COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 29 octobre 2003
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen pour avis du budget de la Défense pour 2004
- Examen pour avis du budget des Relations culturelles internationales et de la Francophonie pour 2004


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Examen pour avis du budget de la Défense

M. Paul Quilès, Rapporteur pour avis, a indiqué que, malgré un contexte budgétaire particulièrement difficile, les crédits du ministère de la Défense connaissaient dans le projet de loi de finances pour 2004 une hausse sensible de 4,29 %, soit + 3,15 % en volume, alors que l'ensemble des dépenses de l'Etat connaîtra une stabilisation en volume. Dans ces conditions, il est indispensable de s'assurer que les crédits de la Défense permettent effectivement de répondre aux nouvelles menaces, ce qui n'est malheureusement pas le cas.

M. Paul Quilès a estimé que l'appareil de défense de la France, et plus globalement de l'Europe, semblait en effet largement démuni face aux nouvelles menaces. Si le terrorisme international est aujourd'hui considéré unanimement comme une menace majeure pour la sécurité de l'Europe, les mesures concrètes prises pour lutter contre ce fléau depuis le 11 septembre sont insuffisantes, qu'il s'agisse de la prévention (pas d'effort significatif dans le domaine du renseignement), de la protection du territoire contre d'éventuelles attaques terroristes, notamment par des moyens non conventionnels (modestie des crédits consacrés à la défense civile) ou du démantèlement des réseaux terroristes : la capacité de projection de l'armée française reste inférieure à celle de l'armée britannique par exemple, alors qu'elle est tout aussi indispensable face au développement des crises régionales. Enfin, face aux dangers de la prolifération, il serait nécessaire de disposer d'outils d'observation spatiale afin de se prémunir contre d'éventuelles attaques.

Le Rapporteur s'est ensuite demandé si, face à ces menaces, il était possible de se contenter de laisser les Etats-Unis définir seuls les réponses à apporter, compte tenu de l'évolution inquiétante de la doctrine stratégique américaine. Cela doit faire réfléchir les Européens, qui doivent comprendre qu'ils ont besoin d'une capacité militaire propre : la référence à l'OTAN, rituelle chez certains Européens, n'est pas une réponse suffisante aux défis actuels, d'autant que les Américains eux-mêmes délaissent cette organisation. L'Europe est en effet devenue une zone presque périphérique pour la sécurité des Etats-Unis. Par ailleurs, les Américains sont devenus très méfiants à l'égard des alliances permanentes considérant désormais que « c'est la mission qui fait la coalition, et non l'inverse ». En conséquence, l'OTAN est devenue une simple organisation européenne de sécurité, à vocation surtout politique et son rôle se limite dès lors à soutenir les initiatives américaines, sans partage du pouvoir de décision.

M. Paul Quilès a par conséquent estimé que la constitution d'une véritable capacité européenne de défense était indispensable. A cet égard, l'année 2003 a permis d'enregistrer des progrès significatifs, avec les opérations Concordia et Artémis menées au nom de l'Union européenne, avec la décision de confier à Javier Solana la mission d'élaborer une stratégie de sécurité de l'Union, avec les dispositions intéressantes figurant dans le projet de Constitution européenne et, enfin, avec le sommet franco-germano-britannique du 20 septembre dernier qui semble indiquer une réorientation de la politique du Royaume-Uni en faveur de la politique européenne de sécurité et de défense.

Le Rapporteur a ensuite insisté sur les carences de ce budget, dans des domaines pourtant stratégiques. En premier lieu, dans le domaine spatial, les crédits prévus pour 2004 sont tout à fait insuffisants. Ils s'inscrivent en effet dans une loi de programmation militaire 2003/2008 qui a sacrifié ce domaine pourtant hautement stratégique. La part des dépenses d'équipement spatial dans l'ensemble des dépenses en capital de la défense, ne représentera plus que 3 % en 2008 au lieu de 3,4 % ces six dernières années. Cette évolution est paradoxale alors qu'il est largement admis que le spatial militaire est un outil déterminant pour la connaissance et la gestion des crises. Dans le même temps, les Etats-Unis consacrent près de 10 % de leur budget de défense à l'espace, soit 20 fois plus que l'ensemble des pays européens.

