COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 57

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 18 septembre 2003
(Séance de 10 heures)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, sur le rapport annuel de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, et M. Denis Morin, rapporteur général chargé du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, sur le rapport annuel de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est devenue un exercice traditionnel depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale en 1997. Pour autant, cet exercice n'a rien perdu de son intérêt, compte tenu de la richesse habituelle du document. L'expertise de la Cour est particulièrement utile en raison de l'ampleur et de la complexité des sujets à traiter dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale, et tout particulièrement cette année où le rapport traite à la fois de la régulation des dépenses d'assurance maladie et de la situation des personnes âgées, sujets brûlants et d'actualité s'il en est.

Les rapporteurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale vont rencontrer les magistrats de la sixième chambre pour étudier dans le détail le volumineux rapport présenté aujourd'hui : Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse, organisera une réunion de travail sur le thème « Retraites et santé des personnes âgées ». M. Pierre Morange, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, et M. Bruno Gilles, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail, ont de leur côté prévu de rencontrer les magistrats le mercredi 8 octobre à 14 h 30, sur le thème du financement et de la gouvernance de l'assurance maladie. Bien entendu, ces réunions de travail sont ouvertes à tous les membres de la commission.

M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, a tout d'abord rappelé que cette audition constitue le sixième rendez-vous de la Cour des comptes avec la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et que le rapport de la Cour sur la sécurité sociale constitue désormais l'un des trois rapports publics annuels de la Cour.

Le présent rapport consacre, selon le plan habituel, sa première partie à l'examen de la situation des comptes sociaux pour l'année 2002. Il dresse le bilan de la façon dont les principales dispositions financières de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, qu'elles portent sur les recettes ou les dépenses, ont été mises en œuvre.

Sur ce premier point, deux observations peuvent être faites.

Il faut tout d'abord souligner - car les sujets de satisfaction ne sont pas très nombreux - les progrès qui ont été réalisés en matière de normalisation des méthodes comptables. La présentation de comptes consolidés du régime général ou de l'ensemble des régimes obligatoires entrant dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale est un exercice complexe, beaucoup plus complexe que pour les comptes de l'Etat. Il s'agit en effet d'agréger les comptes d'un millier d'organismes locaux, en dépenses pour l'ensemble des risques couverts et en recettes. La mise en place progressive d'une comptabilité en droits constatés pour l'ensemble de ces organismes a représenté un progrès décisif, mais il faut maintenant, et la Cour y veille régulièrement, harmoniser les méthodes de provisionnement et de calcul des charges à payer et produits à recevoir pour que cet exercice soit totalement fiable. C'est sur ce terrain que des progrès sensibles ont été notés. La Cour n'a donc pas eu à procéder, à l'inverse de ce que qui se faisait jusqu'à présent, à la correction des comptes présentés à la Commission des comptes de la sécurité sociale, même si certains retraitements comptables pratiqués par la direction de la sécurité sociale mériteraient d'être traités avec plus de rigueur.

En second lieu, sur le fond, la caractéristique principale de l'année 2002 est le retour des déficits. Dans son rapport de l'an dernier, la Cour avait déjà souligné la fragilité du redressement des comptes. En 2002, après trois années d'excédents, les comptes sociaux ont renoué avec le déficit, avec un montant de 3,4 milliards d'euros pour le régime général et de 3,8 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes de base obligatoires. Le point crucial est la persistance d'un rythme élevé - certains pourraient dire excessif - de progression des dépenses d'assurance maladie, qui explique que le déficit soit concentré sur cette seule branche et qu'il atteigne des niveaux inconnus jusqu'alors. En 2002, une nouvelle fois, l'ONDAM a dépassé, de près de 4 milliards d'euros, le montant voté par le Parlement. C'est devenu malheureusement une sorte d'habitude qui engendre des interrogations fortes sur ce système complexe, dont la logique initiale a été dégradée au fil des années. Par rapport à 1998, le poids de l'ONDAM dans la richesse nationale est passé de 7 % à 7,8 %, et la Nation consacre aujourd'hui plus de 20 % des prélèvements obligatoires à couvrir le poids des dépenses de santé.

La deuxième partie du rapport de la Cour est, en écho à la crise financière de l'assurance maladie, consacré précisément à l'évolution et à la régulation des dépenses d'assurance maladie depuis 1990.

Le rapport fait le point des facteurs structurels qui expliquent l'accélération régulière de l'évolution des dépenses d'assurance maladie : surprescription de médicaments, progression forte des dépenses d'indemnités journalières, accès croissant de certains assurés au bénéfice de l'affection de longue durée (qui concerne aujourd'hui six millions de personnes). Des facteurs plus conjoncturels sont aussi mis en évidence : certaines décisions récentes, qu'il s'agisse de la succession des protocoles hospitaliers ou des revalorisations substantielles d'honoraires, ont encore accéléré les dépenses et dégradé les comptes.

Au-delà de ces constats simples assis sur des observations chiffrées, le rapport souligne le caractère aujourd'hui inopérant des mécanismes de régulation des dépenses mis en place depuis le début des années quatre-vingt dix, qu'il s'agisse des instruments de maîtrise comptable des dépenses, c'est-à-dire des enveloppes de dépenses par profession de santé, ou des instruments de maîtrise médicalisée, dont l'impact est des plus limités. Notre système de santé n'est aujourd'hui plus régulé et c'est une situation qui n'est pas tenable longtemps.

