COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 11

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 6 novembre 2002
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président,

SOMMAIRE

 

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- Examen pour avis du budget du Commerce extérieur pour 2003
- Compte rendu de la mission à Kaliningrad
- Compte rendu de la mission en Russie
- Compte rendu de la mission aux Etats-Unis

- Informations relatives à la Commission


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Examen pour avis du budget du Commerce extérieur pour 2003

M. Jean-Paul Bacquet, Rapporteur pour avis, a expliqué qu'après avoir subi en 2001 la contraction la plus forte des vingt dernières années, le commerce mondial s'est redressé au dernier trimestre 2001, et la reprise s'était légèrement accélérée au premier semestre 2002. La demande adressée à la France a bien résisté à la dégradation de l'environnement international en 2001, avec une progression de 1%, mais la reprise pourrait être moins marquée en 2002, la demande allemande s'étant beaucoup contractée en raison de la situation économique outre-Rhin. Notre pays a cependant pu dégager un excédent commercial de 6,2 milliards d'euros au premier semestre 2002, sensiblement supérieur à celui du deuxième semestre 2001, qui était de 3,7 milliards d'euros, ceci dans une conjoncture internationale morose.

Le Rapporteur a souligné que la mondialisation et les négociations multilatérales sur le commerce suscitaient régulièrement des craintes en France. Pourtant, depuis trente ans, l'insertion internationale de l'économie française a été couronnée de succès. La somme des importations et des exportations françaises représentait, en 1970, un petit tiers de notre produit intérieur brut. Cette situation était, à peu de choses près, la même qu'en 1950. Aujourd'hui, ces mêmes échanges représentent plus de la moitié du PIB. En volume, nos ventes à l'étranger ont plus que doublé sur les quinze dernières années.

La France est ainsi devenue un acteur de la mondialisation. D'abord, l'Europe est devenue un vaste marché domestique pour les entreprises françaises. L'Union européenne absorbe les deux tiers de nos exportations ; la zone euro, la moitié.

Notre pays a préservé sa position de quatrième exportateur mondial de marchandises, malgré l'arrivée de nouveaux pays concurrents. La France est le troisième exportateur mondial de services et dégage des excédents réguliers dans ce secteur. Elle accueille des flux croissants d'investissements directs étrangers et elle est devenue un pays « carrefour » de l'investissement international.

Le Rapporteur a tenu à souligner que le solde extérieur n'était plus un sujet de préoccupation, alors que les comptes extérieurs français étaient auparavant chroniquement déficitaires. Or l'on constate aujourd'hui qu'après sept années d'excédent, la forte hausse des prix du pétrole enregistrée en 2000 n'a fait que ramener les échanges commerciaux de la France à un quasi-équilibre, qui s'est confirmé l'an dernier en dépit du très fort ralentissement de la demande mondiale.

Enfin, en contribuant à modifier la spécialisation de l'appareil productif, l'insertion commerciale internationale a un impact positif à terme sur la croissance, les revenus et l'emploi.

C'est pourquoi notre pays doit aborder sans complexe la phase prochaine de l'élargissement de l'Union européenne, car les pays candidats représentent des marchés sur lesquels la France est déjà particulièrement performante. Elle doit aussi jouer un rôle de premier plan dans les négociations ouvertes à la suite de la Conférence de Doha, dont plusieurs aspects répondent à ses préoccupations et à ses intérêts.

La part de marché mondiale de la France dans les échanges de marchandises s'est établie, selon l'OMC, à 5,2% en 2001 (après 5,1% en 2000). Elle se stabilise ainsi à un niveau proche du plus bas niveau des vingt dernières années (+ 4,8% en 1983). Elle s'inscrit en diminution par rapport au début de la décennie, période à laquelle elle se situait au-dessus de 6%.

Calculée relativement aux exportations des principaux pays industrialisés, la part de marché de la France en volume, qui n'est pas affectée par la variation des prix des marchandises échangées, s'infléchit légèrement pour s'établir à 7,6%, au niveau moyen observé au cours des dix dernières années. La France, encore faiblement présente dans certaines zones dynamiques comme les pays d'Europe centrale et orientale, profite moins que certains de ses partenaires de la demande soutenue de ces pays, alors qu'elle souffre de la faiblesse de la demande de l'Allemagne, son premier partenaire.