Un autre domaine décisif en matière de défense est celui de la recherche. Or la réduction des crédits de recherche a été très sensible en France : les dépenses de R&D sont ainsi en diminution de 6,6 % par rapport à 2003. Cette baisse a notamment été très forte dans le domaine, stratégique pour le futur, des études amont.

Selon M. Paul Quilès, cette chute s'explique par l'importance des dépenses consacrées au nucléaire, ce qui provoque un effet d'éviction au détriment des autres types d'investissement. S'il est très positif qu'un relatif consensus entoure les grandes orientations de la politique de défense du pays, il est en revanche regrettable de constater que cela empêche l'engagement d'un véritable débat sur l'appareil de défense de la France, y compris sur la question du nucléaire. En effet, les crédits consacrés à la dissuasion sont absolument considérables : ils représentent chaque année plus de 3 milliards d'euros, soit 20 % des crédits d'équipement et 10 % de l'ensemble du budget de la défense (contre 3 % au Royaume-Uni). Par ailleurs, après avoir logiquement baissé au cours des années 1990, les crédits destinés à la dissuasion ont recommencé à augmenter depuis 2001 : + 68,7 % en autorisations de programme, + 37 % en crédits de paiement.

Cette progression récente des sommes consacrées à la dissuasion est liée à une « modernisation » de la force de frappe nucléaire de la France, qui n'a fait l'objet d'aucun débat préalable. En effet, le respect des grands principes de la doctrine nucléaire de la France que sont le concept du « non emploi » et celui de « stricte suffisance » ne requiert pas de lancer de nouveaux programmes, comme le futur missile M51 à longue portée, dont on est en droit de se demander à quel type de scénario il est destiné. Va-t-il répondre à un manque de l'actuel système de dissuasion ou signifie-t-il que l'on estime que dans les dix prochaines années la France devrait avoir à se défendre, seule, contre des ennemis lointains ? Par ailleurs, s'il est vrai que de nouvelles menaces sont apparues (terrorisme, prolifération...), on peut douter de l'effet de la dissuasion face à des acteurs dont les comportements ou les actes n'ont rien de rationnel et dont l'identité reste difficile à préciser.

Compte tenu du besoin de financer des secteurs stratégiques aujourd'hui délaissés, notamment en raison du niveau excessif des dépenses de dissuasion, M. Paul Quilès a présenté un amendement visant à réduire les crédits d'équipement de la dissuasion nucléaire de 500 millions d'euros, correspondant à l'économie que permettrait de réaliser l'abandon du programme M51 et de la construction d'un quatrième SNLE-NG.

Le rapporteur a conclu en rappelant que ce budget relevait d'une approche purement quantitative, alors qu'il faudrait repenser, dans le cadre d'une défense européenne, l'ensemble de notre doctrine stratégique et militaire. Il a donc recommandé à la Commission des Affaires étrangères d'émettre un avis négatif à l'adoption des crédits de la Défense pour 2004.

M. Roland Blum s'est réjoui de l'effort très important consenti par le Gouvernement dans la mesure où le budget de la Défense est en augmentation dans un contexte budgétaire difficile. Le Gouvernement témoigne ainsi de sa volonté de participer à la construction de la défense européenne au moment où le contexte international est inquiétant : l'exemple de l'Irak démontre la nécessité d'élaborer une défense européenne. Sans entrer dans le débat sur le point de savoir si cette défense européenne doit être complémentaire ou non de l'OTAN, il a considéré que l'utilisation de la procédure de coopération structurée en matière de défense, prévue par le projet de constitution de l'Europe, nécessitait de la part des participants de disposer de moyens de défense sophistiqués, si ce n'est importants. Dans ces conditions, l'amendement présenté par le Rapporteur entre en contradiction avec les efforts de la France pour participer à la construction de la défense européenne.

