COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 3

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 7 octobre 2003
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Michel Barnier, commissaire européen à la politique régionale et à la réforme des     institutions



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Audition de M. Michel Barnier, Commissaire européen

Le Président Edouard Balladur a souhaité la bienvenue à M. Michel Barnier, Commissaire européen à la politique régionale et à la réforme des institutions, en soulignant que l'avenir de la politique de solidarité régionale était une question de grande actualité, à la veille de l'élargissement de l'Union européenne. Il a demandé au Commissaire d'informer la Commission des Affaires étrangères sur la situation économique des dix nouveaux membres et sur les réformes qu'il conviendrait d'entreprendre pour aider les régions les plus en difficulté de l'Europe à vingt-cinq, sans pénaliser les bénéficiaires actuels des fonds structurels.

Rappelant que M. Michel Barnier avait présidé le groupe Défense dans le cadre des travaux de la Convention, il lui a demandé quelle était son analyse sur ce que pourrait être l'Europe de la défense dans les prochaines années.

M. Michel Barnier a indiqué qu'en effet, plusieurs débats très importants animent actuellement l'Union européenne. Le premier est le grand débat sur la réforme des traités. La conférence intergouvernementale, ouverte à Rome le 4 octobre, peut commencer ses travaux à partir d'un texte résultant d'un travail exceptionnel, qui a la particularité de s'être déroulé « portes et fenêtres ouvertes » et non de façon fermée, comme les précédentes réformes institutionnelles.

Le projet de la Convention est un texte lisible, qui présente beaucoup d'innovations et d'avantages. Son objectif ambitieux est de donner des atouts à la construction de l'Europe politique ; aussi ce premier débat qui s'ouvre avec la CIG permettra de voir si les Européens préfèrent se contenter de rester une puissance régionale ou s'ils souhaitent se donner les moyens de devenir un partenaire à égalité avec les grands Etats que sont les Etats-Unis, la Russie, la Chine.

Le deuxième débat est celui du budget futur de l'Union européenne. Ce budget représente aujourd'hui 1 % du PIB communautaire, et la politique régionale n'en représente que 0,32 %. Il serait souhaitable de faire preuve de plus d'ambition.

La Commission doit présenter en novembre ses propositions sur les prochaines perspectives financières pluriannuelles, qui porteront sur une période commençant en 2007. Voulons-nous continuer à limiter le budget à 1 % du PIB ? Voulons-nous nous approcher du plafond fixé en 1999, soit 1,24 % ? Ou souhaitons-nous dépasser ce dernier plafond ?

L'Union a besoin aujourd'hui de voir augmenter son effort en faveur de la recherche, ainsi que son effort en faveur des transports, notamment les transports trans-européens.

Le troisième débat concerne l'évolution de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale de l'Union, qui est l'une de ses plus belles politiques. Elle avait été mise en place par M. Jacques Delors, alors Président de la Commission européenne, qui avait mesuré le risque de voir les activités et les richesses se concentrer dans les mêmes régions et créer des fractures au sein de l'ensemble européen. La politique régionale bénéficie pour la période 2000-2006 d'un financement de 215 milliards d'euros. Ces fonds sont attribués pour 70 % aux régions en retard de développement. Si l'on doutait de l'utilité de cette politique, il est important de se souvenir que les quatre pays bénéficiaires du fonds de cohésion - Irlande, Grèce, Espagne, Portugal - ont gagné 10 points de PIB par rapport à la moyenne des Quinze depuis dix ans.

Cette politique de l'Union est visible, concrète, et elle porte ses fruits. La consommation des fonds est bien meilleure sur l'actuelle période que pendant la période précédente, de 1994 à 1999. Pendant cette période, la France a eu un problème de sous-consommation de ses crédits et fera donc l'objet d'un dégagement de 12 à 13 % du montant global des financements auxquels elle était éligible. Le Gouvernement français a initié en Alsace une expérience de gestion différente, plus décentralisée, des fonds structurels. Les résultats positifs obtenus vont entraîner une généralisation de cette gestion décentralisée, en confiant un rôle majeur aux régions.

M. Michel Barnier a indiqué qu'à sa demande un « fléchage » des crédits avait été institué. Le résultat de cette étude sur l'usage des fonds de solidarité régionale montre que ces crédits ne sont pas seulement utilisés pour des équipements en infrastructure de base, mais aussi pour financer des réalisations dans le domaine de l'économie moderne.

