COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 7

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 17 juillet 2002
(Séance de 15 heures)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition, ouverte à la presse, de M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, de M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, et de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, et Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, a fait part de sa satisfaction de voir s'ouvrir une période de stabilité politique favorable à l'action. Avant de définir les chantiers à ouvrir, il a brossé un tableau de la situation actuelle.

L'école se trouve aujourd'hui à un tournant.

La principale cause de cet état de fait est que l'on se situe au terme d'une longue période de démocratisation du système scolaire. Les chiffres montrent que depuis dix ans, un pallier a été atteint comme le prouvent trois éléments caractéristiques.

- La démographie scolaire a cessé de progresser. En 1960, le nombre total d'élèves, enseignement supérieur compris, s'élevait à 10 millions ; en 1990, à 14,7 millions et en 2000 à 14,4 millions.

- Le taux de réussite scolaire plafonne. En 1995, 62 % des candidats étaient reçus au baccalauréat. Ce chiffre n'a pas bougé depuis, malgré les diverses tentatives engagées, et appelle un rééquilibrage des voies de formations.

- Depuis 1994, le nombre des élèves sortant du système scolaire sans qualification est stable : 150 000 à 160 000 chaque année. Parmi eux, 60 000 sortent sans aucun titre et environ 80 000 font l'objet de « sortie à niveau » (CAP par exemple).

Ces chiffres démontrent clairement un certain échec de notre système scolaire.

Le Gouvernement a choisi de s'orienter prioritairement vers la lutte contre la fracture scolaire.

Elle se déclinera en trois thèmes :

- La prévention de l'illettrisme dès le plus jeune âge. 80 % des enfants qui échouent à apprendre à lire au cours préparatoire ne rattrapent pas ce handicap par la suite. Ce premier échec scolaire est vécu très douloureusement par l'enfant. Si rien n'est fait, les élèves concernés se trouvent immanquablement en situation de rupture au collège.

- Une réflexion sur le niveau du collège qui passera par un renouveau des liens entre l'enseignement général et l'enseignement professionnel. La situation actuelle est héritée de deux réformes - la réforme Berthoin de 1959 qui a rendu la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans, la réforme Haby de 1975 qui a créé le collège unique -. Elles ont abouti à maintenir tous les élèves dans l'enseignement général jusque l'âge de seize ans sans possibilité d'une autre orientation. Il est nécessaire d'instaurer une diversification des parcours au collège en réfléchissant notamment à la création de classes en alternance. Il s'agirait par exemple de dispenser un enseignement général le matin et un enseignement à caractère professionnel de découverte des métiers, l'après-midi.

- L'amélioration de l'orientation dans le cycle universitaire. Aujourd'hui, seuls 45 % des étudiants obtiennent un DEUG en deux ans. Certes, le baccalauréat doit rester le ticket d'entrée dans l'enseignement supérieur mais trop d'élèves issus des baccalauréats professionnels s'égarent en faculté alors que de nombreuses places demeurent inoccupées dans l'enseignement technique supérieur. Il conviendrait donc d'orienter ces élèves vers des enseignements mieux adaptés.

La situation matérielle et morale des établissements scolaires est préoccupante. Les paradigmes éthiques ont toujours eu un lien avec la politique de l'éducation. Depuis la Révolution française, la morale républicaine allait de pair avec le système éducatif. Il s'agissait d'établir et de respecter des règles communes et d'amener chaque enfant à atteindre des normes supérieures à lui-même.

Depuis s'est développée une vision plus individualiste, dont la loi de 1989 est le symbole qui a voulu placer l'élève au centre du système. On cherche plus à épanouir la personnalité de chacun qu'à l'instruire. Ce souci est, certes, louable mais il n'en a pas moins pour effet pervers une déperdition certaine d'autorité.

L'ancien système républicain privilégiait l'effort, le devoir et le travail. Les instituteurs - hussards de la République - préféraient un élève de niveau moyen mais travailleur à un élève doué mais paresseux. Dans la conception contemporaine, chacun devient sa propre norme. Il convient de mettre au c_ur du système les rapports qui existent entre les élèves, les savoirs, et les enseignants.

