COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 12

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 18 septembre 2002
(Séance de 9 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

pages

- Audition, en présence de la presse, du Premier président de la Cour des comptes sur le rapport annuel de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale

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- Information relative à la commission

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La commission affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre et M. Denis Morin, rapporteur général, sur le rapport annuel de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes sur la sécurité sociale à la commission est devenue un exercice traditionnel depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale en 1997. Pour autant, cet exercice n'a rien perdu de son intérêt, compte tenu de la richesse habituelle du document remis au Parlement. L'expertise de la Cour est particulièrement utile aux parlementaires, en raison de l'ampleur et de la complexité des sujets traités dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

La collaboration déjà instaurée entre la commission et la Cour doit se poursuivre activement. Dans ce cadre, la commission fera part à la Cour de ses centres d'intérêt prochainement pour qu'elle puisse, dans la mesure du possible, les intégrer dans ses travaux. Par ailleurs, les rapporteurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale vont rencontrer les magistrats de la sixième chambre pour étudier dans le détail le volumineux rapport de la Cour.

M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, a présenté le rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

La première partie du rapport est consacrée à la situation des comptes sociaux pour l'exercice écoulé et analyse la façon dont les principales dispositions financières de la loi de financement de la sécurité sociale, qu'elles portent sur les recettes ou les dépenses, ont été mises en _uvre. A cet égard, la Cour a formulé deux observations :

- L'insuffisance des progrès réalisés en matière de délai de production des comptes et de normalisation comptable est un constat hélas traditionnel, et la Cour souhaite que les membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales usent de toute leur influence auprès des ministres compétents pour faire en sorte que les comptes qui leur sont présentés, et à travers eux, à l'opinion publique, répondent aux critères de transparence et de sincérité sans lesquels le contrôle parlementaire est sans effectivité. Il est hautement souhaitable que l'esprit qui a animé les travaux parlementaires et s'est traduit dans les dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, en particulier celles relatives à la mesure de la performance, trouve aussi à s'appliquer aux lois de financement de la sécurité sociale et aux comptes sociaux. Le degré d'exigence ne saurait être différent selon qu'il s'agit des comptes de l'Etat ou des comptes de la sécurité sociale. Si la demande lui en est faite, la Cour des comptes est prête à apporter son concours dans ce domaine. Pour l'heure, elle a procédé, en collaboration étroite avec la direction de la sécurité sociale et la commission des comptes de la sécurité sociale, à la correction de certaines écritures comptables pour tenter de donner une image plus fidèle des comptes.

- Sur le fond, la principale caractéristique de l'année 2001 est l'accélération des dépenses, particulièrement celles de l'assurance maladie qui ont atteint 108,7 milliards d'euros, dépassant ainsi de plus de 2,8 milliards d'euros le montant voté par le Parlement. Il y a là une remise en cause des mécanismes de régulation des dépenses puisque toutes les enveloppes de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ont connu, en 2001, un dépassement important par rapport aux objectifs fixés. Il paraît donc indispensable de rénover profondément ces mécanismes.

La majeure partie du rapport est consacrée à la dépense hospitalière. Il ne peut être question d'aborder dans ce rapport l'ensemble des sujets touchant à la politique hospitalière. Ainsi la Cour travaille avec les chambres régionales des comptes sur la gestion de la fonction publique hospitalière, mais de nombreux mois seront encore nécessaires pour mener à terme ce travail. Le présent rapport est principalement consacré à l'étude des instruments et procédures de pilotage du système hospitalier. Il fait également le point sur des sujets importants tels que l'accréditation, l'hospitalisation à domicile, les urgences ou les dépenses de médicaments à l'hôpital.

