COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 13

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 12 novembre 2002
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Antonio Vitorino, Commissaire européen à la Justice et aux Affaires intérieures


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Audition de M. Antonio Vitorino, Commissaire européen à la Justice et aux Affaires intérieures

Le Président Edouard Balladur a accueilli M. Antonio Vitorino, Commissaire européen chargé de la Justice et des Affaires intérieures.

Il a indiqué que deux thèmes intéressent plus particulièrement la Commission des Affaires étrangères : la gestion des flux migratoires et la lutte contre le terrorisme.

Evoquant la fermeture du centre de Sangatte qui a provoqué de très vives réactions notamment parmi les parlementaires de la région Nord-Pas-de-Calais, il a précisé que la Belgique avait réagi en indiquant qu'elle renforçait ses contrôles aux frontières. Cette toute dernière actualité nous place donc au cœur du sujet.

Après avoir rappelé que M. Vitorino défendait en matière d'immigration une politique de partenariat il a souhaité que le contenu d'une telle politique puisse être explicité et s'est demandé dans quelle mesure un consensus se dégageait sur une politique commune de l'immigration.

S'agissant de la lutte contre le terrorisme, le Président a rappelé que la Commission des Affaires étrangères avait récemment créé une mission d'information portant sur la coopération internationale pour lutter contre le terrorisme.

La sécurité est devenue pour les citoyens européens, une préoccupation essentielle et dans ce domaine l'Europe peut intervenir efficacement, l'exemple de la création du mandat d'arrêt européen nous le prouve. L'Assemblée nationale devrait d'ailleurs très prochainement examiner le projet de loi constitutionnelle sur le mandat d'arrêt européen.

Sur ce thème, le Président Edouard Balladur a souhaité connaître les mesures ou initiatives complémentaires que pourrait adopter l'Union européenne pour lutter plus efficacement encore contre la criminalité et le terrorisme et a demandé au Commissaire Vitorino son sentiment sur le fonctionnement d'Europol et les améliorations éventuelles qui pourraient être apportées.

M. Antonio Vitorino a indiqué que cette audition représentait une occasion pour lui, dans la mesure où l'espace de liberté, de sécurité et de justice que l'Union européenne essaie de mettre en place intervient au cœur du domaine de souveraineté des Etats. Aussi les Parlements nationaux doivent-ils être associés de façon systématique à l'action des institutions européennes pour jouer leur rôle de contrôle démocratique.

Le Commissaire a indiqué qu'il ne tenterait pas de faire un inventaire exhaustif des travaux en cours, mais aborderait quelques aspects liés à l'actualité en France. Il en est ainsi de la réforme de l'asile approuvée par le Conseil des ministres français, qui va dans le sens des objectifs européens définis au Conseil européen de Séville, en juin 2002 et contribue à respecter les échéances fixées par le traité d'Amsterdam avec la mise en place de l'espace commun de liberté, de sécurité et de justice en mai 2004, soit cinq ans après l'entrée en vigueur de ce traité.

En matière d'asile, il faut rapprocher les systèmes d'asile européens - et le problème de Sangatte vient de là - pour deux raisons. La première est de garantir une protection internationale effective pour les réfugiés, selon la Convention de Genève de 1951, mais aussi conformément aux autres formes de protection subsidiaires, comme par exemple l'asile territorial en France. La seconde est de combattre les abus liés au recours au droit d'asile : les procédures de traitement des demandes d'asile sont de plus en plus fréquemment détournées à cause des demandes des migrants économiques, qui ne peuvent avoir recours à d'autres voies légales pour entrer dans les Etats membres de l'Union européenne.

Dans cette situation, M. Antonio Vitorino a plaidé pour l'adoption d'un guichet unique : un système d'instruction unique des demandes d'asile respectant les critères de la Convention de Genève de 1951, et des systèmes subsidiaires des Etats membres ; les décisions seraient plus efficaces et plus rapides, et plus cohérentes entre elles, avec un seul système d'appel judiciaire. Il a également plaidé pour une interprétation actualisée de la convention de Genève qui prendrait en compte la situation des demandeurs d'asile pour lesquels les persécutions ne sont pas le fait d'une autorité étatique ou pour lesquels l'autorité étatique existante n'est pas capable d'assurer la sécurité du demandeur. Cette évolution s'effectue dans tous les Etats membres et en particulier en Allemagne.