Le renchérissement relatif récent de l'euro (qui s'est apprécié de près de 10% par rapport au dollar depuis janvier 2002) devrait avoir des conséquences négatives mais limitées sur notre commerce extérieur, du fait du poids de la zone euro dans nos échanges et du comportement de marge des entreprises.

Le budget du commerce extérieur pour 2003 est fixé par le projet de loi de finances initiale à 306,13 millions d'euros en autorisations de programme, ce qui traduit une très légère progression de 3,25%. Les crédits de paiement, qui s'élèvent à 460,30 millions d'euros, sont en baisse de 2,85%. Cette baisse prolonge les ajustements commencés il y a une dizaine d'années, sur la base d'une meilleure gestion des procédures, du réseau de l'expansion économique et des organismes d'appui.

Le Ministre délégué au Commerce extérieur, M. François Loos, a annoncé une politique de soutien aux PME afin qu'elles profitent à l'avenir des marges de progression qui existent dans les pays d'Europe centrale et orientale et au Maghreb, et qu'elles participent au comblement du retard français en Asie.

Le Rapporteur a approuvé la pertinence de cette initiative, si l'on considère que 70% des exportations sont portées par les grands groupes. Il a estimé qu'il fallait détecter une nouvelle génération de PME capables d'être présentes sur les marchés internationaux. Pour cela, il convient de soutenir l'organisation de manifestations et de salons plus nombreux, qui permettent aux PME de se faire connaître à l'étranger beaucoup plus efficacement.

Le Rapporteur a approuvé la politique de rapprochement menée depuis 2000 entre les missions économiques et les autres réseaux présents à l'étranger, qu'ils soient publics, parapublics ou consulaires.

Il faut simplifier et rationaliser les structures, pour en faciliter l'accès aux entreprises ; il faut en particulier profiter de la densité du réseau consulaire, qui dispose de 88 chambres de commerce et d'industrie (CCI) à l'étranger dans 77 pays, et qui représente un partenaire important, dans la mesure où celles-ci sont souvent le premier contact pour une PME désireuse de se lancer à l'exportation.

Le Rapporteur a présenté les relations commerciales et financières entre la France et la Russie, pays dans lequel il s'est rendu dans le cadre de la mission effectuée par une délégation de la Commission du 28 septembre au 1er octobre derniers.

Il a expliqué les réformes effectuées et l'état d'avancement des négociations d'entrée de la Russie dans l'OMC. Les représentants des entreprises françaises rencontrés constatent les signes d'un meilleur fonctionnement des mécanismes de marché, d'une évolution positive des mentalités et, progressivement, d'une amélioration du fonctionnement de l'administration. L'Etat montre une volonté réelle de rendre la réglementation plus claire et plus accessible. Les exportateurs et investisseurs ont conscience de l'énorme potentiel du pays et de l'importance d'y être présent dès aujourd'hui.

En conclusion, le Rapporteur a indiqué que les moyens budgétaires nécessaires à l'accomplissement des missions et politiques en matière de commerce extérieur étaient stables par rapport à 2002 et que le niveau des dotations était conforme, selon le ministère, aux besoins des acteurs de cette politique.

Il a cependant souhaité disposer à l'avenir d'une information sur les dix pays vers lesquels la France exporte le plus en volume, les dix pays vers lequel le commerce d'une part, l'investissement d'autre part, ont connu la meilleure progression, les marchés « cibles » de la France  et, enfin, les pays considérés comme porteurs de grandes potentialités pour l'avenir.

M. Roland Blum a déclaré partager le point de vue du Rapporteur concernant les difficultés rencontrées par les PME pour exporter leurs productions. Certes des mécanismes existent, la COFACE ou encore les aides accordées par certaines missions économiques à l'étranger, mais il conviendrait d'envisager d'autres possibilités pour aider les petites entreprises exportatrices.

S'agissant de l'indispensable entrée de la Russie dans l'OMC, M. Roland Blum a souhaité connaître les blocages qui entravent le processus d'adhésion.

