COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 4 décembre 2002
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Nissim Zvili, Ambassadeur d'Israël en France


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Audition de M. Nissim Zvili, ambassadeur d'Israël en France

Le Président Edouard Balladur s'est félicité d'accueillir Son Excellence M. Nissim Zvili, Ambassadeur d'Israël en France, en soulignant le fait que la Commission des Affaires étrangères s'informait très régulièrement de la situation de ce pays, et que son prédécesseur, M. Elie Barnavi, était venu s'y exprimer à plusieurs reprises sous la précédente législature.

Il a évoqué le déplacement effectué en Israël en février 2002 par le Président François Loncle, et celui de M. Dominique de Villepin, en juin 2002, en précisant que l'audition du Ministre des Affaires étrangères sur la situation au Moyen-Orient avait d'ailleurs constitué le thème principal de la première réunion tenue par la Commission sous cette nouvelle législature. Il a rappelé toute l'importance que la Commission attachait à cette région du monde, car elle a pour Israël une profonde sympathie et une grande admiration pour les qualités et les capacités du peuple israélien.

Il a estimé qu'aussi longtemps que la paix ne serait pas rétablie dans la région, le Moyen-Orient demeurerait dans une situation instable. Même si subsistent d'autres causes d'instabilité qui risquent d'être à l'œuvre, les relations israélo-palestiniennes demeurent un point névralgique.

Il s'est déclaré attentif aux espoirs que les propos de l'Ambassadeur pourraient susciter. Il a indiqué avoir demandé à M. Nissim Zvili s'il ne préférait pas s'exprimer devant la Commission après le résultat des élections israéliennes et a précisé que celui-ci avait souhaité être entendu dans un délai plus bref. Il l'a assuré qu'il était accueilli avec amitié.

M. Nissim Zvili a remercié la Commission de son invitation en précisant qu'il s'exprimerait d'abord sur les relations bilatérales entre la France et l'Israël et ensuite sur le conflit israélo-palestinien, voire israélo-arabe.

S'agissant des relations bilatérales entre la France et Israël, il a émis le vœu que l'on soit capable de part et d'autre de distinguer entre les positions françaises dans le conflit israélo-arabe et les relations bilatérales entre les deux pays même si cette distinction n'est pas toujours aisée. Israël sait que les intérêts de la France dans certains pays Arabes et au Proche-Orient peuvent être différents de ceux d'Israël, qui le comprend.

Cependant Israël souhaiterait que la France parvienne à adopter une approche plus équilibrée du conflit en en comprenant toute la complexité, et l'extrême profondeur. Tout n'est pas toujours tout noir ou tout blanc d'un seul côté et Israël aimerait que la France soit davantage impliquée, car l'influence française sur certains pays arabes ne peut être que positive pour arriver à une solution acceptable.

Il a salué un certain changement de ton dans les discours. Les relations avec l'Elysée, le ministère des Affaires étrangères et le Premier ministre se sont améliorées. En témoigne la décision prise par MM. Shimon Peres et Dominique de Villepin de créer une commission chargée d'améliorer les relations israélo-françaises, d'élargir et de rechercher des activités communes. Il a estimé que le dialogue entre les deux pays était plus ouvert et a espéré que les relations continueraient de s'améliorer.

Il a rappelé que la France avait soutenu Israël dans la période la plus difficile de sa création et tout au long des années cinquante et soixante. Israël et son peuple ne peuvent pas oublier ce qu'ils doivent à la France. La France quant à elle ne peut oublier qu'elle partage avec Israël dans cette région du monde les mêmes valeurs, fondées sur la démocratie, le respect des droits humains, notamment des droits des femmes. Cette communauté des valeurs doit avoir une certaine importance dans les relations entre les deux Etats, les deux gouvernements et les deux sociétés. Connaissant la France depuis longtemps, il s'est déclaré bouleversé par l'image d'Israël en France, notamment celle que renvoient les médias français. Il a regretté que cette image ait un certain écho dans l'opinion publique française, alors qu'il est de l'intérêt des deux Etats d'améliorer l'image de la France en Israël et l'image d'Israël en France.