Enfin, il faudrait créer un cadre commun du statut et des droits du demandeur d'asile dans le pays d'accueil, afin que les disparités de droit cessent de créer des facteurs de mouvements secondaires, qui créent des problèmes comme celui de Sangatte. D'où l'intérêt de l'établissement de ces normes minimales communes qui constitueraient une étape vers un système européen d'asile à la fois respectueux de nos valeurs et non susceptible d'être détourné par ceux qui sont en réalité des migrants économiques.

Le débat sur l'immigration doit englober deux données : la pénurie de main d'œuvre et le vieillissement de la population, qui constituent des « facteurs de propulsion » communs aux Quinze mais aussi aux pays candidats. Ainsi le Portugal est-il devenu un pays de destination pour des migrants d'Ukraine et de Moldavie, communautés étrangères qui ont le plus augmenté ces dernières années.

La Commission a fait deux propositions essentielles : l'une comportant des critères communs pour l'admission de ressortissants des Etats tiers, critères qui devraient être appliqués librement par les Etats. Il ne s'agit pas de système de quotas établis au niveau européen, mais de définition, par chaque Etat, du nombre de migrants qu'il doit admettre, dans quel domaine d'activité et de quelle qualification, les migrants non qualifiés étant aussi recherchés par certains Etats membres. Les réalités de l'immigration sont très différentes d'un pays à l'autre, d'où une gestion décentralisée, sachant qu'il faut aussi, dans chaque Etat, assurer l'intégration de ces ressortissants, résidents de longue durée.

La politique d'intégration de ces ressortissants a pris du retard, et l'échange des expériences entre les Etats, notamment candidats, doit s'approfondir. La question de la cohésion de nos sociétés appelle un langage clair : il faudrait établir un contrat de citoyenneté entre l'étranger et son pays d'accueil, fondé sur le respect des diversités mais aussi fondé sur un noyau dur de valeurs qui sont celles de nos sociétés et sur lesquelles nous devons être intransigeants. La paix sociale et l'intégration réussie de l'étranger en dépendent.

L'Union est engagée dans un programme d'action contre le terrorisme depuis le 11 septembre 2001, qui comporte une partie législative et à cet égard le Commissaire s'est félicité de l'adoption de la législation relative au mandat d'arrêt européen. Toutefois M. Vitorino a insisté sur le fait que rien ne peut expliquer les actuelles difficultés politiques et bureaucratiques qui s'opposent à certaines procédures d'extradition entre Etats membres, alors que la liberté de circulation est en œuvre. Deux conventions d'extradition ne sont pas encore en vigueur dans l'ensemble de l'Union, car non encore ratifiées par tous les Etats membres. Il faut donc rapidement donner aux Etats les moyens de lutter contre la criminalité, car les citoyens ne peuvent comprendre que la seule frontière qui subsiste est de nature juridique et judiciaire.

Ce programme d'action a un volet de coopération policière. Europol a beaucoup augmenté ses capacités d'échange d'informations, mais beaucoup reste à faire : la menace exige l'engagement d'instruments autres, comme les services de renseignement, qui doivent eux aussi s'engager à partager les informations qu'ils recueillent. Europol est une première plateforme de travail en commun de l'ensemble de ces services, mais il faut la développer. En outre, il faut développer la coopération avec les pays tiers : un accord d'échange d'information est négocié entre l'Union et les Etats-Unis, ainsi qu'un accord d'entraide judiciaire et d'extradition dans le cadre de la lutte anti-terroriste.

La sécurité de chacun de nos pays dépend des mesures prises par les Etats voisins pour contrôler sa frontière extérieure. Il faudra améliorer notre coopération, voire même à moyen terme, créer un corps de gardes frontières européen, qui pourrait servir de force d'appui dans les situations d'urgence, pour des pays particulièrement soumis à la pression migratoire. Les deux tiers de notre frontière terrestre extérieure seront dans quelques années sous la responsabilité des pays membres candidats à l'Union européenne. Aussi, pourra t-on considérer que la sécurité des frontières extérieures est une tâche commune des Etats membres. Les objectifs de la coopération devront être ciblés, car le contrôle ne doit pas confondre immigration et terrorisme, par exemple. La Commission travaille à de nouvelles propositions sur le renforcement des contrôles des frontières extérieures, non dans une perspective d'exclusion mais de partenariat avec les pays tiers et dans leur intérêt également.

