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N
° 3366

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2006

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2007 (n° 3341),

TOME VIII

MÉDIAS

AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

CHAÎNE FRANCAISE D’INFORMATION INTERNATIONALE

PAR M. FRANÇOIS ROCHEBLOINE,

Député

——

Voir le numéro 3363 (annexe n° 19)

INTRODUCTION ... 5

I – L’ÉCLATEMENT DU PAYSAGE AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR, PARENT PAUVRE DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC 7

A – L’ÉCLATEMENT DU PAYSAGE AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR 7

1) L’existence d’une multiplicité de tutelles 7

2) L’absence de structure de coordination : vers une réactivation du Conseil de l’audiovisuel extérieur de la France ? 8

B – L’AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR, PARENT PAUVRE DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC 9

II – LES BUDGETS DES OPÉRATEURS : FIXER DES PRIORITÉS POUR ASSURER LA COMPLEMENTARITÉ 11

A – LE PROGRAMME 115 : L’ART DE BIEN GÉRER LA CONTRAINTE BUDGÉTAIRE 11

1) TV5 : une stratégie payante 12

2) CFI : une transition réussie 14

3) RFI : l’impossible statu quo 15

4) Médi 1 : la première radio du Maghreb 17

B – LE PROGRAMME 116 : LE PARI INCERTAIN DE FRANCE 24 18

CONCLUSION 23

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 25

EXAMEN EN COMMISSION 27

Mesdames, Messieurs,

Que d’encre a coulé ces dernières années sur l’audiovisuel extérieur ! Les rapports se sont succédé pour dénoncer la complexité du dispositif français, regretter l’insuffisance des moyens ou au contraire déplorer la mauvaise utilisation des fonds publics. Le lancement, avant la fin de cette année 2006, de la toute nouvelle chaîne française d’information internationale est applaudi par les uns, décrié par les autres. C’est un fait : à tort ou à raison, l’audiovisuel extérieur est un sujet qui passionne.

Le projet de loi de finances pour 2007 propose cette année une nouvelle nomenclature budgétaire qui résulte de l’amendement voté l’an passé visant à créer un programme spécifique dévolu à l’audiovisuel extérieur qui n’était jusqu’alors qu’une action du programme « rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l’État ».

Le gouvernement a finalement décidé ne pas faire dépendre le programme nouvellement créé de la mission « Action extérieure de l’Etat », préférant le rattacher à la mission interministérielle « Médias ».

Cette mission interministérielle « Médias » dépend pour une part des services du Premier ministre et pour une autre part du ministère des Affaires étrangères. A travers trois programmes, elle recouvre la presse (programme 180), l’audiovisuel extérieur (programme 115) et la chaîne française d’information internationale, France 24 (programme 116). D’un montant de 274 millions d’euros, le budget relatif à la presse représente à lui seul 54,34% de l’ensemble des crédits de la mission qui s’élèvent globalement à 504,24 millions d’euros.

Le présent avis, présenté au nom de la Commission des Affaires étrangères, ne concerne pas la presse ; il porte exclusivement sur les opérateurs audiovisuels ayant une vocation internationale, à savoir :

- Le programme 115, qui regroupe l’ensemble des crédits consacrés par le ministère des Affaires étrangères à la politique audiovisuelle extérieure de la France. D’un montant de 160,24 millions d’euros, il concerne TV5 Monde, CFI, RFI, RMC Moyen-Orient et la radio franco-marocaine Médi 1.

- Le programme 116, entièrement consacré à France 24, la nouvelle chaîne française d’information internationale, doté de 70 millions d’euros.

La Commission des Affaires étrangères, à l’initiative de son Président M. Édouard Balladur, a décidé la création en son sein d’une mission d’information sur l’organisation et le financement de l’audiovisuel extérieur – dont la présidence a été confiée à votre Rapporteur – mais le présent avis n’entend pas préjuger des conclusions de cette mission.

Il s’agira ici, à travers l’analyse des crédits envisagés pour 2007, de dresser une nouvelle fois le constat de l’éclatement du paysage audiovisuel extérieur, parent pauvre de l’audiovisuel public; avec la conviction que dans un contexte de régulation budgétaire, la nouvelle donne issue de la création de France 24 impose plus que jamais de fixer des priorités stratégiques afin d’assurer la complémentarité entre les différents opérateurs.

I – L’ÉCLATEMENT DU PAYSAGE AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR,
PARENT PAUVRE DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC

La mission interministérielle « Médias » comporte trois programmes, dont deux sont consacrés au financement public des opérateurs de l’audiovisuel extérieur : le programme 115 pour TV5, CFI, RFI, RMC Moyen-Orient et Médi 1, et le programme 116 pour les crédits de France 24, la nouvelle chaîne française d’information internationale.

A – L’éclatement du paysage audiovisuel extérieur

L’éclatement institutionnel et la dispersion des moyens de l’audiovisuel extérieur font l’objet de critiques récurrentes. Les rapports se suivent et se ressemblent : tour à tour, ils dénoncent les changements fréquents de stratégie, l’absence d'instance de pilotage et la pluralité des structures qui contraste avec l’exemple donné par nos voisins qui s’appuient sur un opérateur unique : la BBC au Royaume-Uni, Radio Suisse internationale pour la Confédération helvétique ou la Deutsche Welle en Allemagne.

Il serait toutefois injuste de ne pas mentionner les progrès réalisés ces dernières années. Pour autant, la création de France 24,  sous sa forme actuelle, pourrait bien mettre en péril les efforts entrepris jusqu’à présent.

1) L’existence d’une multiplicité de tutelles

La création d’un programme budgétaire spécifique sur l’audiovisuel extérieur et son inclusion au sein de la mission « Médias » représente un progrès en termes de simplification et de cohérence. De quatre sources de financement différentes, le projet de loi de finances pour 2007 passe à deux : la mission « Médias » pour l’ensemble des opérateurs, et la redevance pour le financement complémentaire de RFI.

Ces deux sources de financement correspondent toutefois à quatre tutelles différentes : les services du Premier ministre (pour France 24) ainsi que trois ministères que sont les Finances (en tant que tuteur des entreprises publiques), la Culture et la Communication(1) et les Affaires étrangères(2).

C’est en réalité le choix résolu d’adosser les opérateurs audiovisuels extérieurs aux opérateurs nationaux – France Télévisions est présente dans le capital de TV5 mais aussi dans ceux de CFI et de France 24 – qui impose le maintien d’une double tutelle sur le secteur.

L’implication du ministère de la Culture et de la Communication, qui assure la tutelle des chaînes nationales de radio et de télévision est légitime dès lors que les opérateurs extérieurs sont parties prenantes de la mission et du périmètre de ces chaînes.

D’autre part, seul le ministère des Affaires étrangères dispose d’une vision d’ensemble sur le dispositif audiovisuel extérieur et sur son impact sur le terrain, qui lui permet de définir des priorités (géographiques et linguistiques), d’effectuer des arbitrages entre les différents modes d’action, et d’allouer des ressources financières rares entre les opérateurs. D’une façon générale, la qualité du réseau diplomatique et culturel français aide à compenser la modestie du budget de développement des opérateurs audiovisuels extérieurs, tant pour les contacts au niveau politique que technique et professionnel. Sans ce réseau, le développement de TV5 et de RFI serait plus difficile dans de nombreux pays.

En revanche, l’apparition au sein du paysage audiovisuel extérieur de France 24 – dont le capital est mixte et qui ne dépend ni du Quai d’Orsay, ni du ministère de la Culture – pose de nouveau un problème général d’organisation et de positionnement des opérateurs les uns par rapport aux autres.

Auditionné en avril 2003 par la mission d’information commune de l’Assemblée nationale sur la création d’une chaîne française d’information internationale, M. Jean-Jacques Aillagon, alors ministre de la culture et de la communication voyait dans la création de cette chaîne « une chance, parce qu’elle permettra de rationaliser un paysage audiovisuel extérieur aujourd'hui désorganisé et centrifuge ». Votre Rapporteur considère que, bien loin de clarifier les choses, le choix qui a été fait de placer France 24, créée ex nihilo, sous la tutelle du Premier ministre ajoute à la désorganisation ; et ce, d’autant que la multiplicité des tutelles ne s’accompagne d’aucune structure de coordination de nature à assurer un pilotage stratégique des différents opérateurs.

2) L’absence de structure de coordination : vers une réactivation du Conseil de l’audiovisuel extérieur de la France ?

Au delà de la question des sources de financement, le choix d’adosser TV5, CFI, et désormais France 24 à France Télévisions impose un pilotage politique qui associe, au minimum, le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Culture et de la Communication. Au Quai d’Orsay d’apporter sa capacité à analyser la demande des publics étrangers et à mettre son réseau au service des opérateurs, tandis que le ministère de la Culture et de la Communication doit pouvoir, seul, mobiliser les opérateurs nationaux tout en assurant une évolution harmonieuse de l’ensemble du secteur.

Or force est de constater que ce pilotage ne fonctionne pas aujourd’hui de façon satisfaisante. Créé en 1989, le Conseil de l’audiovisuel extérieur de la France (CAEF) n’a plus été réuni depuis 1996 (3) et l’organisation de réunions interministérielles ponctuelles et de consultations fréquentes entre services administratifs ne suffit pas à assurer une coordination apte à anticiper sur les problèmes et à impulser une véritable stratégie.

Le ministère des Affaires étrangères s’est donc fixé comme objectif la réactivation, sous une forme plus souple et opérationnelle, du CAEF. Il devrait s’agir d’un dispositif interministériel à deux niveaux : une réunion annuelle des Ministres concernés préparée par des réunions régulières d’un comité d’orientation stratégique, associant les Présidents de tous les opérateurs concernés et leurs administrations de tutelle.

Une meilleure réponse aux difficultés de coordination relevées par la Cour des comptes dans son rapport public 2002 serait aussi de privilégier une démarche pluriannuelle fondée sur la conclusion de contrats d’objectifs et de moyens (COM), concertés entre les tutelles, les actionnaires et l’entreprise à la fois sur les orientations stratégiques et sur les moyens.

B – L’audiovisuel extérieur, parent pauvre de l’audiovisuel public

 

Exécution

Exécution

Exécution

Exécution

Exécution

PLF

Évolution

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2002/2007

Audiovisuel intérieur

2 363,66

2 411,23

2 468,73

2 529,77

2 604,63

2 672,52

+ 13,07%

               

TV5 Monde (1)

64,15

65,09

66,63

67,60

65,63

69,76

 + 8,75 %

RFI/RMC-MO (2)

125,07

126,94

128,69

130,71

129,67

130,93

+ 4,69 % 

CFI

22,03

21,85

19,50

22,15

18,89

19,50

- 11,48 % 

Audiovisuel extérieur

211,25

213,88

214,82

220,46

214,19

220,19

+ 4,23 %

France 24

     

30,00

65,00

80,00

 

Audiovisuel extérieur + France 24

211,25

213,88

214,82

250,46

279,19

300,19

+ 42,10 %

(1) Dotation MAE + versement de France Télévisions

(2) Dotation MAE + redevance

Source : Ministère des Affaires étrangères

La décision prise par le Gouvernement à la fin de l’année 2005 de lancer une nouvelle chaîne d’information internationale a inversé la tendance qui marquait, depuis 2002, l’évolution relative des crédits de l’audiovisuel extérieur par rapport à ceux de l’audiovisuel intérieur.

La mise en place du programme 116, qui s’ajoute au programme 115 et à la contribution de la redevance à RFI (et marginalement à TV5 à travers France Télévisions), a fait progresser le total des ressources publiques consacrées à l’audiovisuel extérieur de 11,47 % de 2005 à 2006, et de 7,52 % entre la LFI 2006 et le PLF 2007.

Cependant, cette progression importante, qui traduit la volonté de rapprocher l’audiovisuel extérieur français du niveau de financement des médias internationaux des autres grands pays développés, est totalement concentrée sur France 24, et occulte le fait que les autres opérateurs, TV5 Monde et RFI (4), dont les missions n’ont pas été remises en cause, connaissent depuis plusieurs années une stagnation de leurs moyens, qui se traduit par un décrochage accéléré avec les chaînes de l’audiovisuel public national. Or, le lancement de France 24, opérateur construit ex nihilo, n’aura pas, au moins à court terme, d’incidence budgétaire sur les autres opérateurs.

Pour la troisième année consécutive, on observe donc en 2007, hors effet France 24, un différentiel négatif important entre l’évolution des ressources des opérateurs financés sur le programme 115, reconduites en euros courants, et celles de l’audiovisuel national, qui connaîtront en moyenne une progression de 2,6 %. Le fait que, mis à part RFI, les opérateurs de l’audiovisuel extérieur ne bénéficient pas de la redevance, créé une iniquité entre audiovisuel extérieur et intérieur, d’autant plus forte que les opérateurs de l’audiovisuel extérieur sont soumis aux aléas de la régulation budgétaire, ce qui rend difficile la mise en œuvre de stratégies de développement pluriannuelles.

Le maintien d’un écart croissant entre les ressources allouées aux opérateurs audiovisuels extérieurs et celles dévolues à l’audiovisuel public national, elles mêmes d’ailleurs très inférieures à la progression du chiffre d’affaires des opérateurs privés, ne sera pas sans conséquences sur l’efficacité de notre dispositif. Alors que les coûts du secteur (hors coûts techniques) sont tirés à la hausse par les pratiques du secteur privé, cette perte de pouvoir d’achat des opérateurs extérieurs ne pourra plus être éternellement compensée par des gains de productivité et des redéploiements. Les opérateurs du programme 115 devront donc – et ont d’ailleurs déjà dû, par exemple en ce qui concerne le sous-titrage pour TV5 – renoncer à certaines ambitions en termes de diffusion, de langues et de programmes, ce qui ne facilitera pas leur tâche sur des marchés de plus en plus concurrentiels.

