COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 10

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 5 novembre 2002
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président,

SOMMAIRE

 

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- Examen pour avis du budget des Affaires étrangères


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Examen pour avis du budget des Affaires étrangères

M. Richard Cazenave, Rapporteur pour avis, a présenté les grandes orientations du budget des affaires étrangères. L'augmentation de 13,4 % des crédits résulte pour 5,6 % de mesures nouvelles, effort qui contraste avec la période précédente, et pour 7,8 % d'abondements de crédits qui étaient chroniquement sous-dotés en loi de finances initiale, leur financement intervenant en loi de finances rectificative. Ainsi, les dotations obligatoires aux organisations internationales et les crédits alloués au Fonds européen de développement (FED) ont été fixés pour 2003 en fonction des besoins réels dans un effort de sincérité.

Le Rapporteur a estimé que le projet de loi de finances reflétait les priorités de la politique étrangère de la France, dans le domaine de l'aide au développement par exemple ou de la politique en faveur des Français de l'étranger et des étrangers en France.

En ce qui concerne l'Aide publique au développement (APD), le Président de la République a décidé une rupture avec la tendance précédente et a fixé pour objectif l'augmentation de 50 % de l'APD de la France pendant le quinquennat, pour parvenir à l'objectif très ancien de 0,7 % du PIB dans dix ans. Dès cette année, cette orientation se traduit par une augmentation des crédits multilatéraux, via le FED, mais également par une relance de l'aide bilatérale : les autorisations de programme destinées à l'Agence française de développement (AFD) et au Fonds de solidarité prioritaire (FSP) augmenteront de 25 % et un nouvel instrument d'aide bilatérale, les contrats de désendettement-développement (C2D), a été créé pour aider les pays les plus endettés.

M. Richard Cazenave a ensuite évoqué la hausse des crédits d'aide aux Français de l'étranger et ceux destinés à l'Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE). L'augmentation de 7,7 % des dotations allouées à l'AEFE vise à financer des mesures indemnitaires obtenues par les professeurs « résidents », et dont le financement n'avait pas été prévu jusque là. Cependant, dans le même temps il est demandé à l'AEFE de « rationaliser » son réseau afin de réaliser 6,4 millions d'euros d'économies, ce qui devrait passer malheureusement par le déconventionnement de plusieurs établissements, voire leur fermeture. C'est pour éviter cela que la Commission des Affaires étrangères a adopté un amendement présenté par M. François Rochebloine, Rapporteur pour avis des crédits des Relations culturelles internationales et de la Francophonie, mais déclaré irrecevable par la Commission des finances.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit une augmentation de 25 % de la subvention accordée au budget de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Cette augmentation permettra notamment l'embauche de 66 nouveaux agents, ce qui cependant semble insuffisant pour résorber complètement le stock, préalable indispensable au succès de la réforme du dispositif d'asile. Cette mesure aura pour conséquence la création d'un guichet unique à l'OFPRA, qui sera compétente pour l'ensemble des demandes d'asile (conventionnelle ou territoriale).

M. Richard Cazenave a indiqué que le budget 2003 était un budget de transition et qu'il n'était pas possible de remédier à tous les problèmes dès la première année.

Ainsi, le problème de la régulation budgétaire persiste : ce phénomène est malheureusement devenu traditionnel. A cet égard, il conviendrait que le Parlement complète la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 par un dispositif encadrant plus démocratiquement le système de gel des crédits. Il a également souligné que le ministère des Finances était dans une situation où il est juge et partie : ainsi, sur le terrain, l'ambassadeur est contraint de bloquer en cours d'année certaines des actions en cours, alors que le chef de la mission économique, service qui relève du ministère des Finances, peut utiliser toute sa dotation.

M. Richard Cazenave a ensuite regretté la faiblesse persistante des contributions volontaires de la France aux organisations internationales, qui fragilise sa position dans ces enceintes, ainsi que la baisse des crédits de coopération militaire.

Abordant la question de la réforme de l'action extérieure de l'Etat, il a insisté sur le volontarisme exprimé par le Ministre des Affaires étrangères, M. Dominique de Villepin, pour mettre en œuvre davantage de coordination et d'interministérialité.

En effet, la dispersion des moyens de l'action extérieure de l'Etat est indéniable : douze ministères différents disposent d'un réseau à l'étranger, alors que seulement 47 % des crédits d'action extérieure de l'Etat figurent dans le budget du ministère des Affaires étrangères.

La volonté du Ministre de rationaliser l'outil extérieur français doit donc être appuyée, cela passera par une réforme profonde des différents réseaux participant à l'action extérieure de l'Etat. Le Ministre a déjà fait part de sa volonté d'intégrer, à terme, au sein de nos ambassades l'ensemble des services de l'Etat.

Le Rapporteur a indiqué que l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 pouvait être utilisée pour accompagner la réforme de l'action extérieure de l'Etat. La nouvelle nomenclature budgétaire sera organisée autour des missions et des programmes : les missions vont ainsi permettre de passer d'un budget de moyens, présentant les crédits par nature de dépenses, à une logique d'objectifs et de résultats. Par ailleurs, ces missions pourront être interministérielles afin de permettre au Parlement de voter des crédits par objectif. Il serait donc souhaitable que soit mise en place une mission comprenant l'ensemble des crédits d'action extérieure de l'Etat.