M. Pierre Lequiller a également réaffirmé la nécessité d'améliorer les mécanismes existants pour soutenir les PME à l'exportation.

Il a ensuite rappelé qu'était régulièrement évoquée depuis des années la nécessité d'un rapprochement entre les services des conseillers commerciaux à l'étranger et ceux des ambassades. Il a estimé qu'une bonne réforme consisterait à opérer une synergie entre ces deux administrations. Malheureusement, encore trop souvent, le conseiller commercial ne communique pas à l'ambassadeur les informations dont il dispose.

M. Bruno Bourg-Broc a tout d'abord demandé si les structures dont la France dispose à l'étranger étaient conformes à ses besoins. Il a ensuite souhaité connaître les points du monde où la France n'est pas présente ou l'est peu en matière d'échanges économiques.

M. Gilbert Gantier a fait observer que, d'une part, se tenait actuellement à Bagdad une exposition commerciale à laquelle participent de nombreuses entreprises françaises, et que, d'autre part, la présence commerciale française dans ce pays était très active. Il s'est donc demandé comment l'on pouvait expliquer cette présence au regard des problèmes de sécurité politique posés par ce pays.

M. André Schneider a regretté le fait qu'en Afrique la carte de nos exportations soit souvent fonction de notre crédibilité et de notre cote d'amour politique pour le pays concerné. Il a demandé quelles suggestions pourraient être faites aux autorités françaises pour lutter contre la corruption locale.

M. Jean-Claude Guibal a souhaité connaître les retombées effectives de l'excédent significatif des investissements français à l'étranger par rapport aux investissements étrangers en France. Il a également demandé si les procédures de lutte contre la corruption mises en place par la France dans certains pays étaient compétitives par rapport à celles d'autres pays. Enfin, en termes d'intelligence économique, il s'est intéressé au degré de performance de la France par rapport à d'autres pays.

Le Rapporteur a répondu aux intervenants.

En ce qui concerne la faible part prise par les PME dans l'activité exportatrice de la France, la situation de notre pays n'est pas particulière, et il en est à peu près de même pour le commerce extérieur américain.

La réorganisation du réseau de l'expansion économique a apporté plus d'efficacité aux services : 20% des postes ont été supprimés mais un fonctionnement plus proche de la logique commerciale permet de rendre de meilleurs services aux entreprises, avec l'application de critères de qualité et un taux de satisfaction très élevé.

L'administration s'efforce de regrouper, autant qu'il est possible, les différents services afin que la mission économique se trouve dans les mêmes locaux que la chancellerie. C'est le cas à Moscou, par exemple, mais ce rapprochement n'a pas encore pu être réalisé partout.

Une amélioration de la capacité exportatrice des PME pourrait passer par un meilleur repérage ou ciblage des entreprises, qu'il faudrait ensuite faire connaître à l'étranger en consacrant davantage de moyens à cette promotion. Il faudrait aussi mieux aider les entreprises à assumer les risques liés à l'activité internationale. Différents outils et structures existent, assez complexes, parmi lesquels l'intervention de la COFACE. Une rationalisation est à l'œuvre pour fusionner ces structures et simplifier les procédures d'accès aux garanties, car il est difficile pour les PME d'identifier le bon interlocuteur et de monter les dossiers. On peut par ailleurs se demander s'il est logique qu'une structure agissant pour le compte de l'Etat et dont le rôle est de garantir le risque fasse des bénéfices.

Les entreprises françaises doivent développer leur présence en Asie du Sud-Est, en Amérique latine et en Russie, très important marché à ne pas négliger. Il faut aussi se demander pourquoi nos concurrents prennent des parts de marché en Afrique, où les entreprises françaises étaient, il y a encore quelques années, très présentes. Le Rapporteur a indiqué qu'il souhaitait approfondir cette question, en comparant l'évolution des échanges de la France avec différents pays africains.

L'information ou l'intelligence économique repose d'abord, selon le Rapporteur, sur la capacité des ambassadeurs, des représentants de la DREE et des autres réseaux de s'immerger dans la société où ils se trouvent. Il faut également un bon échange d'informations entre les différents acteurs sur place : diplomates, conseillers du commerce extérieur, membres des CCI, notamment.

