COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 30 octobre 2002
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président,

SOMMAIRE

 

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- Examen pour avis du budget Coopération et développement pour 2003
- Examen pour avis du budget Relations culturelles internationales et Francophonie pour 2003


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Examen pour avis du budget Coopération et développement

M. Jacques Godfrain, Rapporteur pour avis, a présenté les moyens de l'Aide publique au développement (APD) expliquant que cette action figurait parmi les cinq priorités retenues par le Premier ministre dans sa lettre de cadrage budgétaire pour 2003. La tendance à la diminution de l'APD française est aujourd'hui inversée, son niveau rapporté au PIB est passé de 0,34% du PIB en 2001 à environ 0,36% du PIB en 2002. Avec 600 millions d'euros pour l'exercice 2003, l'APD française représentera 0,39% du PIB. Cinquième fournisseur d'APD, derrière les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne et le Royaume-Uni, la France consent des moyens importants à l'aide au développement même si, malgré la réforme, son dispositif de coopération souffre encore d'un défaut de clarification des rôles respectifs des divers intervenants.

Toutefois, la coordination entre le ministère de l'Economie et des Finances et le ministère des Affaires étrangères laisse à désirer si l'on en juge par la régulation budgétaire drastique intervenue en 2002 sur les programmes de coopération lancés par la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) et l'Agence française de développement (AFD). Le Rapporteur s'est demandé si, dans ces conditions, des actions de coopération pouvaient être menées à long terme avec une régulation a posteriori de crédits votés par le Parlement moins de deux mois auparavant.

Il a observé que la réforme de la coopération de 1998 avait maintenu la multiplicité des intervenants - DGCID et AFD -, même si, sur le terrain, des solutions ont été trouvées. Il a également souligné le fait que le périmètre de la Zone de solidarité prioritaire (ZSP), qui exprimait la solidarité historique de la France envers les pays en développement francophones en tenant compte de leur situation économique et financière, s'étendait désormais à 54 pays, ce qui dénaturait sa vocation initiale. Il a enfin critiqué l'affaiblissement brutal de la coopération de substitution et la poursuite de la diminution des effectifs de l'assistance technique (suppression de 260 postes entre 2001 et 2002).

M. Jacques Godfrain s'est demandé s'il ne convenait pas de proposer une loi-programme pour la coopération, rappelant que lors des précédents examens des crédits de l'aide au développement et de la coopération, les parlementaires avaient exigé à maintes reprises l'organisation d'un débat sur ces politiques. Ils s'étaient élevés contre les effets pernicieux des coupes de crédits, sans évaluation des actions menées. Il a estimé nécessaire d'élaborer de véritables stratégies pluriannuelles de développement par pays qui prennent en compte leurs objectifs.

Selon lui, une meilleure coordination entre aide bilatérale et multilatérale est nécessaire. La France se place en tête des pays contributeurs du Fonds européen pour le développement (FED), avec une part qui a représenté, au cours des deux dernières années, 24,30 % de sa dotation globale. Cependant, la forte contribution de la France au fonds ne donne pas de résultats tangibles. La Commission européenne est régulièrement critiquée pour les retards constatés dans l'exécution de ses programmes d'aide au développement, parmi lesquels le FED occupe une place importante. Cette situation est inacceptable, une partie de l'effort français de coopération se trouve ainsi gelé et sa visibilité est réduite.

Quant aux contributions volontaires aux dépenses internationales, M. Jacques Godfrain a fait observer que l'exercice 2003 ne prévoyait pas leur augmentation et a rappelé que la France était le quatrième contributeur obligatoire aux organisations multilatérales et le douzième contributeur volontaire.

