COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 14

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 7 novembre 2002
(Séance de  9 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Georges Colombier, secrétaire

SOMMAIRE

 

pages

- Loi de finances pour 2003 :

_ Avis action sociale, lutte contre l'exclusion et ville (Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis)

2

_ Avis travail (Mme Irène Tharin, rapporteure pour avis)

9

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Christine Boutin, les crédits de l'action sociale, de la lutte contre l'exclusion et de la ville pour 2003.

Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, a estimé que dans le cadre de l'exercice du premier projet de loi de finances de la nouvelle majorité, il est remarquable que, d'une part, les crédits dévolus à la lutte contre l'exclusion et à la ville soient maintenus et, d'autre part, qu'ils rompent avec une simple logique de reconduction.

Les crédits de la ville connaissent, du fait de l'évolution de l'environnement réglementaire, une légère baisse. En revanche, les crédits consacrés à la lutte contre l'exclusion et l'intégration connaissent une hausse de 5 %.

Les crédits consacrés à la politique de la ville diminuent pour les raisons suivantes :

- la suppression du service national permet l'économie de près de 305 000 euros ;

- la sortie progressive du dispositif emploi-jeunes permet de réaliser une économie d'environ 100 millions d'euros ;

- la préférence marquée par les entreprises installées en zone de redynamisation urbaine (ZRR) pour l'allègement « Aubry II » entraîne une baisse de 8 millions d'euros ;

- la modification du dispositif « zone franche » urbaine se traduit par l'arrêt des entrées dans le régime et la sortie de nombreuses entreprises du dispositif générant ainsi une économie de 70 millions d'euros ;

- la prise en charge partielle par l'Union d'économie sociale pour le logement allège de 69 millions d'euros les subventions de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Dans le domaine de la lutte contre l'exclusion, les économies sont certes moins nombreuses mais importantes.

L'économie la plus notable résulte de la baisse du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'amorce d'une démarche de redynamisation de la partie insertion du dispositif. Ainsi, la mesure d'ajustement est de 150 millions d'euros. La seconde mesure d'économie résulte de la prise en charge des évacuations sanitaires concernant l'aide médicale par la Caisse de prévoyance sociale de Mayotte, qui se traduit par une révision des services votés de 7,5 millions d'euros.

Les moyens prévus dans le projet de budget présenté sont consacrés aux vraies priorités.

Pour ce qui concerne la politique de la ville, une mesure nouvelle de 20 millions d'euros permet de tripler le soutien aux communes en grandes difficultés engagées dans une procédure de renouvellement urbain. Les crédits d'investissements sont prioritaires avec une hausse de 30 millions d'euros des crédits de paiement du fonds interministériel pour la ville ainsi qu'une hausse de 24 millions d'euros des crédits de paiement destinés aux grands projets de ville.

Un effort général est conduit dans la lutte contre l'exclusion ; ainsi, la plupart des postes budgétaires sont en hausse, à l'exception notable du RMI pour les raisons précédemment évoquées :

- Sont ainsi prévues la consolidation des 3 000 places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile créées en 2002 (4,4 millions d'euros) et la création de 1 718 nouvelles places (15 millions d'euros). Dans le même esprit, une mesure nouvelle de 8,1 millions d'euros est destinée à améliorer la prise en charge des déboutés du droit d'asile.

- L'ajustement des moyens aux besoins dans le domaine de l'aide médicale se traduit par une mesure nouvelle de 163 millions d'euros.

- Une mesure de 5 millions d'euros permettra la mise en œuvre d'un programme de création de « pensions de famille » et de structures pour les « enfants des rues ».

- Enfin, 6,4 millions d'euros sont consacrés à la création de 500 places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale.

La rapporteure pour avis a ensuite fait part de l'état de sa réflexion sur le sujet du RMI.

Créée depuis treize ans, cette allocation constitue une avancée sociale majeure et représente un minimum vital pour les personnes en situation de grande exclusion. En revanche, dans le cadre d'une aggravation constatée de la pauvreté, l'échec de la partie insertion du dispositif est patente. Les nombreux rapports sur ce sujet montrent que le RMI se transforme trop souvent en « piège à pauvreté » et constitue un handicap pour le retour à l'emploi.

Cette contradiction a investi le débat politique comme le montre, notamment, la proposition de loi de MM. Alain Lambert et Philippe Marini déposée l'an dernier et tendant à créer un revenu minimum d'activité (RMA). Par ailleurs, une réflexion en ce sens est actuellement menée par le gouvernement.

Le RMI relève d'une démarche originale. En effet, il ne s'agit pas d'une allocation universelle : sa durée est limitée ; elle comporte des conditions d'attribution ; son montant est différentiel.

En 2000, le nombre d'allocataires avait diminué. Cela était dû au recul du chômage constaté au cours de la période 1997/2000. Cependant, les chiffres les plus récents montrent une hausse nouvelle du nombre des allocataires. Par ailleurs, cette baisse du nombre des bénéficiaires a recentré le RMI sur les publics les plus marginalisés. Ainsi, plus d'un allocataire sur deux ne sort pas du dispositif plus de trois mois tous les deux ans. Cette installation durable, volontaire ou non, dans le dispositif constitue le symptôme éloquent de l'échec du volet insertion.

En effet, en dépit de la conditionnalité établie par la loi de 1988, on assiste à un détournement de l'esprit de la loi. On constate d'ailleurs une sous-consommation des crédits dévolus au volet insertion, cela parfois dans les départements les plus frappés par la pauvreté.

Par ailleurs, nonobstant les dispositions de la loi du 1er décembre  1988, la mesure de suspension du versement de l'allocation liée à l'absence de conclusion d'un contrat d'insertion dans un délai de trois mois reste lettre morte. De fait, la situation de grande précarité des personnes concernées fait obstacle à l'application de la mesure. Enfin, la faiblesse du contenu des contrats d'insertion fait de celle-ci une simple clause formelle.

Comme l'ont montré plusieurs études, en particulier celles du Commissariat général au plan, le dispositif du RMI comporte des éléments de « désincitation » au retour à l'emploi.

