COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 59

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 18 juin 2003
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

page


- Compte rendu d'une mission effectuée en Syrie
- Compte rendu d'une mission effectuée en Italie
- Accord d'investissement France-Venezuela (n° 274) - rapport
- Accord de coopération transfrontalière France-Belgique (n° 756) - rapport
- Accord de coopération transfrontalière France-Italie (n° 757) - rapport
- Informations relatives à la Commission


3
4
7
9
11
12

Compte rendu d'une mission effectuée en Syrie

M. François Loncle a tout d'abord rappelé que la mission qu'il avait effectuée en Syrie en compagnie de M. Jacques Myard s'inscrivait dans le cadre d'une série de missions au Proche-Orient décidée par le bureau de la Commission. Il a ensuite insisté sur le fait que la délégation a été reçue à un très haut niveau, ce qui est révélateur de l'influence de la France dans ce pays.

En effet, la délégation a été reçue, longuement, par le Président la République, M. Bachar El-Assad, mais également par le Premier ministre, M. Mustapha Miro, et par le Ministre des Affaires étrangères, M. Farouk Charaa. Du côté parlementaire, la délégation a eu des entretiens avec le Président du Conseil du peuple, M. Mohamed Naji Al Otri, et avec la Commission des Affaires étrangères, présidée par M. Souleiman Haddad. Par ailleurs, les différentes réceptions organisées à la Résidence de l'Ambassadeur de France ont été l'occasion de conversations très libres avec des hommes d'affaires français et syriens, des représentants des milieux culturels, mais aussi des hommes politiques, dont le Ministre de tourisme, M. Saadallah El-Qalaa, personnalité francophone moderniste, proche du Président El-Assad.

M. François Loncle a constaté une très nette évolution de la situation depuis sa dernière mission en Syrie en 2001 : le Président Bachar El-Assad semble désormais bien installé à la tête du pays, le poids de l'entourage de son père paraissant beaucoup moins pesant.

La situation de l'Irak a été longuement abordée lors des entretiens. A cet égard, les Syriens rappellent toujours que la Syrie était l'un des ennemis les plus anciens du régime de Saddam Hussein, même si les peuples syrien et irakien sont des peuples frères. L'intervention américaine est bien sûr fortement critiquée, mais également leur gestion de l'après-guerre, les Syriens soupçonnent notamment les Américains de vouloir s'installer durablement en Irak, et dénoncent par ailleurs les très fortes pressions exercées par les Etats-Unis sur la Syrie.

Il a également beaucoup été question lors des entretiens du conflit israélo-arabe, et particulièrement de la mise en œuvre de la feuille de route. Sur ce sujet, la position de la Syrie a très peu évolué depuis la conférence de Madrid en 1991.

M. François Loncle a rappelé que les Syriens estimaient que le règlement du conflit israélo-arabe devait être global, et devait impliquer l'ensemble des pays concernés, notamment la Syrie et le Liban, « oubliés » de la feuille de route ; celle-ci ne doit pas non plus laisser de côté certains problèmes comme celui des réfugiés. Dans ce contexte, les initiatives que la France ou l'Europe pourraient prendre afin d'associer la Syrie au processus en cours seraient très utiles. La délégation a alors rappelé l'intérêt que la France attache à une diplomatie d'initiative car, aujourd'hui, pour être entendu, il faut être une force de proposition.

Enfin, M. François Loncle a évoqué l'avancée des réformes intérieures. L'accent est mis en priorité sur la réforme d'une administration, encore quasiment « soviétique », grâce à un appui fourni par deux experts français - M. Jacques Fournier et Mme Marie-Françoise Bechtel - dont le travail est très apprécié. Par ailleurs, il est désormais question de mise en place d'une économie de marché, de développement du secteur privé et de création d'un véritable système bancaire.

M. Jacques Myard a estimé que la Syrie était en train de bouger et qu'il s'agissait d'un acteur indispensable de toute tentative de règlement des problèmes du Proche-Orient. Il a cité certaines caractéristiques de ce pays très sûr, dans lequel règne une bonne entente entre les différents groupes religieux, mais pénalisé par une démographie qui reste très dynamique. Par ailleurs, la « demande » de France y est très importante, comme le montre le retour de l'enseignement du français dès la fin du primaire depuis 2002.

