COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 22

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 16 décembre 2003
(Séance de 17 heures 45)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

page


- Proposition de résolution sur la création d'une commission d'enquête sur le rôle de la France dans le     soutien aux régimes militaires d'Amérique latine entre 1973 et 1984 (n° 1060) - rapport

- Présentation des conclusions du Sommet de Naples sur le processus euroméditerranéen

- Accord France-Nations unies sur l'exécution des peines prononcées par le TPI pour le Rwanda (n° 1149) -     rapport

- Accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale (n° 1284) - rapport

- Accord France-Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires sur les installations de     surveillance internationale (n° 1283) - rapport

- Traité France-Royaume-Uni relatif aux contrôles dans les ports maritimes de la Manche et de la mer du     Nord (n° 1246) - rapport


3

5
7

9

11

12

Proposition de résolution sur la création d'une commission d'enquête sur le rôle de la France dans le soutien aux régimes militaires d'Amérique latine entre 1973 et 1984

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Roland Blum, la proposition de résolution de M. Noël Mamère, Mme Martine Billard et M. Yves Cochet tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle de la France dans le soutien aux régimes militaires d'Amérique latine entre 1973 et 1984 (n° 1060).

M. Roland Blum, Rapporteur, a indiqué que le commission était saisie d'une proposition de résolution, présentée par M. Noël Mamère, Mme Martine Billard et M. Yves Cochet, tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle qu'aurait joué la France dans le soutien aux régimes militaires d'Amérique latine entre 1973 et 1984.

Le Rapporteur s'est d'abord prononcé sur la recevabilité de la proposition de résolution. Il est tout d'abord nécessaire de déterminer avec précision, dans la proposition de résolution, les faits pouvant donner lieu à enquête. En l'occurrence, les auteurs de la proposition souhaitent que soient recueillis des éléments d'information sur la politique de la France et de son armée à l'égard des dictatures d'Amérique latine entre 1973 et 1984. On peut donc considérer que les faits pouvant donner lieu à enquête sont formulés de façon suffisamment précise, notamment en ce qui concerne leurs auteurs ainsi que la période concernée. Seule la référence à des accords de coopération entre la France d'une part, le Chili, l'Argentine et le Brésil d'autre part, est inexacte : aucun accord de coopération militaire n'ayant été signé à l'époque considérée avec un pays d'Amérique latine.

Une seconde exigence concerne la mise en œuvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Certes des informations judiciaires ont été ouvertes à l'encontre de militaires sud-américains en raison de leur comportement criminel pendant les années de dictature et des auditions, en tant que témoins, des représentants des autorités françaises ont été demandées dans le cadre de procédures de disparition, mais aucune procédure n'a été ouverte sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition de résolution. Le Rapporteur a donc estimé que la proposition de résolution n'était pas irrecevable.

M. Roland Blum s'est ensuite interrogé sur l'opportunité de créer une commission d'enquête. Il a considéré que constituait un raccourci abusif le raisonnement selon lequel les méthodes de la guerre anti-subversive auraient été élaborées par les militaires français pendant les guerres d'Indochine et d'Algérie, puis auraient été utilisées par les dictatures latino-américaines qui les auraient apprises de leurs homologues français. En effet, les atrocités commises pendant cette période ne réclamaient aucune formation et relevaient uniquement de la responsabilité de leurs auteurs.

En ce qui concerne la période 1973-1984 elle-même, période pendant laquelle la France aurait joué un double jeu en soutenant en sous-main les dictatures latino-américaines, M. Roland Blum a estimé qu'aucun élément concret ne venait étayer cette affirmation gratuite.

Tout d'abord, la politique française à l'égard de l'Amérique latine fut à l'époque dépourvue de toute ambiguïté. Au-delà des condamnations verbales de ces régimes, la France agissait concrètement en accueillant massivement les réfugiés politiques issus de ces pays et en oeuvrant pour faire la vérité sur les nombreux disparus de nationalité française.

