits de harcèlement ; - elle pose le principe selon lequel le travailleur ayant pris un congé de maternité ou de paternité a le droit, à l'issue de ce congé, de retrouver son emploi ou « un emploi équivalent à des conditions qui ne lui soient pas moins favorables ». La loi du 26 juillet 2005 a introduit en droit français ces nouvelles garanties, tout en alignant les dispositions prévues en cas de congé d'adoption sur celles du secteur privé. 2. L'ouverture de la fonction publique aux ressortissants communautaires La cjce a adopté une définition assez restrictive des « emplois dans l'administration publique », qui sont exclus de l'application de libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté européenne (12) : elle a considéré que seuls entraient dans cette catégorie les emplois participant de l'exercice de la puissance publique (13). Au regard de cette jurisprudence, la législation française, qui prévoyait une ouverture par corps ou par cadre d'emplois, si le statut du corps ou cadre d'emplois le permettait explicitement, était incompatible avec le droit communautaire. La loi du 26 juillet 2005 lui a donc substitué une logique différente, en ouvrant davantage la fonction publique aux travailleurs des autres États membres. D'une part, l'accès ou non aux ressortissants communautaires n'est plus déterminé corps par corps, mais emploi par emploi. Le législateur s'est donc rangé à une approche fonctionnelle, plus proche de celle des instances communautaires, par opposition à l'approche par corps qui caractérise la fonction publique française. D'autre part, l'ouverture aux ressortissants communautaires devient le principe, et la fermeture l'exception. Celle-ci sera prévue par un décret spécifique. Devraient rester fermés, par exemple, les emplois relevant de la justice, des forces de l'ordre, de la défense nationale ou de la diplomatie. Enfin, afin d'éviter que les possibilités de détachement ouvertes aux ressortissants communautaires deviennent plus larges que celles accordées aux fonctionnaires français, la loi généralise le détachement à l'ensemble des corps de la fonction publique, à l'exception des emplois participant de l'exercice de la puissance publique et des fonctions subordonnées à la détention d'un diplôme spécifique que ne possède pas l'agent. 3. La lutte contre la précarité En premier lieu, la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 relative au rapprochement des législations concernant le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprise prévoit que les droits des salariés doivent être maintenus en cas de transfert d'entreprise ou d'établissement, y compris en cas de transfert de fonctions administratives entre autorités administratives publiques. Pour se conformer à ces exigences, la loi du 26 juillet 2005 dispose que, lorsqu'une activité d'une entité employant des salariés de droit privé est reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, la personne publique doit proposer aux agents un contrat de droit public à durée déterminée ou indéterminée, selon le type de contrat par lequel ils étaient liés antérieurement. En second lieu, la directive du 28 juin 1999 sur le travail à durée déterminée pose comme principe fondamental que la forme normale du travail est la relation de travail à durée indéterminée et interdit de recourir à des contrats à durée déterminée (cdd) d'une durée excessive. Or, si la durée des cdd est strictement encadrée dans le secteur privé, la fonction publique française a connu des situations dans lesquelles des cdd de courte durée étaient renouvelés pendant plusieurs années. L'utilisation du cdd pour couvrir des besoins permanents plaçait les agents concernés dans une précarité injustifiée, dont il n'est pas nécessaire de décrire les conséquences néfastes en matière de logement ou d'obtention de prêts bancaires ; il importait donc d'y mettre fin. Cependant, bien qu'il soit possible de se conformer à la directive de diverses façons, le Gouvernement a choisi d'introduire un nouveau mode de recrutement dans la fonction publique, en créant un cdi de droit public. B. LA CRÉATION DE CONTRATS À DURÉE INDÉTERMINÉE Le problème de l'abus du recours aux personnels contractuels dans les administrations publiques n'est pas nouveau. Théoriquement, ce mode de recrutement revêt un caractère exceptionnel, l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires disposant que « les emplois civils permanents de l'État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont (...) occupés (...) par des fonctionnaires ». En pratique, cependant, les personnels non titulaires représentent une part importante des effectifs publics, comme le montre le tableau suivant. LES PERSONNELS NON TITULAIRES
Source : Observatoire de l'emploi public, Rapport, 2004-2005. Pour éviter le recours à des cdd successifs d'une durée trop longue, le Gouvernement a fait le choix de créer une dérogation au principe de couverture des besoins permanents par des fonctionnaires. Désormais, un cdd pourra être conclu pour trois ans au maximum, et la durée des cdd successifs ne pourra pas dépasser six ans. Au terme de six ans sous cdd, il ne sera possible de reconduire le contrat de l'agent que sous la forme d'un cdi de droit public. La loi du 26 juillet 2005 établit par ailleurs un dispositif transitoire pour les agents contractuels déjà en fonction lors de l'entrée en vigueur de ces dispositions. Les agents non titulaires recrutés sur des emplois permanents depuis moins de six ans pourront voir leur engagement reconduit pour une durée déterminée dans la limite de six ans ; ceux dont la durée d'emploi à titre contractuel est égale ou supérieure à six ans pourront, le cas échéant, l'être pour une durée indéterminée. Enfin, les agents âgés de plus de cinquante ans et justifiant d'au moins six années de services au cours des huit dernières années pourront voir leur contrat en cours transformé en cdi. La création d'un cdi de droit public n'était certainement pas l'unique moyen permettant de se conformer au droit communautaire. Ainsi, le rapport public du Conseil d'État pour 2003 relevait qu'« on pourrait légitimement considérer que le droit français est déjà en conformité avec la directive : en effet, les règles régissant le recours aux contractuels ont précisément pour objet de déterminer de façon limitative les cas dans lesquels un tel recours est possible ; à défaut, la règle est l'occupation de l'emploi concerné par un fonctionnaire titulaire dont la « relation de travail » est