Enfin, la dernière partie du rapport aborde certains problèmes liés au vieillissement de la population. Bien évidemment, en lançant ces études spécifiques il y a un an, la Cour des comptes n'imaginait pas que certains de ses constats coïncideraient avec une actualité tragique.

Sous l'angle des retraites d'abord, le rapport revient sur l'ampleur des enjeux financiers du vieillissement à l'horizon de 2040 - les dépenses devraient représenter entre 4 % et 4,5 % du PIB - et met en évidence les grandes disparités de notre système de retraites, en particulier des règles de liquidation des retraites. Il analyse également des facteurs propres à la gestion de certains régimes.

Sous l'angle de la santé ensuite, plusieurs développements relatifs aux réseaux de santé, à la prescription de médicaments ou au fonctionnement des urgences montrent l'inadaptation de notre système de santé aux enjeux majeurs de l'allongement de la durée de la vie. Les événements de l'été semblent largement confirmer ce constat tiré d'enquêtes effectuées antérieurement à ces événements. S'agissant en particulier du traitement en urgence des personnes âgées, la Cour ne peut évidemment pas présenter une analyse des événements récents. Dans ces conditions, il est extrêmement difficile de porter une quelconque appréciation sur les « dysfonctionnements » ou « erreurs » qui auraient pu être commis et la Cour ne peut pour l'instant qu'apporter ces matériaux de réflexion, fondés sur ses constats antérieurs, à la mission d'information constituée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur les conséquences de la canicule.

En conclusion, il faut tout d'abord redire que la méthode de travail de la Cour repose essentiellement sur l'analyse contradictoire. Dans le cadre de ce rapport, outre les réponses des ministres eux-mêmes - M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, M. Jean François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire -, intégralement publiées à la fin du rapport, plus de 140 organismes, administrations et établissements ont été associés aux travaux et ont réagi aux constats faits par la Cour. Les réponses envoyées par écrit sont également publiées.

D'autre part, il est tout à fait souhaitable de poursuivre les méthodes de travail existant entre la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et la Cour des comptes. Si la commission souhaite que la Cour, dans ses prochains rapports annuels, voire dans des rapports publics particuliers, examine certains points spécifiques, la chambre compétente peut y répondre favorablement. Bien entendu, de telles demandes devraient prendre place dans le programme de travail de la chambre compétente de la Cour, ce qui suppose qu'elles soient formulées en temps utile, au moment où ce programme est formalisé.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a situé le rapport pour 2003 dans la continuité des rapports précédents ainsi que dans la perspective des préoccupations et demandes exprimées par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Cette continuité apparaît de façon évidente pour les trois « figures imposées » que constituent l'analyse des comptes sociaux, le suivi de l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 et le compte rendu de l'activité des comités régionaux d'examen des comptes dont la Cour des comptes pilote les travaux. Il s'agit d'obligations législatives auxquelles la Cour s'efforce de répondre au mieux.

Le rapport poursuit également le développement de thèmes figurant déjà dans les rapports précédents. A titre d'exemple peuvent être cités le médicament et les soins aux personnes âgées qui font l'objet d'un chapitre particulier. Sur ces points, le rapport 2003 prolonge et conforte les constats exposés dans le rapport 2002. Ainsi, en ce qui concerne l'accueil des personnes âgées dans les services d'urgence, le rapport confirme les observations, déjà faites par la Cour, sur la relative inadéquation du dispositif aux besoins constatés comme l'a, malheureusement, illustré l'épisode de la canicule de cet été.

Il en est ainsi, également, des réflexions et observations relatives à l'assurance maladie, qui reprennent en partie les observations des rapports antérieurs. On constate ainsi à quel point sa situation est préoccupante. Dans ce contexte, le rôle de la Cour est d'éclairer les travaux et les débats sur la maîtrise des dépenses.

L'effort de maîtrise des dépenses de santé a été engagé à travers différents dispositifs depuis 1990 et, particulièrement, en 1996. A cet égard, le rapport dresse un bilan sans pour autant formuler de recommandations spécifiques. Il n'en établit pas moins un certain nombre de constats s'agissant de lacunes qu'il conviendrait de combler, de dysfonctionnements auxquels il conviendrait de mettre un terme rapide, de dispositions inapplicables ou excessivement coûteuses dont on pourrait faire l'économie ou de dispositifs existants mais trop souvent inappliqués.

L'analyse de la Cour montre que, dans ce domaine, l'ensemble des moyens de régulation est connu et que l'on sait ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. A titre d'exemple, l'action sur les comportements se révèle efficace à long terme. Ainsi, le chapitre IX du rapport consacré à l'accréditation et à l'évaluation montre un développement trop lent et des blocages trop nombreux. De même, la faiblesse du cadre institutionnel et financier empêche le Parlement de jouer pleinement son rôle, la pratique du rebasage de l'ONDAM concourant ainsi à maintenir une certaine obscurité.

