COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 14

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 18 septembre 2002
(Séance de 16 heures 30)

18/09/02

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition, en présence de la presse, de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

Le président Jean-Michel Dubernard a estimé que le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi constitue un texte majeur de la présente législature. Très attendu, ce projet sera discuté au Parlement dès l'ouverture de la session en octobre. Il traduit la volonté du Gouvernement d'assouplir les dispositions les plus rigides de la loi du 19 janvier 2000, comme cela avait été promis par le Président de la République, et de sortir de l'imbroglio créé par la multiplicité des salaires minima tout en influant positivement sur l'emploi.

En ce qui concerne le salaire minimum de croissance (SMIC), le Gouvernement propose un scénario efficace et rapide tendant à mettre un terme à une situation devenue ingérable, à la fois excessivement complexe - on dénombre pas moins de cinq niveaux de garanties mensuelles de rémunération - et génératrice d'inégalités entre les salariés. Il y a, par exemple, une différence de près de 54 euros par mois entre la garantie de rémunération accordée aux salariés passés aux trente-cinq heures avant le 30 juin 1999 et celle accordée aux salariés qui y sont passés depuis le 1er juillet 2002.

Le Gouvernement a décidé de prendre à bras le corps ce problème et on ne peut que se féliciter de la solution retenue : le pouvoir d'achat des salariés ayant les plus bas salaires sera préservé et, à l'horizon du 1er juillet 2005, les garanties de rémunération auront disparu. Les acteurs sociaux, notamment les employeurs, n'auront plus qu'un seul SMIC à gérer. Celui-ci retrouvera ainsi son rôle de référent salarial, ce qui va dans le sens de la lisibilité et de la simplification.

Le projet de loi n'a pas pour seul objet l'harmonisation des salaires minima, il met aussi en place les outils qui vont permettre aux entreprises comme aux salariés de sortir du carcan imposé par la loi du 19 janvier 2000. Il était impératif en effet de réaménager les trente-cinq heures sur un certain nombre de points et plus particulièrement le régime des heures supplémentaires et le contingent annuel de ces heures. Les partenaires sociaux sont d'ailleurs demandeurs de plus grandes responsabilités en la matière. Dans le cadre du dialogue social renforcé, ils doivent jouer un rôle croissant dans les relations du travail et ce projet leur offre de nouveaux champs de négociation.

En définitive, le présent projet de loi ne remet pas en cause la durée légale hebdomadaire du travail, qui reste fixée à trente-cinq heures, mais chacun aura désormais la liberté de travailler plus et de gagner davantage.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi est inspiré par une idée dynamique du progrès économique, indissociable de celui de la justice sociale. Dans un monde ouvert compétitif, l'efficacité et la solidarité doivent être réconciliées et mises au service de la relance de la croissance. Depuis près de deux ans, cette croissance s'est tarie, et le chômage n'a cessé d'augmenter depuis un an. Certes, la morosité de la conjoncture internationale y est pour beaucoup, mais il existe aussi dans notre pays des blocages qui expliquent les difficultés rencontrées.

Trois facteurs sont à la source du malaise économique et social français :

- d'abord, l'absence d'un dialogue social riche et constructif irriguant une société participative et confiante. Les récentes élections ont révélé l'état de doute et de crispation du corps social ;

- ensuite, la rigidité de notre organisation du travail symbolisée par l'instauration dogmatique des trente-cinq heures, dont les conséquences sont autant économiques que culturelles avec la dépréciation de la valeur du travail ;

- enfin, la stagnation des bas salaires, qui, pour les Français les plus modestes, s'apparente à une véritable panne de l'ascenseur social. Cette stagnation s'est aggravée sous les effets des deux lois relatives à la réduction du temps de travail de juin 1998 et janvier 2000 qui ont introduit, avec la multiplication des SMIC, une nouvelle injustice sociale. En valeur absolue, les salariés modestes ont perdu entre un et deux points de pouvoir d'achat depuis trois ans, quand les cadres dirigeants voyaient le leur croître.

Ces trois facteurs pèsent sur l'emploi : la France se situe au treizième rang en Europe en matière de chômage, en dépit des trente-cinq heures et du recours massif aux emplois aidés dans le secteur public. Le Gouvernement a choisi d'agir dans un même élan sur ces trois points : harmonisation rapide et ambitieuse des SMIC, assouplissement des trente-cinq heures, amplification de la baisse des charges en vue d'une maîtrise du coût du travail. Annoncé en juillet dernier, ce programme volontariste est proposé à présent au Parlement. Il s'inscrit dans le cadre d'une politique globale mise au service de la croissance et de l'emploi. Le Gouvernement souhaite ainsi :

- dynamiser le marché du travail en offrant davantage de libertés aux entreprises et aux salariés ;

- favoriser l'insertion du plus grand nombre possible de personnes dans le monde du travail, notamment celle des jeunes grâce au nouveau contrat qui leur est proposé dans le secteur privé ;

- encourager l'initiative et l'effort en réduisant le poids de la fiscalité sur les ménages, en augmentant les plus bas salaires à travers l'aménagement de la prime pour l'emploi et l'unification des SMIC par le haut, ce qui contribue à alimenter le moteur de la consommation ;

- moderniser les pratiques avec le renforcement de la démocratie locale et de la démocratie sociale.