M. François Rochebloine s'est dit inquiet du risque de disparition de la fabrication, en France, d'armements terrestres, pour n'en conserver que la conception. Faisant observer que de grands pays comme la Chine, les Etats-Unis, la Russie, l'Inde ou encore le Pakistan n'avaient pas signé la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel, il a demandé si la France envisageait d'agir en matière de déminage mécanique et industriel.

Mme Martine Aurillac a estimé que le Rapporteur exprimait un paradoxe en soulignant la nécessité de déployer des moyens financiers importants pour assurer la défense de la France et en présentant un amendement visant à supprimer des crédits. Cet amendement tient à une conception très différente de la défense de la France, le but n'étant pas de combler les lacunes importantes de la défense européenne, mais de faire en sorte que la France retrouve sa place dans un contexte international chahuté. Or retrouver cette place passe par le rôle du nucléaire.

M. Serge Janquin a déclaré approuver l'amendement présenté par le Rapporteur. Au regard de l'actualité du monde, faite de périls terroristes, il convient de raisonner en termes de choix politiques si l' on veut éviter le risque d'assimilation des sources de ces périls aux pays qui les hébergent et des interventions du type de celle qui est en cours en Irak. Dans ces conditions, M. Serge Janquin a souligné la nécessité d'organiser un débat sur ces sujets.

M. Paul Quilès a indiqué ne pas partager l'opinion selon laquelle il y aurait de grandes différences de conception sur le rôle de notre politique de défense entre la majorité et l'opposition. Il a précisé qu'il s'était contenté de dire qu'il existait des carences en Europe face aux nouveaux défis qui caractérisent le contexte stratégique. En effet, il est indispensable de prendre en compte l'évolution du monde dans les choix de programmes d'armement, même si cela est difficile compte tenu des délais inhérents à la réalisation de ces programmes (10 à 15 ans généralement) Ainsi, alors qu'il était Ministre de la Défense, avait-il lancé en 1985, compte tenu de la persistance de l'affrontement Est/Ouest, le programme « Leclerc », qui au demeurant est un excellent char. Toutefois, l'utilité de ce programme a ensuite été entièrement bouleversée à la suite de la chute du mur de Berlin. En matière de défense, il est tentant de prolonger les schémas du passé, mais cela conduit à des dépenses excessives et à des lacunes dans certains domaines. L'Union européenne a ainsi établi la liste, en 1999 à Helsinki, des carences auxquelles il faut répondre en priorité (espace, transport stratégique...).

M. Paul Quilès a précisé qu'il n'était pas partisan d'abandonner le nucléaire militaire mais qu'il était indispensable de réfléchir à son rôle aujourd'hui : alors que l'on construit l'Europe de la défense, il faut s'interroger sur le sens de la dissuasion nucléaire française dans ce cadre. Il n'est pas prouvé non plus que le futur missile M51 soit utile, ou alors il faut admettre que la France aura besoin à partir de 2010 de pouvoir décider seule de frapper tel ou tel pays.

En ce qui concerne la « remise à niveau » de notre défense, il s'agit d'un problème réel, mais qui ne concerne pas tant l'équipement que les dépenses de fonctionnement, qui sont stables.

S'agissant de GIAT, au-delà de la situation personnelle des employés qu'il faut traiter en priorité, la réponse devra, en fin de compte, être européenne : il n'est plus possible de créer des équipements terrestres strictement nationaux, ceux-ci devront à l'avenir être compatibles entre eux. Il faut veiller à mettre fin à des situations absurdes comme dans le domaine des avions de combat où coexistent trois programmes différents en Europe.

Sur la question des mines antipersonnel, la France est l'un des pays à l'avant-garde du combat contre ce fléau, alors que les Etats-Unis n'ont toujours pas signé la convention d'Ottawa. Il est vrai qu'en matière de désarmement, les Américains ont abandonné la voie diplomatique et témoignent de leur méfiance à l'égard des conventions internationales dans de nombreux domaines (traité ABM, traité d'interdiction complète des essais nucléaires...),en privilégiant dorénavant le rapport de forces, voire l'intervention armée.

