COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 17

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 2 décembre 2003
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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Convention fiscale avec le Gouvernement macédonien (n° 549) - rapport
- C
onventions et accord d'assistance mutuelle contre les infractions douanières entre la France et     l'Argentine (n° 1147), la France et le Surinam (n° 1148) la France et Malte (n° 1150) - rapport


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Convention fiscale avec le Gouvernement macédonien

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Loïc Bouvard, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement français et le Gouvernement macédonien en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, (n° 549).

Avant d'examiner les principales dispositions techniques de la Convention franco-macédonienne, M. Loïc Bouvard, Rapporteur, a souhaité faire le point sur la situation intérieure de l'ex-République yougoslave de Macédoine et sur l'état des relations bilatérales que la France entretient avec cet Etat.

Ce pays a traversé une grave crise en février 2001 avec l'entrée de groupes armés albanais issus d'une nouvelle UCK (l'UCK-M), en provenance du Kosovo. Les accrochages se sont multipliés autour de Tetovo et de Kumanovo et la situation s'est rapidement aggravée, au point de faire craindre la désintégration de ce pays indépendant depuis à peine dix ans. La communauté internationale, et surtout l'Union européenne, de concert avec les Etats-Unis, a très rapidement réagi et géré cette crise d'une façon exemplaire en amenant les plus hauts responsables macédoniens à signer les accords d'Ohrid, le 13 août 2001, fondés sur trois principes bien connus en Europe : la décentralisation, la subsidiarité et la protection des minorités.

A cet égard, M. Loïc Bouvard a souhaité rendre hommage à François Léotard qui fut un des négociateurs de l'accord d'Ohrid, puis envoyé spécial ; c'est un autre Français, M. Alain Le Roy, qui lui a succédé.

La signature des accords d'Ohrid a permis le déploiement, en septembre 2001, de la mission de l'OTAN « Moisson essentielle », chargée de collecter les armes remises volontairement par l'UCK-M. Face à l'inquiétude suscitée par la présence d'armes en grand nombre, il a été décidé de maintenir une présence militaire en Macédoine avec l'opération « Amber fox » qui a succédé à l'opération « Moisson essentielle » et qui a permis de protéger les observateurs civils de l'Union européenne et de l'OSCE.

M. Loïc Bouvard a alors précisé que la situation actuelle était apaisée mais fragile en raison principalement de l'immobilisme de la classe politique macédonienne qui tarde à mettre en œuvre le processus d'Ohrid et du marasme de l'économie macédonienne - 30 % de chômeurs, voire 50 % chez les Albanais - qui empêche le gouvernement d'appliquer un programme de réformes. La paupérisation et la frustration de la communauté albanaise font le jeu des groupes extrémistes armés et les incidents violents tendent à se multiplier. Enfin, une grande partie de l'armée macédonienne et des partis politiques slaves considère que l'intervention de la communauté internationale en 2001 a privé les Macédoniens de la victoire sur les Albanais et le désir de revanche est très répandu.

M. Loïc Bouvard a, cependant, tenu à relativiser ce tableau sombre. Certes, ce pays connaît des difficultés mais il n'est pas le seul dans cette région et surtout, la communauté internationale, instruite de ses erreurs passées, ne l'a pas abandonné et entend l'aider à surmonter les difficultés auxquelles il est confronté.

S'agissant des relations bilatérales avec la France et la Macédoine, le Rapporteur a fait observer que les deux Etats entretenaient des relations politiques assez soutenues comme le montre la fréquence des visites officielles au cours des cinq dernières années. Sur le plan commercial, les échanges entre les deux pays sont encore très faibles : seules seize entreprises sont implantées en Macédoine - les incertitudes politiques et les déficiences du droit des affaires constituent des obstacles à l'installation massive de sociétés étrangères dans ce pays. La Convention fiscale franco-macédonienne pourra alors contribuer à sécuriser les investissements français dans ce pays.

Des actions de coopération, par contre, sont activement menées, que ce soit dans les domaines de la coopération culturelle, scientifique et technique, de la coopération militaire ou de la coopération en matière de sécurité intérieure. Un accord de sécurité intérieure dont le texte est agréé par les deux parties doit être prochainement finalisé. La France est également présente dans les actions de coopération multilatérale : réforme des administrations du secteur JAI, formation d'une police multiethnique macédonienne sous l'auspice de l'OSCE, organisation de plusieurs jumelages dans les domaines de la police, de l'administration pénitentiaire mais aussi des questions d'asile, de migration et de politique des visas.