Il a déclaré qu'il fallait également donner des inflexions à cette politique, en encourageant les régions à investir davantage dans les nouvelles technologies de la communication : les fonds engagés dans ce secteur ont augmenté de 1 à 9 milliards d'euros. Aussi cet exemple montre que l'on dispose d'outils pouvant être réorientés vers d'autres objectifs.

La période qui s'ouvre avec l'élargissement va entraîner, d'une part, un changement de taille et de substance de l'Union, qui gagnera, d'ici à 2007, un tiers de citoyens, un tiers de territoires, mais seulement 5 % de richesses supplémentaires et, d'autre part, un écart de plus en plus grand entre les Etats-Unis et l'Europe dans le domaine de la recherche et de l'innovation.

Ces bouleversements sont pris en compte dans le 3ème rapport sur la cohésion économique et sociale de l'Union qui sera présenté par la Commission à la fin de l'année et qui proposera les principes de réorientation de la politique régionale après 2007.

La priorité visant à aider les régions les moins développées de l'Union sera maintenue. Cette tâche sera toujours dévolue à un objectif « 1 » de la politique régionale, dont les règles d'éligibilité seront conservées. La très grande majorité des régions des nouveaux membres devraient y être éligibles, ainsi que d'autres régions des Quinze, par exemple en Grèce et au Portugal. Ces Etats devraient aussi bénéficier du fonds de cohésion. Si le seuil d'intervention des fonds reste inchangé, son application statistique aux Etats membres aura pour effet de faire passer 18 régions actuellement bénéficiaires au-dessus du seuil fixé - soit un PIB par habitant inférieur à 75 % de la moyenne communautaire - et ces régions ne devraient donc plus être éligibles, c'est pourquoi un objectif « 1 bis » pourrait être instauré pour ne pas les défavoriser du seul fait de l'élargissement.

La politique de l'objectif « 2 » devrait être préservée, mais elle devrait être réorientée de façon à mieux répondre à la préoccupation de la compétitivité du territoire européen.

Elle devrait être formulée sous la forme de contrats régionalisés, accompagnés d'enveloppes par pays, et ciblée sur les objectifs de compétitivité définis par les conseils européens de Lisbonne et de Göteborg.

Une enveloppe d'environ 10% pourrait être réservée aux régions transfrontalières. La future politique régionale pourrait donc se construire autour de deux axes, d'une part l'aide au développement des régions pauvres, d'autre part la conclusion de contrats régionalisés, plus ciblés que les actuelles interventions communautaires.

M. Michel Barnier a déclaré qu'une telle politique novatrice était finançable, si l'on augmentait les dépenses du budget communautaire jusqu'au plafond de 1,24 %. Or les chefs d'Etat ou de gouvernement ont décidé lors du Conseil européen de Copenhague que la part du PIB européen consacrée aux politiques de cohésion devait passer en 2006 de 0.32 % à 0.42 % du PIB. M. Michel Barnier a considéré qu'il faudrait poursuivre cet effort à compter de 2007.

Le commissaire a conclu son exposé en abordant la politique de défense commune européenne. Il a précisé que les coopérations renforcées concernaient un groupe de pays constitué en avant-garde, dont les réunions sont ouvertes aux autres membres qui n'ont pas de pouvoir de décision. Quant à la coopération structurée qui ne vise que la défense, celle-ci est exclusive et ne concerne que les pays qui en font partie et en acceptent les conditions.

Le Président Edouard Balladur a demandé si l'élargissement de l'Europe à de nouvelles régions défavorisées signifiait, à budget communautaire constant, la diminution du montant des fonds structurels pour les régions actuellement bénéficiaires de ces fonds. Sinon, l'élargissement ne va-t-il pas nécessairement entraîner une augmentation du prélèvement communautaire ?

M. Michel Barnier a répondu que le budget communautaire ne représentait que 1 % du PIB européen et qu'en l'absence de diminution du budget de la PAC, qui est sanctuarisé jusqu'en 2013, il apparaît indispensable d'en augmenter le montant global pour maintenir le niveau des fonds de cohésion, d'autant que des dépenses en matière de recherche, de transport, sont nécessaires et que les dépenses dans le domaine de la justice et de la sécurité vont s'accroître du fait des nouvelles compétences de l'Union en la matière. Cela étant dit, il importe avant tout de réorienter les politiques d'aide au profit d'investissements favorables à la croissance : il faut moins de quantité et plus de qualité, moins de béton et plus de recherche.