M. Paul Quilès a enfin expliqué que son amendement visait à susciter un débat sur la dissuasion nucléaire, qui ne doit pas être un sujet tabou. Par ailleurs, les économies que son adoption entraînerait permettraient de financer des programmes stratégiques dans d'autres domaines, même si, dans l'état actuel du droit budgétaire, il n'est pas encore possible de proposer de telles compensations par amendement.

Reconnaissant la nécessité de se préoccuper des questions de prolifération des armes de destruction massive, le Président Edouard Balladur a annoncé qu'il proposerait, sans doute l'année prochaine, la création d'une mission d'information sur la prolifération et la contribution de la France à un meilleur contrôle en la matière. Par ailleurs, si l'on peut souhaiter un débat sur notre force de dissuasion et sur les choix techniques et budgétaires de notre défense, il a estimé que l'amendement présenté par le Rapporteur préjugeait des résultats de ce débat.

M. Paul Quilès a conclu en proposant à la commission de rendre un avis négatif sur les crédits du budget de la Défense et a par ailleurs insisté sur la nécessité de débattre au Parlement des questions de sécurité et de défense.

Le Président Edouard Balladur a considéré qu'il était légitime que le Parlement débatte de ces questions.

Contrairement aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Défense pour 2004.

Examen pour avis du budget des Relations culturelles internationales et de la Francophonie

M. François Rochebloine, Rapporteur pour avis, a indiqué que le montant des crédits concourant à l'action culturelle extérieure de la France à l'étranger s'élevait à 1,37 milliard d'euros pour 2004 contre 1,3 milliard en 2003 et que les crédits concourant au développement de la langue française et de la francophonie étaient de 0,88 milliard d'euros, soit un montant identique à celui de l'an passé. Au cours de l'exercice 2003, la régulation budgétaire a durement affecté les crédits de l'action culturelle extérieure et il est à craindre qu'un tel scénario ne se reproduise l'année prochaine, ce qui pose le problème de la sincérité des lois de finances et du sens de la procédure budgétaire devant les assemblées parlementaires.

Il a ensuite rendu compte de la mission qu'il a accomplie en tant que rapporteur budgétaire et qui était consacrée à l'évaluation du réseau culturel, scientifique et d'enseignement en Israël et dans les Territoires palestiniens. Ce réseau, particulièrement dense, est animé par des agents remarquablement motivés qui travaillent dans un contexte particulièrement difficile. Il souffre néanmoins d'un manque de moyens au regard de sa densité. Cette situation est aggravée par le coût des loyers que doivent acquitter les centres, qui n'ont le plus souvent pas la capacité financière de monter une pièce de théâtre ou d'organiser un concert. Cette situation financière tendue implique que le prix des cours de français soit relativement élevé et parfois dissuasif, même s'il tient compte de la différence de niveau de vie entre la population israélienne et la population palestinienne.

Pour améliorer l'efficacité de la dépense et remédier à l'actuelle dilution des moyens, l'une des voies pourrait être de diminuer le nombre de centres, d'autant que notre réseau scientifique et culturel comporte à l'heure actuelle 26 établissements de recherche, 151 établissements culturels français et 296 alliances françaises. Or, de nombreux centres n'atteignent pas la taille critique nécessaire pour être de véritables vitrines de la culture française et pour mettre en œuvre une politique de coopération culturelle cohérente et visible. Mais il est difficile de réduire le nombre de centres, à la fois en raison de l'impact symbolique de telles décisions, mais aussi parce qu'il ne faut pas nous priver de têtes de pont dans les lieux de formation des élites. La rationalisation du réseau doit s'opérer au cas par cas en tenant compte de tous les paramètres locaux et des priorités de notre politique extérieure. Il serait en tout état de cause dommage de remettre en cause le rayonnement de notre pays au nom d'une logique strictement budgétaire, d'autant que le budget de fonctionnement des 151 instituts culturels n'est que de 70 millions d'euros.