Six chantiers seront engagés :

1° La prévention de l'illettrisme. Une enquête comparative basée sur 6 000 dictées datant de 1920 et des travaux actuels comparables montre une drastique baisse de niveau puisque, en 1920, cinq fautes étaient commises en moyenne pour 17 aujourd'hui. Ces 17 fautes révèlent non seulement un problème d'orthographe mais, bien plus, un problème d'incompréhension du texte même.

2° La revalorisation de l'enseignement professionnel par une meilleure articulation entre l'enseignement général et l'enseignement professionnel.

3° Le rétablissement de l'autorité dans et autour de l'école.

4° La fourniture aux élèves, dès la rentrée, d'un livret des engagements. Les jeunes ont exprimé leur désir de s'engager dans la cité, il est impérieux de répondre à cet élan. Aussi le livret indiquera des lieux d'engagements possibles dans les domaines tels l'action caritative (aide aux élèves de CP en difficulté par des étudiants) ; la créativité, les activités culturelles, et sportives ; l'action civique ; la création d'entreprises, à travers les défis jeunes notamment.

5° La réduction de la fracture scolaire. Dans les universités, un déficit est constaté dans le domaine de la culture générale alors qu'elle est largement dispensée dans les classes préparatoires. Cette différence de niveau pénalise les universitaires au moment des concours.

6° La restauration de la démographie enseignante dans le secteur de la recherche scientifique et technique. Depuis dix ans, une diminution importante des vocations scientifiques est constatée dans les premiers cycles. Ce phénomène, commun à l'ensemble des pays européens, se traduit en France par une baisse de 20 à 25 % des effectifs.

Le président Jean-Michel Dubernard a considéré qu'il fallait libérer l'imagination dans le système scolaire et universitaire, qui est trop encadrant et structuré, alors que l'imagination est partie intégrante de l'homme. L'imagination individuelle n'ayant aujourd'hui plus sa place dans la scolarité et la société, les jeunes gens ne se projettent plus en avant et perdent tout sens de l'innovation. C'est l'une des causes de la baisse des vocations scientifiques.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, a indiqué que le système scolaire pouvait être très imaginatif sur le terrain, comme le démontrent par exemple les classes-relais, ou les expériences de médiation. Il faut donc faire droit à ces initiatives trop souvent négligées au profit des « grandes idées » de tel ou tel ministre.

S'agissant plus particulièrement des vocations scientifiques, la part de rêve a pu s'exprimer dans la nomination de Mme Claudie Haigneré comme ministre déléguée. Il ne faut pas masquer cependant la nécessité de l'effort et du travail, particulièrement difficile, dans les disciplines scientifiques. Mais il est vrai que l'absence de possibilités d'expression de soi et d'épanouissement de la personnalité peut être déstabilisant pour les élèves, notamment en classe de seconde où l'enseignement des sciences physiques est particulièrement aride.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, a précisé que la crise des vocations était variable selon le secteur scientifique, mais qu'il importait en tout état de cause de redonner un désir de science, un appétit, un élan pour attirer les plus brillants éléments, français mais aussi étrangers.

Un nouveau visage plus positif de la science pourrait apparaître au travers d'un dialogue avec la société, en libérant l'imagination, les initiatives, la créativité et en soutenant les jeunes chercheurs dans leurs projets jusqu'au stade du développement industriel. Il s'agit de créer de meilleures conditions de travail pour les chercheurs, à l'exemple de ce qui existe aux Etats-Unis. Il faut notamment favoriser la mobilité des chercheurs et permettre la transmission de la culture scientifique et technique entre le public et le privé. En promouvant un impératif d'excellence, de prospection et d'anticipation, la recherche a des effets évidents sur la croissance.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, a rappelé qu'il y avait assez peu de place pour l'imagination dans l'enseignement scolaire car il s'agit avant tout de transmettre des connaissances. Mais il faut quand même encourager ceux qui inventent, s'intéresser aux laboratoires d'idées, aux lieux d'inventions méthodologiques qui existent sur le terrain afin de libérer les énergies dans un système éducatif lourd à manier qui étouffe facilement sous sa gestion complexe. Cela passe notamment par une mobilisation de l'encadrement, qui en raison de certains concours comme l'agrégation est trop peu formé à intégrer cette imagination.