M. Roland Blum a demandé si l'impact financier de l'élargissement n'avait pas été quelque peu sous évalué si on se réfère par comparaison au coût pour l'Allemagne de la remise à niveau des nouveaux Länder estimé à plus de 600 milliards d'euros en dix ans. Comment l'Europe pourra-t-elle faire face aux échéances ?

M. Yves Nicolin a souhaité savoir si l'Union européenne envisageait de venir en aide aux régions, qui, sans être nécessairement défavorisées, allaient être confrontées à un phénomène de désindustrialisation du fait des distorsions de salaires existant avec les nouveaux pays de l'Union. L'Union va-t-elle par ailleurs développer des politiques pour rapprocher le niveau des salaires dans les différents pays membres ? Il existe d'autre part dans certaines régions considérées comme riches de grandes insuffisances en équipements structurants et il ne faudrait pas que les aides privilégient systématiquement l'investissement immatériel sur les infrastructures.

M. Bruno Bourg Broc a demandé si l'Union européenne ne pouvait donner une meilleure information sur les fonds structurels et faciliter le montage des dossiers, afin de permettre que la totalité des crédits alloués soit consommée. Par ailleurs, la notion de service d'intérêt économique général figurant dans le projet de Constitution est-elle assimilable à la notion française de service public ? Quelle interprétation faut-il en avoir ?

Concernant le coût de l'élargissement, M. Michel Barnier a rappelé que, de façon factuelle, pour les deux ans et demi à venir, le montant du transfert serait de 24 milliards entre 2004 et 2006, dont 2 milliards pour la PAC et 22 milliards pour la politique de cohésion. Si l'on compare avec la réunification allemande, l'effort national produit par la République fédérale a été de 100 milliards de DM par an. L'Union européenne a participé à cet effort et y participe encore à hauteur de 20 milliards d'euros apportés aux Länder est-allemands et 10 milliards aux Länder ouest-allemands pour les années 2000 à 2006. Toutefois, l'effort qui est demandé à l'Union avec l'élargissement n'est pas de même nature dans la mesure où l'effort allemand a été immédiat : l'ex-RDA a été intégrée dans son état brut, alors que, depuis 1980, les PECO ont, de leur côté, fait un effort pour s'adapter et ont rattrapé une partie de leur retard.

Si le montant actuel du budget de l'UE représente 1 % du PIB, le commissaire européen a considéré que l'on pouvait aller au-delà sans dépasser le plafond de 1,24 %, si l'on veut être en harmonie avec le choix stratégique des chefs de gouvernement des pays membres de l'UE qui est de réunifier le continent.

Les pays qui vont rejoindre l'Union vont apporter plus que ce qu'on l'on croit à la croissance. Ils vont y participer. Il ne faut pas oublier que leur niveau de croissance est de 3 à 4 % actuellement. Le niveau d'éducation, notamment scientifique, de leur population est plus élevé qu'au Portugal ou en Grèce. Leur pouvoir d'achat va augmenter, et donc leur besoin de consommer. Une partie de l'argent qui va leur être versé reviendra sous forme de marchés. Il a ainsi été constaté que 15 à 40 % des sommes revenaient dans les pays contributeurs.

A ce sujet, M. Hervé de Charette a demandé s'il était possible d'obtenir communication de la part des contributions qui revenaient dans les pays contributeurs.

M. Michel Barnier a répondu qu'il ferait parvenir cette réponse par écrit aux parlementaires, puis il a donné à réfléchir sur la question du coût du non-élargissement. Laisser à notre porte des pays dans la misère aurait eu de graves conséquences, en termes de délocalisations sauvages, d'immigration clandestine, de concurrence, de sécurité publique ou encore de stabilité au niveau des minorités et des droits de l'Homme.

S'agissant plus précisément du problème des délocalisations, il a estimé qu'il y avait trois réponses aux questions de M. Yves Nicolin.

Tout d'abord, les industries européennes doivent être encouragées à rester compétitives. Citant les exemples du rachat de Pechiney par Alcan ou d'Alstom, il a estimé que les règles de la concurrence ne devaient pas être « détricotées » sous peine d'instaurer une loi de la jungle car elles protègent nos entreprises et nos salaires. Il faudrait plutôt les mettre en parallèle avec une stratégie européenne.