Le ministère des Affaires étrangères, dans la mesure de ses moyens, entend pour sa part maintenir son réseau culturel dans la région et souhaite même le moderniser. Le Ministre des Affaires étrangères a ainsi annoncé que la France entendait bâtir un nouvel institut à Tel-Aviv. Cette décision nécessite un investissement de 5 millions d'euros pour une réalisation en 2006. L'arbitrage budgétaire n'ayant pas été rendu, il conviendra que la Commission des Affaires étrangères veille à ce que les moyens nécessaires à la réalisation de ce projet soient dégagés au cours des deux prochains exercices. Le regroupement prévu pour 2004 des centres culturels français et allemand de Ramallah dans un même bâtiment constitue un autre projet d'importance, qui devrait permettre de donner une meilleure visibilité à notre centre et lui conférer une dimension plus européenne en mutualisant nos moyens avec ceux de l'Allemagne. L'Alliance française devrait pour sa part ouvrir une antenne à Bethléem avec le soutien du consulat général de France à Jérusalem et du ministère des Affaires étrangères. Il serait souhaitable que la Commission des Affaires étrangères puisse soutenir ce projet qui répond pleinement à l'attente de la population locale.

Le Rapporteur a ensuite rendu hommage au personnel et au comité de gestion du lycée français de Jérusalem, dont le corps enseignant, principalement composé de Franco-Israéliens, accueille une majorité d'élèves palestiniens. Grâce à la volonté de l'équipe pédagogique et des parents, le lycée organise des ramassages scolaires pour permettre aux élèves de passer les check points chaque jour. L'établissement constitue un lieu de paix et de partage du savoir tout à fait précieux dans une ville en proie aux tensions et aux affrontements.

Il a ensuite déclaré qu'il avait constaté à quel point la pratique de la régulation budgétaire entraînait d'importants effets pervers sur le terrain. Elle ne facilite pas la conduite de réformes de structures au sein du réseau culturel, car les efforts de rationalisation opérés dans un tel cadre ne seraient pas restitués. En outre le gel budgétaire a remis en cause les actions de coopération entreprises dans les Territoires palestiniens par le poste. La situation de cessation de paiement du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) a ainsi eu pour conséquence de suspendre l'engagement contractuel du poste à l'égard des enseignants de français dans les écoles pilotes de Gaza, Naplouse, Bethléem et Bir Zeit. Dans le secteur social, plusieurs opérations ont dû être interrompues. Cette pratique est tout à fait néfaste pour la continuité de la politique étrangère de la France, d'autant qu'elle est mise en œuvre sans que l'on tienne compte de son impact sur le terrain.

Abordant la situation financière de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), le Rapporteur a rappelé que la Commission des Affaires étrangères avait adopté l'an passé un amendement en vue d'obtenir le retrait d'une mesure d'annulation de crédits de l'ordre de 6 millions d'euros. Cette mesure négative a finalement été ramenée à 2 millions d'euros en loi de finances rectificatives. Malgré cette mesure, l'Agence a pu fonctionner sans fermer d'établissement pour deux raisons totalement conjoncturelles : le cours élevé de l'euro, qui a réduit le coût des salaires en raison du change favorable ; la fermeture des établissements de Côte d'Ivoire qui a permis d'effectuer des économies imprévues. La situation de l'Agence demeure très précaire : son fonds de roulement est inférieur à sept jours et la participation des familles ne cesse d'augmenter année après année.

L'Agence accueille près de 160 000 élèves dans son réseau et les élèves français représentent 43 % de l'effectif total. La subvention de l'Etat pour 2004, qui représente 82 % des recettes de l'Agence, augmentera de 1,05 %, soit un peu moins que le montant de l'inflation. La baisse des indemnités d'expatriation des agents du ministère des Affaires étrangères entraîne la suppression de 6 millions d'euros de crédits, tandis que l'amélioration du statut des résidents entamée en 2002 n'est pas financée par l'Etat, mais par un prélèvement sur le fonds de réserve de l'Agence et par la transformation de postes d'expatriés en postes de résidents sur une période de quatre ans. La réforme du régime indemnitaire des résidents et la diminution du nombre de postes d'expatriés soulève d'importantes difficultés : les enseignants recrutés en France doivent désormais payer leurs frais de déplacement et travailler trois mois en étant rémunérés par les établissements. Par ailleurs, les organisations syndicales auditionnées ont indiqué que des enseignants titulaires de l'Education nationale disposaient d'un statut de recruté local, ce qui les pénalise dans leur carrière. Une solution devrait être trouvée pour remédier à ces difficultés statutaires. Enfin, le nombre de recrutés locaux demeure considérable, puisque il représente plus de la moitié du corps enseignant.