M. Bernard Perrut a indiqué que l'école était une formidable machine à former et intégrer mais pouvait aussi exclure certains élèves. Il y a ainsi 38 000 jeunes enfants handicapés non scolarisés malgré certains dispositifs comme les classes d'intégration scolaire (CLIS) ou Handiscol. Il y a également 60 000 personnes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme et dont l'exclusion sociale résulte de l'exclusion des savoirs de base, notamment la maîtrise de la langue. Il faut donc se donner les moyens pour réduire la fracture scolaire qui passent notamment par la réhabilitation de l'enseignement professionnel.

M. Pierre-Christophe Baguet a souhaité connaître les mesures prises pour répondre à la grève administrative des directeurs d'école, particulièrement suivie dans le département des Hauts-de-Seine. On a ainsi pu constater l'annulation de réunions de conseils d'école et le report de l'élection de parents d'élèves. De fait, les directeurs passent plus de temps à remplir des formulaires qu'à animer l'équipe pédagogique et ne sont pas assez disponibles pour réellement impulser des initiatives. Serait-il possible, ainsi que l'avait annoncé M. Jack Lang devant la commission, de mettre à disposition des directeurs des secrétariats municipaux ?

M. Gaétan Gorce a posé les questions suivantes :

- comment concilier la mise en _uvre du plan pluriannuel de recrutement d'enseignants annoncé par le précédent gouvernement et l'objectif affiché par le nouveau gouvernement de ne pas remplacer tous les effectifs de fonctionnaires qui partent à la retraite ?

- quel sera l'avenir des aides éducateurs ?

- le projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise ne prévoyant pas de dispositif de formation pour le public concerné, comment sera garantie la qualification professionnelle de ces jeunes ?

Après avoir félicité le ministre pour sa volonté d'approcher les problèmes de son ministère avec philosophie et humilité, M. Edouard Landrain a posé une question sur les modalités de prise en charge administrative du secteur de la jeunesse, qui a été transféré du ministère des sports à celui de l'éducation nationale.

M. Georges Colombier a souhaité savoir si le ministre entendait faciliter l'ouverture de l'université au monde du travail et de l'entreprise.

En réponse aux intervenants, M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire a tout d'abord évoqué la grève administrative des directeurs d'école. Il y a là une situation qui ne peut pas durer, tout d'abord parce qu'il n'est pas acceptable que près de 4 000 postes de directeurs ne soient pas pris en charge mais également parce que les directeurs remplissent, en temps normal, un certains nombre de fiches démographiques qui sont utilisées par les rectorats pour préparer la rentrée scolaire. En l'absence de tels renseignements, la préparation de la rentrée 2002 est donc particulièrement compliquée et se fait partiellement à l'aveugle.

Cependant, si la grève pénalise le fonctionnement de l'enseignement primaire, elle n'est pas sans fondement. La fonction de directeur d'école n'existe pas sur le plan statutaire : elle est assurée par des enseignants qui assument de ce fait, pour bien peu de bénéfices, des tâches relativement lourdes en plus de leur enseignement. Le précédent ministre de l'éducation nationale avait entamé un échange avec les syndicats autour de trois propositions principales : le versement d'une indemnité spécifique, l'extension du dispositif de décharge et la création d'un statut du directeur d'école ; cet échange n'a pu aboutir.