Le constat fait par la Cour sur ces sujets n'est guère optimiste. La mise en place en 1997 des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) a permis de supprimer les cloisonnements anciens, entre l'Etat et l'assurance maladie principalement, et de ce fait d'améliorer le pilotage du secteur. Mais l'action des ARH se heurte aujourd'hui à certaines limites : comme bien d'autres pans de l'action publique en France, le secteur hospitalier souffre d'un défaut d'évaluation. En l'état actuel des choses, on ne peut mesurer effectivement ni les performances, ni les coûts du service public hospitalier. Cette situation constitue un frein puissant à toute réforme en profondeur du système. Si certains progrès ont été faits, notamment dans la mise en place et l'utilisation effective du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), ils restent très lents et, selon la Cour et les divers interlocuteurs interrogés par elle, globalement insuffisants. Or, il faut arriver à réconcilier des données en apparence contradictoires. Comment expliquer d'une part ce que les médias perçoivent comme une insuffisance de moyens, une prise en charge du malade de qualité moyenne, des lits en nombre trop limité et, d'autre part, des données objectives telles qu'un excédent global persistant de 30 000 lits, un taux moyen d'occupation compris entre 75 % et 78 % et qui ne s'améliore pas ? Beaucoup de services dont le taux d'occupation est inférieur à 60 % justifieraient, selon les textes applicables, une fermeture. Si l'on veut vraiment comprendre cette situation, qui révèle une adaptation insuffisante de notre système hospitalier aux besoins de la population, il faut procéder à une évaluation : la seule méthode est la transparence de l'information sur les coûts et les performances.

Le rapport étudie également d'autres sujets : le fonctionnement des agences sanitaires, la politique immobilière des caisses locales du régime général et du régime agricole, la politique des concours financiers des caisses d'allocations familiales aux associations, SÉSAM Vitale ou encore gestion du risque dans le régime d'assurance maladie. Sur tous ces sujets, un certain nombre de dysfonctionnements sont observés et plusieurs recommandations formulées pour favoriser les remises en ordre nécessaires.

Quant aux suites réservées aux recommandations formulées par la Cour des comptes, la question de leur exécution demeure posée. En effet, la méthode de travail de la Cour repose sur l'analyse contradictoire. Dans le cadre de ce rapport, au-delà des ministres eux-mêmes, plus de 160 organismes, administrations et établissements ont été associés aux travaux et ont réagi aux constats faits par la Cour. Sur la gestion de la dépense hospitalière, les constats faits sont largement partagés, y compris par les ministres eux-mêmes ainsi que l'atteste la lecture de leurs réponses. A l'issue de la phase dite de contradiction, la Cour formule cette année soixante-dix recommandations. Le problème des suites réservées à ces recommandations est récurrent. Une fois le rapport publié et les recommandations diffusées, la Cour a beaucoup de difficultés à obtenir des administrations et encore plus des cabinets ministériels la mise en _uvre de ces recommandations. Sur ce point, il paraît hautement souhaitable que, dans le cadre de sa fonction de contrôle, le Parlement, et en particulier, s'agissant du rapport sur la sécurité sociale, la commission compétente, appuie l'action de la Cour. Une annexe à la loi de financement, faisant chaque année le point de la mise en _uvre des précédentes recommandations de la Cour, pourrait ainsi être publiée.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a pris l'habitude de transmettre à la Cour les thèmes qu'elle souhaite tout particulièrement voir étudier, ce qui est une très bonne méthode de travail. Bien entendu, les demandes de la commission, afin de pouvoir prendre place dans le programme de travail de la chambre compétente de la Cour, doivent être formulées en temps utile, c'est-à-dire au moment où ce programme est établi, soit avant la fin de l'année.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est interrogé sur les orientations futures des travaux de la Cour des comptes, soulignant que l'année 2002 a été marquée, en raison d'une crise de confiance financière, par une forte demande au plan national et international en direction des institutions en charge de la certification comptable, qu'il s'agisse de l'argent public ou privé. Chacun a présent à l'esprit les affaires Enron, Andersen, World Com ou Vivendi. Au printemps dernier, l'audit sur les finances publiques réalisé par MM. Bonnet et Nasse a souligné l'opacité des comptes sociaux, leur complexité et les difficultés croissantes d'évaluation des dépenses sociales. Il fait également la critique de la procédure d'audit elle-même consistant, après chaque alternance, à confier le soin de dresser l'état financier de la Nation à des magistrats retraités de la Cour des comptes. Les conclusions inattendues de cet audit imposent de s'interroger sans tarder sur les conséquences pour la Cour de la révision constitutionnelle de 1996 créant les lois de financement de la sécurité sociale et de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances prévoyant la certification des comptes de l'Etat par la Cour des comptes.

