N° 2573 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2005. AVIS PRÉSENTÉ AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2006 (n° 2540), TOME III JUSTICE JUSTICE JUDICIAIRE, ACCÈS AU DROIT ET POLITIQUE DE LA JUSTICE PAR M. Jean-Paul GARRAUD, Député. Voir le numéro : 2568 (annexe 18).
INTRODUCTION 5 I. - LES GRANDES LIGNES DU PROJET DE BUDGET POUR 2006 6 A. LA JUSTICE JUDICIAIRE 7 1. Les dépenses de personnel 8 a) L'évolution des emplois 8 b) Les mesures en faveur des personnels 9 2. Les frais de justice et les autres moyens des services 13 B. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES 15 1. Les dépenses de personnel 16 2. Les dépenses de fonctionnement et d'investissement 18 C. L'ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE 18 1. L'évolution de l'aide juridictionnelle 19 2. Les crédits en faveur de l'accès au droit et de l'aide aux victimes 20 D. LA CONDUITE ET LE PILOTAGE DE LA JUSTICE ET LES ORGANISMES II. - L'ÉVOLUTION DE L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS 23 A. L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES 23 1. L'activité judiciaire civile 23 2. L'activité judiciaire pénale 27 B. L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES 33 1. Le Conseil d'État 33 2. Les cours administratives d'appel 35 3. Les tribunaux administratifs 36 III. - L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE A. L'ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE 38 B. LA MODERNISATION DE LA GESTION DÉCONCENTRÉE 43 C. LA MAÎTRISE DES FRAIS DE JUSTICE 45 AUDITION DE M. PASCAL CLÉMENT, GARDE DES SCEAUX, PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 67 L'année 2006 constitue à la fois la première année d'application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances et la quatrième année d'application de la loi d'orientation pour la justice. Le Gouvernement a arrêté en juin 2004, après avoir consulté le Parlement, l'architecture du budget de l'État en 34 missions, dont 9 interministérielles, 132 programmes et près de 580 actions. Le périmètre de la mission « Justice » correspondait initialement aux attributions traditionnelles du ministère de la justice. Seul un organisme, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, avait été sorti du périmètre du ministère pour être intégré à la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». À la suite d'une décision du Premier ministre exprimée lors de la séance solennelle de la Cour des comptes du 9 mai 2005, le programme « Justice administrative », rattaché à l'origine à la mission « Justice », relève aujourd'hui d'une mission « Conseil et contrôle de l'État ». Le choix de rattacher le Conseil d'État et les autres juridictions administratives, mais aussi la Cour des comptes et le Conseil économique et social, à cette mission est justifié par la volonté de garantir un régime financier spécifique compatible avec l'indépendance de ces institutions. Il a cependant l'inconvénient de priver le Parlement d'une vision globale de l'activité judiciaire. Celle-ci aurait gagné être présentée en une même mission au sein de laquelle la gestion des juridictions aurait été suivie à travers des objectifs et des indicateurs harmonisés, qu'elles appartiennent à l'ordre judiciaire ou à l'ordre administratif. En outre, on voit mal où réside la cohérence de la mission « Conseil et contrôle de l'État » qui regroupe des institutions poursuivant des objectifs manifestement éloignés les uns des autres. En quoi une section du Conseil économique et social, une chambre régionale des comptes et un tribunal administratif participent-ils à une même politique publique ? Afin de garder une vision complète de l'activité judiciaire, la commission des Lois a décidé de maintenir l'unicité de l'avis sur les crédits des juridictions judiciaires et administratives. Ainsi, si le présent avis porte sur trois programmes de la mission « Justice » (« Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice » et « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés »), il analyse l'évolution des crédits du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». * * * I. - LES GRANDES LIGNES DU PROJET DE BUDGET POUR 2006 Bien que préparé dans un contexte budgétaire très contraint, le budget de la mission « Justice » progresse cette année de 4,6 % en crédits de paiement (soit une augmentation sensiblement supérieure à l'évolution globale du budget général de l'État qui s'établit à 1,8 %), et de 17,25 % en autorisations d'engagement, ces chiffres s'entendant déduction faite des crédits inscrits au titre des pensions, du Fonds national d'aide au logement (fnal) et des cotisations à la Caisse nationale des allocations familiales (cnaf). Sur les 5 959,4 millions d'euros inscrits sur le budget du ministère, 3 096,6 millions d'euros sont affectés aux juridictions de l'ordre judiciaire, aux actions relevant de l'accès au droit et aux dépenses transversales de la Chancellerie. Pour sa part, le budget des juridictions administratives s'établit à 238,4 millions d'euros, en progression à périmètre constant de 10,7 % par rapport à 2005. ÉVOLUTION DU BUDGET DE LA JUSTICE ET DE L'ACCÈS AU DROIT (en millions d'euros)
L'augmentation des crédits de la justice permettra de financer la quatrième tranche de la loi d'orientation et de programmation pour la justice (lopj) du 9 septembre 2002. Pour la période 2003-2007, celle-ci prévoit, au profit des services judiciaires, des juridictions administratives et de l'administration générale, l'ouverture de 382 millions d'euros en autorisations de programme et la création de 5 110 emplois. MISE EN ŒUVRE DE LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE DE LA LOPJ
Source : ministère de la Justice Le programme « Justice judiciaire » regroupe les crédits nécessaires au fonctionnement de la justice civile, pénale, commerciale et sociale. Il couvre les magistrats et les agents des services judiciaires (fonctionnaires et contractuels), ainsi que plus de 20 000 juges non professionnels bénévoles ou rémunérés à la vacation (juges consulaires, conseillers prud'hommes, assesseurs des tribunaux pour enfants, juges de proximité...), assistants et agents de justice, déployés dans 1 157 juridictions judiciaires (1). Les services judiciaires ont pour mission principale de rendre la justice Elles ont également la charge de la conduite des politiques publiques orientées vers la prévention et la dissuasion de la délinquance ainsi que vers la réinsertion. Elles participent en outre aux politiques publiques menées en matière économique ou sociale (prévention des difficultés des entreprises, protection des mineurs, droit du travail). La gestion des juridictions est assurée exclusivement par des personnels des services judiciaires, et comprend deux fonctions : - le support logistique de l'activité judiciaire proprement dite revient aux greffiers (catégorie B) et agents de catégorie C, encadrés par des greffiers en chef (catégorie A). Les greffiers assistent en outre les magistrats dans leurs missions, notamment par le suivi et l'authentification des procédures ; - la gestion des moyens humains et matériels est pour l'essentiel assurée de manière déconcentrée au niveau des chefs de cour. Ceux-ci disposent à cet effet d'un service administratif régional (sar), composé de fonctionnaires et contractuels des services judiciaires, professionnels de la gestion, et dirigé par un coordonnateur, magistrat ou greffier en chef, placé sous l'autorité des chefs de cour. Les services judiciaires assurent par ailleurs la formation de leurs personnels. L'École nationale de la magistrature, constituée sous la forme d'un établissement public, est en charge de la formation initiale et continue des magistrats professionnels et non professionnels (juges de proximité, juges consulaires). La formation initiale des greffiers et greffiers en chef et la formation continue de l'ensemble des fonctionnaires des services judiciaires incombent à l'École nationale des greffes, service à compétence nationale. Enfin, le budget des services judiciaires inclut les crédits du Conseil supérieur de la magistrature, organe constitutionnel qui, par ses missions en matière de nomination des magistrats du siège et du parquet et ses compétences disciplinaires sur le corps judiciaire, est le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Avec une dotation de 2 476,3 millions d'euros en crédits de paiement, le programme « Justice judiciaire » est en progression de 8 % à périmètre constant par rapport à 2005. ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA JUSTICE JUDICIAIRE (en euros)
L'entrée en vigueur de la lolf se traduit par un changement du mode de décompte des emplois rémunérés par l'État, lesquels regroupent désormais indistinctement les fonctionnaires, les vacataires et les contractuels au sein d'un plafond d'autorisation d'emplois ministériel unique, exprimé en nombre d'équivalents temps-plein travaillé (etpt). Au nombre d'emplois déterminé en 2005 sur ce nouveau périmètre, qui s'établit à 29 392 etpt, le projet de loi de finances pour 2006 ajoute 83 etpt en faveur de la justice judiciaire, ce qui porte le niveau du plafond d'emplois pour 2006 à 29 475 etpt. Cette évolution recouvre les mouvements suivants : - la création de 93 emplois de magistrats en etpt ; - la création de 6 emplois d'encadrement en etpt ; - un transfert négatif de 16 etpt dont 3 au profit des services généraux du Premier ministre pour les services du médiateur de la République. ÉVOLUTION DES EMPLOIS
b) Les mesures en faveur des personnels Le total des crédits de personnel prévus pour la justice judiciaire atteint 1 664,5 millions d'euros répartis de la manière suivante : RÉPARTITION DES CRÉDITS DE PERSONNEL (en millions d'euros)
Sur ce total, une enveloppe de 8,4 millions d'euros est prévue pour financer des mesures catégorielles dont plus de la moitié sera consacrée aux greffiers et aux personnels de catégorie C. _ L'évolution du régime indemnitaire des magistrats. Après avoir été fortement réévalués de 1988 à 1996 - les mesures inscrites en lois de finances pour 1988, 1990, 1991, 1994, 1995 et 1996 ont permis de faire passer le taux indemnitaire des magistrats de l'ordre judiciaire de 19 % en 1987 à près de 37 % en 1996 -, les taux indemnitaires des magistrats sont restés inchangés de 1997 à 2002, alors que dans le même temps les régimes indemnitaires des magistrats de l'ordre administratif ont bénéficié de revalorisations successives. Afin d'assurer aux magistrats de l'ordre judiciaire un régime indemnitaire à la hauteur des responsabilités importantes et des fortes sujétions de service qui sont les leurs, le garde des Sceaux a initié dès 2003 un effort significatif de revalorisation, avec pour objectif une parité avec les magistrats des juridictions administratives et financières. Cette revalorisation s'est accompagnée, depuis le 1er janvier 2004, d'une nouvelle modification du régime indemnitaire des magistrats par une série de textes indemnitaires publiés au Journal officiel du 30 décembre 2003 comportant notamment l'instauration d'une modulation partielle de ce régime. Le dispositif retenu visait principalement à : - instituer une majoration dégressive de la prime forfaitaire au bénéfice des magistrats exerçant dans certaines juridictions qui connaissent un déficit de candidatures de nature à compromettre leur fonctionnement, afin d'inciter les magistrats à solliciter leur affectation dans ces ressorts ; - permettre le versement d'une prime pour travaux supplémentaires aux magistrats connaissant un surcroît d'activité résultant d'absences prolongées de magistrats, par redistribution du reliquat de crédits indemnitaires non consommés ; - instaurer une modulation partielle du régime indemnitaire des magistrats, par affectation à une prime modulable de l'intégralité de la revalorisation indemnitaire de 4 % inscrite en loi de finances pour 2003. Pour parvenir progressivement à l'alignement du régime indemnitaire des magistrats de l'ordre judiciaire sur celui des magistrats des chambres régionales des comptes, l'effort de revalorisation indemnitaire a été poursuivi en 2004 et 2005. En effet, le 1er octobre 2004, la part modulable du régime indemnitaire a été revalorisée de 4 %. Cette part a été à nouveau revalorisée de 1 % à compter du 1er octobre 2005 par des arrêtés du 8 septembre 2005. Cette dernière revalorisation porte ainsi à 9 % le taux moyen de la prime modulable des magistrats des cours d'appels et tribunaux de grande instance, le taux maximal d'attribution individuelle de cette prime étant fixé à 15 %. Pour les magistrats de la Cour de cassation, le taux moyen est de 14 % et le taux maximal d'attribution individuelle de 20 %. Par ailleurs, la nouvelle bonification indiciaire (nbi) en faveur des magistrats de l'ordre judiciaire exerçant des fonctions de responsabilité supérieure a été mise en œuvre par le décret n° 2004-676 du 5 juillet 2004 et son arrêté d'application du même jour. La liste des fonctions pouvant ouvrir droit au versement de la nouvelle bonification indiciaire est fixée dans le décret précité tandis que l'arrêté d'application précise le montant de la nouvelle bonification indiciaire et le nombre d'emplois bénéficiaires pour chacune des fonctions ainsi mentionnées. Le nombre de points attribué repose sur une classification objective des emplois concernés, tels que le grade et l'importance de la juridiction. La première tranche a concerné 117 magistrats pour un coût de 867 714 euros pour l'année 2004. Les emplois et fonctions concernés par cette première phase sont les suivants : - Cour de cassation : chefs de juridiction, présidents de chambre et premiers avocats généraux, doyens de chambre et magistrats chargés du secrétariat général ; - cours d'appel : chefs de cour et magistrats chargés du secrétariat général des cours d'appel de Paris et Versailles ; - tribunaux de grande instance : chefs des 12 tribunaux les plus importants ; - École nationale des greffes : directeur. La seconde tranche devrait permettre de faire bénéficier 211 magistrats supplémentaires de la nbi pour un coût de 990 754 euros, soit un total de 18 780 points pour l'année 2005. _ Les fonctionnaires des services judiciaires bénéficient également de mesures statutaires et indemnitaires. Le régime indemnitaire des greffiers en chef et des greffiers n'a pas évolué depuis 2001, malgré plusieurs demandes de revalorisation présentées dans le cadre des projets de lois de finances. En revanche, le régime indemnitaire des fonctionnaires de catégorie C a été régulièrement revalorisé en 2003, 2004 et 2005. En application du décret n° 92-224 du 10 mars 1992, les greffiers en chef et les greffiers perçoivent, depuis le 1er janvier 1992, une indemnité forfaitaire de fonction (iff) fixée en pourcentage de l'indice réel moyen (irm) de leur grade. Le taux indemnitaire moyen de ces 2 corps n'a pas été revalorisé depuis 2001. Il a même diminué pour les greffiers, lors de la mise en œuvre de la réforme statutaire en 2003. En effet, la transformation de la structure de ce corps (deux grades au lieu de trois) a entraîné une modification de l'indice réel moyen par grade. Cependant, cette baisse du taux indemnitaire n'a pas entraîné de diminution des montants individuels servis. Une revalorisation à hauteur de 2 points supplémentaires du taux indemnitaire était souhaitée dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2006. Une augmentation d'un point a été proposée pour les greffiers en chef et les greffiers. Le coût de la mesure nouvelle obtenue au titre de l'année 2006 s'élève à 554 508 euros pour les greffiers en chef et à 1 958 269 euros pour les greffiers. En application du décret n° 2000-913 du 20 septembre 2000, les fonctionnaires de catégorie C des services judiciaires bénéficient, depuis le 1er janvier 2000, d'une indemnité spéciale fixée en pourcentage de l'indice réel moyen (irm) de leur grade, dont le taux moyen a été régulièrement valorisé. Une augmentation de 2 points du taux indemnitaire était souhaitée pour 2006 au bénéfice de l'ensemble des personnels de catégorie C. Une revalorisation d'un point a été proposée. La mesure nouvelle obtenue au titre de l'année 2006 (2 017 029 euros) va permettre de faire passer le taux moyen de l'indemnité spéciale servie aux fonctionnaires de catégorie C à 24 %. Deux projets de décrets et deux projets d'arrêtés, qui ont fait l'objet d'un avis favorable des ministères de la fonction publique et du budget, sont en cours de concertation avec les organisations syndicales. Ils modifient le régime indemnitaire des fonctionnaires des services judiciaires afin de permettre à ceux-ci de bénéficier, sous certaines conditions, d'une indemnité complémentaire à raison d'attributions spécifiques qui peuvent leur être confiées. Cette indemnité complémentaire s'ajouterait à l'indemnité forfaitaire de fonction actuellement attribuée aux greffiers en chef et aux greffiers et à l'indemnité spéciale allouée aux fonctionnaires de catégorie C. Cette modification du régime indemnitaire des fonctionnaires des services judiciaires s'inscrit dans le prolongement des dispositions indemnitaires récemment adoptées pour les magistrats. L'indemnité complémentaire serait attribuée aux : - fonctionnaires qui exercent à titre habituel leurs fonctions dans un service spécialisé dans la poursuite ou l'instruction des infractions terroristes. Le montant mensuel maximal de l'indemnité complémentaire « anti-terroriste » serait de 90 euros pour l'ensemble des fonctionnaires concernés, quel que soit leur grade, les personnels de ces services étant exposés au même risque ; - fonctionnaires qui exercent par intérim la fonction de chef de greffe, lorsque l'emploi afférent à cette fonction est vacant et que le fonctionnaire est d'un grade inférieur à celui de l'emploi vacant. Le montant mensuel de cette indemnité complémentaire « intérim » serait proche du montant prévu par la circulaire précitée : il serait fixé à 70 euros sauf pour les greffiers en chef du 1er grade assurant l'intérim d'un emploi de chef de greffe hors hiérarchie, pour lesquels il s'élèverait à 110 euros eu égard à l'importance des responsabilités exercées. Comme l'année passée, le rapporteur souhaite que soit réduit l'écart entre le régime indemnitaire des magistrats et celui des fonctionnaires des services judiciaires. Il considère notamment que l'effort consenti en faveur des greffiers et des greffiers en chef n'est pas à la hauteur du rôle joué par ces corps dans le fonctionnement des juridictions. Il convient en effet de tenir compte de l'accroissement des tâches incombant à ces fonctionnaires, du fait, en particulier, de l'instauration de la procédure de rétablissement personnel et des nouvelles procédures d'expulsion. L'amélioration du service public de la justice est l'affaire de tous les personnels, qu'ils soient magistrats ou fonctionnaires. L'ensemble de ces personnels doit être intéressé aux résultats des juridictions. Réserver la prime modulable aux seuls magistrats risque de creuser le fossé entre cette catégorie et les agents des services judiciaires. 