Le Rapporteur a détaillé les différentes méthodes de coopération favorisant le partenariat, estimant qu'il était nécessaire que les populations bénéficiaires formulent leurs besoins et soient directement associées à la gestion des aides. C'est pourquoi l'initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE) est très utile. Dans le cadre de ce processus de réduction contrôlée de la dette, la France utilise un système contractuel : le Contrat de désendettement développement (C2D) qui porte sur certains secteurs ou programmes prioritaires (santé, éducation, etc.). Le C2D s'inscrit dans le cadre de la lutte contre la pauvreté en transformant en dons les remboursements de la dette. Il associe la coopération française, les autorités étatiques, la population et la société civile à la conception et la mise en œuvre des programmes et projets.

Le Rapporteur a insisté sur l'impact des micro-projets qui répondent de façon très satisfaisante aux besoins des populations les plus défavorisées. Il s'est félicité du développement de la coopération décentralisée, qui n'est plus considérée comme un outil marginal de coopération, d'autant que la décentralisation se met en place en Afrique. Elle permet le développement d'actions ciblées et évaluées, et ses effets de levier sont importants.

Par ailleurs, M. Jacques Godfrain a estimé nécessaire d'adapter les conditions de délivrance des visas et d'accès aux consulats en Afrique. Il a proposé que soit créé un livret d'épargne-développement permettant aux migrants d'envoyer de façon sécurisée une part de leurs revenus et de conserver l'autre sur un compte rémunéré pour pouvoir créer dans leur région d'origine une entreprise commerciale ou une unité de production.

Il s'est en outre déclaré préoccupé par l'enclavement de ce continent, aggravé par la disparition d'Air Afrique, de la Sabena et de Swissair, qui a laissé la Compagnie Air France en situation de quasi monopole. Français et Africains se plaignent amèrement des tarifs pratiqués sur l'ensemble du réseau africain d'Air France.

Le Rapporteur a plaidé pour la mise en place d'un véritable partenariat Nord-Sud sur les questions agricoles, afin de protéger, y compris par des barrières douanières régionales, les agriculteurs des pays du Sud. Un système de tarif douanier saisonnier pourrait être mis en place. La constitution de filières de productions agricoles, notamment le coton et le riz, la contribution à la lutte antiacridienne sont dans ce secteur autant de succès de la coopération française. Le Rapporteur a également évoqué le délicat problème de la décristallisation des pensions des anciens combattants africains qui doit être résolu de manière digne.

En conclusion, M. Jacques Godfrain a souligné combien l'aide au développement était une nécessité et ne se réduisait pas à un simple problème comptable. Il s'agit de relever le défi du sous-développement, de favoriser la restauration de l'Etat de droit dans les pays concernés pour que l'aide soit mieux utilisée.

S'agissant de la coopération décentralisée qui vient renforcer l'action de la France à l'étranger, M. Richard Cazenave s'est référé à la situation des ONG dont les efforts en matière de coopération mériteraient sans doute d'être épaulés, dans un cadre défini par nos objectifs politiques, afin que ces dernières soient accréditées au niveau européen.

En outre, il s'est demandé si la francophonie ne devrait pas figurer parmi les critères qui orientent notre action à l'intérieur de la ZSP.

Enfin, il a émis des doutes quant à la cohérence de la réforme de la coopération. Dans la mesure où la DGCID définit la stratégie de coopération et l'AFD est chargée de la mettre en œuvre, n'y a-t-il pas une confusion des rôles dans la mise en œuvre des programmes ?

Poursuivant sur ce thème, M. Jacques Myard, reconnaissant l'utilité de la fusion des ministères de la Coopération et des Affaires étrangères a toutefois estimé que la DGCID pouvait être qualifiée d'Etat dans l'Etat. Ne devrait-elle pas avoir une spécificité africaine étant donné que les intérêts de la France y sont différents de ceux du reste du monde ?

Par ailleurs, il a également regretté que la coopération de substitution ait été abandonnée au profit de la coopération par projets et souligné que le Président Abdoulaye Wade lui-même avait souhaité un retour à cette forme de coopération.

Enfin, sur le FED, il a considéré que l'aide multilatérale demeurait moins performante et plus anonyme que l'aide bilatérale, qu'il convient de privilégier, car elle est plus visible et traduit directement les engagements de la France.

