COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 13

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 18 septembre 2002
(Séance de 14 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Marc Tessier, président de France Télévisions, sur le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions et de MM. Christopher Baldelli, directeur général de France 2, Rémy Pflimlin, directeur général de France 3, Jean-Pierre Cottet, directeur général de France 5

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Marc Tessier, président de France Télévisions, sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions durant l'année 2001 et de MM. Christopher Baldelli, directeur général de France 2, Rémy Pflimlin, directeur général de France 3, Jean-Pierre Cottet, directeur général de France 5.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est félicité de l'exercice novateur que constitue la présentation devant la commission par le président de France Télévisions du rapport sur l'exécution annuelle du contrat d'objectifs et de moyens signé entre cette société et l'Etat.

Cette audition, prévue par l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, a lieu aujourd'hui pour la première fois, puisque le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions porte sur la période 2001-2005. Depuis la loi du 1er août 2000, les relations entre les différents organismes de l'audiovisuel public et l'Etat, actionnaire unique, sont en effet organisées par des contrats d'objectifs et de moyens pluriannuels, qui fixent notamment le montant prévisionnel de ressources que l'Etat s'engage à verser chaque année ainsi que les objectifs qualitatifs et quantitatifs que les différentes sociétés doivent réaliser en contrepartie de ce financement.

Il a beaucoup été question de France Télévisions ces derniers temps, du contenu de ses programmes, mais également de son financement et des perspectives de son développement à travers la télévision numérique de terre. Cette audition est donc l'occasion d'expliquer et de débattre, en amont de la loi de finances, de  l'état de santé de la télévision publique, de ses réussites, de ses attentes, de ses projets mais aussi de ses difficultés.

M. Marc Tessier, président de France Télévisions, a d'abord indiqué que le dispositif prévu par le nouvel article 53 de la loi de 1986 rappelle opportunément que le Parlement est en quelque sorte l'assemblée générale du groupe France Télévisions et c'est pourquoi la discussion sur son financement et son développement en relève. C'est également devant le Parlement qu'il doit être rendu compte du détail de la réalisation des objectifs qui ont été publiquement fixés dans le contrat signé avec l'Etat. L'organisation de France Télévisions reposant sur une large délégation aux directeurs généraux des trois chaînes du groupe, il est utile que ceux-ci soient également présents à cette audition.

Le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions pour 2001-2005 a été signé avec l'Etat au mois de décembre dernier, après avoir été soumis aux instances internes du groupe. Il s'agit donc d'un document externe, qui fixe les rapports avec l'Etat, mais également d'un document interne, qui décrit pour les collaborateurs du groupe ses objectifs et le cadre des efforts demandés.

La première partie du contrat porte sur la définition et la quantification des missions et du rôle du groupe en matière de programmes télévisuels. La deuxième partie fixe, de façon très novatrice pour la télévision publique, le cadre d'un programme de développement. Ce point est important dans la mesure où toutes les télévisions privées sont aujourd'hui engagées dans une politique agressive de développement, de lancement de nouvelles chaînes voire d'internationalisation alors que le groupe public manquait encore d'un document organisant son développement pour les années à venir. La troisième partie du contrat crée, grâce à des indicateurs, un cadre de gestion partagé sur lequel l'Etat peut s'appuyer pour exercer une tutelle efficace. Il est très important que le contrat se substitue, dans ses modalités, à des règles d'exercice de la tutelle très anciennes, parcellaires et globalement dépassées. La quatrième fonction de ce contrat est de permettre la justification auprès des collaborateurs du groupe des efforts qui leur sont demandés en termes d'économies, de redéploiement et de réorganisation ; ces efforts ont été débattus dans l'entreprise et présentés comme autant de contreparties aux développements soutenus par l'Etat. Enfin, le contrat définit les orientations principales de la politique de diversification du groupe. Ce dernier point doit être souligné, car les principaux groupes publics européens se sont déjà engagés dans le développement d'activités commerciales et parfois sans véritable vision d'ensemble. Au contraire, le contrat fixe pour France Télévisions les principales orientations de cette politique ainsi que ses limites. Les marges de man_uvre dégagées sont raisonnables - de l'ordre de 15 à 20 millions d'euros par an d'endettement supplémentaire -, et permettent de tranquilliser l'actionnaire quant à l'évolution financière et stratégique du groupe.

