COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 44

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 26 mars 2003
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Jacques Godfrain, Secrétaire, puis
de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Zéphirin Diabré, Administrateur adjoint du Programme des Nations unies pour le développement, sur le rôle du PNUD dans la promotion du développement durable en Afrique



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Audition de M. Zéphirin Diabré, Administrateur adjoint du PNUD

M. Jacques Godfrain a excusé le Président Balladur et a exprimé tout le plaisir qu'il avait à accueillir M. Zéphirin Diabré, Administrateur adjoint du PNUD, ce qui officialise un projet ancien et les liens entre les organismes onusiens et la Commission. Il s'est interrogé sur le rôle que le PNUD peut jouer dans le développement durable et sur celui de la France au sein même de cet organisme.

M. Zéphirin Diabré a remercié le Président Balladur d'avoir organisé cette rencontre et s'est déclaré privilégié de pouvoir s'exprimer devant la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, dont le soutien au PNUD n'a jamais manqué. Il a insisté sur l'importance de cette rencontre dans le cadre du raffermissement des relations entre la France et le PNUD dont les visions respectives du développement sont proches.

Evoquant la guerre en Irak, il a expliqué combien la période était délicate sur le plan des rapports internationaux, estimant que cette situation exigerait longtemps le recours à la voie diplomatique. Aussi est-il essentiel de disposer d'une organisation des Nations unies forte, respectée, dont la France s'est montrée l'illustre défenseur. Dans la plupart des pays en développement, l'ONU peut prendre des décisions politiques difficiles parce qu'elle est perçue par les populations comme un allié sûr au service de leur développement.

Il est donc urgent de renforcer sa capacité à répondre aux besoins vitaux, à instaurer l'Etat de droit, à assurer une meilleure intégration des pays en développement dans l'économie mondiale. Les enjeux sont immenses, le PNUD souhaite en débattre avec la France, qui, plus que jamais jouit d'un prestige important dans la communauté internationale et occupe une position clé au sein de l'ONU. Le rôle prééminent que pourrait prendre la France pour asseoir les capacités onusiennes en matière de développement aura un impact très important car aujourd'hui la paix et la sécurité sont en jeu. A la fin de la guerre en Irak, il faudra redonner espoir aux Irakiens, il sera alors essentiel d'avoir une Organisation des Nations unies forte montrant son autre facette, celle d'un instrument au service du développement.

Il a expliqué que le PNUD était le « bras armé » des Nations unies pour le développement, organisation multilatérale de développement la plus présente sur le terrain (150 pays et territoires à travers les cinq continents) où les représentants ont la double fonction de représentant du PNUD et de coordonnateur des activités de développement de l'ensemble du système onusien.

Il a rappelé que depuis deux décennies, le PNUD avait insisté sur le défi que constituait la lutte contre la pauvreté, défi à relever grâce à un effort commun en faveur du développement humain et durable, qu'il a défini comme un schéma permettant de satisfaire dans le présent les besoins essentiels de la personne humaine, sans toutefois hypothéquer l'avenir et dont les fondements permettent de travailler et réussir sur le long terme. Cette vision du développement a conduit le PNUD à lancer le rapport mondial sur le développement humain, devenu la référence internationale en la matière.

M. Zéphirin Diabré a rappelé qu'aujourd'hui, le fait que le développement humain durable passe par la lutte contre la pauvreté faisait l'objet d'un consensus, ce que le PNUD a très tôt défendu et que la communauté internationale avait repris, à New York en 2000, en adoptant les huit objectifs du millénaire pour le développement dont l'un est de réduire de moitié d'ici 2015 la pauvreté à travers le monde. Le PNUD a été chargé de conduire la campagne mondiale en faveur de la mise en œuvre de ces objectifs et de mesurer, pays par pays, les progrès accomplis pour leur réalisation.

Selon lui, les défis à relever sont impressionnants. Dans les cinq décennies à venir, sur 63 millions de personnes qui viendront chaque année accroître la population mondiale, seules 1 million vivront dans les pays avancés ; cette augmentation de 50 % d'ici la moitié du siècle est un défi énorme sur tous les plans. Or jamais le monde n'a paru aussi libre ni aussi injuste. Une personne sur cinq vit avec moins d'un dollar par jour, presque une sur deux avec moins de deux dollars. Pour réduire de moitié la pauvreté d'ici 2015, il faut une croissance par habitant d'au moins 3,7 % par an. Seuls 24 pays en développement ont affiché une croissance suffisante ces dix dernières années. La famine plane sur certains pays d'Afrique. Le Sida y a fait baisser l'espérance de vie de plus de 10, voire 15 ans.