Quant au conflit israélo-palestinien et israélo-arabe, M. Nissim Zvili a jugé qu'il était de l'intérêt d'Israël d'établir une nouvelle réalité politique, d'arriver à des accords de paix avec tous les pays arabes, et de résoudre le problème palestinien. Pour cela, Israël est prêt à faire des concessions. Toutefois, selon lui, Israël ne peut faire de concessions sous la menace de la violence et du terrorisme. Cette position est partagée par tous les Israéliens. Il a estimé que la lutte contre le terrorisme est l'une des plus difficiles qu'Israël ait eu à mener depuis son existence. L'Autorité palestinienne a enfreint les accords d'Oslo. En effet, aux termes d'un échange de lettres entre le Président Arafat et Yitzhak Rabin, le non-recours à la violence et au terrorisme était une condition nécessaire pour une paix viable et durable.

L'Autorité palestinienne a décidé, il y a deux ans, de changer de stratégie, et de recourir à la violence et au terrorisme pour essayer d'aboutir à des négociations. Israël a la preuve que ce ne sont pas les seuls groupes terroristes qui ont essayé de faire déraper le processus, mais que certains attentats sont organisés et financés par l'Autorité palestinienne. Cette décision est une catastrophe, surtout pour le peuple palestinien, car le Président Arafat a été élu par les Palestiniens sur la base d'un mandat clair : mener son peuple à l'indépendance et à la prospérité. Il ne l'a pas fait. Les gouvernements israéliens ont, eux aussi, commis des erreurs, mais ils n'ont jamais changé sur les principes de base des accords d'Oslo.

Il a souligné l'impact du terrorisme sur l'opinion publique israélienne, qui a été ainsi poussée à voter à droite. Il a estimé qu'il était de la responsabilité complète d'un gouvernement d'assurer la sécurité de ses citoyens, et s'est demandé ce qui se serait passé dans un autre pays qui aurait subi de telles vagues d'attentats terroristes. Il a évoqué l'angoisse des parents qui accompagnent chaque matin leurs enfants en voiture pour ne pas les envoyer à l'école en autobus. Il a décrit la tension provoquée par les attentats et estimé qu'il était nécessaire de comprendre ce que ressentait la population israélienne, qu'elle soit juive, arabe ou druze, qui est touchée par des attentats de plus en plus inhumains.

Il a déclaré qu'il ne parvenait toujours pas à comprendre comment un être humain peut se mettre une ceinture d'explosifs autour de la taille et se faire exploser ; comment il est possible d'envoyer un missile sur un avion civil ? On a réagi à la mort de quinze personnes à Mombasa, mais que se serait-il passé si les 260 passagers de l'avion avaient péri dans l'attentat ?

Il a expliqué que lorsqu'on luttait contre ce genre de terrorisme, il était difficile de juger des moyens employés. Chaque jour, l'armée israélienne réussit à déjouer des dizaines d'attentats ; ces actes préventifs permettent de sauver des centaines de vies, israéliennes et palestiniennes. Quand celle-ci ne réussit pas à prévenir un attentat en Israël, il y a des victimes israéliennes, puis des représailles contre des Palestiniens, innocents ou non, et le cercle vicieux se reproduit. Israël s'est efforcé de prendre conseil auprès du ministère français de la Défense, ainsi qu'auprès du Département d'Etat américain pour savoir comment lutter, sans faire de victimes innocentes, d'autant qu'en Israël, la vie humaine est sacrée. Mais comment lutter contre un terrorisme qui utilise des femmes et des enfants comme boucliers humains ? Israël essaie d'opérer par frappes chirurgicales pour éviter d'atteindre des innocents, mais cela ne réussit pas toujours.

Evoquant la situation dans les villes réoccupées, il a souligné que, chaque fois que l'on allégeait le bouclage, des attentats survenaient, quelques heures ou quelques jours après. C'est ainsi que, pour le Ramadan, il avait été décidé d'alléger le bouclage de Hébron et de Bethléem. Seize heures après l'allègement du bouclage, un attentat est survenu. Il s'est demandé si les Israéliens étaient devenu trop paranoïaques, et comment auraient réagi des Anglais, des Français, des Italiens, vivant chaque jour dans une telle tension. Cependant, il a reconnu que les Palestiniens vivaient une période très difficile, peut-être plus encore que les Israéliens, mais que la responsabilité en incombait directement à leurs dirigeants, puisque la situation résulte de leur politique et de leurs décisions. Si la paix avait été signée, on aurait aujourd'hui une autre situation. Il a rappelé que ce n'était pas le gouvernement israélien qui avait refusé les propositions du Président Clinton à Camp David, propositions qu'avait entérinées le Conseil des Ministres israélien. Israël avait fait des concessions très importantes et les Palestiniens ont refusé de signer. Comment expliquer ce refus, alors que les Palestiniens prétendaient vouloir un accord politique ?