La réalité reste ainsi celle d’un audiovisuel public à deux vitesses, au détriment de l’audiovisuel extérieur. En effet, la chaîne de télévision RFO
– qui couvre l’Outre-mer français – percevra 228,6 millions d’euros en 2007 au titre de la redevance et Arte France, pour une couverture géographique européenne, bénéficiera de 214,32 millions d’euros. A titre de comparaison, la subvention versée par le ministère des Affaires étrangères à TV5 sera de 65,27 millions d’euros 
(5), pour une couverture mondiale.

II - LES BUDGETS DES OPÉRATEURS : FIXER DES PRIORITÉS
POUR ASSURER LA COMPLEMENTARITÉ

Pour assurer le rayonnement de ses idées, de sa culture et de sa langue dans le monde, la France peut aujourd’hui s’appuyer sur trois médias de masse audiovisuels, complémentaires par leurs modes de consommation : à la radio et à la télévision s’ajoute en effet désormais Internet qui, par ses caractéristiques techniques, économiques et sociologiques, est devenu en quelques années un média transfrontières encore plus puissant que les précédents.

Chacun des trois médias dispose d’atouts propres et permet plus particulièrement de toucher des publics et des zones spécifiques.

La radio, média relativement déclinant dans les pays développés et émergents, reste en revanche un vecteur puissant dans les pays en développement (en Afrique subsaharienne notamment) et joue souvent un rôle de premier plan dans les pays en situation de crise. Le groupe RFI (incluant RMC Moyen-Orient) assure la présence française sur ce média.

En touchant plus d’un milliard d’internautes fin 2006, le web est devenu un média de masse à dimension mondiale qui n’est plus réservé aux pays les plus développés d’Amérique du Nord et d’Europe. Toutes les études indiquent en effet que, parmi les élites économiques et intellectuelles, et de plus en plus parmi les classes moyennes, l’utilisation d’Internet se banalise et se développe de façon exponentielle, et ceci y compris dans les pays émergents ou en développement. C’est pourquoi RFI et TV5 Monde doivent développer leur présence sur Internet.

Pour autant, la télévision reste encore aujourd’hui le média dominant pour le grand public dans la plupart des pays, même s’il faut souligner que, partout, la majeure partie de l’audience se concentre sur des programmes en langue locale ou accessibles à une part significative de la population. C’est la raison qui a conduit à la création, aux côtés de TV5, de France 24, la nouvelle chaîne française d’information internationale.

A – Le programme 115 : l’art de bien gérer la contrainte budgétaire

Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit, au niveau global et à périmètre constant, une quasi-reconduction du montant voté en 2006, soit environ 160 millions d’euros. La distinction selon les opérateurs fait toutefois apparaître une augmentation de la dotation versée à TV5, au détriment de celle accordée à RFI.

Programme 115 – Audiovisuel extérieur

OPERATEURS

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2006

PLF 2007

LFI 2006

PLF 2007

TV5

62.488.616

65.270.000

62.488.616

65.270.000

CFI

19.928.616

19.500.000

19.928.616

19.500.000

RFI

71.920.000

69.630.000

71.920.000

69.630.000

RMC Moyen-Orient

4.270.000

4.770.000

4.270.000

4.770.000

Médi 1

1.070.000

1.070.000

1.070.000

1.070.000

Médi 1 Sat

500.000

-

500.000

-

Total Action 1

160.177.232

160.240.000

160.177.232

160.240.000

1) TV5 : une stratégie payante

Evolution de la dotation accordée à TV5 Monde

(en millions d’euros)

 

2003

(exécution)

2004

(exécution)

2005

(exécution)

2006

(exécution)

Ressources publiques (6)

dont MAE

65,09

61,11

66,63

62,64

67,60

63,61

65,63

61,53

Budget total

82,23

86,25

88,64

90,47

Avec une contribution qui représente 83,6% des contributions des gouvernements partenaires, la France finance actuellement 76,5% du budget de TV5. Le financement des gouvernements suisse, belge et canado-québecois se monte à 13,7 millions d’euros.

TV5 a bénéficié pendant plusieurs années d’un effort budgétaire soutenu de la part du ministère des Affaires étrangères (+ 80% entre 1998 et 2002) mais, depuis lors, c’est par redéploiement que la chaîne a pu, notamment grâce à la rationalisation de son dispositif satellitaire, enregistrer de nouvelles avancées. En 2006, TV5 a bénéficié d’une subvention exceptionnelle d’un million d’euros décidée en fin de gestion 2005 et reportée sur l’exercice suivant afin de compenser – au moins en partie – la diminution de la subvention versée par le ministère en 2006.

Toutefois, si, comme en 2006, le mécanisme de la réserve légale conduit à des annulations partielles de crédits pour TV5 Monde, la chaîne déjà pénalisée depuis plusieurs années par des évolutions très en deçà de celles dont bénéficient les autres entreprises de l’audiovisuel public, connaîtra de grandes difficultés pour préserver son équilibre budgétaire, sauf à revoir drastiquement à la baisse, dès le début de l’année, ses ambitions et donc ses missions.

L’année 2007 sera ainsi cruciale pour TV5 Monde. Après deux années (2004 et 2005) de très faible augmentation et, pour la première fois en 2006, une régression de la dotation française, une nouvelle diminution de la subvention versée par le ministère des Affaires étrangères, concomitante au lancement de France 24, aurait manifesté un désengagement de l’Etat et contraint la chaîne à renoncer au plan de développement stratégique adopté en 2005 – fondé sur un effort important de sous-titrage des programmes –, et de son développement sur certains marchés. C’est la raison pour laquelle l’octroi de moyens additionnels en 2007 (2,78 millions d’euros par rapport à la LFI 2006) vise à mettre TV5 Monde en état de maintenir ses parts de marché et d’appliquer partiellement son plan de déploiement du sous-titrage. A condition toutefois que la chaîne ne subisse pas une nouvelle fois la régulation budgétaire.

Car la stratégie déployée ces dernières années par TV5 se révèle payante. L’audience mondiale de la chaîne francophone a continué à progresser à un rythme soutenu et de manière continue, malgré un environnement concurrentiel accru. La chaîne comptabilisait, en 2004, 46,8 millions de téléspectateurs, puis en 2005 près de 73,5 millions de téléspectateurs hebdomadaires à travers le monde, alors que le réseau n’en comptait que 36,4 millions en 2001, soit une hausse de plus de 101% du nombre de téléspectateurs en 4 ans.

 

2001

2002

2003

2004

2005

Total Europe

17 443 467

17 364 831

15 866 692

15 473 804

16 782 313

Total Afrique

16 081 973

15 822 921

15 862 551

21 188 417

34 247 611

Total Orient

2 948 642

2 972 931

2 340 828

5 052 198

13 863 459

Total Amériques

 

1 686 000

3 933 380

5 048 380

8 589 069

           

Total monde

36 474 082

37 846 683

38 003 451

46 762 799

73 482 452

% du potentiel de réception de TV5 Monde mesuré

59%

72%

80%

89%

100%


Evolution de l'audience cumulée hebdomadaire de TV5 Monde

En Europe(7), sur 7 pays mesurés en audimétrie (Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Pologne, Roumanie, Danemark et Belgique), l’audience cumulée hebdomadaire de TV5 Monde s’élève à plus de 6,1 millions de téléspectateurs contre 2,9 millions pour BBC World : l’audience de TV5 Monde est donc deux fois supérieure à celle de BBC World en Europe.

Au Maghreb(8) (Maroc, Algérie et Tunisie), plus de 16,5 millions de téléspectateurs âgés de 15 ans et + déclarent regarder TV5 Monde au moins une fois par semaine, très loin devant CNN et BBC World, avec respectivement 3,3 millions et 3,1 millions de téléspectateurs hebdomadaires.

Au Liban (9), où TV5 Monde achète des données audimétriques, l’audience de la chaîne est là encore supérieure à celle de BBC World et CNN : avec 428 000 téléspectateurs hebdomadaires, TV5 Monde dépasse CNN (396 000 téléspectateurs) et BBC World (133 000 téléspectateurs).

En Afrique (10), les dernières études achetées en 2005 soulignent le poids prépondérant de TV5 Monde face aux autres chaînes internationales : sur 9 villes mesurées au Sénégal, Burkina Faso, Bénin et Cameroun, plus de 1,8 million de personnes âgées de 15 ans et plus déclarent regarder TV5 Monde toutes les semaines contre 333 000 pour CNN et 171 000 pour BBC World.

TV5 Monde est reçue par environ 165 millions de foyers 24h/24 à travers le monde. L’Europe est le principal bassin d’audience de la chaîne avec 100 millions de foyers desservis pour 14,7 millions sur le continent américain, 17,3 millions en Asie, 16,4 millions en Orient et 14,8 millions en Afrique. La chaîne a passé des accords de distribution avec plus de 6 000 réseaux câblés et 36 bouquets satellitaires. Elle est ainsi devenue le deuxième réseau mondial de télévision après MTV.

2) CFI : une transition réussie

Filiale du groupe France Télévisions (75%) et d’Arte France (25%), CFI est l’opérateur de la coopération audiovisuelle publique française. Placé sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères, CFI doit contribuer à la professionnalisation et au développement des télévisions des pays en développement. Le budget de CFI est financé à 90% par le ministère des Affaires étrangères.

Evolution du montant de la subvention du MAE à CFI

(en millions d’euros)

 

2002

(exécution)

2003

(exécution)

2004

(exécution)

2005

(exécution)

2006

(exécution)

PLF 2007

Subvention

du MAE

22,03

21,85

19,50

22,15

18,89

19,50

Fin 2003, après l’abandon de toute activité de diffusion, les pouvoirs publics ont souhaité recentrer CFI autour de deux métiers :

– la fourniture de programmes français aux pays émergents, principalement en Afrique;

– la coopération (expertise, ingénierie et formation) avec les télévisions de ces pays.

CFI met ainsi à disposition des pays en développement une large offre de programmes, principalement français, parfois produits localement. Les programmes (films de cinéma, téléfilms, séries, documentaires, événements sportifs, information, divertissements, etc.) sont achetés par CFI aux producteurs et distributeurs français et acheminés aux télévisions partenaires via un dispositif satellitaire spécifique. Cette offre, disponible en français, en anglais, en arabe et en portugais, représente plus de 6 000 heures d’antenne par an.

Au-delà de son activité de fourniture de programmes, CFI accompagne également les télévisions partenaires dans le cadre d’actions de coopération : audit, formation, conseil, études, assistance technique… Environ 200 actions de coopération ont ainsi été menées depuis 2005.

CFI semble avoir réussi sa transformation. Ses activités s’inscrivent pleinement dans le périmètre de la Convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, signée le 20 octobre 2005 et dont l’article 14 est consacré à la coopération pour le développement.

3) RFI : l’impossible statu quo

Avec une dotation de plus de 130 millions d’euros (y compris RMC-Moyen-Orient) en 2006, RFI reste l’opérateur audiovisuel extérieur français le mieux pourvu, tout en étant loin de disposer de moyens équivalents à ceux de ses principaux concurrents.

Evolution de la dotation accordée à RFI

(en millions d’euros)

 

2002

(exécution)

2003

(exécution)

2004

(exécution)

2005

(exécution)

2006

(exécution)

Ressources publiques

120,90

122,67

124,42

125,84

125,40

dont MAE

69,67

(57,67 %)

70,37

(57,36 %)

71,42

(57,40 %)

72,13

(57,31 %)

69,54

(55,45%)

dont redevance

51,23

(42,40 %)

52,30

(42,63 %)

53,00

(42,59 %)

53,71

(42,68 %)

55,86

44,54%

Pour 2006, en l’absence de toute progression des ressources du ministère des Affaires étrangères, à la simple reconduction à l’identique de la subvention de RFI en loi de finances initiale (72,13 millions d’euros) se sont ajoutés un gel de 5 % (dont seulement 1 million d’euros a finalement été levé) et une contribution au « plan banlieues » à hauteur de 210 000 euros. La dotation en redevance est pour sa part de 55,86 millions d’euros, en augmentation de 4 %.

L’équilibre du budget de RFI n’a pu être atteint que grâce à l’effet immédiat, dès 2006, d’une économie annuelle pérenne de 5,3 millions d’euros réalisée à l’occasion d’une renégociation du contrat TDF ondes courtes. Le coût de la diffusion en ondes courtes, qui était de 22,3 millions d’euros en 2005, a en effet été sensiblement réduit au terme d’une négociation difficile avec TDF. Menée en accord avec les tutelles, la renégociation aboutit à une économie de 34,5 millions d’euros étalée jusqu’en 2011, date de fin du contrat. Le volume de diffusion est réduit à 92 heures, au lieu des 168 heures d’avant la renégociation, ce qui correspond davantage aux besoins réels de RFI, notamment sur le continent africain où les ondes courtes doivent pour l’instant être maintenues.

Un effort de réorganisation interne devrait également permettre de réaliser des économies significatives. A cet égard, les retards accumulés sur le chantier de la numérisation de la production, bien avancé au plan technique mais qui reste inabouti faute de certains accords sociaux, pénalisent l’entreprise depuis plusieurs années. Le Gouvernement a donc demandé à RFI de le faire aboutir rapidement et d’en tirer toutes les conséquences en termes d’effectifs. L’exercice 2007 risque ainsi d’être très difficile pour la station.

