Document mis en distribution le 17 octobre 2005 N° 2568 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2005 RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2006 (n° 2540), PAR M. GILLES CARREZ, Rapporteur Général, Député. -- ANNEXE N° 3 Rapporteur spécial : M. JEAN-LOUIS DUMONT Député ____ INTRODUCTION 7 I. L'EXÉCUTION DES BUDGETS 2004 ET 2005 ET LE PROJET DE BUDGET 2006 11 A. LA MONTÉE EN PUISSANCE DE LA CONSOMMATION DES CRÉDITS COMMUNAUTAIRES 11 1. Le prélèvement de la France au profit de l'Union européenne augmente 11 2. Quels retours pour la France ? 12 3. La procédure budgétaire 2006 15 B. DES EVOLUTIONS CONTRASTEES SELON LES CATEGORIES DE DEPENSES 15 Rubrique 1 : agriculture 15 Rubrique 2 : actions structurelles (politique régionale) 16 Rubrique 3 : politiques internes 17 Rubrique 4 : actions extérieures 18 Rubrique 5 : dépenses administratives 19 Rubrique 6 : réserves 19 Rubrique 7 : pré-adhésion 19 Rubrique 8 : compensations 20 II. LES PERSPECTIVES FINANCIÈRES 2007-2013 21 A. L'IMPASSE DES DISCUSSIONS BUDGÉTAIRES SOUS PRÉSIDENCE BRITANNIQUE 21 B. LE DÉBAT SUR LES RESSOURCES PROPRES 23 1. La pierre d'achoppement du « chèque britannique » 23 2. La création d'un impôt européen est repoussée à une échéance lointaine 23 C. TOUTES LES DÉPENSES SONT RÉDUITES... 24 Rubrique 1 : croissance durable 24 Rubrique 2 : conservation et gestion des ressources naturelles (agriculture et environnement) 28 Rubrique 3 : citoyenneté, liberté, sécurité et justice 30 Rubrique 4 : l'UE en tant que partenaire mondial 30 Rubrique 5 : administration 30 Rubrique 6 : compensations 31 III. COMPTE-RENDU DE DEUX MISSIONS DE CONTRÔLE 33 A. MISSION DE CONTRÔLE EFFECTUÉE LE 26 MAI 2005 À METZ SUR LA PROGRAMMATION ET LA CONSOMMATION DES FONDS STRUCTURELS EN RÉGION LORRAINE 33 B. MISSION DE CONTRÔLE EFFECTUÉE LE 10 MARS 2005 AUPRÈS DE LA COMMISSION INTERMINISTÉRIELLE DE COORDINATION DES CONTRÔLES (CICC) 36 EXAMEN EN COMMISSION 41 L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires le 10 octobre 2005. Votre Rapporteur spécial avait exclusivement demandé que le « jaune » budgétaire sur les relations financières avec l'Union européenne, qui répond à l'ensemble des questions, lui parvienne le 16 septembre 2005. Celui-ci lui est parvenu le 23 septembre. L'article 50 du projet de loi de finances pour 2006 a estimé que le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne devrait s'élever à 18 milliards d'euros en 2006. L'exercice 2005 pourrait se solder avec un prélèvement de 17,3 milliards d'euros, contre 16,6 milliards d'euros votés en LFI et 15,5 milliards d'euros exécutés en 2004. La Commission des finances s'est déjà prononcée deux fois cette année sur le budget de l'Union européenne : · Budget 2006 - Proposition de résolution (n° 2441) de M. Marc Laffineur au nom de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 2006 (E2902), déposée le 6 juillet 2005. - Rapport (n° 2455) déposé le 6 juillet 2005 par M. Gilles Carrez au nom de la commission des Finances - Résolution (TA n° 480) considérée comme définitive en application de l'article 151-3 du Règlement par l'Assemblée nationale le 17 juillet 2005. · Perspectives financières 2007-2013 - Proposition de résolution (n° 2368) de MM. René André et Marc Laffineur au nom de la Délégation pour l'Union européenne sur les perspectives financières 2007-2013 (COM [2004] 501 final / E2674, COM [2004] 487 final / E2800), déposée le 9 juin 2005 - Rapport (n° 2379) déposé le 15 juin 2005 par M. Marc Laffineur au nom de la commission des Finances (après avis de la Commission des affaires étrangères). - Résolution (TA n° 455) considérée comme définitive en application de l'article 151-3 du Règlement par l'Assemblée nationale le 26 juin 2005. Le projet de loi de finances et la détermination du prélèvement au profit de l'Union européenne donnent donc l'occasion d'un nouveau débat sur ces sujets d'importance, au moment où se discutent les perspectives financières pour la période allant de 2007 à 2013. Votre Rapporteur spécial s'interroge au préalable sur la place des débats sur l'Europe au sein de notre Assemblée. La tradition est établie depuis longtemps que l'article autorisant le prélèvement européen fasse l'objet d'un rapport spécial et d'une discussion séparée au cours de la discussion de la première partie du projet de loi de finances. Cette situation doit sûrement perdurer, au moins jusqu'à la fin de l'actuelle législature. Mais elle est fragilisée par l'entrée en vigueur de la LOLF, qui organise la discussion budgétaire selon les missions et les programmes. En outre l'article autorisant le prélèvement européen fait l'objet de considérations dans le rapport général et dans le présent rapport spécial qui lui est consacré, avec des conclusions qui peuvent être divergentes. Au-delà de l'actuelle législature, il est possible de s'interroger sur l'organisation la meilleure pour permettre une discussion de fond périodique sur les affaires européennes. Dans le cours de la discussion du projet de loi de finances, il devrait être décidé que soit le rapporteur général, soit un rapporteur spécial s'exprime sur le sujet, et permette une prise de décision unique de la Commission. D'autres solutions pourraient en outre redonner un intérêt à un débat qui, sous la forme actuelle, manque singulièrement de tonus. On pourrait imaginer que la proposition de résolution qui est chaque année déposée par le rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne sur l'avant-projet de budget (APB) de l'année suivante fasse l'objet non seulement d'un débat en Commission des finances, mais aussi d'un débat en séance publique, suivi d'un vote, avant la fin du mois de juin, ou alors l'organisation deux fois par an, avant ou après les Conseils européens, d'un débat en séance publique, sans vote, sur les affaires européennes en cours de discussion. Lors du référendum du 29 mai, les Français ont exprimé un rejet puissant du libéralisme : les thématiques sociales ont dominé la campagne. Le vote du 29 mai ne témoigne pas d'un rejet de l'Europe, à laquelle les Français sont fortement attachés. Il traduit le refus d'une Europe diluée dans la mondialisation financière, sans projet fort, sans calendrier clair, ni règles du jeu adaptées à la compétition mondiale. Un sondage réalisé par la SOFRES en septembre dernier montre que les Français, les Polonais et les Allemands ne pensent pas vivre mieux grâce à l'Europe. Les Espagnols apparaissent comme les plus europhiles, les Français et les Britanniques comme les plus europhobes. C'est la situation économique qui apparaît comme le principal facteur de désaffection, avec le chômage comme crainte. Si l'Europe accroît le sentiment de sécurité, elle est en général perçue comme facteur d'augmentation des prix et comme une menace à leur identité et leur culture. Confrontée à la nouvelle division internationale du travail et aux nouveaux rapports de puissances, l'Union européenne n'a pas su apporter toutes les réponses qu'attendaient ses citoyens et ses salariés. Elle s'est enlisée dans la croissance molle et le chômage élevé, tandis que la Commission européenne, directive après directive, s'efforçait d'acclimater sur le continent le modèle anglo-saxon de capitalisme. Sa dérive libérale s'est malheureusement poursuivie. Le Conseil européen s'est lancé dans une politique d'élargissement, sans consultation populaire ni réforme préalable des institutions. Même si différents facteurs ont joué, c'est largement cette crise de l'Europe - économique, sociale, démocratique, identitaire - qui a entraîné le résultat des référendums français et hollandais, après avoir nourri l'abstention aux dernières élections européennes. Réorienter la construction européenne dans le sens d'une Europe plus sociale, plus politique, plus volontaire, creuset d'une civilisation humaniste et levier d'une autre mondialisation, prenant en compte la diversité culturelle de ses Etats, telle était la ligne proposée par votre Rapporteur spécial. L'Europe doit être sociale et innovante, puissante et indépendante, créatrice et rayonnante. L'Europe est en crise parce que les gouvernements l'ont laissé dériver sur le chemin de la stagnation économique. Par ailleurs, l'absence de projet politique a laissé s'installer les effets néfastes de la mondialisation sans qu'on en récolte les bénéfices. Avec un taux de croissance en 2005 autour de 1,6 % pour la zone euro, alors que la croissance mondiale adopte un rythme soutenu de 4 %, notre économie piétine. Avec plus de 20 millions de chômeurs, nos sociétés sont dans un état économique précaire, qui menace le lien social. Avec un phénomène de délocalisations à la fois interne et externe, notre tissu industriel est fragilisé. La prospérité et le progrès social ont toujours été une promesse de l'Europe. S'ils ne sont pas là, les peuples se détournent du projet européen. L'influence libérale s'exerce avec force sur les institutions européennes, faisant peser un danger sur la poursuite et le sens de la construction européenne. Une Europe sociale passe en particulier par le retrait des directives libérales (services, transports, etc.) et par l'adoption d'une directive protégeant les services publics. Or le président de la Commission européenne a annoncé récemment (1) le retrait de 68 projets de directives et règlements communautaires, dans un souci de simplification du droit, mais le projet de directive sur les services dans le marché intérieur (préparée par M. Bolkenstein, ancien commissaire européen) est maintenu ! Une stratégie d'harmonisation fiscale et sociale par le haut au sein de l'Union devrait être proposée. Pour mettre l'Europe au service de la croissance et de l'emploi, il faudra instaurer un gouvernement économique de la zone euro et revoir le statut et les objectifs de la Banque Centrale Européenne (BCE) dans le cadre d'une véritable articulation avec lui (meilleure pondération entre stabilité des prix et croissance économique et emploi, politique volontariste de change de l'euro). Il faudrait également accorder à l'Union européenne des moyens budgétaires accrus et une stratégie industrielle, une politique de recherche ainsi que de grandes infrastructures à l'échelle du continent. En particulier, est nécessaire la revalorisation globale du budget européen. La solidarité avec les nouveaux Etats membres devra être accrue, tout en maintenant les fonds structurels pour les zones urbaines et rurales en difficulté des 15 anciens Etats membres. L'aide aux paysans et au monde rural n'interdit pas des évolutions internes à la PAC, qui sont nécessaires pour la rendre plus juste et plus solidaire. Cette action doit permettre un développement équilibré des territoires ruraux, adapté à chaque région, préservant l'environnement et ne menaçant pas le développement des pays pauvres. Le développement de la citoyenneté européenne passe par la création du sentiment d'appartenance européen. De nombreuses pistes peuvent être explorées pour développer cette conscience européenne : généraliser le programme Erasmus en introduisant dans les cursus universitaires l'obligation d'accomplir au moins une année d'étude dans l'Union hors du pays d'origine ; compléter avec un volet européen l'éducation civique nationale dispensée à l'école, etc. ... Le refus de l'accroissement du budget européen empêche toute action financière sérieuse. La politique du groupe des six, dont la France, visant à limiter le budget européen à 1 % du PIB est le plus sûr garant d'une Europe impuissante. Il faudrait, au contraire, se fixer comme objectif de moyen terme de doubler le budget européen, à 2 % du PIB. Pour financer cet accroissement