Il a souligné que nombre de pays en développement se sont démocratisés dans un contexte de pauvreté généralisée et de tensions économiques et sociales, certains sont revenus à des régimes plus autoritaires, d'autres oscillent entre démocratie et autoritarisme. Certains pays où l'Etat s'est effondré sont devenus un terreau fertile pour l'extrémisme et la violence. Près d'un pays sur trois, dans lesquels opère le PNUD, est affecté par des conflits. Ce cocktail est selon lui explosif et n'est pas viable longtemps dans un monde de communication totale et instantanée. Aussi l'ONU doit-elle assurer sa mission de paix dans ce monde de l'après 11 septembre.

M. Zéphirin Diabré a estimé possible de parvenir à réduire de moitié la pauvreté, de scolariser tous les enfants dans le primaire ou d'arrêter la progression du Sida d'ici 2015 par un meilleur usage des ressources, un meilleur partage des savoirs et une restructuration plus équitable des échanges commerciaux. Ces objectifs constituent la feuille de route du PNUD que le Secrétaire général de l'ONU a placée au cœur du dispositif d'action qu'il est en train de mettre en place. En Afrique, la réalisation de ces objectifs est une priorité absolue et impérieuse. Près de la moitié des ressources de base du PNUD, soit 350 à 400 millions de dollars par an, y sont dépensés mais en raison de la baisse de l'aide publique au développement, cette aide représente 50 % de ce qu'elle était il y a dix ans.

Il a indiqué que le PNUD était implanté dans chaque pays du continent africain et que ses interventions s'articulaient autour de six axes principaux : gestion des conflits et de l'après conflit, promotion de la bonne gouvernance, lutte contre le Sida, protection de l'environnement, élaboration de la politique d'environnement, promotion des nouvelles technologies de l'information. Les conflits armés, véritable fléau pour l'Afrique, sont le plus grand obstacle du développement du continent. Plus que des pays, s'y affrontent des composantes d'une même société. La Côte d'Ivoire en est le dernier exemple.

M. Zéphirin Diabré a décrit l'action du PNUD en situation de conflit en précisant que c'est la seule organisation multilatérale de développement à être présente quelle que soit la situation, tel est le cas en Irak où son représentant est un français M. Francis Dubois. Les interventions du PNUD dans les zones de conflits vont de la prévention à la reconstruction en s'appuyant sur l'idée que la pauvreté, l'inégalité sociale et les exclusions sont les facteurs alimentant la plupart des guerres en Afrique. C'est pourquoi le PNUD agit préventivement pour promouvoir l'Etat de droit, gérer des déplacements internes de population et promouvoir l'équité en mettant en œuvre des projets au profit de communautés susceptibles de créer des tensions. Dans les phases post-conflit, le PNUD met en œuvre des projets de développement améliorant l'accès à l'eau potable et permettant la construction d'infrastructures légères. Il agit pour désarmer, démobiliser et réintégrer des ex-combattants, ainsi que pour déminer afin de rendre les sols à leur utilisation initiale.

Pour prévenir les conflits, les dirigeants africains ont compris que pour vaincre la pauvreté, une meilleure gouvernance est nécessaire, le NEPAD et l'Union africaine ont repris à leur compte ce thème.

La mise en place d'une bonne gouvernance est le premier domaine d'action du PNUD qui y consacre près de 60 % de ses ressources. Les projets et programmes nationaux en la matière portent sur les systèmes judiciaires, la promotion des droits humains, la décentralisation, l'appui et le renforcement des systèmes parlementaires, la lutte contre la corruption ainsi que la promotion du rôle de la société civile.

La pauvreté est la chose la mieux partagée sur le continent africain puisque la moitié de ses habitants vit avec l'équivalent de moins d'un dollar par jour, que plus de la moitié n'a pas accès à l'eau potable et que plus de 2 millions d'enfants meurent chaque année avant d'atteindre leur première année. Le PNUD intervient, aux côtés de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, dans l'élaboration des cadres nationaux stratégiques de lutte contre la pauvreté. La protection et la régénération de l'environnement sont des composantes importantes de l'action du PNUD en Afrique en raison de la forte croissance de sa population, de l'urbanisation très rapide, de la dégradation des sols, de la désertification et de la déforestation (90 % de la population rurale utilisent des énergies traditionnelles comme le bois).