par définition à durée indéterminée. Dans ces conditions, le droit communautaire ne fait rien d'autre qu'inciter à une plus stricte application des principes mêmes du statut général. » Il s'agit donc bien d'un choix idéologique du Gouvernement, et non d'une contrainte européenne. Il eût été préférable d'encadrer plus strictement le recours aux contrats, en précisant qu'ils ne peuvent couvrir que des besoins temporaires (14), et d'adapter les concours pour recruter plus facilement des personnels spécialisés, par exemple en développant les concours sur titres ou la reconnaissance de l'expérience professionnelle. L'assouplissement de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire aurait également permis de régulariser certaines situations. Enfin, le renforcement du contrôle de légalité est nécessaire pour éviter certains recours abusifs à des contractuels. Ces solutions ne présentaient pas les mêmes inconvénients que l'instauration d'un cdi. D'une part, cette nouvelle possibilité tend à créer une fonction publique contractuelle aux côtés de la fonction publique statutaire. Ce mode d'accès sans concours à la fonction publique constitue une entorse à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, aux termes duquel les citoyens « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». L'intégration sans conditions des agents contractuels, qui n'auront eu à passer ni examen ni concours, se révèle une injustice à l'égard des agents qui ont passé les concours et ne garantit pas la neutralité du recrutement. À l'inverse, la loi de résorption de l'emploi précaire posait des conditions de titres, de diplômes, d'équivalences ou d'expérience qui étaient autant de garanties pour la qualité du service public. Il est probable que cette fonction publique contractuelle va gagner en importance, car il est plus facile pour un employeur public de passer contrat avec une personne de son choix que d'organiser un concours. Le Gouvernement engage de cette façon un retour en arrière vers le système de l'emploi, au détriment du système de carrière choisi en 1946 pour la fonction publique de l'État et la fonction publique hospitalière, et étendu en 1984 à la fonction publique territoriale. D'autre part, cette solution présente également des inconvénients pour les agents concernés. Contrairement à la titularisation, elle ne met pas fin à la précarité, car le poste de l'agent contractuel peut toujours être supprimé, par exemple en cas de changement de majorité politique, et le contrat serait alors rompu. D'autre part, les perspectives de carrière ouvertes à ces agents apparaissent mal définies : ils ne pourront probablement pas bénéficier des mêmes régimes indemnitaires, avancements et possibilités de mobilité que les fonctionnaires titulaires. Ils ne seront pas non plus représentés au sein des commissions administratives paritaires. Loin de représenter un progrès, la création d'un cdi dans la fonction publique est donc une source d'inégalité entre les agents publics. III. -- DES INSTITUTIONS PARITAIRES CONTOURNÉES Tant la nouvelle loi organique relative aux lois de finances que la politique de déconcentration des actes de gestion tendent à déplacer les niveaux de décision. Or, les instances paritaires restent articulées autour des centres décisionnels traditionnels, ce qui fait que de plus en plus de décisions importantes ne leur sont plus soumises. Les organisations syndicales auditionnées par le rapporteur ont ainsi fait part d'une absence de concertation sur les objectifs et les indicateurs de résultat élaborés dans le cadre de la lolf, sur les nouveaux ratios d'avancement arrêtés ou encore sur les stratégies ministérielles de réforme (smr). Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de modifier l'architecture des comités techniques paritaires (ctp) et des commissions administratives paritaires (cap) afin de les adapter aux nouvelles procédures de décision. A. LES PROBLÈMES RENCONTRÉS PAR LES C.T.P. Comme le relève le comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, « la mise en œuvre de la lolf induit la création de nouveaux centres de décision et d'arbitrage (programme, bop, unité opérationnelle). La structuration actuelle des niveaux de compétence des ctp, qui remonte à près de soixante ans, est manifestement décalée. » (15) Le décret n° 82-452 du 28 mars 1952 relatif aux comités techniques paritaires prévoit la constitution de ctp ministériels, dans chaque département ministériel, ainsi que de ctp centraux, auprès du directeur du personnel de l'administration centrale et de chaque directeur ou directeur général d'administration comportant des services centraux et des services déconcentrés. Un ctp central doit également être créé auprès de chaque directeur ou directeur général d'établissements publics de l'État. Par ailleurs, de manière facultative, il est possible de créer des ctp communs à plusieurs ministères, des ctp spéciaux dans les services « dont la nature ou l'importance le justifie » ou encore des ctp régionaux ou départementaux lorsque les effectifs du service sont égaux ou supérieurs à 50 agents. Le comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics préconise la création de ctp de programme, car les arbitrages et les stratégies seront désormais décidés dans ce cadre et non plus à l'échelle des directions. Leur consultation serait par exemple plus pertinente que celle de ctp centraux sur les questions d'effectifs, de gestion prévisionnelle, d'élaboration des indicateurs et des critères de performance individuelle ou de mise en œuvre de la fongibilité. Il serait également utile de créer davantage de ctp au niveau déconcentré, car un nombre croissant de décisions seront prises à l'échelon régional. C'est à ce niveau, par exemple, que sera fixé le nombre de recrutements respectivement de personnels statutaires et de contractuels. Le rapporteur regrette que la mise en œuvre de la lolf n'ait pas été accompagnée d'une réflexion sur ces questions. Une réforme des règles de représentativité syndicale ne semble pas non plus envisagée, alors même que l'alignement sur la répartition des sièges en cap suscite diverses critiques, notamment car le ressort de ces deux organes n'est pas le même. B. LA REMISE EN CAUSE DES PRÉROGATIVES DES C.A.P. AVEC LA DÉCONCENTRATION La déconcentration des actes de gestion constitue l'un des objectifs fixés dans le projet annuel de performance pour 2006. Cette évolution suppose la création de cap locales afin de rapprocher le lieu du dialogue