Le présent projet a été élaboré en concertation avec les partenaires sociaux, conformément à l'engagement du Président de la République et du Premier ministre de renouer avec la pratique du dialogue social. La Commission nationale de la négociation collective a également été consultée, notamment sur la question de la sortie des « multismic », ainsi que les conseils d'administration des caisses nationales de sécurité sociale pour ce qui relève du nouveau dispositif d'allégement de cotisations sociales patronales. Plusieurs observations et préoccupations formulées par les partenaires sociaux ont été prises en compte. Au-delà des discours souvent assez convenus, la majorité d'entre eux ont pointé les insuffisances de la réforme des trente-cinq heures et l'inéquité des multismic.

Le projet de loi est équilibré car il respecte les intérêts des entreprises et ceux des salariés : il est conforme à l'intérêt national. Sa philosophie, contrairement à celle prévalant par le passé, est de mettre les partenaires sociaux en situation de responsabilité. C'était d'ailleurs déjà le cas avec la loi relative à l'emploi des jeunes en entreprise qui offre des espaces de négociations aux partenaires sociaux.

La France d'aujourd'hui ne peut plus être gouvernée comme celle d'hier, c'est-à-dire par le haut, de façon uniforme et sans considération pour la complexité des situations économiques et sociales. Avec ce projet, chacun des partenaires sociaux comprend qu'il lui faudra maintenant assumer ses responsabilités, en particulier sur les points sensibles que sont les contingents d'heures supplémentaires, leur rémunération et les règles de gestion du compte épargne temps. D'autres ajustements seront également à définir par voie d'accord, en particulier en ce qui concerne le régime des cadres. Cette approche préfigure une démocratie sociale vivante et constructive et respecte la diversité des besoins exprimés sur le terrain.

- En assouplissant les trente-cinq heures, le texte permet d'introduire du pragmatisme dans l'application d'une loi dogmatique et à l'évidence trop rigide. Cette rigidité a d'ailleurs entraîné dans certains secteurs d'activité - faute de marges de man_uvre - une flexibilité mal vécue par les salariés et une stagnation des salaires.

En cinq ans, la réduction massive du temps de travail a permis de créer ou de préserver seulement 300 000 emplois - d'ailleurs largement imputables aux allégements de charges qui les accompagnaient - quand au même moment la croissance en créait près de 1,4 million. Les trente-cinq heures uniformes et imposées se sont donc avérées être moins le levier structurel du plein emploi que le symbole d'un certain malthusianisme. Néanmoins les trente-cinq heures font désormais partie du paysage et il s'agit de faire avec ou plutôt de faire mieux avec.

Le point essentiel de la réforme s'articule autour du régime des heures supplémentaires, dont dépendent en réalité tant le rythme de travail des salariés que l'organisation du travail au sein des entreprises. Il s'agit du c_ur du dispositif sur l'aménagement du temps de travail. Le système actuel se caractérise par sa complexité, puisqu'il faut distinguer entre le contingent dont le dépassement est subordonné à l'autorisation de l'inspecteur du travail et le contingent dont le dépassement implique l'octroi du repos compensateur. L'un peut être négocié par les partenaires sociaux tandis que l'autre est fixé unilatéralement par l'Etat par voie de décret. A cela s'ajoute un régime complexe définissant les conditions de rémunération des heures supplémentaires.

La réforme proposée se caractérise par trois principes : la simplicité, la souplesse et la volonté de s'adapter à la situation de chaque branche ou entreprise, le maintien des équilibres essentiels par l'Etat.

La volonté d'uniformiser les contingents annuels d'heures supplémentaires va dans le sens de la simplicité. Il existera désormais un contingent unique déterminant tant l'autorisation administrative que le déclenchement du repos compensateur. Ce souci de simplicité ne doit toutefois pas conduire à méconnaître la situation spécifique des petites entreprises, qui font l'objet de dispositions particulières en matière de majoration des heures supplémentaires et de repos compensateur obligatoire. En ce qui concerne les entreprises de moins de vingt salariés, à défaut d'accord de branche, le taux actuel de 10 % pour les quatre premières heures supplémentaires sera ainsi maintenu jusqu'au 31 décembre 2005.

Le choix de la souplesse et de l'empirisme se traduit par le renvoi aux partenaires sociaux du soin de fixer le niveau du contingent des heures supplémentaires et les conditions de leur rémunération. Cette disposition essentielle du projet de loi va au-delà de la seule question des trente-cinq heures : elle marque la volonté du Gouvernement de rééquilibrer la place de la norme conventionnelle par rapport aux dispositions législatives et réglementaires.

Toutefois, cette orientation nouvelle ne se traduit pas par un désengagement de l'Etat. S'agissant d'une question aussi essentielle pour les salariés que celle de la rémunération des heures supplémentaires, la loi fixe les modalités de l'accord qui déterminera le régime de ces heures en exigeant un accord de branche étendu. La loi fixe par ailleurs une règle minimale, en dessous de laquelle les partenaires sociaux ne sauraient valablement aller, en prévoyant que le taux de majoration ne peut être inférieur à 10 %.