Il a souligné l'absence de propositions positives de paix faites par l'Autorité palestinienne au cours des processus de négociations. C'est toujours Israël qui a eu un rôle moteur de propositions. Au cours de la négociation des accords d'Oslo, aucune proposition n'a été faire par les pays arabes ; au contraire, trois d'entre eux étaient contre les principes des accords d'Oslo et la création d'un Etat palestinien. Il a rappelé que, depuis la guerre des Six Jours qu'il a qualifiée de guerre d'existence, Israël avait rendu des territoires pour obtenir un accord de paix avec l'Egypte et avec la Jordanie, et qu'Israël avait évacué tout le sud du Liban pour appliquer les résolutions des Nations unies. Or, force est de constater que, sur cette frontière, une tension subsiste, et l'on se demande quelles sont les raisons qui poussent le Hezbollah à menacer les villes israéliennes. L'évacuation du Sud Liban a été interprétée par eux comme un acte de faiblesse, alors que ce fut l'acte le plus courageux et intelligent du gouvernement Barak.

M. Nissim Zvili a fait observer que deux ans d'Intifada pesaient lourdement sur l'économie et la vie sociale israélienne. Le tourisme et les investissements sont durement touchés. Il est de plus en plus difficile d'assurer une vie sociale normale. Pourtant, il est possible d'arriver à une situation de paix. Le Premier ministre a reconnu qu'il était nécessaire de faire des concessions pour arriver à un accord de paix. Quelle que soit l'appartenance politique, il y a un courant principal, qui représente deux tiers de la population, qui partage ce point de vue, malgré la tension énorme qui pèse sur elle. Chaque victime fait en effet monter le niveau de la terreur.

Chaque nouvelle victime attise la tension et la haine entre les deux peuples. Combien de temps, combien de sang versé faudra-t-il encore avant que les autorités politiques ne se décident à un accord de paix ?

Avant de passer la parole aux membres de la Commission, le Président Edouard Balladur a remercié M. l'Ambassadeur d'Israël pour son propos et a salué la présence de M. Rudy Salles, président du groupe d'amitié France-Israël.

M. Roland Blum a estimé que seule la négociation et le dialogue permettront d'établir la paix. Citant M. Yitzhak Rabin, qui avait souligné la difficulté qu'il y avait à « négocier comme s'il n'y avait pas le terrorisme et combattre le terrorisme comme s'il n'y avait pas de négociation », il s'est enquis des efforts entrepris pour relancer le processus de paix et a demandé quel rôle la communauté internationale pouvait jouer en évoquant la possibilité d'envoyer une force d'intervention internationale.

M. Jacques Myard a rappelé combien chacun d'entre nous était profondément choqué et horrifié par les attentats meurtriers. Il a fait valoir que la solution n'était que politique et que l'attitude des Israéliens lui paraissait paradoxale : comment ceux-ci peuvent-ils considérer qu'ils sont mieux à même de combattre les terroristes que les Palestiniens ? Est-il concevable que ce soit Israël ou la communauté internationale qui maîtrise le phénomène ? N'est-il pas plus sûr que ce soit une Autorité palestinienne et un Etat palestinien qui le fasse avec fermeté ? Il a demandé si la seule solution pour éradiquer le terrorisme n'était pas un Etat palestinien fort.

Après avoir fait observer que l'implantation de colonies était contradictoire avec la politique de séparation complète des Israéliens et des Palestiniens, M. René André a interrogé M. l'Ambassadeur pour savoir quelle était la position du Gouvernement israélien à l'égard de ces implantations dans les Territoires palestiniens qui ne sont pas un facteur de paix.