M. Jacques Myard a ensuite insisté sur la très grande retenue dont les Syriens faisaient preuve sur la situation actuelle en Irak, après des déclarations quelque peu hâtives pendant la guerre elle-même. En ce qui concerne la feuille de route, ils doutent de son efficacité, lorsqu'il s'agit notamment de faire du préalable de la sécurité une condition de la paix. De plus, ce processus semble mettre de côté la Syrie qui est pourtant incontournable dans le règlement du conflit du Proche-Orient dont tous les aspects sont liés : par exemple, lorsque le sujet de la présence syrienne au Liban a été parfois évoqué, les Syriens ont indiqué qu'elle était liée à d'autres facteurs qui devaient être réglés (réfugiés palestiniens, occupation du Golan...).

M. François Loncle a ajouté qu'il avait tenu à aborder devant le Président El-Assad la question de des libertés publiques.

M. Jacques Myard a souligné que le Président n'avait nullement été choqué par la question et qu'il avait répondu que la Syrie continuerait dans la voie de la libéralisation.

Le Président Edouard Balladur a félicité les deux intervenants pour le bon déroulement de leur mission en Syrie en estimant que celle-ci avait été très utile. Quant aux relations avec la Syrie, la position française sur le conflit israélo-palestinien et sur la guerre en Irak a contribué à renforcer les relations entre nos pays. L'histoire réserve toujours des surprises et il ne faut pas préjuger de l'avenir. Ainsi, lorsque l'on interroge les autorités israéliennes sur leur attitude en cas de désarmement du Hezbollah et de retrait des troupes syriennes du Liban, elles répondent qu'elles reconsidéreraient l'occupation du plateau du Golan.

Compte rendu d'une mission effectuée en Italie

Le Président Edouard Balladur a ensuite rendu compte de la visite qu'il avait effectuée en Italie et au Saint Siège la semaine précédente.

Le Président a indiqué qu'il avait été reçu par le Président de la République, Carlo Azeglio Ciampi, le Ministre des Affaires étrangères, M. Franco Frattini, et le Ministre de l'Economie et des Finances, M. Giulio Tremonti, et qu'il avait également rencontré M. Piero Fassino, responsable de la première formation d'opposition - démocrates de gauche -, victorieuse aux dernières élections régionales, M. Pierferdinando Casini, Président de la Chambre des Députés et M. Gustavo Selva, Président de la Commission des Affaires étrangères.

Au Vatican, M. Balladur a précisé qu'il s'était entretenu avec le cardinal Sodano, secrétaire d'Etat, et Mgr. Tauran, secrétaire pour les relations avec les Etats, ainsi qu'avec Mgr. Etchegaray.

Les entretiens ont porté principalement sur quatre thèmes, la présidence italienne du Conseil au 2e semestre 2003, les travaux de la Convention, la politique de défense européenne, l'actualité internationale dominée par la situation en Irak et au Proche-Orient.

Le Président Edouard Balladur a indiqué que le Ministre des Affaires étrangères, M. Franco Frattini, lui avait confirmé l'intention de l'Italie d'ouvrir les travaux de la CIG à la mi-octobre afin d'obtenir à Rome la « conclusion politique » du futur traité, même si les dernières dispositions techniques devaient s'achever sous la présidence irlandaise.

En tout état de cause, M. Frattini a rappelé que la signature du futur traité devait intervenir entre mai 2004 - entrée des dix nouveaux pays membres de l'Union - et juin 2004 - dates des prochaines élections au parlement européen.

Le lancement d'un plan d'action pour la croissance économique de l'Europe constitue une des autres spécificités de la présidence italienne. Cette initiative a été largement évoquée lors de l'entretien avec le Ministre de l'Economie et des finances, M. Giulio Tremonti. Elle prendrait la forme d'un emprunt levé par la BEI et vise à faire progresser les investissements publics en Europe, notamment dans le domaine des infrastructures, d'un demi-point du PIB européen. Le Conseil Ecofin de la mi-juillet pourrait confier à la Commission et à la BEI le soin de procéder à une étude de faisabilité.