Face à la corruption, la France comme d'autres Etats exportateurs, a ratifié la convention de l'OCDE.

En conclusion, le Rapporteur a insisté sur la nécessité de développer les investissements à l'étranger, et en particulier dans les pays émergents. Le phénomène de délocalisation que l'on redoute doit être étudié de plus près : l'investissement réalisé dans un pays étranger permet souvent d'ouvrir l'accès aux marchés d'autres pays.

Le Président Edouard Balladur a déclaré que, si notre appareil administratif a fait beaucoup de progrès, on cite toujours l'exemple du système allemand où les chambres de commerce jouent un rôle important dans l'animation des entreprises à l'étranger, et en particulier des PME, il convient néanmoins de se méfier des idées toutes faites. D'une part, le pouvoir politique se doit de jouer un rôle dans le déplacement de grandes délégations commerciales à l'étranger menées par le Président de la République, et, d'autre part, les grandes entreprises se doivent de disposer de leurs propres agents pour les représenter à l'étranger.

Enfin, il faut insister sur les progrès réalisés par la France en matière d'investissements à l'étranger.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du Commerce extérieur pour 2003.

Compte rendu de la mission effectuée à Kaliningrad

M. René André a fait part de ses observations à la suite de la mission qu'il a effectuée avec M. Michel Destot, à Moscou, Kaliningrad et Vilnius du 14 au 16 octobre dernier. Après avoir rappelé que la ville prussienne de Königsberg était devenue soviétique à la fin de la seconde guerre mondiale et qu'elle avait été un centre militaire très important, il a indiqué que la ville avait connu une forte dégradation de sa situation économique dans les années 90, d'autant qu'elle est enclavée entre la mer Baltique, la Pologne et la Lituanie. L'entrée prochaine de ces deux pays dans l'espace Schengen soulève le problème du transit des ressortissants russes entre Kaliningrad et le reste de la Russie, alors même qu'à l'heure actuelle le passeport intérieur russe est le seul document exigé pour traverser la Lituanie.

La position de départ des autorités russes était extrêmement stricte, puisqu'elle refusait l'exigence de tout visa pour le transit entre Kaliningrad et le reste de la Russie. La mise en place de corridors à travers le territoire lituanien n'est pour autant pas acceptable, car elle porte atteinte à la souveraineté lituanienne et elle rappelle la situation de Danzig dans l'entre-deux-guerres ou celle de Berlin pendant la guerre froide. La situation a depuis progressé : le Président Poutine a désigné M. Dimitri Rogozine comme son représentant spécial pour la question de Kaliningrad et des concessions ont été faites de part et d'autre, de telle sorte qu'un compromis devrait être trouvé lors du prochain sommet entre la Russie et l'Union européenne. Cette solution doit permettre de ne pas « humilier la Russie », comme l'a indiqué le Président de la République en juillet dernier au sommet de Sotchi, tout en respectant la souveraineté de la Lituanie et en permettant l'application de l'acquis de Schengen.

Un régime différencié entre les véhicules individuels (soumis à l'obligation de visas) et les transports collectifs (qui en seraient dispensés) devrait être mis en place et un train rapide devrait, à terme, être construit. Dans l'attente de cette infrastructure nouvelle, la ligne ferroviaire actuelle permet d'ores et déjà le transit entre Kaliningrad et le reste de la Fédération de la Russie dans des conditions de contrôle satisfaisantes tant du côté russe que du côté lituanien.

Les personnes rencontrées à Kaliningrad ont fait part de la mauvaise image de leur cité en déplorant les descriptions qui en ont été faites par les médias occidentaux. Il est vrai que la visite de la ville permet de relativiser l'insécurité et le mauvais état sanitaire qui sont supposés y régner. La ville dispose d'importants atouts de développement et elle pourrait devenir un laboratoire des futures relations entre l'Union européenne et la Russie, alors même que celle-ci souhaite qu'un régime de libre circulation entre ces deux espaces soit mis en place à moyen terme.