A cet égard, il faut faire justice à une idée reçue : nombreux sont les RMIstes qui souhaiteraient pouvoir travailler plutôt que de percevoir cette allocation. En effet, la faiblesse du montant de l'allocation est telle que le moindre revenu supplémentaire est bienvenu. Cependant, des facteurs objectifs jouent contre le retour à l'activité :

- la nature des emplois proposés (emplois précaires, CDD ou contrats aidés, temps partiel) alors que le RMI est versé sans solution de continuité ;

- le risque de rupture du revenu en fin de contrat ;

- le faible différentiel entre le RMI et les revenus de l'activité salariée, notamment lorsque celle-ci est exercée à temps partiel, qui ne suffit pas toujours à compenser la diminution progressive de l'aide au logement ainsi que le coût supplémentaire induit par le retour à l'activité (transports, garde d'enfant).

Le rapport fait par Mme Marie-Thérèse Join-Lambert en 1998 a conduit à l'adoption de mesures de nature à rendre l'emploi plus rémunérateur. :

- en 1998, la loi relative à la lutte contre l'exclusion a étendu les possibilités de cumul du RMI avec une activité à temps partielle ;

- depuis le 15 juillet 2000, une allocation forfaitaire compensant les frais de garde (ARAF) est proposée aux mères de famille qui renouent avec l'activité ;

- la prise en compte, dans le calcul des ressources, pour l'établissement du barème des aides au logement tient désormais compte du RMI, maintenant ainsi l'aide à un niveau constant en cas de reprise d'activité ;

- l'exonération de la taxe d'habitation pour les allocataires du RMI a été prolongée.

L'ensemble de ces mesures concourent à rendre l'emploi plus rémunérateur comme le montre une analyse menée par l'INSEE sur quelques cas types. Cependant, l'interrogation demeure sur les effets à long terme de ces mesures faute de données statistiques disponibles.

La rapporteure pour avis a estimé qu'il convenait de mettre un terme à l'hypocrisie selon laquelle chacun pourrait retrouver un emploi. En effet, certains bénéficiaires du RMI sont et demeureront exclus de l'emploi.

La réflexion doit tenir compte de quelques données préalables fondamentales. Il n'est pas envisageable de ne rien exiger en contrepartie de l'allocation. Par ailleurs, le revenu du travail doit être incitatif. En outre, trois types de revenu pourraient être distingués : revenu provenant de la solidarité nationale ; revenu de l'insertion en cours ; revenu de l'insertion réussie. Enfin, un certain nombre de RMIstes glissent vers d'autres minima sociaux, notamment l'AAH au titre du handicap social. S'il est hors de question de supprimer le revenu minimum, il est temps de mettre un terme à l'hypocrisie et de reconnaître qu'il existe des populations qui ne retrouveront jamais un emploi.

Il convient donc d'articuler un revenu minimum d'existence et un revenu minimum d'activité, tous deux assortis d'un accompagnement renforcé et de redonner à chacun la perspective de devenir propriétaire de son logement.

Le revenu minimum d'existence (RME) serait accordé à toute personne résidant en France dans des conditions régulières. Il pourrait consister en l'attribution sans contrepartie d'un revenu minimum bloqué au niveau de l'actuel RMI. Ce droit accordé à tous sur la base de la solidarité nationale s'accompagnerait pour le bénéficiaire d'un « devoir », celui d'accepter un accompagnement social personnalisé destiné à l'aider dans toutes ses démarches sociales (aide au logement, accès aux soins, aides administratives...).

Le revenu minimum d'activité (RMA) constituerait la deuxième marche vers l'insertion. Il s'agirait d'un droit à prestation calqué sur l'actuel RMI et qui verrait son montant différentiel indexé sur l'évolution des prix de façon à creuser progressivement l'écart avec le RME. Les titulaires du RMA devront pouvoir continuer à bénéficier de l'ensemble des droits sociaux complémentaires actuellement attachés au RMI.

Le RMA s'accompagnerait d'un devoir d'insertion par l'activité grâce à la mise en œuvre de nouveaux dispositifs d'encouragement au retour à l'emploi. Diverses mesures pourraient être mises en place, comme par exemple :

- le mécanisme dit d'intéressement, y compris à long terme, afin de favoriser la reprise d'activité ;

- la présentation aux candidats et aux titulaires du RMA de simulations - couvrant l'ensemble de leur situation, y compris au plan fiscal et en matière de logement - montrant le gain financier, à court et moyen terme, tiré du retour à l'activité ;

- la stricte limitation de la revalorisation du RMA à l'évolution des prix afin de creuser le différentiel avec le SMIC qui va être lui revalorisé sur trois ans de 11,4 % ;

- enfin, pour tenir compte des situations réelles, diversifiées, de chaque personne titulaire du RMA, laisser du temps à la démarche d'insertion professionnelle. Celle-ci peut en effet prendre plusieurs mois, voire deux à trois années. Il faut donc éviter toute logique de sanction automatique qui pénaliserait une insertion longue ou une rechute du bénéficiaire : on sait que cette démarche n'est pas toujours linéaire.

En conséquence, il faut prévoir que la démarche d'insertion s'inscrive dans une durée fixée contractuellement avec le bénéficiaire mais plafonnée à deux ou trois années par la loi. C'est seulement au terme de ce délai que pourrait être appliquée une logique de sanctions consistant à substituer au versement du RMA celui du RME et traduisant ainsi la notion de devoir.

Il faut également privilégier des mesures incitatives au retour à l'emploi, tant du côté des entreprises par une aide à l'embauche pour les titulaires du RMA que du côté des acteurs de l'insertion auxquels des moyens accrus doivent être consacrés.

Les difficultés d'insertion doivent en effet être traitées au bon moment, c'est-à-dire avant que les personnes ne soient « enkystées » dans leurs problèmes. C'est pourquoi il convient d'accorder un soutien budgétaire accru aux organismes en charge de l'insertion. Ce soutien peut se faire à moyens constants, par un redéploiement des crédits jusque-là destinés aux contrats aidés. Ceux-ci doivent être concentrés sur la revalorisation du travail social et l'augmentation de ses effectifs plutôt que sur la subvention de contrats qui ont très souvent consisté en la seule mise à disposition de salariés à bas prix. Mieux vaut par un accompagnement efficace favoriser l'insertion du bénéficiaire du RMA sur un emploi normal plutôt que financer son embauche sur un contrat emploi-solidarité.

Il faudrait aussi confier la prise en charge de l'offre d'insertion aux acteurs de terrain, dans le cadre de la décentralisation annoncée, par un transfert total de l'actuel RMI ainsi que des futurs RME et RMA aux départements. Cette décentralisation devrait se traduire par le transfert de la gestion des moyens actuellement dévolus au RMI à l'insertion mais également par l'attribution aux départements d'une compétence pleine et entière sur l'offre d'insertion. Les départements, via des CLI aux contours mieux définis - correspondant par exemple aux cantons - devraient ainsi être en mesure de mieux définir, suivre et contrôler l'adéquation entre demande et offre d'insertion.