Qu'en a-t-il été de la réalisation de ces objectifs en 2001 ? Les objectifs éditoriaux ont été remplis et même parfois dépassés, situation qui devrait se reproduire en 2002. Ils consistent plus précisément à :

- Assurer la diversité des programmes en couvrant tous les genres existants, alors que les télévisions privées ont opéré des choix thématiques qui privilégient les programmes les plus rentables.

- Augmenter le nombre d'heures consacrées à l'information et aux magazines d'information : l'effort s'est poursuivi en ce domaine alors que, dans le même temps, la création d'une chaîne d'information continue était en discussion ; l'information doit rester la première des missions confiées à la télévision publique.

- Développer des programmes culturels, de découverte et de décryptage, de façon à ce qu'ils soient majoritaires dans la programmation et en augmentation : en 2001, la part des heures de programme qui leur a été consacrée est de 58 % en moyenne sur les trois chaînes, ce qui est supérieur aux préconisations du cahier des charges.

- Soutenir le spectacle vivant par la diffusion de spectacles : là aussi les objectifs du contrat, supérieurs à ceux du cahier des charges, ont été dépassés.

- Renforcer la dimension régionale et l'offre de proximité de France 3 en l'élargissant d'une année sur l'autre : de nouvelles émissions sont ainsi venues enrichir la grille de la chaîne.

- Couvrir l'ensemble des disciplines sportives sans privilégier les plus rentables en terme d'audience : France Télévisions est ainsi la seule télévision européenne qui n'avait pas pris de droits sur le Mondial, car cet engagement l'aurait conduite à renoncer à la couverture d'autres événements sportifs, ce qui s'est d'ailleurs révélé un bon choix à tous égards !

- Maintenir une programmation en direction de la jeunesse alors que l'offre surabondante en la matière sur le satellite et sur le câble - modes de diffusion qui ne touchent qu'une minorité de la population - peut aujourd'hui inciter les chaînes généralistes à abandonner ce type de programmation. Là encore, le service public a une fonction de rééquilibrage de l'offre hertzienne gratuite. La programmation de fictions françaises pour la jeunesse, notamment, a dépassé les objectifs fixés et le journal pour les enfants, reformaté, a rencontré un large succès.

- Soutenir la production audiovisuelle et cinématographique par le préachat de droits de diffusion. Les obligations de France Télévisions en ce domaine sont supérieures à celles des chaînes privées : cela se traduit par la diffusion en première partie de soirée d'une plus grande part d'_uvres de fiction française ou européennes (trois soirées par semaine sur France 2) et par la diffusion de documentaires lesquels ont quasiment disparu de la grille des chaînes privées concurrentes.

Plus généralement, en ce qui concerne le contenu des programmes, la contractualisation avec l'Etat est préférable à une procédure passant par la voie du décret, car elle autorise une souplesse appréciable. Par avenant, l'Etat peut obtenir des modifications conformes à ses souhaits, tout en maîtrisant les conséquences financières de ces changements. Le contrat d'objectifs et de moyens n'est donc pas uniquement un contrat financier pour le développement de la télévision numérique de terre : la moitié de ses dispositions concerne des objectifs de programme et organise la mise en _uvre des missions de service public.

En matière d'audience, le contrat n'a pas fixé d'objectifs chiffrés mais a consacré l'obligation, en contrepartie du financement par la redevance, de toucher l'ensemble des publics. Cela a conduit le groupe a infléchir sa programmation pour attirer des téléspectateurs qui n'étaient pas intéressés ou satisfaits par les émissions proposées. Cette pluralité des publics est évaluée grâce à des « indicateurs d'affinités » qui mesurent l'écart entre le public touché et la structure de la société française. L'objectif est de parvenir à ce qu'une majorité de téléspectateurs regarde une chaîne du groupe presque tous les jours et que les trois-quarts la regardent une fois par semaine au moins. En 2001, 56 % des téléspectateurs ont regardé une chaîne de France Télévisions tous les jours et 87 % au moins une fois par semaine. De plus, France 3 suivie de France 2 sont placées en tête des indices de satisfaction des téléspectateurs par rapport aux programmes télévisés.