M. Michel Destot a estimé que la question du transit entre Kaliningrad et le reste de la Russie avait été utilisée par les autorités russes pour tester la possibilité d'instaurer un régime de libre circulation entre l'Union européenne élargie et la Fédération de Russie après 2004. Rappelant que les transits entre l'enclave de Kaliningrad et la Russie ne représentaient que 10 % des passages à la frontière, il a considéré que les transits locaux entre l'enclave et les pays riverains étaient une condition essentielle pour le développement de la zone baltique. Alors que la balance commerciale de la région de Kaliningrad est aujourd'hui très déficitaire et que la production de l'enclave a chuté de moitié en dix ans, le régime de circulation qui sera appliqué à ses résidents aura des conséquences importantes pour la prospérité de la zone.

M. Gilbert Gantier a estimé que les enclaves étaient le plus souvent des « scories » de l'histoire et qu'elles ne perduraient en général pas très longtemps. Il s'est par ailleurs interrogé sur la possibilité de faire circuler des trains verrouillés à travers la Lituanie.

M. François Loncle, qui s'est récemment rendu à Kaliningrad dans le cadre d'une mission de l'UEO, a indiqué qu'il souscrivait aux observations de MM. André et Destot. Le passage des frontières de l'enclave est aujourd'hui très long et l'entrée de la Pologne et de la Lituanie dans l'Union européenne devrait permettre d'en améliorer les conditions. Il faudrait cependant que l'Union européenne prenne à sa charge les travaux d'investissement nécessaires pour faciliter les passages frontaliers en respectant les exigences de la convention de Schengen.

M. Guy Lengagne a estimé que les déclarations faites par le Président de la République à Sotchi marquaient un soutien aux positions russes et il s'est interrogé pour savoir quelle était la position des autres pays de l'Union européenne sur ce point.

En réponse aux différents intervenants, M. René André a apporté les précisions suivantes : la proposition de faire circuler des trains verrouillés est vexatoire et rappelle de sinistres périodes ; s'agissant des positions des pays membres de l'Union, l'Allemagne est attentiste, la plupart des pays du Nord de l'Europe penchent pour une application stricte de l'acquis de Schengen, tandis que les pays du Sud sont en faveur d'une application souple de cet acquis pour faciliter le transit des ressortissants russes entre Kaliningrad et le reste de la Fédération de Russie.

Compte rendu de la mission effectuée en Russie

Le Président Edouard Balladur a indiqué qu'il s'était rendu à Moscou fin septembre en compagnie de Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Eric Raoult, Renaud Donnedieu de Vabres, Yves Nicolin et Jean-Paul Bacquet.

La délégation a été longuement reçue par le Ministre russe des Affaires étrangères, M. Igor Ivanov. L'entretien a porté sur la question irakienne, ce qui a permis de constater la convergence, dès cette époque, des positions russe et française, ainsi que sur la situation au Proche-Orient.

M. Dimitri Rogozine, Président de la Commission des Affaires étrangères de la Douma et représentant spécial du Président Poutine sur la question de Kaliningrad, a également reçu la délégation. Le problème de Kaliningrad a été longuement exposé et M. Rogozine a de lui-même abordé la question tchétchène.

Les questions de sécurité ont été au centre de l'entretien avec M. Oleg Tchernov, adjoint au Secrétaire général du Conseil de sécurité. Ce dernier a fait valoir que la lutte contre le terrorisme était l'affaire de tous les Etats. Ceux-ci doivent coopérer très activement contre ce fléau qui se nourrit d'une situation économique et sociale déprimée, telle que la connaît notamment la Tchétchénie.

M. Tchernov a insisté sur la nécessité d'établir une coopération concrète avec la Géorgie pour surveiller la frontière russo-géorgienne et mettre fin aux incursions des rebelles et des terroristes.

Le Vice-Ministre des Finances Aleksei Oulioukaiev a indiqué que, suite aux remboursements qui seront effectués en 2003, la dette publique russe passerait de 45% aujourd'hui à 39% du PIB à la fin de l'année prochaine, ce qui est un résultat tout à fait acceptable. Il a évoqué le caractère excessif du taux moyen de prélèvements obligatoires (39,7% du PIB) et émis le souhait de le voir passer à 37% en 2003. Cet objectif peut surprendre dans la mesure où la Russie a d'importants besoins de financement d'infrastructures publiques et connaît une forte demande de dépenses sociales. S'agissant de l'entrée prochaine de la Russie dans l'OMC, elle est espérée au deuxième semestre 2003.