Dans le domaine du médicament, le rapport appelle à des réorientations majeures tant il est vrai que la France est le seul pays qui poursuit autant d'objectifs à la fois (encadrement de la distribution, protection de l'industrie pharmaceutique, remboursement de beaucoup de spécialités à des taux élevés).

Dans le domaine des retraites, la loi du 21 août 2003 offre de meilleures perspectives financières sans répondre aux questions à long terme. Le rapport fait état de trop grandes disparités et inégalités dans l'organisation et la gestion des différents régimes. A la demande de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, la sixième chambre de la Cour des comptes a approfondi sa réflexion sur les aspects comptables et particulièrement sur les mécanismes de compensation interrégimes.

La Cour est en train de mener des études sur l'organisation territoriale de la sécurité sociale, la gestion du risque en maladie, la certification des comptes. La cinquième et la sixième chambres mènent, avec le concours des chambres régionales des comptes, des travaux relatifs à l'hébergement des personnes âgées, lesquels feront l'objet d'un rapport particulier en 2005. La fonction publique hospitalière ainsi que l'ensemble des professions hospitalières font aussi l'objet d'une étude en cours. Enfin, le rapport public de la Cour pour 2004 comportera une partie consacrée à la politique familiale et, plus particulièrement, à la politique de la petite enfance.

M. Denis Morin, rapporteur général chargé du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, a rappelé que le rapport 2003 est principalement axé sur l'évaluation des dispositifs de régulation et de maîtrise des dépenses de santé ainsi que sur l'enjeu que constitue le vieillissement de la population.

L'assurance maladie n'a jamais connu un déficit équivalent à celui d'aujourd'hui. Il est constaté que, quelle que soit la situation de l'économie, le déficit persiste ; cela prouve, si besoin était, qu'il s'agit d'un problème de dépenses et non pas d'un problème de recettes. La priorité est donc bien celle de la maîtrise des dépenses.

Entre 1990 et 2000, une relative modération des dépenses est constatée puis, à partir de l'année 2000, les dépenses s'emballent. Cette évolution s'explique par des tendances de fond comme la croissance des indemnités journalières, des affections de longue durée (ALD) ou des dépenses de médicament. Des décisions plus politiques et conjoncturelles concourent, elles aussi, à l'augmentation des dépenses. Ainsi, le report répété de décisions de déremboursement de médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant, à l'encontre des travaux de la commission de transparence, empêche d'économiser 1 milliard d'euros par an. De même, le coût des protocoles hospitaliers et de la réduction du temps de travail à l'hôpital a majoré l'ONDAM de 3,4 milliards d'euros par rapport à 1999. Par ailleurs, la revalorisation des honoraires pour les généralistes en 2002 s'est traduite par un coût en année pleine de 690 millions d'euros.

Dans le domaine des mécanismes de régulation mis en œuvre depuis les années 1970, trois palettes d'actions existent mais n'ont pas produit les effets escomptés :

- L'ajustement par les prélèvements obligatoires et les déremboursements est contrebalancé par le fait que 90 % de la population bénéficie d'une complémentaire santé et que six millions de malades en ALD bénéficient d'une prise en charge à 100 %.

- La limitation des dépenses par la détermination d'enveloppes ou de lettres clé flottantes a été largement obérée par l'impossibilité de mettre en application des dispositifs instables et contestés sur le plan juridique.

- La politique conventionnelle avec les professions de santé, devant permettre de dépenser mieux comme le proposait le plan Veil de 1993, aurait dû être le support de la maîtrise médicalisée des dépenses. Divers instruments, malheureusement peu opératoires, ont ainsi été mis en place, tels l'accréditation de seulement 400 établissements de santé sur 3 000, la formation médicale continue obligatoire mais sans texte d'application, l'évaluation des pratiques médicales fondée sur le volontariat qui ne concerne que 180 praticiens sur 130 000 en exercice.

On peut donc considérer que la « crise de la régulation » des instruments de maîtrise des dépenses conduit à ce que tout le poids de la régulation de l'assurance maladie soit reporté sur le seul instrument financier qui constituent les prélèvement obligatoires.

Le rapport analyse enfin l'impact du vieillissement de la population sur les dépenses de santé. Première observation, de portée générale : cet impact est mal connu  et les études disponibles contradictoires. Quand on regarde des pays, comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, qui connaissent un vieillissement plus rapide que la France, on ne constate pas d'accélération similaire des dépenses de santé.

Trois points particuliers sont développés par le rapport :

- Premier point, les réseaux de soins destinés aux personnes âgées. Il y a une impression générale de foisonnement, un grand nombre d'initiatives étant prises, avec une efficacité variable selon l'implication des acteurs locaux. Le constat de la Cour porte principalement sur le manque de coordination de ces réseaux, qui nuit à leur développement harmonieux.