2. Les frais de justice et les autres moyens des services Ces moyens sont regroupés sur le titre 3 du programme. Ils s'élèvent à 694 millions d'euros en 2006, contre 668 millions d'euros en 2005, soit une progression de 4 %. Parmi les postes de dépenses, il convient de relever l'effort fait pour le développement de la visio-conférence, auquel sera consacré un montant de crédits de 3,5 millions d'euros en 2006. Un effort particulier a également été fait en faveur de la formation, tant initiale que continue, des magistrats et des greffiers puisque les crédits consacrés à cette action s'élèvent à 65 millions d'euros en 2006 contre 61 millions d'euros en 2005, soit une progression de 5 %, supérieure à celle de l'ensemble du programme. _ Les frais de justice Le montant des crédits de paiement du poste « frais de justice » s'élève en 2006 à 370 millions d'euros, soit une augmentation de 12 millions d'euros. Toutefois, compte tenu du dynamisme de cette dépense constaté jusqu'à présent et de la nouveauté en 2006 du caractère de limitatif des crédits correspondants, ce montant pourrait être complété en gestion par un transfert de la dotation « dépenses accidentelles ou imprévisibles », pour un montant estimé à 50 millions d'euros. L'évolution des frais de justice et les moyens déployés par la Chancellerie pour les maîtriser sont présentés dans la partie III du présent avis. _ Les programmes d'investissement Les autorisations d'engagement afférentes aux dépenses d'équipement s'élèvent en 2006 à 306,74 millions d'euros, soit une progression de 168 % par rapport à 2005. Cet accroissement est dû en partie à l'enveloppe de 146 millions d'euros destinée à l'Établissement Public du Palais de Justice de Paris (eppjp). Le solde du financement du programme, soit 160 millions d'euros, se décline comme suit : - 92,4 millions d'euros seront destinés aux opérations lourdes confiées par convention de mandat à l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice (amotmj) qui pourrait lancer quatre opérations nouvelles (le tgi d'Aix-en-Provence, les palais de justice de Bobigny, de Versailles, de Douai) ; - 67,6 millions d'euros seront affectés aux opérations déconcentrées. En 2006, dans la continuité de l'exercice budgétaire 2005 et afin de permettre à l'institution judiciaire de faire face aux enjeux essentiels auxquels elle est confrontée, les priorités suivantes seront privilégiées : l'amélioration du fonctionnement des juridictions au travers d'opérations de rénovation et de restructuration, le traitement des avis défavorables des commissions de sécurité, le renforcement de la sûreté des palais de justice, la mise en accessibilité des sites aux handicapés. Les crédits de paiement afférents aux dépenses d'équipement s'élèvent à 111,50 millions d'euros et se déclinent comme suit : - 55,50 millions d'euros seront consacrés aux opérations confiées par convention de mandat à l'amotmj et plus particulièrement à la montée en puissance des chantiers de travaux des palais de justice de Toulouse, de Thonon-les-Bains, d'Avesnes-sur-Helpe et la poursuite des travaux de l'École Nationale des Greffes ; - 56 millions d'euros seront destinés aux opérations déconcentrées. Afin de piloter un programme particulièrement complexe et d'un enjeu capital pour la justice de notre pays, l'Établissement Public du Palais de Justice de Paris (eppjp) annoncé par le Président de la République a été créé par le décret n° 2004-161 du 18 février 2004. Administré par un conseil d'administration, doté d'un conseil d'orientation et placé sous la tutelle du garde des Sceaux, cet établissement public exerce les attributions du maître de l'ouvrage et a pour principale mission de concevoir, d'acquérir, de faire construire et d'aménager de nouveaux locaux pour les besoins des juridictions de l'ordre judiciaire et des organismes installés sur le site du Palais de Justice de Paris. La rareté dans la capitale de terrains permettant de doter la juridiction de 100 000 mètres carrés de surface hors œuvre a imposé de lier les deux problématiques d'élaboration du programme et de prospection foncière. Dans ce sens, un comité d'orientation réuni le 9 juillet 2004 s'est montré défavorable aux scénarii suivants : délocalisation d'une partie des secteurs tertiaires, délocalisation de la cour d'appel sur un nouveau site, création d'une cour d'appel de l'est parisien, délocalisation d'une partie des services du tribunal de grande instance. Ce comité s'est au contraire déclaré favorable à la délocalisation de l'ensemble de la juridiction du tribunal de grande instance sur un site unique. Ces avis ont été examinés par le conseil d'administration de l'eppjp lors de sa séance du 13 juillet 2004 et ont conduit à une délibération recommandant l'implantation sur les sites dits de Saint-Vincent de Paul et de l'Hôtel Dieu et prenant en compte comme alternative possible, en second lieu, le terrain de Tolbiac, pour lequel le gouvernement a indiqué sa préférence le 27 janvier 2005. Conformément aux vœux du conseil de Paris, le principe d'une concertation sur l'implantation du tgi dans la zac Paris rive gauche a été acté entre la ville et les représentants de l'État. Ont été mis à la concertation : les sites du quartier Masséna-avenue de France, du quartier Tolbiac pour lequel l'État a marqué sa préférence, du quartier Austerlitz proposé par la ville de Paris en avril 2004, du quartier Masséna-Bruneseau proposé par la ville de Paris en avril 2005, et du quartier Masséna-Ivry (ateliers sncf) proposé par les associations en juin 2005. La concertation, qui devait s'achever à la fin du mois de septembre 2005, a pour objectif, au-delà du rappel de l'historique du projet et des caractéristiques du tgi, d'échanger les points de vue sur les différents sites, à partir de l'exposé des études de faisabilité réalisées, et de débattre le cas échéant des aménagements urbains environnants et des modalités d'implantation du tgi. À ce titre, le travail de programmation se poursuit avec le souci d'optimiser les besoins, d'intégrer la modernisation des méthodes de travail et de maîtriser les coûts notamment en vue de la réintégration, au sein de l'installation nouvelle du tgi, des sites actuellement dispersés. L'année 2006 sera marquée par l'achat du terrain destiné à accueillir le nouveau tgi et le lancement du concours d'architecture. La livraison du nouveau tgi est prévue en 2011. B. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES La justice administrative a pour mission de veiller au respect du droit par l'administration, dans les relations que celle-ci entretient avec les administrés. Cette mission comprend quatre fonctions : - une fonction juridictionnelle qui couvre l'activité contentieuse du Conseil d'État, des huit cours administratives d'appel et des 37 tribunaux administratifs ; - l'activité consultative du Conseil d'État qui est chargé d'examiner les projets de loi, d'ordonnance, d'acte communautaire ou de décret en Conseil d'État, et peut être consulté par le Gouvernement sur toute question ou difficulté d'ordre juridique ou administratif, ainsi que celle des cours administratives ou des tribunaux administratifs qui peuvent être saisis de demandes d'avis par les préfets ; - une fonction d'études et d'expertise, à travers les travaux de la section du rapport et des études du Conseil d'État et la participation des membres des juridictions administratives à diverses commissions ou leur mise à disposition après d'autres administrations ; - une fonction de gestion et de soutien, assurée par les services administratifs, de documentation et de bibliothèque placés auprès des juridictions administratives. Le projet de budget pour 2006 s'inscrit dans le cadre de l'application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002. Cette mise en œuvre se concrétisera notamment par la création d'un nouveau tribunal administratif implanté à Nîmes dont l'ouverture est prévue le 1er septembre 2006. Elle se concrétise également par la poursuite des contrats d'objectifs et de moyens conclus entre le Conseil d'État et les cours administratives d'appel, qui ont déjà permis de réduire le délai moyen de jugement de plus d'un an entre 2002 et 2004. Le budget 2006 du Conseil d'État, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs a été fixé à 238,4 millions d'euros en crédits de paiement et à 246,28 millions d'euros en autorisations d'engagement. Hors pensions, ce budget s'élève à 193,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 10,7 %. ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME « CONSEIL D'ÉTAT (en euros)
L'ensemble des crédits de personnel progresse, hors crédits de pensions, de 15,07 millions d'euros. Cette progression s'explique, pour un montant de 10,35 millions d'euros, par des mesures transversales communes à l'ensemble de la fonction publique (évolution du point fonction publique, évolution des bas salaires, financement des nouvelles cotisations sociales, etc.). Par ailleurs, le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » a obtenu une consolidation des emplois vacants et la création d'emplois au titre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice pour un montant de 2,72 millions d'euros. En application des nouvelles règles de comptabilisation des postes budgétaires, le Conseil d'État et les autres juridictions administratives comptent 2 785 etpt au 31 décembre 2005. Le projet de loi de finances pour 2006 fixe ce plafond d'etpt à 2 836. Le Conseil d'État bénéficiera de 4 etpt supplémentaires, qui correspondent au maintien au-delà de la limite d'âge de 65 ans de 4 membres du Conseil d'État en 2006. Par ailleurs, 11 etpt inoccupés au 31 décembre 2005 sont conservés pour permettre d'assurer la gestion du corps dont le turn-over est difficilement maîtrisable. Dans les juridictions administratives, 10 etpt de magistrats administratifs inoccupés au 31 décembre 2005 sont conservés pour permettre d'assurer la gestion du corps. Les juridictions administratives bénéficieront de la création de 26 etpt dans le cadre de l'application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice : 11 etpt de magistrats administratifs, 13,5 etpt d'agents de greffe et 1,5 etpt d'assistants de justice. Ces créations permettront d'assurer l'ouverture du tribunal administratif de Nîmes prévue pour le 1er septembre 2006 (18 etpt). Les autres etpt créés seront affectés, pour partie, aux cours administratives d'appel dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens conclus entre elles et le Conseil d'État, et, pour partie, aux tribunaux administratifs les plus chargés. Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit également la mise en place de mesures catégorielles à hauteur de 2 millions d'euros : - les indemnités des membres du Conseil d'État seront revalorisées à hauteur de 0,96 million d'euros, afin d'aligner leur régime indemnitaire sur celui des membres de la Cour des comptes, à la suite de la revalorisation obtenue en 2005 ; - les magistrats administratifs bénéficieront de mesures catégorielles : · attribution de points de nouvelle bonification indiciaire pour les vice-présidents de tribunaux administratifs afin d'aligner leurs rémunérations sur celles des présidents de section des chambres régionales des comptes (0,56 million d'euros) ; · financement de la réforme statutaire du début de carrière des conseillers de tribunaux administratifs (110 000 euros) ; · revalorisation des indemnités des commissaires du gouvernement (92 000 euros) ; - les agents de greffe des juridictions administratives bénéficieront d'une revalorisation des dotations indemnitaires destinée à garantir la parité entre les primes qu'ils perçoivent et les primes perçues par les personnels de préfecture qui appartiennent au même corps. 2. Les dépenses de fonctionnement et d'investissement Le budget de fonctionnement et d'investissement progresse de 3,7 millions d'euros. L'essentiel de cette progression est lié à la remise à niveau de la dotation de frais de justice, qui augmentera de 2,34 millions d'euros. La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances entraîne le changement de nature des crédits liés aux frais de justice qui deviendront limitatifs alors qu'ils étaient, sous le régime de l'ordonnance de 1959, évaluatifs. Ces crédits sont consacrés, à plus de 90 %, au paiement des dépenses d'affranchissement dans le cadre de l'instruction des affaires devant les juridictions administratives. Ils sont directement corrélés à l'augmentation du contentieux devant les juridictions administratives, qui a crû de plus d'un tiers entre 2002 et 2004. La dotation consacrée aux frais de justice a donc été fortement déficitaire en 2004. Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit donc de remettre à niveau cette dotation, qui s'élèvera à 7,7 millions d'euros. De la même manière, il apparaît nécessaire de remettre à niveau les crédits de réparation civile destinés à faire face aux condamnations de l'État pour délai excessif de jugement devant les juridictions administratives, qui deviendront également limitatifs. Ces crédits augmenteront de 0,46 million d'euros pour atteindre 0,75 million d'euros. L'augmentation des autres dépenses de fonctionnement et d'inves-tissement sera de 0,89 million d'euros. Cette augmentation sera principalement destinée à financer l'ouverture d'un nouveau tribunal administratif à Nîmes à compter du 1er septembre 2006. C. L'ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE Le programme « Accès au droit et à la justice » comprend les crédits destinés à permettre au citoyen de connaître ses droits pour les faire valoir. Ces politiques comprennent trois volets : - l'aide juridictionnelle s'adresse aux personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits devant une juridiction, en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense. Elle s'applique aux procédures, actes et mesures d'exécution pour lesquels une admission a été prononcée. Les prestations sont versées aux auxiliaires de justice soit directement, soit par l'intermédiaire des caisses de règlements pécuniaires des avocats ; - le développement de l'accès au droit repose sur les conseils départementaux de l'accès au droit (cdad), institués dans 80 départements. Ces groupements d'intérêt publics sont chargés de recenser les besoins, de définir une politique locale, de faire l'inventaire des dispositifs en place et d'impulser des actions nouvelles. Leurs interventions sont complétées par le réseau judiciaire de proximité, le plus souvent implanté dans les zones urbaines sensibles, constitué d'une centaine de maisons de la justice et du droit, ainsi que d'antennes et de points d'accès au droit ; - l'aide aux victimes vise à améliorer la prise en compte des victimes d'infractions par l'institution judiciaire, et à rechercher des modalités d'indemnisation plus justes et plus transparentes. Elle s'appuie sur les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions qui constituent des juridictions spécialisées, installées dans chacun des 181 tribunaux de grande instance, et sur un réseau d'associations d'aide aux victimes, chargées d'accueillir, d'orienter et d'accompagner les victimes. Le programme « Accès au droit et à la justice » bénéficie d'une dotation de 345,8 millions d'euros, en progression de 3,7 % par rapport à 2005. Piloté par le chef du service à l'accès au droit et à la justice et à la politique de la ville, il se caractérise par une forte composante en crédits d'intervention (91 %). Pour atteindre ses objectifs, il dispose de 660 etpt. ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME (en euros)
1. L'évolution de l'aide juridictionnelle La dotation budgétaire prévue pour l'aide juridictionnelle passe de 314,1 à 322,7 millions d'euros. Pour atteindre cet objectif, le responsable du programme dispose des effectifs des bureaux d'aide juridictionnelle ainsi que de ceux du service de l'accès au droit, à la justice et de la politique de la ville, soit au total 390 etpt. Les crédits d'intervention demandés (304,7 millions d'euros), en hausse de 5 millions d'euros par rapport à 2005, correspondent à 870 000 admissions à l'aide juridictionnelle et à 192 000 bénéficiaires de l'intervention d'un avocat au cours de la garde à vue. Ce budget est destiné à financer plusieurs dispositifs de transfert prévus par la loi du 10 juillet 1991 : l'aide juridictionnelle proprement dite, l'aide à l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue, l'aide en matière de médiation et de composition pénales, et l'aide à l'intervention de l'avocat pour l'assistance aux détenus au cours de procédures disciplinaires. Il finance également des protocoles d'amélioration de la défense des justiciables conclus entre les juridictions et les barreaux, conduisant à une majoration de la rétribution de l'avocat pour certaines de ces aides, limitée dans une proportion maximum de 20 %. Les crédits nouveaux inscrits pour 2006 visent à faire face à l'évolution prévisible des admissions à l'aide juridictionnelle proprement dite, mais aussi à celle des bénéficiaires des autres procédures d'aides. Ainsi, la prévision d'augmentation des admissions à l'aide juridictionnelle a été arrêtée à 1 % au civil, en 2005 et 2006, et à 4 % au pénal pour ces deux années. 2. Les crédits en faveur de l'accès au droit et de l'aide aux victimes Priorité a été donnée à l'accès au droit pour les personnes les plus fragiles dans le cadre interministériel de la lutte contre l'exclusion. En 2006, les crédits du ministère de la justice destinés à cette politique s'élèvent à 12,36 millions d'euros, dont 66 % couvrent des dépenses de rémunération des personnels des services judiciaires (256 etpt). Les dépenses de fonctionnement (hors personnel) s'élèvent à 4,1 millions d'euros. L'essentiel de ce poste de dépense concerne les cdad institués dans 80 départements. Il s'agit également des premières dotations des maisons de justice et du droit qui doivent ouvrir en 2006 et, pour les plus anciennes, du renouvellement d'équipements informatiques et du mobilier. Outre les crédits prévus pour la création de cinq nouveaux cdad, la majorité de la dotation sera affectée au soutien et à la diversification de l'action des cdad existants en direction des publics nécessitant des réponses adaptées (le public jeune, les personnes menacées d'exclusion, les personnes âgées, les détenus, ou visant des domaines d'intervention spécialisés : surendettement, séparation parentale, prévention des expulsions locatives). S'agissant de l'aide aux victimes, deux axes seront privilégiés en 2006 : - l'amélioration de la qualité et du nombre de prestations assurées par les associations d'aide aux victimes, grâce au développement de leurs capacités d'intervention en urgence, à la mise en place de permanences délocalisées dans les tribunaux, les services de police et de gendarmerie, les hôpitaux, et par le recrutement de psychologues à temps partiel ou à temps complet, en fonction de l'importance du bassin de « victimation » ; - le renforcement des moyens des cours d'appel pour soutenir les projets pouvant donner lieu à un financement européen, suite à l'extension du dispositif des plateformes européennes à de nouvelles cours d'appel ; par ailleurs, il est prévu de poursuivre la mise en œuvre du projet Equal, qui a fait l'objet d'un financement européen en 2004 pour le montage du projet, et qui est appelé à se dérouler sur 18 mois à partir de juin 2005. Les crédits consacrés à cette action en 2006 s'élèvent à 10,79 millions d'euros, y compris les dépenses de personnel. Ils connaissent une augmentation d'un million d'euros, correspondant essentiellement à l'augmentation des crédits mis à disposition des cours d'appels pour financer l'intervention des associations locales d'aide aux victimes. D. LA CONDUITE ET LE PILOTAGE DE LA JUSTICE ET LES ORGANISMES RATTACHÉS Le programme « Conduite et pilotage de la justice et organismes rattachés » regroupe les moyens des services suivants : - les services chargés de concevoir le droit civil et pénal (direction des affaires civiles et du sceau, direction des affaires criminelles et des grâces, service des affaires européennes et internationales) ; - les services chargés de mettre en œuvre les politiques et de gérer les moyens, à savoir certains services transversaux de la Chancellerie, les centres de prestations régionaux et antennes régionales de l'équipement, chargés d'apporter un appui opérationnel aux juridictions et aux services déconcentrés du ministère. Ce programme englobe également : - les autorités administratives indépendantes budgétairement rattachées au ministère de la Justice : Commission nationale informatique et libertés (cnil) et Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; - les subventions aux ordres nationaux (Légion d'honneur et Libération) ; - enfin, les crédits de recherche dans le domaine de la justice. ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME « CONDUITE ET PILOTAGE (en euros)