M. l'Ambassadeur d'Israël a rappelé que Yitzhak Rabin avait prononcé la phrase citée par M. Roland Blum après les accords d'Oslo, c'est-à-dire à un moment où le Gouvernement d'Israël et l'Autorité palestinienne étaient d'accord pour lutter contre les groupes extrémistes religieux soutenus par l'Iran et la Syrie qui cherchaient à empêcher la paix à tout prix. Depuis deux ans la situation a radicalement changé. Il ne s'agit plus seulement d'actions de groupes terroristes. L'Autorité palestinienne avec laquelle Israël a négocié durant tant d'années encourage et finance le terrorisme, alors même qu'elle a été élue pour y mettre un terme.

Faisant état de ses souvenirs personnels, il a rappelé qu'il avait été lié d'amitié avec Marwan Bargouti qui souhaitait alors transformer le Fatah en un parti travailliste. Celui-ci a étudié en Israël pendant des mois, d'ailleurs des relations amicales s'étaient créées entre les dirigeants israéliens et palestiniens qui négociaient et travaillaient ensemble. Mais tout a été bouleversé. Marwan Bargouti est passé à l'action terroriste, il est devenu un terroriste qu'il faut combattre.

Selon lui, il faut déraciner le phénomène terroriste dans les sociétés libres, car il peut viser d'autres pays et d'autres hommes. Il a précisé qu'il pensait autrefois que le terrorisme trouvait sa source dans le désespoir, et qu'aujourd'hui il est avant tout animé par une nouvelle idéologie de destruction qui frappe aussi bien les juifs que les chrétiens ou les musulmans modérés. Il faut lutter contre ce phénomène mondial dont on a pu mesurer la gravité depuis le 11 septembre 2001, avec les attentats de Bali et de Djerba qui non seulement frappent des victimes innocentes mais contribuent à la ruine d'économies fondées sur le tourisme.

Selon lui, l'envoi d'une force d'intervention internationale ne constitue pas une solution satisfaisante : l'exemple du Liban témoigne de l'inefficacité d'un tel mode de règlement des conflits. Aussi la communauté internationale doit-elle privilégier la voie des négociations et le rôle joué par le Quartette est à cet égard positif. Mais les accords signés doivent être ensuite impérativement respectés, sinon la négociation n'a aucune chance d'aboutir.

Il a donné raison à M. Jacques Myard. En effet les Palestiniens sont les plus à même de combattre efficacement le terrorisme s'ils décident de le faire. Il a rappelé que l'armée israélienne avait évacué Hebron il y a quinze jours après un accord avec l'Autorité palestinienne mais que trois jours plus tard un attentat a eu lieu dans lequel quatorze Israéliens ont trouvé la mort. Ce scénario s'est répété à Bethléem et dans d'autres villes. Pour sa part, le Gouvernement israélien est prêt à évacuer son armée des villes palestiniennes sans qu'un nouvel accord intervienne, à la condition que M. Arafat se porte garant de ce qui se passe dans les territoires relevant de son autorité et qu'il condamne clairement les attentats. Or M. Arafat n'est pas capable de tenir ce discours, ce qui a pour conséquence la déliquescence de l'Autorité palestinienne. M. Abou Mazen a pourtant eu le courage de condamner les attentats terroristes dans l'intérêt du peuple palestinien.

Aujourd'hui il est de l'intérêt d'Israël que les Palestiniens luttent eux-mêmes contre le terrorisme. Les responsables israéliens sont pleinement conscients des graves conséquences morales et psychologiques qu'entraîne sur les jeunes générations, leur envoi dans les territoires occupés pour détruire des maisons à la recherche de terroristes. On sait les dégâts que cela provoque dans la société israélienne. Malheureusement il n'y a pas d'autre choix actuellement que de lutter de cette façon.

S'agissant de l'économie palestinienne, il a fait valoir qu'en huit ans le niveau de vie a baissé jusqu'à 80 % dans certains lieux, alors même que les territoires relevant de l'Autorité palestinienne ont bénéficié d'importants investissements, provenant notamment de l'Union européenne. Il faudrait d'ailleurs que l'Autorité palestinienne prenne des mesures de transparence, afin que ces aides ne servent pas à financer des réseaux terroristes, comme c'est aujourd'hui le cas. Israël dispose de preuves démontrant que cet argent est utilisé à des fins terroristes, l'Arabie Saoudite a d'ailleurs cessé d'envoyer de l'argent à l'Autorité palestinienne alors qu'auparavant elle la finançait à hauteur de 25 millions de dollars par mois. Les Etats-Unis ont bien compris le problème, alors même que l'Union européenne n'en a pas pris totalement la mesure. S'il est de l'intérêt d'Israël que l'économie palestinienne connaisse une amélioration, - et c'est d'ailleurs M. Shimon Péres qui après les accords d'Oslo avait encouragé l'aide financière à l'Autorité palestinienne - il faut mettre en place un système clair de contrôle des flux financiers à destination des Territoires palestiniens. Les avoirs palestiniens déposés dans les banques israéliennes et qui s'élèvent à 682 millions de dollars ne seront débloqués qu'à cette condition.