Enfin, tant pour la fixation du niveau du contingent que pour les conditions de rémunération des heures supplémentaires, l'Etat fixe la règle supplétive qui s'applique en l'absence d'accord. Un décret fixera donc, à défaut d'accord, le niveau du contingent à 180 heures. Le renvoi à la négociation prévu par la loi n'aurait guère de sens si, parallèlement, l'Etat fixait de manière définitive le niveau supplétif du contingent : ce serait perçu comme une forme déguisée d'intervention de l'Etat sur les discussions futures et le résultat des négociations. Le décret sera pris rapidement mais sera réexaminé dans dix-huit mois au vu du contenu des négociations et des pratiques. A cette échéance, le Gouvernement prendra définitivement position sur le niveau optimal du contingent devant s'appliquer en l'absence d'accord. Conformément au souhait du Premier ministre, il le fera après avis de la Commission nationale de la négociation collective et du Conseil économique et social.

Cette exigence de simplicité et de souplesse inspire également les autres dispositions plus techniques du projet. C'est ainsi que les durées horaires annuelles de travail seront calculées, comme le prévoient déjà de nombreuses conventions, sur la base d'un niveau forfaitaire annuel de 1 600 heures, et cela indépendamment des particularités propres à chaque année en ce qui concerne les jours fériés. Le seuil de dix salariés applicable en matière de repos compensateur sera porté à vingt salariés, ce qui constitue une mesure de simplification pour les entreprises mais surtout de cohérence par rapport au seuil qui avait été choisi en 2000.

Le souci de souplesse inspire également les dispositions relatives au compte épargne temps : les partenaires sociaux pourront désormais prévoir que les éléments du compte seront valorisés en argent et non pas obligatoirement en temps. Enfin, une plus grande latitude sera accordée aux partenaires sociaux dans la définition des différentes catégories de cadres.

La réforme ainsi proposée s'inspire assez largement des accords conclus dans les branches et les entreprises entre 1998 et 2000, accords dont le gouvernement précédent n'avait pas voulu tenir compte, estimant sans doute être plus qualifié en la matière que les acteurs sociaux.

Le présent projet se veut avant tout pragmatique. L'adaptation des trente-cinq heures n'est pas un retour à une situation passée, mais une avancée résultant de l'amélioration d'un dispositif qui ne satisfaisait véritablement ni les partenaires sociaux, ni même les responsables de l'actuelle opposition qui à l'issue des récentes consultations électorales nationales n'ont pas eu de mots assez durs pour fustiger les effets politiques et psychologiques des trente-cinq heures. La durée légale des trente-cinq heures est donc maintenue mais est organisée selon un mode permettant aux acteurs sociaux de l'aménager et finalement de se l'approprier.

- Le projet de loi va également permettre d'engager la convergence des SMIC.

Le SMIC est plus qu'une variable technique : avec six salaires minima différents ce symbole a été brouillé et il ne joue plus son rôle de référent économique et social dans le monde du travail. Le SMIC, qui concerne plus de deux millions de salariés, détermine le minimum horaire auquel doit correspondre la rémunération de tout salarié et constitue une valeur cardinale dans la fixation et l'évolution des basses rémunérations.

Le principe posé par l'article 32 de la loi du 19 janvier 2000 était, en apparence, simple : faire en sorte que, pour les salaires les plus bas, le passage aux trente-cinq heures ne se traduise pas par une réduction de rémunération. De même, le principe de la convergence entre la garantie mensuelle et le SMIC ne semblait pas poser de difficultés particulières. La réalité, maintes fois et unanimement dénoncée, est une multiplication des valeurs de référence et une complexité inextricable tant pour les salariés que pour les employeurs, complexité d'autant moins acceptable qu'elle ne permet pas d'atteindre les objectifs poursuivis par la loi du 19 janvier 2000.

En effet, le dispositif actuel ne permet pas d'obtenir la convergence à terme du SMIC et de la garantie minimale car toute augmentation du SMIC entraîne la création d'une nouvelle garantie, ce qui ne fait que repousser d'année en année la convergence. Le dispositif en vigueur ne permet pas davantage d'assurer la justice sociale, puisqu'il conduit au contraire à créer des disparités entre les salariés selon que leur entreprise est ou non passée aux trente-cinq heures ou selon la date du passage à un horaire collectif de trente-cinq heures.

Sur la base de ce constat, le Premier ministre a dès son entrée en fonction décidé de saisir de cette question le Conseil économique et social. A partir des travaux et des différents scénarios envisagés par le conseil, le Gouvernement a tranché : il propose de sortir rapidement et par le haut de la situation confuse et injuste des multismic. Le mécanisme de convergence, dont le terme est fixé au 1er juillet 2005, aura pour effet une augmentation du SMIC horaire de 11,4 % en termes réels au cours des trois prochaines années. Globalement, les deux tiers des salariés rémunérés par référence à l'un des SMIC verront leur pouvoir d'achat progresser de façon significative.

La restauration de l'unité du SMIC passe par un mécanisme volontaire de convergence. Le cycle de création, chaque année, de nouvelles garanties mensuelles est stoppé ; la dernière et cinquième garantie a été fixée à juillet 2002. A partir de là un double mouvement de convergence sera opéré dont le point final est fixé au 1er juillet 2005. Pendant les trois années précédant cette date, le premier mouvement de convergence concernera les garanties mensuelles qui, tout en augmentant en fonction de l'évolution de l'indice des prix, feront chaque année l'objet d'une revalorisation, afin de permettre leur alignement à la date fixée sur la garantie mensuelle la plus haute, c'est-à-dire celle de juillet 2002. S'agissant de cette dernière garantie, son pouvoir d'achat sera préservé, dans la mesure où, comme les autres garanties, elle évoluera chaque année pendant cette période de trois ans en fonction de l'indice des prix.