budgétaire, l'Union devrait désormais avoir la possibilité d'emprunter mais aussi se doter d'un impôt européen qui pourrait être une taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés. Il faut donner à l'Europe la capacité d'investir dans l'avenir. L'économie européenne souffre d'un mal clairement identifié : elle n'a pas franchi la frontière technologique qui la sépare de l'économie de la connaissance. Cela passe par la réorientation du budget européen vers ces dépenses d'avenir, avec notamment un accroissement substantiel des dépenses en faveur de la recherche, comme indiqué dans la nouvelle stratégie de Lisbonne. I. L'EXÉCUTION DES BUDGETS 2004 ET 2005 ET LE PROJET DE BUDGET 2006 A. LA MONTÉE EN PUISSANCE DE LA CONSOMMATION DES CRÉDITS COMMUNAUTAIRES 1. Le prélèvement de la France au profit de l'Union européenne augmente Dans l'article 50 du projet de loi de finances pour 2006, le Gouvernement a estimé que le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne devrait s'élever à 18 milliards d'euros en 2006. L'exercice 2005 pourrait être marqué par une nette progression de l'exécution du prélèvement sur les recettes de l'État, qui atteindrait 17,3 milliards d'euros contre 16,6 milliards d'euros votés en LFI (et 15,5 milliards d'euros exécutés en 2004). Depuis l'année 2003, il n'existe plus de biais systématique entre la prévision de la LFI et l'exécution du budget. En 2003 et 2005 l'exécution a dépassé la prévision, respectivement de 542 et 770 millions d'euros. C'est l'inverse qui s'est produit en 2004, pour un montant de 890 millions d'euros. En 2005, cet écart, dû pour plus de la moitié à une consommation des crédits communautaires plus forte que prévue, notamment des fonds structurels de la politique régionale. Il s'explique par une sous-exécution du budget 2004 nettement inférieure aux prévisions (différence de 3,2 milliards d'euros, ce qui accroît la contribution française de 501 millions d'euros). Un budget rectificatif et supplémentaire (BRS) adopté en janvier 2005 a accru la contribution française de 81 millions d'euros. Le budget définitivement adopté par le Parlement européen dépasse de 1,2 milliard d'euros le projet de budget adopté en première lecture par le Conseil en juillet 2004 (+ 161 millions d'euros pour la contribution française). La quote-part française de l'assiette TVA et PNB s'est accrue de 231 millions d'euros. L'accroissement des recettes diverses du budget communautaire vient au contraire diminuer la contribution de la France de 89 millions d'euros. Le « jaune » budgétaire indique que la prévision de 17,3 milliards d'euros en 2005 est encore sujette à deux aléas : un aléa à la hausse lié à la forte probabilité d'un BRS ; un aléa à la hausse ou à la baisse lié à la régularisation des assiettes TVA et PNB, pouvant atteindre quelques centaines de millions d'euros. La Commission a, semble-t-il, cessé de surestimer fortement les crédits dans les prévisions et la règle du dégagement d'office pour les fonds structurels a entraîné une forte montée en puissance de leur consommation.
Source : « jaune » budgétaire. Notes : prévisions pour 2005 et 2006. En 2003, la ressource PNB comprend un montant de 10,7 millions d'euros au titre d'intérêts de retard. 2. Quels retours pour la France ? En 2004, selon le rapport de la Commission européenne de septembre 2005 sur « la répartition des dépenses de l'UE par Etat membre en 2004 »2, la France a reçu 12,9 milliards d'euros au titre des différentes politiques communautaire, dont 9,4 milliards d'euros (72,9 %) dans l'agriculture, 2,4 milliards d'euros (18,6 %) pour la politique régionale et 751 millions d'euros (5,8 %) avec les politiques internes, essentiellement la recherche. En termes de solde net (retour contribution)3, la France est un contributeur net à hauteur de - 3,1 milliards d'euros. Elle est le deuxième contributeur net après l'Allemagne (- 7,1 milliards d'euros) et devant l'Italie (-2,9 milliards d'euros), le Royaume-Uni (- 2,8 milliards d'euros), les Pays-Bas (- 2 milliards d'euros) et la Suède (- 1,1 milliard d'euros). Les principaux bénéficiaires nets sont l'Espagne (+ 8,5 milliards d'euros), la Grèce (+ 4,2 milliards d'euros), le Portugal (+ 3,1 milliards d'euros), l'Irlande (+ 1,6 milliard d'euros) et la Pologne (+ 1,4 milliard d'euros). En 2003 la France était le 3ème contributeur net après l'Allemagne et le Royaume-Uni mais juste devant les Pays-Bas. Si l'on pondère les soldes nets par le RNB, la France est le 6ème contributeur net ex æquo avec la Belgique (+ 0,19 %), après les Pays-Bas (- 0,44 %), le Luxembourg (- 0,41 %), la Suède (- 0,38 %), l'Allemagne (- 0,33 %), l'Italie (- 0,22 %) et devant l'Autriche et le Royaume-Uni (tous deux ex aequo à - 0,16 %). Il est à noter que si l'on répartit les dépenses administratives, ce que ne fait pas la Commission européenne dans son rapport, le Luxembourg et la Belgique deviennent bénéficiaires nets, du fait de l'implantation des institutions communautaires sur leurs territoires. Votre Rapporteur spécial rappelle enfin que ces calculs comptables de retours nationaux des dépenses communautaires ont été introduits par les Britanniques, lors de la négociation de leur premier « chèque ». Mme Catherine Colonna, Ministre déléguée aux affaires européennes, a estimé devant votre Rapporteur spécial qu'ils portaient la responsabilité d'avoir instillé ce « poison » dans les discussions communautaires. En effet une dépense sur le territoire d'un Etat membre peut très bien entraîner des commandes dans un autre. Et le développement de l'Espagne, naguère, ou de la Pologne, maintenant, a des répercussions positives sur l'ensemble de ses partenaires... L'Europe a besoin d'un budget digne de ce nom qui tienne compte des contraintes financières mais qui assure la nécessaire solidarité à la base de la construction communautaire.
Note : hors dépenses administratives, correction britannique incluse Source : commission européenne, septembre 2005. Votre Rapporteur spécial note enfin que les fonds européens manquent singulièrement d'affichage en France. Les 4,5 % de la population active qui sont agriculteurs ne seraient sans doute qu' 1,5 % sans la PAC. Rare sont les projets financés sur les fonds structurels européens qui font l'objet d'un affichage public ou médiatique. A contrario, comme l'a dit Mme Catherine Colonna à votre Rapporteur spécial, c'est surtout les financements nationaux des grands projets d'infrastructure qui manquent, pas la part communautaire.
Source : commission européenne, septembre 2005. 3. La procédure budgétaire 2006 La Commission a proposé en avril 2005 un avant-projet de budget qui s'établit à 121,3 milliards d'euros en CE (+ 4,1 % par rapport à 2005) et 112,6 milliards d'euros en CP (+ 5,95 % par rapport à 2005), pour un total représentant 1,01 % du RNB de l'UE. Cette évolution s'explique par la hausse des paiements des fonds structurels essentiellement liée à la montée en puissance des programmes dans les 15 anciens Etats membres (+ 3,2 milliards d'euros), une augmentation des dépenses de développement durable (+ 1,4 milliard d'euros), une hausse des paiements au titre des politiques internes (+ 913 millions d'euros) et une hausse des dépenses au titre du premier pilier de la PAC (+ 800 millions d'euros). Comme tous les ans, le Conseil, lors de sa première lecture en juillet 2005, a réduit les prétentions de la Commission européenne en fixant les CE à 120,81 milliards d'euros et les CP à 111,4 milliards d'euros. Ce projet de budget des Communautés européennes représente 1,089 % du RNB communautaire en CE et 1,005 % en CP. Les réductions sont cependant beaucoup moins fortes que les années précédentes, toujours en raison de la montée en puissance de l'exécution du budget dans toutes ses rubriques. La réduction la plus importante concerne la recherche (- 516 millions d'euros), pour laquelle le Conseil a estimé que la Commission avait gonflé les chiffres de façon tactique, dans l'optique de la discussion sur les nouvelles perspectives financières. Votre Rapporteur spécial note et regrette que l'ajustement budgétaire porte sur les dépenses les plus prometteuses pour l'avenir. Le projet de budget 2006 est le dernier de la programmation pluriannuelle 2000-2006. Ses marges de manœuvre sont réduites d'autant et la discussion budgétaire porte principalement sur le prochain cadre financier 2007-2013. B. DES EVOLUTIONS CONTRASTEES SELON LES CATEGORIES DE DEPENSES En 2006 le projet de budget adopté en première lecture par le Conseil prévoit des dépenses communautaires de 51,2 milliards d'euros, soit une hausse de 3,2 % par rapport à 2005. En 2004 la France reste le premier bénéficiaire de la PAC en termes de retours (21 %), loin devant l'Espagne (14,1 %) et l'Allemagne (13,5 %). Ce taux de retour est néanmoins inférieur de 2 points au taux constaté en 2003. Les secteurs dans lesquels la France a les plus forts taux de retour sont les cultures arables, la viande porcine, œufs et volailles et la pêche. Pour le premier pilier de la PAC, le « jaune » budgétaire prévoit une érosion progressive du taux de retour de 22,3 % en 2004 à 20,1 % en 2006 et ... 19,1 % en 2013. L'érosion du taux de retour pour le second pilier est encore plus forte (de 17,6 % en 2003 à 8,2 % en moyenne sur la période 2007-2013). C'est ce qui résulte de la dernière réforme de la PAC. Concernant les contrôles, la Cour des comptes européenne estime que des erreurs continuent d'affecter de manière significative les paiements en raison des déficiences des systèmes et contrôles de surveillance. Les refus d'apurement en France ont régulièrement crû au cours des années 90, atteignant 229 millions d'euros en l'an 2000 et 208 millions d'euros en 2004. Le montant des corrections attendues en 2005 serait de l'ordre de 102 millions d'euros, sans que l'on puisse conclure qu'il s'agit d'une tendance lourde à la baisse. Votre Rapporteur spécial estime que la vigilance des autorités nationales ne doit pas se relâcher pour éliminer ces manquements et irrégularités et ainsi réduire la charge du contribuable français. Rubrique 2 : actions structurelles (politique régionale) La consommation des fonds structurels en 2004 a été marquée par une très nette accélération, et le rythme constaté au premier trimestre 2005 confirme cette tendance. Par rapport aux propositions de la Commission européenne, le Conseil n'a réduit les crédits affectés aux fonds structurels que de 150 millions d'euros dans le projet de budget pour 2006 (aboutissant à un montant de 35,5 milliards d'euros), en raison d'une minorité de blocage qui s'est opposée aux propositions de réduction quatre fois plus élevées émanant de la présidence britannique. La France bénéficie d'une enveloppe de 15,7 milliards d'euros de retours au titre de la politique régionale pour la période 2000-2006 (3,8 milliards d'euros pour l'objectif 1 ; 6,1 milliards d'euros pour l'objectif 2 ; 4,5 milliards d'euros pour l'objectif 3 et 1 milliard d'euros pour les programmes d'initiative communautaires). L'entrée en vigueur de la LOLF obligeait à revoir les circuits comptables des fonds structurels européens arrivant en France. Le principe de fongibilité était potentiellement dangereux pour ces fonds, car les responsables de programme auraient eu juridiquement la faculté de les affecter à d'autres fins que celles permises par les règlements communautaires. Après une concertation entre les commissions des Finances des deux assemblées et le ministère de l'Economie, ce dernier a décidé que les fonds européens seraient versés sur un « compte de tiers » hors du budget de l'Etat. Les fonds concernant les programmes européens gérés par l'État