La gestion du groupe France Télévisions est également soumise, dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens, à de nombreux indicateurs qui ont été fixés à la suite de discussions complexes entre le groupe et le ministère des finances et du budget. Le premier de ces indices repose sur la capacité du groupe à dégager une capacité d'autofinancement pour investir et se développer. En 2001, le groupe a réalisé un résultat net consolidé de 36,1 millions d'euros et a dégagé une capacité d'autofinancement de 74,1 millions d'euros, ce qui lui a permis de couvrir 90 % de ses dépenses d'investissement. Il faut donc en finir avec l'idée d'une télévision publique nécessairement déficitaire. Au contraire, les ressources allouées par l'Etat, les recettes publicitaires attendues et les objectifs de résultats fixés en conséquence guident désormais l'établissement du budget et des objectifs de dépenses.

Plusieurs autres indicateurs de gestion prévoient la stabilisation de la part de la masse salariale dans les charges opérationnelles du groupe, de la masse salariale des collaborateurs participant à la grille de programmes par rapport au coût de cette grille et des frais généraux. Il existe également un objectif d'accroissement de un point par an de la part du budget consacré aux programmes au sein des dépenses du groupe et un plan d'économies de 250 millions d'euros en cinq ans.

En 2001, tous ces objectifs ont été remplis, à l'exception de celui relatif à la stabilisation de la masse salariale par rapport aux dépenses du groupe. Cela est dû à l'application de l'accord relatif à la réduction du temps de travail à France 3 qui a entraîné des reports de droits à congé très importants. Leur résorption est prévue en 2002.

Ces divers éléments montrent que, à l'évidence, le contrat passé avec l'Etat génère une dynamique de contrôle et d'anticipation dans l'élaboration du budget et la gestion de l'entreprise.

Le développement du groupe tel qu'il était prévu par le contrat fait par contre aujourd'hui l'objet de débats. Les projets de développement de France Télévisions sont en effet divers et nombreux : lancement de nouvelles chaînes bien sûr - notamment dans la perspective de la télévision numérique de terre -, mais également diversification dans la distribution de programmes ou l'édition de programmes interactifs, poursuite de l'effort de production cinématographique et maintien des chaînes thématiques tout en ouvrant leur capital au secteur privé.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement le projet numérique du groupe, il faut tout d'abord rappeler que le programme d'investissement ne se traduira en dépenses qu'au fur et à mesure de la mise en place du numérique terrestre. Cependant, le numérique n'étant pas que terrestre, France Télévisions aurait souhaité que les chaînes préparées pour la télévision numérique de terre puissent être lancées gratuitement sur le câble ou le satellite afin de les tester avant leur diffusion sur le réseau hertzien terrestre. Les équipes de France Télévisions ont donc commencé à travailler en 2002 sur les projets de chaîne info et de chaîne régionale (pour un coût total de 5 à 6 millions d'euros) mais les investissements lourds ne devaient pas être engagés avant septembre 2002, afin de les adapter aux orientations choisies. Selon le contrat d'objectifs et de moyens, le plan de développement numérique devait être financé par de l'autofinancement ainsi que par une dotation exceptionnelle en capital de 150 millions d'euros. L'avenir du projet numérique dépend désormais des conclusions que le gouvernement tirera du rapport que M. Michel Boyon doit remettre à la mi-octobre sur le périmètre du service public au sein de la télévision numérique de terre.

Les interrogations actuelles sur le projet numérique de France Télévisions ne sont cependant pas sans conséquences. Les télévisions privées ont depuis longtemps investi le champ numérique et contrôlent aujourd'hui la quasi-totalité des chaînes thématiques, tous genres confondus. Cela explique la grande différence de situation entre France Télévisions et son concurrent le plus direct, le groupe TF1 car, si, en moyenne, les chaînes de France Télévisions réalisent une audience d'environ 40 %, celle-ci est nettement inférieure pour les publics d'enfants, d'adolescents et de jeunes adultes. Par contre, le groupe TF1 réalise sur ces populations des audiences supérieures à son audience moyenne car il a pu garder un contact avec elles grâce à la création de chaînes thématiques spécifiques.

Il sera donc difficile à France Télévisions de réaliser dans l'avenir son objectif de diversité des publics au moyen de ses seules chaînes généralistes. Ce phénomène n'est d'ailleurs pas spécifique au secteur public français : toutes les chaînes généralistes européennes ou américaines sont aujourd'hui confrontées à un vieillissement de leur audience, le public le plus jeune étant attiré par des programmes qui lui sont plus spécifiquement destinés. Des efforts ont été faits pour enrayer ce phénomène, notamment sur France 5, mais il est très difficile de s'opposer à une tendance de fond.

