COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 63

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 2 juillet 2003
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Convention France-Andorre relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (n° 812) - rapport
- Décision du Conseil modifiant l'Acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct (n° 944) - rapport


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Convention France-Andorre relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Henri Sicre, le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (n° 812).

M. Henri Sicre, Rapporteur a d'abord évoqué la situation en Andorre. La constitution est entrée en vigueur en 1993 : les co-Princes jouent un rôle d'arbitre des institutions aux cotés du Conseil général élu dont est issu le chef de gouvernement. La Principauté bénéficie d'une grande prospérité économique, son PNB par habitant est d'environ 17 000 euros et elle mène une politique extérieure active en s'affirmant sur la scène internationale.

A cet égard, le Rapporteur a rappelé que la France, l'Espagne et la Principauté d'Andorre avaient signé un traité tripartite, permettant à la Principauté d'instaurer des relations diplomatiques avec ses deux voisins, d'être garantie en cas de menace, de se faire représenter auprès de pays tiers par la France ou l'Espagne. Malgré les flux commerciaux importants entre la France et la Principauté, les relations d'Andorre sont déséquilibrées au profit de l'Espagne en raison de la configuration géographique et de la communauté de langage et de culture entre l'Andorre et la Catalogne.

S'agissant des modalités actuelles du contrôle douanier, M. Henri Sicre a rappelé que les accords entre l'Union européenne et Andorre signés en 1991 régissent la coopération entre la France et la Principauté dans le domaine de la lutte contre la fraude. Le contrôle frontalier entre la France et Andorre s'exerce sur le site du Pas de la Case, selon un dispositif classique d'unités douanières implantées de part et d'autre de la frontière sur les territoires nationaux de chaque partie qui possède ses propres installations et moyens techniques.

Il faut prendre en compte les modifications induites par l'utilisation du tunnel et du viaduc reliant Andorre-la-Vieille à la route nationale 22. De plus, le régime fiscal des tabacs, des boissons alcoolisées, des carburants et de nombreux produits manufacturés et denrées alimentaires est particulièrement favorable en Andorre. La réglementation communautaire au plan économique et fiscale autorise les franchises représentant annuellement une moyenne de 230 millions d'euros de droits éludés.

C'est pourquoi il convient de renforcer les contrôles ; la création de bureaux de contrôles nationaux juxtaposés est utile. L'accord franco andorran à ce sujet contient des dispositions classiques. Il prévoit la création d'un bureau de ce type sur le site du Pas de la Case. Un regroupement des services douaniers des deux Etats dans des installations communes est organisé, ce qui favorise la simultanéité de ces contrôles, renforce leur efficacité, accroît la fluidité du trafic et permet des économies d'échelle, chaque Etat prenant en charge la moitié des frais de construction, d'aménagement et de fonctionnement des locaux. Ceci confère une facilité accrue du traitement des opérations de contrôles dans des locaux dotés de moyens améliorés. En outre, les opérateurs ont la possibilité d'effectuer en un seul lieu toutes les procédures douanières d'exportation et d'importation.

La protection des agents de surveillance est fondée sur la réciprocité. Lors des contrôles opérés dans le cadre de cet accord, ces agents peuvent, sans être habilités, procéder à des arrestations, mettre en demeure de rentrer dans l'autre Etat, voire reconduire les personnes non munies des documents nécessaires ou recherchées par les autorités de cet Etat en raison d'une activité délictueuse. Pour la seule administration française, le bureau de contrôle national juxtaposé comptera outre les 35 agents de surveillance actuellement présents, 9 agents de l'unité chargée des opérations commerciales, actuellement implantée à l'Hospitalet.

A la demande de la France, les personnes résidant dans l'un des Etats peuvent effectuer auprès des bureaux de l'autre Etat toutes les opérations relatives aux contrôles, quel que soit le lieu où ils séjournent.

Le Rapporteur a estimé utile la ratification de la Convention qui s'inscrit dans la régulation des relations entre la France et Andorre.

Le Président Edouard Balladur s'est enquis de la capacité de négociation comparée de la Principauté de Monaco et de celle d'Andorre. Il a voulu savoir quelle monnaie utilisaient désormais les Andorrans et si l'Espagne était également partie aux conventions entre la France et l'Andorre.

M. Serge Janquin s'est félicité des dispositions de l'accord tout en s'interrogeant sur son impact sur les trafics de produits peu taxés par Andorre.

M. Henri Sicre a répondu que la Principauté d'Andorre avait une plus grande capacité de négociation que la Principauté de Monaco : le gouvernement andorran est en effet l'émanation du Conseil général élu démocratiquement pour quatre ans, tandis que le Gouvernement monégasque est formé de hauts fonctionnaires français. Il a expliqué que lors du passage à l'Euro, la Principauté d'Andorre l'avait adopté comme monnaie. Auparavant, le Franc et la Peseta y avaient cours. Andorre a signé des conventions tripartites avec la France et l'Espagne et des accords bilatéraux avec ce dernier pays.

Il a convenu que les trafics illicites existaient, notamment en matière de cigarettes, mais ils ne passaient pas forcément par la Principauté car d'autres passages frontaliers pouvaient être utilisés par des contrebandiers.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 812).

Décision du Conseil modifiant l'Acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct (n° 944)

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Christian Philip, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la décision du Conseil du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 modifiant l'Acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/C.E.C.A., C.E.E., Euratom du Conseil du 20 septembre 1976 (ensemble une annexe) (n° 944).