M. René André a souhaité connaître le sentiment de M. Antonio Vitorino sur le projet de procureur européen, dont certains pensent qu'il n'est pas nécessaire eu égard à l'existence d'Eurojust. Il a demandé si les compétences de celui-ci ressortiraient du seul domaine de la protection des intérêts financiers ou si elles pourraient être étendues au blanchiment d'argent, au trafic d'êtres humains et, dans une certaine mesure, au financement du terrorisme.

M. Pierre Lequiller a souligné combien les problèmes de justice et d'affaires intérieures de l'Union européenne préoccupaient les citoyens européens. Ceux-ci ont en effet de l'élargissement une image de corruption, de prostitution et, d'une manière générale, de manque de justice dans les pays candidats, véhiculée par les médias. Il a demandé à M. Antonio Vitorino si l'on pouvait être optimiste quant à une harmonisation nécessaire dans ces pays en la matière et dans quels délais celle-ci pouvait être espérée.

M. Richard Cazenave s'est intéressé à la question du droit d'asile. La loi Réséda de 1998 a institué la formule de l'asile territorial qui concerne la persécution de personnes par des agents autres que les Etats. Il a regretté la complexité de la définition juridique de ce type de persécution dont la conséquence est le rejet à 95 % des demandes d'asile territorial et demandé à M. Antonio Vitorino s'il envisageait certaines pistes pour cerner son contenu juridique.

Répondant à ces interventions, M. Antonio Vitorino a expliqué que s'agissant du procureur européen, la Commission avait proposé sa création à Nice exclusivement pour la protection des intérêts financiers de l'Union, l'existence du procureur européen ayant une valeur ajoutée pour lutter contre les fraudes au budget communautaire.

Tout ce qui touche à l'action publique européenne relève plutôt d'Eurojust, instance de coordination des poursuites au niveau européen. Il conviendrait de lui reconnaître un droit d'impulsion de l'action publique alors qu'actuellement les initiatives viennent seulement des pays membres. Si ce droit lui était reconnu, l'on aurait une ébauche de parquet européen. On a également conféré à Eurojust la possibilité de poursuivre directement les contrefaçons de l'euro.

En ce qui concerne la protection de ses frontières extérieures, l'Union européenne a investi 304 millions d'euros dans les équipements des garde-frontières et près de 50% des crédits PHARE pour aider les futurs Etats membres à s'équiper. L'Union souhaite améliorer la capacité juridique et administrative de ces Etats et la faire évaluer par des experts des Etats membres pour garantir l'intégrité du système juridique et juridictionnel. Il a expliqué qu'en matière de justice et affaires intérieures, il était possible de faire jouer une clause de sauvegarde. Ainsi, en cas de violation grave de l'intégrité du système judiciaire d'un pays candidat, la reconnaissance mutuelle pourra être suspendue.

M. Antonio Vitorino a observé que l'adhésion des nouveaux Etats membres à l'Union européenne était un élément de respect des standards fondamentaux de l'Union, aussi la solidarité à leur égard est-elle essentielle. Il a fait valoir que leur adhésion au système de Schengen n'était pas automatique et qu'elle s'opérerait en deux étapes. Dans une première étape, les nouveaux membres mettent en œuvre une partie importante de l'acquis de Schengen, mais il n'y a pas d'abolition des contrôles aux frontières intérieures. Ainsi, l'Allemagne continuera de contrôler les entrées dans la zone Schengen après l'adhésion de la Pologne. D'ailleurs, le nouveau système d'information Schengen ne sera prêt qu'au début de 2006. L'admission définitive des nouveaux adhérents dans l'espace Schengen ne s'effectue qu'après évaluation faite au cas par cas. C'est seulement alors que les contrôles intérieurs seront levés.

Il a précisé que les taux d'obtention du droit d'asile fondé sur la convention de Genève étaient très bas dans la plupart des pays de l'Union - de l'ordre de 1 à 4%, sauf en Grande-Bretagne, où ils étaient bien plus élevés (de l'ordre de 29%). S'agissant de l'asile territorial, la Commission estime que, lorsqu'une autorité étatique ne peut garantir elle-même la protection d'un individu contre un agent non-étatique, on pourrait accorder l'asile.

M. Guy Lengagne a évoqué la fermeture du centre de réfugiés de Sangatte : la Grande Bretagne a une législation généreuse en matière d'asile, mais dans le même temps elle laisse aux autorités françaises le soin d'empêcher les flux migratoires ; l'Union européenne peut-elle intervenir pour remédier à cette situation ?