En Grande-Bretagne, pour le seul secteur associatif aidé, la Charity Commission mobilise autant de moyens humains et financiers que la Cour des comptes, soit 300 agents et 90 millions d'euros ; Véritas emploie 1 100 auditeurs, Mazard et Guérard 1 500 ! La Cour devra-t-elle recruter 4 000 agents de haut niveau, à l'instar du Congrès américain ? Quels pourraient être les voies et moyens pour qu'elle devienne une sorte de « certificateur suprême » des autres corps de contrôle tels l'IGF, l'IGAS ou les commissaires aux comptes ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, a insisté sur la nécessité que les recommandations de la Cour soient suivies d'effets, véritable devoir vis-à-vis des citoyens. Il est également nécessaire que la commission transmette à la Cour des suggestions en vue de l'élaboration de son programme de travail. A cet égard, la question de l'organisation interne de l'hôpital public, sujet cher au président Jean-Michel Dubernard, mais qui intéresse aussi tous les membres de la commission comme l'a prouvé la table ronde organisée hier, rencontre les préoccupations de la Cour. Les conclusions de la mission parlementaire d'information, dont la création a été évoquée à l'issue de cette table ronde, permettront aussi de faire de nouvelles propositions.

En ce qui concerne les comptes sociaux, les soldes cumulés sur la période 1998-2001 font apparaître un excédent de seulement 0,9 milliard d'euros, alors même qu'il s'agit de la période ayant connu la croissance économique la plus forte de ces vingt dernières années. Pour 2002, le déficit annoncé se monte à 2,4 milliards d'euros : sur la période 1998-2002, les comptes présentent donc un solde cumulé négatif de 1,5 milliard d'euros. La croissance des recettes explique l'équilibre relatif des comptes sociaux mais elle ne s'est accompagnée d'aucune réforme structurelle, les dépenses ayant de leur côté augmenté de 39 milliards d'euros, soit + 3,8 % par an.

Le souhait de la Cour d'aller vers plus de transparence, de clarté et de sincérité des comptes doit être suivi d'effets, pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 comme pour l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Pour cette dernière, l'excédent initialement annoncé par le précédent gouvernement s'est transformé en six mois en un déficit de 2,4 milliards d'euros. Les recommandations de la Cour doivent impérativement être appliquées, afin d'éviter les « tripatouillages » à vocation cosmétique. Ainsi en 2000 le gouvernement a « chargé la barque » du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) pour présenter des comptes satisfaisants en 2001. Il faut espérer que la réforme de la comptabilité, exprimée désormais en droits constatés, permettra d'augmenter la clarté des comptes. Celle-ci est indispensable : la fiabilité des comptes sociaux est une condition indispensable pour pouvoir demander des efforts aux acteurs de la santé.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a tout d'abord souligné la sous-estimation des coûts induits par la réforme de la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes. Celle-ci, conjuguée avec la mise en place de l'allocation personnalise d'autonomie (APA) conçue pour augmenter le taux d'encadrement en établissement, la pression des familles et des personnels, la signature de nouvelles conventions tripartites et la réduction du temps de travail, a nui à la lisibilité du système et contribué à augmenter les coûts, ce qui conduit finalement à s'interroger sur le mode de financement de l'APA. A cet égard, rétablir le recours sur succession serait une fausse bonne idée.

Le retard dans la médicalisation des lits est un autre sujet de préoccupation. Alors que les personnes âgées souhaitent rester le plus longtemps possible à domicile, il arrive qu'elles soient brutalement obligées de s'orienter vers un établissement médicalisé avec des services pour cas chroniques. Mais il existe des listes d'attente, parfois longues de plusieurs années.

En ce qui concerne la sincérité des comptes, M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, a souligné que la Cour examine toujours une situation après coup. Il est très difficile d'examiner les comptes publics en cours d'année, comme l'ont fait MM. Bonnet et Nasse à la demande du Gouvernement, cet exercice étant d'une autre nature que celui du rapport annuel sur la sécurité sociale puisqu'il prend en compte les décalages entre les réalisations et les prévisions en matière économique ainsi que les reports de charges et les mesures nouvelles intervenues en cours d'année. De manière générale, la nouvelle loi organique relative aux lois de finances ainsi que la comptabilité en droits constatés devraient permettre d'introduire plus de sincérité dans les comptes.