Pour ce qui est des dispositions techniques de la Convention, le Rapporteur a relevé que celles-ci s'inspirent très largement du modèle de l'OCDE. La Convention pose le principe de l'imposition des revenus immobiliers dans l'Etat où se situent les biens. S'agissant des revenus liés à un emploi, le principe de l'imposition dans l'Etat d'activité prévaut sauf, comme cela est l'usage dans ce genre de convention, en cas de séjour de moins de 183 jours dans l'Etat d'exercice.

Toutefois, quelques stipulations de cette Convention fiscale s'écartent du modèle de l'OCDE. Ainsi, à la demande de la Macédoine, le transport routier a été inclus dans le champ d'application du « trafic international » car les trafics maritime et aérien sont quasi inexistants dans ce pays.

La France, de son côté, a notamment souhaité inclure les sociétés de personnes dans le champ d'application de la Convention lorsque celles-ci ont leur siège de direction effective sur le territoire français. Celles-ci sont soumises au régime fiscal prévu par l'article 8 du code général des impôts qui prévoit que les associés de telles sociétés sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. Surtout, la clause, voulue par la France, visant à éliminer les doubles impositions permet à notre pays d'appliquer sa législation interne relative aux filiales ou établissements étrangers de sociétés françaises établies dans des Etats ou territoires à fiscalité privilégiée. Cette disposition est particulièrement importante dans le cas de la Macédoine puisque le taux de son impôt sur les sociétés n'est que de 15 %.

M. Loïc Bouvard a, ensuite, souligné que cette Convention fiscale revêtait un aspect important aux yeux de la partie macédonienne. Il a, en effet, rappelé que les négociations avaient été engagées à la demande de Skopje dans un souci de reconnaissance internationale, alors que l'ancienne convention fiscale franco-yougoslave du 28 mars 1974 avait été maintenue en vigueur par échange de lettres diplomatiques en 1996. Aussi les procédures requises pour l'entrée en vigueur du présent traité ont-elles été rapidement menées à bien du côté macédonien puisque le Parlement l'a ratifié dès le 15 avril 1999. Du côté français, le processus de ratification a été plus lent du fait des incertitudes suscitées par la crise qu'a connue la Macédoine en 2001.

Enfin, il a observé que, pour la France, l'intérêt d'une telle convention ne se mesurait pas tant à l'aune du nombre de personnes physiques et morales potentiellement visées mais du point de vue de la sécurité juridique qu'elle apportera à nos échanges économiques, lesquels, de ce fait, devraient être amenés à progresser.

M. Jean-Jacques Guillet a interrogé le Rapporteur sur la question du nom officiel de la Macédoine et sur l'état des relations entre cet Etat et la Grèce.

M. Loïc Bouvard a fait observer que la Macédoine était internationalement reconnue sous le nom d'ARYM, acronyme d'Ancienne République Yougoslave de Macédoine.

Faisant remarquer que le projet de loi soumis à l'examen de la Commission des Affaires étrangères mentionnait le « Gouvernement macédonien », le Président Edouard Balladur s'est étonné que la couverture du texte distribué aux députés sous le numéro 549 porte le titre « Convention fiscale avec la République de Macédoine » et a demandé qu'il soit rectifié pour être conforme au texte transmis par le Gouvernement.

M. Loïc Bouvard a indiqué que la Grèce était le premier investisseur et partenaire commercial de la Macédoine. La Grèce a participé aux opérations de l'OTAN et à la mission « Concordia » de l'Union européenne. S'agissant de la querelle sur le nom, selon les responsables grecs, Athènes reste disposée à parvenir à un accord. Les termes d'un possible compromis tournent autour des appellations géographiques « Haute Macédoine » ou « Nouvelle Macédoine », mais les pourparlers n'aboutissent pas.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 549).

Conventions et accord d'assistance mutuelle douanière avec l'Argentine, le Surinam et Malte

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Paul Bacquet, suppléant M. René Rouquet, empêché, le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistante administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine pour la prévention, la recherche et la sanction des infractions douanières, signée à Paris le 31 janvier 2001 (n° 1147), le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Surinam pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières, signée à Paramaribo le 25 octobre 2000 (n° 1148) et le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Malte pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières, signé à Malte le 14 novembre 2001 (n° 1150).

M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur, a tout d'abord indiqué que les trois projets de loi dont la Commission des Affaires étrangères était saisie avaient pour objet d'autoriser l'approbation de trois conventions d'assistance administrative mutuelle en matière douanière, que la France a signées avec la République du Surinam le 25 octobre 2000, l'Argentine le 31 janvier 2001 et Malte le 14 novembre 2001.