social du pouvoir de décision. L'article 14 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État énonce le principe selon lequel chaque corps de fonctionnaires doit être doté d'une cap. Pour les corps gérés à l'échelon central, ce qui représente la majorité des cas, la cap est placée auprès de l'autorité centrale chargée de la gestion du corps. Cependant, la gestion d'un corps peut être déconcentrée, ce qui implique la création d'une cap locale auprès de l'autorité déconcentrée afin d'effectuer les consultations requises. Les difficultés de création des cap locales constituent un frein au développement de la déconcentration de la gestion des personnels. En effet, dans un avis rendu le 7 juin 1990, le Conseil d'État a considéré que « le respect du principe de l'égalité de traitement des agents d'un même corps nécessite notamment que les actes de gestion pris à l'échelon local concernent un effectif suffisant de fonctionnaires pour permettre une prise en compte équitable au plan local des mérites respectifs des agents », ce qui n'est pas le cas lorsque l'effectif est inférieur à cinquante personnes. Comme le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ne permet pas la création de cap locales communes à plusieurs corps, la déconcentration des actes de gestion est subordonnée à l'exigence d'un effectif minimum de cinquante agents au niveau local. L'orientation retenue par le Gouvernement pour faciliter la déconcentration est la restriction du nombre d'actes soumis aux cap. Le projet annuel de performance évoque une « réflexion sur les actes actuellement soumis à cap susceptibles de ne plus l'être de droit à l'avenir, ce qui permettrait de les déconcentrer plus facilement ». Or, les agents sont très attachés à la consultation des cap sur les actes de gestion individuelle, car elle constitue une garantie de transparence de la prise de décision et un filtre susceptible d'éviter des décisions arbitraires. Pour concilier la déconcentration avec le maintien du dialogue social, plusieurs autres pistes sont envisageables. Tout d'abord, une politique de fusion des corps permettrait de supprimer certains corps à faible effectif, dont la gestion est relativement coûteuse, mais nécessite du temps. Il serait également possible de modifier le décret du 28 mai 1982 précité afin d'autoriser la création soit de cap locales par catégories (A, B et C) relevant d'un même ministère, soit de cap locales interministérielles pour les corps relevant de statuts communs. TROISIÈME PARTIE : UNE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES PEU ADAPTÉE AUX NOUVEAUX DÉFIS Dans un contexte de flux de départs élevés à la retraite, qui rendent nécessaires de nombreux recrutements, la question de l'attractivité de la fonction publique acquiert une importance nouvelle. Or, le discours gouvernemental présente la fonction publique uniquement sous l'angle de son coût pour le contribuable et se focalise sur un objectif de réduction des effectifs. L'inadéquation croissante des salaires avec les qualifications et les missions des agents n'est pas davantage de nature à attirer les vocations. I. -- DES ÉVOLUTIONS SALARIALES PEU SATISFAISANTES A. L'ABSENCE DE RATTRAPAGE DES PERTES DE POUVOIR D'ACHAT SUBIES DEPUIS QUELQUES ANNÉES La timidité des revalorisations du point d'indice depuis quelques années a entraîné une dégradation du pouvoir d'achat des fonctionnaires. Ainsi, en l'absence de toute revalorisation en 2003, le salaire réel moyen des agents de l'État a diminué de 0,5 % (16). En 2004, la valeur du point d'indice a été augmentée de 0,5 % au 1er janvier, puis est restée inchangée alors même que l'inflation s'est élevée à 2,1 %. En 2005, la valeur du point d'indice a été augmentée de 0,5 % au 1er février 2005 puis au 1er juillet, et enfin de 0,8 % au 1er novembre (17), soit une hausse de 1,8 % sur l'année, équivalente à l'inflation prévue pour cette année. Cependant, aucune négociation salariale sérieuse avec les syndicats de fonctionnaires n'a été engagée afin d'envisager un rattrapage du pouvoir d'achat. Les pistes proposées par le Gouvernement pour améliorer le niveau de vie des fonctionnaires n'apparaissent pas satisfaisantes. Dans une conférence de presse tenue le 27 octobre 2005, le Premier ministre Dominique de Villepin conditionnait la hausse du pouvoir d'achat des fonctionnaires, d'une part, à l'augmentation de la durée du travail, avec le déplafonnement des heures supplémentaires et l'élargissement du rachat des jours de rtt, et, d'autre part, à la réduction des effectifs, qui dégage des marges de manœuvre budgétaires. Cependant, selon les estimations, la suppression de 5 300 emplois à temps plein permettrait une augmentation de salaire de 40 euros par an et par agent, ce qui est très modeste. Le ministre de la fonction publique, quant à lui, tente de promouvoir une approche plus globale en relativisant l'importance du traitement et en mettant l'accent sur les prestations sociales dont bénéficient les agents. Certes, ces prestations constituent un complément utile au traitement, mais leur développement ne saurait se substituer à la revalorisation régulière des rémunérations. D'une part, alors que tous les fonctionnaires bénéficient d'une hausse de la valeur du point d'indice, les prestations sociales sont concentrées sur certaines catégories de bénéficiaires : les jeunes fonctionnaires pour les aides à l'installation, les couples avec enfants pour les gardes d'enfants ou les retraités. D'autre part, l'augmentation de 6,5 millions cette année des crédits de l'action sociale interministérielle, bien que conséquente, ne représente finalement que 2,5 euros de plus par an et par agent ! C'est donc abusif de prétendre que l'action sociale compense les carences en matière de revalorisations salariales. B. DES MESURES PONCTUELLES DE COURT TERME QUI NE RÈGLENT PAS LES PROBLÈMES DE CARRIÈRE 1. La fusion des échelles 2 et 3 de rémunération La réévaluation de 5,5 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (smic) au 1er juillet 2005 a nécessité des mesures d'adaptation pour la fonction publique. Tout d'abord, le décret n° 2005-726 du 29 juin 2005 a réajusté le traitement brut minimal de la fonction publique, afin de l'aligner sur le nouveau smic. Le montant du traitement minimal a été porté à l'indice majoré 275, soit 1 221,11 euros par mois. Cette mesure, neutre pour les agents, permet d'éviter de faire jouer le système de compensation qui consiste à verser aux agents dont le traitement indiciaire est