On doit enfin redonner une espérance à tous face au problème du logement qui est une question fondamentale pour l'insertion de toutes les personnes en général et des plus fragiles en particulier. En effet, celui qui n'a pas de logement sûr ne peut pas être inséré ni intégré dans la société. Il faut répondre à cette réalité.

La marginalisation commence souvent avec le logement. Assurer un logement pour tous doit donc devenir une cause nationale. Les organismes de logements sociaux ont de multiples propositions à faire, l'une d'entre elles mériterait une attention particulière : il s'agit de la possibilité qui pourrait être accordée à tous d'accéder à la propriété quel que soit le niveau des revenus des locataires, fussent-ils ceux du RME. Il s'agit de créer un nouveau type de société civile immobilière, dite de capitalisation, qui permettrait à tous d'acquérir des parts de société chaque mois lors de l'acquittement du loyer.

M. Georges Colombier, président, a souligné la qualité de la réflexion de la rapporteure pour avis sur l'avenir du RMI et le caractère constructif de propositions qui concilient respect de la personne et devoir de solidarité. Il s'agit de pistes intéressantes qui devraient inspirer M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, dans sa réflexion sur la réforme du dispositif.

Mme Hélène Mignon a exprimé son accord avec les constats de la rapporteure pour avis en ce qui concerne le relatif échec du « I » du RMI. Il faut promouvoir une démarche d'insertion globale, pas seulement professionnelle, en abordant les thèmes du logement et de la santé. On peut comprendre les tensions qui existent entre certaines personnes travaillant à temps partiel et d'autres touchant le RMI, pas toujours volontairement. Il faut d'ailleurs être conscient du fait que le temps partiel peut, comme le RMI, être une trappe à pauvreté. On ne peut que souscrire par ailleurs à la nécessité évoquée de laisser du temps à la démarche d'insertion.

Il faut en revanche regretter le décalage entre ce discours et le projet de budget qui n'est pas à la hauteur des enjeux. On constate ainsi une diminution du financement des structures d'insertion (les associations intermédiaires par exemple), pourtant indispensables à la réussite de l'insertion professionnelle. On ne peut pas en effet demander à un chef d'entreprise ou d'atelier de jouer un rôle de tuteur par rapport aux problèmes sociaux, personnels et psychologiques des personnes à réinsérer.

Dans le même ordre d'idées, les crédits diminuent pour le programme TRACE et pour les bourses à l'emploi, dispositifs qui mettaient en avant le tutorat, alors que le futur CIVIS n'est encore défini. On peut donc exprimer des craintes pour les 130 000 jeunes qui bénéficiaient de ce programme dont le taux de réussite avoisine les 50 %. Plus généralement, en matière de lutte contre l'exclusion, le projet de loi de finances pour 2003 se traduit par une diminution des emplois aidés, notamment des CES. Il faut en revanche reconnaître le bien fondé de l'augmentation des places en CADA et en CHRS, depuis longtemps demandée ; cet effort doit être consolidé.

M. Jean-Paul Anciaux a estimé nécessaire de faire porter les efforts tant en amont qu'en aval du RMI. Sans démarche préalable de formation à destination des jeunes, on court le risque que certains se contentent d'attendre d'avoir 26 ans pour toucher le RMI. Il faut leur offrir des perspectives de parcours d'insertion.

On ne peut pas classifier la population des RMIstes car il existe des situations d'une extrême variété, liés à des facteurs parfois contradictoires : la localisation géographique (Nord/Sud, zone urbaine ou rurale), les différences entre bassins d'emplois, ... En tout état de cause, on ne passe pas immédiatement du RMI à un CDI.

Une allocation forfaitaire de solidarité doit effectivement être maintenue car il s'agit d'un socle minimal que la société doit à ses membres défavorisés, même s'il faut bien reconnaître qu'elle constitue parfois une rente pour une petite minorité de RMIstes. Cette allocation doit être complétée par un dispositif autorisant toutes les formes de retour à l'emploi, y compris à temps partiel. Ce renforcement de l'accompagnement passe par les associations intermédiaires, les entreprises d'insertion temporaire, les chantiers d'insertion dont l'activité serait coordonnée par les commissions locales d'insertion (CLI) qui fonctionnent aujourd'hui de manière trop cloisonnée et aléatoire.

La mise en place d'un tutorat permettra de définir un projet de vie, pas seulement professionnel, avec des étapes formalisées qui pourraient prendre la forme d'un contrat. Il s'agit d'une formule pédagogique, pas nécessairement coercitive - même s'il peut s'avérer nécessaire d'être à un moment, plus directif - qui permettra d'éviter certaines dérives aujourd'hui constatées dans les CLI, où certains élus baissent parfois les bras.

M. Georges Colombier, président, a souligné les difficultés spécifiques aux zones rurales, au premier rang desquelles se trouve le manque de mobilité lié aux transports.

Mme Martine Carillon-Couvreur s'est déclaré favorable à ce que le RME relève de la solidarité nationale et a insisté sur l'importance des termes utilisés pour qualifier ces dispositifs, la disparition du terme « insertion » au bénéfice de celui d'« existence » pouvant entraîner une perte d'espoir pour ces populations. Il est également nécessaire de réfléchir aux conditions d'accueil au sein des services publics ainsi qu'à la coordination entre les différents intervenants.

M. Dominique Tian a relevé le caractère choquant du versement d'une prestation sans contrepartie au regard de la condition difficile de nombreux salariés ainsi que l'existence simultanée d'un déficit de main d'œuvre dans certaines filières d'emplois peu qualifiés et d'un nombre important d'allocataires du RMI. Ce dispositif n'incite pas à revenir dans le monde de l'emploi ; il conviendrait de permettre la sortie partielle et temporaire du RMI pour accéder à un contrat à durée déterminée et de prévoir pour les allocataires des activités d'intérêt général qui aideraient par exemple le monde associatif.

Mme Catherine Génisson s'est déclarée en accord avec la volonté de ne pas stigmatiser les allocataires du RMI et a attiré l'attention sur la difficulté de différencier a priori les individus au sein de cette population. Il serait difficile de déterminer la frontière entre RME et RMA.