Le second mouvement de convergence concernera le rapport entre les garanties mensuelles et le SMIC puisque celui-ci, par rattrapages successifs incluant tant l'évolution des prix que les « coups de pouce » nécessaires, rejoindra par paliers le différentiel de 11,4 % qui le sépare, en valeur réelle, de la dernière garantie mensuelle. Cette dernière convergence implique que les règles de calcul du SMIC soient modifiées mais cette dérogation ne sera que temporaire et exclusivement justifiée par les besoins de l'opération. Il y sera mis fin à l'issue de la convergence pour revenir aux règles habituelles.

- L'efficacité économique comme la justice sociale militent pour ce choix rapide et ambitieux. Mais l'effort ainsi consenti n'est pas neutre d'un point de vue macroéconomique et l'Etat, par la voie des allégements de charges, en supportera la plus grande part. Le nouveau dispositif, qui montera en puissance au même rythme que la convergence des salaires minima, garantira une large compensation au niveau du SMIC mais surtout un allégement net du coût du travail pour les salaires au-dessus du SMIC jusqu'au niveau moyen de salaire des Français.

Le Gouvernement envisage de simplifier les mécanismes actuels d'allégement en unifiant la ristourne sur les bas salaires créée en 1995 et les diverses dispositions mises en _uvre par la loi du 19 janvier 2000. Ce nouveau dispositif d'allégement se mettra en place à partir du 1er juillet 2003 et s'appliquera à toutes les entreprises, indépendamment de leur durée collective de travail.

Les allégements de charges, qui augmenteront de 6 milliards d'euros d'ici 2006 et seront compensés aux régimes de sécurité sociale, seront fortement concentrés sur les salaires modestes et moyens. Ils se traduiront par une diminution nette du coût du travail, allant jusqu'à plus de 5 % pour des salaires moyens dans neuf entreprises sur dix, la plupart étant des PME.

Cette politique favorable aux bas salaires jointe aux allégements de charges permet au Gouvernement de servir à la fois la feuille de paie et l'emploi. Elle participe d'une politique économique de soutien à la demande intérieure, nécessaire dans une période où la conjoncture est hésitante. Ainsi, grâce à ce projet volontariste et équilibré, le Gouvernement reste fidèle aux engagements du Président de la République et agit de façon rapide et concertée. Le curseur entre l'efficacité économique et la justice sociale est correctement placé, tandis que sont élargis les espaces de négociation pour les partenaires sociaux.

Après avoir salué la présentation par le ministre d'un texte complet et ambitieux, M. Pierre Morange, rapporteur, a jugé que le projet de loi manifestait la volonté de concilier l'efficacité économique et la solidarité sociale. Ce texte intervient alors que la conjoncture actuelle demeure relativement incertaine, la France se plaçant au treizième rang des pays européens en matière de lutte contre le chômage. Il permet de revenir sur un dispositif idéologique, qui présente en outre l'inconvénient d'avoir favorisé la stagnation du pouvoir d'achat et mis à mal la valeur de référent salarial attaché au taux horaire du SMIC.

Le projet de loi poursuit trois objectifs majeurs : harmoniser les salaires minima, mettre en place les nécessaires aménagements de la réforme des trente-cinq heures et instaurer un nouveau système d'allégements des charges sociales patronales. Il faut se réjouir que la priorité soit donnée à la négociation collective ; les partenaires sociaux pourront ainsi se saisir de nouveaux champs de négociation. Mais le mérite essentiel du texte est d'opérer les simplifications qui s'imposent dans le dispositif issu de la loi du 19 janvier 2000.

Enfin, le rapporteur s'est interrogé sur les conditions d'une harmonisation rapide entre les très nombreux dispositifs d'allégements de cotisations sociales patronales coexistant aujourd'hui et s'est enquis de la situation qui prévaudra dans les zones franches urbaines à la suite de l'adoption de ce texte

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué qu'une vaste réflexion était engagée et que le présent projet permettrait déjà de réduire le nombre des dispositifs d'allégements et d'exonérations existant. S'agissant des aides pouvant être accordées dans les zones franches sous forme d'exonérations de charges, des discussions sont actuellement en cours avec la Commission européenne. Ce n'est qu'au terme de ces pourparlers, qui risquent d'être longs, que le Gouvernement sera en mesure d'annoncer les mesures qu'il entend prendre.

M. Gaétan Gorce a estimé que le ministre était à la fois le Dr Jekyll et le Mr Hyde des trente-cinq heures. Le docteur Jekyll annonce que les trente-cinq heures font désormais partie du paysage français, qu'elles ne comportent pas que des défauts et ont pu dans certaines limites s'avérer créatrices d'emploi. Dans le même temps, Mr Hyde démantèle l'ossature du dispositif en élargissant le contingent des heures supplémentaires et en ôtant tout intérêt à la négociation pour les partenaires sociaux dans la mesure où les allégements de cotisations seront désormais déconnectés de la réduction du temps de travail. Le ministre semble, par ailleurs, engagé dans une course de vitesse puisqu'il envisage de supprimer en quelques mois un dispositif de réduction du temps de travail dont la mise en place complète a nécessité cinq années et fait l'objet de concertations nourries avec les partenaires sociaux.