inférieur au smic une indemnité différentielle qui leur permet d'atteindre le salaire minimum. À la suite de ce décret, une refonte des grilles de rémunérations de la catégorie C aurait été nécessaire. En effet, les quatre premiers échelons de l'échelle 2 se retrouvaient en dessous du traitement minimum, ainsi que les trois premiers de l'échelle 3, les deux premiers de l'échelle 4 et le premier de l'échelle 5. Dans une telle configuration, les agents de l'échelle 2 recevaient le même traitement de base pendant 7 ans. Le Gouvernement s'est limité à une réponse de court terme, en fusionnant les échelles 2 et 3 de rémunération par deux décrets en date du 28 octobre 2005 (18) et en redéfinissant les indices de départ au-dessus du traitement minimum. Cette mesure ne peut toutefois être qu'un palliatif, car seuls les indices de bas d'échelles sont rehaussés, tandis que les indices correspondant au dernier échelon ne sont pas réévalués. Il en résulte un tassement de la grille des salaires et un appauvrissement des perspectives de carrière pour les agents de catégorie C. BORNES INDICIAIRES DES ÉCHELLES DE RÉMUNÉRATIONS E3, E4 ET E5
Un autre inconvénient de cette fusion est de regrouper au sein de la même échelle de rémunération des personnels recrutés sans concours et des personnels recrutés par concours et sous condition de diplôme, comme les aides-soignantes. Cette assimilation ne paraît pas de nature à promouvoir une reconnaissance des qualifications dans la fonction publique. Les agents anciennement rémunérés sur l'échelle 2 sont reclassés à indice égal, et non à échelon égal (19), ce qui signifie que les agents rémunérés au-dessus du traitement minimum ne voient pas leur situation changer. Tout compte fait, la grande majorité des fonctionnaires de catégorie C ne bénéficient d'aucune augmentation de leur traitement. Il est donc trompeur de prétendre que les rémunérations de la catégorie C ont été revalorisées. Les mesures adoptées par le Gouvernement se limitent à tirer les conséquences de l'augmentation du smic. 2. La prime exceptionnelle de fin de grade Il s'agit d'une prime versée de manière exceptionnelle en 2005 aux fonctionnaires bloqués depuis plus de trois ans à l'indice terminal de leur grade et qui n'ont donc pas bénéficié de hausses de leur traitement. Le montant de cette prime s'élève à 1,2 % du salaire indiciaire annuel et devrait bénéficier à 260 000 agents. Le rapporteur relève toutefois un certain nombre d'incohérences dans son application. Ainsi, les fonctionnaires qui ont changé de grade sans changer d'indice n'ont pas droit à cette prime, alors même qu'ils se trouvent dans une situation similaire à celle des bénéficiaires. De même, les agents non titulaires régis par un système de carrière ont été oubliés du dispositif. Enfin, cette prime bénéficiera surtout aux cadres supérieurs, qui sont nombreux à être bloqués en fin de carrière, mais avec un indice élevé. C. L'ACCENT MIS SUR LA RÉMUNÉRATION À LA PERFORMANCE Le développement de la rémunération liée à la performance est présenté par le Gouvernement comme un corollaire de la lolf, au motif que celle-ci tend à instaurer une culture de résultat dans l'action publique, notamment par la mesure de la performance des services. Toutefois, le souci d'augmenter l'efficacité de l'action publique n'implique pas nécessairement par une modulation des salaires des fonctionnaires en fonction de l'atteinte des résultats fixés. Les leviers disponibles sont divers et il serait réducteur de se focaliser sur les incitations individuelles alors que l'organisation du service joue un rôle primordial. « Développer la reconnaissance des résultats » est l'un des objectifs visés dans le projet annuel de performance, mais celui-ci fait uniquement référence aux personnels d'encadrement. En 2006, il s'agira tout d'abord de prendre en compte les résultats dans la rémunération des directeurs d'administration centrale, en étendant l'expérimentation mise en œuvre actuellement. Depuis juin 2004, dans six ministères, 44 directeurs d'administration centrale sont soumis à un dispositif de rémunération liée à la performance : une part variable est introduite dans leur rémunération. Ce système devrait être étendu à l'ensemble des 185 directeurs d'administration centrale à compter du 1er janvier 2006, puis probablement dans l'avenir aux chefs de services déconcentrés, aux chefs de service et aux sous-directeurs. À la différence de la rémunération au mérite, qui récompense la manière globale de servir des agents, la notion de rémunération à la performance repose sur l'atteinte des objectifs fixés, qui doivent être mesurables. Or, d'une part, il n'est pas toujours possible de mesurer l'atteinte par un agent ou un service de ses objectifs, qui peuvent être abstraits. D'autre part, cette approche peut être source de dérives : si les services cherchent prioritairement à « faire du chiffre », ils peuvent être amenés à prendre des décisions inappropriées ou à travailler plus vite aux dépens de la qualité des tâches effectuées. En matière de lutte contre l'immigration clandestine, où des objectifs chiffrés ont été fixés pour les mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, les expulsions d'élèves mineurs en milieu d'année scolaire ou le placement de jeunes enfants en centres de rétention illustrent les effets pervers de cette culture du chiffre. La rémunération à la performance n'est donc pas forcément la garantie d'un service public plus efficace et de meilleure qualité. Enfin, l'augmentation de la partie modulable de la rémunération se fera au détriment de la part indiciaire, ce qui augmentera les inégalités entre les agents publics et rendra plus opaques les évolutions salariales. Il convient également de préciser que seule la rémunération indiciaire est prise en compte pour la protection sociale des fonctionnaires ; il faudra donc veiller à ce que l'introduction d'une rémunération à la performance n'amoindrisse pas les droits sociaux des agents. II. -- LA RÉDUCTION DES EFFECTIFS A. DE NOUVELLES SUPPRESSIONS D'EMPLOI PRÉVUES POUR 2006 Depuis trois ans, la réduction des effectifs est mise au cœur de la politique gouvernementale en matière de fonction publique. Elle doit, d'une part, limiter le déficit public en réduisant les dépenses, et, d'autre part, permettre une action publique plus efficace dans le cadre de la réforme de l'État. Les trois dernières lois de finances ont prévu de ne pas remplacer une partie des départs à la retraite. Ainsi, 1 089 suppressions d'emplois ont été programmées dans la loi de finances pour 2003, puis 4 561 en 2004 et 6 850 en 2005. L'Observatoire de l'emploi public a relevé dans son dernier rapport que les effectifs de la fonction publique de l'État, après une croissance constante, ont connu pour la première fois une diminution en 2003 (- 0,2 %). EMPLOI DANS LES TROIS FONCTIONS PUBLIQUES (AU 31 DÉCEMBRE 2003)