M. Bruno Bourg-Broc a fait observer qu'une stratégie pluriannuelle d'aide au développement était nécessaire car elle constituerait un signe politique fort, notamment à l'égard des pays africains qui constatent une diminution régulière de cette aide.

Puis il a interrogé le Rapporteur sur les moyens concrets qui pourraient être utilisés pour que les crédits européens soient consommés, mais aussi pour que la participation française sorte de l'anonymat.

Ensuite, il s'est étonné de la programmation parfois mal adaptée de certains centres culturels.

Enfin, il a souligné que la coopération décentralisée présentait le double inconvénient de la multiplication et de la dispersion et souhaité savoir comment ce type d'action progressait dans le projet de budget pour 2003.

M. René André a fait part de trois observations. Il a tout d'abord souligné le caractère quelque peu inexact du message que la Grande-Bretagne veut faire passer sur la Politique agricole commune (PAC) selon lequel celle-ci jouerait contre l'agriculture des pays du Sud. Le moment est venu d'insister sur le fait qu'il n'y a pas d'opposition entre la PAC et le maintien d'une agriculture forte dans les pays du Sud.

A propos de la DGCID, il a jugé que souvent le message culturel apporté par cette direction n'était pas toujours en parfaite adéquation avec les attentes des populations destinataires, à tel point que l'on est en droit de se demander s'il ne sert pas d'abord ses auteurs.

Enfin sur l'aide bilatérale, il a approuvé les propos de M. Jacques Myard. Le message de la France n'est pas toujours très clair, alors qu'elle donne beaucoup et que ce sont souvent les Etats-Unis qui en profitent indirectement.

Evoquant la réunion des parlements à Cotonou dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement (NEPAD), M. Michel Terrot a lui aussi insisté sur la nécessité d'une plus grande lisibilité de l'aide française en Afrique qui passe par le canal bilatéral.

Le Président Edouard Balladur a indiqué que la régulation budgétaire pouvait parfois corriger sensiblement l'équilibre des crédits votés.

Il a rappelé que le débat entre aide multilatérale et aide bilatérale remontait à l'après-guerre. Une part significative de l'aide passant actuellement par l'Union européenne, il a souhaité savoir si celle-ci était assimilée à une aide multilatérale ou bilatérale. Il s'est interrogé sur le sens d'une répartition en trois postes : aide bilatérale stricto sensu, aide via l'Union avec une clé de répartition permettant d'apprécier la part française et aide multilatérale.

Enfin, sur la PAC, il a estimé que le problème posé était celui d'un minimum d'autosuffisance pour le continent européen et rappelé que la Grande-Bretagne lors de son entrée dans l'Union était autosuffisante à environ 30 %, alors qu'elle l'est maintenant à 70 %.

M. Jean Glavany a tout d'abord observé que si la régulation budgétaire était un exercice habituel, la prévoir dès le mois de janvier et qui plus est l'annoncer avant l'adoption définitive du budget, n'était pour le moins pas coutumier.

Il a par ailleurs indiqué qu'il n'avait jamais été personnellement favorable aux lois de programmation. Ces dernières ne sont pas protégées par la Constitution et se heurtent au principe de l'annualité budgétaire.

Concernant la PAC, M. Jean Glavany a considéré que le débat était complexe. Il faut résister avec fermeté aux critiques malsaines des Etats-Unis, qui subventionnent leurs agriculteurs bien plus que ne le fait l'Union européenne, et à celles de la Grande-Bretagne qui est hostile aux politiques intégrées. Cependant il faut également reconnaître que certains mécanismes de la PAC, comme les restitutions à l'exportation par exemple, ont pour effet de freiner les exportations des pays du Sud. Il faut donc réformer la PAC et il est probable que l'OMC nous y contraindra.

Répondant à ces interventions, M. Jacques Godfrain s'est félicité du déplacement de M. Michel Terrot à Cotonou pour la réunion des parlements africains sur le NEPAD.