Le nouveau gouvernement a souhaité immédiatement rouvrir ce dossier. Les crédits prévus au budget de l'éducation nationale pour le versement de l'indemnité de direction pourraient être utilisés pour faciliter la sortie de la grève. Quant au débat, si celui-ci doit bien évidemment porter sur le statut du directeur d'école, il doit, semble-t-il, aller plus loin et s'étendre à la définition même de l'école, qui recouvre aujourd'hui, de façon finalement assez floue, des réalités extrêmement différentes. L'association des maires de France sera associée à cette discussion afin de parvenir à élaborer, tous ensemble, un nouveau schéma relationnel et administratif entre les services du ministère, les établissements et les collectivités locales. L'objectif est de parvenir à un accord et à un texte de définition du statut de directeur d'école en janvier 2003.

Quant à la lutte contre la fracture scolaire, toute la politique éducative du nouveau gouvernement tend vers cet objectif. Les responsabilités envers les plus exclus, c'est-à-dire les illettrés et les handicapés, n'en sont que plus impérieuses. En ce qui concerne l'accueil des enfants handicapés dans le système scolaire, beaucoup de dispositifs existent déjà ainsi que de nombreux partenariats avec des associations. Mais il est vrai qu'il s'agit la plupart du temps de mécanismes fortement liés à des bonnes volontés de proximité ou à des initiatives bénévoles. Le ministère de l'éducation nationale manque d'une doctrine générale en la matière et doit donc sérieusement travailler sur ce point.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies a considéré qu'il fallait également éviter toute exclusion par rapport au progrès et donc mettre les nouvelles technologies de l'information et de la communication au service, non seulement de la société, mais également de l'éducation. Ces technologies constituent un excellent outil pour réduire la fracture du savoir.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, a ensuite donné les informations suivantes :

- L'accueil des enfants handicapés dans le système scolaire a été volontairement associé au programme de lutte contre l'illettrisme afin de bien marquer l'importance que lui donne le Gouvernement. L'effort devra être complété par une révision totale des modes d'accueil et d'orientation des familles d'enfants handicapés, qui ne sont absolument pas satisfaisants. Chacun a certainement à l'esprit des exemples flagrants de l'insuffisance de l'éducation nationale dans ce domaine. Une journée de réflexion réunira chaque mois les ministres et les différents cabinets concernés pour dégager des axes d'actions et avancer des propositions en la matière.

- Les deux premières sources d'exclusion scolaire sont, d'une part l'illettrisme, qui commande de façon globale l'échec scolaire et d'autre part, le mauvais sort fait à l'enseignement professionnel, qui n'est jamais aujourd'hui qu'une orientation par défaut.

La lutte contre l'illettrisme a déjà été évoquée : l'installation psychologique dans l'échec scolaire étant relativement précoce, il convient d'agir dès le cours préparatoire.

Quant à l'enseignement professionnel, celui-ci doit être revalorisé sans pour autant condamner le collège unique, comme cela a été fait par le passé. Il s'agit avant tout de sortir d'un cursus rigide et stéréotypé pour reconnaître tous les talents et leur offrir des voies d'expression d'adaptées. Il est donc envisagé d'introduire au collège une diversification des parcours grâce à des classes en alternance qui réuniraient enseignement général et apprentissage en entreprise. Par ailleurs, un groupe de travail sur les programmes va être constitué pour réfléchir d'une part aux enseignements technologiques en collège, qui sont aujourd'hui abstraits et ennuyeux et d'autre part aux enseignements généraux dans les filières professionnelles, qui doivent être revalorisés.

- Le maintien des plans pluriannuels de recrutement est bien évidemment souhaitable, mais dépend des arbitrages budgétaires qui seront rendus au cours du mois d'août.

- Le changement de majorité ne doit pas conduire à critiquer systématiquement tout ce qui a été fait par le passé. Lorsque des actions positives ont été engagées, comme par exemple les travaux personnels encadrés ou encore les itinéraires de découverte, elles doivent être reconnues comme telles et poursuivies. Par contre, il semble légitime de dénoncer les insuffisances et les lacunes. C'est le cas de la lutte contre l'illettrisme, pour laquelle rien n'a été fait depuis 1994, à l'exception de la révision des programmes du primaire sous le ministère de M. Jack Lang, qui a introduit un enseignement de littérature dès le cours préparatoire et rendu obligatoires deux heures et demies quotidiennes de lecture et d'écriture.