Enfin, toujours en matière de développement, on peut signaler la poursuite de la croissance de France Télévisions interactive et l'ouverture du capital de trois des chaînes thématiques du groupe. Des discussions sont en cours pour consolider celui d'Euronews.

Après avoir fait part de son attachement personnel et de celui des membres de la commission au rayonnement international de la France et de la francophonie, le président Jean-Michel Dubernard a déploré l'absence d'une chaîne d'information internationale de langue française, qui serait susceptible, y compris grâce à un éventuel partenariat avec d'autres chaînes comme c'est le cas pour Euronews, d'exercer le même rayonnement que CNN aux Etats-Unis ou BBC World au Royaume-Uni. Il a ensuite interrogé le directeur général de France 3 sur la flotte vidéo mobile et l'équipement des différentes stations régionales en cars-vidéo, souhaitant savoir si une concentration des moyens était prévue.

M. Marc Tessier, président de France Télévisions, a souligné que le contrat d'objectifs et de moyens ne comprenait pas de paragraphe relatif au rôle ou au développement international de France Télévisions car, au moment de sa signature, la société et le gouvernement n'étaient pas mûrs pour traiter de cette question. En outre, des décisions gouvernementales antérieures ont confié le pilotage de l'audiovisuel extérieur à TV5 et à Canal France international (CFI), entités indépendantes de France Télévisions. Il faut également souligner que l'action audiovisuelle extérieure est placée sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture et de la communication.

France Télévisions est prête à se développer à l'international, mais ce développement reste subordonné à une décision de l'Etat. A cet égard, le Gouvernement a décidé de modifier le capital de CFI en le répartissant entre France Télévisions (pour 75 %) et ARTE-France (pour 25 %), ce qui peut laisser penser que ces sociétés seront amenées à jouer un rôle beaucoup plus important dans le fonctionnement et le développement de cette banque de programmes. Cette modification du capital n'est cependant pas encore finalisée. De même, la réorganisation de TV5 et le regroupement à Paris de ses différentes versions a permis d'améliorer le contenu de la chaîne ainsi que sa diffusion en Amérique du Nord.

Avant de créer une chaîne d'informations internationale, trois questions doivent être tranchées :

- La question du format : souhaite-t-on imiter les chaînes telles que BBC World ou CNN ou bien développer un format spécifique ? Une chaîne francophone pourrait diffuser un contenu éditorial à tonalité moins économique et faisant une part plus grande à des magazines.

- La question du champ de diffusion : la chaîne aura-t-elle un rayonnement mondial ou sera-t-elle centrée sur des zones géographiques où la francophonie est encore vivace, comme l'Europe, le Moyen Orient et l'Afrique ? Ce point détermine notamment le budget de la chaîne, compte tenu des contraintes d'une diffusion sur plusieurs fuseaux horaires.

- La question de la langue : la chaîne sera-t-elle française ou multilingue ? Doit-on envisager une diffusion partiellement en anglais ou en arabe ? Il s'agit là d'une décision politique.

France Télévisions appartient à ce club fermé des chaînes de télévision qui peuvent assurer une couverture satisfaisante des événements intervenus à l'étranger grâce à son réseau de correspondants et à ses capacités de déploiement rapide. De plus, la diffusion d'une chaîne d'information francophone contribuerait à affermir la position de ses journalistes dans les zones où ils ont à travailler. Il y va du rayonnement de la langue française. Par ailleurs, participer à la création d'une chaîne d'information internationale serait l'occasion pour France Télévisions, qui est le deuxième employeur de journalistes en France après l'AFP, de réorganiser et de remotiver ses rédactions.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis des crédits de la communication, a posé des questions sur :

- les contrats d'animateurs-producteurs à France Télévisions, leur nombre, leur part dans le budget de programme et leurs perspectives d'évolution ;

- l'état des discussions de France 5 avec l'Education nationale et le Centre national de documentation pédagogique (CNDP) concernant la création d'une plateforme éducative et d'une « Web-TV » ;

- les risques de remise en cause du projet numérique de France Télévisions, la réduction du nombre de nouvelles chaînes créées dans la perspective de la future télévision numérique de terre étant susceptible de remettre en cause à la fois l'attractivité globale du projet et les perspectives de réorganisation et de modernisation du groupe.