Avec 264,7 millions d'euros en crédits de paiement pour 2006, le budget de ce programme progresse de 14,9 %. La loi de programmation et d'orientation pour la justice a prévu un renforcement des fonctions d'expertise et de gestion de l'administration centrale et fixé à cette fin un objectif de 180 créations d'emplois sur cinq ans. Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit la création nette de 34 etpt, dont 5 en faveur de la cnil. Ces emplois font suite aux 129 créations d'emplois intervenues entre 2003 et 2005. Hors dépenses de personnels, les moyens des institutions rattachées connaissent une progression sensible puisqu'ils passent de 19,9 à 27,9 millions d'euros, soit une augmentation de 39,6 % d'une année sur l'autre. S'agissant des moyens consacrés à la seule Chancellerie, le montant des crédits ouverts en 2006 progresse de 2,8 % et s'établit à 135,6 millions d'euros affectés en quasi-totalité (130,2 millions d'euros) à la gestion administrative commune du ministère. Pour l'essentiel (62,4 millions d'euros), ces dépenses seront consacrées à l'entretien et au développement des grandes applications informatiques d'intérêt national et particulièrement au développement de l'application CASSIOPÉE destinée à automatiser la chaîne de traitement des affaires pénales (9,2 millions d'euros) et à l'informatisation du système de gestion des ressources humaines (3,2 millions d'euros). Les autorisations d'engagement afférentes aux dépenses d'équipement s'élèveront à 31 millions d'euros nécessaires à la rénovation des locaux du ministère de la justice, à l'équipement informatique ou à la poursuite de la construction de logements sociaux (3 millions d'euros) au profit des agents du ministère. Les crédits de paiement afférents aux dépenses d'équipement s'élèveront à 7,55 millions d'euros. II. - L'ÉVOLUTION DE L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS A. L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES 1. L'activité judiciaire civile L'ACTIVITÉ JUDICIAIRE CIVILE EN 2004
_ La Cour de cassation Le nombre d'affaires civiles nouvelles (21 965) portées devant la Cour de cassation a augmenté en 2004 de 1,5 %, inversant la tendance à la baisse des deux années précédentes. La Cour a rendu 23 539 décisions, soit un nombre légèrement plus élevé que celui de 2003. La procédure de filtrage instituée par la loi organique du 25 juin 2001 permet à la Cour de cassation de déclarer "non admis" "les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation". Depuis 2002 les affaires en "non-admission" viennent diminuer à la fois les rejets et les irrecevabilités ; en 2004, près de 6 000 affaires se terminent ainsi, soit une décision rendue sur quatre. Les cassations ont beaucoup diminué en 2004 (- 20%) revenant ainsi au niveau de 2001. Elles ont représenté 18,4 % des décisions rendues. Si l'on ramène ce chiffre aux seules affaires soumises à la chambre, les cassations représentent alors près de 25 % des décisions. Les rejets de pourvois ont fortement augmenté, ils représentent 27,6 % de l'ensemble des affaires et 37 % des seules affaires admises. _ Les cours d'appel Après la hausse de 1,7 % observée en 2003, le nombre d'affaires nouvelles (210 205) portées devant les cours d'appel a augmenté de 2,5 % en 2004. Cette hausse semble constituer le corollaire de l'augmentation de l'activité des juridictions de première instance, davantage que la conséquence d'une hausse de la propension des justiciables à faire appel. L'examen de l'évolution des taux d'appel contre les décisions de première instance ne fait en effet pas apparaître d'augmentation sensible de ces taux, quel que soit le type de juridiction. Le taux d'appel sur les décisions des tribunaux d'instance est resté stable en 2003 et celui sur les décisions des tgi diminue. Le taux d'appel sur les décisions des prud'hommes est revenu à son niveau antérieur après la hausse exceptionnelle de 2002. Le nombre d'affaires terminées (215 887) a augmenté de 3 %, confirmant le retour à la hausse initié en 2002 et en 2003. Cette hausse permet de poursuivre la résorption du nombre d'affaires en stock (244 051), qui a diminué de 10 % entre le 31 décembre 2002 et le 31 décembre 2003. Pour la quatrième année consécutive, la durée moyenne des affaires terminées a diminué en 2004 pour s'établir à 15,3 mois au lieu de 16,1 mois l'année précédente. Ce raccourcissement de la durée moyenne de traitement des affaires se vérifie sur les deux tiers des cours d'appel ; il atteint 4 mois à Chambéry et dépasse deux mois dans les cours de Dijon, Douai et Versailles. À l'inverse, dix cours d'appel ont encore vu leur durée s'allonger en 2004 : plus de 2 mois à Basse-Terre, 1,5 mois à Nancy. _ Les tribunaux de grande instance À partir de 2004, les données d'activité des tgi comprennent des procédures qui ne faisaient pas auparavant l'objet d'un enregistrement au Répertoire général civil (rgc). Avec la mise en place du nouveau rgc, ces procédures peuvent être identifiées en tant que telles puisqu'elles constituent l'activité de la juridiction au même titre que les affaires traditionnellement prises en compte. Ce changement provoque inévitablement une importante rupture de série en 2004, tant au niveau des flux d'affaires nouvelles et terminées que des durées d'affaires. En 2004, le nombre d'affaires nouvelles portées devant les tgi s'élève à 813 451 affaires au fond auxquelles s'ajoutent 124 079 référés, soit un total de 937 530 affaires. Pour les affaires au fond, ce chiffre comprend plus de 146 000 ordonnances sur requête et 71 500 nouvelles procédures (Commission d'indemnisation des victimes, ventes, ...). Si l'on ne tient pas compte de ces affaires, le volume d'affaires nouvelles au fond se situe autour de 595 800, soit sensiblement autant qu'en 2003. De 2000 à 2002, la diminution du nombre d'affaires nouvelles portées devant les tgi a été très lente. L'année 2003 a inversé la tendance avec pour la première fois depuis sept ans une hausse sensible. À champ constant l'année 2004 semble déjà marquer une pause dans cette évolution. L'analyse des affaires nouvelles par famille de contentieux civils est fournie pour 2004 à partir des tableaux de bord et du nouveau rgc. Toute comparaison avec les années antérieures est difficile, voire impossible, du fait de la prise en compte de procédures non comptabilisées jusqu'alors : - avec 356 830 affaires, les contentieux du juge aux affaires familiales sont en baisse par rapport à 2003 qui avait été une année particulièrement élevée, mais en hausse par rapport à 2002. Cette évolution concerne les ruptures d'union dont le nombre baisse pour se situer au niveau de 2001 (179 339 demandes), ainsi que les affaires d'après divorce (droit de visite, pension alimentaire) dont le nombre diminue pour la première fois de la période. La diminution des demandes en divorce et séparation de corps en 2004 pourrait avoir un lien avec la réforme du divorce qui est entrée en application au 1er janvier 2005, certains couples ayant peut-être différé leur demande de quelques mois pour bénéficier de la nouvelle procédure ; - avec un peu plus de 51 000 affaires nouvelles en 2004, les contentieux de la responsabilité sont en progression du fait de la prise en compte dans le nouveau rgc des demandes formées par les victimes auprès des civi (près de 15 000 demandes) ; - avec 21 500 affaires nouvelles, les contentieux de l'impayé sont à nouveau en baisse atteignant le niveau le plus bas de la décennie ; - les affaires relatives au droit des personnes ont été multipliées par quatre en 2004 du fait de la prise en compte de l'activité du juge de la détention en matière de rétention administrative des étrangers (environ 12 000 affaires). De la même façon, les affaires relatives au droit des biens présentent une forte augmentation due à la prise en compte à partir de 2004 des procédures de vente et d'expropriation (environ 14 000 affaires) ; - les contentieux de l'exécution s'élèvent à 124 585 affaires ce qui inclut en 2004 les ordonnances sur requête (près de 80 000). Avec 901 093 affaires terminées (à rapprocher des 937 530 affaires nouvelles), le stock d'affaires en cours s'est accru en 2004 de plus de 36 000 affaires. Il s'établit en fin d'année à 618 500 affaires. La durée moyenne de traitement toutes affaires confondues s'établit à 7 mois. Au nombre de 780 420, les affaires au fond terminées en 2004 l'ont été en 7,8 mois en moyenne, soit 1,7 mois de moins qu'en 2003. Ce raccourcissement de la durée moyenne est dû à la prise en compte des procédures nouvellement enregistrées au rgc, notamment aux ordonnances sur requête (146 099) dont le traitement ne prend que 6 jours en moyenne. Sans ces procédures et à champ constant avec 2003, le nombre d'affaires terminées est en hausse de 1 % confirmant la tendance amorcée en 2002 et la durée moyenne en baisse de 0,4 mois. La durée moyenne des référés terminés en 2004 s'est établie à 1,8 mois, soit 0,3 mois de plus que les années précédentes. La prise en compte des référés du juge aux affaires familiales peut être la cause de cette hausse en 2004. _ Les tribunaux d'instance En 2004 les tribunaux d'instance ont été saisis de 603 896 nouvelles affaires dont 529 938 affaires au fond, soit 6,3 % de plus qu'en 2003, et près de 74 000 référés (+ 4,4 %). C'est la première année de hausse sensible des affaires nouvelles des tribunaux d'instance depuis 2000. Cette hausse recouvre les mouvements suivants : - dans la lignée des années précédentes, les affaires de protection des personnes (tutelle ou curatelle des majeurs, incapacité des mineurs) continuent à progresser à un rythme soutenu (+ 4,6 %) ; - le contentieux de la responsabilité est resté stable en 2004 ; - le contentieux de l'impayé représente 41 % des affaires soumises aux tribunaux d'instance. Sa tendance à la baisse depuis 1995 s'était interrompue en 1999-2000 à la suite du relèvement du seuil de compétence des tribunaux d'instance. Ce mouvement ne s'est pas ralenti et la hausse a continué en 2004 (+ 3,4 %) comme en 2003. L'évolution du nombre d'affaires nouvelles est positive quoique plus modérée qu'en 2003 dans le domaine de l'impayé pour les baux d'habitation (+ 5,2 %) ainsi que pour les prêts bancaires (+ 6,2 %) ; elle est stable sur la plupart des autres types d'impayé ; - sur les autres contentieux civils, on observe une hausse de 5,8 % qui constitue une inversion de la tendance régulière à la baisse observée depuis 1984 (l'année 2000 ayant constitué une exception imputable à l'effet du relèvement du plafond de compétence des tribunaux d'instance). La hausse des affaires nouvelles est particulièrement nette dans les domaines du droit des contrats (notamment les baux d'habitation hors impayés de loyer) et de la protection sociale ; - concernant le contentieux de l'exécution, l'année 2004 est particulière puisqu'apparaissent les affaires de rétablissement personnel au nombre de 10 136. Cette nouvelle procédure provoque une augmentation équivalente du contentieux de l'exécution. On observe par ailleurs une hausse des procédures de recours ou de contestation des décisions des commissions de surendettement (environ 14 200 affaires nouvelles), en prolongation de la tendance observée sur la période. Le nombre d'affaires terminées par les tribunaux d'instance en 2004 ressort à 574 389 dont 500 431 affaires au fond en hausse de 2,2 % par rapport à leur niveau de 2003 et près de 74 000 référés (+ 4,4 %). Cette évolution est dans la lignée de ce qui a été observé depuis 2000, la baisse de 2001 ayant constitué une exception. Malgré cette évolution positive du nombre d'affaires terminées, leur niveau est resté en dessous de celui des affaires nouvelles. Le stock d'affaires restant à traiter au 31 décembre 2004 (460 000 affaires environ) s'est donc accru mécaniquement de 29 500 affaires par rapport à l'année précédente. La durée moyenne de toutes les affaires terminées en 2004 par les tribunaux d'instance s'est établie à 4,7 mois, chiffre équivalent à celui de 2003. Les affaires au fond sont traitées en 5 mois et les référés en 4,4 mois. _ Les juridictions de proximité L'effectif total des juges de proximité en fonction s'élevait à la mi-septembre 2005 à 471 affectés dans 322 juridictions de proximité, soit dans 59,2 % de l'ensemble des juridictions à pourvoir de métropole et des départements d'outre-mer. Ils devraient être près de 500 début 2006. En outre, au 30 juin 2005, on comptait 8 juges de proximité en formation préalable et 82 en formation probatoire. Les statistiques sur l'activité des juridictions de proximité ne seront disponibles qu'au cours de l'année 2006. Néanmoins, des sondages permettent de confirmer que la part de la juridiction de proximité dans le contentieux civil partagé avec le tribunal d'instance est passée de 5 à 20 %. 2. L'activité judiciaire pénale Avec 525 053 condamnations inscrites au Casier judiciaire national, les condamnations prononcées en 2003 remontent de plus de 11 % par rapport à 2002 se rapprochant du niveau atteint avant l'année d'amnistie. La plus forte hausse des condamnations se situe dans les tribunaux de police. Ce sont en effet ces juridictions qui ont été les plus touchées par la loi d'amnistie de 2002 et qui avaient donc connu la baisse la plus marquée l'année précédente. Indifférent aux conséquences de l'amnistie, le nombre de condamnations prononcées par les cours d'assises s'accroît en 2003, tant pour les majeurs (+ 3,1 %) que pour les mineurs (+ 8,3 %). Durant les dix dernières années, la durée moyenne des procédures pénales a été à peu près stable : oscillant entre 10,3 mois et 11,5 mois, elle se situe en 2003 à 10,8 mois. En matière criminelle (toutes juridictions confondues), le délai imputable à l'institution judiciaire a été de 34,8 mois (22,7 mois pour l'instruction et 12,1 mois pour l'audiencement) en hausse par rapport à 2002 (33,8 mois). La possibilité d'interjeter appel des décisions des cours d'assises depuis le 1er janvier 2001 peut avoir entraîné une augmentation de la durée globale, la durée de la procédure en appel s'ajoutant à celle de première instance pour une part non négligeable des affaires. La durée moyenne des procédures délictuelles est quasiment constante depuis 1999 et tourne autour de 11 mois. Les condamnations en matière de stupéfiants sont prononcées après 16,7 mois de procédure du fait d'un recours fréquent à l'instruction. À l'inverse, les infractions de circulation routière et à la police des étrangers sont jugées beaucoup plus rapidement (respectivement 4,8 mois et 5,4 mois) grâce à l'utilisation de modes de comparution rapides. Enfin la durée de traitement des contraventions de 5ème classe a diminué pour s'établir à 8,5 mois en 2003. DURÉE MOYENNE DES PROCÉDURES PÉNALES
_ Le parquet 5 400 554 plaintes, dénonciations et procès-verbaux sont parvenus aux parquets en 2004, en hausse de 1,7 % par rapport à 2003. Cette hausse tient principalement à l'augmentation des affaires avec auteur connu (environ 2 113 000), associée à une très légère baisse des affaires avec auteur inconnu (un peu moins de 3,3 millions). La tendance au gonflement continu de la part des procédures contre auteur inconnu (58 % en 1995, 65 % en 2001 et 2002) semble donc s'interrompre en 2003 (62 %) et en 2004 (61 %). Parmi les procédures traitées par les parquets, certaines n'ont pu donner lieu à poursuites : - en premier lieu et pour une petite partie, l'examen a montré que l'infraction n'était pas constituée, ou que les charges contre les personnes mises en cause étaient insuffisantes, ou encore que des motifs juridiques faisaient obstacle à la poursuite : 401 184 affaires ont été dans ce cas en 2004 (5,2 % de plus qu'en 2003), soit 8 % des affaires traitées ; - en second lieu et en majeure partie, l'auteur de l'infraction n'avait pas été identifié par les services de police ou de gendarmerie : 3 147 897 affaires traitées étaient non élucidées (3 % de moins qu'en 2003), ce qui représentait 63 % des affaires traitées. Déduction faite de ces procédures, 1 455 597 affaires ont été au total susceptibles de recevoir une réponse pénale, soit 29,1 % des affaires traitées par les parquets au cours de l'année. Ce volume, en augmentation de 5,2 % par rapport à 2004, a représenté une part des affaires traitées par les parquets plus élevée qu'en 2003. Globalement, depuis 1997, le nombre d'affaires poursuivables s'est accru régulièrement chaque année. Une réponse pénale a été donnée en 2004 à 74,8 % de ces affaires poursuivables, soit une proportion supérieure de près de trois points à celle de l'année précédente (72,1 %) et de dix points par rapport à 1997. Cette réponse pénale a pris trois formes : la poursuite devant une juridiction de jugement ou d'instruction, la composition pénale ou la mise en œuvre d'une procédure alternative aux poursuites : - 674 522 procédures pénales ont donné lieu à poursuite judiciaire en 2004. Ce chiffre, le plus élevé de la période, est en hausse de 3 % par rapport à 2003. Cependant, la part des poursuites dans la réponse pénale est à nouveau en baisse en 2004 (46,3 %) rejoignant le niveau de 2002 ; - 388 916 affaires poursuivables ont été classées après réussite d'une procédure alternative. Cette forme de réponse judiciaire est en forte progression par rapport à 2003 (+ 18 %). Sa part s'est encore accrue puisqu'elle s'est appliquée à plus de 26 % des affaires poursuivables (23,8 % en 2003 et 19,3 % en 2000) ; - les 25 777 compositions pénales réussies, nouvelle forme de poursuite mise à la disposition des parquets en 2001, constituent le troisième mode de réponse pénale. Cette procédure s'est appliquée à 1,8 % des affaires poursuivables en 2004. Le reste des affaires poursuivables traitées, soit 366 382 affaires (5 % de moins qu'en 2003), n'a fait l'objet d'aucune réponse de la part de l'institution judiciaire : ces affaires ont été classées sans suite pour inopportunité des poursuites. Ce chiffre est le plus faible enregistré depuis 1998. Le taux de classement « sec » s'est établi à 25,2 %. Il a baissé de 2,7 points par rapport à 2003 (27,9 %) ; il tournait autour de 35 % en 1998. Au total, l'année 2004 s'est caractérisée par une augmentation des poursuites judiciaires (+ 3 %) ; par la progression rapide des procédures alternatives réussies (+ 18 %) et des compositions pénales (+ 74 %) ; par la diminution des classements « secs » d'affaires avec auteur connu (- 5 %), le tout appliqué à un volume d'affaires poursuivables en augmentation de 5 %. ORIENTATIONS DES AFFAIRES POURSUIVABLES