Source : Observatoire de l'emploi public, Rapport, 2004-2005. Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit la suppression de 6 901 équivalents temps plein travaillés (etpt), centrés sur l'enseignement scolaire (- 2 232) et sur le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (- 2 608). Compte tenu des créations de postes pour la recherche, au ministère de l'intérieur, au ministère de la justice et au ministère de la défense, le solde net de suppressions d'emplois s'élève à 5 318 etpt. ÉVOLUTION DE L'EMPLOI PAR MINISTÈRE EN 2006 (ETPT)
L'utilité d'une réduction des effectifs publics effectuée selon une vision purement comptable est cependant limitée. L'évolution de l'emploi public devrait être dictée par les besoins à moyen terme de chaque ministère, eux-mêmes liés aux missions de service public que l'État souhaite continuer à exercer. S'il est légitime de redéployer les effectifs en fonction de l'évolution de l'action de l'État, il n'est en revanche pas souhaitable de raisonner en sens inverse et fixer arbitrairement un objectif de réduction de l'emploi public - par exemple le non remplacement d'un départ à la retraite sur deux - puis le décliner entre les ministères sans toujours respecter leurs besoins. On peut s'étonner à cet égard que le ministère des affaires étrangères perde 235 emplois alors que son plan de gpeec annonçait que le ministère n'envisageait pas une baisse nette de son effectif. La Cour des comptes a par ailleurs relevé dans son rapport préliminaire sur les résultats de l'exécution des lois de finances pour 2004 que les suppressions d'emplois ne s'accompagnent d'aucun plan de réorganisation des services. Enfin, le Gouvernement annonce que la moitié des économies dégagées par ces non remplacements de départs à la retraite seront utilisées pour accroître les rémunérations des fonctionnaires en poste, sous la forme de primes de résultat. Cependant, comme ce type de primes ne concerne actuellement qu'une minorité de fonctionnaires, la redistribution des gains de productivité paraît aléatoire. À l'instar de la rémunération à la performance, la réduction des effectifs publics est abusivement associée par le Gouvernement à l'esprit de la lolf : celle-ci serait un outil pour réaliser des économies budgétaires sur les crédits de personnel. Face à cette instrumentalisation de la lolf, le rapporteur souhaite rappeler que les objectifs de la réforme en matière d'emplois publics étaient seulement d'accroître la transparence et de donner plus de souplesse de gestion aux responsables de programme. S'agissant de la transparence, la notion d'emplois budgétaires est remplacée par un plafond d'emplois par ministère, libellé en équivalents temps plein travaillés (etpt). La déclinaison de ce plafond par programme n'a qu'une portée indicative, ce qui permet aux gestionnaires de redéployer en cas de besoin les effectifs entre les différents corps et grades et entre les différents programmes. Ces plafonds d'emplois, à la différence des emplois budgétaires prévus par l'ordonnance du 2 janvier 1959 précitée, incluent tous les agents rémunérés par l'État, même non titulaires ou occasionnels. Ainsi, les agents à temps partiel ou ayant travaillé pour une durée limitée sont pris en compte au prorata du temps de travail ou de la durée d'activité. Seuls les vacataires rémunérés à l'acte, à la tâche ou à l'heure, recrutés pour une activité déterminée et ponctuelle - par exemple, les membres d'un jury de concours - ne sont pas comptabilisés dans le plafond d'emplois. En complément du plafond d'emplois, un plafond des dépenses de personnel est fixé pour chaque budget opérationnel de programme (bop). À la différence des dépenses de fonctionnement, d'intervention ou d'investissement, pour lesquelles le montant prévu est indicatif, le plafond des dépenses de personnel est impératif. En application du principe de « fongibilité asymétrique », les gestionnaires pourront redéployer les crédits de personnel non consommés vers d'autres titres, mais l'inverse sera impossible. Lors du débat d'orientation budgétaire du 5 juillet 2005, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a considéré que ce mécanisme aurait pour effet « d'inciter les administrations à réaliser des gains de productivité, ce qui devrait naturellement les conduire à des réductions d'effectifs supplémentaires, puisque les gains budgétaires réalisés seront récupérables ». Cependant, l'intérêt premier de la fongibilité est d'éviter la sous-consommation des crédits quand ceux-ci s'avèrent inutiles, et non de compresser les dépenses. Ce n'est pas la lolf qui érige la réduction des effectifs publics en finalité, mais l'interprétation qu'en fait le Gouvernement. La lolf permet également une meilleure vision des dépenses liées aux retraites des agents de l'État. L'article 21 prévoit que les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires sont retracées sur un compte d'affectation spéciale. Ce compte, qui constitue une mission, se compose de trois programmes : pensions civiles et militaires de retraite, ouvriers des établissements industriels de l'État, pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions. Il permettra notamment d'intégrer à l'appréciation des dépenses de personnel la contribution employeur, qui prend la forme d'une recette en provenance du budget général. En second lieu, la substitution du plafond d'emplois ministériel aux autorisations d'emplois détaillées par chapitre, par corps et par grade permet d'accroître la souplesse de gestion des personnels. Les gestionnaires pourront ainsi choisir de recruter les personnes les plus adaptées aux missions à exercer, y compris des agents non titulaires. Il convient cependant de veiller à ce que cette liberté ne conduise pas à privilégier le recrutement de contractuels en dehors des cas où cela est permis par le statut, car la lolf ne dispense pas de respecter le principe selon lequel les emplois permanents doivent être occupés par des fonctionnaires. La suppression du cadrage budgétaire des emplois par corps et par grade a par ailleurs rendu nécessaire une redéfinition des modalités