Ces trois accords visent à renforcer l'efficacité des administrations douanières respectives dans la lutte contre les fraudes douanières en instaurant une coopération permettant de faciliter la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières, notamment dans le domaine de la lutte contre le trafic de stupéfiants.

En effet, dans la majeure partie des cas, les infractions douanières impliquent des actes préparatoires ou de complicité commis à l'étranger qui risquent de rester impunis dans le pays où ils ont été perpétrés, faute de pouvoir recueillir les éléments permettant d'apporter la preuve juridique de leur existence. En outre, la complexité des circuits commerciaux et financiers, ainsi que le développement des échanges internationaux sont à l'origine de la sophistication et de l'accroissement des infractions douanières.

Dans ces conditions et en l'absence de coopération internationale, la lutte contre la fraude douanière donnerait peu de résultats et resterait inefficace. C'est l'échange de renseignements entre administrations douanières, qu'il soit spontané ou transmis à la suite d'une demande, qui constitue l'un des instruments privilégiés de la coopération administrative douanière.

Les trois accords vont ainsi permettre la mise en œuvre des modalités de coopération suivante :

- l'échange d'informations et la communication, spontanée ou sur demande écrite, de renseignements dont les administrations douanières disposent concernant les opérations irrégulières ou paraissant présenter un caractère frauduleux, les nouvelles méthodes de fraude, les personnes susceptibles de commettre des infractions, les moyens de transport suspectés d'être utilisés pour commettre des infractions douanières, etc. ;

- sur demande expresse de l'une des deux administrations douanières, une surveillance spéciale des opérations suspectes ;

- le recours aux livraisons surveillées internationales de produits stupéfiants. Cette méthode consiste à permettre la sortie ou le passage par le territoire d'un ou de plusieurs pays de stupéfiants ou de substances psychotropes ou encore de substances fréquemment utilisées dans la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes, au su et sous le contrôle des autorités douanières en vue de constater les infractions douanières liées à l'importation, à l'exportation ou à la détention de ces produits et d'identifier les personnes impliquées dans la commission de ces infractions ;

- la possibilité, pour l'une des administrations, de procéder à des enquêtes à la demande de l'autre partie ;

- la possibilité d'utiliser devant les tribunaux les renseignements reçus et les documents produits ;

- la possibilité pour les agents des douanes d'un des deux Etats contractants de comparaître devant les tribunaux de l'autre Etat en tant que témoins ou experts ;

- la possibilité pour les agents des douanes d'être présents lors des enquêtes menées par la douane de l'autre Etat ;

- plus spécifiquement pour l'accord avec Malte, l'article 14 prévoit la définition, par voie d'arrangements administratifs, de mesures de coopération technique mutuelle.

Concernant les principaux courants de fraudes entre la France et ces trois pays, M. Jean-Paul Bacquet a tout d'abord souligné que l'Argentine apparaissait depuis deux ans comme une plateforme stratégique d'exportation, à partir des ports et des aéroports, des stupéfiants à destination de l'Europe. Les dossiers commerciaux concernent des soupçons de fraude sur les procédures douanières et les législations fiscale, douanière, sanitaire, etc.

S'agissant de Malte, il convient de rappeler le contexte général. En effet l'île possède une tradition marchande très ancienne qui a favorisé le développement d'un port franc au nord, servant d'escale aux conteneurs en provenance de l'Orient (Turquie, Chypre...). Actuellement, les trafics concernent principalement les cigarettes qui transitent hors taxes, ainsi que les articles de contrefaçon, notamment originaires de Turquie et de Chine. Cependant, il n'est pas possible de quantifier les retombées néfastes de ce trafic pour la France.

Enfin, les relations franco-surinamiennes sont appelées à se développer compte tenu des enjeux de lutte contre la fraude en matière douanière, notamment pour la lutte contre les trafics et, plus spécialement, le trafic illicite de stupéfiants. Les thèmes majeurs de la coopération qui semblent se mettre en place ont trait à l'insécurité, l'immigration, les stupéfiants, la contrebande. La majorité des affaires réalisées en France concerne des saisies de cocaïne sur des passeurs, originaires du Surinam mais souvent résidant aux Pays-Bas et de nationalité néerlandaise.

En conclusion, M. Jean-Paul Bacquet a recommandé l'adoption des trois présents projets de loi.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 1147, 1148 et 1150).

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· Macédoine

· Argentine

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· Surinam


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