M. Gaétan Gorce a ensuite fait les observations suivantes :

- Quels seront les effets du dispositif en termes de création d'emplois ? Quels résultats concrets le Gouvernement escompte-t-il en ce domaine ?

- Les entreprises ayant déjà mis en place la réduction du temps de travail bénéficieront-elles avec le nouveau dispositif des mêmes avantages que ceux dont elles jouissent aujourd'hui ?

- Les allégements de cotisations sociales patronales, désormais déconnectés de la durée du temps de travail, seront-ils proportionnels à cette durée ? Y aura-t-il de fait une prime pour l'entreprise employant des salariés à temps partiels, comme cela a pu se produire dans le passé ?

- S'agissant du régime des heures supplémentaires, le dispositif retenu n'ayant pas été réellement présenté aux partenaires sociaux avant le dépôt du projet de loi, ceux-ci n'ont pas été complètement informés des dispositions relatives au repos compensateur obligatoire ou à la majoration des heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés. Or les nouvelles règles figurant dans le projet modifient très largement le droit existant.

- On peut s'interroger sur la nature du décret provisoire relatif au contingent annuel des heures supplémentaires alors que les négociations de branche sur cette question n'ont pas encore eu lieu. D'ailleurs, on ne saurait occulter la probabilité que ces négociations n'aboutissent pas ; les organisations syndicales ont d'ores et déjà indiqué qu'elles ne voyaient guère d'intérêt pour le moment à entamer des négociations sur ce sujet.

- Même si la référence à la durée légale de trente-cinq heures n'est pas remise en cause par le projet de loi, la position du ministre et celle du Premier ministre semblent divergentes quant à la portée réelle de ce texte : aménage-t-il ou anéantit-il la réforme des trente-cinq heures ? Concrètement, selon quelles modalités seront rémunérées les heures supplémentaires et à partir de combien d'heures le salarié bénéficiera-t-il d'une rémunération complète ?

- Enfin, il serait souhaitable que le Gouvernement communique au Parlement, avant que le débat ne s'engage, le contenu des décrets qu'il prépare.

M. Jean-Luc Préel a exprimé sa satisfaction de constater que le Gouvernement tient ses promesses dans des délais très brefs grâce à ce texte très attendu et pragmatique, qui met notamment en place les assouplissements indispensables au bon fonctionnement des petites entreprises. Il comporte trois volets distincts. Le premier concerne l'assouplissement des trente-cinq heures ; la voie choisie, qui se caractérise par sa souplesse, semble la plus pertinente. Cependant, la question de l'application des trente-cinq heures à l'hôpital et dans les collectivités locales demeure posée. Le deuxième volet met fin à la situation absurde créée par la coexistence de six SMIC différents. L'harmonisation proposée par le texte aura pour effet d'augmenter le niveau du taux horaire du SMIC, ce qui paraît favorable pour le pouvoir d'achat des salariés concernés mais risque d'écraser la hiérarchie des salaires. Afin de compenser l'augmentation du coût du travail, un troisième volet porte sur la mise en _uvre de nouveaux allégements des charges pesant sur les entreprises car le Gouvernement a le souci de préserver leur compétitivité.

Dans ce nouveau contexte, la question du fonctionnement du FOREC se pose avec acuité. Il faut plaider pour la remise à plat complète des modes de financement de ce fonds et notamment faire en sorte que la taxe sur l'alcool et le tabac soit dorénavant dédiée exclusivement aux nécessités de la prévention sanitaire plutôt qu'au financement de la réduction du temps de travail. La Cour des comptes a relevé qu'il existait encore 12 % d'exonérations de charges datant d'avant 1994 non compensées par l'Etat. Ce dernier pourra-t-il, dans le cadre de l'harmonisation des divers dispositifs d'allégements, compenser ces exonérations et ainsi contribuer à équilibrer les comptes de la sécurité sociale ? Enfin, y a-t-il une possibilité que le salaire net diminue globalement du fait du mécanisme retenu par le projet de loi en matière d'harmonisation des SMIC ?

M. Claude Gaillard s'est réjoui de ce que le Gouvernement présente rapidement, comme annoncé lors de la campagne électorale, un texte permettant de procéder aux aménagements urgents de la réforme des trente-cinq heures, tout en s'interrogeant sur deux points :

- l'existence d'effets mécaniques de la hausse du taux horaire du SMIC en terme de destructions d'emplois ;

- la nécessité d'assouplir encore davantage les dispositions du projet de loi pour permettre aux partenaires sociaux de négocier avec plus de liberté les modalités d'application de la réduction du temps de travail aux cadres et notamment de la mise en place des conventions de forfait en nombre de jours sur l'année.

M. Maxime Gremetz a observé que si la question de l'aménagement des trente-cinq heures revêt une grande importance, elle n'est certes pas la seule qui puisse préoccuper les parlementaires ; la poursuite de la logique d'exonération de cotisations patronales est également un sujet qui mérite de faire l'objet de discussions approfondies. En effet, alors que les exonérations de charges prévues par la loi du 19 janvier 2000 se sont élevées au total à 14,4 milliards d'euros et que 300 000 emplois ont été créés, il semblerait que les entreprises aient réalisé un bénéfice net de 8,4 milliards d'euros grâce à ces exonérations.