M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a souligné que le rapport de la Cour analyse pour la première fois la partie de l'ONDAM relative au secteur médico-social. S'il est souhaitable que l'évaluation de la politique de santé publique soit la plus complète possible, il faut néanmoins rappeler que le secteur médico-social se situe à la frontière de l'action de la sécurité sociale, de l'Etat et des collectivités locales. L'imbrication des compétences rend donc toute évaluation difficile. De plus, les outils de prévision et de maîtrise de ces dispositifs sont encore très limités, ce qui risque de conduire à une sous-estimation des charges et de leur évolution dans les prochaines années.

M. Denis Morin, rapporteur général de la Cour des comptes, a apporté les éléments d'information suivants :

- Pour ce qui est de la lisibilité des comptes en droits constatés, ceux-ci souffrent d'un défaut de normalisation comptable car l'agrégation des comptes des différentes caisses est compliquée par l'absence d'harmonisation dans la présentation de ces comptes. De plus, les comptes produits découlent des encaissements-décaissements et font l'objet d'un retraitement statistique pour pouvoir être présentés sous forme de droits constatés. Ce retraitement comporte bien évidemment des aléas que la Cour cherche ensuite à corriger. Une amélioration devrait être possible en 2003 avec la mise en place d'une nouvelle base de calcul qui permettra d'obtenir directement les droits constatés à partir des encaissements-décaissements, ce qui améliorera considérablement la fiabilité des comptes.

- En ce qui concerne le FOREC, deux interrogations demeurent : celle de son avenir et celle de son financement.

Le sort du FOREC n'est pas encore tranché puisque les positions semblent diverger, selon les réponses fournies à la Cour, entre le ministère des finances, plutôt favorable à sa suppression, et le ministère des affaires sociales, qui souhaiterait son maintien.

S'agissant du financement, la question ne se pose réellement qu'à partir du moment où l'Etat n'assure pas l'équilibre du fonds comme l'a prévu la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Si l'Etat ne compense plus les exonérations de charges sociales, il faut alors procéder à des transferts de ressources entre les différentes caisses pour assurer l'équilibre du FOREC, équilibre lui aussi prévu par la loi. Il s'agit donc de savoir si l'Etat a, à l'avenir, l'intention ou non d'assurer l'équilibre financier du FOREC.

M. Jean-Luc Préel a regretté que le rapport de la Cour des comptes n'ait pas pu être remis aux parlementaires plus en amont de la présente réunion afin qu'ils en tirent profit pour préparer leurs questions. Seules quelques fuites dans la presse ont permis d'avoir des indications sur son contenu.

M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, a expliqué qu'une publication plus précoce du rapport est difficilement envisageable compte tenu des délais. L'existence d'un dialogue permanent entre la Cour et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ainsi que l'organisation, dans les prochaines semaines, d'une réflexion par « ateliers » entre les commissaires et les magistrats de la Cour permettent, semble-t-il, d'effectuer un travail de fond satisfaisant.

Quant aux fuites, s'il est normal que les journalistes fassent leur métier, la publication de données partielles avant la présentation officielle du rapport pose néanmoins un vrai problème de crédibilité pour la Cour des comptes à l'égard des organismes qu'elle contrôle car les fuites se font toujours à partir de documents provisoires qui n'ont pas été validés par la Cour. De plus, les journalistes ne donnent pas toujours l'occasion aux organismes mis en cause de répondre aux informations publiées, alors que la Cour s'attache à présenter dans ses rapports les réponses de l'ensemble des organismes, ce qui permet un débat équilibré.

M. Jean-Luc Préel a ensuite souhaité avoir des éclaircissements sur :

- les 11 % d'exonérations qui ne sont pas aujourd'hui compensées par le FOREC ou le budget de l'Etat, ainsi que sur les perspectives de financement spécifique de ce fonds, par exemple par l'affectation d'une taxe adaptée autre que les droits sur les tabacs ou les alcools ;

- le mode de fixation de l'ONDAM, qui est aujourd'hui sans rapport avec la réalité médicale et devrait faire l'objet d'une réforme pour avoir un taux réaliste susceptible d'être respecté ;

- l'avenir des ARH qui, si elles constituent un progrès, souffrent toujours d'un problème de champ de compétences par rapport aux autres organismes intervenant en matière de santé publique, étant précisé que si elles devaient être transformées en agences régionales de santé (ARS), il serait souhaitable de réfléchir à leur forme juridique - le GIP n'étant peut-être pas la forme la plus adaptée - ainsi qu'à l'avenir des DRASS et des DDASS ;

- les crédits fléchés, qui laissent peu de marges de man_uvre pour procéder à de réelles réductions des inégalités régionales entre hôpitaux ;

- l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) qui, bien que faisant l'objet d'un constat très sévère dans le rapport de la Cour, constitue néanmoins un progrès indéniable, même si, pour être véritablement satisfaisante, l'accréditation devrait prendre en compte le critère de la qualité des soins.