La délégation a enfin rencontré M. Wright, le chef de la Délégation de la Commission européenne à Moscou, qui dirige une équipe de 130 personnes, supérieure à celle de notre ambassade, ce qui prouve l'importance accordée au développement des relations Union européenne - Russie.

A l'occasion de cette rencontre, il est apparu qu'un bilan de la stratégie commune Union européenne - Russie, adoptée en 1999, et de l'Accord de partenariat et de coopération, qui expire en 2003, mériterait d'être établi par la Commission des Affaires étrangères. Cette étude serait l'occasion d'appréhender dans son ensemble l'attitude de l'Union européenne envers la Russie et l'avenir de cette relation dans ses différents aspects, notamment de dialogue politique et de sécurité et de rapprochement économique.

Compte rendu de la mission effectuée aux Etats-Unis

Le Président Edouard Balladur a ensuite rendu compte de son déplacement aux Etats-Unis les 24 et 25 octobre dernier.

Il a indiqué qu'il avait eu à Washington, le 24 octobre, une journée consacrée à des entretiens sur le thème de la mondialisation et qu'il avait successivement rencontré M. Alan Greenspan, Président de la FED, M. Horst Koehler, Directeur Général du FMI, et M. James Wolfensohn, Président de la Banque mondiale.

M. Alan Greenspan, livrant son analyse sur l'état de l'économie américaine et son rôle dans l'économie mondiale, a longuement insisté sur la remarquable capacité de l'économie américaine à faire preuve de souplesse et d'adaptation (flexibility). Le Président de la Réserve fédérale a considéré que, de ce fait, l'économie américaine avait pu absorber depuis deux ans, sans crise majeure, des chocs répétés tels que l'éclatement de la bulle financière, les scandales financiers, les attentats du 11 septembre, etc.

Il a reconnu que la coexistence, dans l'économie américaine, d'un faible taux d'épargne et d'un déficit du commerce extérieur ne pourrait durer indéfiniment et se traduisait par un fort taux d'endettement.

Il s'est dit préoccupé par les difficultés de l'économie japonaise qui doit entreprendre aujourd'hui de profondes restructurations pour assurer sa reprise.

Il a reconnu que la mondialisation avait facilité dans de très larges proportions l'accès au crédit et à l'endettement. Mais il a conclu en rappelant, une fois encore, toutes les vertus des mécanismes de marché, considérant notamment que les banques centrales ne pouvaient avoir de rôle décisif pour lutter contre la formation des bulles financières.

M. Horst Koehler, répondant à la question sur la nécessité de créer au niveau mondial une sorte de « Conseil de sécurité économique et social », a exprimé sa préférence pour une meilleure coordination des différentes institutions financières internationales (FMI, OMC, Banque mondiale...). Le Directeur général du FMI a reconnu que des plans trop drastiques avaient pu être imposés à certains pays et qu'il convenait désormais d'être plus attentif aux aspects sociaux.

Reconnaissant que la mondialisation avait entraîné une prolifération de la création monétaire et de l'endettement, il a estimé qu'il fallait retoucher et harmoniser les mécanismes financiers, ce à quoi s'employait le FMI.

Il a également indiqué qu'il fallait mettre en place des mécanismes visant à absorber les chocs (supervision financière, systèmes financiers décentralisés...) et a considéré que les banques centrales avaient un rôle à jouer pour prévenir la formation des bulles financières.

Il a ensuite rappelé que le FMI avait proposé l'adoption d'une procédure à l'encontre des « Etats défaillants » et a précisé qu'il fallait néanmoins tout faire pour éviter de parvenir à une telle situation.

En conclusion, M. Horst Koehler est apparu soucieux de la faiblesse de la croissance en Europe, et notamment en Allemagne. Il a considéré que les problèmes globaux nécessitaient une approche et une réponse globales et qu'il faudrait déjà parvenir à coordonner les procédures et les mécanismes financiers des 25 pays de la prochaine Europe élargie.