La diminution des crédits relatifs à l'insertion et à l'aide au retour à l'emploi est regrettable. Le temps de retour à l'emploi est nécessairement long en raison de la perte de repères sociaux de ces personnes qui ne peuvent satisfaire immédiatement aux conditions exigées sur le marché du travail sans période intermédiaire de resocialisation. Il faut également être vigilant par rapport au temps partiel, qui peut constituer une trappe à pauvreté même s'il est en apparence plus digne.

Il est nécessaire de porter une grande attention au phénomène de l'exclusion en milieu rural, notamment aux problèmes liés aux transports et à la garde des enfants. Le thème de l'accession à la propriété est particulièrement intéressant mais il faut d'urgence se pencher sur les agissements plus que douteux de certains bailleurs privés à l'encontre des allocataires du RMI. En ce qui concerne l'idée de décentraliser le domaine de l'insertion, il convient d'être prudent car les écarts de richesse entre les différentes collectivités locales peuvent générer des inégalités et aller de ce fait à l'encontre de la nécessaire solidarité.

En réponse aux intervenants, la rapporteure pour avis a apporté les éléments suivants :

- Il est nécessaire de recruter davantage de travailleurs sociaux et surtout de valoriser leur travail, afin de mettre en place un accompagnement social individualisé, à l'image du tutorat.

- Les crédits dévolus au programme TRACE pour l'année 2003 permettent d'accueillir le même nombre de jeunes que lors de l'exercice précédent et la pérennisation de 410 emplois au sein des permanences, d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO).

- Le projet relatif au CIVIS est actuellement en phase de réflexion et l'on ne dispose pas encore d'éléments concrets.

- De l'avis quasiment unanime des acteurs de terrain qui ont été auditionnés, la suppression du RMI à destination des jeunes doit être envisagée.

- Il faut regarder la situation avec lucidité et admettre qu'une fraction des allocataires du RMI ne parviendra jamais à se réinsérer dans le monde du travail. Il n'est pas question pour autant de les abandonner, ni de les enfermer dans un dispositif. Il faut faire preuve de souplesse.

- Seule une minorité d'allocataires considère le RMI comme une rente. Il ne faut pas oublier que, pour de nombreux allocataires qui vivent avec le strict nécessaire, le RMI représente l'assurance de la survie, alors que le passage sur le marché de l'emploi peut fragiliser leur situation et avoir des conséquences dramatiques en cas d'échec.

- Il arrive en effet que des élus locaux baissent les bras dans la gestion locale du RMI. Il en va de même pour certains membres du corps préfectoral. Ils sont toutefois minoritaires et il importe surtout, a fortiori dans ce cas, de savoir à qui revient la responsabilité de la gestion du dispositif.

- L'appellation « revenu minimum d'existence » (RME) n'est pas définitive. Il ne faut en aucun cas stigmatiser les populations concernées et les aider à sortir de leur situation d'exclusion. La réforme du RMI devra donc également permettre d'infléchir l'attitude des organismes publics face aux victimes de l'exclusion : des formations adaptées devront sûrement être mises en place.

- La question de la « sortie » du RMI est essentielle : c'est pour cela qu'est proposée la création du RMA. Il est en effet vital que, lorsque les bénéficiaires du RMI retrouvent un emploi - qui, on le sait, est le plus souvent un emploi précaire et faiblement rémunéré - ils ne courent pas le risque de perdre leur allocation et donc de se retrouver sans ressource en cas de cessation de leur activité salariée.

- Il faut bien avoir conscience que, pour les personnes en situation de grande exclusion, le retour à l'emploi est extrêmement difficile. Les liens sociaux ont été rompus, les habitudes horaires n'ont plus de sens. Il convient donc d'assurer un accompagnement, de les rassurer et de veiller à ce que les emplois qui leur sont proposés soient de véritables emplois, et non pas un outil d'exploitation supplémentaire.

- On devra veiller, dans ce secteur de l'action sociale et de lutte contre l'exclusion, à ce que la décentralisation ne soit pas source de nouvelles inégalités.

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action sociale, de la lutte contre l'exclusion et de la ville pour 2003.

*

La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de Mme Irène Tharin, les crédits du travail pour 2003.

Mme Irène Tharin, rapporteure pour avis, a tout d'abord jugé que le projet de budget de l'emploi pour 2003 est un budget novateur par rapport aux exercices précédents, qui reflète les nouvelles orientations de la politique de l'emploi du gouvernement. Quatre priorités peuvent être distinguées :

- Accomplir un maximum d'efforts soit accompli pour réorienter toutes les personnes qui le peuvent vers le secteur marchand.

- Tout faire pour améliorer les taux d'emploi des jeunes et notamment des jeunes les moins qualifiés qui souffrent le plus du chômage. Le nouveau dispositif d'accueil des jeunes en entreprise répond à cette attente.

- Prolonger la logique de baisse des charges sociales pesant sur les entreprises. Cette politique, qui trouve sa traduction dans les lois de financement de la sécurité sociale, est confortée dans le budget de l'emploi par des mesures ciblées d'exonérations de charges sociales.

- Resserrer les dispositifs de préretraite progressive en cherchant à responsabiliser davantage les entreprises concernées.

Il faut préciser qu'un certain nombre d'outils dont le gouvernement entend se doter rapidement courant 2003 n'ont pas pu matériellement être intégrés dans le budget. Il s'agit notamment du contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) qui doit être mis en place prochainement. Par définition, et étant donné le calendrier parlementaire, le projet de loi en préparation sur ce sujet n'a pas pu être examiné avant l'élaboration du budget. Par conséquent, il n'apparaît pas pour l'heure dans les lignes budgétaires. Cela explique en partie le fait que, visuellement, le projet de budget soit en diminution pour 2003. A structure constante, le projet de budget de l'emploi pour 2003 baisse en effet de 6,4 % par rapport à celui de l'année précédente et se monte à près de 15,7 milliards d'euros. Ce budget permet cependant de financer les mesures importantes et utiles et opère un changement de cap appréciable par rapport à la logique peu efficace sur un certain nombre de points qui a prévalu au cours des dernières années.

Le budget permet tout d'abord de conforter les moyens mis à la disposition de la gestion de la politique de l'emploi. Ainsi, les dépenses d'administration générale progresseront en 2003 de 1,1 %. Cette hausse modérée des moyens permettra notamment de poursuivre le plan de régularisation des emplois précaires au sein du ministère et d'accentuer les efforts en matière dynamisation des carrières. Une réforme du corps des contrôleurs du travail est en effet actuellement en cours. Elle vise à mettre le statut de ces derniers en adéquation avec leurs responsabilités accrues au cours des dernières années par l'accroissement et la diversification de leurs missions.