Certes, il n'est pas inenvisageable que des personnes de nationalité française aient pu participer à des activités de répression, mais si cela a été le cas, ce fut à titre individuel : de tels comportements ne relevant pas alors d'une commission d'enquête, mais de la justice. D'ailleurs, les ressortissants français concernés étaient des anciens de l'OAS, qui faisaient alors l'objet d'une condamnation en France.

Le Rapporteur a donc estimé que les allégations portant sur le rôle de la France en Amérique latine dans les années 1970 étaient sans fondement sérieux et a conclu au rejet de la proposition de résolution n°1060.

M. Noël Mamère a fait part de son désaccord sur les arguments plutôt sélectifs avancés par le Rapporteur. En effet, l'exposé des motifs de la présente proposition de résolution ne comporte pas simplement des allusions à des anciens de l'OAS mais cite dans le film de Marie Monique Robin les déclarations du général Aussaresse. Celui-ci était attaché militaire de l'ambassade de France au Brésil de 1973 à 1975 et dit clairement, dans ce film, le rôle qu'il a joué dans la formation des escadrons de la mort. Par ailleurs, Pierre Messmer confirme dans ce film qu'il y a bien eu une coopération militaire entre la France et des pays d'Amérique latine, avec formation axée sur l'enseignement de la guerre contre la Révolution, assurée par des anciens d'Algérie.

Dans ces conditions, M. Noël Mamère a estimé que la demande de création d'une commission d'enquête restait fondée et que les arguments avancés par le Rapporteur n'étaient ni valables, ni justifiés. Leur seul objectif est d'éviter de faire la lumière et de travestir la vérité. Dans le cas où le vote de la Commission des Affaires étrangères concluerait au rejet de la présente proposition de résolution, il a demandé que soit créée une mission d'information sur ce sujet.

M. François Loncle a insisté sur le fait qu'il s'agissait d'une entreprise de formation et d'enseignement initiée par des personnalités avec des pouvoirs civils ou militaires, qui avouent largement dans le film ce qu'affirme l'exposé des motifs de la proposition de résolution. Ces personnalités sont le général Bigeard, le général Aussaresse et Pierre Messmer.

Le Président Edouard Balladur s'est étonné qu'on puisse dire que Pierre Messmer ait pu parler d'initiation à la torture.

M. François Loncle a répondu que celui-ci reconnaissait dans le film avoir envoyé des missions et il a souligné l'intérêt pour les membres de la Commission des Affaires étrangères de visionner ce documentaire.

M. Gilbert Gantier a demandé quels faits nouveaux avaient amené à demander cette commission d'enquête et pourquoi elle n'avait pas été demandée au cours de la législature précédente.

M. Noël Mamère a répondu que le film de Marie Monique Robin datait du 1er septembre 2003 et qu'en la matière la presse avait fait son travail, chose que les politiques n'avaient pas voulu faire.

M. François Loncle a précisé qu'un vote du Sénat chilien avait exprimé le souhait que la France crée cette commission d'enquête.

M. Noël Mamère a ajouté que le Sénat chilien demandait également qu'une commission d'enquête sur ce même sujet soit créée au Chili.

M. Henri Sicre a souligné que la France devait créer cette commission d'enquête au titre du respect amical dû au Chili et que la Commission des Affaires étrangères s'honorerait en visionnant ce film et éventuellement en créant une mission d'information.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a rejeté la proposition de résolution (n° 1060).

La création d'une commission d'enquête ayant été rejetée, le Président Edouard Balladur a indiqué que la demande d'une mission d'information sur ce sujet serait soumise au bureau de la Commission des Affaires étrangères.

Présentation des conclusions du sommet de Naples sur le processus euroméditerranéen

Après les conclusions du Sommet de Naples, la Commission des Affaires étrangères a poursuivi l'examen du rapport de la Mission d'information sur l'avenir du processus euroméditerranéen, commencé au cours de la réunion du 20 novembre dernier.

M. Roland Blum a indiqué que la VIème Conférence euroméditerranéenne, tenue à Naples les 2 et 3 décembre 2003, avait pris des décisions concernant trois questions importantes.