S'agissant des animateurs-producteurs, M. Marc Tessier, président de France Télévisions, a rappelé que leurs contrats étaient préalablement soumis au conseil d'administration. Ces contrats représentent respectivement 4,8 % du coût de grille pour France 2, 2,2 % pour France 3 et 2,9 % pour France 5 : ces pourcentages n'augmenteront pas. En ce qui concerne le contenu de ces contrats, il faut souligner qu'ils ne sont plus nécessairement pluriannuels et qu'ils contiennent une clause d'audience. En outre, il n'y a plus d'avances sur chiffre d'affaires comme cela a pu se faire dans le passé. D'après les informations dont dispose France Télévisions, des concurrents ont tenté de proposer aux animateurs-producteurs des garanties de chiffre d'affaires global. France Télévisions, à l'inverse, continue à raisonner en terme de devis.

M. Jean-Pierre Cottet, directeur général de France 5, a rappelé qu'à son arrivée à France 5, il y a deux ans, l'inadaptation de la Banque de programmes et de services (BPS) et du système de numérisation et de livraison d'images en direction du monde enseignant était patente. La mise au point d'un système passant par internet a donc été décidée.

Un tel système ne peut se développer sans une relation avec le ministère de l'Education nationale et le monde enseignant. Les discussions commencées il y a un an ont abouti en août dernier à une déclaration de M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, annonçant le rapprochement du CNDP et de France 5 pour la création d'une télévision de flux à la demande sur les réseaux internet en direction du monde enseignant et des élèves. Ce dispositif permettra la distribution d'images télévisuelles accompagnées de fiches pédagogiques. Un rapport sur ce sujet doit être remis à la fin du mois de septembre au ministre. Il comportera une fiche technique présentant le cadrage financier en partenariat avec les collectivités locales, le système adopté pour la numérisation et la diffusion ainsi que les premiers éléments du catalogue.

M. Rémy Pflimlin, directeur général de France 3, a précisé que France 3 dispose d'un secteur de production qui emploie 400 personnes et dépense 70 millions d'euros. Il réunit trois types d'activités : la fabrication de fictions, la post-production documentaire et la vidéo mobile avec notamment des cars « lourds » pouvant constituer des plateaux et couvrir des évènements importants, sportifs par exemple. Le secteur connaît un déficit de 1,5 million d'euros qui provient de la vidéo mobile. Plusieurs raisons expliquent ce déficit : une concurrence très forte du secteur privé, qui pratique des prix très bas, une flotte de cars-vidéo trop peu diversifiée et une réelle difficulté à définir un plan de charge en raison des évolutions constantes de la grille de programme.

Pour France 3, le retour à l'équilibre du secteur de la production est une nécessité car un tel déficit ampute d'autant les moyens disponibles pour développer les programmes. Un plan de restructuration de la filière a donc été établi. L'activité de vidéo mobile continuera à être assurée en interne par des équipes de France 3 mais son implantation sera limitée aux six grandes villes de France (Lille, Strasbourg, Lyon, Marseille, Toulouse, Rennes) où elle existe actuellement. L'objectif étant de rester présent sur l'ensemble du territoire tout en pouvant s'adapter aux spécificités de la demande, la flotte des cars-vidéo a été modifiée en diversifiant la taille des cars. Le problème est que chaque station régionale veut posséder le plus gros car, alors même que son activité ne le justifie pas.

M. Christian Kert a indiqué que l'on fait souvent à la télévision publique le reproche de ne pas remplir sa mission de service public. De fait, cette notion est difficile à cerner et mériterait que les sociétés de l'audiovisuel public et le Parlement se rapprochent pour travailler, de concert, à cette définition.

Par ailleurs, il serait intéressant de savoir si la non augmentation de la redevance en 2003, récemment annoncée par le Premier ministre, aura des conséquences sur la réalisation des objectifs fixés dans le contrat d'objectif et de moyens.

Tout en se réjouissant du bilan positif présenté par le président de France Télévisions, M. Michel Herbillon a souhaité qu'il s'exprime également sur les difficultés et les zones d'ombre de sa société comme par exemple le financement du cinéma, actuellement menacé par les graves difficultés rencontrées par Canal + et Vivendi Universal, ou encore le rôle culturel du service public de la télévision. A ce sujet, le rapport sur le contrat d'objectifs et de moyens précise simplement que 58 % des programmes sont consacrés à des émissions « culturelles, de découverte ou de décryptage ». Des précisions seraient les bienvenues car, de fait, lorsqu'on les interroge, les Français estiment que la place faite à la culture sur la télévision publique est insuffisante.