d'avancement de grade. Le décret n° 2005-1090 du 1er septembre 2005 relatif à l'avancement de grade dans les corps des administrations de l'État instaure à compter de 2006 des ratios de promotion promus/promouvables. Un arrêté ministériel définira annuellement, pour chaque corps, le taux d'agents pouvant accéder au grade supérieur par rapport à l'effectif des promouvables. Cela permettra de déterminer les quotas d'avancement en fonction des objectifs de gestion des ressources humaines de chaque ministère, et non en fonction d'un contingentement budgétaire. La lolf est donc l'outil d'une gestion plus efficace des ressources humaines et non un instrument de compression des effectifs publics. III. -- DES TENTATIVES DE DIVERSIFIER LA COMPOSITION DE LA FONCTION PUBLIQUE A. LA SUPPRESSION DES LIMITES D'ÂGE Non sans une certaine incohérence, les règles relatives aux limites d'âge pour se présenter à un concours de la fonction publique ont été modifiées deux fois au cours de l'année 2005. 1. L'extension des dérogations aux limites d'âge avec la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique Dans un premier temps, la loi du 26 juillet 2005 précitée s'est limitée à apporter quelques aménagements au régime des limites d'âge. Elle a étendu aux hommes l'inopposabilité des limites d'âge pour les mères de trois enfants ou plus, ainsi que le report de la limite d'âge à 45 ans pour les concours de catégorie A pour les femmes élevant ou ayant élevé au moins un enfant. En revanche, elle a supprimé l'inopposabilité des limites d'âge aux femmes veuves, divorcées ou séparées judiciairement, au motif que ces mesures étaient devenues inutiles du fait de l'augmentation du taux d'activité des femmes. Il est cependant regrettable de ne pas avoir redéfini ces dérogations plutôt que de les supprimer. L'article 3 de la loi instaure des dispositions spécifiques pour les personnes soumises à une obligation de servir pendant une durée déterminée. Les personnes bénéficiant de dérogations aux limites d'âge peuvent en effet être recrutées à un âge trop élevé pour accomplir la durée minimale de service avant l'âge de la retraite. Le nouveau texte prévoit que ces personnes ne peuvent cesser leur activité avant d'avoir accompli la durée d'engagement requise qu'à condition de rembourser une somme fixée par décret. En seront exonérés uniquement les fonctionnaires partant en retraite du fait d'un handicap ou d'une invalidité, qui bénéficient d'un droit de partir à la retraite avant l'âge légal. Le maintien d'une obligation de remboursement semble peu cohérent avec la volonté affichée de faciliter le recrutement des salariés plus âgés, afin de remédier au déséquilibre de la pyramide des âges dans la fonction publique. Dans la pratique, cette contrainte constituera probablement un obstacle pour l'embauche de quinquagénaires, alors même que le Gouvernement souhaitait promouvoir leur recrutement en créant un « pacte senior ». 2. La suppression des limites d'âge par l'ordonnance du 2 août 2005 Dans un second temps, la possibilité d'instaurer des limites d'âge est devenue une exception avec l'adoption de l'ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005 relative aux conditions d'âge dans la fonction publique et instituant un nouveau parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l'État. Avant l'intervention de cette ordonnance, la fixation de conditions d'âge pour le recrutement de fonctionnaires était autorisée de manière large par l'article 6 de la loi n° 83-634 portant droits et obligations des fonctionnaires (titre Ier du statut), « lorsqu'elles visent à permettre le déroulement de leur carrière ». Cependant, l'imposition de limites d'âge a été progressivement perçue comme inutile. Dans la fonction publique de l'État, le décret n° 90-709 du 1er août 1990 a supprimé les conditions d'âge pour les concours internes. Les limites d'âge pour les concours externes étaient de 45 ans de catégorie B ou C et comprises entre 28 et 30 ans pour la catégorie A. Des dérogations visaient cependant les mères de famille, les anciens militaires ou les sportifs de haut niveau. Dans la fonction publique hospitalière, des limites d'âge pouvaient être prévues par les statuts particuliers. Enfin, dans la fonction publique territoriale, la fixation de conditions d'âge avait un caractère exceptionnel. La nouvelle rédaction réserve la possibilité de fixer des conditions d'âge à deux situations : - « le recrutement des fonctionnaires dans les corps, cadres d'emplois ou emplois conduisant à des emplois classés dans la catégorie active », c'est-à-dire des emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles, comme ceux de policier ou de surveillant pénitentiaire ; - lorsque l'accès au corps ou au cadre d'emplois est « subordonné à l'accomplissement d'une période de scolarité préalable d'une durée au moins égale à deux ans », ce qui concerne notamment le concours de l'ena ou de l'École nationale de la magistrature (enm). En effet, le coût de la formation représentant un investissement pour l'État, l'agent qui en a bénéficié doit ensuite servir l'État pendant une durée raisonnable. Le parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l'État (pacte) a été instauré par l'ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005 précitée. Il s'agit d'un nouveau mode d'accès à la fonction publique destiné aux jeunes sortis sans qualification du système scolaire. Le pacte est censé remédier, d'une part, aux problèmes d'insertion des jeunes non qualifiés dans la vie professionnelle, et, d'autre part, au déséquilibre du recrutement des agents de catégorie C. Chaque année, environ 60 000 jeunes quittent le système éducatif sans qualification reconnue et rencontrent des difficultés pour obtenir un emploi. Trois ans après leur sortie du système éducatif, le taux de chômage de ces jeunes avoisine 30 %, les autres occupant souvent des emplois précaires. L'accès de ces jeunes peu diplômés à la fonction publique est difficile, car les lauréats des concours de catégorie C sont de plus en plus diplômés. Ainsi, en 2002, 72,2 % des personnes recrutées par concours par l'État avaient un niveau bac + 3, contre seulement 4,48 % avec le niveau BEPC et 5,36 % sans diplôme. Cette situation génère une certaine frustration chez les agents surdiplômés par rapport à leur poste et empêche la fonction publique de jouer le rôle « d'ascenseur social » qui lui était traditionnellement dévolu. Le Gouvernement a alors recherché un moyen de « rendre la fonction publique plus représentative de la société qu'elle sert » et de lui « faire jouer (...) un rôle plus actif en matière de lutte contre les discriminations et contre l'exclusion ». 