M. Jacques Myard a estimé que la Convention de Genève sur les demandes d'asile, en prévoyant un examen des situations au cas par cas, n'était plus adaptée aux réalités actuelles. La communautarisation de l'acquis de Schengen et le passage à la majorité qualifiée opérés par le Traité d'Amsterdam ont placé les pays de l'Union européenne dans une situation contradictoire : les nouveaux Etats membres doivent ainsi appliquer l'acquis Schengen, alors même que les contrôles aux frontières sont maintenus. Il faut agir avec plus de raison et moins d'utopie.

M. Antonio Vitorino a estimé que le problème des réfugiés de Sangatte relevait d'accords bilatéraux entre la France et la Grande-Bretagne, qui devaient trouver un système de gestion commun du droit d'asile. A cet égard, il a rappelé que la Convention de Dublin prévoyait qu'il appartenait à l'Etat par lequel le réfugié était entré dans l'Union européenne d'apprécier la validité de sa demande d'asile. La question de l'efficacité de la convention de Dublin se pose ; en tout cas elle n'est pas suffisante, car les réfugiés qui sont arrivés à Sangatte ont souvent traversé plusieurs Etats membres. C'est pourquoi la Commission a présenté une proposition de règlement dans ce domaine. Selon lui, deux stratégies sont possibles pour réformer la convention de Dublin : soit conserver le critère du pays d'entrée du demandeur d'asile, en perfectionnant les moyens de preuve notamment, soit appliquer des règles communes en matière de droit d'asile afin que la question du pays d'entrée ne se pose plus. Pour l'instant, c'est la première solution qui a la faveur du Conseil. Il reste que la Grande-Bretagne sera toujours plus attractive puisqu'il n'y a ni carte de séjour, ni carte d'identité. De plus, le rapprochement des législations ne réglera pas tous les problèmes, les flux migratoires obéissant à d'autres facteurs comme la volonté de se regrouper par communautés dans un même pays.

Le Royaume Uni et l'Irlande ne font pas partie de l'espace Schengen et le département du Pas-de-Calais est placé dans une situation de frontière extérieure, ce qui explique les problèmes que l'on y rencontre. La Grèce, le Danemark, la Suède et la Finlande sont entrés récemment dans cet espace et l'Islande ou la Norvège, qui ne font pas partie de l'Union, sont partie à l'accord du fait du régime de libre circulation existant dans l'ensemble des pays scandinaves. Il n'est donc pas choquant que les nouveaux membres restent à l'écart de Schengen un certain temps ; la décision d'abolir ou non les contrôles aux frontières relève donc de chaque pays. Pour les pays appliquant l'accord de Schengen, les contrôles systématiques du fait du franchissement de la frontière sont prohibés, mais il est toujours loisible aux autorités nationales d'organiser des contrôles de police en n'importe quel point de leur territoire.

Face à l'ampleur des problèmes, il faut faire preuve d'imagination : il serait souhaitable d'améliorer l'accueil des réfugiés dans les régions de crise, plutôt que d'attendre leur entrée sur le sol européen ; il faut également favoriser la réinstallation des réfugiés dans leur pays par des aides. La question des flux migratoires et de la politique d'asile est sensible pour les opinions publiques, mais elle n'en appelle pas moins des réponses qui respectent la dignité humaine et les droits fondamentaux de la personne.

M. Marc Laffineur a estimé que, face aux problèmes migratoires et du terrorisme, il ne fallait pas moins, mais plus d'Europe. Il s'est par ailleurs dit choqué que des terroristes puissent utiliser les différences de législations entre la France et le Royaume-Uni pour échapper à une extradition. Enfin, évoquant les difficultés que rencontreront les nouveaux adhérents pour sécuriser leurs frontières, il a demandé si des aides spécifiques étaient prévues.

M. Michel Delebarre a estimé que, dans l'affaire des réfugiés de Sangatte, le Royaume-Uni bénéficiait, du fait de son refus de Schengen et de son caractère insulaire, d'une sorte de « commodité communautaire » lui permettant de faire assurer par la France un pré-contrôle migratoire ; ce qui n'est pas acceptable. Par ailleurs, les réfugiés qui arrivent à Sangatte ont généralement traversé 2 ou 3 pays, parcouru 2000 kilomètres, sans subir un seul contrôle de police. Pourtant, Schengen ne devrait pas signifier l'absence totale de contrôle !