_ La Cour de cassation Le volume d'affaires pénales nouvelles soumises à la Cour de cassation a continué à baisser en 2004 (- 2,7 %), prolongeant la tendance observée depuis 2001. Le nombre d'arrêts rendus par la Cour de cassation s'est établi à 8 129 décisions, soit 1,8 % de plus qu'en 2003, première hausse après une baisse de deux années consécutives. Parmi ces décisions, la procédure de filtrage instituée par la loi organique du 25 juin 2001 permet à la Cour de déclarer « non admis » les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation. Depuis 2002, les affaires en non-admission représentent environ la moitié des décisions rendues, et viennent diminuer d'autant les rejets, les irrecevabilités et autres décisions. Les cassations prononcées en matière pénale (419) ont augmenté de 28 % Elles ont représenté 5,2 % des décisions rendues et 10,3 % des seules affaires soumises à la chambre (non-admission exceptée). Pour leur part, les rejets de pourvois représentent près de 53 % des seules affaires admises, les irrecevabilités 5,3 %. _ Les cours d'appel Le nombre d'affaires nouvelles portées devant les chambres des appels correctionnels (51 825) a augmenté en 2004 de 2,7 % par rapport à 2003. Avec 50 993 arrêts rendus, le volume des affaires terminées a en revanche diminué de 2,1 %. Comme il se situe, contrairement à 2003, en dessous de celui des affaires nouvelles, les cours d'appel ont vu s'accroître leur stock d'affaires pénales en cours : avec 28 600 affaires au 31 décembre 2004, ce stock représentait près de 7 mois d'activité. De leur côté, les chambres de l'instruction ont rendu 33 549 arrêts, soit une diminution de 2,7 % par rapport à 2003. Cette évolution confirme celle de 2003 qui renouait avec la tendance à la baisse des années antérieures seulement interrompue en 2002. Le niveau atteint reste néanmoins un des plus élevés de la période. Les arrêts en matière criminelle continuent à diminuer ; les arrêts statuant sur la détention provisoire ou sur le contrôle judiciaire ont baissé de 6 % ; ceux statuant sur appel des décisions des juges d'instruction baissent de près de 4 % ; enfin les arrêts des chambres de l'instruction statuant sur d'autres décisions ont fortement augmenté (+ 24,5 %). _ Les tribunaux correctionnels Le nombre de jugements portant condamnation ou relaxe rendus par les tribunaux correctionnels (397 162) est en légère baisse par rapport à 2003, baisse compensée par plus de 42 000 ordonnances pénales et 1 700 ordonnances d'homologation dans le cadre de la comparaison sur reconnaissance préalable de culpabilité. Si l'on considère l'ensemble de ces décisions, ce sont près de 10 % de jugements supplémentaires en 2004. Cette hausse d'activité est la traduction de l'augmentation du nombre d'affaires transmises par les parquets (+ 13 %), en particulier du fait des infractions routières correctionnalisées en mars 2004. Dans ces jugements : - 481 500 personnes physiques ont été soit condamnées (455 410), soit relaxées (20 634), ce qui aboutit à un taux de relaxe de 4,3 % ; - 1 100 personnes morales ont été soit condamnées (794), soit relaxées (308), ce qui aboutit à un taux de relaxe de près de 30 % très éloigné de celui des personnes physiques ; - 42 000 ordonnances pénales ont condamné 41 725 personnes et relaxé 312, soit un taux de relaxe de 0,7 %. Globalement les condamnations correctionnelles qui frôlent les 500 000 en 2004 ont augmenté de près de 9 % par rapport à 2003. Les autres décisions des tribunaux correctionnels (jugements sur intérêts civils essentiellement) se sont élevées à 45 000, ce qui représente une baisse de 5,6 % par rapport à 2003. _ Les tribunaux de police 11,6 millions de procédures ont été transmises aux officiers du ministère public près le tribunal de police en 2004, soit une baisse de 7,8 % par rapport à 2003. Les amendes forfaitaires impayées constituent l'essentiel de ces procédures. Les classements sans suite ont augmenté de 15,6 %. Avec 1,3 million d'affaires classées, l'année 2004 se situe dans la continuité de 2003 en rupture avec la forte hausse enregistrée au moment de l'amnistie de 2002 (2,4 millions de classements sans suite en 2001 et 2002). De leur côté, les amendes forfaitaires majorées sont passées en dessous de la barre des 10 millions soit une baisse de 7,8 %. Elles ont représenté 89 % des amendes forfaitaires impayées, comme en 2003. Les décisions de poursuite devant les tribunaux de police peuvent difficilement être analysées en 2004 sans y inclure les affaires poursuivies devant les juridictions de proximité. Ainsi, 90 802 affaires ont été transmises aux tribunaux de police et 360 015 aux juridictions de proximité, soit un total de 450 817 affaires à comparer à 543 514 en 2003. La baisse de 13 % s'explique par la correctionnalisation de certaines infractions routières. Pris individuellement, les tribunaux de police ont été destinataires de près de 81 % d'affaires en moins et les juridictions de proximité ont vu leur activité multipliée par 5,3 par rapport à 2003. Corollairement, les contraventions sanctionnées par les tribunaux de police et les juridictions de proximité (572 000 affaires) ont diminué de 20 % en 2004. Les ordonnances pénales ont baissé plus nettement pour les contraventions des quatre premières classes (-25 %), tandis que leur nombre augmentait légèrement pour les contraventions de 5ème classe (+ 2,2 %), dans la tendance observée en 2003. Les jugements ont baissé pour les 4 premières classes (- 20 %), comme pour la 5ème classe (- 16 %). Ces évolutions sont fortement marquées par le transfert aux tribunaux correctionnels de certaines infractions de circulation routière. Toutes procédures et juridictions confondues, les condamnations pour contravention de 5ème classe ont diminué de 7 % en 2004, et celles des quatre premières classes de 25 %. _ Les juridictions de proximité D'après les sondages effectués par la Chancellerie, le contentieux pénal traité par les juridictions de proximité en matière de contraventions représente 80% de la totalité des contraventions relevant de la compétence de ces juridictions et de celles du tribunal de police. Le nombre de juges de proximité délégués pour la validation des compositions pénales ne serait que l'ordre d'une vingtaine. Par ailleurs, 120 tribunaux de grande instance ont fait connaître, à la fin du mois de juillet 2005, que les juges de proximité exerçant dans leur ressort participaient d'ores et déjà ou allaient participer, à compter de la rentrée de septembre 2005, aux audiences correctionnelles collégiales. B. L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES Si la situation du Conseil d'État se stabilise et celle des cours administratives d'appel s'améliore, les contentieux portés devant les tribunaux administratifs se développent dans des proportions préoccupantes. ACTIVITÉ DU CONSEIL D'ÉTAT
Après un fléchissement important des affaires enregistrées en 1996 et 1997, le Conseil d'État a connu une nouvelle augmentation des entrées en 1998 et tout particulièrement en 1999, liée notamment au contentieux des visas et à celui des reconduites à la frontière. De 1999 à 2001, le nombre d'affaires enregistrées est resté à un niveau élevé (plus de 12 000 affaires par an) en raison de l'importance du contentieux des étrangers, puis a nettement diminué en 2002 et 2003, mais cette diminution n'est qu'apparente. En effet, la réforme de la procédure de règlement des questions de compétence à l'intérieur de la juridiction administrative intervenue par décret du 19 avril 2002 et entrée en vigueur au 1er juin 2002 minore le chiffre des entrées 2002 d'environ 1 500 affaires par rapport à l'année précédente. Par ailleurs, si l'année 2001 avait été marquée par le contentieux des élections municipales et cantonales de mars, et par l'entrée en vigueur, au 1er janvier 2001, des dispositions de la loi du 30 juin 2000 relative au référé administratif, l'année 2002, quant à elle, a connu un accroissement de ses entrées de 901 affaires de pensions militaires d'invalidité, du fait de la suppression de la commission spéciale de cassation des pensions par la loi du 17 janvier 2002. En fait, l'année 2002 se caractérise plutôt par une certaine stabilité des entrées. Quant à l'année 2003, compte tenu de la réforme de la procédure de règlement des questions de compétence à l'intérieur de la juridiction administrative et du fait que les affaires de pensions militaires n'apparaissent plus, au titre des entrées, que pour le flux des affaires nouvelles (264), l'apparente diminution du chiffre traduit plutôt une stabilité des entrées par rapport à 2002 et 2001. Par contre, l'année 2004 connaît une très forte augmentation du nombre des pourvois en cassation, due notamment à l'entrée en vigueur, au 1er septembre 2003, du décret du 24 juin 2003, qui prévoit que pour certains litiges de faible importance les tribunaux administratifs statuent désormais en premier et dernier ressort : les jugements correspondants peuvent être contestés non plus par la voie de l'appel devant les cours administratives d'appel, mais par la voie de la cassation devant le Conseil d'État. Les résultats des six premiers mois de l'année 2005 laissent prévoir une stabilisation des entrées, mais celle-ci dissimule deux mouvements. La réforme de l'appel en matière de contentieux contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, entrée en vigueur au 1er janvier 2005, entraîne une diminution des appels portés devant le Conseil d'État. Mais, dans le même temps, le nombre de pourvois introduits contre les arrêts des cours administratives d'appel et les jugements des tribunaux administratifs rendus en premier et dernier ressort augmente de manière importante. Entre 1995 et 2003, le nombre des affaires jugées, maintenu à un niveau de 11 000 à 12 000 affaires par an (sauf en 1998), a permis de faire régulièrement baisser le délai moyen prévisible de jugement des affaires en stock. Même si en 1999 on enregistre un déficit des sorties par rapport aux entrées pour environ 1 300 affaires, on constate qu'entre 2000 et 2001 le nombre des affaires jugées redevient nettement supérieur à celui de l'année précédente, ce qui permet de rééquilibrer le rapport entre les entrées et les sorties. Ce retour à l'équilibre a pu être obtenu grâce aux efforts déployés par le Conseil d'État pour régler, à effectifs constants, un nombre toujours plus élevé d'affaires. En 2002 et 2003, le nombre des affaires jugées a diminué, mais, comme pour les entrées, il faut souligner que ce chiffre est minoré du fait de la réforme de la procédure de règlement des questions de compétences à l'intérieur de la juridiction administrative intervenue par décret du 19 avril 2002. Pour 2004, le nombre d'affaires jugées reste sensiblement au même niveau que l'année précédente. Entre 1995 et 2003, le stock a diminué de moitié. Après une forte diminution de 1995 à 1998, il s'est stabilisé pendant quatre ans au niveau de 10 000 affaires, puis a atteint son plus bas niveau en 2003 ; en 2004, il connaît une sensible augmentation, mais reste néanmoins inférieur à la capacité annuelle de jugement. Par ailleurs, le stock s'est considérablement « rajeuni » car il comprend désormais un moins grand nombre d'affaires anciennes. Le délai moyen prévisible de jugement des affaires en stock, hors les affaires de reconduite à la frontière, a augmenté : il est de 13 mois pour l'année 2004. 2. Les cours administratives d'appel ACTIVITÉ DES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL
Depuis 1992, les cours administratives d'appel ont connu, du fait du transfert échelonné de l'appel des recours pour excès de pouvoir, une progression des entrées sans précédent : le nombre annuel d'affaires enregistrées a triplé entre 1992 et 2000. Il convient d'observer que cette progression, qui s'était déjà ralentie en 2000, s'est pour la première fois inversée en 2001, avec une diminution de 7 % du nombre des entrées. Après deux années de relative stabilité, le nombre d'affaires nouvelles a connu une nouvelle baisse de plus de 8 % pour l'année 2004, pour partie, en raison de la réforme de l'appel issue du décret n°2003-543 du 24 juin 2003, qui prévoit notamment un recours direct en cassation à l'encontre des jugements rendus par les tribunaux administratifs dans certains litiges de faible importance. Toutefois, le transfert du Conseil d'État vers les cours administratives d'appel, à compter du 1er janvier 2005, de l'appel du contentieux des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière entraîne une augmentation sensible du nombre d'affaires nouvelles enregistrées par les juridictions d'appel, que l'on peut déjà constater sur les résultats du 1er semestre 2005. Le volume des affaires traitées a progressé de plus de 224 % entre 1995 et 2004. Après une certaine stabilisation en 2001, il connaît depuis 2002 une forte progression, pour atteindre 19 829 affaires en 2004. Cette amélioration très sensible s'explique notamment par la création des cours administratives d'appel de Marseille en 1997, puis de Douai en 1999. Le 1er septembre 2004, une nouvelle cour administrative d'appel a été installée à Versailles pour permettre d'alléger la charge reposant sur celle de Paris. Pour les cours administratives d'appel, les résultats statistiques de l'année 2004 sont tout à fait encourageants et confirment pleinement le bien-fondé de la démarche engagée par la signature des « contrats d'objectifs » à la fin de l'année 2002. En effet, les objectifs définis pour cette deuxième année d'application des contrats ont à nouveau tous été atteints, voire, pour la plupart, dépassés. En 1996, les cours administratives d'appel ont subi les pleins effets des transferts de compétences en provenance du Conseil d'État. Leur stock d'affaires en instance a ainsi été multiplié par 5 entre 1992 et 1999 et le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock a dépassé les 3 ans en 1997. En 2004, pour la deuxième année consécutive, les juridictions d'appel ont traité plus d'affaires qu'elles n'en ont reçues, permettant ainsi une diminution du stock des affaires en instance. L'accroissement de l'activité des juridictions d'appel se traduit par une amélioration importante du délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock, qui diminue de 7 mois par rapport à celui constaté en 2003. 3. Les tribunaux administratifs ACTIVITÉ DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS
Le nombre annuel d'affaires enregistrées s'est accru de plus de 54 % au cours des dix dernières années. Après une période de progression quasi continue de 1991 à 1998, le nombre d'affaires nouvelles enregistrées devant les tribunaux administratifs s'est stabilisé jusqu'en 2002. Depuis l'année 2003, on constate à nouveau une très forte progression des entrées, liée notamment à l'augmentation du contentieux des étrangers et au contentieux des pensions. En particulier, ce dernier contentieux a augmenté de 175 % en 2003 par rapport à 2002, pour atteindre près de 11 000 requêtes enregistrées dans l'année, en raison des refus systématiques opposés par les administrations, en contradiction avec la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et celle du Conseil d'État, aux fonctionnaires masculins demandant à bénéficier des mêmes avantages en matière de retraite que les fonctionnaires féminins. Le même phénomène peut être observé en 2004. Le nombre d'affaires jugées s'est accru de façon quasi continue de 1994 à 2004. Il est ainsi supérieur de plus de 65 % en 2004 à celui relevé dix ans auparavant. Cette évolution favorable reflète à la fois les effets du renforcement des effectifs de magistrats et l'amélioration de la productivité au sein des juridictions : - pour la première fois sur la période, le ratio des affaires jugées sur les affaires enregistrées a dépassé en 2000 les 100 %, atteignant 105 %, soit une augmentation de 9 points par rapport à 1999 ; - en 2001, la progression du nombre d'affaires réglées s'est réduite à 1,5 %. Les tribunaux administratifs ayant dû parallèlement faire face à une forte reprise des entrées, le ratio des affaires jugées sur les affaires enregistrées a été ramené à 98 % ; - pour l'année 2002, la baisse constatée du nombre d'affaires réglées est due notamment au jugement d'affaires anciennes qui encombraient jusqu'alors les stocks. Néanmoins, en raison de la baisse sensible des entrées, le nombre d'affaires réglées est demeuré supérieur à celui des affaires enregistrées, de telle sorte que le ratio des affaires traitées sur les affaires enregistrées a atteint 106 % ; - depuis l'année 2003, le nombre d'affaires réglées a, de nouveau, fortement progressé, mais dans une proportion moindre que celui des affaires enregistrées. De ce fait, le ratio des affaires traitées sur les affaires enregistrées a connu une baisse sensible, en étant ramené à 92 % pour l'année 2004. Après une relative stabilisation du volume de dossiers en stock en 1999, l'année 2000 a enregistré, pour la première fois, une baisse du stock de près de 4 %, inversant ainsi la tendance observée sur la décennie. Cette évolution favorable ne s'est pas poursuivie en 2001, en raison notamment du volume important du contentieux électoral. Du fait de la baisse sensible des affaires enregistrées, l'année 2002 a permis une diminution du stock équivalente à celle constatée en 2000. Depuis 2003, le déséquilibre constaté entre les affaires enregistrées et les affaires traitées entraîne, par effet mécanique, une nouvelle augmentation des