transitant nécessairement par le compte de tiers et entrant dans le champ des responsabilités de l'État, l'information sera maintenue dans le document « État récapitulatif des fonds de concours » annexé au projet de loi de finances (dont l'intitulé serait adapté). Votre Rapporteur spécial rappelle les rapports publics 2000, 2001 et 2003 de la Cour des comptes sur la gestion en France des fonds européens. En particulier dans son rapport public 2003 sur le FSE, la Cour note : - une adaptation tardive et imparfaite des procédures nationales à l'évolution des règles communautaires, - des procédures de contrôle encore perfectibles, - un pilotage encore insuffisant par le ministère en charge de l'emploi, - des résultats incertains et un impact mal connu. La Cour conclut en insistant sur la lourdeur et la complexité des procédures de gestion des crédits du FSE, qui ont retardé l'exécution de la programmation 1994-1999. En partie pour les mêmes raisons, la programmation 2000-2006 a été très lente à démarrer et à monter en puissance. La Cour propose notamment que les procédures et délais de remontée des demandes de remboursement soient mieux encadrés et que soit rapidement mise au point une solution régulière et durable d'engagement des crédits sans attendre que la Commission européenne ait mis en place la totalité de la réserve de trésorerie. En outre, elle souhaite que les modalités du « contrôle 5 % » des crédits soient rapidement définies et mises en œuvre ; que les services en charge du FSE au ministère chargé de l'emploi voie sa mission recentrée sur le pilotage du dispositif et son positionnement renforcé ; qu'une évaluation soit engagée sur les coûts réels de la gestion du FSE. Rubrique 3 : politiques internes Les politiques internes sont principalement constituées de la recherche (64 %) et des réseaux transeuropéens (17 %), le solde (19 %) assurant le financement de mesures multiples dans une vingtaine de domaines distincts (éducation et formation, marché de l'emploi, marché intérieur, environnement, industrie, santé et protection des consommateurs, culture et audiovisuel, énergie, justice, etc.). La stratégie de Lisbonne a été révisée durant l'été dernier, avec une priorité accrue sur la croissance et l'emploi. L'objectif est toujours de consacrer 3 % du PIB à la recherche. Rappelons que la commission des Finances a été amenée à se prononcer à ce sujet dans un rapport (n° 2353) déposé le 7 juin 2005 par M. Daniel Garrigue au nom de la commission des Finances. Le taux d'exécution des crédits des politiques internes en 2004 (91,6 %) est en retrait par rapport aux années précédentes (de 93 à 95 %). La recherche est à l'origine de la moitié de cette sous-consommation (951 millions d'euros), les crédits « éducation, formation professionnelle et jeunesse » à hauteur de 121 millions d'euros et les réseaux transeuropéens à hauteur de 57 millions d'euros. En CE, le taux d'exécution au premier semestre 2005 progresse par rapport à 2004, grâce à une forte progression du poste « réseaux de transport », mais avec une diminution du taux correspondant pour la recherche. En CP le taux d'exécution au premier trimestre 2005 est en recul par rapport à 2004, principalement à cause du poste « recherche » ; le poste « réseaux transeuropéens » connaît par contre une meilleure consommation. Le projet de budget pour 2006 retient un montant de 9,2 milliards d'euros en CE (+ 1,3 % par rapport à 2005) et 8,3 milliards d'euros en CP (+ 5 %) pour l'ensemble des politiques internes. Votre Rapporteur spécial regrette que le Conseil, une fois de plus, a fortement réduit les progressions proposées par la Commission européenne, qui s'élevaient respectivement à 1,8 % et 11,5 %. C'est le budget de la recherche (6ème PCRD) qui contient les crédits affectés au nucléaire, avec la construction du réacteur ITER (international thermonuclear experimental reactor), pour lequel la décision d'installation à Cadarache a été annoncée le 28 juin 2005. Les règles générales d'octroi d'un concours financier communautaire à certaines infrastructures d'intérêt général européen (réseaux transeuropéens - RTE) et pouvant concerner les transports, mais aussi l'énergie et les télécoms, ont été revues dans le cadre de « l'Agenda 2000 », qui a permis de renforcer l'action engagée dans ce domaine au lendemain du Conseil européen d'Essen (1994). Un montant global de référence de 4,6 milliards d'euros (en euros 1999) est ainsi alloué pour la période 2000-2006, à comparer aux 2,3 milliards d'euros (en euros 1993) alloués pour la période 1995-1999. La priorité accordée aux investissements trouve sa traduction dans cette progression en volume de + 23,5 % de l'enveloppe annuelle consacrée aux réseaux transeuropéens. La répartition de cette enveloppe se décompose en 4,2 milliards d'euros pour les « réseaux transport », soit 91 % du montant global, 155 millions d'euros pour les réseaux « énergie » et 275 millions d'euros pour les réseaux « télécommunications ». Afin de tenir compte de l'élargissement (4) la dotation globale RTE a été majorée de 275 millions d'euros. Une enveloppe supplémentaire de 100 millions d'euros a aussi été ajoutée à la ligne RTE-transports au titre du programme Marco-Polo. Rubrique 4 : actions extérieures L'avant-projet de budget de la Commission prévoyait 5,4 milliards d'euros en 2006 ; le projet de budget du Conseil prévoit 5,2 milliards d'euros de crédits d'engagements, hors FED. Comme tous les ans, cette rubrique fera l'objet de discussions avec le Parlement européen, qui souhaitera pousser à l'augmentation des dépenses (Afghanistan, Irak, tsunami...). La rubrique 4, en dépit d'une amélioration récente liée à la fin des perspectives financières 2000-2006, continue à se caractériser par un taux d'exécution des programmes assez faible, le « reste à liquider » (RAL) représentant environ trois ans de consommation. Le montant total annoncé de l'aide financée par le budget communautaire pour le tsunami en Asie du Sud-Est s'élève à 473 millions d'euros dont 123 millions d'euros au titre des actions d'urgence et 350 millions d'euros afin d'engager une action de reconstruction à moyen et long termes. La France a financé 16 % de ces montants. Rubrique 5 : dépenses administratives En 2005, les dépenses administratives, en crédits d'engagement comme en crédits de paiement se sont élevées à 6,4 milliards d'euros, soit une augmentation de 3,1 % par rapport aux dépenses enregistrées en 2004. Elles représentent 5,5 % du budget total. Le Conseil a prévu 6,6 milliards d'euros en 2006, en diminuant les demandes de la Commission européenne de 120 millions d'euros. Les effectifs des grandes institutions européennes (Commission, Conseil, Parlement, etc.) s'élèvent à plus de 37 000 agents. Les réserves sont prévues à 458 millions d'euros en 2006 (CE et CP). Plusieurs pays sont dans une procédure de pré-adhésion à l'Union européenne. La Bulgarie et la Roumanie devraient entrer dans l'Union le 1er janvier 2007. Le Conseil a décidé le 3 octobre 2005 de commencer les discussions d'adhésions avec la Turquie et la Croatie. Au-delà de ces quatre pays, les perspectives d'élargissement concernent à moyen terme les autres pays des Balkans occidentaux (ARYM, Serbie-Monténegro, Bosnie-Herzégovine, Albanie), dont la vocation à intégrer l'Union européenne a été clairement affirmée dès le Conseil européen de Feira (juin 2000) et constamment rappelée depuis, notamment aux Conseils européens de Copenhague (décembre 2002) et de Thessalonique (juin 2003). Le projet de budget 2006 prévoit pour les crédits de pré-adhésion une enveloppe totale de 2,5 milliards d'euros en CE (inchangé par rapport à la proposition de la Commission) et 3 milliards d'euros en CP (réduction de 8 % par rapport aux propositions de la Commission, dont 45 millions d'euros pour la Turquie). Les crédits d'engagement affectés à la Turquie augmentent fortement depuis l'an dernier, passant de 300 à 500 millions d'euros. Au total, la Turquie bénéficierait d' 1 milliard d'euros sur la période 2004-2006. À la fin de l'exercice budgétaire 2004, le RAL atteint un montant total de 8 milliards d'euros (hors Turquie et Fonds de solidarité de l'UE), représentant ainsi presque trois ans de décaissements effectifs sur la base des chiffres 2004. Cela résulte de la faible capacité d'absorption de ces pays, notamment pour le programme SAPARD dans l'agriculture. Par contre les crédits de paiement en 2004 atteignent près de 95 % en consommation, et cette bonne tendance semble se confirmer dans les premiers mois de 2005. Les compensations sont prévues à hauteur de 1,07 milliard d'euros en 2006 (CE et CP). II. LES PERSPECTIVES FINANCIÈRES 2007-2013 Il convient de rappeler brièvement les négociations qui ont abouti à l'échec du Conseil européen des 16 et 17 juin 2005 sur les perspectives financières 2007-2013. A. L'IMPASSE DES DISCUSSIONS BUDGÉTAIRES SOUS PRÉSIDENCE BRITANNIQUE La Grande-Bretagne, suivie par la Suède, les Pays-Bas, la Finlande et enfin l'Espagne, pour des raisons tactiques, ont rejeté les derniers compromis de la présidence luxembourgeoise. La Grande-Bretagne a sans doute une part importante de responsabilité dans l'échec des négociations et les objections des autres Etats membres auraient sans doute été levées si la Grande-Bretagne n'avait pas maintenu son veto jusqu'au bout. Elle a ouvert à nouveau, très tardivement dans le cours des négociations, la question du financement de la PAC, alors que l'on pensait que le Conseil avait statué sur ce sujet il y a deux ans déjà. Ce procédé n'est pas conforme à la méthode communautaire. Or 24 Etats membre sur 25 disent que le « chèque » britannique est la clé de la négociation... Le « jaune » budgétaire explique que le Gouvernement français était favorable au dernier compromis de la présidence luxembourgeoise et que la solution qui sera finalement retenue ne devra pas trop s'en éloigner, afin de ne pas alourdir la contribution nette de la France. Mme Catherine Colonna, Ministre déléguée aux affaires européennes, a confirmé à votre Rapporteur spécial qu'elle pensait que c'était sans doute le meilleur compromis possible au vu de la situation du moment. Votre Rapporteur spécial reconnaît que ce dernier compromis tient compte des principales priorités de la France, à savoir le financement de la PAC et le maintien de fonds structurels pour les régions pauvres des 15 anciens Etats membres. Certes il s'établit seulement à 1,06 % du RNB communautaire, mais une analyse réaliste de la situation montre que nos partenaires ne sont actuellement pas prêts à augmenter leurs contributions pour aller au-delà. En particulier ce dernier compromis représente 60 milliards d'euros de dépenses de plus que ce que permettrait la règle du 1 %, comme le montre le tableau ci-dessous. Une attitude réaliste de bon sens incite à repartir des propositions de la présidence luxembourgeoise, plutôt que remettre tout à plat et prendre le risque de tout perdre...