M. James Wolfensohn est intervenu sur le rôle des ONG qu'il a classées en trois groupes :

- les ONG avec lesquelles le dialogue est possible et régulier car elles ont le sens des responsabilités et une vocation internationale (ex : CARE, Christian Aid, etc.) ;

- les ONG qu'il faut savoir écouter même si le dialogue n'est pas facile à engager. Ces dernières sont souvent par principe contre la globalisation ;

- les ONG « casseurs » dont on ne peut définitivement rien attendre.

Les ONG locales intervenant dans un domaine précis (Sida, éducation...) font un travail intéressant et, après des débuts difficiles, il est maintenant possible d'engager le dialogue avec elles.

Intervenant sur l'état de l'économie mondiale, M. Wolfensohn est apparu moins enthousiaste que M. Greenspan sur la vitalité de l'économie américaine et s'est dit pessimiste sur la situation en Europe avant de qualifier celle du Japon de très préoccupante. Or la croissance de ces trois zones est indispensable pour entraîner celle des pays en développement.

Il a appelé à l'ouverture des marchés des pays riches, notamment ceux de l'agriculture, qui bénéficie de 350 milliards de dollars de subventions contre 50 milliards de dollars d'aide au développement distribués aux pays en développement.

Le Président Edouard Balladur a ensuite rendu compte des deux autres entretiens qu'il avait eus à Washington avec le Sénateur Hagel (républicain du Nebraska), membre de la Commission des Affaires étrangères, et avec l'Ambassadeur Francis Taylor, chargé de la coordination anti-terroriste au Département d'Etat.

Le Sénateur Hagel, interrogé sur « le jour d'après », a admis que la réflexion ne s'était pas portée jusque-là. Il a estimé que le rôle de l'opposition irakienne se trouvant à l'extérieur était surévalué et que le risque était grand de déstabiliser encore un peu plus l'ensemble de la région du Moyen-Orient. Les Etats-Unis doivent rechercher impérativement le soutien de la communauté internationale. Il apparaît désormais au Président Bush que la situation est en réalité des plus complexes et ne peut se réduire schématiquement au conflit entre le bien et le mal.

Selon M. James Taylor, de même que les flux financiers se sont mondialisés, le terrorisme s'est lui aussi mondialisé. La riposte globale est donc indispensable et la coopération en matière de renseignement avait besoin d'être renforcée. La criminalité et le terrorisme ont l'avantage de la vitesse sur la souveraineté des Etats limitée aux frontières, c'est pourquoi la coopération entre services opérationnels mérite d'être grandement améliorée.

Interrogé sur les mouvements les plus dangereux, M. Taylor a répondu que Al Qaida restait la principale menace terroriste car même si la structure centrale de ce mouvement est en grande partie démantelée, il existe toujours des capacités de financement et de recrutement sur des bases idéologiques.

Le Hezbollah a été le deuxième mouvement mentionné par l'Ambassadeur Taylor car selon lui, même si ce dernier n'a que des objectifs régionaux, son réseau est global comme sa structure financière ce qui lui permet de frapper n'importe où sur la planète.

M. Francis Taylor a également cité l'IRA et l'ETA et indiqué qu'il ne disposait d'aucun élément irréfutable permettant de dire si certains Etats finançaient encore Al Qaida.

Le Président Edouard Balladur a ensuite indiqué qu'il avait rejoint la délégation de l'Assemblée nationale conviée à la 57ème Assemblée générale des Nations unies (AGNU) ; celle-ci, outre lui-même, comprenait Mme Martine Aurillac, MM. François Bayrou, Jean-Louis Bianco, Renaud Donnedieu de Vabres, Jack Lang, Pierre Lequiller et Eric Woerth.

Il a rendu compte de l'entretien de la délégation avec M. Kofi Annan. Quatre thèmes ont été abordés.

Interrogé sur le « jour d'après », le Secrétaire général a estimé que ce sujet ne pouvait et ne devait pas être abordé maintenant au Conseil de sécurité mais qu'il lui revenait d'y réfléchir, car l'ONU pourrait jouer un rôle à ce stade ultérieur.