- S'agissant des liens entre l'éducation nationale et la direction de la jeunesse, il n'est aucunement question d'opérer une fusion entre les structures concernées. Ainsi doivent coexister de manière pleine et entière le projet éducatif porté par l'éducation nationale et celui animé par les centres de loisirs et de vacances. La culture propre de ces associations doit être respectée et il n'est pas envisageable de transformer à terme la direction de la jeunesse en direction du ministère de l'éducation nationale.

Il ne serait pas davantage opportun de séparer brutalement les aspects relevant du sport de ceux relevant de la jeunesse, comme certains ont pu le craindre. En revanche, il faut réfléchir à la nécessité de rationaliser les différents dispositifs relevant de l'un ou de l'autre car l'accumulation de structures faisant doublons est devenue préjudiciable à la lisibilité de l'ensemble.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, a apporté des éléments de réponse s'agissant de la nécessaire ouverture de l'université au monde économique et du travail :

- Il existe dans les universités françaises un potentiel de ressources humaines important susceptible de favoriser la diffusion des savoirs et le développement de la recherche dans toutes ses formes. Mais une des failles du système actuel est le manque de mobilité des chercheurs même si certains jeunes doctorants se dirigent aujourd'hui vers la recherche privée. A titre d'exemple, il serait utile de développer tous les moyens permettant à ces derniers de mener davantage d'activités de monitorat d'entreprise. D'une manière générale, la culture d'entreprise reste assez étrangère à celle de la recherche universitaire.

- L'objectif que les Etats membres de l'Union européenne se sont fixé consiste à atteindre à l'horizon 2010 un pourcentage de 3 % des dépenses de recherche et de développement par rapport au produit intérieur brut. Cette ambition ne pourra être réalisée qu'en encourageant à la fois la recherche publique et les partenariats avec la recherche privée. A terme, ces efforts conjoints ont vocation à créer une véritable Europe de la connaissance.

- Les liens interactifs entre l'université et la société doivent s'intensifier, ce qui constituera pour les citoyens un excellent moyen de s'approprier de multiples connaissances indispensables à la compréhension du monde moderne.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, a apporté les éléments de réponse suivants :

- Il est certain qu'il faudra dans quelques années procéder à des recrutements massifs de personnels enseignants - 40 % d'entre eux vont partir à la retraite - et ce, même si parallèlement, le nombre d'élèves a tendance à décroître. Il serait absurde en effet d'arguer du fait que les classes seront en moyenne moins remplies pour ne pas remplacer ces départs à la retraite. La volonté d'aller vers une fonction publique efficace et rationalisée ne saurait plaider en l'occurrence en faveur d'une baisse trop importante des effectifs de professeurs.

- Davantage qu'un problème de quantité des personnels enseignants, c'est celui de la qualité des personnes recrutées qui risque de se poser. En effet, d'après les projections relatives aux concours des prochaines années, le nombre de places ouvertes devrait excéder celui des candidats dans certaines disciplines comme les mathématiques ou l'anglais par exemple.

Mme Catherine Génisson a posé les questions suivantes :

- Quel bilan peut-on faire de la transformation des écoles normales en IUFM ? Quelles ont été les répercussions de cette réforme en termes de fonctionnement interne ?

- Une des causes de l'illettrisme chez les enfants ne réside-t-elle pas dans la valorisation parfois excessive de l'utilisation de l'outil informatique au détriment de l'apprentissage plus traditionnel de la langue écrite ?

- Comment pourrait-on améliorer le contenu en culture générale de l'enseignement dispensé dans les sections scientifiques ? Ne devrait-on pas plaider pour que ces sections renouent, comme par le passé, avec une vocation plus généraliste afin d'offrir aux élèves un bagage intellectuel plus complet et diversifié ?

- En matière d'égalité des chances, quelles sont les actions que le ministre compte mener pour combattre les disparités persistantes entre les parcours des filles et celui des garçons, ce qui, dans bien des cas, se trouve à l'origine de discriminations futures importantes dans l'orientation professionnelle et in fine dans le monde du travail ?