Dans ces conditions, il paraît indispensable que RFI soit exonérée de la réserve légale en 2007, comme le sont tous les opérateurs de l'audiovisuel public national financés sur la redevance, pour ainsi tempérer cette rigueur budgétaire qui frappe RFI au moment où France Télévisions, Radio France ou Arte peuvent se prévaloir d'avoir obtenu une augmentation de leurs budgets de 2,5 à 3%.

C’est ainsi dans un contexte budgétaire très contraint que l’entreprise doit affronter une réorganisation en profondeur.

Les efforts réalisés depuis plusieurs années par RFI en Europe rencontrent en effet des résultats décevants. Dans ces pays à la francophonie déclinante et dont les marchés radiophoniques sont devenus très concurrentiels, il est difficile à une radio internationale, dont les équipes rédactionnelles restent, pour l’Europe de l’Est, marquées par la guerre froide, de s’adapter à la demande des publics locaux. Même quand RFI dispose d’une équipe locale comme à Lisbonne, les résultats restent très médiocres (0,1% d’audience pour une dépense annuelle directe d’environ 500 000 euros). D’une façon plus générale, alors que de nombreuses radios françaises, publiques ou privées, peuvent désormais être écoutées n’importe où dans le monde via l’Internet, c’est la pertinence même du concept de radio transnationale dans les pays développés et démocratiques qui devient de moins en moins évidente.

Or dans la plupart des autres régions du monde (Asie, Amérique, Océanie) RFI n’a pas, et ne trouvera probablement pas à l’avenir, la capacité d’atteindre des niveaux d’audience réellement significatifs, notamment du fait d’un volume insuffisant de programmes en langues étrangères.

Dans ce contexte, il est indispensable de donner à RFI, à travers la conclusion d’un contrat d’objectifs et de moyens (COM) les moyens de développer une offre « bi-média » multilingue grâce au support Internet. Des synergies pourraient également être recherchées avec France 24.

Par ailleurs, le Gouvernement a demandé à RFI d’accorder une priorité à la modernisation et au renforcement des programmes de RMC Moyen-Orient. La nouvelle direction a élaboré un plan de relance visant à améliorer le contenu de l’antenne (notamment la tranche info du matin), à réorganiser la rédaction, à promouvoir davantage la radio et à renforcer sa diffusion en recherchant des partenariats. Ce plan implique une augmentation de la subvention de RFI en faveur de sa filiale, que le ministère des Affaires étrangères propose de renforcer par une augmentation de 500 000 euros de sa subvention en 2007, qui passe de 4,27 à 4,77 millions d’euros.

4) Médi 1 : la première radio du Maghreb

La chaîne de radio MEDI 1 (RMI) est née en 1980 d’une volonté politique commune franco-marocaine. Radio généraliste bilingue (mi-français, mi-arabe), RMI a ses studios installés à Tanger. La station couvre l’ensemble du bassin méditerranéen occidental, c’est-à-dire le grand Maghreb, et peut aussi être reçue en Espagne, en Italie et en France. Son audience, d’environ 25 millions d’auditeurs, en fait la première radio du Maghreb ; elle est notamment très écoutée en Algérie.

La station va toutefois devoir s’adapter à la libéralisation du paysage audiovisuel marocain (attribution de 10 licences de radio privées) qui va progressivement créer une concurrence sur la bande FM marocaine.

La CIRT, société française filiale à 100% de la Sofirad, porte la participation de 49% du groupe Sofirad dans le capital de RMI (Radio Méditerranée International), qui est une société de droit marocain.

La CIRT a pour fonction principale de gérer le personnel français détaché auprès de RMI, soit 18 personnes (journalistes et techniciens), et la subvention annuelle de 1,07 million d’euros qu’elle reçoit à cet effet du ministère des Affaires étrangères. La subvention envisagée pour 2007 est la reconduction à l’identique de celle versée en 2006. La Sofirad étant en liquidation, sa participation dans le capital de RMI pourrait être reprise par la Caisse des Dépôts et Consignations.

B – Le programme 116 : le pari incertain de France 24

Le programme 116, intitulé « Chaîne française d’information internationale » vise à financer la société anonyme créée fin 2005 par TF1 et France Télévisions et détenue à parité entre elles, pour l’édition d’une chaîne française d’information internationale. Le lancement de France 24 est programmé le 6 décembre 2006, d’abord sur Internet, et 36 heures plus tard sur le câble et le satellite.

Votre Rapporteur n’entend pas revenir sur les choix opérés par le Gouvernement quant au statut juridique de France 24 et à ses modalités de financement. En attendant la recommandation que formulera, le moment venu, la mission d’information constituée au sein de la Commission des Affaires étrangères sur l’organisation et le financement de l’audiovisuel extérieur, il limitera son propos à la présentation des crédits de la chaîne et à son calendrier de lancement.

France 24 s’est fixé pour objectif d’offrir un point de vue français sur l’actualité du monde à destination d’un public international. Elle doit rendre compte de l’actualité immédiate tout en fournissant des repères et des éléments d’analyse permettant aux téléspectateurs de mettre les événements en perspective et de mieux comprendre les évolutions internationales.

La chaîne devrait accorder une large part aux sujets concernant le reste du monde, notamment l’actualité des pays de l'Union européenne, et mettre l'accent sur ceux dont les autres chaînes d’information ne rendent pas souvent compte (Proche et Moyen-Orient, Afrique) ainsi que sur l'actualité des institutions multilatérales. France 24 doit ainsi contribuer au rayonnement international de la France. La reprise de ses programmes par les chaînes étrangères sera un élément permettant de mesurer la notoriété de la chaîne au sein du paysage audiovisuel international et d’en renforcer l’identité.

Dans ses zones de diffusion, France 24 vise les catégories socioprofessionnelles supérieures (CSP+) et les leaders d’opinion à travers le monde,  c’est-à-dire principalement les décideurs politiques et économiques, les professionnels des médias et, plus généralement, les téléspectateurs réguliers des chaînes d’information nationales et internationales.

Subvention allouée à France 24

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Titre et catégorie

Consommées
en 2005

Ouvertes en LFI pour 2006

Demandées
pour 2007

Consommés
en 2005

Ouverts en LFI pour 2006

Demandés
pour 2007

 Titre 6. Dépenses d’intervention

 

65 000 000

70 000 000

 

65 000 000

70 000 000

 Transferts aux entreprises

 

65 000 000

70 000 000

 

65 000 000

70 000 000

 Totaux

 

65 000 000

70 000 000

 

65 000 000

70 000 000

Fin 2005, la CFII(11) a bénéficié d’une dotation exceptionnelle de 15 millions d’euros, dont 2 pour son fonctionnement (frais d’établissement de la société éditrice de la chaîne) et 13 pour son équipement (couvrant une grande partie des dépenses prévisionnelles de premier équipement en matériel de la chaîne).

Pour la première année de démarrage de la chaîne, les crédits votés en loi de finances initiale 2006 se sont élevés à 65 millions d’euros, dont 12 au titre de la subvention d’investissement.

France 24 est le seul opérateur audiovisuel financé par les services du Premier ministre. Le montant de la subvention à la société proposé dans le projet de loi de finances pour 2007 s’établit à 70 millions d’euros. Cette dotation est attribuée aux postes suivants : dépenses de programme (50%), coûts techniques (27%), distribution (11%) et dépenses de fonctionnement (12%).

En contrepartie de la mission d’intérêt général que la société exerce, l’État, représenté par le Premier ministre, et France 24 représentée par ses deux actionnaires, France Télévisions et TF1, ont signé une convention de subvention le 29 novembre 2005, modifiée le 24 juillet 2006, prévoyant le versement de subventions annuelles jusqu’au 31 décembre 2010. L’article 8 de cette convention prévoit une subvention annuelle de 80 millions d’euros « valeur 2005 », ce qui correspond déjà pour 2007 à 86 millions d’euros après application de la formule d’indexation indiquée dans la Convention !

Il est prévu de financer ces 86 millions d’euros à hauteur de :

- 70 millions d’euros par les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007 ;

- 16 millions d’euros par les crédits ouverts en LFI 2006 et non utilisés par la chaîne (12).

A la différence des opérateurs du programme 115, France 24 bénéficie ainsi d’une visibilité budgétaire à moyen terme que TV5, CFI et RFI doivent lui envier…

Le lancement de France 24 sera précédé par la mise en service de son site Internet, immédiatement trilingue (français, anglais et arabe) dès le 6 décembre 2006. Dans le prolongement des services de télévision, le site devrait proposer des contenus complémentaires (dossiers d'approfondissement, video on demand -VOD-, dépêches d'agences, forums, chats, diaporama de photos, etc.). L'accès au contenu du site sera gratuit.

Dans un premier temps, la chaîne diffusera sur deux canaux :

- un programme principal en français, diffusé prioritairement en Europe (dont la France, sur le câble et le satellite) et dans les pays du Maghreb et en Afrique ;

- un second programme, composé dans un premier temps de 75% de programmes en anglais et de 25% de programmes en français, diffusé prioritairement en Europe (dont la France, sur le câble et le satellite), en Afrique et au Proche et Moyen Orient.

Par ailleurs, des décrochages en arabe sur le Proche et Moyen-Orient interviendront dans le courant de l’année 2007. D’autres décrochages (notamment en espagnol) pourront être envisagés les années suivantes. L’extension de la diffusion en Asie, en Amérique latine et en Amérique du Nord est envisagée ultérieurement.

Les objectifs assignés à France 24 en terme de couverture sont les suivants :

- fin 2006 : distribution auprès de 38 millions de foyers en clair ; 25% de pénétration des offres satellitaires, câbles ou DSL payantes ;

- fin 2007 : 50% de pénétration des offres payantes ;

- fin 2009 : référencement dans l'ensemble des offres payantes.

Afin de desservir les autres zones prioritaires de diffusion, France 24 entend conclure, au plus tard dans les six mois qui suivront l'ouverture de son antenne, des contrats de diffusion avec les organismes gestionnaires des satellites, ainsi que des contrats de reprise de ses programmes avec les opérateurs de bouquets satellitaires, les câblo-opérateurs et tous autres distributeurs de services audiovisuels.

Sur le plan éditorial, France 24 entend favoriser les synergies avec ses actionnaires. Bénéficiant de son adossement aux groupes France Télévisions et TF1, la chaîne d’information devrait conclure un contrat d’abonnement lui permettant d’accéder aux sujets traitant de l’actualité internationale réalisés par les correspondants de TF1, LCI, France 2, France 3 et Réseau France Outre-mer (RFO) dans le cadre de leurs éditions nationales et régionales. Le principe retenu est celui d’un traitement équitable entre les groupes France Télévisions et TF1, étant précisé que les conditions d'achat de ces images doivent être conformes aux conditions du marché. D’autres partenariats ont d’ores et déjà été conclus ou sont en cours de finalisation :

– un partenariat avec l'Agence France-Presse (AFP) pour l'achat d'images et de dépêches et un autre pour la mise en place de correspondants audiovisuels dans quelques bureaux de l'agence ;

– un partenariat avec l'Agence d’Images Internationale (AITV), agence de presse de Réseau France Outre-mer (RFO) pour l'achat d'images ;

– des discussions seraient également en cours avec TV5, RFI et les chaînes parlementaires.

Les prestations résultant de ces partenariats devront être rémunérées aux conditions du marché.

CONCLUSION

Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact – positif ou négatif – de l’addition d’une nouvelle chaîne au sein du dispositif complexe et relativement sous-financé de l’audiovisuel extérieur de la France.

L’analyse des crédits alloués en 2007 à l’audiovisuel extérieur appelle plusieurs remarques, à commencer par la nécessaire recherche d’une équité budgétaire qui, en l’état, n’est pas assurée entre les différents opérateurs. A cet égard, il conviendrait notamment d’approfondir la réflexion sur les modalités de financement de l’audiovisuel extérieur et sur l’opportunité qu’il y aurait à étendre ou non à de nouveaux opérateurs le bénéfice de la redevance.

Une plus grande efficacité de notre dispositif suppose également de renforcer la visibilité à moyen terme des opérateurs de l’audiovisuel extérieur. La conclusion plus systématique de contrats d’objectifs et de moyens permettrait d’impulser ce pilotage stratégique qui fait aujourd’hui tant défaut. La réactivation souhaitée du Conseil de l’audiovisuel extérieur français (CAEF) est une première étape qui doit contribuer à renforcer la complémentarité entre les opérateurs et à favoriser la coordination de leurs actions ; une première étape, donc, qui en appellera d’autres.

Telle est la feuille de route de la mission d’information créée par Commission des Affaires étrangères sur l’organisation et le financement de l’audiovisuel extérieur. Cette mission travaille actuellement à l’élaboration d’une recommandation opérationnelle et procède à l’examen de différentes options, dans un esprit d’ouverture et de responsabilité. Ses conclusions seront rendues publiques dans les prochaines semaines.

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

- M. Philippe ETIENNE, directeur général de la Coopération internationale et du développement (DGCID) au ministère des Affaires étrangères

- Mme Anne-Gabrielle HEILBRONNER-LAHOUD, conseillère auprès du ministre des Affaires étrangères

- M. Eric FOURNIER, conseiller au cabinet du ministre des Affaires étrangères

- M. Antoine SCHWARZ, Président-directeur général de RFI

- M. Jean-Claude BENOIST, Secrétaire général de RFI

- M. François BONNEMAIN, Président-Directeur général de TV5 Monde, Président du Conseil d’administration de CFI

- M. Richard BOIDIN, Directeur de l’audiovisuel extérieur au Ministère des Affaires étrangères,

- M. Etienne FIATTE, Sous-directeur de la Télévision et de la Radio à la Direction de l’audiovisuel extérieur au Ministère des Affaires étrangères

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission des Affaires étrangères a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2007 de la mission « Médias », au cours de la séance du jeudi 2 novembre 2006 à 9 h 30.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je tiens à saluer ceux de nos collègues qui ont pu être présents en ce jour un peu spécial, juste après la Toussaint. Nous allons aborder, en commission élargie, l’examen des crédits de la mission Médias, du compte spécial Avances à l’audiovisuel public et de l’article 63 rattaché.