La lutte contre le chômage mobilisera en outre des moyens renforcés. La subvention versée à l'ANPE progressera de 1,7 %. Le budget de l'Agence - composé de 1 197 millions d'euros issus du budget du ministère du travail et de 500 millions d'euros environ en provenance de l'UNEDIC - constitue un budget de consolidation. Il lui permettra de poursuivre dans de bonnes conditions la mise en œuvre du programme d'action personnalisée pour un nouveau départ (PAP-ND).

Lors de son audition, M. Michel Bernard, directeur général de l'ANPE, a considéré que l'ANPE a un rôle de plus en plus crucial à jouer. Conscient des critiques dont l'Agence fait l'objet, tant de la part des entreprises que des personnes en recherche d'emploi, il a souligné que de nombreuses difficultés s'expliquent par le décalage existant entre les emplois recherchés et ceux proposés. L'ANPE doit donc améliorer son fonctionnement afin de s'adapter à ces difficultés. Ainsi, les agences sont de plus en plus fréquemment amenées à établir des diagnostics approfondis permettant de déterminer les axes d'actions prioritaires lors des entretiens initiaux avec les demandeurs d'emploi et à recourir de manière intensive aux prestations d'accompagnement. Ces entretiens mettent souvent en évidence les manques de formation initiale des personnes en recherche d'emploi, ce qui explique les difficultés rencontrées pour répondre aux attentes des entreprises.

Le programme d'action personnalisé pour un nouveau départ mis en place depuis le 1er juillet 2001 a connu une montée en charge rapide. Depuis cette date, tous les nouveaux inscrits ont bénéficié d'un PAP. D'ici septembre 2002, le PAP sera proposé à la totalité des demandeurs d'emploi inscrits avant le 1er juillet 2001. D'après les chiffres qui ont été communiqués par le ministère de l'emploi, de janvier à juin 2002, 820 000 personnes ont bénéficié, dès l'élaboration du PAP, d'un appui individualisé, sous forme d'ateliers ou de prestations d'évaluation et 260 000 ont bénéficié de prestations plus longues, sous forme d'accompagnement à l'emploi ou d'accompagnement social. Par ailleurs, une formation a été proposée dans le cadre d'un PAP à près de 500 000 personnes, marquant une augmentation de 50 % par rapport à la même période de 2001.

L'enjeu pour l'ANPE apparaît autant d'ordre quantitatif que qualitatif. Elle est parvenue à atteindre l'objectif de collecter plus de 3 millions d'offres de travail de la part des entreprises, alors que le nombre d'offres collectées n'était que de 1,2 million au début des années quatre-vingt-dix. Les indicateurs de suivi montrent que globalement, 80 % des demandeurs d'emploi ayant bénéficié des services de l'ANPE s'en disent satisfaits.

Des progrès sont cependant encore possibles pour améliorer encore l'efficience de l'Agence. L'ANPE pourrait notamment développer davantage ses liens avec des acteurs tels que les missions locales, les structures compétentes en matière d'emploi des personnes handicapées, l'APEC qui s'intéresse aux salariés cadres, voire même les collectivités locales qui ont de plus en plus tendance à s'investir dans l'animation des bassins d'emploi.

Le budget s'attache par ailleurs à accompagner la politique de baisse des charges des entreprises. Cette orientation se traduit par l'augmentation de la dotation consacrée aux exonérations spécifiques de charges sociales. En hausse de 19,4 %, cette dotation passe de 731,85 millions d'euros en 2002 à 873,63 millions d'euros en 2003. Le FOREC prenant en charge la compensation aux organismes de sécurité sociale de l'ensemble des allègements à portée générale, seules les mesures ciblées d'exonération de charges sociales figurent dans le projet de budget. Les exonérations de cotisations sociales patronales liées aux zones de revitalisation rurale, aux zones de redynamisation urbaine, aux zones franches et à la Corse se montent à 242 millions d'euros. Les autres allégements (DOM, presse, travailleurs indépendants) s'établissent à 630 millions d'euros.

A cet égard, on peut rappeler que le gouvernement s'est engagé à opérer une remise à plat des divers mécanismes qui se sont multipliés au fil du temps. Les mesures ciblées doivent être repensées et simplifiées afin d'en maximiser l'efficacité. Ce chantier d'envergure devrait être mené à bien dans les mois à venir.

La troisième priorité de ce budget est de lutter plus efficacement contre le chômage des jeunes, préoccupation majeure du gouvernement. En un an, celui-ci a progressé de 12 %. Il concerne plus particulièrement les jeunes sans diplôme ou sans qualification. Environ 160 000 jeunes sont faiblement diplômés (sans diplôme ou avec le brevet seul), dont un peu moins de 60 000 sans aucune qualification. Ces jeunes ont du mal à obtenir un emploi stable. Seuls 53 % des jeunes actifs du secteur privé bénéficient d'un contrat à durée indéterminée, contre 78 % de leurs aînés. Partant de ce constat, le gouvernement a souhaité agir de manière rapide et forte.

Un nouveau dispositif visant à améliorer l'entrée des jeunes dans l'emploi a été ainsi créé par la loi du 29 août 2002. L'objectif est de soutenir l'embauche de jeunes dans les entreprises du secteur concurrentiel. Il vise les jeunes de 16 à 22 ans pas ou peu qualifiés (dont le niveau d'études est au plus celui du baccalauréat, sans en avoir obtenu le diplôme). Il prend la forme de contrats à durée indéterminée de trois ans et ouvre droit pour l'employeur à une compensation forfaitaire de cotisations sociales. Une dotation de 200 millions d'euros est prévue à cet effet pour 2003.

Tout jeune embauché par une entreprise en contrat à durée indéterminée (et pour un temps de travail partiel ou complet, mais supérieur ou égal à un mi-temps) ouvrira pour l'entreprise le droit à un soutien correspondant à une exonération totale des charges patronales pour les salaires compris entre 1 SMIC et 1,3 SMIC. Le soutien de l'Etat durera trois ans (il sera dégressif la troisième année : l'aide sera portée à 50 % du montant des deux premières années). Cette aide de 2 700 euros par an au niveau du SMIC, qui devrait concerner environ 300 000 jeunes en 2004-2005, permettra aux jeunes sortis peu qualifiés du système scolaire d'occuper très rapidement un emploi, sans passage par le chômage. Elle diminuera la précarité, liée à la récurrence de « petits boulots ».