Ensuite, il a plaidé pour que la politique dont il a la responsabilité aide à la reconversion et à la restructuration. A cet égard, il a signalé qu'il avait, en collaboration avec M. Pascal Lamy, proposé la création d'un mécanisme antichocs qui permettrait de répondre aux chocs imprévus résultant de l'ouverture commerciale internationale, tout en soulignant que la politique régionale ne pouvait se résumer à la réparation mais devait faire notamment de la prévention. L'exemple de Renault-Vilvoorde est la preuve de la nécessité d'un mécanisme spécifique pour faire face aux chocs sectoriels ou locaux importants, la seule réponse qui a pu être apportée à ce problème ayant été un redéploiement des crédits existants. En effet, des pays comme la France et l'Angleterre ne sont pas en retard de développement mais subissent des chocs qui militent pour la préservation de cette politique européenne pour toute l'Europe.

En outre, il a considéré que l'élargissement constituerait une véritable réponse aux risques de délocalisation, car dans le cas contraire la concurrence la plus déloyale s'installerait.

S'agissant des routes qui font défaut dans la partie ouest de la région Rhône-Alpes, il a rappelé que celles construites dans la partie est ne l'avaient pas été grâce à des crédits européens, même si des crédits européens sont utilisables pour ce type d'aménagements. La Commission européenne en a d'ailleurs identifié 17, dont 13 de type ferroviaire.

Abordant la question de la sous-consommation des crédits européens, il a expliqué qu'elle était due, notamment, à la centralisation des procédures en France, mais également à une part de bureaucratie à Bruxelles. C'est pourquoi, dans le cadre du règlement de Berlin, des mesures de simplification ont été engagées.

Enfin, si l'article 16 du traité d'Amsterdam portant sur les missions de service public a été repris et consolidé par une base juridique intégrée dans le futur traité constitutionnel, M. Michel Barnier a préféré se garder de l'expression « à la française », estimant qu'il fallait éviter tout ethnocentrisme même s'il convient aussi de se prémunir contre l'envahissement de certaines tendances à l'ultralibéralisme et à la soft law.

M. François Loncle a remercié M. Michel Barnier de ses explications, qui permettent d'espérer la pérennisation des fonds structurels qui, avec la paix et la sécurité, sont l'un des éléments les plus populaires de la politique européenne, car les citoyens sont à même de vérifier au travers de réalisations concrètes l'apport de l'Union européenne.

Commentant une dépêche de l'AFP sur l'ouverture de la Conférence intergouvernementale à Rome qui constatait que la politique étrangère et de défense restait l'un des parents pauvres de la construction européenne, car ses avancées, en dehors du concept de coopération structurée, étaient limitées, il a sollicité l'avis de M. Michel Barnier à ce sujet.

Evoquant les problèmes de terminologie : « avant-garde européenne », « groupe pionnier », « coopération structurée », « coopération renforcée », il s'est interrogé sur la manière dont les citoyens s'y retrouveraient et percevraient les différences entre ces concepts fort voisins.

M. Jacques Myard a déclaré que l'élargissement était inévitable, mais que la construction européenne accroissait les difficultés de l'élargissement. Il a dénoncé l'opacité des fonds structurels, chaque dossier remontant à Bruxelles. Il a estimé que les protocoles financiers d'Etat à Etat, homologués et coordonnés dans le cadre de l'Union européenne, auraient été une pratique plus souple et plus efficace.

Selon lui, il y a actuellement deux Europes économiques, celle de la zone euro et celle des autres pays, qui, bénéficiant de la liberté des changes, de la fixation des taux etc., feront concurrence au bloc euro, dont la rigidité est insupportable. Cette dualité économique posera un problème fondamental, car le bloc euro est extrêmement difficile à piloter.

Le Président Edouard Balladur a fait observer que les pays qui ne sont pas membres de la zone euro étaient liés entre eux par des règles qui ne leur permettent pas de dévaluer quand bon leur semble.

M. Hervé de Charette a regretté que l'on ne profite pas de l'échéance de 2006 pour revoir les modalités d'attribution et de gestion des fonds structurels. Il a jugé nécessaire de s'interroger sur l'opportunité de distribuer de l'argent européen à l'échelon local au moment de l'élargissement. Certes, la pression des pays pour bénéficier des aides européennes est grande, mais, tant au niveau national qu'au niveau européen, on a un devoir collectif de dresser le bilan de l'utilisation de ces fonds afin de mieux comprendre comment ces aides ont modifié la situation. Toutefois, il s'est déclaré sans illusion sur la volonté d'opérer de la sorte.