Il est regrettable que l'Etat s'en tienne à une logique de gestion à court terme et qu'il ne restitue pas à l'Agence une part des efforts importants qu'elle consent pour diminuer ses coûts de fonctionnement. Une telle attitude n'est pas de nature à favoriser le développement de rapports contractuels et responsables entre l'Agence et sa tutelle. Cette situation va par ailleurs à l'encontre des objectifs affichés de défense de la francophonie et de rayonnement de la France.

Le Rapporteur a ensuite présenté les crédits de l'audiovisuel extérieur en indiquant qu'ils étaient reconduits à l'identique à hauteur de 165 millions d'euros. Dans ce contexte budgétaire défavorable, les dotations de RFI et de TV 5 sont maintenues en francs constants par le redéploiement de 3,55 millions d'euros précédemment consacrés au bouquet satellitaire Portinvest, dont les activités de diffusion de programmes en Afrique sont reprises par le secteur privé. Ces crédits ne comportent aucune ligne budgétaire consacrée au projet de future chaîne d'information continue à vocation internationale, alors même que le Premier ministre a annoncé qu'elle devrait voir le jour en 2004, sous la forme d'une société qui tout en étant détenue à parité par le groupe TF 1 et le groupe France Télévisions, serait financée par l'Etat à hauteur de 70 millions d'euros. Ce financement n'est donc assuré ni par le biais du budget du ministère des Affaires étrangères, ni par celui de la redevance, dont la totalité du montant a été affectée aux opérateurs audiovisuels.

Le Gouvernement travaille sur des hypothèses de redéploiement du secteur audiovisuel, destinées à dégager de nouvelles marges de financement. Ces hypothèses, rendues publiques par M. Bernard Brochand, sont les suivantes : la fusion de TV 5 et de RFO, l'intégration de RFI au sein de Radio France et la transformation d'Arte en chaîne européenne. La première a suscité l'émotion la plus vive des pays francophones actionnaires de TV 5, qui y ont vu la volonté de créer une « Télé colonies », contraire à l'esprit même de la francophonie. Elle est par ailleurs en contradiction complète avec les annonces du Ministre de la Culture et de la Communication, qui a fait part de son intention d'intégrer prochainement RFO au sein du groupe France Télévisions. La deuxième, visant à intégrer RFI au sein de Radio France, est sans doute de nature à favoriser des économies d'échelle. Mais elle pose la question du maintien de la tutelle du ministère des Affaires étrangères sur cette radio, alors même que la part de la dotation du Quai d'Orsay ne cesse de baisser depuis plusieurs années et que la redevance représente d'ores et déjà plus de 42 % de ses ressources. Enfin, la transformation d'Arte en chaîne européenne fait fi du traité franco-allemand fondant l'existence de cette chaîne de qualité, emblématique de la relation entre nos deux pays. Ces hypothèses de redéploiement n'apparaissent donc pas réalistes et la question du financement de la future chaîne reste sans réponse dans le projet de loi de finances pour 2004.

Le Rapporteur a ensuite déploré le manque de transparence et de coordination de l'exécutif dans ce dossier. Tout d'abord, le ministère des Affaires étrangères, qui souhaitait être pilote sur cette question et qui avait chargé M. Philippe Baudillon d'un rapport sur ce sujet, a été mis à l'écart de la définition du projet. Le ministère de la Culture et de la Communication se trouve dans la même situation, bien que le groupe France Télévisions soit en première ligne dans les tractations en cours. Quant à la mission d'information parlementaire créée à l'initiative de la Commission des Affaires étrangères et de celle des Affaires culturelles, aucune suite n'a été donnée aux recommandations qu'elle avait adoptées à l'unanimité en mai dernier, aussi a-t-elle décidé pour cette raison de cesser ses travaux le 14 octobre dernier. En l'état actuel du projet, le choix de confier une mission d'intérêt général à un groupe qui, en définitive, ne serait ni public, ni privé, tout en étant totalement financé par le contribuable, est tout à fait critiquable au regard de nos propres règles juridiques et du droit communautaire de la concurrence. De même, la décision de ne pas diffuser la future chaîne en France et de la soustraire au contrôle du CSA ne peut que nuire à son indépendance et à sa crédibilité.