M. Zéphirin Diabré a également souligné l'importance de la lutte contre le Sida parmi les actions de coopération du PNUD avec l'Afrique. Dans plusieurs pays d'Afrique Australe, le taux de prévalence dans la population des femmes enceintes atteint 30 % et sur l'ensemble du continent près de 15 millions d'enfants sont orphelins du fait de cette pandémie. La stratégie, arrêtée et mise en œuvre dans chaque pays, consiste à sensibiliser les plus hautes autorités sur cette maladie, à coordonner l'effort de prévention, à renforcer les capacités nationales en matière de planification et de gestion des programmes de lutte, à intégrer la lutte contre le Sida dans les programmes de réduction de la pauvreté, à promouvoir l'accès équitable à l'information, et à lutter contre les discriminations.

Les convergences du PNUD et de la France sont nombreuses et se fondent sur l'égalité de droit et de dignité de tous les citoyens et le partage d'une vision selon laquelle le développement durable ne peut intervenir que dans le cadre d'un Etat de droit. Le PNUD privilégie également l'action en faveur des pays les moins avancés en portant une attention toute particulière à l'Afrique. La France et le PNUD sont ainsi associés dans le cadre de l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) qui vise à uniformiser les lois et les pratiques afin d'améliorer le développement économique. La France et le PNUD ont franchi une étape supplémentaire en juin 2000 en signant un accord favorisant la mise en œuvre de projets communs. Les actions conjointes ainsi engagées portent sur quatre thèmes : l'appui aux institutions publiques ; l'appui aux politiques économiques (par exemple au Mali) ; l'environnement (Ethiopie, Tanzanie, Cuba) ; l'appui aux sorties de crises (déminage au Mozambique et au Cambodge, aide à l'Afghanistan).

Selon lui, le PNUD souhaite entamer un nouveau partenariat renforcé avec la France. La crise irakienne ne doit pas empêcher la communauté internationale de s'occuper du développement et de venir en aide aux régions en crise qui ne font pas l'actualité, notamment l'Afrique. Il faut ainsi aider la Côte d'Ivoire à redevenir un pôle de croissance et de stabilité. Partenaire neutre des pays en développement, le PNUD est particulièrement adapté pour mettre en place des partenariats dans des domaines aussi sensibles que ceux de la gouvernance. Il est également en mesure de promouvoir la diversité culturelle qui constitue le thème de son rapport mondial sur le développement humain pour 2004. Dans ce cadre, ses rapports avec la francophonie sont de la plus grande importance.

M. Zéphirin Diabré a souhaité poursuivre la concertation existante, non seulement avec le Gouvernement mais également avec le Parlement français, à travers la Commission des Affaires étrangères.

M. Jacques Godfrain a remercié M. Zéphirin Diabré pour la remarquable clarté de son exposé et la diversité de ses précisions. Il a fait observer que son discours n'était pas ésotérique mais vécu, qu'il s'agisse de l'OHADA, en cours d'installation, de la filière bois, etc.

M. Jacques Myard a lui aussi remercié M. Zéphirin Diabré pour son exposé, qui communique un enthousiasme certain malgré les défis à relever. Evoquant les six orientations prioritaires décrites, il s'est interrogé sur le développement démographique de l'Afrique, en rappelant qu'en 1950 avec 250 millions d'habitants ce continent manquait d'hommes, qu'actuellement le nombre d'habitants s'élève à 1 milliard et que pour 2035 la population est estimée à 1,6 ou 1,7 milliard. Rappelant qu'en termes de développement, lorsque la croissance démographique atteint un tel seuil, il faut augmenter de 12 à 15 % le PIB pour construire les infrastructures nécessaires, il s'est étonné que la question, quelque peu taboue, des problèmes démographiques n'ait pas été mentionnée, et a souhaité plus d'informations à ce sujet.

M. François Guillaume s'est félicité de l'éventail des actions du PNUD, tout en rappelant qu'en dépit des efforts déployés, la pauvreté sévit toujours, probablement parce que les solutions sont inadéquates. Quand le G8 se réunit, on évoque la question de la dette, conséquence de la pauvreté, sans s'attaquer aux causes, à savoir la dégradation des termes de l'échange. Les produits d'exportation, notamment africains, sont soumis aux rigueurs de la loi du marché, alors que ces productions varient en raison du climat et de la consommation. Il a insisté sur le fait que ce problème pose la question du droit à être nourri, ce qui fait défaut dans beaucoup de pays d'Afrique.

Selon lui, même en développant la production agricole, la question ne sera pas réglée sans une organisation des marchés mondiaux qui permet une rémunération minimale des produits agricoles. A cet égard, il a cité l'exemple de l'association des producteurs de café en 1993, qui était parvenue à réguler ce marché. Mais cette initiative a tourné court, car il n'y a eu aucun appui des organisations internationales pour combattre les principes anglo-saxons attachés au libéralisme forcené. Il en fut de même pour le cacao.