S'agissant des emplois-jeunes, qui mobilisent encore dans le budget pour 2003 2,7 milliards d'euros, il faut rappeler que le gouvernement a décidé de mettre un terme au programme pour ce qui concerne les créations de nouveaux postes dans les associations. La situation est différenciée en ce qui concerne les ministères de l'éducation nationale, de l'intérieur et de la justice. On sait que les effectifs d'aides-éducateurs ont vocation à décroître en 2003, et que ceux de la police et de la justice pourraient se stabiliser. Les actions de formation et de préparation aux concours se poursuivront, afin de permettre aux jeunes d'accomplir un parcours professionnel complet, sans que l'intégration dans la fonction publique soit la solution unique.

Autre changement de cap par rapport aux exercices antérieurs : ce budget opère un vrai recentrage des dispositifs d'insertion vers les publics les plus en difficulté.

Les crédits pour 2003 destinés aux actions en faveur des publics prioritaires se montent à 6,378 milliards d'euros. Comme l'a souligné un représentant de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle du ministère de l'emploi, le nombre plus ou moins important des contrats de travail aidés - que ce soit dans le secteur marchand et plus encore dans le secteur non marchand - n'a qu'un impact de court terme sur le nombre de personnes inscrites sur les listes des demandeurs d'emploi. Ces outils de traitement dit social du chômage ont certes leur utilité mais l'analyse faite par le gouvernement est qu'ils ne sauraient constituer la seule et unique solution au problème du chômage. Mieux vaut des mesures réellement ciblées sur les personnes qui, sans ces instruments, ne trouveraient pas du tout à s'employer plutôt que d'élargir au maximum des mesures qui deviennent non seulement très coûteuses pour la collectivité publique mais également moins efficaces en termes d'insertion des publics les plus en difficulté. On sait que, dans le passé, ce sont les jeunes les plus qualifiés, et par conséquent ceux qui auraient été les plus à même de trouver un emploi dans le secteur marchand selon les voies classiques, qui ont par exemple bénéficié du programme des emplois-jeunes ou parfois des contrats emploi-solidarité.

Les crédits pour les contrats emploi-solidarité s'élèvent pour 2003 à 279 millions d'euros pour 80 000 entrées en CES ; 80 000 contrats supplémentaires portant les entrées à 160 000 en 2003 devraient pouvoir être conclus grâce aux crédits de la gestion 2002 reportés en 2003. Plus que jamais, les CES devront donc être réservés en priorité aux seules personnes qui peuvent en tirer un bénéficie réel en terme de resocialisation et d'accès à l'emploi. En outre, afin de responsabiliser davantage les employeurs vis-à-vis des CES, une réforme des taux de prise en charge par l'Etat a été mise en œuvre dès le 1er octobre 2002. Depuis cette date, seuls les taux de 65 et 85 % (et non plus le taux de 95 %) sont applicables.

Pour 2003, le gouvernement a également prévu une diminution de l'enveloppe budgétaire affectée aux contrats emplois consolidés avec la création de 30 000 CEC. Une appréciation individualisée des situations et des besoins des personnes en difficulté sera menée obligatoirement afin d'orienter vers le CEC les personnes les plus éloignées de l'emploi. Par ailleurs, il est prévu de réduire la durée totale du CEC de cinq ans à trois ans afin de responsabiliser les employeurs dans leur recrutement de salariés en CEC.

S'agissant du programme TRACE, les moyens prévus pour 2003 permettront de maintenir la capacité d'accueil dans le dispositif. Ainsi 14 000 jeunes doivent être pris en charge par les opérateurs externes en 2003. Les 410 postes de conseillers créés en 2002 dans les missions locales et les PAIO seront pérennisés.

En conclusion, la rapporteure pour avis a considéré que le budget de l'emploi pour 2003 constitue un budget cohérent avec les engagements pris durant la compagne électorale par le Président de la République et rompt opportunément avec certaines politiques menées par le passé. Elle a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits du travail pour 2003.

Un débat a suivi l'intervention de la rapporteure pour avis.

M. Gaëtan Gorce s'est déclaré en total désaccord avec les conclusions du travail effectué par la rapporteure pour avis. Le seul élément que l'on pourrait ironiquement qualifier de novateur dans ce budget consiste dans le net recul des crédits inscrits, au moment même où le chômage augmente, lui, fortement. Alors que l'ensemble des moyens devrait être mobilisé pour faire face à cette situation difficile, on constate une troublante et paradoxale coïncidence entre la hausse du chômage de 6,7 % en un an et une réduction d'un niveau comparable du budget de l'emploi pour 2003.

De plus, le recul des moyens s'accompagne de celui des politiques de l'emploi au point que l'on cherche vainement quelles pourraient être les orientations du gouvernement en la matière, comme en attestent de nombreux exemples :

- On peut s'interroger sur la cohérence de l'annonce d'un nouveau contrat baptisé CIVIS avec la priorité affirmée en faveur de l'emploi marchand.

- Alors que l'objectif affiché pour le nouveau dispositif d'accès des jeunes en entreprise était de mettre en place 18 à 19 000 contrats avant la fin de l'année, la réalité risque d'être bien en deçà de cette ambition, puisque l'on ne devrait pas dépasser le chiffre de 5 000 pour l'année 2002.

- Le gouvernement propose la suppression de dispositifs qui ont pourtant fait la preuve de leur efficacité, par exemple le programme des emplois-jeunes. En dépit des annonces du gouvernement à ce sujet, force est de constater qu'aucune perspective positive n'est proposée aux collectivités locales et aux associations y ayant actuellement recours.

- Les moyens ne sont pas préservés s'agissant de l'insertion par l'économique, ce qui semble contradictoire avec le consensus exprimé au cours de la présente réunion, lors de l'examen du précédent avis budgétaire, quant à la nécessité de soutenir tous les moyens de lutte contre l'exclusion.

- S'agissant des contrats emploi-solidarité, la situation relève de l'hypocrisie totale. Le budget ne prévoit le financement que de 80 000 contrats même si le gouvernement annonce le financement de 80 000 contrats supplémentaires grâce aux reports de crédits inutilisés en 2002. Ce tour de passe-passe est d'autant plus choquant que l'on sait d'ores et déjà qu'au cours du deuxième semestre 2002, les besoins sur le terrain en ce domaine n'ont déjà pas été satisfaits.