Après avoir observé que la Cour des comptes n'a pas à prendre position - ce qu'elle ne fait d'ailleurs pas - sur des sujets qui, comme la suppression du FOREC, relèvent de l'appréciation du Parlement, M. Maxime Gremetz s'est félicité de l'existence du rapport sur les comptes de la sécurité sociale qui constitue un outil sérieux, non polémique et particulièrement utile aux parlementaires pour le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dans cet esprit, l'adjonction d'annexes chiffrées au projet de loi est une excellente idée.

En ce qui concerne la nécessité d'une remise à jour de l'assiette des cotisations sociales, cette préconisation de la Cour est bienvenue car tant que l'analyse n'ira pas à son terme et n'aboutira pas à une réforme de grande ampleur de l'assiette, le problème du financement de la sécurité sociale continuera à se poser.

Après s'être félicité des relations que la Cour entretient avec la commission, M. Claude Evin a rappelé que si le rapport de la Cour n'a pu être distribué que le jour de l'audition du Premier président, d'autres rencontres sont prévues d'ici la première semaine d'octobre qui permettront d'approfondir certaines questions.

Il serait souhaitable que l'annexe demandée par la Cour sur le suivi de ses recommandations porte également sur le traitement réservé par le Gouvernement aux demandes des parlementaires. De façon générale on ne peut que regretter que ceux-ci manquent considérablement de moyens d'investigations.

Le souci de transparence et de sincérité des comptes a été soulevé régulièrement par M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général sous la législature précédente. Sur cette question, il serait intéressant de savoir comment s'articulent les travaux de la Cour avec ceux de la commission des comptes de la sécurité sociale.

On ne peut que partager le constat de carence de l'évaluation économique du secteur hospitalier, mais cette évaluation devrait aussi porter sur la médecine ambulatoire, même si les professionnels de ce secteur rejettent fortement toute approche comptable. L'évaluation médicale de l'offre de soins doit, en effet, être assortie d'une analyse de l'affectation des moyens par une utilisation effective du PMSI. Il faudrait également définir les modalités de prise en compte de l'évaluation hospitalière pour l'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire.

Il est évident que le travail de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) doit être amélioré. Il ne faut toutefois pas perdre de vue qu'en quelques années des efforts considérables ont été faits, alors que l'on partait d'une situation où pratiquement rien n'existait. Il conviendrait peut-être de revoir la composition du conseil d'administration de l'ANAES qui, à la différence des autres agences sanitaires, est composé majoritairement de représentants des professionnels et des établissements de santé qui sont justement destinés à être évalués et accrédités. Il est à craindre, en effet, que cette composition atypique ne soit un frein au développement de l'accréditation.

M. Pascal Terrasse a souhaité que le rôle de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales soit mieux défini dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En particulier, un suivi et un contrôle tout au long de l'année seraient indispensables et le vote du projet de loi à l'automne devrait être précédé au printemps d'un débat sur les orientations de la politique de santé.

Il s'est ensuite interrogé sur la pertinence d'un suivi des ressources de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) par branche affectataire, en raison des possibilités de fongibilité des fonds et des nombreux transferts financiers, et sur la possibilité de faire la part, au sein des dépenses d'assurance maladie, des dépenses de nature structurelle et de celles liées à des mesures nouvelles.

Le président Jean-Michel Dubernard a précisé qu'il est dans les intentions du Gouvernement d'organiser un débat d'orientation au Parlement sur la politique de santé.

M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a délivré les éléments d'information suivants :

- Les relations entre le Parlement et la Cour des comptes doivent être effectivement renforcées, la confrontation du processus de contrôle devant un tiers étant toujours un gage de qualité. Ainsi en Grande-Bretagne les commissions parlementaires de contrôle, présidées par l'opposition, sont divisées en sous-commissions qui examinent systématiquement les résultats des contrôles effectués par des organismes extérieurs indépendants.