De même que la France sait exercer son influence positive dans le cadre des Nations unies, comme dans la recherche de la paix au Proche-Orient, elle doit aussi exercer son influence en faveur de la paix dans le cadre de sa politique de coopération.

Le NEPAD est un cadre de réflexion dont les pays africains se sont dotés, conscients qu'ils doivent réviser leurs stratégies de développement. Il appartiendra aux intervenants de la coopération de prendre en compte ces nouvelles réflexions du NEPAD. Cette initiative témoigne d'une volonté de remise en cause positive.

Pour que l'APD française soit appréciée à sa juste valeur trois critères essentiels doivent être respectés. Il faut qu'elle soit transparente pour éviter toute accusation, efficace et évaluable : à chaque action doit correspondre un résultat ; elle doit être rapide, les études longues sur les projets sont à prohiber.

La coopération décentralisée, après sa montée en puissance dans certains pays, notamment le Burkina Faso, est en légère stagnation. Or, il faut encourager cette forme de coopération car, outre les collectivités locales, différents intervenants (établissements publics hospitaliers, universités, organismes français et africains) y participent.

Les ONG, qui manient parfois de l'argent public, ne souhaitent guère se soumettre à un contrôle de l'utilisation qu'elles en font. Toutefois, en 1996, les ONG opératrices ont été associées aux sommets bilatéraux avec les pays africains. Rien n'empêche d'ailleurs que sur des projets précis, on fasse des appels d'offres auprès d'ONG, la mieux disante étant choisie. Il a déclaré apprécier l'utilisation du critère francophone dans la définition de la ZSP.

M. Jacques Godfrain a reconnu que des progrès devaient être accomplis afin de mieux coordonner les actions menées par la DGCID et l'AFD. Les conférences hebdomadaires, auxquelles participent les directeurs de l'AFD locale dans les ambassades tendent à pallier les difficultés, mais en termes budgétaires, l'AFD dispose de moyens près de sept fois supérieurs à ceux de la DGCID, ce qui n'est pas sans conséquence en Afrique.

Comme M. Jacques Myard, le Rapporteur a considéré que les relations entre la France et l'Afrique étaient spécifiques, et le plus souvent, ce sont les Africains eux-mêmes qui regrettent la faiblesse de la coopération de substitution.

La trace de l'action de la France au sein du FED dépend de l'attitude des postes diplomatiques sur place. Parfois l'aide bilatérale française est liée à l'aide européenne, qualifiée de bi-multilatérale. Ce type d'aide peut d'ailleurs poser problème quand l'Union européenne décide de suspendre ses aides, ce qui pénalise les populations sans influer sur les dirigeants du pays.

Il a fait valoir qu'une loi de programmation aurait le mérite d'être une référence pour le budget à venir.

Il a souligné l'importance du rôle de coordination que les ambassades doivent jouer pour éviter les doublons dans les projets de coopération décentralisée.

Abordant la délicate question de la cohérence entre la Politique agricole commune et les intérêts des pays en voie de développement, il a estimé qu'aucun pays n'était en droit de critiquer la France. Les Etats-Unis subventionnent certaines de leurs productions agricoles, surtaxent les produits européens, ce qui est inacceptable. Quand on fait face à une famine en Afrique il faut utiliser les productions excédentaires à l'intérieur des sous-régions car les famines sont localisées et ne touchent pas l'ensemble du continent. La coopération en matière de nutrition doit d'abord passer par les solidarités régionales.

S'agissant des programmes de centres culturels, le Rapporteur a fait observer que si certains programmes étaient parfois mal adaptés, dans la plupart des cas les centres culturels français en Afrique disposent de la seule scène existante et des seuls lieux d'exposition où peuvent s'exprimer ou exposer des artistes africains. C'est pourquoi il convient de les soutenir.