(*) Hors FED (21,9 milliards d'euros). Le FED représente environ 0,03 % du RNB communautaire. Le Parlement européen s'est prononcé le 8 juin dernier, à une très large majorité, dans la ligne du rapport de M. Reimer Böge (Commission spéciale), pour que la priorité soit accordée aux « politiques d'avenir ». Il plaide donc pour un financement conséquent de la recherche au niveau européen et un programme ambitieux en matière d'éducation et d'innovation, afin de stimuler la croissance et la compétitivité de l'Europe. Aux yeux du Parlement européen, cet effort nécessite un cadre budgétaire aboutissant, en 2013, à des crédits d'engagement à hauteur de 1,18 % du RNB. Si l'on réintègre dans les propositions du Parlement européen les crédits du FED (21,9 milliards d'euros), du Fonds de solidarité (6 milliards d'euros et les dépenses agricoles de la Bulgarie et de la Roumanie (8 milliards d'euros), on aboutit à une position très proche de celle défendue par la Commission européenne. La Présidence britannique a intérêt à faire traîner les discussions car, en l'absence d'accord avec la fin 2006, la décision sur les ressources propres du 29 septembre 2000 continuerait à s'appliquer, avec un plafond de ressources propres limité à 1,24 % et surtout les dispositions sur le « chèque britannique » maintenues en l'État (donc un montant qui augmente). Comme l'a indiqué à votre Rapporteur spécial Mme Catherine Colonna, Ministre déléguée aux affaires européennes, la Grande-Bretagne a intérêt à laisser monter les attentes, pour sortir un compromis en fin de présidence, « à prendre ou à laisser ». Ce pays n'a pas perdu l'espoir de garder son « chèque » et de diminuer le financement de la PAC. Votre Rapporteur spécial s'interroge sur le statut des dernières propositions de la présidence luxembourgeoise, et en particulier sur le fait de savoir si ces concessions sont déjà considérées comme acquises par certains de nos partenaires : intégration des trois quarts des dépenses agricoles pour la Bulgarie et la Roumanie sous le plafond, « clause de rendez-vous » agricole entre 2007 et 2013, maintien du rabais britannique à un niveau de 5,5 milliards d'euros par an jusqu'en 2013. En effet le « jaune » budgétaire explique que le Gouvernement français interprète la clause de rendez-vous agricole comme une réflexion approfondie qui n'a vocation à produire ses effets qu'après 2013, alors que la Grande-Bretagne aurait évidemment été tentée de la comprendre comme une révision à mi-parcours impliquant un réajustement des masses budgétaires avant 2013. Le Gouvernement s'est battu pour maintenir des fonds structurels substantiels pour les régions défavorisées des 15 anciens Etats membres (objectif 2 maintenu) et il n'est pas encore sûr qu'il arrivera ; ces fonds risquent toujours de servir de variable d'ajustement pour aboutir à un compromis final. Le « jaune » budgétaire explique les différents scénarii possibles en cas d'absence d'accord avant le 31 décembre 2006, avec dans tous les cas un budget 2007 qui serait très proche du budget 2006, à titre conservatoire. B. LE DÉBAT SUR LES RESSOURCES PROPRES 1. La pierre d'achoppement du « chèque britannique » Les facteurs à l'origine de la correction britannique ont perdu leur raison d'être. En particulier le niveau de richesse par tête du Royaume-Uni est maintenant l'un des plus élevés de l'UE, derrière les Pays-Bas mais devant la Suède, la France et l'Allemagne. Le Royaume-Uni avait obtenu ce rabais en un temps où la PAC représentait 70 % des dépenses opérationnelles réparties, alors qu'elles n'en représentent maintenant que 51 %. Le « chèque britannique » représenterait, à réglementation inchangée, un montant de 7,5 milliards d'euros par an sur la période 2007-2013, avec une part croissante financée par la France. La Présidence luxembourgeoise a d'abord proposé de geler le rabais britannique à son niveau antérieur à l'élargissement (4,7 milliards d'euros), puis dans une dernière tentative à un niveau de 5,5 milliards d'euros. On sait que le Royaume-Uni a refusé toute évolution de sa position en la matière. La présidence luxembourgeoise a montré la nécessité de mesures en faveur des Etats membres souffrant de déséquilibres budgétaires excessifs (Allemagne, Pays-Bas et Suède). La Commission européenne avait proposé un « mécanisme de correction généralisé » permettant un écrêtement des soldes excessifs ; devant l'opposition de la France à la pérennisation d'un tel système, la présidence luxembourgeoise a proposé pour l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède des mesures ad hoc temporaires et financées par tous les Etats membres, sous forme d'un « rabais TVA » (par une modulation du taux d'appel et un relèvement des frais de perception). 2. La création d'un impôt européen est repoussée à une échéance lointaine Votre Rapporteur spécial tient à rappeler sa position, telle qu'exprimée les années précédentes lors du débat sur le prélèvement européen de la création d'un impôt européen pour financer son budget. Il s'agit de rendre visible notre contribution afin que nos concitoyens aient conscience qu'ils participent à un acte civique. C. TOUTES LES DÉPENSES SONT RÉDUITES... La dernière proposition de la présidence luxembourgeoise prévoyait des coupes dans toutes les rubriques : 50 milliards d'euros sur les politiques de la stratégie de Lisbonne, 22 milliards d'euros sur les rubriques citoyenneté, liberté, sécurité, justice et administration, 22 milliards d'euros sur les dépenses agricoles de marché et de développement rural, 27 milliards d'euros sur la politique régionale concernant essentiellement les dépenses affectées aux 15. Rubrique 1 : croissance durable 1a. Compétitivité pour la croissance et l'emploi La Commission avait proposé une enveloppe de 114,6 milliards d'euros pour la période, soit plus du double des crédits correspondants sur la base de la reconduction des dépenses de l'année 2006. Cette évolution correspondait à un doublement de l'enveloppe de la recherche (68 milliards d'euros), une multiplication par 4,5 de celle affectée aux réseaux transeuropéens de transport et d'énergie, et une augmentation de 50 % du programme en faveur de l'innovation et de la compétitivité (18 milliards d'euros). La dernière proposition de la présidence luxembourgeoise a abouti à une enveloppe totale de 72 milliards d'euros. Votre Rapporteur spécial constate qu'il s'agit de la conséquence directe de la demande des six Etats membres en faveur du 1 %. Il regrette que les « dépenses d'avenir » soient ainsi réduites dans de telles proportions, alors que leurs effets sur la croissance et l'emploi sont les plus grands. Les propositions de la Commission pour un 7ème PCRD couvrent des domaines aussi variés que la sécurité, l'énergie (dont le nucléaire et le projet ITER), l'espace et l'aéronautique, qui sont considérés comme prioritaires et stratégiques pour l'Europe. D'autres thèmes concernent la santé, les TIC, l'environnement, les transports de surface, l'agriculture, l'alimentation et les biotechnologies ou les nanotechnologies. À cet égard, la formation de 700 000 chercheurs supplémentaires permettrait de rattraper le retard de l'Europe par rapport à ses principaux partenaires économiques : 5,7 chercheurs pour 1.000 personnes actives contre 8,1 aux États-Unis et 9,1 au Japon. La politique de réseaux trans-européens a été relancée en 2004 en déclarant « d'intérêt général » un ensemble de 30 projets prioritaires dont les travaux doivent démarrer avant 2010 et s'achever avant 2020. Le coût global du programme de construction des 30 projets a été estimé à 225 milliards d'euros dont 140 sur la période 2007-2013 et 80 % affectés aux transports ferroviaires. L'ensemble des besoins pour les projets d'intérêt commun est estimé à 600 milliards d'euros. Dans le cadre des perspectives financières pour la période 2007-2013, l'enveloppe proposée par la Commission européenne est de 20 milliards d'euros (contre un peu plus de 4 milliards d'euros pour la période 2000-2006), mais son montant définitif ne sera connu qu'à l'issue des négociations. Elle serait principalement orientée vers le financement des tronçons transfrontaliers des projets prioritaires. Ce financement peut être complété par une part de fonds structurels et du fonds de cohésion, ainsi que des prêts de la Banque européenne d'investissement. Au sein du programme des 30 projets prioritaires d'intérêt européen, la France est concernée : - sur l'axe ferroviaire Lyon-Trieste-Ljubljana-Budapest-frontière ukrainienne, par le tronçon Lyon-Saint Jean de Maurienne et le tronçon transfrontalier, tunnel du Mont Cenis ; - sur l'axe ferroviaire à grande vitesse du Sud-Ouest de l'Europe, à l'Est, par le tronçon frontalier Figueras-Perpignan et le tronçon Perpignan-Montpellier-Nîmes et, à l'Ouest, par le tronçon transfrontalier Irun-Hendaye-Dax et le tronçon Dax-Bordeaux-Tours ; - sur l'axe ferroviaire à grande vitesse Est, par le tronçon Paris-Baudrecourt et le tronçon transfrontalier entre Metz et Luxembourg ; - sur l'axe ferroviaire de fret Sines/Algesiras-Madrid-Paris, par un axe ferroviaire à grande capacité transpyrénéen dont le tracé n'est pas encore fixé ; - sur l'axe ferroviaire Paris-Strasbourg-Stuttgart-Vienne-Bratislava, par le tronçon Baudrecourt-Strasbourg et le tronçon transfrontalier Strasbourg-Pont de Kehl ; - sur l'axe ferroviaire Lyon/Genève-Bâle-Duisbourg-Rotterdam-Anvers, par le tronçon Lyon-Mulhouse et le tronçon transfrontalier Mulhouse-Mülheim ; - sur l'axe « Eurocaprail » Bruxelles-Luxembourg-Strasbourg, par le tronçon Strasbourg-Luxembourg ; - sur l'axe fluvial Seine Escaut, par le tronçon Compiègne-Cambrai. Sur ces axes et en ce qui concerne les tronçons situés sur le territoire français, les travaux sont actuellement en cours pour le TGV Est et le tronçon Perpignan-Figueras. En ce qui concerne le tronçon Lyon-Tunnel du Mont-Cenis (axe Lyon-Turin-Ljubljana-Budapest-Frontière ukrainienne), la phase d'études et travaux préliminaires est également en cours. 1b. Cohésion pour la croissance et l'emploi (politique régionale) Dans le dernier compromis de la présidence luxembourgeoise, les crédits communautaires seraient réduits de 27 milliards d'euros sur la rubrique 1b (« politique régionale »), concernant essentiellement les dépenses des pays de l'Union à 15, soit une baisse de l'ordre de 8 % seulement par rapport aux propositions initiales de la Commission. Cette baisse se ferait proportionnellement pour les trois nouveaux objectifs (régions en retard, compétitivité et coopération territoriale), préservant ainsi un montant « significatif » pour l'objectif 2. Le ministère de l'Economie a calculé que le montant des fonds structurels européens qui seraient ainsi affectés aux 15 anciens Etats membres, dans les nouvelles perspectives budgétaires (2007-2013), s'élèverait à 12,75 milliards d'euros, à comparer aux 15,7 milliards d'euros pour la période précédente (6,25 % en volume). Le Gouvernement estimait que ce compromis était acceptable pour la France en ce sens qu'il était au-dessus du « seuil de crédibilité » pour l'objectif 2 et que les crédits affectés aux DOM n'étaient pas réduits par rapport aux propositions de la Commission. La suite des discussions, notamment sous présidence britannique, fait néanmoins craindre, aux yeux de votre Rapporteur spécial, que les dépenses de l'objectif 2 affectées aux 15 anciens Etats membres ne servent de « variable d'ajustement » dans les compromis finaux. Il rappelle les termes de la proposition de résolution (TA n° 482) considérée comme définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 30 juillet 2005 sur les fonds structurels et la cohésion territoriale de l'UE des années 2007 à 2013, selon lesquels l'Assemblée nationale « affirme la nécessité de maintenir aux régions des anciens Etats membres un soutien communautaire qui ne subsiste pas qu'à titre résiduel, mais témoigne au contraire de la volonté de l'Union européenne de s'ancrer durablement dans tous les territoires ». (5) Votre Rapporteur spécial note également que l'absence d'accord avant le 31 décembre 2005, qui est malheureusement très probable sous l'actuelle présidence britannique, entraînera l'impossibilité immédiate d'élaborer les textes règlementaires et de lancer les procédures budgétaires qui permettront d'engager et de consommer les fonds structurels