Je suis heureux de coprésider cette réunion avec Hervé de Charette et Dominique Richard.

La commission élargie est destinée à favoriser la souplesse et le dynamisme des débats. Je souhaite donc que chacun s’astreigne à des interventions courtes, plutôt sous forme de questions, afin d’éviter les travers habituels des discussions générales en séance publique, qui se limitent souvent à des monologues successifs.

Une fois le Gouvernement parti, nous en viendrons aux amendements, en commençant par la commission des affaires culturelles, si elle le souhaite.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Je suis très heureux de vous présenter aujourd’hui ce troisième projet de budget, le dernier de cette législature. Je me félicite qu’il soit examiné en commission élargie, car cette formule laisse plus de temps pour que s’engage un débat approfondi entre le Gouvernement et la représentation nationale. Dans le palmarès que ne manquera pas d’établir le président Pierre Méhaignerie, j’espère que j’obtiendrai, sinon la palme d’or, du moins un satisfecit pour la conduite de nos débats et le respect de la diversité du Parlement…

Sans revenir sur les excellents rapports de Patrice Martin-Lalande et de Chantal Bourragué, je me contenterai de replacer cet exercice 2007 dans une perspective pluriannuelle. Je n’ai pas besoin de vous rappeler la place éminente et croissante que tient ce secteur dans la vie quotidienne de nos concitoyens !

Ce projet de budget traduit une politique identique à celle que je mène dans tous les domaines dont j’ai la charge : une politique en faveur de la diversité culturelle, de la création, de l’emploi, de la multiplication des offres de programme et de la défense du pluralisme. Le domaine des médias connaît des mutations rapides, parfois brutales, liées aux extraordinaires progrès technologiques qui ont transformé profondément les usages. Nous devons non seulement les comprendre et les analyser, mais surtout les anticiper et les accompagner. Ce secteur n’avait jamais connu tant de mutations profondes et concrètes, qui impliquent autant de réformes et de modernisation de la part des pouvoirs publics.

Premier exemple : l’essor de l’Internet, désormais présent dans la vie quotidienne et professionnelle des Français, dans plus d’un foyer sur deux, et majoritairement à haut débit. Ceux d’entre vous qui ont voté la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information peuvent être fiers d’avoir adapté notre législation pour protéger et garantir les droits des créateurs, tout en permettant le développement d’une offre légale nouvelle. Les décrets d’application, en cours de rédaction, font l’objet d’un travail interministériel intense. Notre objectif est qu’ils soient publiés entre la fin du mois de novembre et le début de l’année 2007 – je pense notamment au décret portant création de l’Autorité de régulation des mesures techniques, qui devrait permettre l’installation de cette Autorité au tout début de l’année 2007.

Deuxième exemple, qui vient tout naturellement à l’esprit : celui de la télévision. Jamais depuis vingt ans, le paysage audiovisuel français n’avait connu de tels bouleversements. Le lancement réussi de la télévision numérique terrestre a triplé le nombre de chaînes gratuites – elles sont passées de six à dix-huit ! Ce n’est pas le fruit d’une génération spontanée, ni du seul progrès technique, mais le résultat d’une volonté politique forte, en particulier des choix budgétaires qu’il vous revient de décider. Jamais une majorité n’avait autorisé la création d’autant de chaînes ! Le téléspectateur en a bénéficié grâce à une offre élargie, de même que le monde de la création et les entreprises de production, porteuses d’emplois et facteur essentiel dans l’attractivité de notre pays.

Ces résultats, Monsieur le président de la commission des finances, n’ont pas pour corollaire une explosion sans contrôle des deniers publics. Mon propos n’est pas d’affirmer que mon budget est bon parce qu’il augmente ! Toutes les augmentations de ressources que je soumets à votre approbation et à votre contrôle sont, en effet, fléchées et clairement identifiées.

Par exemple, je tiens autant que vous à la démarche contractuelle : les contrats d’objectifs et de moyens n’enlèvent rien à votre contrôle annuel ; ils permettent, au contraire, au législateur et aux entreprises publiques de l’audiovisuel, de définir une stratégie sur plusieurs années.

À cela s’ajoute le fléchage des dépenses supplémentaires : l’augmentation de 20 millions d’euros que vous avez votée en loi de finances rectificative a ainsi été directement affectée aux programmes d’Arte et de France Télévisions, et leur a permis de passer à la TNT dans de bonnes conditions. Je partage avec vous, Monsieur le président de la commission des finances, cette exigence que toute demande de financement supplémentaire corresponde à une priorité clairement identifiée et productive.

Sous l’impulsion du Président de la République, les choix budgétaires de la majorité ont également abouti à la création de la chaîne française d’information internationale, France 24, qui commencera à émettre dès les premiers jours de décembre. Elle offrira au monde un regard français sur une actualité internationale de plus en plus suivie par nos concitoyens.

Grâce à l’implication des services de l’État et, aux travaux de votre mission d’évaluation et de contrôle, nous avons enfin réformé la redevance audiovisuelle en rationalisant son mode de recouvrement. Un bilan est en cours au sein du ministère de l’économie et des finances. La progression des ressources disponibles a donné aux organismes de l’audiovisuel public les moyens de participer pleinement aux mutations technologiques en cours tout en renforçant la spécificité et la richesse de leurs programmes. Les priorités fixées au secteur audiovisuel public pour 2007 sont, en effet, le développement d’une offre de qualité en télévision numérique terrestre et en haute définition, mais aussi la sauvegarde du patrimoine.

La progression de la dotation publique de France Télévisions sera assortie de plusieurs priorités. France Télévisions devra tout d’abord renforcer la grille des chaînes de la télévision numérique terrestre, France 4, France 5 et France Ô dont le Président de la République a annoncé la diffusion sur la TNT en Île-de-France. J’ajoute que le multiplexe public pourrait également diffuser en province les chaînes locales analogiques ainsi que certains décrochages de France 3, encore mal diffusés sur la TNT – il est grand temps que ce transfert se réalise !

Deuxième priorité : l’accélération du déploiement de la TNT sur notre territoire. France Télévisions devrait se montrer exemplaire en respectant à la lettre le calendrier défini par le CSA, qui a prévu une couverture de 85 % de la population, à partir de 110 sites, d’ici à la fin 2007. Mais le groupe devra également poursuivre son déploiement au-delà de ces sites afin de compléter sa couverture, dans la perspective de l’extinction de la diffusion analogique prévue pour la fin 2011 dans le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, projet qui vous sera bientôt soumis.

Troisième priorité : le développement des programmes en haute définition. France Télévisions, qui a déjà diffusé des programmes sous cette forme, continuera à diffuser un maximum de programmes haute définition dans le cadre expérimental actuel, puis dans le cadre d’autre préemptions que le Gouvernement réalisera pour les chaînes de service public. Comme vous le savez, Monsieur Descamps, j’ai pu assister à la diffusion expérimentale en haute définition de Paris Tours, une sorte de répétition générale du Tour de France ! Le service public ne sera pas le laissé pour compte des évolutions technologiques.

N’oublions pas non plus le sous-titrage des programmes pour les personnes sourdes et malentendantes : la loi du 11 février 2005 a en effet posé le principe général de l’adaptation de la totalité des programmes télévisés à l’exception des messages publicitaires. Pour toutes les chaînes publiques, cette adaptation doit avoir lieu dans un délai maximum de cinq ans après la publication de la loi. France Télévisions devra ainsi réaliser le sous-titrage de l’ensemble des programmes régionaux de France 3.

Quant à l’augmentation des dotations d’Arte France, elle permettra à cette société de jouer un rôle moteur dans les nouvelles technologies de la diffusion et de poursuivre ses efforts en faveur de la création.

2007 sera également l’occasion de concrétiser les orientations définies par le contrat d’objectifs et de moyens de Radio France, qui a été approuvé par le conseil d’administration du 12 juillet dernier et qui est en cours d’examen par les commissions compétentes du Parlement. Je ferai le plus grand cas de vos remarques et je salue cette procédure qui vous associe davantage à l’élaboration des contrats d’objectifs et de moyens.

Grâce à votre vote, nous donnerons à Radio France la possibilité de réaliser de nouveaux développements, comme l’extension de la diffusion FM, le déploiement de la radio numérique ou le développement de chaînes thématiques dérivées de nouveaux services, tout en confortant la mission de service public de ses sept chaînes et de ses formations musicales.

L’action en faveur du patrimoine est également une priorité de la politique culturelle du Gouvernement. Dans cette nouvelle ère numérique, cette priorité vaut aussi pour l’audiovisuel : comme les précédents, ce budget vise à renforcer l’effort de sauvegarde et de mise en valeur de notre patrimoine audiovisuel, mission confiée à l’Institut national de l’audiovisuel.

Le contrat d’objectifs et de moyens de l’INA, signé fin 2005, garantira l’accélération du plan de sauvegarde et de numérisation afin que l’ensemble des fonds audiovisuels soient numérisés en 2015 ; par cohérence, le budget de l’audiovisuel public pour 2007 permettra de sauvegarder plus de 40 % du stock d’archives menacées.

Radio France internationale, grande et belle maison, poursuit sa modernisation en renégociant le contrat qui la lie à TDF, et doit développer son offre sur Internet. Le contrat d’objectifs et de moyens doit être l’occasion de déterminer une stratégie éditoriale adaptée au monde moderne, de trouver des synergies avec France 24, à l’instar de la BBC World, et de garantir les moyens financiers appropriés – pour 2007, la part de financement de RFI issue de la redevance progresse de 1,2 %.

Les radios associatives, seuls médias de proximité, s’adressent en priorité à des populations isolées : leur rôle social est donc primordial. Un décret publié le 25 août dernier améliore le fonctionnement du fonds de soutien à l’expression radiophonique : le soutien public à près de 600 radios associatives est ainsi définitivement garanti.

La politique de l’audiovisuel est aussi au service de l’emploi. Les mesures de crédit d’impôt et l’intensification du partenariat entre l’État et les régions – selon le principe « 1 euro de l’État pour 2 euros des régions » – donnent un fort effet de levier aux actions de l’État. La relocalisation des tournages en France a augmenté de 35 % l’an dernier : les résultats des mesures que vous avez votées ne se sont pas faits attendre !

La diffusion de la presse écrite, pilier de notre démocratie, est confortée cette année par l’augmentation de plus de 22 % des moyens qui lui étaient consacrés il y a seulement deux ans. La faiblesse des fonds propres obère la capacité d’investissement de la presse écrite. Le présent projet de loi de finances tend donc à proroger jusqu’en 2010 le dispositif spécifique de provisions pour investissements dit du « 39 bis » et a étendre le périmètre des investissements éligibles à la prise de participation dans d’autres entreprises de presse ou dans des entreprises intervenant dans la chaîne de fabrication. Par ailleurs, les entreprises investissant dans des publications d’informations politiques et générales pourront, avant la fin de l’année, bénéficier d’une réduction de l’impôt sur les sociétés égale à 25 % du montant des sommes versées au titre des souscriptions en numéraires au capital de ces publications. Ces mesures renforcent l’attractivité de la presse quotidienne, qui est parfois confrontée à des difficultés – je pense bien sûr à Libération.

Fidèle à son engagement en faveur du pluralisme, l’État accompagne la presse dans l’univers numérique. M. Marc Tessier me rendra en janvier les conclusions de la mission prospective qu’il mène sur ce sujet et je réunirai alors l’ensemble des représentants de la presse écrite. Le Gouvernement s’attache par ailleurs à convaincre nos partenaires européens qu’il faut appliquer à la presse en ligne le taux réduit de TVA dont bénéficie la presse papier – ce thème est à l’ordre du jour du prochain conseil Ecofin.

Les aides à la presse écrite doivent être consacrées en priorité à son indépendance économique. En 2007, 60 millions seront donc dédiés au maintien du pluralisme et du débat démocratique et 22,5 millions seront mobilisés pour moderniser la fabrication de la presse.

Comme les précédents, ce budget est marqué par une importante progression des aides à la presse, par la rénovation des dispositifs de modernisation et le renforcement des fonds propres des entreprises. Il illustre l’engagement fort de l’État pour préparer l’avenir d’un secteur dans lequel notre pays dispose de très nombreux atouts.

M. Hervé de Charette, vice-président de la commission des affaires étrangères – Cette mission englobe trois programmes sous la responsabilité de ministres différents, mais coordonnés par le ministre de la culture : n’y a-t-il pas un problème de structure ?

M. le Ministre – J’ai une vocation interministérielle !

M. Hervé de Charette, vice-président de la commission – D’autre part, la commission des affaires étrangères trouverait logique que le programme 115 concernant l’audiovisuel extérieur soit intégré avec le programme 116 au sein de la mission « action extérieure de l’État » comme cela avait été évoqué l’an dernier. Pourquoi en a-t-il été détaché ?

M. Dominique Richard, secrétaire de la commission des affaires culturelles – 2007 est une année charnière pour le paysage audiovisuel français. Nous ne pouvons que nous réjouir du succès du lancement de la TNT : 65 % de la population est déjà couverte et 4 millions d’adaptateurs ont été vendus. De même, France Télévisions a renforcé la complémentarité de ses chaînes et changé 20 % de ses programmes à la rentrée. Réjouissons nous aussi de la naissance imminente de France 24.