M. Balladur a indiqué avoir fait observer à son interlocuteur que d'autres questions se posaient concernant la faible compétitivité et la modeste croissance de l'économie européenne. Ainsi, le contexte de la mondialisation et les règles de l'OMC font peser une contrainte sur l'économie européenne, contrainte à laquelle elle doit faire face par les réformes nécessaires.

L'Europe, par ailleurs, qui a su devenir avec l'euro une puissance monétaire, ne s'est pas encore dotée d'un gouvernement économique alors qu'il faudrait un interlocuteur de la Banque centrale européenne. A cette question, M. Giulio Tremonti a répondu que l'Eurogroupe pouvait être l'interlocuteur de la BCE.

S'agissant des travaux de la Convention, la question de la référence, dans le préambule, aux valeurs chrétiennes a été soulevée à plusieurs reprises car ce sujet a fait en Italie l'objet de vives discussions, alors que nous sommes en France préoccupés surtout par l'application du principe de laïcité, qui inversement ne suscite pas de débat chez les Italiens.

Après de multiples rédactions, la dernière version plus sobre retenue par la Convention faisant référence aux « héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe » a été qualifiée d'acceptable par Monseigneur Jean-Louis Tauran car si elle ne mentionne pas expressément les valeurs chrétiennes, au moins, dit-il, elle ne constitue pas une provocation en omettant de faire référence aux valeurs religieuses.

Le thème de la construction d'une politique européenne de défense a mis en évidence les conceptions très éloignées de nos deux pays sur ce sujet. Les responsables italiens et plus spécialement le Ministre des affaires étrangères et ses conseillers ont soulevé l'argument, peu convaincant, du risque de « duplication » si l'Europe décidait de mettre en place une organisation autonome de ses propres forces parallèlement à celle de l'Alliance atlantique. Il leur a été répondu que la constitution d'une défense autonome de l'Europe contribuerait à lui conférer le poids politique qui lui fait tant défaut - la situation au Proche-Orient est significative à cet égard - et lui assurer l'indépendance nécessaire à son existence sur la scène internationale.

De façon plus générale, s'agissant de la politique en matière de défense ou d'affaires étrangères, le Président Ciampi a évoqué la possibilité de recourir à un système de majorité renforcée assorti d'une clause d'opting out qui permettrait aux pays européens qui ne souhaitent pas participer à certaines actions de laisser néanmoins les autres pays qui les auraient approuvées la mettre en œuvre.

L'actualité internationale a porté sur la situation en Irak et le conflit israélo-arabe ; les représentants du Saint-Siège, le Cardinal Sodano comme Mgr. Tauran, se sont montrés préoccupés par les difficultés des Américains à maîtriser la situation en Irak et par le risque de remplacement d'une dictature par une autre. On voit d'ailleurs actuellement surgir sur les murs de Bagdad des slogans anti-chrétiens. Seule la voie du dialogue permettra avec le temps de définir une solution pacifique durable et les Etats-Unis, qui pensent pouvoir imposer une situation par la force, risquent fort de s'enliser durablement.

Selon Mario Giro, un des responsables de la Communauté San Egidio, les Américains ne contrôleraient que 40 % de Bagdad. L'avenir politique de l'Irak et la place du chiisme restent donc bien difficiles à prévoir. A ce sujet Mgr. Tauran a indiqué la réticence de Colin Powell à l'idée d'accorder aux villes saintes d'Irak telles que Kerbala un statut spécial, une telle décision risquant de provoquer la constitution de foyers fondamentalistes alimentés par l'Iran.

Sur le règlement du conflit israélo-arabe, le Président Edouard Balladur a indiqué qu'il ressortait des différents entretiens qu'il avait eus un sentiment de pessimisme sur les chances de succès de la « feuille de route », doublé du désagréable constat que l'Europe, pourtant à l'origine de ce plan et premier partenaire ou soutien économique de ces deux pays, était totalement absente des négociations.