La coopération française sera d'autant plus efficace qu'elle usera de procédures simples, transparentes et évaluables. Elle doit s'inscrire dans le contexte d'une mondialisation qui doit être maîtrisée plutôt que subie. En effet, la mondialisation fragilise les Etats, elle accélère les mouvements migratoires incontrôlés et leur corollaire, la xénophobie. Elle doit être régulée pour que les politiques d'aide au développement aient leur pleine efficacité.

Les efforts de la France en faveur de l'annulation de la dette, des réformes de la coopération européenne, de la lutte contre les épidémies, sont une partie de la réponse.

L'augmentation de l'aide au développement est une nécessité. Il convient que les crédits qui lui sont consacrés soient utilisés pleinement et qu'ils soient affectés à des projets qui répondent aux besoins de base des populations les plus défavorisées. Ils doivent avant tout servir de levier dans la création de petites unités de production, le fonctionnement des administrations des pays concernés, la consolidation de l'Etat de droit.

Le budget de l'aide au développement et de la coopération pour l'exercice 2003 répond à ces préoccupations.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Coopération et du Développement 2003.

Examen pour avis du budget Relations culturelles internationales et Francophonie

M. François Rochebloine, Rapporteur pour avis, a indiqué que l'analyse des crédits consacrés aux Relations culturelles internationales et à la Francophonie était malaisée du fait de leur affectation à plusieurs ministères d'une part, et de leur répartition entre les trois agrégats du budget du ministère des Affaires étrangères d'autre part. La réforme en cours de la présentation des lois de finances devrait permettre de clarifier ce point. Les crédits concourant à l'action culturelle extérieure de la France à l'étranger s'élèvent pour 2003 à 1,3 milliard d'euros, dont 82 % relèvent du ministère des Affaires étrangères et 8,6 % du ministère chargé de l'Education nationale. Les crédits concourant au développement de la francophonie atteignent pour leur part 0,88 milliard d'euros pour 2003 et relèvent à 90 % du ministère des Affaires étrangères.

Cette année le Rapporteur a souhaité appeler l'attention de la Commission sur deux points : la situation financière de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et les perspectives de l'action audiovisuelle extérieure.

Sur le premier point, la réforme des rémunérations des enseignants résidents, qui sont directement recrutés par les établissements placés sous la tutelle de l'AEFE, doit être financée par la diminution du nombre d'enseignants expatriés. L'équilibre financier de l'Agence ne pouvant être atteint avant plusieurs exercices, une mesure nouvelle non reconductible de 15,5 millions d'euros a été inscrite au projet de loi de finances. Dans le même temps une mesure nouvelle négative de suppression de 6,4 millions d'euros pourrait entraîner la fermeture de plusieurs établissements en cours d'année scolaire ou lors de la prochaine rentrée. Pour cette raison, le Rapporteur a indiqué qu'il allait présenter un amendement devant la Commission afin de revenir sur cette mesure.

Sur le deuxième point, les crédits de l'audiovisuel extérieur, qui s'élèvent à 165 millions d'euros pour 2003, sont en baisse de 1,9 %. Cet ajustement intervient après un gel des crédits votés en 2002, qui a annulé l'ensemble des mesures nouvelles décidées l'an dernier. Il a ensuite présenté les différents opérateurs de l'audiovisuel extérieur en soulignant l'empilement et l'enchevêtrement des structures :

Radio France internationale est financée pour 60 % par le ministère des Affaires étrangères et pour 40 % par le ministère en charge de la communication au moyen de la redevance audiovisuelle ; c'est un très bon instrument de diffusion du français dans le monde et un média permettant à de nombreuses personnes d'accéder à une information de qualité ; le financement des 35 heures et du développement des technologies numériques appellent des mesures nouvelles, qui font aujourd'hui défaut ; il est par ailleurs discutable que la part du financement provenant de la redevance audiovisuelle augmente, car les personnes redevables de cette taxe financent ainsi des programmes qui ne leur sont, pour l'essentiel, pas destinés ;