- Ce budget pâtit clairement d'arbitrages budgétaires qui n'ont pas fait de l'emploi une priorité. Il traduit en outre l'incapacité du gouvernement à déterminer des orientations nettes. Par exemple, les moyens mobilisés pour 2003 en faveur des chômeurs les plus en difficulté sont très en deçà des attentes, alors que l'accent devrait être mis sur les actions d'accompagnement et les parcours d'insertion renforcés.

- On peut également regretter que ce budget ne traite nullement de la question de la précarité de l'emploi ; d'une manière générale, le gouvernement ne semble pas avoir engagé la moindre réflexion sur ce sujet.

- Enfin, on ne saurait accepter que le gouvernement se targue d'avoir augmenté les moyens consacrés à l'emploi alors qu'il agrège, pour prouver ses dires, les crédits budgétaires dévolus au ministère et ceux inscrits dans le FOREC. La comparaison des différents exercices budgétaires doit bien entendu se faire à périmètre constant et le gouvernement ne peut mettre à son actif une hausse des allégements de cotisations qui résulte de la mise en place des trente-cinq heures, politique qu'il ne cesse par ailleurs de condamner.

M. Jean-Paul Anciaux a formulé les remarques suivantes :

- Ce budget témoigne d'une certaine cohérence d'ensemble même si des améliorations sur tel ou tel point restent toujours possibles. En tout état de cause, on ne saurait juger une politique au regard des seuls moyens qu'elle mobilise. A cet égard, le décalage entre le niveau élevé du budget de l'emploi pour 2002 et la reprise du chômage au cours de cette même année est significatif.

- Le fait que le gouvernement lance une nouvelle dynamique en faveur de l'emploi des jeunes non qualifiés est très favorable. Tous les jeunes qui trouveront grâce à ce nouveau mécanisme un emploi stable auront moins de chances de rejoindre par la suite la cohorte de ceux qui n'ont que le RMI pour survivre.

Ce dispositif permettra à un grand nombre de jeunes d'accéder enfin au monde du travail par la voie d'un contrat à durée indéterminée et donnera ainsi une réalité à ce qui n'était jusqu'alors qu'un vœu pieux. Il ne constitue certes pas la seule méthode efficace en ce domaine mais il représente un outil utile et simple en faveur de l'insertion de jeunes. Mais ce contrat devra faire l'objet d'un suivi et d'une évaluation sérieuse dans les mois et années à venir.

On ne saurait trop rappeler que ce sont les entreprises qui créent les emplois. Il faut avoir confiance dans leur capacité à recruter des jeunes et dans celle de leurs salariés, notamment les cadres, à exercer, même si la loi ne leur en fait pas obligation, la nécessaire mission de tutorat auprès des jeunes ainsi recrutés.

- S'agissant des emplois-jeunes, il faut garder à l'esprit que le problème essentiel vient de ce que le précédent gouvernement n'avait rien prévu quant à la sortie du dispositif. La situation apparaît aujourd'hui très contrastée. Les jeunes employés par les collectivités territoriales ont pu ou pourront bénéficier à terme d'une intégration dans les cadres grâce à la troisième voie. En revanche, ceux ayant été employés par l'éducation nationale ont été pour la plupart d'entre eux laissés à l'abandon, ce qui est d'autant plus choquant que la mission première dévolue à cette administration est précisément la formation. La situation est également très variée dans les associations : les plus grandes d'entre elles ont d'ores et déjà prévu la pérennisation des emplois, tandis que les plus petites ne disposeront pas des moyens suffisants pour cela. Il convient de rappeler à ses responsabilités l'ancienne majorité qui, par l'intermédiaire des préfets ou sous-préfets, faisait auprès des responsables d'associations, il y a quelques mois encore, la promotion des emplois-jeunes.

- Il faut enfin noter le décalage existant entre les diplômes requis officiellement pour prétendre accéder aux emplois de l'administration et ceux effectivement nécessaires pour réussir ces concours.

Mme Hélène Mignon a tout d'abord objecté que le phénomène de surqualification observée dans les concours de la fonction publique s'explique par l'état de dégradation du marché de l'emploi lui-même. Une réflexion est d'ailleurs nécessaire s'agissant des conséquences néfastes de la surqualification des agents publics ainsi recrutés.

Elle a par ailleurs formulé les observations suivantes :

- Si le nombre des emplois-jeunes est resté constant, il convient d'observer que les mêmes jeunes ont pu occuper des emplois différents au cours de la période. Beaucoup sont sortis de ce dispositif par la voie des concours de la fonction publique ou ont accédé à l'emploi marchand.

- Le fait que le gouvernement projette de reporter de nombreux crédits relatifs aux CES de l'exercice 2002 à l'exercice 2003 se traduit sur le terrain par un gel des embauches dans ce dispositif ; ce phénomène d'attentisme est constaté par les acteurs locaux depuis septembre. Par ailleurs, comment entend-on définir les critères devant désormais permettre de déterminer les personnes ayant le plus besoin de resocialisation pour leur attribuer les quelques CES qui sont budgétés ? Ne risque-t-on pas, en fixant de nouveaux critères trop restreints et difficiles à mettre en œuvre, de contribuer à la désocialisation de certains publics, sachant que le dispositif avait déjà été recentré sur les publics les plus en difficulté grâce à la loi de lutte contre les exclusions de 1998 ?

- S'agissant du contrat jeune en entreprise, le choix opéré en faveur d'un contrat à durée indéterminée va dans le bon sens, mais il faut rappeler que celui-ci peut être à temps partiel, ce qui constitue un facteur de précarité. On peut par ailleurs avoir des craintes quant au fonctionnement concret de ce dispositif étant donné l'absence de salarié référent, en particulier dans les moyennes et grandes entreprises. En ne prévoyant aucun mécanisme de tutorat, le risque est d'aller à l'encontre de l'objectif recherché en créant chez les jeunes livrés à eux-mêmes dans l'entreprise un dégoût à l'égard du monde du travail.

M. Dominique Tian a déclaré ne pas partager l'optimisme de la rapporteure pour avis quant à la qualité des prestations de l'ANPE. Localement, cette dernière apparaît comme une bureaucratie peu dynamique accueillant aussi mal les demandeurs d'emploi que les employeurs potentiels. Les actions d'accompagnement personnalisé restent notoirement insuffisantes.

Mme Catherine Génisson a fait les remarques suivantes :

- Il faut en finir avec l'idée selon laquelle seuls les emplois du secteur marchand sont des emplois « nobles ». Les emplois dans le secteur public ont autant de légitimité.