Tout en comprenant le devoir de solidarité politique forte vis-à-vis des nouveaux entrants, dont il faut valoriser la situation, il s'est interrogé sur la manière de gérer les écarts importants de niveaux de salaire entre les Quinze et les Dix. En effet si l'on pouvait avoir une politique spécifique avec l'entrée de deux ou trois nouveaux pays dans l'Union européenne, il n'en va plus de même avec l'arrivée simultanée de dix Etats qui va bouleverser la donne, et remettre en cause les modalités d'intervention financière de l'Union. Les écarts de coûts de main d'œuvre sont tels qu'ils risquent de provoquer des délocalisations, financées par des politiques européennes.

Constatant que la politique des fonds structurels existait depuis quinze ans, le Président Edouard Balladur a demandé si la situation de certains pays s'était suffisamment améliorée pour que ces aides européennes dont ils bénéficiaient soient réduites, voire supprimées.

M. Michel Barnier a tenu à souligner que l'élargissement entraînera automatiquement une redistribution des fonds structurels. Avec l'entrée de dix pays plus pauvres que la moyenne européenne, beaucoup de régions sortiront déjà statistiquement de l'objectif « 1 ». Ici il paraît envisageable de fixer une période transitoire pour éviter toute injustice statistique. Mais il est certain que la barre va basculer à l'est et que la plupart des régions de l´Europe des Quinze verront progressivement diminuer leurs aides au développement. Il faut aussi modifier le système d'attribution des fonds pour que les aides soient plus ciblées et ne soient pas utilisées à d´autre fins.

Il a précisé que la logique des aides européennes est que les aides diminuent en fonction des progrès obtenus. L'Irlande en est un exemple classique, l'Espagne pourrait devenir contributeur en 2006.

M. Michel Barnier a évoqué une des principales innovations de la Convention à ses yeux : l'instauration d'un Ministre européen des Affaires étrangères, qui créera un lien commun de culture diplomatique sans précédent. Il faudra certainement cinq à dix ans pour changer les mentalités dans les Etats membres, mais au bout du chemin l'Union en sortira plus forte. D'autres points de la Convention, comme la mise à jour des missions de Petersberg, la création d'une agence commune de l'armement et de la recherche stratégique, et la clause de solidarité, font déjà l'unanimité en Europe. D'autres points seront plus difficiles à réaliser, comme la coopération structurée ou une clause de défense collective.

Tout en restant réaliste, il faut une part d'enthousiasme pour construire la nouvelle Europe. L'Union est bien plus qu'un syndicat interétatique, c'est l'expression d'une volonté politique intégrée et commune, et le coût du non-élargissement serait économiquement et politiquement beaucoup plus lourd que ne le sera le coût de l'élargissement.

Evoquant l'exemple de l'unification allemande, M. Gilbert Gantier a souligné combien l'écart restait considérable après dix ans d'intégration entre les Länder de l'est et ceux de l'ouest. Aussi, selon lui, on ne peut être optimiste sur les effets de l'élargissement qu'en prenant en compte la durée.

Il s'est interrogé sur le problème de la désindustrialisation de l'Europe et sur l'existence d'une véritable politique industrielle de l'Union. Il a cité à cet égard le cas, troublant selon lui, du rachat du groupe Pechiney par le groupe canadien Alcan. Il a fait état de ses craintes sur l'avenir d'Alstom et du secteur automobile et s'est enquis de l'existence d'une véritable stratégie industrielle.

M. Michel Barnier a admis que la convergence dans les Länder de l'ex-RDA a pris plus de temps que prévu, et est loin d'être achevée, mais il a estimé que la comparaison n'était pas appropriée. La réunification allemande s'est faite sans aucune période de transition, alors que les pays candidats à l'élargissement ont progressivement adapté leurs économies à l'adhésion européenne. Il faudra néanmoins une à deux décennies aux nouveaux pays de l'Union pour atteindre un niveau comparable à celui de la moyenne européenne d'aujourd'hui. La construction de l'Europe est un projet de grande envergure, qui ne se fait pas en quelques années.

M. Michel Barnier a souligné la nécessité d'une politique industrielle commune, mais a ajouté que cette conception ne faisait pas l'unanimité. Nombreux sont les pays qui prônent la libre concurrence et veulent codifier le moins possible l'espace européen.

Le Président Edouard Balladur a fait observer que la politique européenne des fonds structurels s'apparentait assez largement à une politique d'aménagement du territoire à l'échelle de l'Union.

M. Michel Barnier a expliqué que la notion d'aménagement du territoire européen restait une notion taboue et connotée qui renvoie à une politique dirigiste « à la française ».

Le Président Edouard Balladur a remercié M. Michel Barnier pour sa présentation précise, vivante et convaincante qui a beaucoup intéressé la Commission.

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