COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 22

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 11 décembre 2002
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président,

SOMMAIRE

 

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- Avenant convention sécurité sociale France-Gabon - rapport (n° 43)
- Mandat d'arrêt européen - avis (n° 378)


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Convention de sécurité sociale France-Gabon

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Gilbert Gantier, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant n° 1 à la convention sur la sécurité sociale du 2 octobre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise (n° 43).

M. Gilbert Gantier a expliqué que la France et le Gabon avaient signé, le 7 juillet 2000, un avenant à la convention de sécurité sociale du 2 octobre 1980 destiné à modifier cet instrument, pour améliorer la situation des Français installés au Gabon. Adopté à l'unanimité par le Sénat, cet avenant n'a pas encore été ratifié par le Gabon, mais devrait l'être, car il confère surtout des obligations à la partie française.

Le Rapporteur a souligné la nécessité de modifier les conventions de sécurité sociale signées dans les années quatre-vingt entre la France et les pays d'Afrique francophone, car la situation des pensionnés français des caisses africaines s'est fortement dégradée depuis plusieurs années. Le niveau des retraites a été divisé par deux à la suite de la dévaluation du franc CFA et des difficultés financières rencontrées par les régimes d'assurance vieillesse africains, rendent très aléatoire le versement régulier des pensions.

Selon M. Gilbert Gantier, des initiatives ont été prises. Les caisses de sécurité sociale ont reçu pour instruction de liquider les droits à pension française des personnes ayant accompli une carrière mixte sur le territoire national et dans un Etat lié à la France par une convention bilatérale de sécurité sociale. La preuve de leur activité en Afrique des personnes ayant cotisé à des caisses locales est facilitée. Toutefois, l'adaptation du dispositif des conventions bilatérales qui liait la France à certains pays de la zone franc s'est révélée nécessaire. C'est l'objet de l'avenant à la convention de sécurité sociale franco-gabonaise de 1980, dont bénéficiera la communauté française, forte de 8 288 personnes immatriculées et de plus de 900 qui ne le sont pas.

Le Rapporteur a présenté les principaux apports de l'avenant. Ils concernent la possibilité d'opter pour le régime français et de percevoir une pension de retraite unique versée par la France sans que les Français aient besoin de quitter le Gabon, ce qui permet de payer les pensions de retraite quel que soit le lieu de résidence des intéressés, et non plus seulement en Afrique francophone. L'avenant prévoit le rattachement des Français installés au Gabon au régime français et la gestion des prestations par un centre de sécurité sociale unique, la prolongation de la durée du détachement des salariés expatriés passant d'un à deux ans non renouvelables.

Cet avenant permet donc d'accroître la protection sociale des Français installés au Gabon, pays avec lequel la France entretient d'étroites relations bilatérales, matérialisées par de fréquents échanges de visites, à l'échelon présidentiel comme ministériel. Au niveau économique, le Gabon est le 64ème client de la France, 80% des investissements étrangers au Gabon sont français et s'effectuent dans tous les secteurs économiques. La France est le premier fournisseur du Gabon. Si la France a progressivement réduit les versements de son aide publique au développement (APD) au cours de ces dernières années, elle reste de loin le principal contributeur d'APD au Gabon.

M. Gilbert Gantier a décrit les difficultés sociales et économiques du Gabon et il a estimé que, dans un tel contexte, l'apport de cet avenant de sécurité sociale pour les Français installés au Gabon était important, car il sécurise certaines de leurs prestations. Il s'est donc déclaré favorable à son adoption.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 43).

Mandat d'arrêt européen

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jacques Remiller, le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen (n° 378).

M. Jacques Remiller, Rapporteur pour avis, a indiqué que la Commission des Lois, saisie au fond, examinait au même moment le projet de loi constitutionnelle et qu'il était probable qu'elle souhaitât en améliorer la rédaction. Il a estimé que l'entrée en vigueur du mandat d'arrêt européen, le 1er janvier 2004, constituerait l'une des plus grandes révolutions juridiques de l'histoire de la coopération juridique internationale.

M. Jacques Remiller a ensuite exposé les raisons qui rendaient indispensables la mise en œuvre du mandat d'arrêt européen, à commencer par l'internationalisation de la criminalité. Les progrès faits dans les domaines des communications et des télécommunications facilitent la tâche des réseaux criminels, notamment dans un espace aussi intégré que l'Union européenne. En revanche, l'existence de cet espace unifié ne s'est pas accompagnée d'une disparition des frontières judiciaires entre les Etats, ce dont profitent les criminels.