Les ministres ont entériné la création de l'Assemblée parlementaire Euromed, qui avait été décidée par le Forum parlementaire réuni à Naples le 2 décembre. La future assemblée, qui aura un rôle consultatif et de recommandation, comptera 240 députés, dont 120 proviendront des pays partenaires de la Méditerranée et 120 de l'Union européenne, dont 75 désignés par les Parlements nationaux et 45 par le Parlement européen. L'Assemblée se réunira en session plénière au moins une fois par an. Sa première réunion devrait avoir lieu en Grèce au premier semestre 2004.

Les ministres ont préféré retenir la solution du renforcement de la Facilité euroméditerranéenne d'investissement et de partenariat (Femip), plutôt que de décider la création d'une banque filiale de la BEI comme l'avaient souhaité quelques Etats méditerranéens (Algérie, Tunisie, Egypte), option qui correspondait aussi à la préférence des membres de la mission constituée au sein de la Commission des Affaires étrangères, mais a été jugée prématurée.

Les ministres ont considéré que la Femip renforcée constituerait un bon soutien au secteur privé et l'ont dotée de trois nouveaux éléments favorables :

- une enveloppe financière spéciale plus étendue pour les opérations de partage des risques à concurrence d'un milliard d'euros ; les Quinze ont annoncé qu'ils alloueraient jusqu'à 200 millions d'euros prélevés sur les réserves de la BEI ;

- la mise en place d'un fonds fiduciaire qui permettra à d'autres donateurs d'apporter des ressources complémentaires. Il pourrait bénéficier d'un budget de 20 à 30 millions d'euros et interviendrait dans des secteurs prioritaires (eau, électricité, transport, ressources humaines) ;

- une amélioration du dialogue Euromed sur le processus de réformes structurelles pour créer un environnement plus favorable aux activités du secteur privé. Une rencontre annuelle est envisagée au niveau des ministres des finances, préparée par un groupe d'experts.

Enfin, les ministres ont confirmé la création de la Fondation euroméditerranéenne pour le dialogue des cultures et des civilisations. Celle-ci devra jouer un rôle de « catalyseur » d'initiatives visant à développer le dialogue et la compréhension mutuelle. Elle sera organisée sous la forme d'un ensemble de réseaux doté d'une structure administrative légère, afin d'établir un dialogue régulier entre des cercles culturels différents des forums diplomatiques et culturels officiels.

Les ministres n'ont pas défini les modalités de financement de la fondation, ce qui est regrettable - mais l'Union européenne a annoncé un apport de cinq millions d'euros et a souhaité que les Etats membres de l'Union et leurs partenaires apportent un financement similaire pour permettre le lancement de la fondation. Plusieurs Etats membres - France, Italie, Espagne, Grèce et Allemagne - ont promis une contribution dont la totalité pourrait s'élever à quatre millions d'euros. Enfin, les pays partenaires pourraient apporter un million d'euros.

La question du siège de la Fondation est ouverte. Quatre villes sont candidates : Alexandrie, Rome, Nicosie et La Valette.

La Commission a autorisé la publication du rapport de la Mission d'information sur l'avenir du processus euroméditerranéen, incluant la présentation des conclusions du Sommet de Naples.

Accord France-Nations unies sur l'exécution des peines prononcées par le TPI pour le Rwanda

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Christian Philip, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (n° 1149).

M. Christian Philip a expliqué que ce projet de loi visait à autoriser l'approbation de l'accord entre la France et l'ONU concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) créé par la résolution 955 du Conseil de sécurité du 8 novembre 1994 « pour juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda, ainsi que les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'Etats voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 ».

Il a souligné les difficultés initiales de fonctionnement de cette juridiction, tenant à des problèmes logistiques considérables (construction de locaux achevés seulement en 1998, recrutement insuffisant de personnel, vacances de postes constantes) et à un système procédural initialement peu performant. De plus, le TPIR connaît des problèmes récurrents avec les autorités rwandaises qui entretiennent avec lui une relation ambiguë. Depuis trois ans, le fonctionnement plus rationnel du tribunal a permis d'accroître son activité, ce qui est nécessaire car les jugements de première instance doivent être rendus avant 2008 et les appels avant 2010. Des arrestations ont pu être effectuées grâce à l'aide des autorités judiciaires et policières des Etats où des suspects se trouvaient. A ce jour, 81 personnes ont été accusées, dont 66 arrêtées et 13 affaires ont été jugées. Plus de 1 300 décisions ont été rendues sur des questions juridiques de compétence, de procédure et de preuves.