Le Président Edouard Balladur a rappelé que la constitution d'une force internationale d'interposition et de contrôle de l'application des modalités de l'accord de paix serait incontestablement la solution mais que les Israéliens n'en voulaient à aucun prix et d'autant moins que cette force serait constituée par des forces européennes. Il a conclu en disant qu'il ne restait donc plus qu'à espérer que les Etats-Unis exercent réellement les pressions suffisantes sur Israël pour aboutir à un règlement.

M. Jacques Myard a jugé que l'Italie avait fait preuve de sa capacité à ne pas respecter les critères de Maastricht et à contourner les réglementations communautaires en raison de l'importance de son économie souterraine.

M. René André a souhaité savoir quelle avait été la teneur de l'entretien entre le cardinal Etchegaray et Saddam Hussein.

Le Président Edouard Balladur a répondu que le cardinal avait rencontré le dirigeant irakien une première fois en 1985. Au cours de son deuxième entretien avec lui, juste avant le déclenchement du conflit, il lui a demandé de penser à l'intérêt de son pays et d'agir en conséquence, ce à quoi il n'a pas obtenu de réponse précise. Il s'est également inquiété du sort des communautés chrétiennes vivant en Irak, d'autant que celles-ci auparavant n'étaient pas persécutées.

M. René André a fait état d'un refroidissement dans les relations franco-italiennes en raison des récentes déclarations de M. Berlusconi selon lesquelles la France avait manqué une bonne occasion de se taire à propos de sa visite en Israël. En annonçant qu'il faisait ce voyage en tant que porte-parole des Etats-Unis et en ne rencontrant aucun membre de l'autorité palestinienne, M. Berlusconi a fait peu de cas de la position européenne sur le Proche-Orient.

Le Président Edouard Balladur a fait observer qu'il devenait difficile de se rendre en Israël dans la mesure où le Premier ministre israélien refuse de rencontrer les personnes reçues par le Président de l'Autorité palestinienne.

M. François Loncle a jugé que notre pays donnait souvent lieu à des critiques du fait de l'arrogance des responsables de notre politique étrangère. Certains écarts de langage et le ton assuré de certaines affirmations nourrissent le ressentiment à notre égard. Les récents propos de notre ambassadeur en Italie en constituent d'ailleurs une illustration.

Le Président Edouard Balladur a considéré que les dirigeants et les diplomates étaient confrontés à un double écueil : s'ils tiennent un langage mesuré, on les accuse de ne rien dire et de manier la langue de bois, s'ils disent ce qu'ils pensent, ils sont jugés provocants. Il faut tout de même dire ce que l'on pense de temps à autre : c'est la seule manière de faire avancer les choses.

Accord d'investissement France-Venezuela

La Commission a examiné, sur le rapport de M. André Schneider, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, (n° 274).

M. André Schneider, rapporteur, a indiqué que ce projet de loi avait pour objet d'autoriser l'approbation d'un accord entre la France et le Venezuela sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Caracas le 2 juillet 2001.

Le Rapporteur a ensuite rappelé que le Venezuela traversait actuellement une triple crise, politique, économique et sociale. En effet, le Président Hugo Chavez, élu en 1998 et réélu en 2000 pour six ans en réponse à l'aspiration au changement des Vénézuéliens, las d'une classe politique corrompue et incompétente, a déçu les attentes placées en lui. Son mode de gouvernement parfois autoritaire a suscité une radicalisation du débat politique.

Le Venezuela n'est pas parvenu à réduire sa dépendance à l'égard du pétrole et la chute des prix du brut a provoqué une crise économique. La remontée des cours du pétrole a redonné des marges financières à M. Chavez mais le conflit ouvert au sujet de la direction de l'entreprise publique des pétroles a offert aux forces d'opposition l'instrument de mobilisation qu'elles attendaient. A l'issue d'une violente manifestation de rue (environ 20 morts), un coup d'Etat a renversé temporairement M. Chavez, avant qu'il ne soit rétabli dans ses fonctions le 14 avril 2002.