régionaux au début de l'année 2007. Ce serait alors au premier chef les dix nouveaux Etats membres qui seront les plus lésés. Et nous risquons, en France, une nouvelle fois une programmation chaotique, avec un retard au démarrage, voire une « année blanche », puis un rattrapage pour éviter les dégagements d'office. En outre la Commission du développement régionale du Parlement européen a, le 12 septembre dernier, entendu le rapport de M. Alain Hutchinson qui vise à subordonner l'octroi des aides des fonds structurels à des garanties fermes en matière de création d'emplois et à refuser les subventions aux entreprises qui menacent de délocaliser leurs activités. Votre Rapporteur spécial estime qu'il s'agirait là d'une orientation importante qu'il faut encourager. La proposition de règlement général sur les fonds structurels (COM[2004]492) prévoit en son article 56 que les entreprises qui délocalisent dans un délai de sept ans après avoir bénéficié d'une aide des fonds doivent rembourser cette aide. Au-delà, le rapporteur du Parlement européen émet une série de propositions qu'il souhaite voir intégrées dans les règles de fonctionnement des fonds européens. Parmi ces propositions : - les entreprises ayant délocalisé à l'intérieur de l'UE ne peuvent bénéficier d'aides publiques dans leur nouveau lieu d'activités et doivent être exclues du bénéfice des fonds structurels ou des aides d'Etats pendant une période de sept ans. Les sanctions devraient être étendues aux entreprises qui menacent de délocaliser pour faire accepter aux travailleurs une fragilisation de leurs conditions de travail ; - la Commission doit subordonner l'octroi d'aides publiques - la Commission devrait établir la liste des entreprises qui ont bénéficié d'aides communautaires et qui délocalisent, et réclamer le remboursement des aides dont ces entreprises ont bénéficié. Le rapport demande aussi à la Commission européenne d'élaborer un code de conduite européen afin d'éviter les transferts d'entreprises au sein de l'UE dans le seul but d'obtenir une aide financière. Le Parlement européen devrait se prononcer dans un vote prévu lors de la session plénière de novembre ou décembre prochain. Enfin la Commission européenne prépare une réforme du système de contrôle des aides d'Etat. Dans ce cadre, elle a indiqué son intention de réexaminer les lignes directrices sur les aides à finalité régionale pour la période 2007-2013. Le projet initial de la Commission avait pour conséquence de supprimer les aides aux grandes entreprises sur l'ensemble du territoire français métropolitain, au travers de la prohibition de telles aides dans les zones relevant de l'article 87-3 c) du Traité CE et de leur concentration sur les seules régions en retard de développement au titre de l'article 87-3 a) du Traité (i.e. celles qui relèveront après 2006 de l'objectif de Convergence de la politique de cohésion). Les autorités françaises s'y étaient vivement opposées, notamment au travers d'une initiative conjointe avec l'Allemagne, l'Autriche et la Grande-Bretagne. Ces quatre Etats membres estimaient que des différentiels d'aide trop importants entre les territoires de l'Union seraient susceptibles d'entraîner des effets néfastes pour l'emploi dans de nombreuses régions, en incitant les entreprises à la délocalisation. Le nouveau projet, publié en juillet 2005, autorise les interventions en faveur des grandes entreprises sur 15,5 % de la population française hors DOM, soit moins de la moitié des zones aujourd'hui éligibles qui couvrent 34 % de la population. Ceci constitue une avancée par rapport aux projets initiaux de la Commission, même si la couverture de population envisagée reste insuffisante pour répondre aux problèmes rencontrés par de nombreux territoires. En outre, il sera essentiel de pouvoir bénéficier du maximum de flexibilité dans la définition du zonage autorisé, et d'obtenir un dispositif de transition pour les territoires perdant leur éligibilité à l'article 87.3 c) du Traité. Rubrique 2 : conservation et gestion des ressources naturelles (agriculture et environnement) Les discussions se sont concentrées sur le respect des accords de Bruxelles d'octobre 2002 sur l'agriculture, à savoir la proposition de la Commission de dépenses de marché de 293 milliards d'euros + 8 milliards d'euros pour la Roumanie et la Bulgarie sur la période 2007-2013. Le dernier compromis de la présidence luxembourgeoise, qui a été accepté par 20 Etats membres sur 25, dont la France, proposait une réduction des crédits de 22 milliards d'euros par rapport aux propositions initiales de la Commission, au travers essentiellement d'une économie de 13 milliards d'euros sur le développement rural et de 6 milliards d'euros sur la PAC de marché (grâce à l'inclusion sous le plafond des trois quarts du financement de l'élargissement à la Roumanie et à la Bulgarie). La Présidence envisageait également une « clause de rendez-vous » (6) au cours des prochaines perspectives financières, pour reconsidérer la structure du budget communautaire, et donc le financement de la PAC. Aucune définition précise de cette clause de rendez-vous n'était donnée, la France l'interprétant comme une « réflexion approfondie sur le devenir de la PAC », « qui n'a vocation à produire ses effets que pour la période commençant après 2013 » (7), le Royaume-Uni y voyant sûrement une « révision à mi-parcours censée produire ses effets avant 2013 ». Comme on le sait, ce compromis a été finalement refusé par le Royaume-Uni, mais ces éléments de négociation pourraient réapparaître, sous une forme ou sous une autre, sous présidence britannique, autrichienne ou finlandaise. Le Royaume-Uni, on le sait, fait un parallélisme entre la réduction de son rabais et la réduction des dépenses agricoles. Votre Rapporteur spécial craint que l'accord qui sera finalement conclu ne puisse être que moins favorable que le compromis de la présidence luxembourgeoise... En outre l'Italie a un temps proposé un cofinancement national partiel du premier pilier, dans une proportion non précisée, et le Parlement européen a repris cette idée pour reporter une partie de la charge sur les Etats membres sans mécontenter les agriculteurs. La France s'est fermement opposée à ces tentatives rampantes de renationalisation de la PAC. Le dernier compromis de la présidence prévoyait une enveloppe globale de 74 milliards d'euros pour les dépenses de développement rural (avec le nouveau Fonds européen agricole pour le développement rural - FEADER), à comparer aux 88,75 milliards d'euros de la proposition initiale de la Commission européenne. Au-delà, votre Rapporteur spécial s'interroge sur la nécessaire évolution graduelle de la PAC. La PAC a constitué, historiquement, le cœur de l'Europe, a permis d'organiser l'agriculture européenne et a contribué à la prospérité. Pourtant elle n'est pas exempte de critiques. Elle a bénéficié surtout aux grands exploitants agricoles, s'est peu occupée d'aménagement du territoire en multipliant les friches et en réduisant les populations agricoles, et a développé une bureaucratie excessive. Certes il est hors de question de ne pas continuer à aider l'agriculture. Mais on pourrait développer des aides plus favorables aux produits de qualité, favoriser les agriculteurs petits et moyens en privilégiant l'aide aux personnes plus qu'aux produits et en liant davantage les subventions à l'aménagement du territoire. La puissance publique, qu'elle soit européenne ou nationale, pourrait utilement s'intéresser aux circuits de distribution. L'agriculture européenne devra trouver les voies de ses prochaines réformes dans un contexte où les consommateurs demandent une meilleure traçabilité, une meilleure qualité et des méthodes plus respectueuses de l'environnement. Rubrique 3 : citoyenneté, liberté, sécurité et justice La Commission a proposé la création d'une nouvelle rubrique 3 dotée de 18,5 milliards d'euros, composée de l'actuelle politique relative à la justice et aux affaires intérieures (JAI), rebaptisée « liberté, sécurité et justice », un volet citoyenneté qui rassemblerait des programmes relatifs à la culture à la jeunesse et aux médias ainsi qu'un programme « citoyens pour l'Europe » de participation civique, la protection des consommateurs et enfin le fonds de solidarité de l'Union européenne (fonds destiné à indemniser les régions et pays européens touché par une catastrophe naturelle, mis en place en 2002 après les inondations de l'Elbe). La dernière proposition de la présidence luxembourgeoise a retenu un montant total de 11 milliards d'euros sur la période. Le Gouvernement français a, dans cette discussion, défendu les priorités que constituent le volet liberté, sécurité et justice et, dans une moindre mesure, les programmes culture, jeunesse et media. Le volet « liberté, sécurité, justice et citoyenneté » a fait l'objet d'une proposition de crédits de la Commission européenne de 8,3 milliards d'euros sur la période 2007-2013. Trois programmes sont prévus : solidarité et gestion des flux migratoires, sécurité et protection des libertés, justice et droits fondamentaux. Le Gouvernement français a soutenu l'augmentation des crédits de cette rubrique, en particulier les politiques destinées à la protection des frontières. La présidence luxembourgeoise a proposé de scinder la rubrique en deux et le volet 3a sur « liberté, sécurité et justice » obtiendrait 6,6 milliards d'euros pour la période. Le volet « citoyenneté » fait l'objet de propositions détaillées de la Commission européenne (culture, audiovisuel, jeunesse, citoyenneté...) ; le Gouvernement français estime que la progression des crédits proposée par la Commission européenne doit être réduite afin de rester dans le cadrage général du 1 %. Rubrique 4 : l'UE en tant que partenaire mondial La Commission européenne a proposé de rationaliser les moyens de politique extérieure en six instruments : pré-adhésion, voisinage et partenariat, coopération au développement, stabilité, aide humanitaire, assistance macro-financière. Par rapport à l'enveloppe de 70,2 milliards d'euros (hors FED) proposée par la Commission, la dernière proposition de la présidence luxembourgeoise s'est élevée à 54,5 milliards d'euros. La Commission propose la réduction du champ de la rubrique spécifique aux dépenses administratives et la ventilation d'une grande partie de ces dépenses sur les autres rubriques du budget. Cette approche fait encore l'objet de débats entre États membres : seuls deux pays (Malte et Slovénie) seraient favorables à cette présentation. En revanche, huit autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Portugal, Irlande, République tchèque, Estonie et Hongrie), sans rejeter l'approche de la Commission conforme à la logique de la budgétisation par activités (8), se prononcent en faveur de l'ajout d'un plafond consolidé, permettant d'avoir un aperçu global de l'évolution de ces dépenses. Enfin, quatre autres pays (France, Autriche, Pays-Bas et Danemark) souhaiteraient accentuer la logique de consolidation en intégrant, dans cette rubrique, les dépenses des Agences. Dans le dernier compromis luxembourgeois, des compensations ont été prévues à hauteur de 800 millions d'euros pour l'ensemble de la période 2007-2013 (CE). III. COMPTE-RENDU DE DEUX MISSIONS DE CONTRÔLE A. MISSION DE CONTRÔLE EFFECTUÉE LE 26 MAI 2005 À METZ SUR LA PROGRAMMATION ET LA CONSOMMATION DES FONDS STRUCTURELS EN RÉGION LORRAINE Votre Rapporteur spécial a effectué une mission de contrôle sur la programmation et la consommation des fonds structurels le 26 mai 2005 en région Lorraine (Metz). Il a été surpris de constater que quelque 75 personnes (équivalent temps plein) participent à la gestion des fonds européens, dont 20 au sein de la « cellule Europe » du SGAR et les autres dans les services instructeurs (agriculture, équipement, DRAC, DRIRE...). Le Conseil régional emploie 16 personnes ETP (dont 6 au niveau central et 10 pour les services instructeurs). Cette mission a permis de rencontrer MM. Pierre Dubourdieu, trésorier payeur général (TPG) de Lorraine, Philippe Xavier Pimor, secrétaire général des affaires régionales (SGAR) de Lorraine et Joël Berger, directeur de cabinet de M. Jean-Pierre Masseret, président du Conseil régional de Lorraine S'agissant du déroulement de la programmation et de la consommation, votre Rapporteur spécial constate une fois de plus les effets néfastes des « coups d'accordéon » et d'une gestion cahotique. M. Pierre Dubourdieu, a ainsi confirmé à votre Rapporteur spécial que le réseau régional du Trésor s'était beaucoup mobilisé au cours des derniers mois pour sensibiliser les élus locaux aux possibilités de financements communautaires. La procédure de programmation des fonds a été simplifiée, avec notamment l'avis du TPG au moment de la tenue du comité de programmation. Le préfet a délégué au TPG l'autorité de paiement. Les délais de transmission des fonds en provenance de Bruxelles ont alors été raccourcis : on est passé d'un mois de délai à un jour, avec un engagement à rembourser avant cinq jours. Après des risques sérieux de dégagement d'office, c'est maintenant la situation inverse qui prévaut maintenant, avec un plus grand nombre de projets que de crédits. Ainsi pour le FEDER on est en avance d'une année dans la programmation. Le réseau lorrain du Trésor continue néanmoins à sensibiliser les élus locaux sur la nécessité absolue de faire remonter les factures en temps voulu. Il faut donc maintenant être sélectif dans le choix des projets, de façon transparente avec des critères affichés. Il faut en outre continuer à s'assurer que les dossiers acceptés soient mûrs, afin qu'ils soient effectivement réalisés dans les délais impartis, faute de quoi nous serions face à un grand nombre de reliquats à gérer en fin de période de programmation. À cette fin, il s'agit d'être vigilant pour déprogrammer à temps ce qui ne pourra être réalisé. Il n'y aurait pas de risque de dégagement d'office pour le FEDER en 2005, mais c'est l'année 2006, dernière année de programmation, qu'il faudra surveiller. La situation du FSE sera plus tendue, mais la préfecture de région est optimiste grâce à la mobilisation des projets du Conseil régional et grâce au transfert obtenu de 3,75 millions d'euros du FSE vers le FEDER (sur 7,5 millions demandés). Pour gérer la sélectivité nouvelle, le préfet de région a adopté une stratégie visant à classer les nouveaux projets en trois catégories : - respect des engagements pris dans un contrat de territoire (pays et d'agglomération...) ; - respect des engagements provenant des grands projets structurants ; - projets d'intérêt local (8 - 10 millions d euros). Le FSE continue toutefois à poser des problèmes. Il finance une multitude de très petits projets avec des associations et des centres de formation, qui n'ont souvent pas de moyens de gestion. Il relève de l'administration du travail, au niveau parisien et dans ses antennes régionales, et tous les interlocuteurs rencontrés sont unanimes à dire que les procédures sont trop lourdes et complexes. En outre les conseils régionaux ont vocation à s'occuper de la formation professionnelle et une coopération avec ses services alourdit encore les procédures. Les projets INTERREG Lorraine/Sarre et Wallonie/Belgique/Luxembourg subissent des contraintes de gestion considérables au regard de l'ampleur des fonds engagés. Votre Rapporteur spécial constate, une fois de plus, que les règles administratives, les mêmes pour toutes les tailles de projets, sont fortement pénalisantes pour les petits projets. Un autre problème est de savoir si la programmation doit continuer à se concentrer sur les territoires les plus développés (Moselle et Meurthe et Moselle), ainsi les pôles de compétitivité, ou si elle doit aussi couvrir les zones les plus défavorisées et qui souffrent d'un défaut d'ingénierie administrative (Meuse et Vosges). Certes un vrai budget européen doit éviter le saupoudrage. Mais votre Rapporteur spécial a eu connaissance de plusieurs cas montrant que des dossiers peuvent être bloqués à cause de leur département d'origine. Se pose alors la question de l'opportunité de la création de quotas départementaux, afin de veiller aux équilibres, en fonction de la population de chaque territoire. Le préfet de région a demandé à chaque département de lui faire des propositions assorties d'une enveloppe financière. La DATAR a, à cet égard, donné pour instruction expresse de refuser les enveloppes départementales et de suivre une logique d'appel à projet. Encore faudrait-il, pour votre Rapporteur spécial, que les projets éligibles soient bien enregistrés dans un ordre d'arrivée qui en détermine l'instruction. Faute de quoi, les porteurs de projet ne seraient plus à l'abri de décisions arbitraires et opaques du préfet de région. Concernant les contrôles, un premier audit de la CICC avant l'année 2000 avait montré de nombreuses irrégularités : non renseignement de la base PRESAGE, réalité des contrôles internes, qualité, complétude des dossiers... Un deuxième audit mené durant l'année 2002 avait débouché sur un rapport très favorable. Malgré les assurances données par le SGAR et le TPG, les relations entre la préfecture de région et le Conseil régional ne sont pas au beau fixe, selon M. Joël Berger. Certes le comité de suivi est coprésidé et les collaborateurs du Conseil régional participent au comité de programmation. La plus grande sélectivité des projets devrait permettre une meilleure concertation, dans la transparence et la communication. Le Conseil régional n'a pas refusé la classification des projets en trois catégories proposée par le préfet. Mais la préfecture n'a jamais informé le Conseil régional de la répartition des sommes ni de la liste des projets. Or il est impossible de se déterminer sur des projets pris isolément. En outre les services du SGAR ne communiquent pas à l'avance les dossiers à étudier. Les représentants du Conseil régional aux comités de programmation ont donc pris la décision de ne plus se prononcer, sauf pour les projets cofinancés. Le Conseil régional n'est donc pas en mesure de co-décider, contrairement aux dispositions des circulaires de l'été 2002. La plus grande sélectivité des projets, du fait de la saturation des enveloppes budgétaires annuelles, fait naître des frustrations importantes quand des demandes plus anciennes sont rejetées au profit de demandes plus récentes, et souvent dans des conditions de transparence discutables. Des critères de sélection clairs et précis, dans la ligne de la stratégie de Lisbonne, devraient être convenus d'un commun accord et en totale transparence entre le SGAR et le Conseil régional. Au-delà le la présente programmation budgétaire, votre Rapporteur spécial rappelle sa position relative à la nécessité d'un transfert de la gestion des fonds structurels européens aux régions et, le cas échéant, à d'autres collectivités territoriales. Cela résulte de l'application de l'article 44 de la loi (n° 2004-809) du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, adoptée à l'initiative d'un amendement de votre Rapporteur spécial. À cette occasion il est bon de noter que ce transfert de compétences doit se préparer le plus tôt possible au cours de l'année 2006, afin que les procédures soient en place dès le 1er janvier 2007. En particulier le rapport que le Gouvernement doit présenter au Parlement « au cours du premier semestre 2006 » devrait être avancé de six mois pour tenir ce calendrier. Ce seront alors naturellement aux régions de négocier le contenu des DOCUP directement avec la Commission européenne, en associant évidemment dans une relation de partenariat les SGAR et après que l'Etat ait joué son rôle de régulateur en décidant de la répartition des fonds entre les régions. L'Etat et les régions devraient rapidement se retrouver pour définir un protocole préalable au lancement du prochain cycle de fonds européens. B. MISSION DE CONTRÔLE EFFECTUÉE LE 10 MARS 2005 AUPRÈS DE LA COMMISSION INTERMINISTÉRIELLE DE COORDINATION DES CONTRÔLES (CICC) Votre Rapporteur spécial a rencontré : - M. Jean-Pierre Jochum, inspecteur des finances, président de la CICC fonds structurels ; - Mme Danièle Lajoumard, inspectrice des finances, présidente de la CICC agricole ; - Mme Danielle Bourlange, directrice, secrétaire de la CICC agricole, directrice de l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA). a) CICC - fonds structuels En France les contrôles de régularité sur les fonds européens sont effectués par la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC). Celle-ci est divisée en deux, l'une chargée des fonds agricoles (FEOGA-garantie), l'autre des fonds structurels. La CICC assure un contrôle de conformité des dépenses aux règles, mais pas de contrôle d'opportunité. Elle n'exerce pas non plus de rôle d'évaluation des effets des fonds structurels européens. En moyenne, une région par mois est contrôlée, sur tous les programmes mis en oeuvre. Les contrôles portent sur les dossiers et des entretiens avec les principaux intervenants (SGAR, services instructeurs, collectivités locales). Très peu de projets non éligibles, ou situés dans des régions non éligibles, sont décelés. Seulement quelquefois des projets sont aux limites du DOCUP ; c'est pour cela que les DOCUP auraient parfois gagné à être moins précis, à être de vrais documents de programmation stratégique, plus que des listes de projets. La CICC est une commission indépendante composée d'inspecteurs généraux de plusieurs ministères. Sa logistique est assurée par le ministère de l'Economie. La CICC intervient seulement au niveau du contrôle des dépenses faites ; mais il peut arriver qu'elle en vienne à conseiller un gestionnaire sur la qualité des procédures et sur les contrôles à mettre en place, ... en cas de défaillance du rôle de conseiller que devraient exercer les ministères. La CICC établit d'abord un rapport provisoire, qui est discuté selon une procédure contradictoire, puis éventuellement modifié et rendu définitif, avec un tableau de synthèse. Le rapport est envoyé à l'autorité de gestion, au ministère gestionnaire et à la Commission européenne, afin de s'assurer de son suivi effectif. Il ne s'agit pas de sanctionner pour sanctionner, mais de pousser les gestionnaires à être réactifs pour corriger les problèmes. Dans son rapport pour l'année 2004, la CICC fonds structurels relève que l'année 2004 a constitué un tournant en matière de contrôle par sondages. Sorties pour bon nombre d'entre elles des travaux liés à la clôture de la programmation précédente, les autorités de gestion, par le biais de leur unité de contrôle, ont intensifié leurs efforts pour résorber le retard ainsi que pour parfaire leur organisation et plus encore leur mode opératoire. Les audits réalisés par la CICC - fonds structurels ont permis de mettre en évidence les faits saillants suivants : - pour le FEDER : de fortes préoccupations subsistent sur les programmes INTERREG ; la préoccupation d'éviter le dégagement d'office a peu d'incidence sur l'aspect qualitatif de l'examen des projets ; des manuels de procédures généralement de bonne qualité ont le mérite d'exister et leur utilisation est améliorée grâce à la mise en place des contrôles qualité ; en matière de contrôle du service fait, les pièces