L’augmentation du taux de remboursement des exonérations sociales et l’arrivée prochaine de la grande distribution dans la publicité permettent de répondre aux besoins immédiats de France Télévisions. Néanmoins, ce groupe doit financer le sous-titrage, le passage à la haute définition et l’augmentation du coût des programmes avec l’arrivée des télécoms sur le marché. Or, la ressource provenant de la redevance n’est guère dynamique : 116 euros en France contre une moyenne européenne de 195,4 euros. Il faut donc donner à la télévision publique les moyens de respecter l’exigence des diversités culturelles. Au cours des prochains mois, notre réflexion devra porter sur la définition de l’œuvre audiovisuelle, la fluidité des droits et la lisibilité du service public. Enfin, je me félicite que le Parlement soit associé au contrat d’objectifs et de moyens : c’est un geste sympathique, bien qu’homéopathique.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances  Alors que deux contrats d’objectifs et de moyens seulement ont été signés, accepterez-vous le principe d’un avenant permettant de les infléchir si nécessaire, comme nous le proposons par amendement ? France Télévisions semble en retard – la première mouture n’a été présentée qu’en avril dernier et l’État doit intervenir rapidement. Le nouveau contrat démarrera-t-il vraiment en 2007 ? Tout décalage en la matière devra être acté. Par ailleurs, les prévisions de recettes publicitaires semblent sous évaluées et les ambitions du groupe trop limitées par rapport aux exigences économiques affichées dans le précédent contrat.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission L’évaluation est à la base de toute politique. A-t-on procédé à une évaluation internationale des différentes télévisions dans le monde ? De même a-t-on comparé nos aides à la presse avec celles qui sont accordées pour nos partenaires européens ?

M. le Ministre – Les responsabilités, M. de Charette, sont parfois partagées, mais toute décision se fait sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre. Sur le lancement de la chaîne d’informations internationales, dont je suis fier, comme sur d’autres sujets, l’essentiel est d’additionner les énergies.

La réforme de la redevance est essentielle : vous en fixez le montant et c’est à l’État d’apporter les ajustements nécessaires.

Les contrats d’objectifs et de moyens sont l’occasion pour moi de discuter d’une stratégie de fonds avec les entreprises de l’audiovisuel public. Le concours du Parlement en la matière est très important – à ce titre, je n’ai aucune objection à l’idée d’avenants.

Je tiens à ce que les calendriers soient respectés. Nous y travaillons de manière active et partagée : les services de l’État peuvent faire des propositions. Si nous recevons celles des grands groupes de l’audiovisuel public, nous fixons donc aussi des objectifs. Pour France Télévisions, l’objectif est que le contrat d’objectifs et de moyens soit signé en janvier 2007. En ce qui concerne la déclinaison annuelle de nos contrats, la traduction budgétaire s’inscrit, comme pour Radio France, dans les recommandations et dans le contrat. Tant pour Arte que pour France Télévisions, un travail intense est donc mené par les sociétés concernées, mes services et ceux du ministère des finances en vue d’une signature début 2007. Il n’y a donc pas de retard.

Pierre Méhaignerie m’a interrogé sur l’évaluation internationale. Quelques semaines avant le lancement de France 24, j’ai rencontré les responsables de la BBC et de BBC World à Londres. Nous nous plaçons dans une logique de ressemblance.

Pour ce qui est de notre système d’aides à la presse, le pluralisme des entreprises de presse et des structures capitalistiques est plus important en France que dans d’autres pays de l’Union européenne. Je pourrai vous fournir des informations complémentaires à ce sujet.

J’en viens aux ressources publicitaires et à leur éventuelle sous-estimation. Début 2007, la publicité sur les chaînes de télévision sera ouverte à un nouveau domaine, celui de la grande distribution. La sagesse veut que l’on mesure l’impact de cette ouverture des recettes publicitaires avant toute nouvelle décision. Il ne faut pas menacer des équilibres qui restent fragiles, notamment par rapport à la presse écrite. Le Gouvernement ne s’est donc fixé aucune perspective d’évolution pour ces recettes, et de nouvelles coupures publicitaires ne sont pas à l’ordre du jour.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission – Je vous remercie. Il faut pouvoir aussi mesurer les conséquences de la taxe sur les publicités dans les boîtes aux lettres, qui a déjà pour effet de reporter sur la presse une partie de la publicité des grandes surfaces.

Mme Chantal Bourragué, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles Comme M. Martin-Lalande, je me félicite de l’ambition affirmée de ce budget. La stabilité de la redevance ne constitue qu’une contrainte apparente, le nouveau mode de collecte et la compensation des dégrèvements provoquant une augmentation des ressources de l’audiovisuel public.

Je m’attarderai sur le rôle de France 3 en régions. Comme l’a rappelé M. de Carolis devant la commission des affaires culturelles, France 3 est la chaîne de la proximité et s’affirme comme le reflet d’une France riche de sa diversité. C’est du reste la mission que lui assigne la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. La politique de régionalisation accrue de France 3 illustre le « virage éditorial » opéré par le groupe France Télévisions, afin que les programmes des chaînes se complètent au lieu de se faire concurrence.

Cette politique semble payer : selon Mme Giard, directrice générale de France 3, France 3 est la seule chaîne à avoir vu son audience progresser sur les trente-sept premières semaines de l’année 2006. La chaîne se porte bien. Elle doit rester à l’écoute des téléspectateurs en privilégiant l’information régionale, les programmes de proximité, mais aussi les productions régionales à vocation nationale.

France 3 est une chaîne à vocation régionale depuis sa création, puisque « Couleur 3 », la troisième chaîne de l’ORTF, a émis pour la première fois en 1972. En 1983, les stations régionales de la chaîne diffusent quotidiennement trois heures de leurs propres programmes avant 20 heures.

En 2005, la diffusion des treize antennes régionales a représenté un volume global d’environ 14 000 heures, dont 6 500 heures d’information et 7 600 heures de programmes.

France 3 mène depuis des années une politique de partenariat avec les collectivités territoriales et les grands acteurs économiques régionaux, notamment grâce au parrainage. Cette coopération originale a permis l’ouverture de nouvelles « locales », la production de documentaires régionaux et la retransmission des débats de certaines assemblées territoriales.

Le budget de France 3 reflète l’importance de sa présence territoriale, même s’il y aura toujours des débats sur l’équilibre des moyens entre l’antenne nationale et les antennes régionales, qui restent la raison d’être de France 3.

La croissance des effectifs régionaux est surtout liée à la création de nouvelles antennes locales dans les villes moyennes de province. Pour mieux innover dans leurs programmes, les antennes régionales réclament des moyens complémentaires hors budget de personnel. Leurs budgets sont assez stables : ils oscillent entre 22 millions d’euros pour France 3 Alsace et 40 millions pour France 3 Rhône-Alpes-Auvergne. Ces différences s’expliquent par le nombre de bureaux régionaux d’information – un seul dans le premier cas, trois dans le second. Mais les budgets sont aussi établis en fonction des objectifs de programme et des audiences de chaque antenne. Il conviendrait de mieux prendre en compte ce deuxième aspect.

Les budgets publicitaires des antennes régionales proviennent uniquement du parrainage publicitaire. Seuls 20 % de ces recettes sont reversés aux antennes, le reste revenant au budget publicitaire national. Il en est de même pour les recettes publicitaires des sites Internet régionaux. Il faut réfléchir à un système plus décentralisé, car les seules recettes extérieures abondant intégralement le budget des antennes régionales sont liées aux partenariats avec les collectivités qui se sont beaucoup développés. Ce n’est pas souhaitable si l’on veut préserver leur impartialité.

Il faut saluer l’amélioration de la coordination entre antennes régionales et nationale et avec les autres chaînes de France Télévisions : un fonds d’intervention des programmes régionaux encourage l’innovation et la création des missions interrégionales. Il finance des pilotes et des aides à la production de magazines et documentaires en favorisant les projets coproduits par plusieurs régions. Seul un renforcement de la qualité des émissions produites en régions permettra de développer les échanges interrégionaux et les échanges entre les régions et le national. Il faut donc renforcer cette tendance. Certains programmes produits par les régions sont déjà repris par des chaînes du groupe : France 4 diffuse une émission mensuelle produite par France 3 Paris-Île-de-France-Centre.

Pour terminer, je ferai le point sur quelques chantiers. Le premier est celui de la filière production de France 3 qui affichait un déficit de 1,6 million d’euros en 2005. Un rapport de l’inspection générale des finances a recommandé sa cession début 2006, mais M. de Carolis a préféré engager sa rationalisation. À l’occasion de la négociation du prochain contrat d’objectifs et de moyens, le succès de ce chantier est fondamental : France Télévisions doit prouver qu’elle peut réformer et améliorer sa productivité à périmètre budgétaire constant.

Le deuxième chantier est celui de la politique rédactionnelle à l’heure de l’information instantanée. La période s’annonce tendue sur le plan politique, mais je tiens à souligner le souci d’impartialité des responsables de l’information de la chaîne. La qualité des journaux de France 3 s’est améliorée, et ils réalisent une audience supérieure d’un tiers à celle de France 2.

La présence de France 3 en régions est un atout qui doit être bien maîtrisé : l’afflux d’images et d’informations est aussi un danger lorsque le journaliste oublie de prendre ses distances. L’audiovisuel public doit être exemplaire dans ce domaine et s’interroger sur la diffusion d’images violentes.

Le troisième chantier, dont vous avez largement parlé, consiste à tirer le meilleur parti des nouveaux réseaux et services de télécommunication. Les premiers résultats sont d’ailleurs prometteurs.

Les partenariats développés avec les opérateurs ADSL en télévision permettent de visualiser les antennes régionales. Free est le premier opérateur à avoir signé un contrat avec France Télévisions en ce sens : 21 décrochages régionaux sont aujourd’hui disponibles en simultané sur la « freebox ».

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances – Nous en sommes à dix minutes.

Mme la Rapporteure pour avis - Le quatrième défi est celui du coût budgétaire des évolutions technologiques, et le cinquième, celui de la mobilisation des ressources humaines, avec notamment la question du point d’indice. La dynamisation du personnel est un besoin. Il faut également optimiser les relations entre les rédactions du groupe. Les premiers résultats sont prometteurs.

En conclusion, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances – Beaucoup de bonnes questions ont été posées mais je rappelle que, pour la qualité du débat, le président de l’Assemblée nationale a souhaité que les interventions ne dépassent pas cinq minutes.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères – Je limiterai mon propos au volet extérieur de la mission « médias », à savoir les programmes 115 et 116. Je vous informe que j’assure la présidence d’une mission d’information créée au sein de la commission des affaires étrangères à la demande du président Balladur, sur l’organisation et le financement de l’audiovisuel extérieur.

L’éclatement institutionnel et la dispersion des moyens de l’audiovisuel extérieur nourrissent des critiques récurrentes. Les rapports dénoncent les changements de stratégies, l’absence d’instances de pilotage et la pluralité des structures, qui contrastent avec ce qui se passe chez nos voisins qui s’appuient sur un opérateur unique – la BBC au Royaume-Uni, la Deutsche Welle en Allemagne.

La création d’un programme spécifique consacré à l’audiovisuel extérieur constitue un progrès. De quatre sources de financement, nous passons à deux en 2007 : la mission « médias » pour l’ensemble des opérateurs et la redevance pour le financement complémentaire de RFI. Quatre tutelles subsistent cependant : Premier ministre, finances, culture et communication, affaires étrangères – dont on note l’absence ce matin. Auditionné au printemps 2003 par la mission d’information commune sur la CII, M. Aillagon voyait dans la création de la CFII une chance « parce qu’elle permettra de rationaliser un paysage audiovisuel extérieur désorganisé et centrifuge ». Le choix de placer France 24 sous la tutelle du Premier ministre et de la doter d’un capital 50 % public et 50 % privé ajoute à la désorganisation, d’autant que la multiplicité des tutelles ne s’accompagne d’aucune structure de coordination de nature à assurer un pilotage stratégique. Dans son rapport 2002, la Cour des comptes dénonçait déjà ce manque de coordination. Il existe pourtant un conseil de l’audiovisuel extérieur de la France – CAEF. Créé en 1989, il ne s’est pas réuni depuis 1996. Peut-on le réactiver et quelles seraient ses compétences ?

L’addition des montants consacrés aux programmes 115 et 116, auxquels il faut ajouter la contribution de la redevance à RFI – et marginalement à TV5 à travers France Télévisions – fait progresser le total des ressources publiques consacrées à l’audiovisuel extérieur de 7,52 %. Mais cette progression, certes importante, est entièrement concentrée sur France 24, et masque le fait que TV5 Monde et RFI connaissent depuis plusieurs années une stagnation, sinon une régression, de leurs moyens.

Ainsi, pour la troisième année consécutive, les ressources des opérateurs de l’audiovisuel extérieur, France 24 exceptée, connaissent une progression moyenne de 2,6 % seulement. Le fait que, RFI mis à part, ces opérateurs ne bénéficient pas de la redevance entraîne une iniquité d’autant plus forte qu’ils sont soumis aux aléas de la régulation budgétaire, ce qui freine toute stratégie de développement pluriannuel. La réalité, que je déplore, c’est donc un audiovisuel public à deux vitesses, au détriment de l’audiovisuel extérieur. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2007, RFO percevra 228,6 millions au titre de la redevance, et Arte 214,32 millions, mais le ministère des affaires étrangères ne versera que 65,27 millions de subventions à TV5, pour une couverture mondiale.