M. Céleste Lett, après avoir rappelé qu'il est élu de Moselle, s'est dit très favorable au développement du bilinguisme français-allemand dans sa région en plaidant pour un enseignement dès la maternelle dans chacune des langues. Ce souhait réunit de très nombreux parents et devrait être mieux pris en compte par l'éducation nationale qui s'est jusqu'à présent montrée particulièrement réticente. Peut-on espérer de la part du nouveau ministre un meilleur accueil de ces projets ?

M. Yvan Lachaud a soulevé trois points :

- Il conviendrait d'obliger les établissements scolaires à accueillir plus largement des enfants handicapés.

- La diversification des enseignements au collège est une bonne chose mais les « itinéraires de découvertes » apparaissent trop complexes. L'orientation des élèves vers des 4e et 3e technologiques a convenu à bien des élèves.

- Il apparaîtrait utile d'offrir la possibilité aux élèves qui le souhaitent de s'initier à deux langues étrangères dès la classe de sixième, ce qui permettrait de combler partiellement le retard pris par le système scolaire français en la matière.

M. Jacques Domergue a posé deux questions :

- Le système éducatif français n'est-il pas devenu trop ambitieux au fil des années ? Ne devrait-on pas mettre davantage l'accent sur la prévention de l'illettrisme et la revalorisation des filières techniques ?

- Ne faudrait-il pas contraindre les élèves arrivés en classe en sixième sans savoir ni lire ni écrire à rester dans ce niveau tant que ces fondements n'ont pas été acquis ? Comment peut-on éviter qu'un nombre toujours trop important de jeunes sortent du cursus scolaire sans posséder les bases indispensables à leur insertion dans la vie sociale et professionnelle ?

M. Dominique Dord, après avoir approuvé le constat dressé par le ministre selon lequel de nombreuses innovations sont à mettre au crédit des établissements scolaires qui en sont en réalité les premiers promoteurs, s'est interrogé sur le rôle que les collectivités locales seront amenées à jouer dans le système éducatif.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, en réponse, a apporté les précisions suivantes :

- Toutes les études sur le bilinguisme montrent que l'apprentissage d'une deuxième langue, notamment par immersion, permet à l'enfant de mieux maîtriser sa langue maternelle et les écoles bilingues donnent d'excellents résultats. La poursuite du processus d'initiation à une langue étrangère à l'école primaire devra toutefois être ralentie en raison du manque d'enseignants suffisamment formés. Un enseignant mal formé risque en effet de faire perdre tous les bénéfices d'un apprentissage précoce.

- Les IUFM n'ont malheureusement pas réussi à assurer une qualité de formation des enseignants d'un niveau équivalent à celles qui étaient délivrées par les écoles normales.

- Il faut se méfier des idées reçues en matière d'informatique et d'illettrisme. Les logiciels d'apprentissage de la lecture, par lesquels, au travers du jeu, les enfants effectuent en réalité un véritable travail, peuvent être un moyen de les ramener vers la lecture. Il ne faut donc pas, par principe, se priver de cet outil.

- Intelligence pratique et intelligence spéculative sont de même nature et la pratique d'un travail manuel - ne serait-ce que la réparation régulière d'un Solex - a nécessairement une dimension intellectuelle puisqu'il nécessite au minimum la compréhension des causes et des effets. Les filières techniques et professionnelles ont donc toute leur valeur. Il ne faut pas pour autant faire l'erreur de négliger les enseignements généraux dans ces filières. C'est bien la finalité des classes en alternance qui permettent le rattrapage de certains enfants par un enseignement adapté. Un bon niveau d'enseignement général doit toujours être garanti pour ne pas fermer la voie d'une évolution future.