- Deuxième point, la consommation de médicaments par les personnes âgées. En premier lieu, la Cour relève un défaut général de coordination des prescriptions, sachant que les personnes âgées souffrent souvent de multiples pathologies, les statistiques faisant d'ailleurs apparaître qu'elles prennent en moyenne 3,6 médicaments différents par jour. D'autres pays sont beaucoup mieux organisés que la France ; ainsi, aux Etats-Unis des médecins référents font le point tous les ans avec les personnes âgées sur les prescriptions médicamenteuses et gèrent le risque iatrogène qui en résulte. Autre constat de la Cour, également assez spécifique à notre pays, la très grande insuffisance des effets thérapeutiques sur les personnes âgées. Il est significatif que les notices des médicaments ne comportent que très rarement des prescriptions spécifiques aux personnes âgées. Enfin, il y a trop de prescriptions aux personnes âgées de médicaments à service médical rendu insuffisant, de même que de prescriptions effectuées en dehors des pathologies visées par les autorisations de mise sur le marché.

- Dernier point, l'accueil des personnes âgées dans les services d'urgence. Le problème se pose à la fois en amont et en aval. En amont, la coordination est particulièrement difficile entre les différents intervenants dans le cas de personnes fragilisées, dépendantes et atteintes de pathologies multiples. En aval, on constate un manque de lits de médecine générale et de long séjour. Il faut savoir que 50 % des personnes âgées admises en urgence doivent être ensuite hospitalisées ; dans la mesure où il existe globalement une capacité hospitalière excédentaire de 30 000 lits, les lits de suite destinés aux personnes âgées devraient être créés en redéployant des lits des services de spécialité.

Le président Jean-Michel Dubernard a considéré que le tableau fait par la Cour des comptes de la situation de la sécurité sociale est à la hauteur de l'inquiétude des membres de la commission. Il a souhaité connaître l'état d'avancement des travaux de la Cour en réponse aux demandes de la commission, notamment sur les politiques de prévention, la certification des comptes sociaux et les aides au logement, et s'est interrogé sur les modalités d'une coopération entre la Cour et l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (OPEPS), avant de poser deux questions :

- Face au constat d'échec de toutes les politiques de régulation des dépenses d'assurance maladie, ne faut-il pas une révolution intellectuelle qui substitue au mythe de la « grande réforme » la recherche d'un très grand nombre de petits ajustements, inspirés par l'expérience du terrain ?

- Au regard du drame sanitaire vécu cet été, que peut-on dire de l'adaptation de notre système d'urgences à l'accueil des personnes âgées ? Plus crûment, un système plus efficace et mieux coordonné entre ville et hôpital aurait-il permis d'éviter des morts cet été ?

M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, a observé que le développement d'échanges de travail entre la Cour et l'OPEPS est soumis aux mêmes contraintes que celui des échanges avec la commission des affaires culturelles, familiales et sociales : afin de mener des travaux sérieux et de conduire la contradiction avec les organismes audités, la Cour a besoin de temps. Par ailleurs, la Cour a essentiellement une compétence en matière de gestion et certaines demandes peuvent être à la limite de cette compétence qui n'est pas totalement pluridisciplinaire, s'agissant par exemple d'appréciations médicales où la Cour s'en remet aux études existantes et reconnues.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné la complémentarité possible des travaux de la Cour et de l'OPEPS sur des sujets tels que le dépistage du cancer et la périnatalité.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a indiqué que les analyses demandées sur les politiques de prévention et les aides au logement pourraient être inscrites dans la programmation 2004 de la Cour ; au demeurant ces questions ne relèvent pas uniquement de la sixième chambre. S'agissant de la certification des comptes sociaux, il s'agit d'un sujet très complexe : il existe plus de mille organismes de sécurité sociale. Par ailleurs, la Cour souhaite conduire parallèlement ses travaux à ce sujet et ceux sur la certification des comptes de l'Etat dont elle sera chargée en application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Ce sujet majeur sera donc programmé pour 2005.

L'échec des différents systèmes de régulation des dépenses d'assurance maladie a conduit tous les gouvernements à avoir recours à des solutions fiscales ou parafiscales pour équilibrer les comptes. C'est pourquoi il semble nécessaire d'agir plutôt sur la structure de l'offre de soins et sur les comportements des usagers. A cet égard, les actions modestes engagées sur le terrain sont tout à fait pertinentes, à condition de s'inscrire dans la durée, d'être soutenues financièrement et généralisées. Il faut en effet tenir compte de la large part de liberté existant au sein du système français de santé, sans vouloir s'aligner sur le modèle britannique qui, s'il est plus rigoureux, n'est pas exempt d'effets pervers en termes de file d'attente par exemple.

En ce qui concerne les conséquences sanitaires de la canicule, il s'agit d'un sujet que la Cour n'a pas vocation à traiter, s'agissant d'une situation de crise non prévisible, mais qui trouve néanmoins un écho dans la partie du rapport consacrée à la politique de santé envers les personnes âgées.

M. Denis Morin, rapporteur général chargé du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, a formulé les observations suivantes :

- En ce qui concerne les systèmes de régulation, toutes les idées ont déjà été testées, que ce soit le médecin référent ou l'évaluation, mais le passage à l'acte fait défaut.

- La politique conventionnelle est appliquée à des domaines où il ne s'agit pas d'un instrument juridiquement adapté et sans lien entre les différentes professions médicales concernées.

- La politique d'évaluation des médicaments est fondamentale et il faut en tirer au plus vite les conséquences en termes de déremboursement.