- L'articulation du travail de la Cour avec la Commission des comptes de la sécurité sociale est claire. Les comptes de la commission sont élaborés par la direction de la sécurité sociale, qui effectue d'ailleurs un travail de qualité, même si l'administration se heurte à des difficultés techniques résultant de la phase de transition entre l'établissement des comptes en encaissements-décaissements et en droits constatés. La Cour des comptes n'a cependant pas vocation à effectuer à nouveau cette démarche mais à commenter les comptes déjà retraités par la commission. Il est à regretter que la recommandation formulée par la Cour l'an dernier tendant à moderniser la présentation des comptes de la sécurité sociale et à créer un Haut conseil de la comptabilité des organismes de sécurité sociale, ayant pour fonction de suivre et de promouvoir l'amélioration de la qualité des comptes, n'ait pas été suivie d'effet en pratique, cet organisme bien que créé ne s'étant encore jamais réuni.

- S'agissant des ARH, une clarification doit être apportée entre les compétences respectives des différentes autorités régionales : on a ainsi confié aux ARH l'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) sans leur conférer de pouvoir de contrôle et d'évaluation. En tout état de cause, il est nécessaire de renforcer la transparence du fonctionnement des établissements hospitaliers. Par exemple, 25 % des établissements consultés n'ont pas répondu à une enquête sur l'utilisation des plateaux chirurgicaux. L'Etat a également trop souvent tendance à court-circuiter les ARH pour distribuer directement des crédits supplémentaires ; pour autant, aucun outil ne permet de savoir si les crédits supplémentaires sont bien affectés à leur objet. Tout cela ne va pas dans le sens d'une politique de restructuration. Par ailleurs, la Cour n'a pas formulé de recommandation sur l'éventuelle création d'agences régionales de santé.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que la question des compétences et des contrôles a été longuement débattue lors de la table ronde sur l'organisation interne de l'hôpital public organisée la veille par la commission.

M. René Couanau a demandé s'il existe une synthèse des rapports des chambres régionales des comptes en ce qui concerne les établissements publics locaux que sont les hôpitaux. Il a déploré l'absence de liens entre les projets d'établissements et les contrats d'objectifs et de moyens des hôpitaux.

M. Denis Morin, rapporteur général de la Cour des comptes, a apporté les précisions suivantes :

- Sur le financement futur du FOREC et son maintien, la Cour n'a pas formulé de recommandation. Plus généralement, s'agissant des exonérations de charges, il convient de rappeler que la loi Veil de juillet 1994 ne prévoit pas de compensation intégrale par le budget de l'Etat pour les exonérations qui existaient avant l'entrée en vigueur de cette loi.

- Il est extrêmement difficile d'avoir une connaissance précise de l'utilisation effective des crédits dans les établissements hospitaliers, alors que le montant total des crédits fléchés est supérieur à 1 milliard d'euros. Il serait souhaitable d'aller au bout d'une logique de régionalisation et d'adaptation des dotations régionales aux besoins. La tarification à la pathologie ou à l'activité et la comparaison des coûts hospitaliers sont encore des chantiers en suspens. A ce jour, la direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins ne contrôle pas l'utilisation effective des crédits distribués.

- Le fonctionnement interne de l'ANAES fait l'objet de contrôles en cours de la Cour des comptes. L'agence met l'accent sur le rôle des professionnels dans sa politique d'évaluation. Il lui est impossible d'atteindre le chiffre annuel de 600 visites d'établissements mais un site Internet avec la publication des rapports d'accréditation donne des indications sur l'activité des établissements hospitaliers au sein desquels la démarche qualité progresse. Le succès de « palmarès » des établissements de santé parus dans la presse démontre l'intérêt porté à la qualité des soins. Il faut donc pousser à la médicalisation de l'accréditation.

- S'agissant de l'assiette des cotisations sociales, une annexe à la loi de financement serait nécessaire pour améliorer l'information du Parlement. La Cour a évalué à 10 milliards d'euros le coût non compensé pour la sécurité sociale des réductions d'assiette de cotisations salariales.

Concernant les « palmarès » parus dans la presse, le président Jean-Michel Dubernard a souligné qu'ils ne prenaient pas en compte l'innovation.