Par ailleurs, après la décision ministérielle de ne pas augmenter le taux d'imposition de la redevance et l'annonce d'une augmentation moyenne de 2 % des ressources publiques, il serait intéressant de connaître sa répartition entre les chaînes de France Télévisions. Des rumeurs inquiétantes ont également couru sur un relèvement du quota horaire de publicité autorisé sur les chaînes publiques : cette possibilité est-elle réellement envisagée à France Télévisions ?

Après avoir regretté que les pays de la Loire ne disposent pas d'une direction régionale et dépendent de celle de la Bretagne, basée à Rennes, M. Edouard Landrain s'est inquiété de la façon dont France Télévisions traite certains sports. Le fait que France 2 et France 3 concentrent 51 % du temps total passé par les téléspectateurs devant des retransmissions sportives masque la faible retransmission des disciplines mineures. En effet, les conditions financières faites par les chaînes du service public à ces disciplines sont drastiques. Quels seront les moyens mis en _uvre pour changer ces conditions ?

M. Lionnel Luca a salué la qualité du document présenté par France Télévisions. Cependant, un document complémentaire, précisant les effectifs globaux et la ventilation des personnels par chaîne, la situation de ces personnels, la masse salariale et la moyenne des salaires serait le bienvenu.

Il a ensuite formulé les observations suivantes :

- Pour ce qui concerne l'objectif de diversification des programmes, les chiffres présentés sont encore trop globaux. De plus, aucune précision n'est donnée sur les heures de diffusion alors que bien souvent les émissions culturelles font l'objet d'une diffusion trop tardive. L'accès du grand public à la culture n'est donc pas assuré.

- La façon dont les chaînes de télévision informent les téléspectateurs sur la politique et le Parlement n'est pas satisfaisante. En effet, on ne saurait réduire l'activité parlementaire aux séances de questions au Gouvernement. La diffusion de ce seul aspect du travail parlementaire favorise un certain poujadisme. Les chaînes devraient montrer les parlementaires en train de travailler à l'élaboration de la loi et de participer à la vie du pays. Cela relève expressément des missions du service public.

- Pour ce qui concerne la violence à la télévision, celle-ci continue d'être présente aux heures de grande écoute. Cet état de fait ne peut que banaliser la violence voire faire son apologie. Par ailleurs, la nouvelle signalétique mise en _uvre par l'ensemble des chaînes n'est pas satisfaisante car elle pêche par manque de clarté. Le carré blanc avait au moins, en son temps, le mérite de la simplicité.

Le président Jean-Michel Dubernard a appuyé la suggestion d'enrichir le rapport annuel de France Télévisions et d'approfondir ainsi l'information du Parlement, comme cela a été le cas avec la Cour des comptes pour le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

Concernant les demandes d'informations relatives aux effectifs et aux dépenses de fonctionnement du groupe, M. Marc Tessier, président de France Télévisions, a indiqué que ces questions relèvent du débat budgétaire et que les informations figurent dans les réponses aux questionnaires budgétaires élaborés par les rapporteurs des crédits de la communication.

M. René Couanau a demandé si le produit de la redevance faisait l'objet d'une affectation à des dépenses précises et si le développement futur de France Télévisions serait financé par une hausse des recettes propres ou par des ressources publiques. En cas de recours à des partenaires privés, les données du contrat d'objectif seront-elles modifiées ? Enfin, où en est la mise en place de l'audit externe annoncé ?

Estimant que les conditions d'accès aux chaînes publiques des personnes sourdes et malentendantes n'étaient pas pleinement satisfaisantes, M. Dominique Richard a souhaité savoir quelles améliorations étaient envisagées dans ce domaine.

M. Edouard Landrain a demandé quels étaient les moyens mis en _uvre pour éviter la concurrence entre les offres de programme des différentes chaînes du groupe.

En réponse aux différents orateurs, M. Marc Tessier a donné les informations suivantes :

- La notion de service public est complexe : pour la préciser, les cahiers des missions et des charges accumulent des exigences parfois difficiles à concilier et à intégrer dans les programmes. Il faut donc arbitrer entre toutes ces priorités tout en présentant des programmes acceptables par le téléspectateur.