Pour autant, la situation politique, et par répercussion la situation économique et sociale, ne s'est en aucune manière améliorée. La crise politique est devenue permanente, l'opposition demandant avec insistance un referendum sur le maintien au pouvoir de Hugo Chavez. Par ailleurs, une grève générale a paralysé le pays de décembre 2002 à février 2003. Un accord a été signé entre le pouvoir et l'opposition le 29 mai, dans lequel les parties s'engagent à respecter le cadre constitutionnel. Un référendum révocatoire, fondé sur l'article 72 de la constitution, devrait être organisé prochainement si l'accord est mis en œuvre par les signataires, ce qui est loin d'être assuré.

M. André Schneider a fait remarquer que, malgré ce contexte difficile, les investissements français au Venezuela étaient très importants : le nombre des implantations françaises a augmenté régulièrement ces dernières années, malgré les soubresauts de l'économie vénézuélienne, pour atteindre aujourd'hui environ 90 sociétés, issus des secteurs des travaux publics, de l'énergie hydraulique, des matériels et de la construction électrique haute tension, et surtout du pétrole. Total est aujourd'hui le premier investisseur étranger au Venezuela.

Dans ces conditions, il est incontestable que le risque pour les investisseurs étrangers au Venezuela est important. La COFACE a ainsi attribué à ce pays la plus mauvaise note possible, la note « D », en ce qui concerne le « risque-pays ». Ainsi, il est souhaitable que la situation politique troublée n'entraîne pas un retrait des investissements français dans ce pays : la mise en œuvre de l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, dont les stipulations sont conformes au modèle « OCDE », constituera à cet égard une garantie importante pour les entreprises françaises présentes au Venezuela. Le Rapporteur a donc recommandé l'approbation du projet de loi.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 274).

Accord de coopération transfrontalière France-Belgique

La Commission a examiné, sur le rapport de M. André Schneider, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, signé à Tournai le 5 mars 2001, ainsi qu'un échange de lettres signées à Paris et à Bruxelles le 10 juin 2002 (n° 756).

M. André Schneider a expliqué que l'accord se fondait sur l'article 39 de la Convention de Schengen de 1990, en vertu duquel les services de police des pays Parties s'accordent, pour la prévention et la recherche des infractions, toute l'assistance prévue par le droit national. L'article 39, paragraphe 4, ajoute que, dans les régions frontalières, des arrangements administratifs, ou des accords bilatéraux plus complets, peuvent être signés entre Etats limitrophes.

Il a rappelé que cet accord franco-belge prenait place dans une suite d'accords bilatéraux conclus par la France avec les Etats voisins, accords qui s'inscrivent dans le mouvement de renforcement de la coopération policière et judiciaire dans l'espace Schengen, corollaire de la suppression des contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen, et du report de ces contrôles aux frontières extérieures de cet espace.

Schengen compte aujourd'hui 13 Etats de l'Union européenne. La France a conclu des accords de coopération avec l'Italie et l'Allemagne en 1997, mais aussi avec la Suisse, bien que cette dernière n'appartienne pas à l'espace Schengen, puis avec l'Espagne, et une négociation est en cours avec le Luxembourg.

Le Rapporteur a indiqué que la coopération bilatérale dans la région frontalière concernait principalement la lutte contre le trafic de drogues et la lutte contre l'immigration clandestine.

Les deux départements de la région Nord/Pas-de-Calais sont, de par leur position géographique, une zone « sensible » de transit des produits stupéfiants acheminés en provenance ou à destination des Pays-Bas, qui restent une véritable « plaque tournante » européenne de la drogue.

Le Rapporteur a souligné que, du fait de cette caractéristique, la frontière franco-belge est la seule frontière intérieure pour laquelle la France n'a jamais levé les contrôles fixes, en application de la clause de sauvegarde de l'article 2-2 de la convention d'application de l'accord de Schengen.