de dépenses sont présentes dans les dossiers, même s'il subsiste encore dans un nombre limité de cas des marges de progression sur la notion de pièces probantes. On compte aussi : la montée en puissance de la fonction de certification des dépenses ; l'amélioration sensible du niveau de réalisation des contrôles par sondage ; l'aspect très structurant de l'application informatique PRESAGE désormais utilisée partout ; et le transfert satisfaisant de la gestion à des collectivités territoriales ; - pour le FSE : la phase amont de la piste d'audit est devenue généralement satisfaisante. On note des avancées importantes en matière de vérification du service fait, même si certaines régions accusent un retard qui se double d'un nombre trop faible de visites sur place en cours d'action et d'une insuffisance dans le développement du contrôle qualité. Les instructions en matière de certification des dépenses déclarées à la Commission ont été suivies, mais ce point reste fortement perfectible pour l'objectif 3 et le PIC EQUAL. Par ailleurs, il faut souligner l'existence d'un retard en matière de contrôles par sondage, mais peu de critiques sont à formuler sur la qualité des plans de contrôle et les contrôles eux-mêmes : les doubles saisies dues à la coexistence des applications FSE et PRESAGE ont été supprimées. b) CICC agricole En raison de l'importance des sommes en jeu, la réglementation communautaire, notamment le règlement (CE) n° 4045/89 définit des obligations de contrôle de l'utilisation des fonds communautaires agricoles très strictes et organisées en trois niveaux : - au niveau national, le dispositif de contrôle est composé de « contrôles concomitants », de contrôles a posteriori et d'interventions de la CICC ; - ensuite la procédure d'apurement est elle-même scindée en apurement comptable (« certification ») et administratif ; - enfin la Cour des comptes européenne et le Parlement européen exercent leurs pouvoirs de contrôle, comme sur les autres dépenses communautaires. Au niveau national, tout d'abord, coexistent deux catégories de contrôle. Le premier niveau regroupe les « contrôles concomitants », c'est-à-dire ceux qui sont effectués au fur et à mesure des opérations préalables au paiement d'une aide communautaire par les directions départementales de l'agriculture, les services de contrôle des offices et les « contrôles a posteriori », effectués après le paiement de l'aide. Le deuxième niveau est assuré par la CICC agricole qui, comme la CICC fonds structurels, est une commission indépendante composée d'inspecteurs généraux des ministères de l'Agriculture et de l'Economie. Son secrétariat et son fonctionnement quotidien sont assurés par l'ACOFA (Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole) ; votre Rapporteur spécial note qu'un positionnement interministériel renforcé du secrétariat de la CICC agricole conforterait cette indépendance. La CICC agricole est un organisme coordinateur des contrôles au sens du règlement (CEE) n° 4045/89. Les contrôles sont effectués par les Douanes, l'ACOFA et la DGCCRF. À l'issue de ses contrôles, la CICC rend seulement des avis, et une procédure contradictoire est ensuite ouverte devant les offices agricoles. Ces avis sont cependant suivis par les offices agricoles dans 98 % des cas (les 2 % sont les manquements de base juridique). En fonction de la gravité de l'irrégularité, des mesures correctrices sont proposées (remboursement partiel ou total, voire pénalités). La CICC transmet les résultats de ces contrôles à Bruxelles. En 2003 la CICC agricole a procédé à l'examen de 511 dossiers, parmi lesquels 198 ont donné lieu à une conclusion de reversement pour un montant total de 8,9 millions d'euros (les dossiers contrôlés étant issus d'une analyse de risque, le taux d'anomalie constaté n'est pas représentatif de la réalité de l'ensemble des dossiers). La présidente de la CICC agricole a expliqué à votre Rapporteur spécial que pour les fonds agricoles les règlements communautaires n'imposent qu'une « raisonnable assurance », alors qu'une véritable certification comptable est requise pour les autres fonds européens. En outre, les contrôles en application du règlement n° 4045/89 sont bien adaptés aux dépenses de marché (contrôles ponctuels contre la fraude), mais pas au développement rural (nécessité de contrôles systémiques, réglementation complexe et sujette à interprétations divergentes). La présidente de la CICC agricole a indiqué à votre Rapporteur spécial deux pistes d'amélioration du contrôle des aides agricoles. En premier lieu, l'un des axes à privilégier est de faire en sorte que les obligations s'imposant aux bénéficiaires de subventions agricoles soient définies de façon suffisamment précise en amont. Il importe en effet que les règles à respecter par les bénéficiaires (pièces justificatives à fournir, contenu des données devant y figurer, délai de conservation...) soient clairement établies et notifiées de façon à conférer une plus grande efficacité au contrôle ainsi qu'une plus grande sécurité juridique, tant pour les contrôlés que pour les services en charge des vérifications. En second lieu, l'efficacité globale des systèmes de gestion et de contrôle des aides agricoles se trouverait sans aucun doute renforcée par la réalisation plus systématique d'audits de système. Ces audits devraient plus particulièrement concerner les dispositifs dans lesquels, du fait de la multiplicité des intervenants administratifs, les responsabilités se trouvent éclatées, et qui sont caractérisés par l'existence de programmes faisant l'objet d'une validation ex ante par une autorité administrative, validation conditionnant l'octroi de l'aide. Or le dispositif d'audit existant actuellement partagé entre les inspections internes au ministère de l'Agriculture et les services d'audit interne des organismes payeurs ne permet pas nécessairement de disposer d'une vision globale de la gestion et du contrôle. La présidente de la CICC agricole estime donc que le développement d'audits couvrant l'ensemble des fonctions de gestion et de contrôle permettrait d'avoir une véritable vision d'ensemble et pourrait concourir aussi à assurer une rationalité et une efficacité plus grandes des dispositifs, ainsi qu'une plus grande sécurité vis-à-vis des risques de correction d'apurement. Par ailleurs, la réalisation de ces audits par des services indépendants des services gestionnaires serait sans doute un gage supplémentaire d'efficacité. Au-delà du contrôle effectué au plan national, les fonds agricoles font l'objet d'un double apurement : - un apurement comptable (également dénommé « certification ») des soldes payés par les offices, après rectification éventuelle des irrégularités. En France c'est la Commission de certification des comptes pour les organismes payeurs (CCCOP), qui effectue ce travail. Émanation de la Cour des comptes jusqu'en mars 2005, la CCCOP s'est depuis lors constituée sur une base totalement indépendante et est maintenant composée d'inspecteurs des ministères de l'Economie et de l'Agriculture. La Cour des comptes a en effet souhaité se désengager de ce processus de certification des comptes européens où elle agissait dans un lien de subordination étroit avec la Cour des comptes européenne, jugé incompatible avec son indépendance. Votre Rapporteur spécial s'interroge, à l'opposé, sur l'absence de coopération entre les Cours des comptes nationale et européenne qu'un tel raisonnement implique... - un apurement administratif par les inspecteurs de la Commission européenne. Un refus d'apurement peut être opposé en cas d'irrégularité, et l'Etat doit alors rembourser. Au cours de sa séance du 13 octobre 2005, la Commission a examiné le budget des Affaires européennes. Votre Rapporteur spécial a rappelé que votre commission des Finances s'est déjà prononcée deux fois en juin dernier sur le budget de l'Union européenne, en examinant deux propositions de résolution, l'une sur les perspectives financières 2007-2013 et l'autre sur l'avant-projet de budget 2006. L'entrée en vigueur de la LOLF amène à commencer à réfléchir sur les rôles du rapporteur général et du rapporteur spécial dans le débat sur le prélèvement communautaire, sans parler du rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne. Il faut donner une place plus importante au débat politique sur le budget communautaire - et au-delà sur les affaires communautaires - à l'Assemblée nationale. La LOLF aura aussi pour conséquence, au niveau comptable, la création d'un compte de tiers, par lequel transiteront tous les fonds venant de Bruxelles. Votre Rapporteur spécial a indiqué qu'il a effectué une mission de contrôle, le 26 mai 2005 à Metz sur la programmation et la consommation des fonds structurels en région Lorraine. On constate à nouveau la dégradation des relations entre le préfet de région et l'exécutif du conseil régional pour la gestion de ces fonds. L'équilibre entre les départements n'est pas respecté et la répartition des crédits par le préfet de région est pour le moins opaque. Cette situation est source d'insatisfaction avec la raréfaction des crédits en fin de cycle. Comme l'a indiqué le rapport de MM. Augustin Bonrepaux et Louis Giscard d'Estaing, on ne compte plus les cas où l'État a substitué des fonds européens à sa propre impécuniosité. Sans demander de quotas départementaux, il faudrait au moins que l'instruction des dossiers soit conditionnée par leur ordre d'arrivée. La sous-consommation chronique du FSE (fonds social européen) entraîne, en Lorraine comme ailleurs, des demandes de réaffectation des crédits vers les autres fonds structurels. Il faut envisager rapidement un protocole entre les services de l'État et des conseils régionaux, afin de préparer le prochain cycle de fonds européens dans le cadre de la loi de décentralisation. Un deuxième contrôle a eu lieu le 10 mars 2005 auprès des deux commissions interministérielles de coordination des contrôles (CICC). Les contrôles sur les fonds structurels non agricoles sont supervisés en France par la « CICC - fonds structurels », qui est hébergée au ministère de l'Économie. Les contrôles sur les fonds agricoles, par contre, sont assurés par une émanation des offices agricoles eux-mêmes, et il serait bon qu'ils revêtent une dimension interministérielle plus grande. Par ailleurs, plusieurs propositions techniques permettraient d'en améliorer l'efficacité. L'article 50 du projet de loi de finances pour 2006 a fixé le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne à 18 milliards d'euros. L'exercice 2005 pourrait se solder avec un prélèvement de 17,3 milliards d'euros, contre 16,6 milliards d'euros votés et 15,5 milliards d'euros exécutés en 2004. En 2005, cet écart est dû pour plus de la moitié à une consommation des crédits communautaires plus forte que prévue, notamment des fonds structurels de la politique régionale. La consommation des fonds structurels en 2004 a été marquée par une très nette accélération, et le rythme constaté au premier trimestre 2005 confirme cette tendance. Le budget définitivement adopté par le Parlement européen dépasse de 1,2 milliard d'euros le projet de budget adopté en première lecture par le Conseil en juillet 2004 (+ 161 millions d'euros pour la contribution française). Toujours en 2004, selon le rapport de la Commission européenne de septembre 2005, la France aura reçu 12,9 milliards d'euros au titre des différentes politiques communautaires, dont 9,4 milliards d'euros (72,9 %) dans l'agriculture, 2,4 milliards d'euros (18,6 %) pour la politique régionale et 751 millions d'euros (5,8 %) avec les politiques internes, essentiellement