S'agissant de la Côte d'Ivoire, le Secrétaire général a estimé qu'il conviendrait d'aller au plus vite vers des élections législatives car actuellement les gens du Nord s'estiment mal représentés au niveau national. Il a estimé que le Conseil de sécurité devrait être prochainement saisi par la CEDEAO afin que l'action de cette dernière soit légitimée.

S'agissant du vieux sujet de conflit opposant le Cameroun au Nigeria sur leur frontière, la Cour internationale a dit le droit en donnant raison au Cameroun et le 30 septembre une procédure d'accompagnement de la décision de la Cour a été mise en place et une réunion des deux chefs d'Etat a eu lieu à Paris. M. Kofi Annan a indiqué à la délégation que les deux chefs d'Etat étaient d'accord pour se rencontrer à nouveau pour discuter des modalités des suites de l'arrêt.

Sur la question de Chypre, M. Kofi Annan a indiqué le 25 octobre dernier qu'en dépit des incitations des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, il réservait sa décision de proposer un plan de règlement complet sur Chypre.

M. Paul Quilès a fait part de son souhait que la Commission des Affaires étrangères soit rapidement informée de la teneur de la proposition de résolution américaine sur l'Irak et des derniers développements des discussions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur cette question.

Le Président Edouard Balladur a déclaré partager le souci d'une bonne information de la Commission sur cette question et a indiqué qu'une audition du Ministre des Affaires étrangères aurait lieu dans les meilleurs délais.

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Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mercredi 6 novembre 2002 :

- M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour le projet de loi n° 228 autorisant l'approbation du protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la convention sur la diversité biologique ;

- M. Marc Reymann, rapporteur pour le projet de loi n° 238 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la construction et l'entretien de ponts frontières sur le Rhin dont les Parties contractantes n'assurent pas la maîtrise d'ouvrage ;

- M. Jean-Claude Guibal, rapporteur pour le projet de loi n° 239 autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part ;

- M. Loïc Bouvard, rapporteur pour le projet de loi n° 251 autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Croatie, d'autre part (ensemble 8 annexes et 6 protocoles) et pour le projet de loi n° 252 autorisant la ratification de l'accord de stabilisation entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'ancienne République yougoslave de Macédoine, d'autre part (ensemble 7 annexes et 5 protocoles) ;

- M. Christian Philip, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne (ensemble une annexe comportant six déclarations) (n° 263), et pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisation la ratification de la convention établie sur la base de l'article 3 du traité sur l'Union européenne, relative à la procédure simplifiée entre les Etats membres de l'Union européenne (n° 264) ;

- M. Paul Quilès, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité entre la République française, le Royaume d'Espagne, la République d'Italie et la République portugaise portant statut de l'Eurofor (n° 265) ;

- M. Didier Julia, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'amendement à la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination (n° 266) ;

- M. Henri Sicre, rapporteur pour :

. le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention entre la République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre relative à la circulation et au séjour en Principauté d'Andorre des ressortissants des Etats tiers (n° 267).

. le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention entre la République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre relative à l'entrée, à la circulation, au séjour et l'établissement de leurs ressortissants (n° 268) ;

. le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relative à la coopération administrative (n° 269) ;

. le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention de sécurité sociale entre la République française et la Principauté d'Andorre signée à Andorre-la-Vieille le 12 décembre 2000 (n° 270).

- M. Bernard Schreiner, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative au raccordement de la Suisse au réseau ferré français, notamment aux liaisons à grande vitesse (ensemble une annexe) (n° 271) ;

- M. Richard C azenave, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties en France (n° 272) ;

- M. René André, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la responsabilité civile au titre de dommages nucléaires du fait de fournitures en provenance de la République française destinées à des installations nucléaires en Fédération de Russie (n° 273) ;

- M. André Schneider, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 274) ;

- M. Paul Quilès, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la décision des représentants des Gouvernements des Etats membres de l'Union européenne, concernant les privilèges et immunités accordés à l'Institut d'études de sécurité et au Centre satellitaire de l'Union européenne, ainsi qu'à leurs organes et aux membres de leur personnel (n° 275).

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