TV 5 voit sa dotation croître de 3,6 %, ce qui devrait permettre d'améliorer les programmes et de relancer la diffusion de la chaîne sur le continent américain ; la chaîne francophone a fait l'objet de critiques de la Cour des comptes, qui conteste le fait que la France contribue à hauteur de 80 % au budget de cette institution, alors même que la tutelle interétatique exercée conjointement avec le Canada, la Suisse et la Belgique limite la possibilité pour notre pays de peser sur la définition de la stratégie de la chaîne ; celle-ci, conçue au départ comme une chaîne pour les expatriés des pays participant au capital de la chaîne, cherche actuellement à devenir la chaîne de tous les francophones ; elle devrait accroître la part de ses productions propres et adapter davantage ses programmes en fonction des zones de diffusion ;

Canal France international, dont la dotation a été gelée à hauteur de 22,5 millions d'euros pour 2003, connaît d'importantes restructurations ; son capital doit être très prochainement repris par France Télévision et Arte et sa stratégie doit être redéfinie, afin de recentrer l'activité de cet opérateur sur les fonctions de coopération et de banque de programmes au profit de pays tiers ;

Portinvest, filiale à 100 % de CFI, est opérateur d'un bouquet présent dans 46 pays d'Afrique subsaharienne ; le secteur privé devant prendre le relais dans cette zone, par l'intermédiaire de l'entreprise Media Overseas, filiale de Vivendi Universal, le retrait pur et simple de l'opérateur public pourrait toutefois avoir pour conséquence d'exclure les couches les moins favorisées de l'accès aux programmes dont il assure aujourd'hui la diffusion ;

Euronews appartient à vingt chaînes publiques de télévision et France Télévision en possède 28 % ; cette chaîne d'information continue est lourdement déficitaire et la question du maintien de la contribution française se pose de manière accrue, d'autant que cette chaîne ne diffuse aucun programme en français ;

Le budget des soutiens à l'exportation d'œuvres audiovisuelles est, pour sa part, abondé à hauteur de 37 % par le budget du ministère des Affaires étrangères.

La complexité du paysage de l'audiovisuel extérieur français s'explique par l'absence de choix entre la logique de concentration des moyens, qui justifierait le rapprochement des différents opérateurs, et la logique de spécialisation fondée sur la spécificité de la communication à l'échelle internationale, qui légitime la tutelle du Quai d'Orsay sur ce secteur. Il convient dans ce cadre de favoriser les synergies en améliorant la coordination entre les différentes tutelles chargées de l'audiovisuel - les services de la DGCID et la direction du développement des médias, placée sous l'autorité du Premier ministre - et entre les différents opérateurs - RFI et Radio France, TV 5 et France télévision ou Arte. La future chaîne d'information continue doit, dans cette perspective, trouver sa place en tenant compte de l'existant : elle doit utiliser les réseaux de diffusion d'opérateurs comme TV 5 ou CFI et être adossée aux entreprises publiques en place selon des modalités qui restent à définir. Le projet d'une chaîne planétaire unique est par ailleurs discutable, car la télévision doit s'adapter à son public et non l'inverse. Pour cette raison, l'un des projets en cours d'examen ne concernerait que le monde arabe.

M. Richard Cazenave a remercié le Rapporteur pour avis de sa présentation très claire, qui montre bien la complexité de l'action audiovisuelle extérieure. Il a estimé qu'il serait intéressant de s'inspirer des expériences qui fonctionnent aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne. Les chaînes de ces pays, à l'image de CNN, savent proposer des programmes qui répondent aux attentes des spectateurs.

Concernant l'AEFE, il a demandé si le Rapporteur disposait de chiffres sur les élèves scolarisés dans des établissements relevant de la Mission laïque. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la possibilité de développer une offre privée pour répondre à une demande non satisfaite d'enseignement français par des publics solvables, à l'image de ce que font les pays anglo-saxons.

