COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 17 juillet 2002
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Ratification de l'accord d'application de la convention sur le droit de la mer relatif aux ressources halieutiques (n° 39) - rapport

- Approbation de l'avenant à l'accord de siège de l'Agence de coopération culturelle et technique (n° 45) - rapport

- Approbation de l'accord de siège de la Commission internationale de l'état-civil (n° 46) - rapport

- Approbation des accords Intelsat et Eutelsat (nos 40 et 41) - rapport



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Gestion des stocks chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Guy Lengagne, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord aux fins de l'application des dispositions de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs (ensemble deux annexes), (n° 39).

M. Guy Lengagne a d'abord souligné que la question de la gestion des ressources de la mer dépendait du régime juridique des eaux. Il a ainsi rappelé que les Etats avaient progressivement augmenté leur emprise sur les eaux marines au-delà de la seule mer territoriale. L'apparition des droits liés au plateau continental, sous l'impulsion du président Truman en 1945, et du concept de zone économique exclusive (ZEE), conforté par la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, a en effet constitué l'une des grandes révolutions pacifiques de l'histoire de l'humanité.

Les droits souverains liés à l'émergence des zones économiques exclusives ont étendu les droits de pêche des Etats. Pour autant, la France n'est pas directement gestionnaire de sa ZEE, sauf dans les Territoires d'outre-mer, la pêche étant l'une des branches les plus abouties de la construction européenne.

Le Rapporteur a indiqué que le principal problème auquel se heurte la pêche est celui de la surexploitation des ressources halieutiques, qui rend nécessaire leur gestion internationale et justifie l'intérêt de la présente convention. Selon la FAO il faudrait diminuer « l'effort de pêche » de 25 % pour préserver les ressources halieutiques.

La France est concernée par trois sortes de pêches : la pêche qui relève de la politique communautaire dans les eaux gérées par l'Europe bleue, la pêche dans les Territoires d'outre-mer qui reste une compétence nationale, et enfin la pêche en haute mer de poissons de stocks chevauchants ou de poissons grands migrateurs comme le thon. C'est ce dernier type de pêche qui est d'abord concerné par l'accord signé en 1995, dont l'objectif est de parvenir à une gestion concertée et maîtrisée des espèces en question.

M. Guy Lengagne a ensuite décrit les principales stipulations de l'accord, notamment les principes sur lesquels il se fonde, comme le principe de précaution, l'obligation de coopération et l'obligation de se baser sur des mesures scientifiques fiables.

Il a d'autre part plus particulièrement insisté sur les pouvoirs des organisations régionales de pêche dans les eaux internationales. Celles-ci pourront interdire l'accès aux zones de pêche qu'elles surveillent à des navires issus d'Etats non membres de ces organisations ou qui n'en respectent pas les règles. Elles disposeront également d'un pouvoir de contrainte renforcé, y compris du droit d'arraisonner les navires contrevenants. Cependant, il faut préciser que ces règles s'imposeront uniquement aux Etats qui auront ratifié l'accord de 1995.

Enfin, M. Guy Lengagne a estimé que le constat de la surexploitation conduisait progressivement à la sagesse. Cependant, certaines de nos zones de pêche sont pillées par une véritable pêche pirate. La signature d'accords tels que celui que la Commission des Affaires étrangères examine peut contribuer à la lutte contre cette pêche « pirate » ; c'est pourquoi le Rapporteur a recommandé l'approbation du projet de loi.

Après avoir remercié le Rapporteur pour son exposé intéressant et concret, le Président Edouard Balladur a souhaité savoir quelle réponse apportaient les autres pays à la question des sanctions qui manifestement n'est pas claire, en particulier en zone de haute mer.

M. Guy Lengagne a répondu qu'il fallait distinguer les pays signataires de l'accord et les autres. Pour les premiers, la situation est assez claire puisque l'accord prévoit un certain nombre de sanctions. Pour les seconds, la situation est plus complexe : si le navire de pêche « pirate » se trouve dans la zone économique exclusive, il peut être arraisonné, mais s'il est en haute mer, il n'est pas possible d'agir si son Etat de pavillon refuse la coopération internationale. On peut d'ailleurs se demander si ce type de comportement ne conduira pas un jour les Etats côtiers à souhaiter augmenter leur emprise territoriale sur l'ensemble des océans, ce qui serait regrettable.

M. René-Paul Victoria a rappelé que la Commission européenne avait pour principe de veiller tout particulièrement à la préservation de l'agriculture pour les départements d'outre-mer. Il a souligné que, dans les années à venir, la pêche allait y devenir la principale activité, avant le tourisme et l'économie sucrière, d'où l'importance des moyens qu'il convient d'accorder à la surveillance des océans et à la protection des richesses marines.