Il a demandé si, pour l'Afrique, l'organisation de certains marchés ne pouvait pas faire exception aux règles de l'OMC, afin de créer des marchés communs dérogeant aux barrières douanières pour se protéger de l'extérieur et développer à l'intérieur une production. Il a estimé que, si l'on tablait sur le seul libéralisme pour régler les problèmes, aucune solution ne serait dégagée, considérant comme inacceptable que, dans l'hémisphère nord, les poubelles dégorgent de nourriture, alors qu'au Sud, on meurt de faim. Faute de solutions, on peut s'attendre à d'autres actions terroristes, fondées sur la rancœur.

M. Richard Cazenave a insisté sur l'intérêt du rapport de M. Zéphirin Diabré, au moment où la France a décidé de relancer son aide au développement. Ayant étudié au Mali l'action des différentes instances qui s'occupent du développement (PNUD, coopération multilatérale européenne et bilatérale), il s'est interrogé sur l'harmonisation de l'ensemble de ces actions. Aussi, selon lui, le PNUD devrait jouer un rôle moteur de coordinateur des interventions, de conseil auprès des gouvernements africains, pour que le dispositif soit efficace. Il a suggéré qu'un travail d'approfondissement soit effectué avec la Commission des Affaires étrangères pour améliorer le dispositif.

Mme Martine Aurillac a salué les actions entreprises par le PNUD et rappelé que le développement des pays les plus pauvres constituait notre avenir commun. Elle a insisté sur les convergences de vues entre la France et le PNUD s'agissant du développement. Constatant que la France avait décidé d'augmenter son aide au développement, elle a souhaité savoir ce que recouvrait le projet de nouveau partenariat du PNUD avec la France.

M. Zéphirin Diabré a remercié les parlementaires pour l'intérêt des questions.

Il a expliqué qu'il n'avait pas évoqué les questions démographiques, sauf pour souligner que l'essentiel de la croissance aura lieu au Sud, car elle relevait d'un fonds spécial, le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) qui était à l'origine une sous-section du PNUD devenue indépendante. Ce fonds détient un mandat spécial sur les questions démographiques. Il dispose de bureaux dans les pays où est représenté le PNUD. Il conseille les gouvernements dans le domaine de la démographie. Son Directeur exécutif est nommé par le Secrétaire général des Nations unies.

Le Président Edouard Balladur a demandé si les chiffres avancés par M. Jacques Myard correspondaient à ceux du PNUD concernant la population actuelle de l'Afrique.

M. Zéphirin Diabré a répondu que les estimations, car le comptage précis des personnes n'est pas facile, se situaient plutôt entre 700 000 et 800 000. Cette proportion montre en tout cas le désastre que représente le Sida, et la ponction qu'il opère sur la population, en regard du taux de croissance qui n'est, en Afrique occidentale par exemple, que de 3,2 %. Les budgets nationaux ne peuvent par conséquent pas financer les équipements nécessaires aux populations.

La démographie a diminué dans la plupart de la zone, et les efforts de limitation des naissances ont donc été fructueux. Les familles qui comportaient fréquemment huit ou neuf enfants il y a dix ans n'en ont aujourd'hui que deux ou trois, et la tendance se poursuit.

Il a approuvé les observations de M. François Guillaume : le PNUD, comme l'ensemble du système onusien, s'est toujours fait l'écho des critiques portées au commerce inéquitable. La comparaison du montant de l'aide publique au développement avec les subventions agricoles des pays riches montre un rapport de un à dix.

Il faut également prendre en considération les conséquences de la libéralisation : par exemple la fameuse doctrine « Balladur » consistant à responsabiliser les pays africains afin que leurs dirigeants s'adressent aux institutions internationales plutôt que de venir à Paris lorsqu'il leur faut boucler leur budget, ou encore la nécessité de conduire des réformes économiques et notamment des privatisations. La politique du juste milieu entre libéralisme et communisme conduite depuis les années 1960 (avec l'Etat comme principal acteur dans l'attente de l'apparition d'un secteur privé) n'a pas produit un bilan fameux à l'aube des années 1980. Mauvaise gestion, ponctions de l'Etat dans la caisse des entreprises, pressions sur le système bancaire ont installé une boucle d'instabilité.

Constatant que cette première voie n'avait pas fonctionné, l'étape suivante a vu le désengagement de l'Etat, les politiques tentant de s'inspirer de l'exemple fabuleux des pays du Sud-Est. Le Fonds monétaire a demandé le démantèlement des caisses de stabilisation au profit du marché, et les pays concernés n'avaient guère d'argument à opposer, car ils ne les avaient pas fait fonctionner comme ils l'auraient du. On recherche à présent un juste équilibre, avec une certaine humilité.