M. Bernard Perrut s'est félicité que la Cour ait étudié des sujets très concrets, lesquels préoccupent également les élus locaux, tels que l'organisation des urgences, l'insuffisance de l'hospitalisation à domicile et l'augmentation des dépenses de médicaments dans les hôpitaux. Ce dernier point est particulièrement préoccupant, non seulement parce qu'il entraîne un dérapage des dépenses d'assurance maladie, mais aussi parce qu'il présente des risques pour les patients. Le fonctionnement actuel des procédures d'achat dans les hôpitaux ne permet pas de maîtriser les dépenses. Ne faudrait-il pas préconiser des mesures concrètes pour y remédier tels que le groupement d'achats ou les appels d'offre ?

Plus généralement, la Cour des comptes s'est déclarée favorable à une déconcentration de la planification hospitalière mais ne faudrait-il pas plutôt aller vers une décentralisation ?

Mme Chantal Bourragué s'est étonnée que les dépenses liées à la maternité soient présentées dans les comptes de la branche maladie.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, a insisté sur les difficultés des restructurations hospitalières et demandé quelles seraient les voies les plus efficaces, notamment pour éviter le maintien de certains services qui n'ont plus de raison d'être. Il est regrettable à cet égard que le débat sur le nombre de lits surnuméraires ait disparu de l'actualité.

M. Edouard Landrain s'est interrogé sur le manque de coordination des caisses primaires d'assurance maladie et sur la nécessité de mutualiser leurs compétences pour une plus grande efficacité.

M. Marc Bernier a souligné que la branche accidents du travail est équilibrée mais qu'il n'y a pas d'évaluation du montant des autres accidents pris en charge par l'assurance maladie.

M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a apporté les précisions suivantes :

- La Cour des comptes a consacré en février 2002 un rapport particulier à l'analyse de la branche accident du travail et a relevé que la frontière entre assurance maladie et branche accident du travail n'est pas bien définie. Il existe une surcharge du côté de la maladie, que plusieurs commissions s'efforcent d'évaluer, afin de poser le problème des charges indues et l'implication des tiers.

- En ce qui concerne la médicament à l'hôpital, la Cour a remarqué que l'administration hospitalière ne suit pas les masses financières en jeu - ainsi la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins vient seulement de mettre en place une mission sur le sujet -, que le nouveau code des marchés publics n'est toujours pas adapté à ce type particulier d'achats - avec notamment des procédures encore plus compliquées pour les groupements d'achats - et que les règles de gestion existant dans chaque établissement ne sont pas observées (prescription individuelle ou suivi des dépenses).

- Par l'intermédiaire du système Racine, l'ACOSS affecte chaque cotisation perçue à chaque branche de la sécurité sociale. Mais ce mécanisme d'affectation ab initio très précis perd tout son sens avec la multiplication des transferts de recettes et de dépenses réalisés après coup. Pour autant, il n'y a pas lieu de remettre en cause l'amélioration des procédures de centralisation des comptes, car les problèmes rencontrés sur les provisions devraient être réglés d'ici quelques années.

M. Denis Morin, rapporteur général de la cour des comptes, a donné des éléments sur les difficultés rencontrées pour opérer les restructurations hospitalières. Il y a encore aujourd'hui 28 600 lits excédentaires : il y a eu peu d'évolution en la matière, et, même si cela est peu évoqué dans le débat public, il y a encore certains établissements qui ont trop de lits alors que d'autres en manquent. Les instruments juridiques permettant de mener à bien ces restructurations sont trop complexes et non coordonnés entre eux. Les micro-regroupements engagés au niveau local, comme la mise en commun de directions administratives ou la coordination entre établissements publics et cliniques privées, semblent stagner depuis 1999. Enfin, on ne sait pas quelle est l'évolution des coûts en conséquence des opérations de restructuration menées et, en raison de cette inconnue financière et comptable, on alloue les moyens à l'aveugle.

Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué que la commission allait transmettre sans tarder des propositions de sujets d'enquête à la Cour des comptes et souhaité que soit étudiée la suggestion de la Cour tendant à joindre au projet de loi de financement de la sécurité sociale un bilan d'application des recommandations formulées par elle l'année précédente.

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Information relative à la commission

La commission a nommé M. Pierre Morange rapporteur du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.


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