M. Bruno Bourg-Broc a estimé que l'empilement des structures dans le domaine de l'audiovisuel extérieur se retrouvait également dans celui de la diffusion du français et des institutions de la francophonie. Quant à TV5, il est normal que sa ligne éditoriale manque de cohérence dans la mesure où il s'agit d'une chaîne multinationale, même si un effort a été fait pour adapter les programmes en fonction des continents.

Il a ajouté que, au-delà des importants succès diplomatiques de la francophonie, ce qui compte vraiment est l'augmentation de l'apprentissage de la langue française.

Sur l'AEFE, M. Bruno Bourg-Broc a indiqué qu'il voterait l'amendement de M. Rochebloine, mais a souhaité savoir s'il existait des moyens d'évaluation de l'action de cette agence. En effet, en raison de la hausse des frais de scolarité, elle perd même du terrain chez nos propres expatriés. Il s'est également interrogé sur l'absence de bourses pour les enfants non français scolarisés dans les lycées français.

En ce qui concerne les établissements culturels, où en est le projet de réduire le nombre de centres culturels en Allemagne de douze à six et qu'en est-il des crédits accordés aux Alliances françaises ?

Enfin, M. Bruno Bourg-Broc a souhaité en savoir plus sur le projet d'ouverture d'une « Maison de la Francophonie » à Paris en 2006.

M. François Loncle a estimé que les crédits présentés par le Rapporteur, qui concernent l'action culturelle extérieure, ne sont pas bons. Aussi, contrairement au budget de la coopération, qui comporte des éléments positifs et sur lequel il s'est abstenu, le groupe socialiste votera contre ce budget.

Il a regretté que les propositions du rapport de M. Yves Dauge sur les centres culturels, publié sous la précédente législature, ne trouvent pas de traduction dans ce budget, alors qu'elles avaient été unanimement saluées.

Sur l'AEFE, il a indiqué qu'il voterait l'amendement du Rapporteur et il s'est félicité de la réouverture du Lycée français de Kaboul, rendu possible grâce à de nombreuses initiatives, y compris la participation financière des groupes RPR et socialiste de l'Assemblée nationale et de cinquante députés.

En ce qui concerne l'audiovisuel extérieur, il serait dangereux de copier CNN. Et contrairement à ce qu'a estimé le Rapporteur, il n'est pas non plus souhaitable de trop rapprocher TV5 et RFI de France Télévision et de Radio France, leur autonomie étant un de leurs atouts.

M. François Rochebloine a apporté les réponses suivantes : la chaîne américaine CNN est un modèle contestable, car elle cumule l'inconvénient d'être extrêmement chère et très lourdement déficitaire ; le nombre d'élèves scolarisés dans le réseau de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger est de 158 250 pour la dernière année scolaire, sans qu'il soit possible de distinguer la part de ceux qui sont scolarisés dans les établissements de la Mission laïque ; la francophonie ne se limite pas à une succession de sommets, mais elle doit aussi être accompagnée d'actes, ce qui souligne l'importance d'institutions telles que l'AEFE ; la suppression de centres culturels en Allemagne est tout à fait regrettable et il conviendra d'en demander les justifications en séance ; il n'est pas exact d'affirmer que le ministère des Affaires étrangères n'a pas donné suite au rapport de M. Yves Dauge sur le réseau culturel français, car le ministère a engagé une réflexion et une concertation avec les personnels concernés pour améliorer le fonctionnement des centres culturels qui souffrent aujourd'hui d'un manque de moyens ; le financement de la Maison de la Francophonie n'est pas prévu dans les documents budgétaires, mais il relève du financement multilatéral de l'organisation francophone.

Le Rapporteur pour avis ayant présenté un amendement, dont le libellé figure en annexe de son avis budgétaire, visant à rétablir les crédits supprimés à hauteur de 6,4 millions d'euros au détriment de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger, la Commission a adopté cet amendement à l'unanimité.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des Relations culturelles internationales et de la Francophonie pour 2003.

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