La Commission européenne doit faire preuve de davantage de détermination pour résoudre les dérèglements d'une politique communautaire. Des efforts supplémentaires sont aussi nécessaires pour intensifier les liens de coopération avec les pays de départ des réfugiés.

Sur la lutte contre le terrorisme, il a rappelé les progrès faits dans ce domaine par l'Union européenne et a demandé dans quelle direction un pilotage européen pourrait s'exercer.

M. André Schneider a regretté que les différences de législation entre la France et l'Allemagne pénalisent la lutte contre les phénomènes de traite des personnes, notamment dans la prostitution.

M. Antonio Vitorino a déclaré partager l'incompréhension devant un refus d'extradition concernant des terroristes à l'intérieur de l'Union européenne : mais l'objectif du mandat d'arrêt européen est justement de mettre fin à ce type d'anomalie qui ne sera plus possible quand il entrera en vigueur. Dans le nouveau système en effet, il n'y aura plus de contrôle politique de la demande par l'Etat qui la reçoit.

Le contrôle des frontières extérieures doit être considéré comme une responsabilité commune de tous les Etats membres. Pour aider les nouveaux membres, 304 millions d'euros ont été versés pour qu'ils modernisent leurs frontières. La Commission souhaiterait d'ailleurs qu'il y ait un partage des coûts du contrôle des frontières extérieures, avec une clef de répartition qui reste à définir.

M. Antonio Vitorino a rappelé que l'immigration clandestine ne s'expliquait pas uniquement par le franchissement illégal de frontières terrestres, mais également par la prolongation de séjour au-delà des trois mois de validité des visas touristiques. Une coopération plus étroite est donc également nécessaire dans le domaine de la délivrance des visas. En effet, la liste des pays tiers est commune, de même que l'espace auquel donnent accès les visas, mais la délivrance de ceux-ci reste une compétence nationale. Il faut donc mieux assurer la cohérence de ce système et éradiquer les différentes formes de fraude.

Sur le co-développement, il est clair qu'à moyen ou long terme ce sera la solution, mais il faut également résoudre les problèmes qui se posent à court terme. La priorité doit donc être de favoriser une coopération opérationnelle, à laquelle certains pays du Sud ont intérêt, tel le Maroc, qui doit supporter les conséquences du transit de l'immigration subsaharienne.

M. Antonio Vitorino a indiqué que la lutte multilatérale contre le terrorisme pouvait se réaliser dans le cadre des Nations unies, dans celui du Conseil de l'Europe, aussi dans le domaine spécifique de la lutte contre le financement du terrorisme. S'agissant de ce dernier aspect, celui-ci ne se confond pas avec la lutte contre le blanchiment, le terrorisme pouvant être financé par l'intermédiaire d'activités légales. La coopération ne peut donc pas être uniquement policière, mais doit passer également par des échanges d'information et faire intervenir tous les acteurs concernés (banques, autorités financières, cellules d'information et de renseignement financier, notamment).

M. Antonio Vitorino a admis que les différences de législation nuisaient à l'efficacité de la lutte contre la traite des êtres humains et c'est pour cette raison que le Conseil Justice-Affaires intérieures a adopté en juillet 2002 un système d'incrimination et de sanctions communes dans ce domaine.

Le Président Edouard Balladur s'est interrogé sur l'articulation entre l'accord de Schengen et le maintien de contrôles par les autorités nationales qui peuvent toujours organiser des contrôles douaniers, fiscaux ou de police pour lutter contre l'immigration clandestine.

M. Antonio Vitorino a rappelé que les accords de Schengen prohibaient les contrôles systématiques aux frontières sans interdire les contrôles dans la zone frontalière ou en d'autres lieux. Cette distinction qui se fonde sur la finalité des contrôles est reconnue par la jurisprudence. Si le contrôle statique à la frontière a été supprimé, les Etats ne sont donc pas pour autant démunis. Par ailleurs, l'entrée dans l'espace Schengen par la voie aérienne donne lieu à des contrôles systématiques, mis en œuvre par chacun des Etats.

En conclusion, le Président Edouard Balladur a estimé que l'Union européenne avait été fondée pour permettre la libre circulation des biens et qu'elle avait du mal à se saisir du vaste ensemble que constitue le droit des personnes. Dans ce contexte, le fait que certains pays aient une législation moins contraignante que d'autres pose de réels problèmes.

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