2. Un contrat de formation en alternance rémunéré à hauteur de 55 % du salaire minimum Le pacte, qui concerne les trois composantes de la fonction publique, s'adresse aux jeunes de seize à vingt-cinq ans révolus qui n'ont pas de diplôme ou un niveau de qualification inférieur au baccalauréat. Le Gouvernement avait également envisagé au départ un « pacte senior » pour les plus de cinquante ans subissant un chômage de longue durée, mais a abandonné ce projet à la suite des critiques formulées par l'ensemble des organisations syndicales. Il permet d'entrer dans la fonction publique sans passer de concours. Il s'agit d'un contrat de formation en alternance, de droit public, d'une durée maximale de deux ans. Le bénéficiaire occupera un emploi de catégorie C (ouvrier professionnel, agent technique, agent administratif, auxiliaire de vie sociale...) et recevra une formation représentant au moins 20 % de la durée du contrat. Cette formation doit lui permettre d'acquérir le diplôme ou la qualification nécessaire pour l'accès au corps ou au cadre d'emplois dont relève l'emploi qu'il occupe. Concrètement, l'employeur conclura une convention avec un centre de formation de son choix, qui pourra être un lycée professionnel, un centre de formation des apprentis (cfa), un institut de préparation à l'administration générale (ipag), un institut régional d'administration (ira), le centre national de la fonction publique territoriale (cnfpt)... Pendant les périodes d'activité professionnelle, un tuteur suivra le parcours de formation et organisera l'activité du jeune dans le service. Afin de garantir la neutralité du recrutement, celui-ci ne sera pas effectué directement par l'employeur, mais par les missions locales pour l'emploi. À l'issue du contrat, si le bénéficiaire a obtenu la qualification requise, une commission de titularisation statue sur sa titularisation dans le corps ou cadre d'emplois correspondant à l'emploi qu'il occupait. Ce point constitue une différence majeure avec l'actuel contrat d'apprentissage, à l'issue duquel l'apprenti doit réussir un concours de la fonction publique pour intégrer celle-ci. Selon le Gouvernement, ce dispositif devrait réduire le recours aux personnels non titulaires, car il permet aux employeurs publics de recruter des contractuels qui sont ensuite titularisés. Cet argument apparaît peu convainquant, car il est déjà possible de recruter directement des fonctionnaires de catégorie C dans des corps correspondant à l'échelle 2 de rémunération et cette possibilité est élargie par la fusion des échelles 2 et 3 décidée récemment par le Gouvernement. Ce mode de recrutement sera très avantageux pour les employeurs publics. D'une part, ces contrats ouvrent droit à une exonération des cotisations sociales et familiales employeurs. D'autre part, la rémunération est inférieure au traitement minimum : elle s'élève à 55 % du minimum fonction publique pour les moins de 21 ans (soit 671,61 euros), et à 70 % du minimum pour les plus de 21 ans (soit 854,78 euros). Une rémunération aussi faible paraît assez peu attractive pour les bénéficiaires potentiels du dispositif et est susceptible de générer des effets d'aubaine pour les employeurs. Le Gouvernement a avancé l'objectif de consacrer 10 % du primo-recrutement des trois fonctions publiques au pacte, soit 20 000 contrats par an, pour un coût annuel estimé à 96 millions d'euros. Pour la fonction publique de l'État, le nombre de pacte pouvant être conclus chaque année dans chaque corps de catégorie C sera arrêté par le ministre dont relève le corps. C. L'INSERTION DES PERSONNES HANDICAPÉES La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées comprend diverses mesures de nature à améliorer l'accès des personnes handicapées à la fonction publique. 1. Une situation insatisfaisante Depuis 1987, la loi oblige l'État, les établissements publics et les collectivités territoriales employant plus de vingt salariés à temps plein d'employer au moins 6 % de personnes handicapées (20). Pour faciliter les embauches, elle accorde aux employeurs publics le droit de recruter comme agents contractuels des personnes reconnues handicapées pendant une période correspondant à la durée de stage, à l'issue de laquelle ces agents sont titularisés s'ils remplissent les conditions d'aptitude pour l'exercice de la fonction. Ouverte au départ pour les emplois de catégorie C et D, cette possibilité a été étendue aux autres catégories en 1995 (21). Par ailleurs, un fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique a été mis en place afin d'améliorer les conditions de travail des travailleurs handicapés. Le montant des crédits du fonds inscrit en loi de finances pour 2005 s'élevait à 7,62 millions d'euros, dont une partie finançait des actions interministérielles et une autre était déléguée aux ministères. En dépit de ces mesures, les dispositions de la loi de 1987 n'ont pas été respectées, faute d'aides pour les employeurs qui s'y conformaient et de sanctions pour les autres : le taux légal d'emploi des personnes handicapées n'atteint 6 % dans aucune des trois fonctions publiques. TAUX D'EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
Source : dgafp, enquête annuelle sur l'emploi des handicapés (2003). 2. Les modifications apportées par la loi du 11 février 2005 La loi du 11 février 2005 établit des mesures de nature à faciliter l'accès des personnes handicapées à la fonction publique. Ainsi, elle prévoit que les épreuves des concours ou examens sont aménagées pour tenir compte du handicap, en adaptant la durée des épreuves, en apportant une aide humaine ou technique et en accordant des temps de repos suffisants entre les épreuves (22). Par ailleurs, il est désormais précisé dans le titre Ier du statut que les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice d'une fonction sont appréciées « compte tenu des possibilités de compensation du handicap ». La loi crée également un article 6 sexies enjoignant aux employeurs de prendre des mesures positives pour permettre aux personnes handicapées d'accéder ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification. Enfin, l'article 23 bis prévoit que le Gouvernement établit chaque année un rapport sur la situation de l'emploi des handicapés dans les trois fonctions publiques. En second lieu, la loi comprend des mesures