En dépit de ce cadre budgétaire très contraignant, la stratégie déployée ces dernières années par TV5 est payante : l’audience mondiale de la chaîne a continué de progresser de manière soutenue, le nombre de ses téléspectateurs ayant doublé entre 2001 et 2005. TV5 doit avoir les moyens de maintenir son rang mondial et d’atteindre les objectifs fixés par sa tutelle. Elle ne doit donc pas subir une nouvelle fois la régulation budgétaire qui lui a été imposée en 2006.

RFI a également été victime de la régulation budgétaire, et l’équilibre de son budget n’a pu être atteint que grâce à une économie réalisée lors de la renégociation du contrat « ondes courtes » conclu avec TDF. RFI va mal, vous le savez, et l’exercice 2007 s’annonce difficile. Les efforts réalisés par la station n’ont pas les résultats escomptés, en particulier en Europe. En réalité, au moment où la plupart des radios peuvent être écoutées n’importe où dans le monde par le biais de l’Internet. C’est la pertinence du concept de radio transnationale qui se pose. RFI est donc appelée à développer une offre « bi-média » multilingue, stratégie qui devrait faire l’objet d’un contrat d’objectif et de moyens avec l’État.

J’en viens à France 24, dont le lancement est prévu le 6 décembre d’abord sur Internet puis, trente-six heures plus tard, sur le câble et sur le satellite. La chaîne émettra dans un premier temps sur deux canaux, pour l’un entièrement en français et pour l’autre aux trois quarts en anglais. Chacun s’accorde sur la nécessité, pour la France, de disposer d’une chaîne d’information internationale, à l’instar de BBC World, de CNN ou d’Aljazira; espérons seulement qu’il n’est pas trop tard. Le lancement de France 24 est un pari incertain, puisqu’une nouvelle chaîne a besoin d’une dizaine d’années pour s’installer dans le paysage audiovisuel. Mais ce pari doit être gagné. Cela signifie avant tout réussir à faire coexister France 24 et TV5 Monde.

France 24 est l’unique chaîne financée par les services du Premier ministre. La subvention prévue dans le projet de loi de finances pour 2007 est de 70 millions, mais le budget de la chaîne s’établira en réalité à 86 millions grâce à un report de crédits. À la différence des autres opérateurs de l’audiovisuel extérieur, France 24 bénéficie d’un régime de faveur puisque la société, détenue à parité par TF1 et France Télévisions, a signé avec l’État une convention qui lui garantit jusqu’au 31 décembre 2010 une subvention annuelle de 80 millions, valeur 2005. En application de la formule d’indexation prévue, 80 millions en 2005 valent automatiquement 86 millions en 2007, soit une augmentation de 7,5 %. On ne peut que se féliciter de cette visibilité budgétaire, mais pourquoi l’État ne s’engage-t-il pas de la sorte avec TV5, CFI et RFI ? Il serait regrettable que la création de France 24 ajoute à l’iniquité dont souffrent les opérateurs couverts par le programme 115.

J’en viens aux questions que je souhaite poser au Gouvernement. Les deux premières concernent plus particulièrement le ministre des affaires étrangères, mais peut-être pourrez-vous y répondre, Monsieur le ministre. En premier lieu, quelles raisons s’opposent-elles au rattachement de France 24 au ministère des affaires étrangères ? Par ailleurs, le Gouvernement serait-il favorable à la réactivation du CAEF et, si tel est le cas, avec quelles compétences et selon quel calendrier ? Ensuite, les opérateurs ne bénéficient pas tous de la redevance ; seriez-vous favorable à ce que TV5 et France 24 en bénéficient au même titre que Arte ? Pourriez-vous nous indiquer les grandes lignes et le calendrier d’application du contrat d’objectif et de moyens qui doit être conclu avec RFI ? Enfin, TV5 et France 24 sont financées par le contribuable et visibles en France, par diffusion satellitaire ; pourquoi ne seraient-elles pas disponibles gratuitement sur la TNT ?

M. le Ministre – Je lirai le rapport que Mme Bourragué a consacré à France 3 avec un intérêt particulier. La stratégie qui explique l’attrait de cette chaîne est double : une programmation nationale particulièrement réussie et une proximité locale et régionale. Ces deux volets ne peuvent être dissociés. D’autre part, il ne faut surtout pas concevoir France 3 comme une sorte de fédération d’antennes régionales sans concept global. Nous confirmerons cette stratégie dans le contrat d’objectif et de moyens. L’attrait de France 3, qui se traduit par une audience en forte progression, tient à des programmes particulièrement réussis et à des informations où s’articulent le national et le régional. Il faut poursuivre dans cette voie.

Je souscris par ailleurs aux propos que vous avez tenus sur les filières de production. Mais si ce qui a été fait est très positif, nous devons aussi veiller à ne pas déstabiliser la production indépendante française, notamment dans son volet « fiction ». Un équilibre doit être respecté, et nous en reparlerons lors de la négociation du contrat d’objectif et de moyens. Je partage votre point de vue sur la nécessité d’articuler informations de proximité et stratégie nationale, spécificité qui assure la réussite de France 3.

Le fait que le Conseil des ministres siège au moment où vous vous réunissez rend difficile la présence du ministre des affaires étrangères. Pour autant, nous travaillons évidemment en étroite collaboration sur l’ensemble des sujets que vous avez évoqués, avec une parfaite identité de vues et je puis donc m’autoriser à répondre à la place de M. Douste-Blazy. Si le budget de France 24 a été rattaché aux services du Premier ministre, c’est que le lancement de toute nouvelle opération suscite des craintes, chaque ministère se demandant si les moyens nécessaires s’imputeront sur son budget. Voilà pourquoi ce schéma a été retenu.

M. le Rapporteur pour avis - Cela vaut pour la genèse du projet, mais qu’en sera-t-il de l’avenir ?

M. le Ministre – Une évolution est toujours possible, mais nous en sommes au lancement de la nouvelle chaîne, projet stratégique voulu par le Président de la République et par le Premier ministre.

Il est exact que le CAEF ne s’est pas réuni récemment. Il se réunira, car la concertation est toujours nécessaire. Je ferai le point à ce sujet avec le Premier ministre et avec le ministre des affaires étrangères. La mission du Conseil est de mettre au point la stratégie de coordination des différentes entités de l’audiovisuel extérieur. À cet égard, je rappelle que les missions de TV5 et de France 24 sont différentes. La vocation de TV5, c’est la diffusion de la langue française et la promotion de la francophonie. Le lancement de France 24 répond à d’autres objectifs. Vous avez évoqué un canal en français et un autre canal en langue anglaise ; vous auriez pu aussi évoquer la diffusion en langue arabe, qui débutera en 2007, en même temps d’ailleurs que les programmes en arabe de BBC world. L’enjeu est d’une extrême complexité, en ce qu’il suppose le recrutement de journalistes arabisants en nombre suffisant.

M. le Rapporteur pour avis - Un budget de 86 millions devrait y suffire…

M. le Ministre – La décision de lancer France 24 est une décision stratégique : le Président de la République et le Premier ministre souhaitent que la France dispose d’un outil de communication en langues étrangères à diffusion mondiale. C’est pourquoi les programmes de la chaîne ont été conçus pour être « Interneto-compatibles ». Ils seront également diffusés par le câble et par le satellite.

Je partage votre point de vue : les synergies, déjà prévues, entre RFI, l’AFP et France 24 doivent être renforcées.

Il n’est pas prévu que TV5 et France 24 bénéficient d’une fraction du produit de la redevance. Pour TV5, ce serait en quelque sorte une redevance au carré, puisque la chaîne diffuse des émissions provenant de chaînes qui en ont elles-mêmes bénéficié. Voilà pourquoi, aujourd’hui, le financement de chaînes par l’État est déconnecté de la redevance.

Les chiffres sont, certes, toujours perfectibles, mais leur évolution ne traduit aucun désintérêt de l’État pour Radio France Internationale, dont le rayonnement est exceptionnel et que nous soutenons. L’occasion m’est d’ailleurs donnée de rendre hommage à ses équipes, d’une remarquable diversité rédactionnelle et linguistique. Nous travaillons à l’élaboration d’un contrat d’objectif et de moyens pour RFI.

M. le Rapporteur pour avis - Et qu’en est-il de la diffusion de TV5 et de France 24 sur la TNT ?

M. le Président de la commission – Vous semblez estimer que les crédits manquent en tous domaines. Je vous suggère donc, cher collègue, de tenir une réunion de coordination avec un certain membre de votre groupe qui ne cesse de répéter que nous ne maîtrisons pas la dépense publique… (Sourires)

M. le Ministre – Les dépenses que je vous propose correspondent à une nécessité stratégique.

M. le Président de la commission – Vous aurez compris, Monsieur le ministre, que ma remarque ne vous visait aucunement.

M. le Rapporteur pour avis - La diffusion via la TNT n’est pas une question financière !

M. le Ministre – Comme je l’ai indiqué, France 24 sera diffusé par le câble, par le satellite et par Internet, mais la diffusion par la TNT n’est pas prévue. Des arbitrages ont dû être rendus, l’objectif étant la couverture la plus large possible. C’est ce à quoi nous travaillons.

M. le Président de la commission – Je maintiens l’observation que j’ai faite et je constate que le rapporteur général, présent parmi nous, partage mon point de vue. On ne peut pratiquer le double langage.

M. Jacques Myard – C’est ce que l’on appelle les partis charnière….

M. le Ministre – Quoi qu’il en soit, chaque euro dépensé pour la culture et la communication représente un investissement pour l’avenir de la France. De telles dépenses, il convient donc d’user sans modération.

M. le Président de la commission – Une évaluation critique me semble nécessaire dans tous les cas…

M. le Rapporteur spécial - J’ai supprimé un certain nombre de questions pour aller plus vite, mais il en reste tout de même quelques-unes. Quand signerez-vous, Monsieur le ministre, le contrat d’objectifs et de moyens entre Radio France et l’État ? Envisagez-vous, le cas échéant, de négocier un avenant à ce contrat, si l’environnement se modifie ? Envisagez-vous d’actualiser la définition de la publicité autorisée sur les antennes de Radio France ? Il semble que le cadre réglementaire, qui date de 1975, ne soit plus d’actualité. S’agissant du COM d’Arte, sur quel calendrier de signatures pouvez-vous vous engager ?

La réforme de la redevance est-elle un succès ? Si l’on devait y toucher…

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - À la baisse ? (Sourires )

M. le Rapporteur spécial - …Il ne faudrait le faire, me semble-t-il, qu’après avoir épuisé les possibilités de synergies et d’économies ouvertes par les COM et qu’après avoir été au bout des remboursements de dégrèvements ainsi que des possibilités de perception sur des récepteurs autres que les téléviseurs.

S’agissant de la TNT, j’aimerais savoir où en sont les accords transfrontaliers et si l’on atteindra bien, comme prévu, un taux de couverture de 85 % avant la fin de l’année 2007. Quelles mesures seront-elles prises pour accroître le taux d’équipement des Français ? Comment fonctionne le fonds qui a été créé ? Où en est la réflexion sur la TNT outre-mer ?

Pensez-vous réactiver le Conseil de l’audiovisuel extérieur de la France ? Pour améliorer la vision du Parlement, je proposerai la création d’une annexe annuelle au projet de loi de finances sur l’activité et les moyens de l’audiovisuel extérieur.

Pouvez-vous nous préciser le calendrier du déploiement de la radio numérique et nous dire où en est la réallocation des fréquences dans le cadre du projet FM 2006 ?

Les aides à la presse font encore le grand écart entre la mission Medias et la mission Développement et régulation économique, ce qui n’est pas normal. J’aimerais savoir pourquoi les crédits affectés au transport postal diminuent autant – moins 5,2 % – dans leur partie ministère de l’industrie. Heureusement, ceux qui sont inscrits au ministère de la culture progressent de 6,3 %. Ils devraient être fondus ensemble dans le programme Presse.

Concernant enfin la mission Avances à l’audiovisuel public, quelles sont les raisons qui s’opposent à un découpage en autant de programmes que d’opérateurs, c’est-à-dire cinq ?

M. le Ministre – Beaucoup de questions ! Le COM de Radio France sera signé par le ministre du budget et moi-même quand nous aurons recueilli les remarques et propositions de la commission des finances. Une procédure d’avenants à ce COM paraît logique et de bon sens en cas de modification de l’environnement de l’entreprise.

Je connais les propositions de modifications du périmètre de la publicité autorisée sur les antennes de Radio France formulées par le président Jean-Paul Cluzel, mais je ne veux pas déstabiliser le marché de la publicité au moment où la publicité télévisée s’ouvre au secteur de la distribution. Je suis prudent sur ces questions.

En tout état de cause, la signature devrait avoir lieu au plus tard en début d’année prochaine.

Je suis très heureux que vous évoquiez la singularité d’Arte. C’est une source de fierté. Pour autant, je ne voudrais pas qu’Arte soit une sorte d’alibi culturel. C’est bien l’ensemble de l’audiovisuel public qui doit assumer une mission culturelle. Je souhaite que le COM d’Arte France soit signé avant la fin de l’année. En septembre, son président a lancé le concept de média global et d’« Arte global ». C’est autour de l’approfondissement de ce concept que les discussions sont actuellement menées avec l’État. La stratégie future passe aussi par un approfondissement de la dimension européenne. J’aurai au début de l’an prochain une réunion de travail avec les ministres de la culture et de la communication des 25 pays de l’Union européenne ainsi qu’avec des représentants européens de l’audiovisuel public.

Pour toute entreprise audiovisuelle, je n’ai qu’une exigence : que tout financement supplémentaire soit orienté vers les programmes et vers le soutien à la création et à la diversité.