M. Christian Philip a fait valoir que cet accord s'inscrivait dans une dynamique de coopération de la France avec le TPIR qui traduite par l'organisation d'auditions au profit du tribunal et par la satisfaction d'une dizaine de demandes de localisation de personnes transmises par le TPIR pour permettre leur audition en tant que témoins. La France a en outre accordé au TPIR une aide matérielle importante. Pour l'année 2002-2003, la France a versé 6,8 millions de dollars au TPIR. Auparavant, elle avait financé dès 1999, pour 1 million d'euros, l'aménagement audiovisuel de plusieurs salles d'audience, et contribué à l'équipement de la bibliothèque du tribunal. Des experts légistes français ont été envoyés et des actions de formation ont été diligentées.

Le Rapporteur a expliqué que l'initiative de cet accord revenait à Mme Navanethem Pillay, présidente du TPIR qui, lors de sa visite en France en mai 2000, avait souhaité qu'un accord d'exécution des peines, calqué sur celui qui venait alors d'être signé avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), puisse être conclu entre la France et le TPIR, même si l'option principale du TPIR est de faire exécuter les peines en Afrique. Le Mali, le Bénin et le Swaziland ont déjà négocié ce type d'accord. Toutefois, certains des condamnés ayant des attaches familiales en Europe, le tribunal a accepté l'idée que ces personnes pourraient accomplir leur peine hors d'Afrique. Des négociations, pour la plupart encore officieuses à ce stade, ont été ouvertes avec l'Italie, la Norvège, la Suède et la Belgique. L'accord avec la France est le premier et le seul conclu à ce jour.

M. Christian Philip a jugé que cet accord était respectueux du droit français, puisque les conditions d'exécution des peines relèveront des juridictions françaises. Il contient des dispositions classiques relatives à une procédure d'inspection périodique et impromptue des conditions de détention et du traitement des détenus par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Il est compatible, malgré une certaine ambiguïté, avec l'exercice du droit de grâce, puisque la France peut appliquer aux prisonniers les dispositions de son droit interne en matière carcérale, y compris celles ayant pour effet de modifier la durée de la peine. Si l'application de ces mesures n'est pas acceptable par la présidence du TPIR, le prisonnier est transféré hors du territoire français.

Le Rapporteur a estimé que ce projet de loi renforçant la coopération entre la France et le TPIR devait être approuvé, car il manifestait la solidarité à l'égard de la justice pénale internationale.

Le Président Edouard Balladur s'est déclaré surpris sur le plan juridique par les dispositions de l'accord concernant le droit de grâce, qui est inconditionnel, absolu et d'application immédiate. Il s'est étonné que l'accord confère au TPIR la possibilité de limiter les effets du droit de grâce en transférant le prisonnier hors de France. Il s'est demandé ce qu'il adviendrait de l'exercice de ce droit pour un prisonnier condamné à perpétuité alors que le TPIR n'existerait plus.

M. Christian Philip a confirmé que le TPIR n'existerait vraisemblablement plus après 2010, une résolution du Conseil de sécurité devant vraisemblablement prévoir l'hypothèse évoquée par le Président Edouard Balladur au moment de la dissolution du TPIR.

S'agissant du droit de grâce, il a expliqué qu'une concertation aurait lieu entre la France et le TPIR avant que ne soit prise une telle mesure. En cas de désaccord, le TPIR retirerait le prisonnier avant l'exercice du droit de grâce.

Le Président Edouard Balladur a observé que, dans cette hypothèse, le TPIR fonctionnerait comme un juge d'application des peines

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1149).

Accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale

La Commission a examiné, sur le rapport de M. François Loncle, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale (n° 1284).