La baisse de la durée légale du travail à trente-cinq heures a eu le mérite de saisir un mouvement historique et a permis un véritable progrès de civilisation. Toutefois, le bilan n'est pas idéal : si la première loi favorisait la négociation collective et assurait une corrélation claire entre les exonérations de charges et les créations d'emplois, la seconde loi a abouti à créer de véritables « usines à gaz ». Le projet de loi présenté aujourd'hui ne remédie aucunement à cette complexité et risque d'entraîner un réel recul du dialogue social. Comme la seconde loi relative aux trente-cinq heures, le projet de loi, en cherchant à donner satisfaction tout à la fois au MEDEF et aux organisations syndicales, va aboutir à un dispositif aussi complexe qu'inapplicable dans les faits.

En réalité, la remise en cause pure et simple des trente-cinq heures semble impossible car le Gouvernement ne saurait valablement aller à l'encontre de la jurisprudence extrêmement claire de la Cour de cassation en matière d'heures supplémentaires. La Cour a en effet confirmé, dans une décision de juin 2002, que les heures supplémentaires doivent être rémunérées comme telles dans le cadre prévu par la loi. Même si le Gouvernement décide d'élargir le contingent annuel des heures supplémentaires, toute heure travaillée au-delà de la durée légale de trente-cinq heures continuera à être considérée, et donc rémunérée, comme une heure supplémentaire.

L'adoption du projet de loi conduirait à l'abandon des objectifs de baisse du temps de travail, de création d'emplois et de maintien du pouvoir d'achat qui ont initialement motivé la réforme des trente-cinq heures. De plus, on peut se demander dans quelle mesure le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause définitivement le mode classique de revalorisation du taux horaire du SMIC, qui est en principe fonction de l'évolution des prix et de l'augmentation du pouvoir d'achat du salaire ouvrier de base. Si tel était le cas, cette démarche serait proprement inacceptable. Le Gouvernement doit donc s'attendre à ce que l'opposition mène une véritable bataille parlementaire et sociale pour combattre ce projet de loi.

En réponse aux différents intervenants, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a donné les indications suivantes :

- La bataille parlementaire évoquée par M. Maxime Gremetz fournira assurément l'occasion de clarifier nombre de questions qui sont aujourd'hui au c_ur des difficultés économiques et sociales que connaît notre pays. Cette explication paraît donc tout à fait souhaitable.

- La préparation du projet de loi s'est en partie fondée sur diverses réflexions relatives aux dysfonctionnements et aux difficultés d'application de la loi sur les trente-cinq heures, réflexions qui émanaient notamment de Claude Allègre, Jean-Pierre Chevènement, Henri Emmanuelli, Bernard Kouchner ou encore de Ségolène Royal... Plus généralement, il existe un sentiment de malaise largement partagé à propos des lois de 1998 et 2000. Les uns et les autres ont progressivement pris la mesure des terribles rigidités imposées par ces textes. En dépit d'efforts financiers considérables, la réduction du temps de travail ne concerne finalement aujourd'hui qu'un nombre limité d'entreprises et de salariés.

- Malgré les effets d'annonce récurrents du gouvernement précédent, les trente-cinq heures n'ont pas eu un effet massif sur l'emploi. Ce sont essentiellement les allégements de charges sociales patronales qui ont permis de créer les 300 000 emplois qui peuvent être attribués à la mise en place de la réduction du temps de travail. En revanche, l'instauration de nouvelles rigidités entravant le fonctionnement normal du marché du travail et la stagnation des salaires résultant pour partie de la mise en place des trente-cinq heures ont assurément eu un effet global négatif. Le présent projet, en assouplissant le régime des trente-cinq heures et en valorisant le rôle de la négociation collective, vise donc avant tout à redonner de la liberté au marché de l'emploi.

- Le décret relatif au relèvement du contingent annuel d'heures supplémentaires n'a pas encore été pris mais seulement annoncé dans la presse et présenté aux syndicats. Il est donc faux de dire que l'augmentation de ce contingent légal sera réalisée sans que les partenaires sociaux soient consultés.

- Le Gouvernement a annoncé que la priorité allait être donnée, pendant dix-huit mois, à la négociation collective, comme le souhaitent vivement les partenaires sociaux : par accord de branche, ces derniers pourront fixer de nouvelles règles en matière de contingent. De son côté, le Gouvernement mettra tout en _uvre pour que ces négociations aboutissent dans de bonnes conditions. Il ne saurait donc aujourd'hui se prononcer sur le régime applicable à l'issue du délai de dix-huit mois. En effet, le nouveau contingent qui pourrait être déterminé à la fin de cette période dépendra du résultat auxquelles les partenaires sociaux seront parvenus.

- Ceux qui reprochent au Gouvernement de ne pas avoir informé les partenaires sociaux de la totalité de ses intentions méconnaissent manifestement les mécanismes de toute concertation sociale. Le Gouvernement a présenté un certain nombre de propositions aux partenaires sociaux puis les a, logiquement, modifiées au fur et à mesure des échanges afin de tenir compte de certaines observations formulées par les différents acteurs. Par exemple, l'avant-projet de loi prévoyait à l'origine de modifier les règles relatives au travail de nuit ; à l'issue de la concertation et au vu des difficultés qu'auraient rencontrées les entreprises du spectacle ou de la restauration, le Gouvernement a jugé plus sage de retirer ces dispositions. Il en va de même pour la prolongation des dispositions de la loi du 19 janvier 2000 relatives au paiement des quatre premières heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés. Le maintien de règles spécifiques a été décidé après avoir entendu les représentants des petites et moyennes entreprises.