- Les aides éducateurs ont trouvé leur place au sein du système éducatif. Ils y remplissent des missions qui sont, compte tenu de l'évolution de l'école et de la société, devenues indispensables comme par exemple l'apprentissage de l'informatique ou la médiation avec les familles. Cette expérience a eu aussi des effets positifs pour les intéressés : sur les 40 000 jeunes qui ont quitté leur emploi-jeune avant le terme des cinq ans, un tiers a trouvé un emploi dans le secteur privé, un tiers dans le secteur public et un tiers a repris ses études. Mais 25 000 contrats vont venir à expiration en 2003 et 27 000 en 2004 sans qu'il ait été prévu que leurs bénéficiaires puissent avoir droit à un chômage indemnisé par l'UNEDIC. Il faudra bien trouver une solution au-delà des opportunités créées par le projet de loi sur le soutien à l'emploi des jeunes en entreprise qui est déjà une excellente initiative.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, a observé que les actions menées par les collectivités locales autour de l'école étaient aussi nombreuses que parfois confuses. En outre, une bonne corrélation n'est pas toujours assurée entre les objectifs de l'éducation nationale et ceux poursuivis par les mairies. Certains dispositifs devront donc être revus et une meilleure coordination mise en place.

Observant que de nombreux transferts de compétence avaient déjà été effectués - et avec profit - aux collectivités locales, il s'est ensuite interrogé sur la nécessité d'aller plus loin en matière de décentralisation. Certes, les actions éducatives débouchant sur un métier se développent mieux dans le cadre d'une action de proximité. De même peut-on se demander à qui doit revenir la gestion et la maintenance des établissements scolaires dès lors que les collectivités locales ont en charge leur financement. Enfin, il est regrettable que les collectivités locales ne participent pas assez à la définition des grandes orientations de l'école, débat qui se déroule trop souvent entre les seuls parents, enseignants, syndicats et représentants de l'éducation nationale.

M. René Couanau a indiqué que le diagnostic comme les objectifs lui paraissaient bien posés, et que devait maintenant jouer « la mécanique » de l'éducation nationale. Cette mécanique devrait s'organiser autour de trois points :

- D'abord une méthode qui permettra, grâce à une véritable décentralisation, une libération des énergies que ne facilite pas le contexte administratif et pédagogique actuel.

- Ensuite, une organisation efficace. La grève administrative des directeurs d'écoles est, à cet égard, un symptôme inquiétant et révélateur de la répartition difficile des fonctions administrative et pédagogique.

- Enfin, des moyens supplémentaires pour « huiler » la réforme. Il faut écarter une vision « optique » qui voudrait faire correspondre à une réduction du nombre d'élèves une réduction des moyens. En effet, une réforme qualitative exige des moyens supplémentaires notamment pour lutter contre l'échec scolaire en cours préparatoire.

M. René Couanau a également voulu savoir si le concept jusque là en vigueur d'un enseignant par classe serait un jour remis en question, et s'il ne fallait pas raisonner en termes d'équipe éducative.

M. Lionnel Luca a posé trois questions :

- Est-ce que la violence à l'école ne pourrait pas être efficacement combattue par des programmes « d'éducation du citoyen » ? En la matière, il faut espérer que le nouveau ministre mettra fin au camouflage statistique, véritable alibi du bourreau, qui est indécent. Ces programmes pourraient comprendre un volet sur la sécurité routière, qui pourrait aboutir à faire changer les comportements.

- Il faut remarquer que le temps scolaire est alourdi alors même que le temps de travail des adultes est réduit. Des durées de travail de neuf heures à dix heures par jour sont fréquentes, avec la bénédiction du proviseur, qui voit souvent là un moyen de cacher un manque de surveillants.

- En maternelle qui est de plus en plus conçue comme une sorte de « pré-primaire », ne conviendrait-il pas de se rapprocher des pédiatres afin de mieux respecter l'affectif des enfants ?

M. Pierre-André Périssol s'est déclaré en phase avec les priorités affichées par le ministre, notamment en matière de lutte contre l'illettrisme. Néanmoins, une question de nature véritablement politique doit être posée : la politique éducative n'a jusqu'à présent fait l'objet d'aucun débat dans le pays ou au Parlement alors que la mission de l'école intéresse la Nation toute entière. Le Président de la République s'est engagé à ce que soit organisé un débat parlementaire sur ce sujet. Quels pourraient être les modalités et le calendrier de ce débat ?