M. Zéphirin Diabré a indiqué par exemple que, si le Président de la Malaisie pouvait garder son indépendance face aux injonctions du FMI, c'est parce qu'il n'avait pas besoin de l'organisation pour boucler ses fins de mois. Il a fait savoir que le PNUD avait produit il y a quelques mois un rapport sur le commerce mondial : celui-ci n'a pas fait l'objet de publicité, les questions qu'il soulève - proches de celles posées aujourd'hui - ayant été jugées trop radicales.

L'harmonisation des programmes entre donateurs est indispensable. Les pays récipiendaires sont lassés, les Gouvernements à bout de souffle, à cause de la pression des multiples exigences et conditions des bailleurs de fonds. Le PNUD a lui-même fait un effort pour se coordonner avec les autres organisations du système onusien : l'ensemble des organisations essaie à présent de faire un diagnostic commun sur un pays donné.

M. Zéphirin Diabré a estimé qu'il restait une étape à franchir : celle de la programmation commune des différentes institutions onusiennes (PNUD, FAO, UNICEF...). Même si la pression est forte pour aller de l'avant dans ce domaine, cette coordination ne résoudra cependant pas tous les problèmes : les institutions de Bretton Woods par exemple ne dépendent pas du système onusien. De même, comment faire pour établir des procédures et un programme commun avec les fournisseurs d'aide bilatérale ? A ce sujet, la France a fait des efforts pour passer d'une approche « projet » à une approche « programme » : il est vrai que cela peut réduire la visibilité de l'action, mais cela permet d'accroître la cohérence de l'action dans un secteur donné.

Répondant à la question de Mme Martine Aurillac, M. Zéphirin Diabré a indiqué qu'il avait bien noté la hausse récente de l'aide française au développement, et notamment la progression de 26 % des dotations du Fonds de solidarité prioritaire. Mais la France a une image à défendre, qui a pu être affaiblie par la baisse de ces dernières années, contrairement par exemple au Royaume-Uni. Ainsi, l'objectif mythique d'une APD à 0,7 % du PIB doit rester le but à atteindre.

Il a regretté que la France ait toujours des réticences à l'égard du système d'aide multilatérale, considéré comme peu visible et moins efficace. Pourtant, le multilatéralisme peut apporter une valeur ajoutée : en termes de savoir-faire du fait de l'expérience accumulée, pour traiter des domaines sensibles (droits de l'Homme, élections, transition politique...) dans lesquels les interventions bilatérales peuvent être mal interprétées. Les projets « bi-multi » proposés par la France vont donc dans la bonne voie, même si les ambassadeurs ne semblent pas toujours montrer beaucoup d'enthousiasme pour ces procédures. Pourtant, la France et le PNUD défendent les mêmes orientations, qu'il s'agisse de la lutte contre la pauvreté dans les pays les moins avancés ou du thème de la bonne gouvernance.

Le Président Edouard Balladur a demandé à M. Zéphirin Diabré ce qu'il pensait du rapprochement parfois effectué entre le niveau de l'aide publique au développement, et celui des subventions agricoles, qui leur sont dix fois supérieurs.

M. Zéphirin Diabré a répondu que l'aide publique au développement se monte en effet à 36 milliards de dollars et les subventions agricoles à 360 milliards. Mais, de telles comparaisons sont quelque peu réductrices, d'ailleurs la réduction des subventions agricoles des pays du Nord ne se traduirait pas forcément par une augmentation des importations en provenance du Sud. Cependant, le rapprochement des deux chiffres est tentant. Dans le même temps, de nombreux responsables politiques promeuvent le libéralisme en Afrique, dont l'essor fragilise certains secteurs de l'économie, comme l'industrie par exemple.

Le Président Edouard Balladur a ajouté que certains pays ouvraient leur économie tout en la protégeant.

M. Zéphirin Diabré s'est déclaré d'accord avec cette analyse. Ainsi, certains pays d'Asie, ont su protéger leur industrie, mais de ce fait cela a aussi rendu difficile l'émergence en Afrique d'une industrie.

M. François Guillaume a fait observer que les subventions agricoles favorisaient tous les consommateurs, car on est dans un contexte où quel que soit le prix de revient, aucun agriculteur ne peut vivre du prix du marché.

M. Zéphirin Diabré s'est déclaré en accord avec cette déclaration.

M. Edouard Balladur a remercié M. Zéphirin Diabré d'avoir accepté l'invitation de la Commission.

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