- Il convient de développer l'information indépendante des patients et des professionnels de santé en matière de prescriptions. Les logiciels de prescription sont aujourd'hui développés par les laboratoires pharmaceutiques, ce qui n'est pas satisfaisant alors qu'il existe un outil public qui est le Fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique (FOPIM).

- Il est nécessaire de réfléchir à l'évolution de la loi de financement de la sécurité sociale dans le sens d'un meilleur contrôle du Parlement.

M. Pierre Morange, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, s'est félicité de ce que les conclusions du rapport de la Cour en matière de retraites rejoignent les solutions inscrites dans la loi du 21 août 2003. Il a souligné que les problèmes de l'assurance maladie s'inscrivent dans la durée, depuis le début des années 1990, et qu'ils sont fortement tributaires des variations de la situation économique nationale et internationale. A cet égard, les critiques de l'actuelle opposition doivent donc être tempérées par le rappel de la situation économique exceptionnelle qui a accompagné son passage dispendieux aux affaires.

Il a ensuite posé les questions suivantes :

- La Cour partage avec le Parlement le souhait d'avoir une information claire et lisible sur le financement de la sécurité sociale. Estime-t-elle que ses recommandations en ce sens ont été suivies et qu'il est possible de simplifier les flux de financement existant, notamment entre l'Etat et la sécurité sociale ?

- Avant la conclusion de ses travaux sur la certification des comptes, la Cour a-t-elle déjà des suggestions à faire et est-elle prête à travailler de concert avec la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour préparer une révision de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, comme cela s'est fait entre la commission des finances et la Cour pour la loi organique relative aux lois de finances ?

- La Cour dresse un sévère constat d'échec de toutes les politiques de régulation menées ces dernières années en matière d'assurance maladie, tous gouvernements confondus, sans pour autant avancer de recommandations en ce domaine. Est-ce parce que cette carence est structurelle ou pour conserver la nécessaire neutralité dans ce débat en cours ?

- La Cour estime le coût pour l'hôpital de la mise en place de la réduction du temps de travail à hauteur de 3,5 milliards d'euros. Dans la mesure ou de nombreux protocoles ne sont pas encore finalisés, serait-il possible de disposer d'une estimation exhaustive afin de mesurer l'impact sur les budgets de fonctionnement et d'investissements des établissements, l'augmentation de la masse salariale limitant d'autant les capacités d'adaptation des structures.

- La Cour a mené une étude très intéressante sur l'impact du vieillissement de la population sur les dépenses de santé. Ses conclusions diffèrent de l'opinion commune en la matière. Il convient donc de préciser quelles sont ses hypothèses de travail, pourquoi elle estime que l'impact du vieillissement est parfois surestimé et dans quelles proportions chiffrées cela peut-il se mesurer ?

- Pour mieux prendre en charge la dépendance des personnes âgées, il est parfois proposé de créer une cinquième branche de la sécurité sociale. Que pensez-vous de cette idée récurrente alors que d'autres possibilités existent telles que le recours à un fonds de financement ou la délégation de gestion à une branche déjà existante ? Faire financer handicap et dépendance par une même branche peut effectivement améliorer le fonctionnement et le contrôle du secteur médico-social, mais isoler les dépenses maladie des personnes âgées n'est peut-être par très opportun en termes de solidarité intergénérationnelle, ni très facile techniquement.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse, a fait les remarques suivantes :

- L'équilibre financier de la branche vieillesse du régime général doit être étudié compte tenu de l'impact lourd des règles de compensation interrégimes.

- En ce qui concerne l'accompagnement des personnes âgées, il est urgent de savoir pourquoi les consignes spécifiques de soins à ces personnes ne sont pas mieux appliquées ni enseignées aux personnels soignants. L'accompagnement de ces personnes doit se faire en lien avec l'évolution des pratiques générales du secteur médical.

- La crise sanitaire liée à la canicule a été précédée d'un phénomène qui aurait pu servir d'alerte, à savoir la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

- En ce qui concerne la création d'une cinquième branche, il faut prendre garde à ne pas séparer les problèmes sociaux des problèmes sanitaires. La diversité des acteurs au sein des réseaux de soins renforce l'acuité de cette question. Il ne faudrait pas qu'une séparation des rôles entraîne une moins bonne prise en charge de certaines maladies chroniques.

- Le recours au secteur privé lucratif pour le financement de l'hébergement des personnes âgées devrait être étudié par la Cour, car il y a de l'argent public en jeu dans la prise en charge du tarif hébergeant. A cet égard, il serait important de connaître la part des amortissements des travaux qui sont inclus dans le coût de l'hébergement.

M. Maxime Gremetz a estimé que l'examen du projet de loi relatif à la politique de santé publique donne lieu à un débat sur les institutions nationales de santé publique, mais qu'on ne peut pas demander à la Cour des comptes d'intervenir dans un tel débat car ce n'est pas son rôle. En revanche, il convient de donner toute leur valeur à ses travaux en matière de sécurité sociale et, de ce point de vue, le groupe communiste et républicain s'efforce d'être, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le « porte-parole » de la Cour, s'appuyant sur la « bible » que constituent ses recommandations et essaie, avec difficultés, de promouvoir celles-ci.