M. Guy Lengagne a indiqué que la pêche pouvait être potentiellement une activité très importante pour la Réunion, même si malheureusement les zones de thon se trouvent plus au nord, profitant donc bien davantage aux ports des Seychelles où ils sont déchargés. En ce qui concerne les ressources des Terres australes et antarctiques françaises, le problème réside dans le contrôle des ces zones du fait de leur éloignement et de leur étendue, mais il est incontestable qu'elles constituent une potentialité intéressante pour la Réunion.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no39).

Agence de coopération culturelle et technique

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Bruno Bourg-Broc, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord entre l'Agence de coopération culturelle et technique et le Gouvernement de la République française relatif au siège de l'Agence et à ses privilèges et immunités sur le territoire français, (n° 45).

M. Bruno Bourg-Broc a rappelé que l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) avait été mise en place suite à la conférence de Niamey, qui avait réuni les représentants de dix-huit Etats francophones en mars 1970. Un accord de siège conclu entre la France et cette agence le 30 avril 1972 devait en fixer le siège à Paris et définir le régime des immunités et des privilèges de ses hauts cadres.

L'évolution de la Francophonie depuis les années soixante-dix a donné lieu à une réforme de son organisation lors du sommet qui s'est tenu à Hanoï en 1997. L'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) y a ainsi été créée, ainsi qu'un poste de Secrétaire général de la Francophonie, confiée à M. Boutros Boutros-Ghali. L'Agence de coopération culturelle et technique devait pour sa part changer de dénomination en devenant l'Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF).

Le présent avenant vise à intégrer ces modifications organisationnelles au sein de l'accord de siège conclu en 1972. Il étend en outre le régime des privilèges et immunités diplomatiques à l'ensemble des principaux cadres de l'OIF et de l'AIF, soit douze personnes au lieu de trois actuellement.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 45).

Commission internationale de l'état-civil

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Christian Philip, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Commission internationale de l'état civil (n° 46).

M. Christian Philip a expliqué que l'accord de siège entre la France et la Commission internationale de l'état-civil (CIEC) était de facture classique. Il permet surtout de conférer à la CIEC le statut d'organisation internationale et les privilèges et immunités qui s'y rattachent.

La CIEC réunit 16 Etats européens dont 11 sont membres de l'Union européenne et 6 Etats observateurs. La CIEC dispose ainsi de la personnalité civile pour assurer la gestion des moyens nécessaires à son fonctionnement. L'accord de siège lui permet de pérenniser son installation dans de modestes locaux à Strasbourg.

Le budget de cette organisation est réduit, de l'ordre de 228 000 € par an, la France y contribuant pour plus de 18 000 €.

La CIEC emploie de façon permanente 5 personnes, sous la responsabilité d'un Secrétaire général et d'un Secrétaire général adjoint, élus par les sections nationales. Aucun de ces personnels ne bénéficie aux termes de l'accord de siège de privilèges fiscaux.

M. Christian Philip a fait observer que les activités de la CIEC ne manquaient pas d'intérêt. Elle a élaboré 30 conventions dont 23 sont en vigueur et 8 recommandations sur les questions touchant à l'état-civil. Cependant, on ne compte que 8 conventions ratifiées par plus de la moitié des Etats car cette procédure implique souvent des modifications de la législation interne.

Actuellement, la CIEC travaille sur l'harmonisation des régimes d'état-civil, la transmission des documents d'état-civil par voie électronique, le document européen d'identité, la loi applicable à la détermination du nom patronymique et la transcription des jugements de divorce.

Toutefois, la CIEC est largement concurrencée par l'Union européenne et la Conférence internationale de droit privé de La Haye, même si elle réunit des spécialistes d'un domaine souvent négligé par les Etats.

La délégation française joue un rôle important au sein de cette instance dont le français est la langue officielle. L'actuel Secrétaire général, comme ses deux prédécesseurs, est un Français.

Le Rapporteur a proposé la ratification de cet accord de siège qui confèrera le statut d'organisation internationale à la CIEC dont le champ d'activité est utile, même s'il est limité.

M. Richard Cazenave a fait remarquer que les activités de la CIEC relevaient largement de la compétence de l'Union européenne.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 46).

Accords Intelsat et Eutelsat

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Roland Blum, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord du 20 août 1971 relatif à l'Organisation internationale de télécommunications par satellites « INTELSAT » tel qu'il résulte des amendements adoptés à Washington le 17 novembre 2000, (n° 40), et le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation européenne de télécommunications par satellite EUTELSAT (n° 41).

M. Roland Blum a indiqué que les deux projets de loi poursuivent les objectifs suivants :

- pour le premier, autoriser l'approbation de l'accord relatif à l'Organisation internationale de télécommunications par satellites « Intelsat », tel qu'il résulte des amendements adoptés à Washington le 17 novembre 2000 ;

- pour le second, autoriser l'approbation de l'accord de siège signé le 15 mai 2001 entre le Gouvernement français et l'Organisation européenne de télécommunications par satellites Eutelsat.