La question des colonies n'a pas été réglée par les accords d'Oslo, qui ne mentionnent ni l'évacuation des implantations ni la question de Jérusalem. Ce point a été renvoyé à des accords permanents ultérieurs. Dans l'attente de ces accords il ne doit y avoir ni nouvelles implantations ni évacuations. C'est un accord politique qui déterminera l'évacuation des colonies.

M. Jean Glavany a souhaité faire part du témoignage qui pourrait être celui de millions de téléspectateurs français. Il y a quelques mois après un attentat odieux commis à Tel Aviv, le quartier général du Président Arafat à Ramallah a été soumis à un blocus par l'armée israélienne. Le Président Arafat subissait une pression forte de l'armée israélienne alors qu'il condamnait l'attentat. Ceci fit l'objet d'un reportage télévisé, suivi d'un autre, montrant Cheik Yacine hilare, faisant une conférence de presse à Gaza, ne subissant aucune pression ni représailles, alors qu'il revendiquait et se félicitait de l'attentat. M. Jean Glavany s'est demandé si cette juxtaposition d'images ne montrait pas qu'il pouvait y avoir une collusion des faucons partout dans le monde.

Il a ensuite relevé que, selon M. Nissim Zvili, les attentats commis dans le monde ces derniers mois n'auraient rien à voir avec le conflit du Moyen-Orient. Il a estimé au contraire que la lutte contre le terrorisme international aurait plus de chances d'aboutir si ce conflit était résolu, et si une évolution économique et sociale plus favorable intervenait dans cette partie du monde en proie au sous-développement. Sans la guerre et le sous-développement les bases arrières du terrorisme seraient moins fécondes.

M. Eric Raoult a souligné qu'en effet, les médias français présentaient une vision caricaturale de la situation en Israël, de l'Etat et de la société israéliens. Mais Israël semble n'avoir qu'une communication de guerre, maîtrisée par les autorités militaires, à travers laquelle il est difficile de percevoir la réalité de la société, sa culture, son effort de coopération comme par exemple le travail réalisé par l'institut Weissman, qui, s'ils étaient plus connus, donneraient une autre image de ce pays.

Le Président Edouard Balladur a demandé si la construction d'un mur de séparation serait de nature à faire baisser la tension et assurer la sécurité des deux peuples et au terme de quelle évolution celui-ci pourrait être démoli ?

De nombreux responsables israéliens considèrent que Yasser Arafat est un obstacle à la paix : si cela est vrai, comment le persuader de quitter le pouvoir et qui lui succèderait ?

Le Quartette a récemment élaboré une feuille de route pour le règlement du conflit. Pour quelle raison Israël n'a-t-il pas encore répondu à ce jour à la présentation de ce document ?

Enfin, quel est l'appréciation du Gouvernement israélien quant aux conséquences d'une éventuelle intervention militaire en Irak : une telle intervention augmenterait-elle les chances d'un règlement du conflit israélo-palestinien ou ne risque-t-elle pas d'aggraver encore l'insécurité et de servir de justification à des attitudes encore plus rigoureuses ?

M. Nissim Zvili a émis des doutes sur le lien entre le conflit du Moyen-Orient et le terrorisme international. Il a rappelé que la première intervention de Ben Laden liant son action à la cause palestinienne avait soulevé l'indignation des Palestiniens, choqués par cette accaparation de leurs difficultés. Ils ont compris le piège qui leur a été tendu. Les raisons profondes de cette forme de terrorisme ne sont pas encore comprises. Les véritables intentions des terroristes internationaux sont mal connues. Peut-être y a-t-il un lien avec le fossé qui sépare l'Occident et le monde sous-développé, mais il n'y a certainement pas de lien avec les conflits régionaux. Le monde libre doit se préparer à une escalade du terrorisme international et ne pas montrer de faiblesse, car elle sera exploitée. La coopération multilatérale qui s'est instaurée pour lutter contre ce phénomène est très positive et il a espéré qu'elle contribuerait à l'éradiquer.