stocks, qui, avec plus de 209 000 affaires en instance au 31 décembre 2004, repasse fortement au-dessus de la barre des 200 000 affaires, et ce malgré une nette augmentation de la productivité des juridictions. De 1993 à 1999, le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock a diminué régulièrement, pour passer de 2 ans et 2 mois à 1 an et 10 mois, alors même que le volume des dossiers en stock continuait à progresser. Cette évolution traduisait l'augmentation de la capacité de jugement des juridictions administratives. Toutefois, depuis 2000, le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock se stabilise autour d'1 an et 6 mois : cette évolution rend compte à la fois de la permanence de l'effort de productivité des juridictions, mais également des limites rencontrées, face à une reprise de l'augmentation du nombre d'affaires enregistrées depuis 2003. L'engorgement des tribunaux administratifs montre qu'il est urgent de revoir certaines procédures. Il faut notamment que les administrations répondent aux demandes qui leur sont faites : en laissant sans réponse les recours adressés par les administrés, les services renvoient sur les tribunaux administratifs des différends qui pourraient être résolus sans recours au juge. Les dispositions législatives relatives au développement des recours préalables n'ont, pour le moment, été appliquées qu'au sein du ministère de la Défense. De même, la procédure de reconduite à la frontière mériterait d'être réexaminée. Le contentieux relatif aux reconduites à la frontière a été multiplié par trois au cours des dernières années, et le stock des dossiers en cours atteint des proportions inégalées dans certains tribunaux administratifs. La multiplication des arrêtés de reconduite par voie postale est à l'origine de cet engorgement, alors même que le taux d'exécution de ces arrêtés est très faible. III. - L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (lolf) modifie le contenu, la procédure d'adoption et les conditions d'exécution du budget. Elle a été votée pour rétablir le sens et la portée de l'autorisation parlementaire et donner au Parlement des nouvelles prérogatives dans la définition et le contrôle des dépenses de l'État. Elle entre en vigueur à compter du budget 2006. Au-delà de la nouvelle présentation des crédits et des emplois, elle se traduit par une évaluation de la performance, une modernisation de la gestion déconcentrée et une maîtrise des frais de justice. A. L'ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE L'activité du ministère de la justice dépend, pour une large part, de la demande sociale : l'augmentation des litiges et de la délinquance s'est traduite par une progression importante du poids de la justice dans les dépenses de l'État. En 2004, le budget du ministère de la justice représentait 1,86 % du budget général, contre 1,46 % en 1994. En dix ans, la part de la justice dans le budget de l'État s'est donc accrue de plus de 27 %. Toute la question est de savoir si cet accroissement a permis de répondre à la demande de nos concitoyens. Il ne suffit pas de constater l'augmentation des crédits, mais il faut en mesurer l'efficacité. C'est tout l'enjeu de la lolf qui offre au Parlement les outils susceptibles de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. La lolf soumet les gestionnaires à une obligation de s'engager sur des objectifs et à rendre compte de leurs résultats. Cette obligation se concrétise, tous les ans et pour chaque programme, par la production de deux documents : - en annexe au projet de loi de finances, un projet annuel de performances comprend une description des engagements du ministre concerné, orientée vers une évaluation pluriannuelle et réalisée à partir des éléments constitutifs du programme (présentation des actions du programme, de leurs coûts, de leurs objectifs et de leurs résultats) ; - en annexe au projet de loi de règlement, un rapport annuel de performances donne un compte rendu de la performance du programme (rappel des objectifs, des résultats attendus, des indicateurs choisis et des coûts prévus et présentation des résultats obtenus et des coûts effectifs). La mise en place de ce dispositif d'évaluation de la performance est l'indispensable contrepartie de la liberté de gestion offerte par la globalisation des crédits. Le cahier des charges adressé aux ministères prévoit une démarche en trois étapes : l'explication des objectifs, la recherche des indicateurs et la définition des cibles de résultats à atteindre. Un guide méthodologique a été élaboré en juin 2004 par le ministère des finances, en collaboration avec les commissions des finances des assemblées parlementaires, la Cour des comptes et le Comité interministériel d'audit des programmes (2). Trois catégories de critères de performance ont été définies : - l'efficacité socio-économique : ce critère appréhende l'impact final des actions sur l'environnement économique ou social. Il permet d'évaluer la pertinence de la politique, et non la performance de sa mise en œuvre. Il est mesuré à partir de données statistiques issues des systèmes de gestion interne ou d'enquêtes ; - la qualité du service rendu à l'usager : ce critère mesure le degré de satisfaction des usagers et le niveau de réalisation d'objectifs de qualité (délais, réactivité, fiabilité ...). Il suppose le suivi de paramètres internes (taux de dysfonctionnement constaté), mais également la réalisation d'enquêtes externes ; - l'efficience de la gestion des ressources : ce critère rapporte les produits des activités de l'État aux moyens consommés, en recourant par exemple au coût unitaire par usager ou à une analyse des écarts entre bénéficiaires. La Chancellerie a choisi de suivre l'utilisation de ses crédits à travers 16 objectifs assortis d'une trentaine d'indicateurs. Par sa part, le Conseil d'État en a retenu respectivement trois et neuf. OBJECTIFS ET INDICATEURS
Source : projet de loi de finances pour 2006 Les objectifs et indicateurs proposés traduisent bien les priorités assignées aux politiques menées par la Chancellerie. Ils sont en outre cohérents avec les quatre grands axes définis par la programmation pluriannuelle : amélioration de l'efficacité de la justice au service des citoyens, adaptation du droit pénal à l'évolution de la délinquance et développement de l'effectivité de la réponse pénale, prévention et traitement de la délinquance des mineurs, amélioration de l'accès des citoyens au droit et à la justice. Notamment, le ministère a pris soin de faire figurer dans le programme « Justice judiciaire » les objectifs de raccourcissement des délais de procédure ou d'exécution des jugements, fixés par la lopj. Les objectifs se répartissent de manière relativement équilibrée entre les trois critères de performance prévus (efficacité socio-économique, qualité du service et efficience de la gestion). L'activité du ministère de la justice sera donc appréciée quantitativement, mais aussi qualitativement. Ainsi, si plusieurs objectifs permettront de mesurer les conditions dans lesquelles les juridictions ont réussi à réduire leurs délais de jugement, le ministère prévoit également des objectifs mesurant la qualité de l'activité juridictionnelle, afin de vérifier que la réduction des délais ne se réalise pas au détriment de la qualité des décisions rendues. Cependant, le dispositif de mesure de la performance proposé par le ministère de la justice reste, pour une large part, à construire. Beaucoup d'indicateurs ne sont pas encore disponibles, et ils ne pourront être opérationnels que dans plusieurs années. La mesure de la performance sera donc mise en place très progressivement, et exigera une adaptation lourde des systèmes d'information existants. Le rapport d'audit remis en juin 2004 au Comité interministériel d'audit des programmes relève le manque de fiabilité des statistiques actuellement produites par le ministère de la justice : « Les logiciels utilisés pour suivre l'activité des juridictions se caractérisent par leur diversité et, en matière pénale, par leur vétusté. De nombreux indicateurs nécessitent encore des comptages manuels par les juridictions et les services de la statistique de l'administration centrale (...). Par ailleurs, les informations ne sont pas toujours recueillies selon un modèle normalisé permettant les comparaisons (...). Enfin, les logiciels disponibles ne permettent pas d'obtenir rapidement des informations sur l'activité des juridictions. Un délai de 18 mois à 2 ans est nécessaire pour en disposer » (3). Consciente de cette situation, la Chancellerie a prévu de développer un nouveau logiciel, dénommé cassiopée, qui vise à améliorer le suivi de l'activité pénale des juridictions. B. LA MODERNISATION DE LA GESTION DÉCONCENTRÉE Comment les programmes seront-ils déclinés sur le terrain ? Définies au niveau national, les politiques sont mises en œuvre par des services centraux, des administrations déconcentrées ou des établissements publics. La réussite de la réforme repose sur les modalités de déclinaison des autorisations de dépense données par la loi de finances. Il ne servirait à rien de définir des programmes si la souplesse de gestion créée au niveau national ne devait pas se répercuter au niveau des gestionnaires locaux. Il est donc essentiel de garantir la fongibilité des enveloppes qui seront déléguées aux acteurs chargés de mettre en œuvre les programmes. À cette fin, il est prévu de décliner les programmes, au niveau des services ou des opérateurs chargés de les mettre en œuvre, en « budgets opérationnels de programme » (bop). Ces budgets constitueront le cadre dans lequel s'exercera, sur le terrain, la fongibilité des crédits. Ils ont vocation à décliner les enveloppes définies au niveau national, en tenant compte des spécificités et des priorités locales. Les budgets opérationnels de programme Rattaché à un seul programme, un budget opérationnel de programme (bop) est structuré autour de deux volets indissociables : d'une part les actions composant le programme considéré et les crédits qui les financent, d'autre part les objectifs et les indicateurs qui en mesurent les résultats. Chaque bop présentera une programmation des actions et des moyens par type de dépenses (plan annuel de gestion des effectifs, répartition des dispositifs d'intervention, programmation des équipements). Après son approbation par le « pilote » central, le bop serait soumis au visa du contrôleur financier qui vérifiera notamment l'inscription des dépenses inéluctables. Afin d'alléger les mises à disposition des crédits, l'approbation du bop pourrait valoir notification. La confection des budgets opérationnels suppose de choisir le niveau d'exécution des programmes le plus adéquat : gestion de la dépense à l'échelon central, délégation à l'échelon déconcentré ou transfert de la mise en œuvre de la politique considérée à un démembrement de l'État (établissement public ou organisme assimilé). Le ministère de la justice a choisi d'appuyer l'architecture de ses bop sur l'organisation fonctionnelle et territoriale existante, dans la mesure où le mouvement de globalisation et de déconcentration des crédits est largement initié depuis 1992 (s'agissant des services judiciaires, la quasi-totalité des crédits de fonctionnement est aujourd'hui déconcentrée). Ainsi, le programme « Justice judiciaire » sera décliné en budgets opérationnels à plusieurs niveaux. Au niveau central, des budgets opérationnels pourront être constitués auprès de structures en charge d'actions identifiées (Cour de cassation, casier judiciaire national ...), l'École nationale de la magistrature, établissement public, recevant pour sa part une dotation de fonctionnement inscrite au titre III du programme. Au niveau régional, les budgets opérationnels seront constitués à l'échelon de chaque cour d'appel, sous la responsabilité conjointe du premier président et du procureur général. Le responsable de ce programme aura à développer les outils de dialogue de gestion avec les acteurs opérationnels. Ont ainsi été mises en place des conférences budgétaires dans le ressort de chaque cour d'appel pour la répartition des moyens des arrondissements judiciaires, ainsi que des conférences entre la direction des services judiciaires et les chefs de cour. Désormais ordonnateurs secondaires des crédits déconcentrés du programme « Justice judiciaire », les chefs de cour auront ainsi l'opportunité de mieux utiliser les fonds publics au bénéfice des justiciables. À cette fin, les services d'administration régionaux (sar) seront renforcés. Comme l'a annoncé le garde des Sceaux, le 14 septembre dernier, devant l'ensemble des chefs de cour, trois mesures sont prévues : - le sar deviendra un service autonome, avec une existence consacrée par décret. Ce service sera sous l'autorité directe des chefs de cour ; - le chef de sar s'appellera désormais directeur délégué à l'administration judiciaire, avec un effectif et un budget qui lui seront propres ; - l'emploi du chef de sar fera l'objet d'un repyramidage afin de donner des perspectives de carrière concrètes à ceux qui l'occupent. Dès 2006, la très grande majorité des postes de coordonnateurs seront reclassés en emplois fonctionnels hors hiérarchie quand ils ne le sont pas déjà. La plupart de leurs collaborateurs pourront accéder directement au premier grade et pourront ainsi poursuivre leur carrière à l'intérieur du sar. Le programme « Accès au droit et à la justice », composé de trois actions distinctes, ne dispose pas d'organisation territoriale propre. Il s'appuie sur le réseau des services judiciaires à titre principal, et de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'administration pénitentiaire à titre complémentaire. Un bop central comprendra les crédits d'intervention pour les opérations de portée nationale, les subventions versées, après ordonnancement, aux carpa et les dépenses de personnel du service central. Sous la responsabilité des chefs de cour d'appel, 35 bop déconcentrés couvriront les crédits d'aide juridictionnelle jusqu'à présent payés sans ordonnancement par les trésoreries générales, ainsi que les autres crédits d'intervention et de personnel. S'agissant du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés », des budgets opérationnels pourraient être ouverts, au niveau central, pour les fonctions bien identifiées. Par exemple, pourraient bénéficier d'un bop les responsables de chacune des activités normatives (direction des affaires civiles et du sceau, direction des affaires criminelles et des grâces, service des affaires européennes et internationales), le responsable du groupement d'intérêt public chargé des actions de recherche, et l'inspection générale des services judiciaires. L'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice, établissement public, recevra pour sa part une dotation de fonctionnement inscrite sur le titre III de ce programme. Pour sa part, le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » ne comprendra qu'un seul bop, lui-même subdivisé en 98 unités opérationnelles, à raison d'une unité opérationnelle par juridiction. Ce bop sera administré par le secrétaire général du Conseil d'État qui déléguera à chaque président, ordonnateur secondaire, un budget de fonctionnement en contrepartie d'objectifs à atteindre qui auront été préalablement définis lors d'un dialogue de gestion. C. LA MAÎTRISE DES FRAIS DE JUSTICE En 2000, la dépense en matière de frais de justice s'est élevée à 283 millions d'euros. En 2004, elle atteint 419,06 millions d'euros, soit en quatre ans, une évolution de près de 48 %. Cette forte progression est principalement due à l'évolution des frais de justice criminelle. Alors même que ceux-ci représentaient 69 % de l'ensemble des frais de justice en 2000, ils constituent en 2004, près de 76 % de la dépense. Après un doublement entre 1988 et 1995, les frais de justice pénale ont progressé à un rythme plus contenu jusqu'en 2001 (+ 6 % en 2000 et + 2,4 % en 2001). Au contraire, une forte accélération a marqué les années 2002 (+ 13,3 %), 2003 (+ 21,2 %) et 2004 (27,1 %). L'année 2005 n'est pas une année significative, compte tenu de la suppression dès 2006 du caractère évaluatif de ces crédits dans le cadre de la lolf. La forte augmentation de la dépense des frais de justice des dernières années trouve avant tout sa cause dans un ensemble de facteurs objectifs. De manière générale, le contexte semble actuellement peu favorable à une réduction des frais de justice, la société attendant de la justice qu'elle mette en œuvre tous les moyens à sa disposition pour la manifestation de la vérité. Conséquence directe de cette attente vis-à-vis du service public de la justice, plusieurs réformes successives en matière pénale ont imposé de nouvelles procédures qui génèrent des frais de justice et induisent par là même des dépenses nouvelles. Ainsi, la forte évolution des dépenses de frais de justice, amorcée à partir de l'année 2002, fait suite à un train de réformes législatives et réglementaires important : - la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes a institué une voie de recours en matière criminelle (impact sur l'indemnisation des jurés), des mesures d'investigation sur les conséquences de l'infraction pour les victimes (impact sur les frais d'examens médicaux et les frais d'expertises psychologiques), une indemnisation des personnes mises en détention dans les procédures qui se sont terminées par un non lieu, une relaxe, un acquittement et une indemnisation des frais exposés y compris en l'absence de détention provisoire ; - la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne a créé l'Institut national de la police scientifique, établissement public doté de la personnalité juridique. Cet établissement regroupe un ensemble de laboratoires publics qui jusqu'à ce jour ne facturaient pas leurs travaux aux juridictions, moyennant le versement au ministère de l'intérieur par le ministère de la justice d'une indemnité annuelle de 915 000 euros. Dorénavant, les réquisitions des juridictions donneront lieu à une facturation au coût réel ; - la loi du 3 février 2003 relative à la conduite sous l'influence des stupéfiants a multiplié le nombre des dépistages, en créant les contrôles dits aléatoires (impact sur les examens médicaux, les analyses biologiques et les examens toxicologiques) ; - la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure a étendu les infractions donnant lieu à inscription au fichier national automatisé des empreintes génétiques (impact sur les expertises biologiques) ; - la loi du 9 mars 2004 portant adaptation des moyens de la justice aux évolutions de la criminalité a eu un impact sur les frais postaux, les frais d'enquêtes rapides, les frais liés aux infiltrations. La forte augmentation de la dépense s'explique également par le coût lié au développement des nouvelles technologies sur lesquelles s'appuient les méthodes de recherche de la vérité. Une telle évolution constitue, en effet, la contrepartie de la recherche de la