Le Rapporteur a rappelé que l'organisation Intelsat avait été créée par un traité international en 1964. Sa mission principale est de fournir des services internationaux fiables de téléphonie publique sur une base non discriminatoire à toutes les régions du monde, grâce à la mise en place et à l'exploitation d'un système global commercial de télécommunications par satellite. Elle compte aujourd'hui 144 pays membres et son système est utilisé par quelque 120 pays, territoires et autres entités.

Elle demeure le premier fournisseur mondial de services commerciaux de télécommunications, mais doit faire face à la concurrence croissante d'opérateurs privés. Ses investissements sont assurés par les opérateurs de télécommunications des Etats membres (France Télécom pour la France). Intelsat dispose actuellement du plus grand nombre de satellites en exploitation, puisque son parc en orbite se compose de 22 satellites géostationnaires de forte puissance, au-dessus de l'Atlantique, de l'Océan Indien et du Pacifique.

Dans un contexte de libéralisation des services de télécommunications, il est apparu indispensable de restructurer les organisations intergouvernementales de satellites pour renforcer leur l'efficacité commerciale : la restructuration d'Inmarsat et d'Eutelsat auxquelles la France est aussi Partie, a précédé celle d'Intelsat.

Cette restructuration a été décidée par l'assemblée des Parties à l'organisation à Washington le 17 novembre 2000. Les principes de la réforme y ont été adoptés sous la forme d'amendements à l'accord international du 20 août 1971. La restructuration se traduit de la façon suivante :

- une société commerciale est créée (Intelsat Ltd), à laquelle ont été transférés, le 18 juillet 2001, les activités opérationnelles et les actifs correspondants d'Intelsat, pour donner à l'organisation les moyens d'une optimisation de l'utilisation de son secteur spatial et un nouveau potentiel de croissance ;

- une structure intergouvernementale (IGO) forte est maintenue, aussi longtemps que les Parties la jugeront utile, pour leur permettre de veiller au respect de certaines obligations, notamment celle de service universel.

Eutelsat a été fondée en 1977 pour exploiter un réseau trans-européen de télécommunications par satellites. Compte tenu des infrastructures téléphoniques mises en place au niveau terrestre et de la forte croissance des besoins dans l'audiovisuel, Eutelsat s'est progressivement spécialisée dans la distribution de télévision et de radio, qui représente aujourd'hui près de 56% de son chiffre d'affaires.

Eutelsat, premier opérateur européen de satellites, a fait l'objet d'une restructuration en 2001, qui s'est traduite par la création d'une société anonyme de droit français, Eutelsat SA, qui a repris les actifs et les activités commerciales de l'organisation intergouvernementale.

Afin de tenir compte des modifications entraînées par la réforme, un nouvel accord de siège a été conclu entre les autorités françaises et l'organisation intergouvernementale Eutelsat, installée à Paris. Cet accord est rigoureusement identique à l'accord précédent de 1985, mais il s'applique à une structure plus réduite, l'essentiel des activités d'Eutelsat ayant été transférées à la société Eutelsat SA.

Le nouvel accord de siège reprend l'essentiel des dispositions du précédent en date du 15 novembre 1985.

L'immunité de juridiction et d'exécution est maintenue en faveur d'Eutelsat, ainsi que l'exonération de tous impôts directs et le remboursement de la TVA en cas d'achats importants de biens ou de services.

Les membres du personnel de l'organisation (il s'agit d'un effectif à présent très réduit de trois personnes) bénéficient de privilèges et immunités, en particulier de l'immunité de juridiction, sauf pour les infractions à la réglementation de la circulation routière.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 40 et 41).

Avant de conclure la réunion, le Président Edouard Balladur a rappelé que la Commission des Affaires étrangères entendra le Ministre des Affaires étrangères le mardi 23 juillet prochain à 15 heures sur les relations franco-allemandes, et ce en présence des membres de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Cette audition revêt une importance particulière pour trois raisons : elle précède le prochain sommet franco-allemand du 30 juillet à Schwerin, elle précède également le quarantième anniversaire du Traité de l'Elysée, signé le 22 janvier 1963, et enfin l'Union européenne et plus particulièrement les relations franco-allemandes figurent au c_ur de la campagne électorale qui se déroule actuellement en Allemagne.

M. Pierre Lellouche a souligné qu'il s'agissait là d'un sujet important, puis il a suggéré que soit organisée rapidement, si possible avant la fin de la session extraordinaire, une audition de M. Valéry Giscard d'Estaing consacrée à l'état d'avancement des travaux de la Convention européenne.

Le Président Edouard Balladur a répondu que cette audition était prévue pour la rentrée.

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