En ce qui concerne les programmes, M. Richard Cazenave a exprimé sa préférence pour un découpage par objectif identifiable, plutôt que par destination géographique des crédits.

Il a conclu en rappelant que ce budget permettait de répondre aux objectifs et aux ambitions de notre diplomatie. D'ores et déjà les initiatives prises par le Président de la République et le Ministre des Affaires étrangères témoignent d'une politique extérieure profondément rénovée. La France a repris l'initiative sur la scène internationale, ce qui est une motivation supplémentaire pour réformer l'action extérieure de l'Etat.

M. Jacques Myard a fait observer que si le budget 2003 était meilleur que les précédents, des efforts restent à faire ; le ministère des Affaires étrangères est un ministère régalien, un outil déstiné à l'expression d'une politique.

Puis il a rappelé que, s'agissant du rôle des ambassadeurs, il ne fallait pas oublier que le décret de 1979 leur octroie des pouvoirs pour coordonner l'action de la France à l'extérieur, mais qu'ils n'utilisent pas toujours.

Enfin, M. Jacques Myard a souligné qu'il allait déposer au service de la séance des amendements portant sur le budget des Affaires étrangères et destinés à rétablir des annulations de crédits. Ils concernent les chapitres 33-92, 37-85, 42-13, 42-14 et 42-15, mais également le chapitre 37-93 qui a été supprimé. Ce chapitre portait sur les crédits afférents aux indemnités des représentants français au Parlement européen et ceux-ci ont été transférés au budget des charges communes. M. Jacques Myard a considéré que ce transfert était une erreur car il tend à renforcer l'idée d'une distanciation entre l'Europe et les citoyens.

M. Michel Delebarre a souhaité apporter sa contribution aux pistes dégagées par le Rapporteur. A cet égard, il a souligné combien la coopération décentralisée devait être mieux saluée comme une contribution importante de la France dans les relations bilatérales, d'autant que son concours est parfois supérieur aux capacités nationales déployées dans certains pays. Il y a donc tout intérêt à la coordonner et à l'harmoniser avec l'action de la France dans les pays où elle s'applique.

M. François Loncle a dénoncé un mauvais budget, exception faite de la progression remarquable de l'APD. En effet, certaines actions, comme la représentation culturelle de la France à l'étranger ou encore son effort sur la scène audiovisuelle internationale, sont insuffisamment dotées. Le pourcentage consacré par le budget national aux crédits des Affaires étrangères n'est pas suffisant, alors que, après un déclin pénible de 1995 à 1999 inclus, la mobilisation avait été forte à partir d'avril 2000 et jusqu'en 2002 amenant à une cessation de ce déclin.

M. Jean-Claude Lefort a indiqué qu'il ne pouvait pas suivre le Rapporteur dans son raisonnement sous peine d'aboutir à un vote contre son budget tellement ses objections et ses critiques sont nombreuses. Ce budget est en nette augmentation, et même si on peut être critique sur le FED qui brouille l'image de la France, la francophonie ou encore la coopération décentralisée, il a précisé qu'il ne voterait ni contre ni pour.

M. Richard Cazenave a répondu à M. Jacques Myard qu'il craignait que ses amendements ne soient pas recevables car il n'est apparemment possible de rétablir des crédits supprimés qu'au niveau du titre, et non du chapitre, ce qui explique l'irrecevabilité de l'amendement adopté par la commission sur l'AEFE. Or, il faut noter que cette année, tous les titres sont en augmentation.

Concernant la coopération décentralisée, il existe une Commission nationale de la coopération décentralisée qui comprend des représentants de l'Etat et des collectivités locales. De plus, les collectivités locales ont des relations étroites avec les services de l'Etat à l'étranger et la coordination progresse.

Sur les crédits culturels, la baisse ne concerne que l'audiovisuel et elle est infime. D'ailleurs dans ce domaine, le principal effort à faire est d'abord qualitatif.

M. Richard Cazenave s'est réjoui des propos de M. Jean-Claude Lefort qui a bien voulu reconnaître des aspects positifs à ce bon budget, même s'il a tort quand il dit que le Rapporteur estime ce budget insuffisant.

Le Président Edouard Balladur a établi un parallèle entre la situation des ambassadeurs et celle des préfets. Alors que le rôle de coordination du représentant de l'Etat dans le département sur l'ensemble des services est prévu par les textes, son autorité est surtout reconnue dans les domaines relevant du ministère de l'Intérieur et les différentes directions départementales agissent le plus souvent directement avec leur ministère de tutelle. Les ambassadeurs voient de la même façon leur autorité limitée aux seuls agents du ministère des Affaires étrangères et leur pouvoir de coordination ne peut véritablement s'exercer sur l'ensemble des services de l'Etat présents à l'étranger.

Il est ensuite revenu sur le problème de la régulation budgétaire, pratique constante des différents gouvernements, qui ne devrait toutefois pas intervenir durant le premier trimestre de l'année d'exécution du budget, car elle remet en cause la portée du vote de la loi de finances par les assemblées parlementaires. La récente réforme de la procédure budgétaire n'ayant pas traité cette question, il convient, en relation avec le Président de la Commission des finances et le Ministre du Budget, de définir un cadre plus clair pour l'avenir.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des Affaires étrangères pour 2003.

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