preuve scientifique en matière pénale. Elle est particulièrement significative pour ce qui concerne deux types de dépenses en très forte progression : les frais de réquisitions téléphoniques et les frais criminels d'expertises médicales (par exemple génétiques). De fait en 2004, ces deux blocs constituent à eux seuls plus de la moitié de la dépense des frais de justice criminelle. Par ailleurs, les dépenses d'interprètes et de traduction augmentent également de manière très importante, ce qui s'explique par le nombre croissant de procédures impliquant des étrangers (+ 116 % pour les dépenses d'interprétariat entre 2000 et 2004). Enfin, il est aussi intéressant de noter que cette augmentation n'est pas sans lien avec celle constatée dans le domaine des réquisitions téléphoniques. En effet, des interceptions de conversation en langue étrangère appellent à une traduction. Face à cette explosion des frais de justice, la Chancellerie a mis en place un plan de maîtrise des dépenses fondé sur des nouvelles règles de gestion. La lolf n'a pas simplement pour conséquence de rendre limitatifs les crédits ouverts au titre des frais de justice. En disposant que tous les crédits sont constitués d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, elle impose que soit tenue une comptabilité des engagements juridiques et que soit mis en place un circuit de paiement de ces dépenses jusqu'à présent payées sans ordonnancement. À cette fin, un système informatisé de prise en compte des prescriptions au moment où elles sont ordonnées a été développé par la cour d'appel de Lyon, dans le cadre d'une maîtrise d'ouvrage déléguée, et sera mis en place dans l'ensemble des cours d'appel avant la fin de l'année. Un circuit de la dépense plus sophistiqué pourra être installé lorsqu'en 2007 l'application cassiopée, qui a vocation à remplacer les applications pénales nationales et celles d'initiative locales, permettra une prise en compte nominative des engagements de frais de justice au moment de la prescription, du retour du mémoire après réalisation de celui-ci et après paiement. Au niveau de l'administration centrale, le plan de maîtrise des dépenses se caractérise par : - la mise en place d'une organisation centralisée avec la création d'une mission frais de justice fédérant l'activité actuelle de plusieurs services localisés dans plusieurs directions. Placé sous l'autorité du secrétaire général du ministère de la justice, ce service aura pour mission de déterminer et de conduire l'ensemble des actions menées par les directions dans le domaine des frais de justice ; - la création de la délégation interministérielle aux interceptions judiciaires (diij), proposée par le Garde des Sceaux à la suite des conclusions du rapport Hirel sur l'organisation des interceptions de communications électroniques. Cette nouvelle structure permettra à l'autorité judiciaire et aux services de police de disposer de moyens d'enquête les plus performants et de clarifier les modes de calcul des sommes versées aux opérateurs de téléphonie en contrepartie du respect par ceux-ci de leurs obligations. D'ores et déjà des actions significatives peuvent être mises en exergue. En ce qui concerne la téléphonie (60 à 70 millions d'euros par an), on constate une diminution des frais de justice afférents aux interceptions téléphoniques, ainsi que du coût unitaire de ces interceptions, à travers notamment des négociations commerciales avec les opérateurs et les loueurs de matériels d'enregistrement d'écoutes téléphoniques. Un référentiel de prestations communes sera diffusé avant la fin de l'année 2005. Pour les empreintes génétiques (25 à 25 millions d'euros par an), ce domaine est caractérisé par la disparité du coût des analyses. Un référentiel est en cours d'élaboration pour tendre vers l'unification des tarifs dont le coût de la prestation peut varier du simple au double, voire au triple (entre 100 et 350 euros). La Chancellerie a ainsi obtenu auprès d'un laboratoire l'analyse de 40 000 empreintes pour un coût unitaire de 80 euros. S'agissant des frais de gardiennage (20 millions d'euros par an), l'application cassiopée intégrera un logiciel qui permettra d'apprécier en temps réel l'évolution de ces mesures et leur nécessité. Au niveau des juridictions, les règles de gestion doivent évoluer pour une réelle prise en compte du coût dans l'opportunité de la mesure à prendre. Cette modification de comportement passera par une responsabilisation et une formation pointue des acteurs, tant pour la formation initiale à l'École nationale de la magistrature et à l'École nationale des greffes que pour la formation continue, ainsi que par la mise en place d'un « référent frais de justice » dans chaque juridiction qui aura la double tâche s'assurer le suivi mensuel de la consommation des enveloppes de frais de justice et d'exploiter ce suivi en relevant les éventuelles anomalies constatées. * * * La Commission a procédé à l'audition de M. Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur les crédits de la mission « justice » pour 2006. Le Président Philippe Houillon a exprimé au garde des Sceaux sa satisfaction d'accueillir, à l'occasion de la présentation du budget de la justice, celui qui fut pendant trois ans président de la Commission des lois. Il a observé qu'il convenait désormais de parler plutôt de « missions » que de budget, puisque, aux termes de la loi organique du 1er août 2001, les crédits ouverts par la loi de finances sont regroupés par missions relevant d'un ou de plusieurs ministères. En l'occurrence, une mission intitulée « Justice », qui regroupe cinq programmes, correspond au ministère du même nom. Puis il a demandé quelles seraient les incidences immédiates de la mise en œuvre de la lolf sur le ministère de la justice, s'agissant, d'une part, de la poursuite de la loi d'orientation et de programmation pour la justice (lopj), d'autre part, des frais de justice, sachant que la lolf ne reconnaît plus un caractère évaluatif aux crédits concernés, qui relèvent désormais de la catégorie des crédits limitatifs. M. Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la justice, a introduit son exposé en observant que le budget de la justice pour 2006 était un bon budget puisque, après avoir augmenté de 4 % l'an dernier, il augmente de 4,6 % cette année - alors même que le budget de l'État ne croît, pour sa part, que de 1,8 %. Ainsi, la justice, qui représentait 1,8 % du budget de l'État l'an dernier, représente 2,13 % de celui-ci cette année. La modernisation de la justice est un des grands chantiers de la législature. Son objectif est de mieux garantir les libertés et mieux assurer la sécurité des Français. Pour cela, la justice a nécessité le plan de rattrapage prévu par la loi d'orientation et de programmation (lopj). Elle a également besoin d'être plus performante et mieux organisée. La mission « Justice » est organisée en cinq programmes : « Accès au droit et aide aux victimes », « Justice judiciaire », « Protection judiciaire de la jeunesse », « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés », « Administration pénitentiaire ». Ces programmes se décomposent en 27 actions, accompagnées de 53 indicateurs de résultats. L'un des enjeux majeurs du passage à la lolf, est la transformation des crédits évaluatifs en crédits limitatifs. En effet, les crédits évaluatifs étaient nombreux et concernaient : les frais de justice, (370 millions d'euros) ; l'aide juridictionnelle, (304 millions) ; la santé des détenus, (83 millions) ; la dotation au secteur associatif et protection judiciaire de la jeunesse, (266 millions). Au total, près de 20 % des crédits « justice » seront concernés. Cette obligation de maîtriser les frais de justice est une chance. Ces dépenses n'étaient pas connues, elles étaient subies. Pour autant, il n'est pas question de rendre la justice moins efficace, ou de limiter, pour des questions budgétaires, les investigations des magistrats et des policiers. La bonne gestion financière n'est pas contraire à l'efficacité et la justice, comme le reste de l'État, doit se moderniser. Il ne s'agit donc nullement d'empêcher les magistrats de faire leur travail, mais de trouver les ressources nécessaires au fonctionnement de la justice de demain. Avant la lolf, la justice pâtissait de l'absence de « cercle vertueux ». L'augmentation de l'activité des juridictions et l'utilisation des nouvelles technologies, qui améliorent la qualité de la justice rendue, concouraient à la croissance des frais de justice qui ont progressé de 20 % par an depuis 2001, pour atteindre 420 millions d'euros en 2004 et 490 millions en 2005. Pour autant, 370 millions d'euros sont consacrés cette année aux frais de justice. Cette baisse se justifie par la volonté de mettre fin aux tarifs abusifs qui étaient imposés sans discussion par des prestataires, en l'absence de mise en concurrence sur certains frais, alors même que le système comptable déresponsabilisait les acteurs publics. Le garde des Sceaux a ensuite indiqué qu'un plan d'accompagnement serait mis en place au niveau de la Chancellerie et dans les juridictions afin de mieux connaître la dépense affectée aux frais de justice, de diffuser l'information sur le coût de chaque décision auprès de chaque acteur, d'adapter ou de prendre les textes réglementaires de tarification idoines, de rendre les procédures plus opérationnelles. Ainsi n'est-il pas indispensable d'exiger des opérateurs téléphoniques une facture par écoute, alors qu'un récapitulatif mensuel pourrait suffire. Les 370 millions d'euros prévus pour 2006 seront répartis par le chef de programme entre les juridictions, qui disposeront chacune d'une enveloppe globale incluant les frais de justice. Au-delà des crédits inscrits pour la mission « Justice », le Premier ministre a autorisé l'imputation de 50 millions d'euros de dépenses de frais de justice, en cas de dépenses exceptionnelles, sur la dotation « dépenses accidentelles et imprévisibles » de la mission « provisions ». Le garde des Sceaux a précisé qu'il avait demandé à tous les responsables de son ministère de s'interroger sur la finalité de leurs dépenses par rapport à leurs objectifs, de simplifier les dispositifs administratifs pour éviter de générer des coûts, et de renégocier tous les tarifs en fonction des coûts proposés par les sociétés requises dans le cadre des procédures judiciaires et de les mettre en concurrence. Il faut dépenser moins, et mieux. Les économies liées à la mise en œuvre de ce plan d'accompagnement sont estimées à hauteur de 62 millions, soit une réduction de 14 % du coût total des frais de justice. D'ores et déjà, en matière d'empreintes génétiques, une première mise en concurrence réalisée cet été a permis de passer d'un tarif moyen par analyse de plus de 150 euros à 85 euros, soit une économie de 3 millions d'euros. En matière de location de matériel d'écoutes, des réductions de l'ordre de 15 %, soit 3,5 millions d'euros, ont été obtenues. En matière d'écoutes téléphoniques, dès l'année prochaine, il est prévu de faire une économie de 3 millions d'euros en installant des lignes permanentes dans les services de police et de gendarmerie, au lieu de recourir à l'installation de lignes provisoires. Pour les renseignements demandés aux opérateurs, les demandes sont désormais tarifées. Les renseignements déjà en possession de l'opérateur seront facturés à 2,13 euros, et les demandes plus complexes le seront à 20 euros, contre une somme forfaitaire de 9 euros aujourd'hui - soit un gain estimé de l'ordre de 17 millions. Ainsi, l'objectif est à présent atteint à plus de 40 % et l'effort sera poursuivi. Parallèlement à cette démarche, la déconcentration se met en place au niveau régional. La déconcentration de la gestion auprès des chefs de cour et des directeurs généraux de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse s'inscrit dans l'esprit de la lolf. Les crédits déconcentrés seront plus librement gérés par les responsables publics. Les chefs de cour seront, à compter du 1er janvier 2006, ordonnateurs conjoints. Le circuit de la dépense sera raccourci puisqu'il ne passera plus par les préfets. Les chefs de cour seront directement responsables de l'ordonnancement de leurs dépenses. Ils seront passibles, à ce titre, de la Cour de discipline budgétaire et financière. La lolf confère en outre la qualité d'ordonnateurs aux chefs de cour. Cette fonction était précédemment assurée par le préfet. Les chefs de cour auront dorénavant la pleine capacité de décision de l'emploi des crédits mis à leur disposition. En tant que responsables des bop - budgets opérationnels de programme - ils assumeront la responsabilité de leur gestion devant le responsable de programme et devant le ministre, responsable de la mission « Justice ». Et le ministre rendra compte au Parlement de cette gestion. Les expérimentations menées en 2004, permettent de constater la réaction positive des responsables locaux à ces nouvelles règles de gestion : plus autonomes dans leurs décisions, ils sont plus responsables. Ainsi la lolf est-elle un outil moteur de la responsabilisation des échelons déconcentrés de la justice. Le garde des Sceaux a ensuite considéré que le changement de méthode du suivi des effectifs était l'un des aspects les plus nouveaux de ce budget. Avant la lolf on comptabilisait les créations de postes budgétaires sans rendre compte des recrutements effectifs dans les juridictions ou les services de la justice. Dans le cadre du plf 2006, la notion de poste budgétaire a été remplacée par celle d'« équivalent temps plein travaillé » (etpt). Le plafond d'emploi a été fixé pour la justice à 71 475 etpt. L'application de cette méthode de décompte aux personnes effectivement présentes et rémunérées par le ministère de la justice montre que celui-ci emploie aujourd'hui 66 535 etpt. Le ministère dispose d'une marge théorique de recrutement d'environ 4 900 etpt entre les agents effectivement présents aujourd'hui et le plafond d'emplois accordé. Grâce aux capacités de redéploiement des effectifs, il sera possible de combler les vacances et d'affecter des personnels à de nouvelles missions prioritaires, comme l'exécution des peines. Pour atteindre cet objectif, il sera nécessaire d'établir, au niveau de chaque cour d'appel et de chaque direction régionale de l'administration pénitentiaire ou de la protection judiciaire de la jeunesse, une carte des emplois adaptée aux besoins de la justice. Dans ces conditions, toute comparaison avec les années précédentes en matière de création de postes n'aurait aucun sens. Ce qui compte pour les juridictions et les justiciables, c'est le nombre de magistrats et d'agents publics réellement présents sur le terrain. La lolf est l'occasion d'une gestion des personnels plus ambitieuse. Il ne faut pas se contenter de constater un poste vacant. L'objectif, à terme, est la saturation des postes ouverts en utilisant au maximum les capacités de formation des écoles. Cette politique de recrutement sera également favorisée par la déconcentration des embauches mise en œuvre dans le cadre de la lolf. En 2006, il ne s'agira pas d'embaucher de nombreux fonctionnaires supplémentaires, mais d'affecter ponctuellement des ressources dans les juridictions en fonction des besoins. Le garde des Sceaux a ensuite défini les axes politiques du budget de la justice. La répartition des crédits s'organise autour de trois grandes priorités : garantir les libertés et améliorer la vie quotidienne des Français dans leurs relations avec la justice ; garantir la sécurité des Français ; assurer une deuxième chance à ceux qui sont suivis par les services du ministère de la justice. Le budget de l'aide aux victimes connaît une forte progression, de l'ordre de 12 %, et s'élèvera en 2006 à 9,2 millions d'euros. Mais la défense des libertés passe aussi par le renforcement très significatif du budget de la cnil. Près de 9 millions lui sont attribués, soit une hausse de 26 %. La justice est un service public de proximité. L'objectif est qu'elle soit plus facile d'accès et que ses délais soient les plus brefs possible. Le budget des juridictions judiciaires représente 42 % du budget de la justice. Il bénéficie de 2,5 milliards d'euros, soit une augmentation, à périmètre constant, de 8 %. La réduction des délais de la justice nécessite un renforcement des personnels en juridiction. En 2006, 651 fonctionnaires de greffe et 279 magistrats rejoindront les juridictions pour rendre la justice plus rapide et plus efficace. Des personnels administratifs viendront compléter ces recrutements afin d'utiliser au mieux les etpt accordés au ministère. Pour garantir la sécurité des Français et des personnels du ministère, il conviendra d'accompagner la création des bureaux d'exécution des peines. Il faudra améliorer le recouvrement des amendes pénales, non seulement en raison de l'intérêt financier de ces décisions pour l'État, mais surtout pour faire en sorte que les décisions des juges soient effectivement exécutées. L'administration pénitentiaire aura également un rôle primordial pour la sécurité des Français. Près de 35 millions d'euros supplémentaires seront affectés à la modernisation des établissements et à la politique d'aménagement des peines. Afin de lutter efficacement contre la surpopulation carcérale, les programmes de construction de nouveaux établissements se poursuivent. 932 millions d'euros en autorisations d'engagements sont destinés à la construction de dix établissements pénitentiaires pour majeurs, dont un à la Réunion, et de sept établissements pénitentiaires pour mineurs, certains devant être réalisés sous la forme d'un partenariat public-privé. Le renforcement de la sécurité des juridictions est un sujet sensible, qui se traduit par une augmentation de 4 millions d'euros par rapport à 2005. Il s'élèvera ainsi à près de 12 millions d'euros. L'utilisation de la réserve de la gendarmerie et de la police sera possible et la création d'une réserve pénitentiaire a été mise à l'étude. Il faut enfin garantir une deuxième chance à ceux qui sont suivis par les services du ministère de la justice. Tant les mineurs suivis par la pjj que les détenus ayant purgé leur peine ont vocation à se réinsérer dans la société et à mener une vie normale. Pour les mineurs, il est prévu de poursuivre la mise en place des centres éducatifs fermés - 18 à la fin de l'année 2005 et 13 autres en 2006 - et des centres éducatifs renforcés - 80 aujourd'hui. L'objectif est d'individualiser le suivi des mineurs les plus difficiles. Enfin, un réseau de parrainage de jeunes par des membres de la société civile sera mis en place. Pour favoriser la réinsertion des détenus, la création d'emplois de travailleurs sociaux sera poursuivie. 