Il faudrait que la Cour elle-même s'assure du suivi de ses recommandations et réaffirme celles qui n'ont pas été suivies d'effet les année suivantes. Il est dommage que l'on ne sache pas quel a été le sort de certaines recommandations formulées en 2002, par exemple celles relatives : à la lisibilité des comptes, à l'urgence d'une normalisation comptable et d'une stabilisation des règles de financement, à l'assiette des cotisations - de plus en plus réduite par la multiplication des dispositifs d'exonération, privilégiés par les entreprises, et constituant selon la Cour une « menace pour les régimes de base » - et à la nécessité de publier en annexe au projet de loi de financement la liste des dispositifs d'exonération ainsi que leur coût.

M. Maxime Gremetz a ensuite posé les questions suivantes :

- Quel est le manque à gagner pour les organismes de sécurité sociale induit par les exonérations de cotisations sociales ? Celles-ci ont-elles été complètement compensées ?

- Quel est le manque à gagner pour ces mêmes organismes résultant de la hausse du chômage ?

- Quel est l'impact des déremboursements de médicaments sur le budget de la sécurité sociale ? Quel est l'impact de la politique des génériques ?

- Quelle est la part respective des impôts et des taxes d'un côté et des cotisations de l'autre dans le financement de la sécurité sociale ?

- Y a-t-il une baisse des recettes liées aux taxes sur le tabac, en dépit de la hausse de ces taxes ?

- Quelle est la situation financière de la branche famille ? La nouvelle prestation unique pourra-t-elle être financée ? Comment les crédits destinés aux crèches ont-ils été utilisés ?

- Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), mis à contribution pour financer le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), est-il déficitaire ?

M. Jean-Marie Le Guen, après avoir relevé la qualité du rapport rendu par la Cour sur les personnes âgées et le médicament, s'est étonné que ce soit la Cour des comptes, a priori peu outillée pour une telle analyse, qui en soit à l'origine. Sur un sujet purement médical et social, on peut regretter que les corps d'inspection, les agences et les institutions concernées n'aient pas procédé eux-mêmes à une telle réflexion. Est encore plus regrettable le fait que cette problématique ne soit pas prise en compte dans l'élaboration des politiques publiques.

Il a ensuite formulé les remarques suivantes :

- Le constat que les recettes affectées à l'assurance maladie ne couvrent pas les dépenses correspondantes depuis le début des années 1990 ne semble pas être le critère d'analyse pertinent. En effet, il ne tient pas compte du caractère arbitraire de l'affectation de telle part des recettes à l'assurance maladie. Il est plus intéressant d'analyser l'adéquation globale des recettes sociales aux dépenses de la sécurité sociale.

- L'approche faite par la Cour des différentes politiques de régulation de l'assurance maladie est a priori contestable. On ne peut pas parler de continuité ni globaliser l'analyse. En 1992 et 1993, il y a eu une amorce de régulation médicalisée ; le reste du temps, les gouvernements mais également la plupart des acteurs se sont focalisés sur la maîtrise comptable et financière des dépenses. La critique sur la régulation doit donc porter sur la seule maîtrise comptable qui s'est avérée sans efficacité, et non sur tous les modes de régulation possibles.

- La sécurité sociale va connaître de graves difficultés de trésorerie. Qu'en a t-il été pour 2002 ? Qu'en est-il pour 2003 et quelles sont les prévisions pour 2004 ? Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte en effet des autorisations d'emprunt. Quel jugement la Cour porte-t-elle sur ces dispositifs ?

M. Jean-Paul Anciaux a souligné la difficulté de maîtriser les dépenses d'assurance maladie en l'absence de volonté à la fois individuelle et collective et d'une prise de conscience par la population. Qu'en est-il en particulier de la surconsommation des soins liée à la couverture maladie universelle (CMU) ? Est-elle stabilisée ? Quel jugement la Cour porte-t-elle sur ce dispositif appliqué sans aucun contrôle ?

M. Yves Bur a formulé les observations et posé les questions suivantes :

- Les constats alarmants de la Cour ne font pas encore assez « mal » pour que les gouvernements tiennent compte de ses recommandations.

- De quelle façon serait-il possible de renforcer l'efficacité des instruments de régulation des dépenses d'assurance maladie, en particulier de régulation par les prix, pour responsabiliser davantage les assurés ?

- La gestion du risque par les caisses d'assurances maladie s'avère insuffisante, notamment en l'absence de réelle mise en œuvre du codage des actes qui en constitue l'une des conditions premières.

- L'évaluation de l'efficacité thérapeutique des médicaments n'est-elle pas trop laxiste, comme le suggère l'arrivée sur le marché de nouveaux produits dont le service médical rendu paraît pour le moins contestable ?

- Le système conventionnel actuel doit être réformé, comme le souligne le rapport de la Cour. Dès lors, n'est-il pas souhaitable de lui substituer des contrats individuels avec les professionnels de santé permettant de transcrire de réels engagements ?

- Serait-il possible d'avoir des précisions sur la croissance des indemnités journalières et des affections de longue durée (ALD), dans la mesure où les réponses apportées sur ces questions semblent par trop conjoncturelles ?

- S'agissant des personnes âgées, il est nécessaire de renforcer la prise en charge par les services d'urgence en y associant les centres locaux d'information et de coordination gérontologique (CLIC), qui fonctionnent bien et permettent de faciliter l'hospitalisation à domicile.