Par ailleurs, compte tenu de l'attrait du Royaume-Uni, la Belgique est depuis plusieurs années une cible ou une destination de rebond pour les candidats à l'immigration clandestine à destination de l'Europe de l'Ouest. C'est pourquoi la pression migratoire irrégulière en provenance de Belgique vers la France reste constante.

L'organisation des contrôles dans cette région frontalière est difficile. La frontière peut être franchie en quelque 200 points de passage carrossables non surveillés. D'autre part, cette frontière est totalement dépourvue d'obstacle naturel : elle compte quatre autoroutes parmi lesquelles l'A16 construite aux normes Schengen, c'est-à-dire sans infrastructure de contrôle frontalier. Cette configuration rend difficile le travail des douaniers français, qui souhaitent depuis plusieurs années l'aménagement de lieux sécurisés et abrités pour effectuer les contrôles.

L'accord bilatéral prévoit la mise en place de centres de coopération policière et douanière : un centre a en effet été inauguré en septembre 2002 à Douai, dont l'activité d'échanges d'informations et de renseignements opérationnels est déjà apparue importante. Il serait toutefois souhaitable que la partie belge affecte à ce centre l'ensemble des personnels initialement prévus, ce qui permettra d'atteindre l'effectif total qui doit être d'une quarantaine d'agents des deux Etats.

La coopération entre services des deux Etats a gagné en efficacité et en volume ; le travail des différentes unités au sein de la même structure contribue à aplanir de nombreuses difficultés. Cependant, le Rapporteur a évoqué différents obstacles qui rendent difficile l'accomplissement des missions.

La première question, déjà mentionnée, est celle de l'aménagement de points de contrôles pour les douanes. Une deuxième concerne la bonne marche des procédures de réadmission : les autorités belges opposent des difficultés à la réadmission des étrangers interpellés en provenance de Belgique sur le territoire français. Il faut souhaiter que la réforme des procédures ou une meilleure coopération viendront à bout de ces difficultés. Du côté belge, l'impossibilité opposée par la jurisprudence française à l'interpellation de malfaiteurs par les policiers belges sur notre territoire, dans le cas d'une poursuite, est mal comprise. Le droit belge admet quant à lui (même si ce n'est pas le cas en pratique avec la France faute de réciprocité) l'interpellation par un agent du pays limitrophe, de même que le droit de la plupart de nos voisins. Cette situation appelle une réflexion de notre part, dans la mesure où notre système aboutit à opposer une frontière infranchissable aux policiers et de ce fait favorable aux malfaiteurs. Cette règle est en outre d'application difficile dans les conurbations de la région frontalière belge.

M. Jacques Myard a souligné que les difficultés relevées par le Rapporteur faisaient apparaître le caractère utopique d'une partie de la Convention de Schengen. Après avoir supprimé les Bureaux à contrôles nationaux juxtaposés et les infrastructures permettant les contrôles à la frontière, afin de supprimer toute visibilité des frontières, on s'efforce de rétablir des structures et de mettre en place un nouveau système de sécurité. La coopération Schengen ayant été communautarisée par le traité d'Amsterdam, on peut d'ailleurs s'interroger sur la compatibilité de tels accords bilatéraux avec les traités.

M. François Loncle a rappelé les précédents débats tenus par la Commission lors de l'examen de la Convention de Schengen en 1991, dont il avait été rapporteur, et a souligné que rien n'empêche dans ces matières de conclure des accords bilatéraux. Ces accords ont un caractère pragmatique, comportent des dispositions de suivi et des améliorations y sont apportées lorsque cela apparaît nécessaire. Il a approuvé les différentes observations faites par le Rapporteur.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 756).

Accord de coopération transfrontalière France-Italie

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Claude Guibal, le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres complétant l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière du 3 octobre 1997, signées à Paris et Imperia le 1er juillet 2002 (n° 757).

M. Jean-Claude Guibal, Rapporteur, a rappelé qu'un accord de coopération transfrontalière en matière policière et douanière conclu en 1997 entre les Gouvernements français et italien et était en vigueur depuis le 1er avril 2000.