la recherche. En termes de solde net (retour sur contribution), la France est un contributeur net à hauteur de - 3,1 milliards d'euros. Elle est le deuxième contributeur net après l'Allemagne (- 7,1 milliards d'euros) et devant l'Italie (- 2,9 milliards d'euros), le Royaume-Uni (- 2,8 milliards d'euros), les Pays-Bas (- 2 milliards d'euros) et la Suède (- 1,1 milliard d'euros). Si l'on pondère les soldes nets par le RNB, la France est le sixième contributeur net ex æquo avec la Belgique (+ 0,19 %), après les Pays-Bas (- 0,44 %), le Luxembourg (- 0,41 %), la Suède (- 0,38 %), l'Allemagne (- 0,33 %), l'Italie (- 0,22 %) et devant l'Autriche et le Royaume-Uni (tous deux ex aequo à - 0,16 %). Si l'on répartit les dépenses administratives, ce que ne fait pas la Commission européenne dans son rapport, le Luxembourg et la Belgique deviennent bénéficiaires nets, du fait de l'implantation des institutions communautaires sur leurs territoires. Il faut cependant rappeler les limites des calculs comptables en terme de retours financiers, qui ne correspondent pas à la dynamique de la construction européenne et qui sont contraires au principe de solidarité. La Commission a proposé en avril 2005 un avant-projet de budget qui s'établit à 121,3 milliards d'euros en crédits d'engagement (CE) (+ 4,1 % par rapport à 2005) et 112,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) (+ 5,95 % par rapport à 2005), pour un total représentant 1,01 % du RNB de l'Union. Cette évolution s'explique par la hausse des paiements des fonds structurels, essentiellement liée à la montée en puissance des programmes dans les 15 anciens États membres (+ 3,2 milliards d'euros), une augmentation des dépenses de développement durable (+ 1,4 milliard d'euros), une hausse des paiements au titre des politiques internes (+ 913 millions d'euros) et une hausse des dépenses au titre du premier pilier de la PAC (+ 800 millions d'euros). Comme tous les ans, le Conseil, lors de sa première lecture en juillet 2005, a réduit les prétentions de la Commission européenne en fixant les CE à 120,81 milliards d'euros et les CP à 111,4 milliards d'euros. Ce projet de budget des Communautés européennes représente 1,089 % du RNB communautaire en CE et 1,005 % en CP. Les réductions sont cependant beaucoup moins fortes que les années précédentes ; la plus importante concerne malheureusement la recherche (- 516 millions d'euros), alors qu'il s'agit d'une dépense d'avenir essentielle. Le projet de budget prévoit des dépenses agricoles de 51,2 milliards d'euros, soit une hausse de 3,2 % par rapport à 2005. Par rapport aux propositions de la Commission européenne, le Conseil n'a réduit les crédits affectés aux fonds structurels que de 150 millions d'euros dans le projet de budget pour 2006. Ce projet de budget retient un montant de 9,2 milliards d'euros en CE (+ 1,3 % par rapport à 2005) et 8,3 milliards d'euros en CP (+ 5 %) pour l'ensemble des politiques internes. Il prévoit 5,2 milliards d'euros de crédits d'engagements, hors FED, pour l'action extérieure de l'Union. Comme tous les ans, cette rubrique fera l'objet de discussions avec le Parlement européen, qui souhaitera sans doute pousser à l'augmentation des dépenses. Le projet de budget 2006 prévoit, pour les crédits de pré-adhésion une enveloppe totale de 2,5 milliards d'euros en CE (inchangée par rapport à la proposition de la Commission) et 3 milliards d'euros en CP ; les fonds attribués à la Turquie passent de 300 à 500 millions d'euros en un an. Au-delà du projet de budget pour 2006, et après le rejet par le referendum du 29 mai dernier du projet de constitution européenne, les Français s'interrogent sur le sens de la construction européenne. L'Europe a besoin de croissance et de solidarité, en son sein comme à l'extérieur de ses frontières. Il faudrait également accorder à l'Union européenne des moyens budgétaires accrus et une stratégie industrielle, une politique de recherche ainsi que de grandes infrastructures à l'échelle du continent, sans parler du nécessaire effort de solidarité. Les discussions lors du Conseil européen de juin dernier ont donné l'impression que l'Europe manquait du souffle nécessaire à une véritable politique européenne. La crise institutionnelle du premier semestre montre qu'il aurait fallu que le « politique » l'emporte sur les contraintes et pesanteurs administratives. Il faudrait définir un budget européen ambitieux qui prévoit la possibilité d'emprunt pour les dépenses d'investissement et un financement par la création d'un impôt européen, le même pour tous, et avec des critères préalablement établis. Cet impôt européen serait un moyen de renforcer le lien qui existe entre les citoyens et l'Europe. Les Français attendent beaucoup des perspectives financières 2007-2013 et leurs craintes sont à la hauteur de ces attentes, sur le montant des enveloppes financières - si elles sont maintenues - sur les zones éligibles et sur les critères de sélection. La Grande-Bretagne et quatre autres États membres ont rejeté les derniers compromis de la présidence luxembourgeoise. La Grande-Bretagne a ouvert à nouveau, très tardivement dans le cours des négociations, la question du financement de la PAC. Elle a maintenant intérêt à faire traîner les discussions, pour sortir au dernier moment une proposition « à prendre ou à laisser », avec les positions que l'on sait sur l'agriculture et les fonds structurels. Il faut au contraire que les prochaines perspectives financières soient définies le plus rapidement possible. Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux Affaires européennes, a confirmé que le dernier compromis de la présidence luxembourgeoise est le meilleur pour la France au vu de la situation du moment. Ce compromis représente 60 milliards d'euros de dépenses de plus que ce que permettrait la règle du 1 % (1,06 % du RNB, à comparer à la proposition initiale de la Commission européenne de 1,27 %). Une attitude réaliste de bon sens incite à repartir des propositions de la présidence luxembourgeoise, plutôt que remettre tout à plat et prendre le risque de tout perdre. Il reste cependant à s'assurer des avancées du compromis final en terme de garantie du financement de la PAC, de maintien d'une part significative des fonds structurels pour les régions des 15 anciens États membres et d'un accord sur la répartition des contributions au budget. La PAC s'est considérablement réformée au cours des dernières années et elle mérite une attention particulière. Elle a constitué, historiquement, le cœur de l'Europe, a permis d'organiser l'agriculture européenne et a contribué à la prospérité. Pourtant elle n'est pas exempte de critiques. Elle a bénéficié surtout aux grands exploitants agricoles, s'est peu occupée d'aménagement du territoire en multipliant les friches et en réduisant les populations agricoles, et a développé une bureaucratie excessive. Certes, il est hors de question de ne pas continuer à aider l'agriculture. Mais on pourrait développer des aides plus favorables aux produits de qualité, favoriser les agriculteurs petits et moyens en privilégiant l'aide aux personnes plus qu'aux produits et en liant davantage les subventions à l'aménagement du territoire. La puissance publique, qu'elle soit européenne ou nationale, pourrait utilement s'intéresser aux circuits de distribution. L'agriculture européenne devra trouver les voies de ses prochaines réformes dans un contexte où les consommateurs demandent une meilleure traçabilité, une meilleure qualité et des méthodes plus respectueuses de l'environnement. Les fonds structurels ne doivent pas devenir la variable d'ajustement de la négociation en cours. Le ministère de l'Économie a calculé que, dans le dernier compromis, le montant des fonds structurels européens qui seraient affectés aux 15 anciens États membres, dans les nouvelles perspectives budgétaires (2007-2013), s'élèverait à 12,75 milliards d'euros, à comparer aux 15,7 milliards d'euros pour la période précédente (6,25 % en volume). Le Gouvernement estime que ce compromis était acceptable pour la France en ce sens qu'il était au-dessus du « seuil de crédibilité » pour l'objectif 2 et que les crédits affectés aux DOM n'étaient pas réduits par rapport aux propositions de la Commission. Enfin les crédits en faveur de la compétitivité, de la croissance et de l'emploi constituent une priorité, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne rénovée. Cette rubrique couvre des domaines aussi importants que la recherche, avec le 7ème PCRD, et les réseaux transeuropéens de transport, d'énergie et de télécommunication. Ces programmes ont des répercussions directes en France avec le nucléaire (notamment la construction du réacteur ITER à Cadarache) et les liaisons ferroviaires (notamment les TGV Est et Lyon Turin). Le Président Pierre Méhaignerie a estimé qu'une parfaite coordination était possible entre les travaux de la Délégation pour l'Union européenne et ceux des commissions permanentes, dont la commission des Finances. Il n'est en revanche pas souhaitable que la Délégation devienne une commission à part entière. S'agissant des fonds structurels, il importe de ne pas renouveler les erreurs observées lors de l'exécution des perspectives financières de l'Union européenne passées et présentes. L'efficacité de ces fonds doit être privilégiée, non leur volume excessif. À cet égard, un budget européen représentant 1,24 % du RNB de l'Union serait trop dépensier ; dans ce domaine, comme dans d'autres, la maîtrise de la dépense publique est nécessaire à la création des emplois et des richesses. M. Augustin Bonrepaux a indiqué ne pas partager les réticences du Président Pierre Méhaignerie, lesquelles sont un mauvais signal vis-à-vis de nos partenaires. L'an dernier, lors du même débat sur le prélèvement pour l'Union européenne, la discussion avait déjà porté sur de tels sujets. Comme l'a dit le Rapporteur spécial, il faut cesser de raisonner en termes de solde net, à propos des contributions nationales au budget communautaire. C'est l'idée de solidarité qui doit primer sur la volonté de réduire aveuglément le prélèvement communautaire. Localement, en Ariège par exemple, des entreprises ferment ou des opérations sont stoppées à cause de l'État qui ne tient pas ses promesses en matière d'engagement de crédits alors que les financements communautaires sont, eux, disponibles. Il paraît difficile de prétendre assurer un meilleur aménagement du territoire sans augmenter les fonds qui doivent y pourvoir. Au bénéfice de ces observations, le groupe socialiste entend cependant voter l'article 50. La Commission a ensuite, sur proposition de votre Rapporteur spécial, adopté, le budget des Affaires européennes, et vous demande d'adopter ce budget. ------- N° 2568 - Rapport de M. Jean-Louis Dumont fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) - Annexe n° 3 - affaires européennes 1 () Communication de la Commission du 27 septembre 2005 sur le résultat de l'examen des propositions législatives en instance devant le législateur (COM[2005]462 final). 2 http://europa .eu.int/comm/budget/agenda2000/reports_fr.htm 3 Hors dépenses administratives, correction britannique incluse. 4 () Les enveloppes RTE ont été modifiées par le règlement n° 788/2004 du 21 avril 2004. 5 () Voir le rapport (n° 2472) du 13 juillet 2005 déposé par M. Yves Simon au nom de la Commission des affaires économiques. 6 () « Jaune » budgétaire, page 16. 7 () Ibid. 8 () Équivalent de la LOLF dans le budget communautaire. - Cliquer ici pour retourner au sommaire général - Cliquer ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires © Assemblée nationale |