- Il n'est cependant pas souhaitable que les PME conservent durablement un régime différent de celui des autres entreprises. Dans quelques années, le marché du travail pourrait se retourner : nombre d'entreprises devraient alors connaître une situation inédite de compétition entre elles pour recruter leur personnel. Une différence de réglementation en matière d'heures supplémentaires par trop défavorable aux salariés nuirait alors dangereusement à l'attractivité des PME.

- En ce qui concerne la mise en place des trente-cinq heures dans la fonction publique, les mesures prises jusqu'à aujourd'hui sont clairement insuffisantes, notamment dans le secteur hospitalier. Des consultations ayant été engagées par MM. Delevoye et Mattei, il semble prématuré d'évoquer pour l'heure la nature des mesures concrètes qui devront être prises.

- Le Gouvernement s'est engagé à assurer l'équilibre du FOREC en 2003 et à compenser intégralement les exonérations de charges patronales. Les crédits nécessaires sont prévus par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. Il n'en reste pas moins que dans les années à venir, une réforme d'envergure de ce fonds devra être envisagée.

- Le projet de loi n'entraînera pas de baisse du salaire net puisque le taux horaire du SMIC sera en termes réels revalorisé de 11,4 % d'ici au 1er juillet 2005 et que les heures supplémentaires continueront de faire l'objet d'une majoration de salaire.

- Etablir un lien mécanique entre l'augmentation du SMIC et la destruction d'emplois est une vision simpliste de la réalité. Un tel lien aboutirait d'ailleurs à des pratiques salariales inacceptables. L'augmentation du SMIC renchérit certes le coût du travail et réduit la compétitivité des entreprises mais elle entraîne aussi une augmentation du pouvoir d'achat des salariés et de la demande intérieure. Tout est donc affaire de mesure pour apprécier ce qu'il est possible de faire en fonction de la situation économique. Il convient de rappeler que l'actuelle opposition a au contraire gelé le SMIC pendant trois ans et conduit une politique aboutissant à une baisse du pouvoir d'achat des salariés les plus modestes. Par ailleurs, le Gouvernement n'entend pas profiter de la mise en place du dispositif de convergence pour modifier les modalités d'indexation du SMIC et l'existence d'un salaire minimum unique : quand la convergence sera réalisée, l'engagement est pris de revenir au mode actuel de calcul du SMIC. Il n'est pas question de remettre en cause le SMIC qui constitue à la fois un symbole et une référence économique et sociale.

- Le seul critère opérationnel d'encadrement par la loi du forfait-jours pour les cadres est la référence à l'autonomie dans le travail ; il en résultera une simplification.

- La majoration transitoire de 10 % des heures supplémentaires pour les entreprises de moins de vingt salariés mise en place par la précédente majorité est prolongée car elle est indispensable à leur adaptation à la nouvelle durée légale du travail.

- S'agissant de la jurisprudence de la Cour de Cassation, on ne peut que respecter les décisions judiciaires, toutefois celles-ci trouvent leur fondement dans l'application de la loi. Aussi le dépôt d'un projet de loi peut-il avoir pour effet un changement de jurisprudence.

M. Bernard Accoyer a rappelé que la France a été le seul pays à s'engager dans la voie d'une réduction du temps de travail généralisée et obligatoire. Cette démarche est à rapprocher du recul constaté du pouvoir d'achat et des résultats décevants en matière de chômage alors que le pays connaissait une période de croissance unique. Il s'agit bien là d'un gaspillage de la croissance.

Il est donc aujourd'hui urgent d'apporter des correctifs à une loi adoptée sans concertation et qui a eu des effets délétères, tant pour les salariés que pour les entreprises : stagnation du pouvoir d'achat, multiplicité des SMIC, hausse du coût du travail. La polémique sur ses effets en matière de créations d'emplois demeurera mais les faits ont d'ores et déjà démontré que la réduction du temps de travail ne constitue pas le remède miracle contre le chômage. Elle a de surcroît encore aggravé le manque de main-d'_uvre qualifiée comme l'a démontré son application au secteur hospitalier. Mais le principal problème posé est celui de l'absence de financement. Le FOREC n'a été financé que très partiellement et grâce à des ressources « naturelles » de l'assurance-maladie, ce qui a porté un grave coup au système de protection sociale.

M. Bernard Accoyer a conclu en demandant si le coût de la vie continuerait d'être pris en compte dans la revalorisation du SMIC.

M. Dominique Richard a souligné que la réduction des charges était vitale pour la compétitivité des entreprises et pour leur permettre de supporter les effets de la convergence des SMIC. Le plafond de l'exonération fixé à 1,7 fois le SMIC n'écarte pas le problème des effets de seuil et le risque de création d'une trappe à bas salaires. On peut donc s'interroger sur l'opportunité d'une extension de l'exonération à 2,5 voire 3 SMIC.