- Compte tenu de la progression des charges et de la réduction du nombre de cotisants qu'implique le vieillissement de la population, la création d'un fonds de réserve et de régulation des cotisations maladie, comme cela va être mis en place en Allemagne, ne devrait-t-elle pas être envisagée, afin éviter d'insupportables transferts intergénérationnels ?

Soulignant le poids du médicament dans l'ensemble des dépenses de santé, M. Bruno Gilles, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail, a souhaité avoir des précisions sur les réorientations majeures qu'implique, selon la Cour, la dégradation des comptes de l'assurance maladie. Quelles sont, d'autre part, les voies de réforme de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ?

M. Pierre-Louis Fagniez a estimé que la situation financière actuelle de l'assurance maladie doit être appréciée au regard des évolutions intervenues au cours des années 1990, avec la mise en place des instruments de régulation, comptables et médicalisés. En effet, malgré plusieurs efforts réalisés dans ce domaine, ces instruments de régulation se sont révélés insuffisants. Ainsi l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) n'a-t-elle accrédité qu'environ 350 établissements.

Il serait cependant utile d'avoir des indications chiffrées sur la prise en compte du principe de précaution par l'assurance maladie, s'agissant par exemple des dépenses de biologie moléculaire visant à supprimer le risque viral ou transfusionnel, ainsi que de la mise en place de nouvelles normes sanitaires.

Mme Muguette Jacquaint a souhaité savoir s'il est possible de distinguer les catégories d'arrêts du travail qui sont à l'origine de la progression importante des indemnités journalières (+ 11 % en 2002). En effet, des salariés employés à durée déterminée ou en intérim sont parfois soumis à une pression très forte pour conserver leur emploi ou ne pas déclarer des accidents du travail. Il serait également utile d'avoir des informations sur la fréquence des accidents du travail selon le degré de pénibilité du travail. Enfin, il paraît pour le moins contestable de continuer à inclure les congés maternité dans les indemnités journalières, dans la mesure où la maternité ne peut pas s'apparenter à une maladie.

En réponse aux intervenants, M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, s'est tout d'abord félicité du vif intérêt suscité par le rapport de la Cour auprès des parlementaires, dont témoignent la richesse et la diversité des questions abordées.

Celles-ci appellent les observations d'ordre général suivantes :

- En premier lieu, la Cour dispose de moyens modestes. La sixième chambre ne comprend que 40 personnes en équivalent temps plein. La Cour est par ailleurs tributaire des informations obtenues auprès des administrations.

- Si la création des lois de financement de la sécurité sociale a constitué un progrès, dans la mesure où pour la première fois le Parlement a été amené à se prononcer sur des dépenses qui représentent la moitié des dépenses publiques, cet instrument présente aujourd'hui d'incontestables limites. La Cour se tient donc à l'entière disposition du Parlement pour préparer, s'il le juge nécessaire, une révision de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, comme cela s'est fait pour la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

- La Cour est très attentive aux suites données à ses recommandations, mais celles-ci ne peuvent pas toujours être immédiatement appliquées. Le champ des questions abordées par les rapports de la Cour est par ailleurs tellement large - comme par exemple l'analyse présentée dans le rapport 2001 sur les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale -qu'il n'est pas possible d'en présenter un suivi exhaustif chaque année.

- La proposition de création d'une cinquième branche, qui permettrait au minimum de décrire les flux financiers des actions en faveur des personnes âgées, soulève, à titre personnel, plusieurs réserves. Alors que pour les retraites la population bénéficiaire est facilement identifiable, tel n'est pas le cas pour les personnes âgées. En outre, l'âge n'apparaît pas comme un critère suffisamment discriminant pour distinguer très clairement ce qui relève ou non de l'assurance maladie. Enfin, il existe un risque sociopolitique important à créer une catégorie d'ayants droits particuliers, qui seraient ainsi discriminés.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a répondu, s'agissant du suivi des recommandations de la Cour, qu'il est plus facile de les mettre en œuvre dans le domaine comptable que lorsque des réformes importantes de nature politique sont préconisées. Dans ce dernier cas, l'objectif de la Cour est d'apporter des informations et de susciter une prise de conscience.

La création d'une cinquième branche serait un facteur de complexité peut-être inutile. Une étude de la Cour se déroule actuellement sur le problème des personnes âgées et du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), incluant les problèmes d'hébergement et de personnel. La Cour n'est cependant pas compétente pour conduire des investigations sur les investissements du secteur privé à but lucratif et doit se contenter d'observer les flux financiers correspondants.

M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, a précisé sur ce point que la seule existence d'un financement public ne suffit pas à déterminer la compétence de la Cour. En effet, si une loi de 1950 établit la compétence de la Cour en matière de contrôle des organismes de sécurité sociale, les fonds versés par ceux-ci ont le caractère de deniers privés réglementés et non de deniers publics.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a indiqué que les cotisations représentent les deux tiers des ressources de la sécurité sociale, les impôts et taxes affectés 30 %, les contributions publiques 4 % et les placements financiers et autres 1 %.