Le président Jean-Michel Dubernard a précisé que de nombreux membres de la commission avaient souhaité l'organisation d'un référendum sur la question éducative. En ce qui concerne le contrôle parlementaire, il faut rappeler qu'il existait à la fin du XIXème siècle une commission des affaires scolaires présidée par Paul Bert.

M. Jean-Pierre Door a indiqué que l'absence d'établissements d'enseignement supérieur dans son bassin d'emplois conduisait les jeunes à migrer, alors même que les entreprises du même bassin sont à la recherche de salariés qualifiés dans le domaine de la chimie notamment. Pour résoudre ce problème, une licence professionnelle, qui manifeste la coopération entre les entreprises et les universités, vient d'être mise en place. Quel est l'avis du ministre sur ces licences professionnelles ?

M. Jean-Marie Rolland a demandé le sentiment du ministre sur les fermetures d'écoles en milieu rural et les moyens d'y remédier, notamment dans le cadre de l'intercommunalité.

M. Jean-Paul Anciaux, après avoir souligné la concurrence entre les lycées et les centres de formation des apprentis (CFA) en matière d'ouverture de sections, a demandé si le ministre approuvait l'ouverture de sections professionnelles dans les lycées. S'agissant de la sortie du système scolaire des jeunes en difficulté, quel est l'avis du ministre en ce qui concerne l'année de carence ?

En réponse aux intervenants, M. Xavier Darcos a précisé les points suivants :

- En septembre sera présenté un plan complet visant à lutter contre la violence en milieu scolaire.

- La question des classes uniques en milieu rural est un problème insoluble auquel le moratoire n'apporte pas de réelle solution. Il faut plutôt envisager un réseau d'écoles.

M. Luc Ferry a apporté les réponses suivantes :

- Concernant la décentralisation, les conditions de remise de diplômes et de recrutement des enseignants resteront toujours dans le cadre d'un service public national. Il faut noter que les rectorats sont déjà très autonomes, par exemple en ce qui concerne la carte scolaire. Certaines structures doivent être améliorées : ainsi il semble que les conseils académiques actuels ne soient pas d'une grande utilité. Quant aux universités, la décentralisation n'est autre que le respect de leur autonomie. A cet égard, il faut continuer la politique engagée par M. Claude Allègre et poursuivie par M. Jack Lang, en particulier ce qu'on appelle le « 3-5-8 », même si cette harmonisation des diplômes pose actuellement un problème pour les grandes écoles.

- L'idée d'un grand débat sur l'éducation au Parlement, indépendamment de celui qui aura lieu lors de l'examen du projet de loi de finances, est excellent. Il s'agit là du bon niveau de réflexion ; il est plus adapté que celui du référendum qui bute sur la question à poser et sur la signification à donner à une réponse exprimée sous forme de pourcentages.

- La formule utilisée antérieurement, selon laquelle il conviendrait de « placer l'élève au centre du système », n'est pas pertinente. Une grande loi d'orientation serait la bienvenue même s'il convient de ne pas précipiter le calendrier. Il semble opportun de prévoir un délai raisonnable, que l'on peut estimer à un an et demi, qui permettra de mettre en _uvre les mesures contre l'illettrisme et celles concernant les classes en double alternance, avant de discuter des grandes orientations futures de l'éducation nationale. Un tel débat a en effet toujours tendance à cristalliser les conflits.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, a exprimé l'espoir que chacun s'implique dans des domaines essentiels à la construction de notre avenir que sont la recherche et la science. La ministre a souligné que la mission qui lui a été confiée à la tête de ce ministère lui permet de prolonger ce qui l'a motivé dans sa carrière antérieure : l'envie d'aventure, la volonté de construire des projets, celle de prendre des risques et enfin la capacité à exercer plusieurs métiers. Enfin, elle a tenu à souligner le caractère fondamental de la dimension européenne, peu abordé aujourd'hui, dans la politique de la recherche.


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