En conclusion, après avoir déclaré qu'il ferait état de ces réserves en séance publique, le Rapporteur a demandé à la Commission des Affaires étrangères d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits des Relations culturelles internationales et de la Francophonie.

M. Serge Janquin a demandé au Rapporteur de bien vouloir préciser s'il privilégiait l'obtention de moyens financiers nouveaux pour le réseau des centres culturels ou s'il insistait plus sur la nécessité d'en réduire la densité. Quels doivent être les principes directeurs d'une réforme de ce réseau ?

M. Guy Lengagne a rappelé que le cri d'alarme lancé par M. François Rochebloine avec la présentation de ce rapport n'était pas nouveau. Régulièrement, il y a unanimité au sein de la Commission des Affaires étrangères pour dénoncer le manque de crédits consacrés à l'action de la France à l'étranger. Ainsi, il s'est demandé si les 500 millions d'euros que l'amendement de M. Paul Quilès proposait de supprimer des crédits de la défense ne seraient pas fort utiles au réseau des centres culturels. Ne serait-il pas plus rentable d'investir dans des centres culturels plutôt que dans l'armement ?

Déclarant partager l'analyse faite par M. François Rochebloine, il a indiqué cependant qu'il n'en tirait pas la même conclusion puisqu'il se prononçait contre l'adoption des crédits des Relations culturelles internationales et de la Francophonie.

Notant que la réalisation de la chaîne à vocation internationale semblait poser problème, dans la mesure où un groupe privé ne doit pas fonctionner avec un financement public, M. Roland Blum a demandé s'il n'était pas envisageable, dans un premier temps, d'assurer une plus grande diffusion de TV5, notamment aux Etats-Unis.

M. Jean-Paul Bacquet a souligné son embarras en raison de la très grande qualité de ce rapport, dont le cri d'alarme traduit le désarroi des personnels des centres culturels. Toutefois, il a regretté que le Rapporteur n'ait pas proposé en conséquence le rejet des crédits. Si l'on cherche à revaloriser le Parlement, il ne faut pas se contenter de vœux pieux et l'on ne peut accepter de voter des crédits sans que les réalisations correspondantes ne soient effectuées.

M. François Rochebloine a répondu qu'il fallait à la fois conforter les moyens de notre réseau culturel et le rationaliser au cas par cas avec précaution, par exemple en évitant la coexistence dans une même ville d'un institut culturel et d'une Alliance française. Il est vrai que le constat est alarmant et que les moyens consacrés à l'action culturelle extérieure et à l'enseignement français à l'étranger sont insuffisants. Il y a d'ailleurs lieu de s'inquiéter sur la réalisation dans les temps du nouvel institut de Tel-Aviv.

Le travail de la mission d'information commune sur la création d'une télévision française d'information à vocation internationale n'a donné lieu à aucune réaction officielle de l'exécutif, ce qui laisse songeur quant à sa volonté de revaloriser le rôle du Parlement. Les propositions contenues dans le rapport de M. Bernard Brochand sont pour le moins irréalistes et les annonces faites suscitent les craintes les plus grandes quant aux chances de la future chaîne de voir effectivement le jour. Dans ce contexte, il convient de saluer les progrès considérables accomplis par TV 5, notamment dans le domaine de l'information. Sa couverture des événements irakiens a été de bonne tenue, malgré des moyens modestes. Le Ministre des Affaires étrangères ayant souligné en Commission que le département maintenait son effort en faveur de TV 5, il convient désormais d'en améliorer la diffusion.

Suivant l'avis du Rapporteur, la Commission des Affaires étrangères a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des Relations culturelles internationales et de la Francophonie pour 2004.

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