M. Yves Bur s'est félicité de la simplicité et de l'opportunité des mesures proposées par le Gouvernement qui offriront le cadre juridique stable dont les entreprises ont besoin. La réforme envisagée maximalise les effets des allégements de charges sur les bas salaires ; elle devra être accompagnée de mesures de simplification des formalités administratives auxquelles les entreprises sont soumises. Des assurances doivent être données sur la prise en charge pérenne par l'Etat des allégements de cotisations mis en place.

La restauration d'un SMIC unifié permettra de mieux valoriser le travail ; elle accroîtra aussi le différentiel entre le SMIC et le RMI, ce qui aura un effet incitatif de retour à l'emploi sur les bénéficiaires de cette allocation.

M. Alain Néri a formulé les observations suivantes :

- Si le ministre présente sa réforme comme une simple adaptation des trente-cinq heures, le Premier ministre a, lui, annoncé que les entreprises pourraient désormais revenir aux 39 heures. L'accroissement du contingent d'heures supplémentaires de 130 à 180 revient en effet à permettre en moyenne quatre heures de travail supplémentaires par semaine, c'est-à-dire à restaurer une semaine de 39 heures. Dans le même temps, la rémunération des quatre premières heures supplémentaires avec une majoration de 10 % ne conduira qu'à une augmentation de 1 % du salaire mensuel !

- Toute contrepartie aux allégements de charges en termes d'emploi est supprimée.

- Revenir sur les trente-cinq heures ne satisfera pas les 65 % des salariés en bénéficiant qui l'apprécient positivement et générera une inégalité forte entre les Français bénéficiant de la réduction du temps de travail et ceux qui n'y auront jamais droit. Ce projet ne va donc pas dans le sens de l'équité ni de l'égalité, car il crée des différences de traitements durables entre les entreprises, au détriment notamment des PME, et entre les salariés.

- En outre, les syndicats ont dénoncé l'absence de concertation qui a présidé à l'élaboration du projet du Gouvernement, dont l'objectif prioritaire est de répondre aux souhaits du MEDEF.

Le président Jean-Michel Dubernard a fait observer que tel ne semblait pas être le sentiment du MEDEF.

Après avoir relevé la complexité du régime des allégements de charges, Mme Chantal Brunel a posé les questions suivantes :

- Les entreprises passées les premières aux trente-cinq heures seront-elles pénalisées par le nouveau dispositif de façon à ce que toutes les entreprises aient bénéficié à terme du même niveau d'aide ?

- Quelle sera la part des heures supplémentaires dans les branches où celles-ci sont rémunérées à un tarif supérieur au projet ?

- Le projet modifie-t-il les dispositions relatives au délai de prévenance ?

- Le crédit d'heures accordé aux représentants du personnel qui est toujours calculé par référence aux 39 heures sera-t-il modifié pour les entreprises passées aux trente-cinq heures ?

En réponse aux intervenants, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a apporté les précisions suivantes :

- La prise en compte du coût de la vie dans la revalorisation du SMIC et des garanties mensuelles de revenus sera maintenue, y compris pendant la période de convergence de trois ans ; l'évolution en fonction du pouvoir d'achat des salaires horaires moyens fait en revanche l'objet d'adaptations pour permettre cette convergence, d'où le choix d'une période courte de trois ans, plutôt que de cinq ans, afin d'éviter que les salariés les moins payés ne voient l'évolution de leur salaire cantonnée à la seule augmentation de l'indice des prix sur une trop longue période.

- La trappe à bas salaire est atténuée par le dispositif proposé, lequel prend en compte les salaires jusqu'à 1,7 fois le SMIC. L'idée évoquée d'un allégement de charges sur les premiers euros du salaire aurait quant à elle un coût que l'état des finances publiques ne permet pas d'assumer. Cela n'empêche pas d'ouvrir un débat sur les effets de seuil et les moyens de les lisser.

- Le principe de compensation intégrale des exonérations sera respecté. La dette du FOREC à l'égard des organismes de sécurité sociale est d'ailleurs reconnue et le présent projet ne prévoit pas de nouvelle ponction puisque la mesure sera compensée.

- Les trente-cinq heures sont maintenues en dépit des dégâts qu'elles ont causés. Toute heure travaillée au-delà de la durée légale constituera une heure supplémentaire normalement rémunérée à 125 %, sauf si la négociation en décide autrement. Il n'est pas possible de bouleverser l'environnement économique des entreprises tous les cinq ans. C'est la raison pour laquelle les accords passés ne seront pas remis en cause ; le projet ne vise qu'à permettre de nouveaux accords.

- S'agissant des entreprises de moins de vingt salariés, la majoration de 10 % mise en place par le précédent gouvernement n'a pas non plus de raison d'être remise en cause pour le moment. Pourquoi forcer ces entreprises à passer brutalement aux trente-cinq heures ?

- Le dialogue social n'est pas synonyme d'unanimité des partenaires sociaux ; il appartient aux pouvoirs publics de prendre la décision finale après avoir entendu les différentes parties.

- Le système à deux vitesses dénoncé par l'opposition résulte de l'application de la loi sur la réduction du temps de travail, qui opère une distinction entre les entreprises selon leur taille et a conduit à la création de six catégories de SMIC.

- Des études, réalisées sous la précédente majorité, ont montré que les allègements de charges sont davantage créateurs d'emploi que la réduction du temps de travail.

- Le projet ne comporte pas de dispositions sur le délai de prévenance.

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