d'amélioration des conditions de travail. Le service à temps partiel devient de droit à la demande d'une personne handicapée. Le fonctionnaire handicapé lui-même ou dont le conjoint, le concubin, un enfant ou un ascendant est handicapé peut bénéficier d'aménagements horaires. Dans le même esprit, conformément à ce qui est prévu pour le secteur privé, les fonctionnaires handicapés atteints d'une incapacité permanente d'au moins 80 % pourront bénéficier d'une retraite avant l'âge de soixante ans. Enfin, afin d'inciter les employeurs publics à respecter l'obligation d'emploi de 6 %, la loi du 11 février 2005 a créé un Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, sur le modèle du Fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (agefiph) qui existe dans le secteur privé. Les employeurs publics qui ne respectent pas leur quota de 6 % devront payer une contribution à ce Fonds, et les crédits ainsi collectés financeront des actions de sensibilisation, d'aménagement des postes de travail ou des moyens de transport, de formation des personnels, la réalisation d'études et le recensement des personnels handicapés. Ce fonds se substituera au fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR - M. Yves Missaire, secrétaire général de la Fédération générale - M. Éric Fritsch et Mme Maïté Druelle, secrétaires généraux adjoints - M. Patrick Hallinger et M. Thierry Durin, secrétaires nationaux de l'Union générale des fédérations de fonctionnaires cgt - Mme Anne Feray et M. Jean-Michel Drevon, responsables de secteur à la Fédération syndicale unitaire (fsu) - Mme Élisabeth David, secrétaire générale de l' unsa Fonctionnaires. - Mme Catherine Zaidman, secrétaire générale de l'Observatoire de l'emploi public --------- N° 2573 - Avis de M. Bernard Derosier présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) - tome II - Direction de l'action du gouvernement - Fonction publique 1 () Aurélien Colson, La conduite du changement au sein du secteur public : une contribution pour l'action, Les Cahiers du Plan, n° 13, septembre 2005. 2 () Michel Bouvard, Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard, Une nouvelle architecture du budget de l'État pour une plus grande efficacité de l'action publique, propositions de la mission d'information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, Assemblée nationale, XIIe législature, document n° 1554, 28 avril 2004. 3 () Le nombre de places ouvertes au concours externe passe de 50 % du nombre total des places offertes aux trois concours à 60 % au plus. 4 () Le décret n° 2005-402 du 29 avril 2005 portant annulation de crédits a supprimé 750 000 euros sur l'article 30 (prestations interministérielles d'action sociale) du programme n° 33-94 (Action sociale interministérielle - Prestations et versements facultatifs). 5 () François Marc, La dgafp. Quel pilotage pour la fonction publique ?, Sénat, session ordinaire 2004-2005, document n° 441, 29 juin 2005. 6 () Par exemple, les besoins de recrutement dans le secteur de l'enseignement secondaire ne dépendent pas uniquement du nombre de départs à la retraite et de l'évolution des effectifs d'élèves, mais également du taux d'encadrement que le ministère de l'Éducation nationale juge approprié. Ainsi, dans son plan de gpeec, le ministère annonce vouloir tirer parti de la baisse attendue du nombre d'élèves pour supprimer de nombreux postes, plutôt que pour diminuer le nombre d'élèves par classe. 7 () Les organisations syndicales critiquent, par exemple, l'amélioration purement optique du salaire moyen des fonctionnaires du fait de la réduction du nombre de postes de catégorie C ou les modalités de prise en compte du glissement vieillesse-technicité, qui bénéficie surtout aux agents de catégorie A. 8 () Michel Bouvard, Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard, rapport d'information sur la mise en œuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, Assemblée nationale, XIIe législature, document n° 2161, 16 mars 2005. 9 () L'article 38 de la loi de 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique établit une dérogation au principe du concours pour les corps ou cadres d'emplois dont le grade de début est doté de l'échelle de rémunération la moins élevée de la fonction publique. L'échelle de rémunération la moins élevée était jusqu'à présent l'échelle 2, mais la fusion des échelles 2 et 3 permettra de recruter sans concours les corps correspondant actuellement à l'échelle 3. 10 () Marie-Christine de Montecler, « Les derniers des Mohicans », AJDA, 11 juillet 2005. 11 () cjce, 30 septembre 2004, Briheche. 12 () Article 39 du Traité instituant la Communauté européenne (traité ce). 13 () cjce, 17 décembre 1980, Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. 14 () Les situations permettant de recruter des personnels contractuels sont relativement larges, notamment pour la catégorie A où il suffit que « la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient », aux termes de l'article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État (titre II du statut). 15 () Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, « Coût et organisation de la gestion des ressources humaines dans l'administration », juillet 2005. 16 () insee, « Les salaires des agents de l'État en 2003 », insee Première, septembre 2005. 17 () Voir les décrets n° 2005-31 du 15 janvier 2005, n° 2005-726 du 29 juin 2005 et n° 2005-1301 du 20 octobre 2005 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation. 18 () Il s'agit des décrets n° 2005-1344 du 28 octobre 2005 portant modification du décret n° 87-1107 du 30 décembre 1987 portant organisation des carrières des fonctionnaires territoriaux de catégorie C et n° 2005-1345 du 28 octobre 2005 portant modification du décret n° 87-1108 du 30 décembre 1987 fixant les différentes échelles de rémunération pour la catégorie C des fonctionnaires territoriaux. 19 () L'article 6 du décret n° 2005-1344 précité prévoit le reclassement des agents « à un échelon doté d'un indice égal ou immédiatement supérieur à celui qu'ils détenaient ». 20 () Cette exigence est posée par l'article L. 323-2 du code du travail depuis la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés. 21 () Article 111 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social. 22 () Article 27 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État. - Cliquer ici pour retourner au sommaire général - Cliquer ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires © Assemblée nationale |