290 seront formés par l'École nationale d'administration pénitentiaire, qui sera ainsi au maximum de sa capacité de formation en ce domaine. Depuis 2002, plus de 700 emplois de travailleurs sociaux ont été créés dans les services d'insertion et de probation, et leur effectif atteint désormais à 2 500 agents. Pour éviter les récidives, les mesures alternatives à l'incarcération et la préparation à la sortie constituent des priorités du programme pénitentiaire. D'ores et déjà, on peut constater l'augmentation sensible des mesures d'aménagement de peine en 2004 et 2005 alors que, depuis dix ans, elles étaient en stagnation. La justice est donc bien l'un des quatre budgets prioritaires de l'État et elle se réforme pour être plus efficace. M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis pour la justice judiciaire, l'accès au droit et la politique de la justice, a relevé de nombreux points positifs, dans le propos liminaire du ministre. Le plan de maîtrise des frais de justice permettra de réduire les dépenses, notamment par la mise en concurrence en matière de téléphonie mobile ou de recherche d'empreintes génétiques. Les chefs de cour deviendront ordonnateurs des dépenses et seront dispensés de passer par les préfets, ce qui ne peut qu'accroître leur indépendance et les responsabiliser. Des efforts sans précédent seront consentis dans le domaine de la construction et de la rénovation des palais de justice. Il a ajouté que la nouvelle présentation des crédits offrait de nombreux avantages, mais qu'elle déstabilisait aussi certains magistrats, greffiers et personnels de justice et qu'ainsi, un effort de communication s'impose. Certaines questions se posent de manière récurrente, à commencer par les primes modulables. Celles-ci bénéficient aux magistrats mais pas aux fonctionnaires des services judiciaires, notamment à ceux du greffe qui contribuent pourtant activement, par exemple, aux affaires d'instruction. Un certain malaise s'est ainsi installé entre les juges d'instruction et les greffiers. En outre, si les primes des magistrats ont été sensiblement revalorisées, cet effort n'a pas bénéficié, dans les mêmes proportions, aux fonctionnaires des services judiciaires, et notamment aux agents de catégorie C, qui sont très nombreux dans les juridictions. Puis le rapporteur pour avis a souhaité connaître l'état d'avancement du projet de création d'un corps de greffiers rédacteurs. Cette réforme donnerait en effet aux greffiers des perspectives de carrière et permettrait aux magistrats de se recentrer sur leurs missions. Il s'est ensuite inquiété de l'insécurité qui règne dans les tribunaux. Tout en estimant opportun que des moyens supplémentaires soient ouverts en ce domaine, il a pointé certaines incohérences, des tribunaux disposant de portiques sans personnel pour assurer la surveillance. Au-delà des conditions de sécurité des juridictions, le malaise tient à une agressivité latente et à une attitude de refus, de la part de certains prévenus, face aux décisions de justice. Le rapporteur pour avis a, enfin, appelé l'attention du garde des Sceaux sur la progression inquiétante du contentieux administratif même si le budget des juridictions administratives échappe désormais au ministère de la justice, et l'a interrogé sur le rythme d'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la justice en souhaitant savoir si les prévisions initiales pourront être respectées. M. Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la justice, a insisté sur le fait que la maîtrise des frais de justice ne mettait pas en cause la liberté de décision des juges ou de la police. Il s'agit simplement de responsabiliser les donneurs d'ordre en termes de concurrence, de rapport qualité-prix - comme chacun le fait dans sa vie personnelle. Il n'est pas question de mettre en péril toutes les décisions d'expertise, ni toutes les décisions d'écoutes. Il a souhaité rassurer ceux qui auraient cru voir une atteinte, via le budget ou via la lolf, à l'indépendance de la justice et regretté que la question du coût ne se soit jamais posée jusqu'alors. Or, avec une progression de 20 % annuels, persister à ne pas se poser cette question eût été irresponsable. Les frais de justice seront financés sur le budget des juridictions. Ces dernières ayant de nombreux besoins, elles auront intérêt à bien gérer leurs frais de justice. Une bonne gestion porte toujours ses fruits, et c'est là l'intérêt de la lolf et de la déconcentration des crédits. Auparavant, il était de l'intérêt des gestionnaires de dépenser l'intégralité du budget prévu pour éviter de recevoir moins l'année suivante. La lolf permettra d'accomplir des progrès importants, le fait que les chefs de cour deviennent ordonnateurs, à la place des préfets, constituant une révolution. Il est exact que les greffiers ne bénéficient pas des primes modulables, alors qu'ils ont souvent des horaires exigeants. Toutefois, des primes complémentaires sont prévues pour les greffiers du tgi de Paris et les greffiers exerçant par intérim la fonction de greffier en chef pendant plus de deux mois mais il est souhaitable que les greffiers, et notamment ceux des juridictions d'instruction, soient davantage intéressés en fonction de leur charge de travail. Il convient d'ailleurs de se féliciter de l'accroissement du rôle des greffiers. Leur durée de formation a été allongée de six mois, ce qui a causé au demeurant un certain déséquilibre dans les juridictions en 2005 et 2006. Les greffiers sont à même de participer à une équipe, de faire des recherches, de tenir un bureau d'exécution des peines. Ce sont des assistants particulièrement précieux pour les magistrats. Le garde des Sceaux a ensuite rappelé que 9,5 millions d'euros sont prévus pour renforcer la sécurité des juridictions, contre 7 millions d'euros ouverts l'année dernière. Les drames survenus récemment imposent en effet de prévoir des moyens supplémentaires. Mais les tribunaux de grande instance, notamment, sont des lieux ouverts au public, et il n'est pas question de transformer la salle des pas perdus en désert. Lorsque des portiques seront installés, les personnels nécessaires à leur fonctionnement seront affectés en conséquence. Il a enfin rappelé que les quinze mesures préconisées par le procureur général de la République de Rouen, M. Hubert Montagné, pour renforcer la sécurité des tribunaux sont toutes en cours de déploiement et que le projet de création d'une réserve pénitentiaire allait être expérimenté. Mme Michèle Tabarot, rapporteure pour avis pour l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse, a considéré, s'inscrivant dans la suite du propos de M. Jean-Paul Garraud concernant la lolf, que l'année prochaine, les modalités de mise en œuvre du budget seront beaucoup plus claires pour la plupart des personnels. Elle a ensuite interrogé le garde des Sceaux sur la sécurité des établissements pénitentiaires. L'évasion spectaculaire de prévenus de la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône a prouvé une nouvelle fois que le renforcement de la sécurité était une obligation permanente et demandait une adaptation constante des moyens. Elle a demandé quelles seraient les mesures prises pour améliorer la sécurité des personnels et celle des établissements pénitentiaires ayant la garde des détenus les plus dangereux. Puis elle a interrogé le garde des Sceaux sur la politique de maintien des liens familiaux des personnes incarcérées. Rappelant qu'à l'occasion de son déplacement au centre de détention pour femmes de Rennes elle avait visité une unité expérimentale de vie familiale (uevf) dont les enseignements semblent positifs, elle a demandé s'il était prévu de généraliser de telles structures. Concernant les centres éducatifs fermés, elle a estimé qu'il serait souhaitable de procéder à un bilan de leur action. En effet, depuis deux ans, le nombre des mineurs incarcérés ne cesse de diminuer alors même que la délinquance des mineurs demeure importante. Elle a demandé au ministre quelle était son analyse de cette situation et si, selon lui, les cef avaient donné les résultats escomptés. Soulignant que le premier des établissements pénitentiaires pour mineurs prévus par la loi du 9 septembre 2002 devait ouvrir en 2007, la rapporteure pour avis a demandé au garde des Sceaux comment seraient organisés ces établissements, et comment se ferait l'articulation entre les personnels de la pjj, ceux de l'éducation nationale et ceux de l'administration pénitentiaire. Après avoir exprimé sa surprise d'avoir rencontré, dans un même établissement, à la fois des mineurs en danger et des mineurs délinquants, elle l'a également interrogé sur la double habilitation de certaines structures du secteur associatif de la pjj. La « deuxième chance » évoquée par le garde des Sceaux lui paraissant être un projet intéressant, elle l'a prié d'en dire davantage sur le système de parrainage envisagé, associant des partenaires extérieurs provenant, notamment, des entreprises. Le garde des Sceaux a tout d'abord indiqué que la sécurité dans les établissements pénitentiaires fait l'objet d'une action extrêmement forte, menée depuis 2002. Un ancien directeur de prison, devenu directeur régional et membre du cabinet, est à l'origine de la création de la sous-direction de l'état-major de sécurité. Il a ainsi été possible de mesurer la dangerosité de trois catégories de population - les militants nationalistes basques, corses, et islamistes. Un service de renseignement, à l'intérieur même de cet état-major, permet de mieux connaître la situation en détention. Il s'agit d'un travail d'une grande finesse qui oblige les personnels à connaître individuellement les personnes dangereuses et donc à anticiper leurs réactions et qui a donné d'excellents résultats. Il a évoqué ensuite la création des équipes régionales d'intervention et de sécurité. Ces surveillants très entraînés, interviennent dans les situations de crise. Ils sont basés dans plusieurs grandes villes de France et sont intervenus à Villefranche-sur-Saône, venant de Lyon et de Dijon. Leur seule présence suffit souvent à régler les problèmes. Par ailleurs, le garde des Sceaux a indiqué que les opérations de fouille, qui se multiplient - comme à Villefranche-sur-Saône - permettent le cas échéant de découvrir de la drogue, des armes et donnent d'excellents résultats, de nature à rassurer le personnel de surveillance. En outre, la généralisation des tunnels d'inspection aux rayons X dans les établissements, le renforcement de la sécurité des miradors ou la construction de nouveaux miradors contribuent au renforcement de la sécurité des personnes et des établissements. En matière de sécurité, d'énormes progrès ont donc été réalisés. Même si la situation reste fragile, les résultats sont là, ce qui est favorable à l'état d'esprit des surveillants de l'administration pénitentiaire. Ces derniers, dont il convient de saluer le professionnalisme, sont également investis d'une mission de réinsertion des détenus : leur apprendre à vivre en société et à se respecter les uns les autres. S'agissant des uevf, le garde des Sceaux a déclaré qu'elles constituaient une excellente initiative puisque le maintien du lien familial facilite la réinsertion. Toutefois, les uevf sont limitées au centre de détention de Rennes et à la maison centrale de Saint-Martin de Ré, une autre étant prévue fin 2005, à Poissy. Il s'agit d'appartements mis à la disposition de détenus, leur permettant de passer six heures, vingt-quatre heures une fois par trimestre, voire 72 heures une fois par an avec leur famille. Un tel système est inspiré de l'étranger, et notamment du Québec, qui a beaucoup d'avance sur la France en ce domaine. Le garde des Sceaux s'est déclaré favorablement impressionné par les centres éducatifs fermés qu'il a visités. Sept ont été ouverts et il y en aura bientôt 18, dont 16 dans le cadre associatif de la pjj. 107 mineurs multirécidivistes y étaient présents au 1er octobre et 400 ont été pris en charge depuis leur ouverture. Les éducateurs qui les entourent - deux éducateurs par jeune - essaient de leur redonner un idéal, un projet de vie débouchant sur une formation professionnelle ou un vrai travail. Le garde des Sceaux a livré à la Commission l'expérience qui l'a conduit à accompagner dans un cef un grand restaurateur de la Loire. Celui-ci a annoncé qu'il recruterait l'un des mineurs dans son équipe, précisant qu'on ne lui demanderait pas d'être immédiatement performant, mais travailleur. C'est de là que l'idée du parrainage est venue au ministre, permettant à des jeunes qui ne rencontrent que des travailleurs sociaux, des juges ou des policiers d'accéder au monde du travail, qu'ils méconnaissent, limitant ainsi la récidive et rendant la société plus humaine. Après un passage en cef, un jeune sur deux ne revoit pas le juge, ce qui constitue un résultat remarquable. Il convient donc de multiplier ces centres, où les éducateurs se montrent exemplaires. Le garde des Sceaux a ensuite abordé les établissements pénitentiaires pour mineurs. Jusqu'à présent, il n'existait que des « quartiers de mineurs » dans les prisons et les nouveaux établissements auront pour objectif, non seulement d'assurer la garde des mineurs, mais aussi leur éducation et leur formation professionnelle. Ils regrouperont 60 jeunes chacun, avec 77 surveillants, et 40 éducateurs. Il faut en la matière mobiliser tous les moyens disponibles, car les Français ne peuvent plus tolérer que des jeunes, même multirécidivistes, restent sans avenir : 20 heures de cours hebdomadaires seront ainsi dispensées dans les emp par des professeurs de l'éducation nationale. M. André Vallini a déploré que le budget 2006 ne crée que peu d'emplois : 100 en matière judiciaire, dont 90 postes de magistrats et 10 postes de greffiers et agents de catégorie C, contre 255 l'année dernière ; 120 postes de gardiens surveillants et 80 de personnels d'insertion et de probation. Dans ces conditions, il a demandé au garde des Sceaux comment il entendait mettre en œuvre les conclusions et propositions formulées par M. Jean-Luc Warsmann, dont chacun, y compris dans l'opposition, a salué la qualité. Il s'est demandé si le souci exprimé par le ministre d'accorder une deuxième chance aux personnes suivies par le ministère de la justice ne risquait pas, compte tenu de la faiblesse des moyens prévus, de rester à l'état de vœu pieux. Enfin, il a interrogé le ministre sur l'état d'avancement de l'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Tout en reconnaissant l'exactitude des chiffres cités par M. André Vallini, le garde des Sceaux a jugé indispensable d'apprécier l'effort financier en faveur de la justice dans une perspective à cinq ans. L'objectif était de créer 9 620 emplois entre 2002 et 2007 - soit une augmentation de 3,5 milliards d'euros, répartis en 2,5 milliards de dépenses de rémunérations et de fonctionnement et 845 millions d'investissement. Cet objectif a été atteint à 50 % pour l'enveloppe globale et à 40 % s'agissant des crédits de rémunérations et de fonctionnement. L'important est de savoir dans quelle direction et à quel rythme. Ainsi, sur une durée de cinq années, soit une législature, le nombre de conseillers d'insertion et de probation passera de 2 000 à 3 000, 700 postes supplémentaires ayant déjà été créés. Et si on a pu déplorer le faible nombre de juges de l'application des peines, il convient de souligner qu'en trois ans, leur nombre a augmenté de 72 %. En ce domaine comme dans d'autres, il convient donc de prendre en compte la tendance. Puis le ministre a estimé que l'opposition, si elle venait à accéder au pouvoir, devrait prendre l'engagement de créer des places de prison ; il a rappelé qu'elle ne l'avait pas fait en vingt ans et que seule l'actuelle majorité s'y était résolue. Le parc pénitentiaire est ainsi devenu vétuste, au point de susciter les réprimandes de M. José María Gil Roblès, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, ce qui est particulièrement humiliant. Dès lors, les députés qui auront voté les budgets au cours de cette législature, pourront en être fiers, même si l'effort devra être poursuivi, notamment lorsque les nouveaux établissements pénitentiaires commenceront à entrer en fonction et qu'il faudra leur affecter des personnels. Enfin, le ministre a précisé que plus de 600 greffiers et plus de 300 fonctionnaires de catégorie C allaient rejoindre les services. M. André Vallini a estimé que si la tendance était sans doute exacte, le projet de loi de finances pour 2006 représentait cependant un ralentissement budgétaire considérable. Il a estimé que le « tout carcéral » n'était pas une solution, et que l'argent consacré à créer de nouvelles places de prison serait mieux utilisé dans le domaine de la prévention, de la réinsertion et du développement des mesures de milieu ouvert. Le garde des Sceaux a réfuté le clivage, aujourd'hui complètement dépassé, entre une gauche uniquement soucieuse de prévention et une droite qui ne songerait qu'à la répression, et souligné que l'actuelle majorité avait créé bien plus de postes de travailleurs sociaux que la précédente. M. Jean-Luc Warsmann s'est félicité du fait que, par son action, le garde des Sceaux soit sur le point de mettre fin au scandale du financement des frais de justice. S'agissant des opérateurs téléphoniques, il a estimé que les intérêts de l'État n'avaient pas été convenablement défendus lorsque les licences ont été accordées. L'État aurait dû prévoir les modalités permettant aux services de la justice et de la police d'avoir accès aux échanges de données et aux informations. Cela n'a pas été le cas et l'État a payé, sans négocier, les factures qui lui ont été présentées. Ainsi, l'État paie 9 euros l'identification d'un numéro de téléphone, alors que l'opérateur n'a qu'à consulter son fichier d'abonnés ! Certaines sociétés ayant par ailleurs fait preuve d'une certaine désinvolture et ayant mis trois mois pour répondre à une réquisition, des enquêtes ont été bloquées, ce qui est inadmissible. Puis, après avoir observé que certaines matières se prêtaient à des appels d'offres, M. Jean-Luc Warsmann s'est demandé pourquoi la justice n'appliquait pas ces procédures, alors qu'elle les faisait respecter par ailleurs. Tout en concédant que les magistrats devaient disposer de tous les moyens nécessaires à la recherche de la vérité, il a insisté pour que l'utilisation de ces moyens soit guidée par le souci des deniers publics et de la dépense utile - conformément à l'esprit de la lolf. S'agissant de l'exécution des peines, dont le garde des Sceaux a fait, à juste raison, une priorité, il a rappelé qu'il avait eu l'occasion, dans son rapport sur l'application de la loi du 9 mars 2004, de citer l'exemple d'une grande juridiction d'Île-de-France où, lorsque le prévenu était présent à l'audience, le délai moyen de mise à exécution était de neuf mois, ce délai atteignant vingt-trois mois lorsqu'il était absent. Cette situation ne s'est malheureusement pas améliorée depuis, puisqu'au mois d'octobre, ces délais étaient passés respectivement à onze et vingt-quatre mois contribuant ainsi à l'affaiblissement de l'autorité de l'État. Enfin, M. Jean-Luc Warsmann a interrogé le garde des Sceaux sur l'informatisation des tribunaux, et notamment sur