Il a convenu qu'Israël avait perdu la guerre des images, en raison de la différence de mentalités entre les Israéliens et les Palestiniens. Pour les Israéliens, une règle prime sur tout : c'est le respect de la volonté des familles, qui interdit que soient montrés les corps déchiquetés des victimes des attentats. Ceci est le plus important. D'autre part, le gouvernement israélien n'attend pas des médias une justification de ces actes mais au moins une présentation équilibrée de la situation. On peut regretter que les médias ne s'intéressent ni à l'action de l'Institut Weissman, ni à la coopération d'Israël avec les pays en développement en Afrique, ni à la lutte contre la désertification, ni à la recherche conduite par Israël. Ce qui intéresse les médias, c'est de montrer un enfant contre un char. Aussi, Israël apparaît-il méconnaissable dans l'image donnée par les médias français et, le temps passant, il devient de plus en plus difficile de redresser la situation, d'autant que cette image a pénétré l'opinion publique française. L'Ambassade essaie pour sa part de développer des cercles de connaissance d'Israël dans la société française.

Il a fait valoir que la séparation opérée par la construction du mur n'était qu'une étape vers l'intégration, étape dont on espère qu'elle permettra la période de calme nécessaire aujourd'hui, tant la haine est forte. Il est impossible d'imposer une séparation entre deux populations aux nombreux liens de toute nature. Le mur n'est pas étanche et il faut espérer qu'il disparaîtra à moyen terme d'ici cinq ans par exemple, actuellement il permet de contrôler sous forme de barrières électroniques les passages en différents points, et d'empêcher le franchissement par une personne munie d'explosifs ou d'armes. Actuellement 35 000 Palestiniens venant de la Bande de Gaza les franchissent. On constate d'ailleurs qu'il n'y a pas eu d'attentat dans la bande de Gaza depuis la mise en œuvre de ce contrôle. Cette période de calme devrait assurer la sécurité d'Israël et aussi profiter à l'Autorité palestinienne pour la réorganisation d'une vie économique et sociale. Le but d'Israël est de faire en sorte que cette période intérimaire permette de parvenir à un accord de paix et à un accord politique.

Il a jugé que Yasser Arafat était devenu un obstacle au processus de paix après sa décision de revenir au terrorisme ; il a été le chef d'un mouvement révolutionnaire, mais il n'est pas capable d'être un chef d'Etat. Israël souhaite un système démocratique dans les Territoires, aussi une éventuelle réélection de Yasser Arafat par les Palestiniens sera-t-elle respectée. C'est la conduite de réformes qui importe ; ce peut être la tâche d'un Premier ministre. Yasser Arafat dispose d'une équipe extraordinaire, ouverte, qu'il a malheureusement castrée comme il étouffe toute la jeune génération qui aurait pu prendre la relève mais qui n'a pu avoir d'influence sur ce processus.

Il a fait savoir que la réaction d'Israël à la feuille de route proposée par le Quartette serait connue après les élections qui auront lieu fin janvier.

Quant au conflit irakien, qui implique la communauté internationale inquiète par les agissements de ce dictateur, ce n'est pas un problème israélien. Israël ne participerait pas à un éventuel engagement. Si le territoire israélien était touché par un missile, il appartiendrait au Gouvernement de décider d'une riposte, cette décision serait prise en relation avec les Etats-Unis et l'Europe. Cette décision devrait être suffisamment courageuse et sage pour éviter d'aggraver le conflit et de porter atteinte à la stabilité du monde. Israël n'ignore pas que cette guerre peut remettre en cause la stabilité de certains Etats.

Le Président Edouard Balladur a remercié M. Nissim Zvili pour la franchise de ses propos et la clarté de ses interventions et de ses réponses. Il a fait observer que les questions posées avaient été directes, car c'est la condition d'un dialogue constructif entre amis. Il a formé des vœux pour que la paix dans cette région soit retrouvée. Même si on ne peut donner d'échéance, l'essentiel est la volonté d'y parvenir.

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