M. Christian Philip, Rapporteur, a expliqué que le projet de loi examiné par la Commission avait pour objectif d'autoriser l'approbation de la décision du Conseil des 25 juin et 23 septembre 2002. Cette décision modifie l'Acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct adopté le 20 septembre 1976. Il a indiqué que l'entrée en vigueur de cette décision n'aurait que peu de conséquences pour la France dont la législation sur l'élection des représentants au Parlement européen, issue de la loi du 11 avril 2003, est conforme aux objectifs de la décision. A cet égard, on peut estimer qu'il aurait été plus logique de procéder à l'approbation de la décision du Conseil avant de modifier la législation française.

M. Christian Philip a ensuite souligné que, si l'Acte de 1976 prévoyait à terme une procédure électorale uniforme pour l'élection des députés européens, aucun des projets présentés par le Parlement européen sur ce sujet n'avait pu aboutir au Conseil. La décision des 25 juin et 23 septembre 2002 est donc à la fois une avancée vers un rapprochement des régimes d'élection des membres du Parlement européen, en même temps qu'elle prend acte de l'impossibilité d'adopter une procédure uniforme. En effet, cette décision du Conseil a été prise en application de l'article 190 §4 du Traité de l'Union européenne dans sa rédaction issue du Traité d'Amsterdam, qui prévoit que, à défaut de procédure uniforme, le Conseil peut adopter des « principes communs à tous les Etats membres ».

Puis, M. Christian Philip a décrit les principales dispositions de la décision du Conseil. La principale a trait au choix du scrutin de type proportionnel. L'obligation formulée dans la décision ne s'applique qu'au caractère proportionnel du mode de scrutin en général, laissant les Etats membres libres d'en fixer les modalités (possibilités de découper le pays en circonscriptions, d'établir un seuil, de prévoir un seuil maximum de 5 % en dessous duquel les listes ne participent pas à la répartition des sièges, de recourir au vote préférentiel). L'obligation faite à tous les Etats de procéder à un scrutin de listes permet d'arriver plus facilement à l'objectif de parité rappelé par le Parlement européen dans son avis, même s'il n'apparaît pas en tant que tel dans la décision.

La décision des 25 juin et 23 septembre 2002 n'a pas retenu la proposition formulée par le Parlement européen visant à mettre en place une circonscription européenne unique pour l'élection de 10 % des sièges. Le Rapporteur a indiqué ne pas partager ce regret, car les membres du Parlement européen représentent les « peuples des Etats » et non pas le « peuple européen ».

La décision contient également des dispositions relatives à l'incompatibilité des mandats de parlementaire européen et de parlementaire national et aux modalités pratiques de l'élection. Il n'a certes pas été possible de fixer le principe d'un jour unique de scrutin, mais cela n'est pas exclu à l'avenir. La date choisie pourrait être le 9 mai, journée de l'Europe. Enfin, la décision précise le sens des dispositions de l'article 12 de l'Acte de 1976 quand la déchéance du mandat de parlementaire européen est prononcée en application de la législation nationale : celle-ci sera automatique, alors qu'il avait par exemple fallu trois ans pour prononcer la déchéance effective du mandat de parlementaire européen de M. Jean-Marie Le Pen.

M. Christian Philip a enfin exposé les conséquences pour la France de la mise en œuvre de la décision du Conseil. S'agissant du mode de scrutin tout d'abord, la réforme introduite par la loi du 11 avril 2003 est tout à fait conforme à l'Acte de 1976 dans sa rédaction issue de la décision des 25 juin et 23 septembre 2002. En revanche, la modification des règles relatives aux opérations de vote pourrait permettre de modifier l'heure de fermeture des bureaux de vote en France pour les élections européennes, actuellement de 22 heures, heure calquée sur l'heure de clôture en Italie, pour adopter pour ce scrutin l'heure de fermeture habituelle des bureaux de vote en France (18, 19 ou 20 heures), même si les résultats ne pourront, eux, être annoncés officiellement que lorsque tous les bureaux de vote de l'Union seront fermés.

Par ailleurs, l'incompatibilité entre les mandats de parlementaires européen et national a suscité quelques réserves quant à sa constitutionnalité. Il s'avère en effet que l'article 25 de la Constitution indique que le régime des incompatibilités est fixé par loi organique. Pour autant, l'entrée en vigueur de la décision ne modifiera pas cette procédure : c'est toujours par la loi organique que seront fixées les incompatibilités en ce qui concerne les députés et les sénateurs, à la seule réserve que la loi organique devra respecter les stipulations de la décision ; ce qui signifie que la compatibilité entre mandats parlementaires national et européen ne pourra pas être, à l'avenir, rétablie.

M. Christian Philip a conclu en recommandant d'adopter le projet de loi soumis à l'examen de la Commission.

M. Serge Janquin s'est interrogé sur la position du Rapporteur refusant la mise en place d'une circonscription européenne unique, au motif que les députés européens représentent les Etats. En effet, si avant la modification du mode de scrutin en France, les représentants français au Parlement européen étaient élus dans une circonscription nationale, ils le seront désormais sur une base régionale : ils ne représenteront donc plus l'ensemble du territoire national. Par ailleurs, le remplacement du terme « représentant au Parlement européen » par celui de « membre du Parlement européen » est révélateur d'un glissement vers la supranationalité de cette institution.

M. Christian Philip a rappelé que le Parlement européen ne porte officiellement ce nom que depuis 1986, mais avant cette date, l'ancienne « Assemblée des Communautés » utilisait déjà fréquemment cette appellation. Il en va de même avec le terme de « membre du Parlement européen », communément utilisé depuis longtemps. Par ailleurs, il est certain que lorsque l'idée de l'élection des membres du Parlement européen dans une circonscription unique se sera imposée, cela signifiera un passage d'une représentation des Etats à une représentation des peuples.

M. Serge Janquin a estimé qu'il y a avait un glissement sémantique, mais aussi juridique vers la supranationalité.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n°944).

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