S’agissant de la réforme de la redevance, les recettes pour 2005 ont été moindres que prévues malgré une augmentation de 1,3 % par rapport à 2004. Pour 2006, les nouvelles demandes d’exonérations pour non-détention de téléviseurs provoqueront de nouveaux dégrèvements. Parallèlement, le dispositif de contrôle monte en puissance. Tout cela nous conduit à être prudents dans nos prévisions pour 2006 et 2007. C’est pourquoi nous avons décidé de reconduire en 2007 la même somme qu’en 2006 : 2,3 milliards.

Le bilan de la réforme est globalement positif. Sur le plan social, tout d’abord, dans la mesure où un million de personnes supplémentaire – en majorité des personnes âgées et des érémistes – ont pu bénéficier d’une exonération. L’adossement de la redevance à la taxe d’habitation a en outre simplifié les choses pour le contribuable – en ce sens, cette réforme participe à la nécessaire modernisation de l’administration. Il ne faut pas nier pour autant les difficultés que nous rencontrons, et tous les enseignements n’ayant pas encore été tirés, une nouvelle réforme ne paraît pas d’actualité. Nous prévoyons simplement un abondement, au budget général, des recettes tirées de la redevance.

L’important est de garantir à l’audiovisuel public les ressources stables dont il a besoin. Je souhaite que la réflexion sur ce sujet se poursuive, notamment au regard de l’impact de la convergence des médias, et des travaux de la mission conduite par Dominique Richard. Les comparaisons avec les autres pays européens doivent également nous éclairer.

S’agissant de la TNT, nous avons un objectif clair : que l’ensemble de nos concitoyens bénéficie de cette révolution technologique, qui a triplé le nombre de chaînes gratuites. Depuis le 19 octobre, le taux de couverture est de 65 %. Nous voulons d’ici 2007 ouvrir les 115 sites programmés pour atteindre un taux de couverture de 80 %. Nous voulons aussi accélérer la mise en place de services complémentaires et lancer au plus tard au début 2007 un bouquet satellitaire sans abonnement reprenant les chaînes gratuites de la TNT. On pourra ainsi compléter la couverture terrestre dans toutes les zones où cela est techniquement nécessaire.

En ce qui concerne l’outre-mer, il me paraît étrange de mélanger dans un même agrégat les crédits de TV 5 et de RFO, et ceux de l’action extérieure de la France. Les objectifs ne sont pas les mêmes. Pour l’audiovisuel outre-mer, l’objectif est politique : assurer un égal accès de tous, sur tout le territoire national, à l’offre audiovisuelle.

Mme Christine Boutin - Très bien !

M. le Ministre – S’agissant de la numérisation et de la réallocation d’un certain nombre de fréquences, je salue le travail considérable qui a été effectué par le conseil supérieur de l’audiovisuel. Des fréquences supplémentaires ont été trouvées, ce qui renforce d’autant la diversité de l’offre radiophonique française.

La radio numérique est un enjeu important pour l’avenir du paysage audiovisuel français. La loi du 9 juillet 2004 a créé le cadre juridique. Une première consultation a eu lieu, et le 3 octobre, le CSA en a lancé une autre en vue d’un appel à candidatures. De mon côté, j’ai décidé, avec le ministre délégué à l’industrie, de recueillir l’avis des acteurs sur les normes techniques de diffusion.

Je suis d’accord, Monsieur Martin-Lalande, sur l’idée de rassembler les informations concernant l’audiovisuel extérieur dans un document cohérent, qui pourrait être une annexe annuelle.

Enfin, je n’ai pas d’objection au rapatriement, vers mon propre budget, des crédits du transport postal de la presse actuellement inscrits au budget de l’industrie. J’estime être un assez bon défenseur de mes propres crédits…

M. le Président de la commission – Personne ne le contestera.

M. le Ministre – J’aimerais d’ailleurs que mon budget soit proportionnel au nombre de sollicitations que je reçois de la part des députés, le mardi et le mercredi ! (Sourires)

M. le Président de la commission – D’où la nécessité de mieux délimiter les compétences des uns et des autres.

M. Didier Mathus – Il faut replacer l’examen de ce budget dans un contexte. Le paysage audiovisuel français est marqué, quoi qu’on puisse en dire, par le très faible pluralisme des moyens d’information. Ceux-ci sont détenus par un petit nombre de groupes très puissants – Lagardère, Dassault, Bouygues – qui ont tous des activités dans d’autres secteurs. Nous sommes sans doute le seul pays démocratique où le patron d’un magazine peut être limogé parce qu’une couverture a déplu au ministre de l’intérieur ! Cela crée un climat et un contexte bien particuliers, puisque ces groupes dominent à eux seuls 70 % de l’information. Une telle faiblesse du pluralisme devrait être un sujet de préoccupation pour l’État.

Un second changement profond a résulté de la révolution numérique avec la désagrégation des grands médias fédérateurs et la possibilité de tailler sur mesure des médias individuels – je pense notamment au développement d’Internet, des blogs et des wikis. Les défis qui attendent l’audiovisuel public sont donc colossaux ! Les ressources des groupes privés augmentent régulièrement, et de façon spectaculaire, alors que le service public doit faire face aux réductions budgétaires.

Je suis également frappé de l’incapacité récurrente de l’État à énoncer clairement ses attentes, faute d’une formation et d’un cadre administratif et financier adapté et en dépit des sommes mises sur la table.

Contrairement à ce que beaucoup croyaient il y a vingt ans, l’audiovisuel public est essentiel : peut-on faire confiance aux journaux de M. Lagardère pour nous informer sur Airbus et à ceux de M. Dassault sur Rafale ? Nous avons besoin de médias indiscutables et indépendants ! Sur des questions aussi essentielles que la santé et l’environnement nous pourrons faire confiance aux médias publics. Hélas, la crise d’identité actuelle n’est pas près de s’estomper. Par exemple, plus personne ne sait très bien à quoi sert France 2 !

J’ajoute que les ressources budgétaires croissent plus faiblement que les ressources propres, ce qui ne peut que conduire à faire la part belle aux recettes publicitaires et à l’audience, au détriment de l’indépendance de ces médias et de leur esprit public.

Ma question est donc la suivante : quel est votre point de vue sur la loi que nous avons adoptée il y a quelques années afin de définir les parts respectives des recettes publicitaires et des ressources publiques de France Télévisions. À quelle évolution devons-nous nous attendre selon vous ?

Il existe, en revanche, un domaine où vous avez parfaitement réussi : le verrouillage et le noyautage de l’audiovisuel public. Dans les couloirs on ne croise plus que des anciens membres de cabinets ministériels et des gens qui ont proclamé leur affinité avec l’UMP. Croyez-vous que ce soit bon au moment où nous avons, plus que jamais, besoin d’un audiovisuel public indépendant ?

Quel dommage, également, de laisser à l’abandon RFI dont le potentiel est pourtant extraordinaire. La radio est un média d’avenir, dont on connaît déjà la puissance en Afrique. Nous devons donc épauler RFI dans la période difficile qu’elle traverse.

S’agissant de la crise de la presse écrite, personne n’ignore les difficultés qui affectent Libération, mais nous devons aussi nous soucier de L’Humanité et de France Soir – c’est tout un modèle traditionnel de la presse écrite qui est aujourd’hui remis en cause. Notre démocratie a besoin d’une information diversifiée, pluraliste et vivante. À cause du développement des participations croisées, le nombre des acteurs de la presse écrite a diminué. Face aux défis technologiques de l’ère numérique c’est un véritable plan Marshall en faveur de la presse écrite qu’il faudrait lancer. Faute de quoi, nous ne communiquerons bientôt plus que par textos. Quelles sont, Monsieur le ministre, vos intentions en la matière.

M. Patrick Braouezec – Je partage l’inquiétude de mon collègue sur l’indépendance et la déontologie des médias. Je pense notamment à la médiatisation à outrance de certaines opérations policières sur les chaînes publiques, médiatisation qui a suscité de très vives réactions de la part du service international des journalistes. À deux reprises, des journalistes ont été presque convoqués pour assister à un déploiement des forces de l’ordre digne d’une fiction télévisée. Comme l’ont souligné certains policiers, cette médiatisation peut être contre-productive et la campagne de 2002 a démontré tous les dangers d’une telle politique spectacle. Pouvez-vous nous indiquer votre position à ce sujet, Monsieur le ministre ?

J’en viens aux inquiétudes du syndicat national des journalistes de Radio France face aux nouvelles coupes budgétaires qui ont été décidées. Pour la première fois, les journalistes de France Bleu, qui sont également les correspondants de France Inter et de France Info, devront réduire le volume des informations ! Les reportages des radios locales représentent pourtant la moitié du temps d’antenne pour l’information. Quelle catastrophe pour une radio de service public pendant une année électorale ! Je précise que cette situation a entraîné, le 26 septembre dernier, une grève sans précédent.

J’en viens à la TNT : un des articles du projet de loi que vous nous présenterez bientôt prévoit l’attribution d’un bonus aux chaînes historiques, M6, TF1 et Canal +, en échange d’un abandon rapide de la fréquence analogique. Un tel bonus n’est pas du goût des nouveaux entrants, AB Groupe, BFM TV, Bolloré et NRJ Group qui s’insurgent contre les risques de déstabilisation et de confiscation de la TNT. Les « indépendants » ont d’ailleurs adressé un courrier au Premier ministre, par lequel ils dénoncent vivement le renforcement de la « position dominante des trois groupes historiques ».

En quoi une telle compensation pourrait-elle se justifier, Monsieur le ministre, puisque les extinctions de l’analogique ne seront validées que dans l’hypothèse où « l’équipement des foyers aura atteint une proportion telle que ces éditeurs ne pâtiront pas d’un passage au tout numérique », et puisqu’un canal « bonus » a déjà été attribué aux trois chaînes historiques lors du lancement de la TNT ? Les inquiétudes sont grandes, Monsieur le ministre, notamment dans ma circonscription où de nombreux groupes sont implantés.

M. Gilles Artigues - Je m’inquiète, moi aussi, de la situation de la presse écrite. Nous souhaiterions la tenue rapide d’états généraux qui devraient également concerner la presse régionale, où certains regroupements n’ont pas tenu bon. Dans ma ville de Saint-Étienne, l’imprimerie du groupe Le Progrès est appelée à se fondre dans un ensemble plus vaste, sans doute au détriment de sa réactivité et du service fourni aux lecteurs. J’ajoute que ce secteur est menacé par l’arrivée sur le marché de quotidiens gratuits, d’abord à Paris et maintenant en province. Qu’en pensez-vous Monsieur le ministre ?

J’en viens à la création de la CII : pourquoi n’avez-vous pas saisi cette occasion pour rationaliser notre paysage audiovisuel extérieur, qu’il s’agisse de TV 5 Monde, de Canal France international ou de la radio en langue arabe de RMC, filiale de RFI ? Pourquoi ne pas avoir mutualisé les moyens actuellement disponibles ?

Il existe hélas bien d’autres interrogations, notamment sur les zones non couvertes par la TNT ou par Radio bleu – je pense par exemple à ma circonscription. Quelles mesures envisagez-vous, Monsieur le ministre, pour développer ces réseaux ? Sur quels critères vous appuierez-vous ?

Autre sujet d’inquiétude : les centres de formation des apprentis, qui ne figurent pas dans ce projet de loi au motif qu’ils sont gérés par les chambres consulaires. Le groupe UDF a déposé un amendement d’un montant modique et compatible avec votre volonté de ne pas modifier l’assiette de la redevance.

Je souhaiterais enfin évoquer l’avenir des chaînes indépendantes sur le câble et le satellite qui ont été omises dans le projet de loi qui va venir en discussion devant le Sénat. Vous avez prévu des avantages pour les opérateurs analogiques, oubliant que les chaînes indépendantes placent elles aussi de grands espoirs dans les nouveaux modes de diffusion numérique. Elles n’ont pas été autorisées à exploiter la TNT nationale et leurs chances d’accéder à la TNT locale sont minces. Il y va pourtant du maintien du pluralisme.

M. Jacques Myard - Le français est un vecteur stratégique de notre influence, il est donc normal que nous nous appuyions sur lui ! Que pensez-vous donc de la diffusion par certains quotidiens nationaux de suppléments en langue étrangère ? Je pense notamment à un grand quotidien national… En avez-vous tenu compte dans l’attribution des aides à la presse ? Je vois mal pourquoi les pouvoirs publics se feraient le relais d’une influence étrangère.

M. Henri Nayrou - S’agissant des radios associatives le ministre a fait état d’une augmentation de 1,45 % du fonds de soutien à l’expression radiophonique mais est-il exact que le montant de la taxe sur laquelle le fonds est assis a crû de 8 % par an ? Où est passée la différence ? La Cour des comptes n’a pas manqué de pointer cette anomalie !

Est-il également exact que cette taxe ait rapporté 25,1 millions d’euros en 2005 alors que la commission chargée d’attribuer le fonds ne s’est prononcée que sur 24,75 millions d’euros et que le budget 2006 faisait état de 23,75 millions d’euros ? Une fois encore, pourquoi une telle erreur ? Jugez-vous également normal que les professionnels demandent de leur côté une enveloppe globale de 28 millions ?

S’agissant de l’AFP quel est votre avis sur ses missions, ses moyens et son avenir ? Quel bilan dressez-vous du contrat d’objectifs et moyens signé en novembre 2003 ?

Comme nos collègues l’ont déjà souligné, la situation de la presse écrite est dramatique – le rapport Le Ridant de 2004 l’a bien montré ! Les ventes des quotidiens ont chuté de 2,1 % en 2005, et celles de magazines de 2,8 %. En 2006, la situation ne fait hélas que se dégrader encore : selon le Financial Times, Internet est déjà devenu le principal fournisseur d’informations pour les lecteurs européens.