le programme cassiopée qui devrait éviter de ressaisir plusieurs fois les informations au fur et à mesure de la chaîne pénale. Il a donc souhaité connaître le calendrier de montée en charge de ce dispositif et la date à laquelle les juridictions pourront en disposer. M. Robert Pandraud a demandé au ministre pourquoi les crédits de la justice administrative ne figuraient plus dans son budget alors qu'il serait de bonne gestion de procéder à une fusion des juridictions, car la justice administrative est particulièrement encombrée. Le Conseil d'État est, certes, une noble institution, mais il serait tout aussi utile s'il accélérait les réponses aux contentieux. Observant que certains criminels étaient jugés trois ou quatre fois, alors que, tel Émile Louis, ils avaient déjà été condamnés à perpétuité, il s'est interrogé sur l'utilité de ces condamnations à répétition et a souhaité connaître le coût réel de certains grands procès, qu'il s'agisse de ceux d'Émile Louis, d'Angers ou d'Outreau. Il s'est enfin déclaré satisfait de l'intérêt porté par le garde des Sceaux à la situation matérielle et morale des greffiers et il a demandé pourquoi il n'existait pas de recrutement par la voie du tour extérieur, afin que les meilleurs d'entre eux puissent être nommés magistrats. M. Michel Vaxès a souhaité disposer de précisions sur l'évolution des effectifs, indiquant que les personnels voudraient bien connaître les prévisions précises de recrutement les concernant, les services pénitentiaires d'insertion et de probation ayant, notamment, des besoins massifs. Rappelant que le garde des Sceaux, à l'occasion du débat sur la récidive, avait lui-même souligné qu'on n'avait pas encore atteint un niveau satisfaisant, il a exprimé le souhait de disposer, par catégorie, d'une évaluation des postes qui seront effectivement pourvus. Il s'est interrogé ensuite sur la divergence d'appréciation de la lolf, entre les présidents des cours d'appel et les procureurs généraux, les premiers estimant que le regroupement de la justice civile et de la justice pénale dans un seul programme crée une confusion au niveau des responsabilités, rend peu lisibles les choix budgétaires et fait courir un risque sérieux à l'indépendance de la justice. Ils font notamment valoir que la séparation fonctionnelle des autorités de poursuite et de jugement, exigée par la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par le code de procédure pénale, doit impérativement se retrouver dans la gestion opérationnelle des budgets. Aussi considèrent-ils qu'il convient, non pas de créer un programme unique « justice judiciaire », mais deux programmes l'un relevant de la responsabilité des autorités de poursuite, l'autre des magistrats du siège. À l'inverse, les procureurs généraux soutiennent l'organisation budgétaire choisie par la Chancellerie. Le garde des Sceaux a indiqué, en réponse à M. Jean-Luc Warsmann, que la juridiction qu'il évoquait n'est certes pas la plus performante, mais que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (crpc) avait permis une véritable amélioration et que, s'agissant de l'exécution des peines, le fait de pouvoir bénéficier d'une réduction de 20 % du montant de l'amende lorsqu'on paie dans le mois suivant la condamnation, s'avérait efficace. Il a indiqué que le projet cassiopée concernait l'ensemble de la chaîne pénale et permettrait de doter les juridictions d'un outil moderne et adapté. Il a précisé qu'il avait nommé un chef de projet très expérimenté et que la livraison du programme était prévue pour le début 2007. S'agissant des frais de justice, il a annoncé que le tarif de facturation des opérateurs pour la communication des données de connexion était passé de 9 à 3,81 euros, ce qui constitue un sérieux progrès. Le garde des Sceaux a ensuite précisé à M. Robert Pandraud que la justice administrative ne figure pas dans la mission « Justice », mais dans la mission « Conseil et contrôle de l'État », rattachée au Premier ministre. Il a regretté cette décision prise avant sa nomination, et invité les parlementaires à la remettre en cause. S'agissant des instructions et condamnations de certains détenus comme Émile Louis, qui, certes, finissent par coûter très cher, il a fait observer que la Cour européenne des droits de l'homme exigeait des délais de jugement raisonnables, ce qui amènerait à scinder les instructions et, par voie de conséquence, à multiplier les condamnations. Il a également fait savoir qu'il avait réuni à la Chancellerie l'ensemble des acteurs du procès du tunnel du Mont-Blanc et du procès d'Angers - lequel a coûté un million d'euros. Il a salué, à cette occasion, les magistrats qui ont fait preuve d'un remarquable professionnalisme. Malgré le nombre considérable des parties concernées, le travail a été mené avec objectivité et humanité, le procureur d'Angers allant jusqu'à expliquer lui-même, les peines aux enfants les plus jeunes. En l'occurrence, le prix importe donc peu. Il s'est déclaré favorable à la promotion comme magistrats des greffiers en chef, sur titre ou sur concours, suivant l'âge, la promotion interne faisant partie des traditions de l'administration. En réponse à M. Michel Vaxès, il a estimé que les chiffres avancés dans le rapport de M. Warsmann - par ailleurs remarquable- devaient être affinés s'agissant notamment des spip. Le garde des Sceaux a enfin indiqué que, traditionnellement, les premiers présidents et les procureurs généraux géraient ensemble les cours d'appel, et que mettre en péril cet équilibre reviendrait à changer de système judiciaire, ce qui n'est pas envisageable. M. Alain Marsaud a déploré que les licences aient été accordées à un faible prix, sans qu'on ait mis en place un système d'obligation de service public, ni prévu la possibilité de négocier le tarif de ces interceptions. Il a annoncé son intention de déposer une proposition de loi visant à mettre à la charge des opérateurs cette obligation de service public, sans que l'État ait à négocier les tarifs, et souhaité connaître la position du garde des Sceaux sur ce point. Il a noté par ailleurs que les écoutes et les interceptions téléphoniques, si coûteuses, étaient un mode d'enquête peut-être un peu trop répandu chez certains magistrats, qui se dispensent ainsi de délivrer une commission rogatoire et d'envoyer des opj exercer un travail de surveillance. Il a suggéré que les magistrats se montrent un peu plus sourcilleux lorsqu'un opj leur demande de procéder à une interception téléphonique. Il a par ailleurs demandé au garde des Sceaux s'il avait prévu dans le projet de budget une provision pour le bracelet électronique mobile, de façon à expérimenter le système et à l'amorcer en 2006. Il s'est enfin inquiété des difficultés rencontrées dans le versement de la prime dont bénéficient les magistrats antiterroristes, ce qui a conduit ces magistrats du Parquet et de l'instruction à exprimer leur mécontentement auprès de leur hiérarchie. M. Jean-Christophe Lagarde a estimé, au nom du groupe udf, que le budget de la justice 2006 était positif et s'est dit satisfait de constater, après trois années d'imprécisions, qu'il y avait enfin un véritable pilotage de la politique de la justice. Il a salué les efforts de gestion accomplis, assez rares dans l'administration pour devoir être soulignés. Il a ainsi approuvé la responsabilisation des chefs de cour, de même que l'actuelle nécessité de mieux connaître les coûts. En tant qu'élu de Seine-saint-Denis, il s'est dit rassuré de savoir que les nouveaux postes iront là où il existe des besoins, le tribunal de Bobigny faisant en effet partie des juridictions les plus sinistrées. Il a approuvé l'utilité d'une politique active de construction d'infrastructures de prise en charge des mineurs et estimé que les cer et les cef pourraient en effet réussir, mais qu'aujourd'hui, les magistrats avaient du mal à y envoyer des jeunes, faute de place, malgré l'urgence. Des mesures dérogatoires aux marchés publics ayant été approuvées, il conviendrait d'agir rapidement. Il a souligné que, si le nombre des travailleurs sociaux était en forte progression, l'effort devait être poursuivi ; on n'en compte en effet que 2 500 pour 60 000 détenus. Il a ensuite interrogé le garde des Sceaux sur le montant des crédits de paiement prévus pour les opérations d'investissement. Il a souhaité savoir si les 651 greffiers supplémentaires prévus pour 2006 incluaient des postes ouverts en 2005, et notamment des greffiers concernés par l'allongement de six mois de leur durée de scolarité. Il s'est également demandé si l'on avait anticipé le nombre de départs en retraite, afin d'éviter à la Chancellerie de faire face aux difficultés que les départs en retraite de policiers ont posé au ministère de l'Intérieur. Dans certains tribunaux, les juges ont peur de ceux qu'ils jugent et les policiers ne peuvent pas se faire respecter en salle d'audience. Il s'est dit favorable à ce que l'on utilise des crs pour surveiller les palais de justice, même si leurs syndicats n'apprécient guère cette mission. En effet, les crs sont aujourd'hui fort peu mobilisés pour le maintien de l'ordre, et leur présence aurait le mérite de calmer les groupes qui viennent faire pression sur les juges ou sur les jurés. Si des progrès ont été faits s'agissant de l'exécution des peines, la situation n'est pas satisfaisante. La protection judiciaire de la jeunesse du département de Seine-Saint-Denis doit faire face à une carence invraisemblable d'effectifs. Il n'y a que cinq juges pour enfants pour tout le département, alors que de nombreux jeunes sont en danger, qu'ils soient victimes de mauvais traitements ou délinquants. Dans de telles conditions, le signalement d'un enfant en danger met plusieurs mois pour déboucher sur une mesure de placement judiciaire, les drames que la Seine-Saint-Denis a connu, et notamment la mort d'un enfant maltraité, montrent pourtant qu'il est urgent d'agir. Mais comment cinq juges pour enfants pourraient-ils traiter des milliers de cas ? M. Christophe Caresche s'est étonné que l'utilisation de certains indicateurs, censés évaluer l'efficacité de l'action du ministère, ait été renvoyée à des dates lointaines. Il a craint que ce retard prive le Parlement de tout moyen d'appréciation et remette en cause une des principales avancées de la lolf. Il a relevé, en outre, des incohérences dans la présentation des indicateurs relatifs à l'exécution des peines, les documents budgétaires indiquant qu'ils ne seront disponibles qu'à partir de 2008, alors que les tableaux présentés font état des années 2003 à 2007. Le garde des Sceaux a répondu à M. Alain Marsaud qu'on ne saurait contrevenir au principe de juste rémunération de l'opérateur affirmé par le Conseil constitutionnel, et qu'il lui faudra donc s'entourer de toutes les précautions juridiques nécessaires. Il a confirmé que la question de la prime affectée aux juges antiterroristes avait été réglée tout en lui indiquant qu'il ne pensait rencontrer de problème majeur de financement du bracelet électronique, la lolf permettant les redéploiements nécessaires et les prix pratiqués baissant de jour en jour. Il a remercié M. Jean-Christophe Lagarde pour sa confiance et lui a annoncé que le tribunal de grande instance de Bobigny, désormais deuxième tribunal de France, avait fait l'objet, pour la première fois, d'une enquête complète de la part de l'inspection générale, qui devrait déboucher sur un contrat d'objectifs permettant d'obtenir des renforts d'effectifs grâce à des « juges placés » et donc de rattraper le retard. Il a par ailleurs indiqué que, selon les chiffres dont il disposait, ce n'était pas cinq mais dix juges pour enfants qui siégeaient au tribunal de Bobigny. Pour autant, il a admis que ce tribunal était parmi les plus encombrés. Il lui a confirmé que ce sont bien 650 greffiers qui entreront en fonction en 2006 et qu'il faudra inclure dans ce chiffre ceux qui sortiront de l'école nationale de greffes, ce qui ne pourra qu'avoir des conséquences positives dans les juridictions. Le ministère a anticipé les départs à la retraite qui seront massifs à partir de 2009-2010 pour les fonctionnaires et les greffiers et à partir de 2012, pour les magistrats. Le nombre des indicateurs a été réduit à 53 depuis la précédente présentation, mais il n'est pas souhaitable de les réduire encore davantage afin de disposer, à terme, d'indicateurs pertinents et stratégiques. Des montages trop complexes risqueraient en effet de faire perdre du temps, au détriment des objectifs poursuivis. En cette première année d'application de la lolf, il convient de progresser dans la méthode. L'outil d'évaluation est lié au programme cassiopée, qui sera en place fin 2007, sauf pour les juridictions parisiennes, qui peuvent d'ores et déjà en disposer. La surveillance des palais de justice par des crs relève du ministère de l'Intérieur qui, malgré les demandes de la Chancellerie, n'y est pas favorable ; d'où l'idée d'utiliser la réserve de la gendarmerie et de la police, et de créer une réserve pénitentiaire. M. Xavier de Roux, après s'être félicité du développement des epm qui évitera de placer des jeunes mineurs délinquants dans des foyers de protection de l'enfance, a demandé au garde des Sceaux de faire un point très rapide sur les assistants de justice et sur les juges de proximité. M. Mansour Kamardine a interrogé le garde des Sceaux sur la politique de développement et de modernisation de la justice à Mayotte. Il a rappelé que la collectivité territoriale de Mayotte avait un statut sui generis, et ne disposait pas de cour d'assises, mais d'une cour criminelle dont la composition est contrôlée de bout en bout par la chaîne de l'accusation, d'une cour, présidée par des magistrats professionnels assistés de quatre assesseurs, nommés par le garde des Sceaux sur proposition du président de la cour criminelle et après avis conforme du procureur général ; enfin, d'un tribunal correctionnel, où l'on ignore la collégialité. Cette organisation remonte au passé colonial de Mayotte, et doit être modernisée pour qu'elle devienne conforme à l'image de la France, pays des libertés. Cela passe par un renforcement des effectifs et par un palais de justice sécurisé. Le palais de justice a été détruit par le cyclone Ernest et sa reconstruction demandera cinq ans. Comme le montre l'exemple de la construction du palais de justice d'Avignon, qui n'a duré que deux ans, une accélération des délais est envisageable, si la volonté politique est présente. Mayotte doit par ailleurs faire face à des difficultés liées à l'exécution des peines. Plus de 200 détenus occupent un espace prévu pour 75, dans des cellules exiguës. Les procédures sont souvent longues, de sorte que lorsque des dealers sont interpellés en flagrant délit, ils sont reconduits à la frontière, ce qui est assez choquant.. Rappelant que la collectivité territoriale de Mayotte mettait à disposition des services de la justice des personnels dévoués et compétents mais qui n'ont pas pu être intégrés jusqu'à présent dans la fonction publique, faute de justifier des diplômes nécessaires, M. Kamardine a demandé si cette intégration serait mise en œuvre et dans quels délais. Il a enfin souhaité connaître le nombre de postes alloués à Mayotte au titre du budget 2006. M. Didier Quentin a appelé l'attention du garde des Sceaux sur les dix établissements pénitentiaires pour majeurs en construction et l'a interrogé sur celui de la Réunion, dont il a souhaité connaître le calendrier de réalisation. Il a également demandé quand le conservatoire du littoral pourrait accueillir des détenus et des condamnés accomplissant des peines alternatives. Le garde des Sceaux a indiqué que l'établissement pénitentiaire de la Réunion serait construit en 2008 et que le projet concernant le conservatoire du littoral aboutirait à la même date. Il a précisé à M. Mansour Kamardine que le palais de justice de Mayotte allait être reconstruit, le terrain ayant été choisi, et que les agents territoriaux seraient intégrés avant 2010. Il a précisé que le ministère était très attentif au fonctionnement des services du tribunal supérieur d'appel et du tribunal de première instance de Mamoudzou. En réponse à M. Xavier de Roux, il a indiqué que sept établissements pour mineurs seraient construits pour l'ensemble de la France. Par ailleurs, il a précisé qu'il n'était pas question de créer une carrière pour les assistants de justice et qu'il serait difficile d'atteindre le nombre de juges de proximité - 3 000 - prévu lors du vote de la loi. S'il existe une mission « juges de proximité » à la Chancellerie, c'est au Conseil supérieur de la magistrature - lequel se montre d'ailleurs souvent très exigeant - qu'il revient de se prononcer sur leur admission, le garde des Sceaux n'ayant pas de responsabilité en la matière. De fait, 472 juges de proximité sont aujourd'hui en fonction, 150 juges supplémentaires devant entrer en fonction en 2006. * * * Après le départ du garde des Sceaux, conformément aux conclusions de son rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Justice » : justice judiciaire, accès au droit et politique de la justice. PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR (4) · M. Dominique Barella, président de l'Union syndicale des magistrats. · Mme Martine Motard, présidente du Syndicat cgt des chancelleries et des services judiciaires. · Mme Lydie Quirié, secrétaire générale du Syndicat C-Justice. · M. Bernard Even, président du syndicat de la juridiction administrative. · Mme Sabine Saint-Germain, présidente de l'Union syndicale des magistrats administratifs. · Mlle Véronique Rodéro, présidente de l'Association des greffiers en chef des tribunaux d'instance et de police, et M. Cédric Fumeron, trésorier adjoint. · M. Joël Rech, secrétaire général adjoint du Syndicat des greffiers de France. ------ N° 2573-03 - Avis présenté au nom de la commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540), Tome III : Justice, justice judiciaire, accès au droit et politique de la justice (M. Jean-Paul Garraud) 1 () Celles-ci comprennent la Cour de cassation, 35 cours d'appel et tribunaux supérieurs d'appel et 1 121 juridictions du premier degré (186 tribunaux de grande instance et tribunaux de première instance, 473 tribunaux d'instance, 191 tribunaux de commerce et 271 conseils de prud'hommes, tribunaux des affaires de sécurité sociale, tribunaux paritaires des baux ruraux). 2 () Constitué en 2002, le Comité interministériel d'audit des programmes est chargé de vérifier la conformité à la LOLF des programmes ministériels 3 () Comité interministériel d'audit des programmes, Rapport d'audit sur les programmes « Accès au droit et à la justice » et « Soutien de la politique de la justice et organismes rattachés », page 41. 4 () Le Syndicat de la magistrature et la Férédation Interco CFDT ont fait parvenir une contribution écrite. - Cliquer ici pour retourner au sommaire général - Cliquer ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires © Assemblée nationale |