Il a ensuite décrit les étapes de la construction européenne en matière judiciaire. Celle-ci a débuté avec la mise en œuvre du Traité de Maastricht et a été intensifiée avec le Traité d'Amsterdam, puis une nouvelle étape a été franchie au Conseil européen de Tampere en octobre 1999, dont le thème principal était la réalisation d'un « espace de liberté, de sécurité et de justice ». Pour autant, dans ce domaine, qui reste intergouvernemental, la règle reste l'unanimité. Ainsi, si de nombreuses actions ont été entreprises (création d'Europol, d'Eurojust...), les progrès restent lents et peu spectaculaires.

Le Rapporteur pour avis a rappelé que les relations entre systèmes judiciaires des membres de l'Union européenne restaient régies principalement par les procédures classiques comme les conventions d'extradition, qui restent le fondement sur lequel les personnes recherchées sont remises d'un pays à l'autre. Or les procédures d'extradition sont généralement longues et complexes, elles peuvent durer plusieurs années, comme le montre la procédure d'extradition lancée à l'encontre de Rachid Ramda auprès de la Grande-Bretagne.

Dans ce contexte, il a alors expliqué que la mise en œuvre du mandat d'arrêt européen constituerait une vraie révolution. Celle-ci a été rendue possible par la prise de conscience, intervenue après les attentats du 11 septembre, du caractère impératif de la coopération internationale pour lutter contre le terrorisme en particulier, et la criminalité en général. Le principe du mandat d'arrêt européen fut donc décidé lors du Conseil européen des 19 et 20 septembre 2001, ses modalités furent précisées lors du Conseil du 12 décembre 2001, et la décision-cadre définitive intervint le 13 juin 2002.

M. Jacques Remiller a ensuite présenté les principales caractéristiques du mandat d'arrêt européen, en insistant sur ses différences fondamentales avec la procédure classique d'extradition. Il s'agira tout d'abord d'une procédure entièrement judiciarisée, l'on passera d'un mécanisme classique de coopération d'Etat à Etat à un système d'exécution d'une décision de justice permettant la remise directe des personnes recherchées d'autorité judiciaire à autorité judiciaire, qui se justifiera par le fait que tous les Etats reconnaîtront mutuellement les décisions de justice prises dans l'ensemble de l'Union européenne.

Autre innovation fondamentale : dans 32 cas, on ne recherchera pas l'existence ou non de la double incrimination de l'infraction dans le pays requérant et dans le pays requis, contrairement aux règles de la procédure d'extradition.

Par ailleurs, le caractère judiciarisé et par bien des aspects quasi-automatique de la procédure ne permettra plus de refuser certaines extraditions. Par exemple, la règle, inscrite dans la loi de 1927 sur l'extradition, selon laquelle la France n'extrade pas les citoyens français, ne sera plus applicable. Il convient cependant de préciser que, si la personne poursuivie est condamnée, elle pourra effectuer sa peine dans son pays d'origine.

M. Jacques Remiller a également expliqué les raisons qui justifiaient la nécessité d'une révision constitutionnelle. En effet, il semble au Conseil d'Etat que le mandat d'arrêt européen ne ferait obstacle à la remise d'une personne que pour les « infractions de nature politique », et non dans le cas d'extradition demandée « dans un but politique », dont l'interdiction constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République, à valeur constitutionnelle.

Au total, la mise en œuvre du mandat d'arrêt européen va constituer un bouleversement important dans le domaine de la justice pénale, qui était restée jusque là une prérogative presque exclusivement nationale. Entre pays qui partagent les mêmes conceptions juridiques et les mêmes valeurs il semble logique que les frontières juridiques s'estompent.

M. Jacques Remiller a conclu son intervention en réaffirmant le caractère profondément novateur de cette réforme qui déroge à certains de nos principes traditionnels en matière d'extradition. Pour ces raisons, il a estimé qu'il n'était pas mauvais qu'une révision constitutionnelle intervienne préalablement à l'entrée en vigueur du mandat d'arrêt européen, afin de donner la légitimité la plus forte à cette importante réforme. Il a en conséquence demandé à la Commission de donner un avis favorable à l'adoption du projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen.

Le Président Edouard Balladur a fait observer que le rythme des modifications constitutionnelles avait tendance à s'accélérer dans le système français ; ce sont notamment les progrès en matière européenne qui nécessitent ces modifications. Ce qui amène à se demander si notre Constitution est trop imprécise ou trop rigide et par conséquent soulève la question d'une réflexion portant sur la rédaction de notre texte constitutionnel afin de lui donner plus de souplesse.

S'agissant du mandat d'arrêt européen lui-même, cette affaire marque un progrès du droit pénal, rendu indispensable par le développement de la criminalité, et une exception à un principe qui paraissait irrévocable. Cependant, on peut se poser la question de la différence introduite dans la rédaction du texte portant sur le mandat d'arrêt européen entre délit politique et délit à motif politique.

Conformément aux conclusions du Rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi constitutionnelle (n° 378).

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