Cet accord dit de Chambéry prévoyait la création de deux centres de coopération policière et douanière, l'un à Vintimille, en Italie et l'autre à Modane, en France, sur le site de deux commissariats communs qui fonctionnaient depuis 1990 et 1997.

Le centre de Vintimille a été inauguré le 1er juillet 2002. Celui de Modane n'a pas encore atteint sa configuration définitive.

Les statistiques d'activité du centre de Vintimille, au cours des dix premiers mois de fonctionnement, montrent une augmentation globale des échanges d'informations et de renseignements opérationnels de l'ordre de 43 %. Par ailleurs, ce centre instruit l'ensemble des demandes de réadmissions extérieures à la zone frontalière : pour la même période de référence le centre a traité 409 demandes de réadmissions dans le sens France-Italie et 117 demandes dans le sens Italie-France.

Au sein de ce volume d'informations échangées, les principales vérifications portent sur les personnes, les véhicules volés et les documents d'identité. Les échanges d'informations permettent, concrètement, d'interpeller les trafiquants de véhicules à destination du Maghreb au départ des ports français et italiens, d'interpeller les porteurs de faux documents d'identité, d'échanger des informations sur les Français auteurs d'infractions en Italie et réciproquement notamment en matière de stupéfiants, et, enfin, d'échanger des informations sur les passeurs et les flux migratoires.

L'accord de Chambéry instituait également une coopération directe entre les autorités et les services de police, de gendarmerie et de douanes des deux pays, et notamment la création de patrouilles mixtes au sein desquelles un agent de l'une des Parties peut recevoir l'assistance d'un ou plusieurs agents des unités territoriales de l'autre Partie.

Cependant la rédaction de l'accord n'autorisait le port de l'uniforme et celui de l'arme de service des agents d'un pays sur le territoire de l'autre pays, que dans trois cas précis : agents affectés au CCPD, agents détachés et mise à disposition d'agents pour les besoins d'une affaire particulière.

L'apport du présent accord est d'autoriser le port de l'uniforme et de l'arme de service aux agents qui feront partie de patrouilles mixtes sur le territoire de l'autre Partie. Ces agents n'auront qu'un rôle d'observation et n'utiliseront leur arme de service qu'en cas de légitime défense.

Cette disposition est aujourd'hui opportune, dans la mesure où les patrouilles mixtes et les services conjoints deviennent un moyen quotidien, pour les services de sécurité, d'accomplir leur mission. Cette autorisation a un caractère symbolique, et l'on comprend qu'elle n'intervienne que dans une deuxième étape, après qu'il a été constaté le bon fonctionnement des CCPD et de la coopération directe.

M. Jacques Myard s'est félicité de l'accord soumis à l'examen de la Commission, qui confirme l'impression que l'on reconstruit à présent un système de sécurité dans les zones frontalières qui existait à peu près dans les mêmes termes avec les commissariats communs et les contrôles frontaliers, déjà organisés en coordination. On voit donc se reconstituer des moyens de contrôle bi-nationaux.

M. Michel Bouvard a demandé quels étaient les moyens humains affectés aux CCPD et le délai dans lequel les deux structures seraient prêtes à fonctionner à pleine capacité.

Le Rapporteur a précisé que les effectifs du centre de Vintimille étaient à présent au complet, avec 18 agents français et 19 agents italiens. Ce centre va intégrer en juillet de nouveaux locaux très bien équipés à Pont Saint-Louis. Le CCPD de Modane, quant à lui, n'a pas encore accueilli tous les agents prévus : son déménagement est prévu en octobre 2003 pour des locaux très vastes au Freney, ce qui lui permettra d'accueillir 19 fonctionnaires appartenant à tous les services prévus par l'accord de Chambéry.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 757).

*

*       *

Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mercredi 18 juin 2003 :

- M. Christian Philip, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la décision du Conseil modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976 (ensemble une annexe) ;

- M. Henri Sicre, rapporteur pour le projet de loi (n° 812) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés.

________

· Syrie

· Italie

· Venezuela

· Belgique

· Parlement européen

· Andorre


© Assemblée nationale