- Concernant les contrats jeunes mis en place en août de cette année, ils présentent le défaut majeur de ne pas être dotés d'un volet de formation. On ne peut que constater le faible nombre d'emplois ayant été créés à ce jour grâce à ce nouveau dispositif. On peut par ailleurs estimer que l'amendement adopté par le Sénat qui visait à élargir le dispositif à l'ensemble des entreprises, petites et grandes, avait pour seul but de faire du « chiffre ».

Au contraire, les emplois jeunes sont une réussite dans la mesure où la moitié des jeunes qui ont souscrit un tel contrat ont désormais trouvé un emploi définitif. Ce dispositif a également permis de créer un nouveau type d'emplois dont nul ne saurait aujourd'hui remettre en cause la nécessité. Quant à la question de la formation offerte aux emplois jeunes embauchés dans l'éducation nationale, les situations sont très contrastées selon les académies et les investissements personnels des recteurs concernés. Ainsi certaines académies ont activement contribué à préparer les jeunes aux concours de la fonction publique.

Mme Catherine Génisson a enfin demandé à la rapporteure pour avis des précisions s'agissant d'une part du taux de prise en charge des contrats emploi-solidarité désormais applicable et d'autre part du futur contenu du CIVIS.

M. Edouard Landrain a fait les remarques suivantes :

- L'objectif initial du programme des emplois jeunes consistant à aider à l'émergence de métiers nouveaux était généreux et intéressant. Des dérives sont malheureusement rapidement apparues dans la mise en œuvre de ce programme. Contrairement à une idée qui s'est malencontreusement répandue auprès des jeunes concernés eux-mêmes, les emplois jeunes ne constituent pas un métier en tant que tel.

Fort heureusement une partie de ces jeunes ont rapidement obtenu un contrat à durée indéterminée, même si force est de constater que cela est loin d'être la règle générale. Certaines communes ont en effet employé des jeunes en trop grand nombre, alors même que les élus concernés savaient pertinemment qu'il serait impossible de pérenniser ces emplois par la suite. Il faut aujourd'hui constater que si ce dispositif partait d'une bonne intention, dans les faits, il a montré ses limites. Il importe donc de réussir aujourd'hui la transition de ce système vers de nouveaux dispositifs en offrant une formation valable aux jeunes qui le désirent.

- Il n'est pas exact de prétendre que les agences locales de l'ANPE ne font pas correctement leur travail. Les agents paraissent au contraire mobilisés et proposent aux demandeurs d'emploi des actions d'accompagnement et de suivi qui portent bien souvent leurs fruits.

M. Gaëtan Gorce, après avoir déclaré que les emplois jeunes faisaient l'objet d'un faux procès, a considéré que l'actuel gouvernement dépensait plus d'énergie à démolir ce qu'avait réalisé la précédente majorité qu'à formuler des propositions concrètes. Si les titulaires d'un emploi jeune peinent aujourd'hui à sortir du dispositif en obtenant un emploi stable c'est que le contexte économique ne s'y prête guère. Le gouvernement devrait réfléchir au moyen d'accompagner ces jeunes dans leur recherche d'emploi.

M. Henri Nayrou a fait les observations suivantes :

- Le programme des emplois jeunes a répondu à des circonstances particulières. Au moment de sa mise en place, le chômage touchait un jeune sur quatre. Pour beaucoup de ces jeunes, les emplois jeunes ont constitué un marchepied pour entrer dans la vie active tout en permettant à certains de poursuivre leurs études. Si l'opposition de l'époque a officiellement combattu leur création, sur le terrain les élus locaux, de gauche comme de droite, se sont montrés favorables à ces contrats.

- Aujourd'hui, le gouvernement s'en remet, par la voie du contrat jeune, au seul secteur marchand alors même que celui-ci est en panne. Cette démarche manque de cohérence d'autant que, dans le même temps, le gouvernement remet en cause les dispositifs d'aide à l'emploi mis en place ou maintenus par la précédente majorité. A titre d'exemple, on peut citer le plan sport emploi destiné à créer des emplois dans le milieu sportif, qui est en chute libre. De même, l'avenir des adjoints de sécurité, qui font désormais partie intégrante des services de police, est menacé alors même que le gouvernement a besoin de ces effectifs pour mener à bien la politique sécuritaire qu'il entend mener.

M. Edouard Landrain a considéré pour sa part que le plan sport emploi était au contraire relancé par le gouvernement.

La rapporteure pour avis a apporté les éléments de réponse suivants :

- L'opposition est dans son rôle lorsqu'elle dénonce la politique pour l'emploi menée par le gouvernement. Ce faisant, il méconnaît la réalité des faits. Le mécanisme des contrats jeunes en entreprise monte actuellement en charge. Il participe de la politique de baisse des charges salariales qui permettra de lutter efficacement contre le chômage. Le dispositif rompt également avec la politique menée par le précédent gouvernement dans la mesure où il offre aux jeunes un emploi en contrat à durée indéterminée. Enfin, les emplois jeunes n'ont pas fait la preuve de leur efficacité dans la mesure où ils n'ont pas pu endiguer la remontée du chômage.

- Les crédits destinés à financer la politique pour l'emploi n'ont pas disparu ; ils sont simplement répartis différemment. Une partie des allégements de cotisations sociales patronales est prise en charge par le FOREC, ce qui explique que ces crédits ne figurent pas dans le budget de l'Etat.

- En ce qui concerne les CES, au total au moins 160 000 contrats devraient être financés en 2003 ; ce nombre pourra même être supérieur en fin d'exercice si des besoins particuliers se faisaient fortement sentir sur le terrain. Il faut aussi rappeler que les enveloppes de certains contrats aidés sont en partie fongibles localement, à l'initiative du directeur régional ou départemental du travail. Cette fongibilité des crédits constitue une souplesse appréciable en la matière.

- L'augmentation des moyens financiers ne constitue pas la panacée en matière de politique pour l'emploi. Les crédits inscrits en loi de finances pour 2002 avaient connu une forte augmentation, et cela n'a nullement empêché le chômage de croître fortement.

- Le taux de prise en charge des CES sera désormais de 65 % et de 85 % au lieu de 95 % précédemment. Il n'apparaît pas normal que la collectivité publique finance presque en totalité, à la place de l'employeur, ces contrats de travail.

- S'agissant du contenu des CIVIS, les informations sur ce sujet sont encore partielles car l'élaboration de ce nouveau contrat fait encore l'objet de discussions au sein du ministère. Il apparaît que ce contrat pourrait concerner notamment le secteur non marchand, mais également le secteur marchand.

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'emploi pour 2003.

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