L'augmentation significative des indemnités journalières (+ 11 %) a déjà été abordée dans le rapport particulier de la Cour sur les accidents du travail, paru en 2002. La Cour ne s'est pas penchée sur les causes de cette augmentation, si ce n'est en pointant le lien avec les restrictions en matière de préretraites dans la mesure où les indemnités journalières ont surtout augmenté pour la tranche d'âge des 56-59 ans.

M. Denis Morin, rapporteur général chargé du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, a apporté les réponses suivantes :

- Les conséquences financières de la réduction du temps de travail à l'hôpital sont évaluées à 3,4 milliards d'euros pour la période 1999-2003. Les perspectives pour 2004 et 2005 sont respectivement de 881 millions d'euros et 355 millions d'euros, ces coûts étant essentiellement liés au compte épargne-temps. L'ensemble des protocoles représente donc une dépense de 4,6 milliards d'euros, soit 10 % de l'ensemble des dépenses hospitalières, avec la création de 43 000 emplois.

- Le Gouvernement a, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, l'obligation d'établir un rapport faisant le point de l'application des recommandations de la Cour. Ce rapport aurait dû être transmis au Parlement pour le 15 juillet.

- S'agissant du cinquième risque, il existe certes des dépenses d'assurance maladie spécifiques aux personnes âgées, mais mettre en place une nouvelle « tuyauterie » pour assurer leur financement ne semble pas prioritaire. Les prestations liées à la dépendance (APA) sont servies par le réseau efficace de proximité que constituent les départements. En revanche, il est urgent d'évaluer les besoins, de planifier les actions et d'organiser la formation d'un personnel qualifié d'accompagnement des personnes âgées.

- Les manques à gagner pour la sécurité sociale, résultant des « trous » dans l'assiette des cotisations, s'élèvent à dix milliards d'euros, non compensés.

- Les exonérations de cotisations liées aux aides à l'emploi ont représenté un coût de 20,5 milliards d'euros en 2002, compensé par l'Etat et le FOREC à hauteur de 18,2 milliards d'euros, soit un reliquat non compensé de 2,3 milliards d'euros correspondant à des dispositifs antérieurs à la loi Veil de 1994.

- Le manque à gagner lié à l'augmentation du chômage est difficile à évaluer même si on peut estimer que 100 000 chômeurs représentent une perte de ressources d'un milliard d'euros.

- Le déremboursement des médicaments à SMR insuffisant représente une économie d'un milliard d'euros par an.

- Les règles d'affectation des taxes sont moins fluctuantes que lors de la mise en place du FOREC et une plus grande stabilité dans la répartition de leur produit a été constatée en 2002.

- Les comptes du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) font apparaître un solde négatif de 1,4 milliard en 2002.

- Une recommandation de la Cour préconise la révision de l'ensemble des mécanismes de compensation entre les différents régimes d'assurance vieillesse, tout en maintenant le principe de solidarité entre régimes. Il faut noter la suppression, à terme, de la surcompensation, prévue par la loi du 21 août 2003.

- La Cour a entrepris un bilan de la réforme de la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes et de l'APA, qui sera disponible dans le courant de l'année 2005.

- La rémanence du déficit de l'assurance maladie et son évolution à long terme ont déjà été évoquées dans plusieurs rapports de la Cour. On constate qu'entre 1990 et 2003 les dépenses d'assurance maladie ont augmenté une fois et demie plus vite que la richesse nationale. La Nation doit donc bien se demander quelle part de la richesse produite elle accepte de consacrer à la prise en charge collective des soins.

- Il faut utiliser conjointement l'instrument de la maîtrise financière et l'instrument de la maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie. Ce dernier consiste à pourchasser la mauvaise dépense, comme les médicaments inefficaces, afin de favoriser la bonne dépense, par exemple pour les traitements de pathologies lourdes et les traitements innovants.

- Aucun des régimes de sécurité sociale autorisés en 2002 à recourir aux avances de trésorerie n'aura dépassé les plafonds fixés par la loi de financement pour cette année.

- Il ne peut être apporté aujourd'hui de réponse à la question sur le coût de la CMU ; de même, on ne sait pas évaluer le coût du principe de précaution ou du renforcement de certaines normes sanitaires, à l'exception de quelques indices disponibles dans le domaine de la transfusion sanguine.

- Il faut encourager le renouveau de la politique contractuelle dans le fonctionnement de l'assurance maladie.

- Les indemnités journalières ont augmenté de 11 % en 2002, ce qui représente une dépense totale de 7 milliards d'euros, sans qu'il soit possible d'apporter une explication précise à cette augmentation. En revanche, un ralentissement est constaté en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles. On peut rappeler l'hypothèse établie par la CNAM d'un lien avec le resserrement des dispositifs de préretraites.

- Le produit des taxes sur le tabac a augmenté en 2002 mais, en 2003, on peut observer que l'augmentation des taxes a eu un effet sensible sur le volume de consommation de tabac et le développement de la contrebande, ce produit étant fiscalisé à hauteur de 70 %.

Le président Jean-Michel Dubernard a conclu en remerciant les magistrats de la Cour des comptes et en réaffirmant la nécessité de renforcer la collaboration entre la Cour et la commission, le plus en avant possible des travaux respectifs de l'une et de l'autre.

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