En réponse, vous n’avez énoncé que quelques mesures de prévention, et vous vous êtes bornés à énoncer des chiffres. Votre budget ne s’élève qu’à 164,58 millions d’euros contre 172,33 l’an dernier, soit une baisse de 4,5 %. Vos mesures ne sont que des cautères sur une jambe de bois !

Répondons en effet aux quatre questions des journalistes de base : où, quand, comment, pourquoi ? Pourquoi ? Tout le monde le sait ! Et je n’y reviendrai pas. Comment ? Malgré le sabotage actuel de ce levier de la démocratie citoyenne, vous versez des aides à des entreprises privées qui ne font pas du pluralisme et de la liberté éditoriale l’une de leurs priorités. De même, où est l’équilibre entre l’interventionnisme de l’État, ce tonneau des Danaïdes, et le libéralisme qui incite à la concentration et aux arrangements entre actionnaires aux dépens de l’intérêt des lecteurs ? Où se trouvent les effets de levier ? Des aides ciblées ne seraient-elles pas plus efficaces qu’une aide générique à la modernisation, véritable supercherie budgétaire ? Quant aux contrats d’objectifs et de moyens, personne ne sait de quoi demain sera fait !

M. le Ministre – L’action que nous menons en faveur de la presse, Monsieur Mathus, mérite mieux qu’une caricature sommaire. Notre objectif, c’est le pluralisme. D’une semaine sur l’autre, selon les circonstances, la concentration est crainte ou souhaitée. Je crois comprendre que vous la souhaitez…

Le pluralisme sous-tend toutes les mesures d’aide publique. Ainsi, la multiplication des chaînes d’information avec la TNT est le fruit des décisions prises par ce gouvernement.

M. Didier Mathus - Vous n’y êtes pas pour grand-chose !

M. le Ministre – Si ! À l’époque, personne ne croyait que nous en serions capables, mais, à la lumière des expériences effectuées à l’étranger, nous avons permis le triplement du nombre de chaînes gratuites.

M. Didier Mathus – C’est la loi de 2000 qui l’a permis !

M. le Ministre – Aujourd’hui, les chaînes d’information sont en pleine effervescence. Nous devons en anticiper les évolutions, notamment numériques : c’est pourquoi j’ai demandé à M. Tessier d’évaluer et, au besoin, de critiquer les modes d’aide actuels. Loin de toute incantation, nous agissons ! Le projet de loi porte précisément sur les ressources et les investissements nécessaires, notamment dans la presse écrite.

À l’ère des nouvelles technologies, rien ne remplacera jamais la signature du journaliste : c’est lui qui, en respectant la déontologie, est le premier responsable de l’indépendance d’une publication et de la liberté d’expression.

M. le Rapporteur spécial – Très bien.

M. le Ministre - Je suis choqué que l’on puisse, en matière d’information, opposer l’audiovisuel public et privé. Chaque rédaction a son propre mode de fonctionnement ! Cela étant, l’audiovisuel public a certaines missions spécifiques. Vous nous reprochez d’être incapables d’en définir la stratégie. Au contraire : nous en accompagnons l’évolution et lui donnons les moyens d’accomplir sa mission. Quant à l’affectation des uns ou des autres à tel ou tel poste, la vie est faite de mouvement : en politique comme dans les médias, les gens changent de fonction au fil de leur carrière. L’essentiel, c’est le respect de l’indépendance de chacun.

Vous parlez de plan Marshall : nous avons en effet considérablement augmenté certaines aides. Dès que M. Tessier m’aura remis les conclusions de sa mission, j’ouvrirai une discussion avec l’ensemble de la presse, et le Parlement y sera associé.

Mon collègue de Bercy ira dans les jours prochains à Bruxelles défendre la baisse de la taxation des services d’information en ligne. C’est une mesure essentielle qui doit permettre à chaque rédaction d’adapter sa diffusion et sa rémunération à la révolution numérique.

M. Braouezec évoque le traitement de la violence dans les médias. Chaque journaliste en est individuellement responsable. Il y a le besoin légitime d’information, mais force est de reconnaître que l’image déclenche aussi parfois l’événement. C’est à chaque rédaction de respecter les principes élémentaires de la déontologie que je n’ai pas à rappeler : je ne suis pas un ministre de l’information !

M. Patrick Braouezec - Je faisais référence aux deux interventions policières qui ont eu lieu au petit matin aux Tarterêts et aux Mureaux en présence des caméras, alors que les maires n’étaient même pas avertis.

M. le Ministre – Chacun sait bien ici que la présence des caméras ne dépend pas de ceux qui sont filmés ! Les journalistes sont libres de traiter les sujets qu’ils veulent et de tendre leur micro en toute responsabilité.

En matière de TNT, c’est notre action qui a permis la multiplication des nouveaux entrants. Toutes les chaînes sont différentes et chacune a ses propres priorités budgétaires. Toutefois, des principes juridiques s’imposent. Ne dites donc pas n’importe quoi ! Si nous voulons être au rendez-vous du basculement numérique en 2011, certains ajustements sont nécessaires : c’est pourquoi le Conseil d’État exige que des contreparties soient données aux chaînes dont les durées d’autorisation sont réduites. Quant aux propositions des nouveaux entrants et des chaînes indépendantes, je les examinerai avec attention.

L’articulation de l’information nationale et locale est essentielle à l’attractivité des chaînes de Radio France, notamment France Bleue. M. Artigues évoque les états généraux ; je choisis l’action et l’anticipation. Pour aboutir à l’équilibre entre les chaînes locales et nationales, une négociation est en cours sur la modernisation sociale. Dans ce domaine complexe, c’est un préalable nécessaire à toute restructuration ou concours direct. Si nous sommes prêts à examiner toute proposition, nous veillons à agir. C’est pourquoi les crédits ont globalement augmenté. Les baisses de certaines lignes ne sont dues qu’à la non-consommation constatée au cours des années précédentes.

D’autre part nous anticipons l’évolution du comportement des consommateurs, en matière de journaux gratuits, par exemple, afin de savoir s’ils précèdent un achat ou s’ils s’y substituent. Je rends d’ailleurs hommage à toutes les rédactions, malgré les conflits qui peuvent exister entre les différents supports d’information.

Vous parlez de mutualisation ; j’ai employé le terme de synergie. Il est essentiel de créer des liens forts entre l’AFP, RFI et France 24. En outre, le rôle des chaînes indépendantes n’est pas à négliger – certaines d’entre elles seront d’ailleurs reçues au ministère.

Nous serons au rendez-vous de la haute définition : bien du retard a déjà été rattrapé. Comme pour le haut débit, notre structure administrative est ici un atout. Le Président de la République a tracé une feuille de route précise, et notre calendrier est semblable à celui de la Grande-Bretagne qui prépare son basculement pour 2012 : nous fixons cette échéance à novembre 2011. Le système est équivalent : un basculement région par région, en fonction des constatations locales, l’objectif étant qu’il n’y ait pas de fracture numérique.

J’étais il y a quelques jours en Corée, pays dont le système présente des similitudes avec le nôtre. En vue du basculement, la Corée a voté une loi pour interdire progressivement la fabrication de postes analogiques. Cela a beaucoup choqué les représentants de l’Ofcom, l’homologue britannique du CSA, avec qui j’ai eu l’occasion de m’en entretenir.

J’en viens à la question de Jacques Myard. Je n’ai pas à décider si un journal publie ou non un supplément…

M. Jacques Myard – Il en a le droit. Je m’interroge simplement sur le fait que nous, contribuables, aidions à la propagation d’une culture qui n’est pas la nôtre.

M. le Ministre – Il n’y a pas de raison de modifier le système des aides directes à la presse parce qu’un journal, en l’occurrence Le Monde, décide de publier en encart un extrait d’un journal étranger.

M. Jacques Myard – Bien sûr que si !

M. le Président de la commission – Tout le monde a bien compris la question de M. Myard, mais il n’est pas sûr qu’elle soit partagée.

M. Jacques Myard – On enfoncera le clou !

M. le Ministre – M. Nayrou a évoqué les radios associatives, auxquelles j’attache une grande importance. Le montant prévisionnel du produit de la taxe alimentant le FSER est fixé à 24,1 millions d’euros contre 23,75 millions en 2006. Il sera réparti entre près de 600 radios associatives qui remplissent une mission sociale de proximité et occupent une place particulière dans notre paysage radiophonique. J’ai assisté à leur congrès il y a quelques semaines en Charente. Le principe de leur indépendance et de l’automaticité des aides est important. Une réforme a été conduite pour améliorer leur fonctionnement et optimiser l’utilisation de leurs ressources, en préservant l’équilibre général du système. Un grand nombre de problèmes administratifs et financiers, comme les retards de versement, sont aujourd’hui réglés.

J’en viens à l’AFP. En dépit des défis et des difficultés, l’AFP est l’une des trois premières agences de presse mondiales. C’est un atout pour le rayonnement de la France et pour le pluralisme de l’information dans le monde. Allez donc au siège de l’AFP quand un événement international important se produit, et regardez le nombre de journaux qui reprennent ses informations : l’AFP est véritablement une entreprise mondiale. Nous nous sommes engagés sur l’évolution de nos abonnements jusqu’en 2007 dans le cadre d’un COM qui a été signé le 20 novembre 2003. Une nouvelle augmentation des abonnements de l’État à l’AFP est prévue en 2007 : ces derniers s’élèvent à plus de 109 millions d’euros, soit une hausse de 1,6 %.

L’AFP cherche à se positionner sur les marchés de la vidéo et du multimédia. Nous signerons donc un avenant. Cautère sur une jambe de bois, je vous laisse la responsabilité du propos. J’ai moi aussi la passion du pluralisme. Il y a des défis, il faut agir avec subtilité pour régler les problèmes. Je pense aux quotidiens à faibles ressources publicitaires, comme La Croix ou L’Humanité, pour laquelle des dispositions spécifiques ont été prises. Des discussions sont en cours sur l’avenir de Libération. C’est essentiel, car il s’agit du pluralisme de la presse. Si vous votez ce PLF, des mesures nouvelles pourront être consacrées à des financements supplémentaires pour Libération ou d’autres organes de presse. Sans interférer dans les négociations, je souhaite que l’avenir de ce quotidien soit assuré.

M. le Rapporteur pour avis - Depuis hier, la Roumanie, qui vient d’accueillir le sommet de la francophonie, ne reçoit plus TV5 monde. Il y a eu rupture de contrat avec le satellite Astra. Quel est votre sentiment là-dessus ?

M. le Ministre – Je vais voir comment y remédier. La diffusion extérieure s’opère par le câble et le satellite. Internet peut pallier des exclusions, mais ce n’est évidemment pas une réponse suffisante. Je vais regarder comment nous pouvons veiller à la diffusion par satellite.

M. le Président de la commission – Je remercie le ministre, et je salue l’effort personnel qui est le sien pour assurer les moyens du pluralisme.

Je fais mien le souhait de mes collègues de promouvoir les synergies, ainsi qu’une mutualisation des moyens et une simplification des structures partout où cela est possible. Je remercie la presse, les rapporteurs et les intervenants.

À l'issue de l'audition de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, la commission des affaires étrangères a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Rochebloine, les crédits de la mission « Médias » pour 2007.

Conformément aux conclusions du Rapporteur pour avis, la Commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2007 de la mission « Médias ».

© Assemblée nationale

1 () Le décret du 15 mai 2002 relatif aux attributions du ministère de la culture et de la communication précise en effet qu'il « participe à la définition et à la mise en œuvre de la politique du Gouvernement en matière d’action extérieure de la France ».

2 () Au sein de la Direction générale des relations culturelles scientifiques et techniques, la Direction de l’action audiovisuelle extérieure met en œuvre la politique de diffusion et de promotion des images et des programmes français à l’étranger. Son champ d’action couvre ainsi l’ensemble des programmes audiovisuels (information, fictions, documentaires et magazines, émissions pédagogiques et éducatives) et s’étend à l’ensemble des moyens de communication (radio, télévision, presse écrite, distribution en salles, festivals).

3 () Le CAEF a été créé à la suite du rapport de M. Alain Decaux (30 juin 1989), alors ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé de la francophonie, pour assurer la coordination de l'action audiovisuelle extérieure.

4 () Le cas de CFI est moins préoccupant dans la mesure où les économies réalisées sur cet opérateur ont été accompagnées d’un recentrage de ses missions vers la coopération au service des médias des pays du Sud.

5 () Il convient d’ajouter à ce montant environ 4 millions d’euros que France Télévisions reverse chaque année à TV5.

6 () Le montant des ressources publiques correspond à l’addition de la subvention versée par le ministère des Affaires étrangères et du montant versé par France 2 et France 3.

7 () Source : instituts audimétriques nationaux, janvier-juin 2006).

8 () Source : Oxford Research International, 2004-2005).

9 () Source : Stat-Ipsos, septembre-octobre 2005 – Base : 15 ans et +

10 () Sources : TNS Sofres, IMMAR, Delphes, ICT, 2005

11 () La CFII (Chaîne française d’information internationale) était l’appellation provisoire de France 24.

12 () En effet, l’avenant à la Convention de subvention signée entre l’Etat et la chaîne le 24 juillet 2006 a constaté que le budget de France 24 pour 2006 était de 47 millions d’euros au lieu des 65 millions d’euros ouverts en LFI 2006. Cet avenant prévoit que le surcoût lié à la mise en œuvre du projet éditorial de la chaîne peut être financé par les crédits ouverts en LFI 2006.