- Il est également difficile de cerner strictement ce qui relève du « divertissement », beaucoup de sujets pouvant être traités sur ce mode. Quant aux émissions culturelles, pourquoi ne considère-t-on pas que la diffusion de films entre dans la programmation culturelle, alors que le cinéma est reconnu comme un pilier de la culture française ? Pour juger une grille et fixer des objectifs, il serait préférable de s'intéresser au contenu des émissions et à l'approche des sujets plutôt que de faire une stricte comptabilité par genre.

- Si le service public n'a pas d'objectif commercial, il a néanmoins des contraintes d'optimisation des programmes, notamment pour les chaînes qui se financent partiellement par la publicité. On ne peut pas fixer les mêmes objectifs aux trois chaînes publiques et il faut faire une programmation cohérente en essayant de répartir les genres entre elles trois.

- Un service de coordination des programmes examine les grilles de chaque chaîne afin de concilier le respect des lignes éditoriales et la cohérence globale des programmes du groupe.

- Le cinéma n'est pas vraiment une zone d'ombre dans l'activité de France Télévisions, mais plutôt une préoccupation. Le groupe a une politique d'achat qui favorise la diversité de la création, ce qui peut parfois la rendre moins compétitive que d'autres chaînes en matière d'audience en première partie de soirée.

- Les moyens budgétaires alloués n'étant pas extensibles à l'infini, la conciliation entre les différentes missions n'est pas toujours possible. Ainsi, sur France 2, la priorité donnée à l'information s'est faite, ces dernières années, au détriment de l'achat de programmes. Il en a été de même pour France 3 en raison de l'importance accordée à la régionalisation.

- Il est toujours difficile de caractériser le contenu « culturel » d'un programme. Le téléfilm sur Napoléon que France 2 va prochainement diffuser a, par exemple, un intérêt culturel évident. La France est un des rares pays à posséder des chaînes de télévision qui programment encore des émissions culturelles. France Télévisions a ainsi créé plus de dix émissions nouvelles en deux ans.

M. Michel Herbillon a fait observer que Bernard Pivot et Jacques Chancel ont prouvé que l'on pouvait faire des émissions culturelles à fort taux d'audience. Il a souhaité qu'une nouvelle rencontre ait lieu avec le président de France Télévisions et les directeurs de chaînes sur des problèmes spécifiques tels que la programmation culturelle ou la violence.

Concernant la redevance, M. Marc Tessier, président de France Télévisions, a indiqué que la répartition de la ressource entre les différents organismes de l'audiovisuel public sera annoncée la semaine prochaine. Si France Télévisions bénéficiait d'une hausse de 2 % de la redevance affectée - ce qui correspondrait à l'augmentation attendue en moyenne pour cette ressource en 2003 - le groupe pourrait financer un accroissement de 3 % de son budget de programme. La totalité de l'augmentation de la ressource publique sera donc consacrée à la grille, les autres postes du budget étant stabilisés ou en réduction en application du plan d'économies.

- En ce qui concerne la télévision numérique terrestre, il faut avoir conscience que la réduction du nombre de chaînes publiques diffusées risque, dans un contexte où les opérateurs privés historiques sont, soit réticents (comme TF1 et M6), soit en difficulté (comme Canal +), de condamner le projet à l'échec.

- S'agissant de la publicité, le Gouvernement a décidé le maintien de la situation actuelle et refusé de relever le plafond de huit minutes par heure ou encore d'autoriser la coupure des programmes.

- La loi et le contrat d'objectifs et de moyens précisent clairement que la redevance ne peut financer que des chaînes remplissant des missions de service public. Toutes les activités de diversification à vocation commerciale (comme les chaînes thématiques actuellement diffusées sur le câble et le satellite) sont donc autofinancées par le groupe, qui s'allie la plupart du temps à des partenaires privés pour les développer.

- Pour ce qui est des retransmissions sportives, la télévision publique ne peut financer toutes les fédérations sportives ! Elle produit et diffuse un maximum de manifestations mais elle ne peut se permettre de payer des droits à des fédérations lorsqu'elle est le seul diffuseur à accepter de prendre en charge la retransmission, par exemple, de l'aviron ou du prochain championnat du monde d'athlétisme.

Le président Jean-Michel Dubernard a demandé aux commissaires intéressés de lui adresser leurs suggestions sur l'amélioration du contenu du rapport annuel d'exécution du contrat d'objectifs et de moyens, en vue de l'organisation d'autres rencontres avec l'équipe dirigeante de France Télévisions.


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