M. François Loncle a présenté le projet de loi concernant la ratification de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour Pénale internationale (CPI) signé le 9 septembre 2002 à New York par 41 Etats. Cet accord n'est pas encore en vigueur puisque dix ratifications sont nécessaires et pour l'instant, seuls la Norvège et Trinité et Tobago l'ont ratifié.

Il a expliqué que depuis le 1er juillet 2002, date d'entrée en vigueur du Statut de Rome instaurant la Cour pénale internationale (CPI), les Etats-Unis, qui ont retiré leur signature le 8 mars 2002, ont multiplié les pressions pour soustraire leurs nationaux à la juridiction de cette Cour, leur objectif étant d'obtenir une immunité en faveur de leurs ressortissants et agents officiels, car ils estiment les garanties du statut insuffisantes.

Le Congrès américain a ainsi adopté, au cours de l'été 2002, « l'American Service members Protection Act », qui vise à garantir une immunité de juridiction devant la CPI aux personnels militaires ou agents officiels du Gouvernement des Etats-Unis. Les Américains se sont par ailleurs attachés à garantir l'immunité de juridiction en obtenant le vote par le Conseil de sécurité de la résolution 1422 qui permet à cette instance de surseoir à une enquête ou à la poursuite d'une personne, au cas par cas et de façon limitée et confère une immunité absolue pendant une période de un an aux ressortissants d'Etats non parties au Statut agissant dans le cadre d'opérations de maintien de la paix. Parallèlement, les Etats-Unis ont conclu des accords bilatéraux avec près de 70 Etats. Ainsi, alors qu'un Etat partie pourrait avoir l'obligation de remettre à la Cour un ressortissant américain, ce dernier sera, du fait de cet accord bilatéral, transféré devant les juridictions américaines.

Néanmoins, la CPI s'est progressivement mise en place. Elle a été dotée d'un budget de 39,4 millions de dollars pour la première année. Depuis le 1er juillet 2002, la CPI a une existence juridique.

S'agissant du rôle de la France au sein de la CPI, la délégation française a été une des plus actives, à l'origine de nombreuses dispositions notamment du règlement de procédure et de preuve, de l'accord entre la Cour pénale et les Nations unies et du règlement financier de la Cour auquel la France apporte une attention toute particulière en tant que deuxième contributeur au budget de celle-ci avec 12,8 %, juste après l'Allemagne. La contribution française à la CPI s'est élevée à 2 607 036 euros en 2003 et s'élèvera à 5 509 377 euros en 2004. Le 26 février 2002, la loi relative à la coopération avec la Cour pénale internationale a été promulguée. En revanche, la France n'a pas encore adapté sa législation pénale au statut de la CPI. En effet, le crime de guerre prévu par l'article 8 du Statut de Rome n'existe pas en tant que tel en droit français. Elle est pour l'instant le seul pays à avoir utilisé la possibilité de décliner la compétence de la CPI pour les crimes de guerre malgré l'opposition des parlementaires.

M. François Loncle a expliqué que l'accord signé à New York le 9 septembre 2002 s'insérait dans le contexte de la coopération de la France avec la CPI. Il s'agit d'un accord de privilèges et immunités assez classique, dont la négociation n'a pas mis en lumière de difficultés particulières.

La personnalité juridique internationale et la capacité juridique de la CPI sont rappelées dans le préambule, les articles 2 à 11 énumèrent les privilèges et immunités habituellement consentis à de telles juridictions, telles que la capacité de contracter, d'acquérir et d'aliéner des biens immobiliers et mobiliers, d'ester en justice, l'inviolabilité des locaux de la Cour, etc.

Les immunités et privilèges reconnus aux personnels de la Cour sont liés à leurs fonctions respectives. Il appartient au greffier d'en notifier périodiquement la liste aux Etats.

Le procureur, les juges, les procureurs adjoints et le greffier jouissent des privilèges et immunités accordés aux chefs de missions diplomatiques. Les autres bénéficient d'immunités plus limitées, liées à la durée de leur mandat : l'immunité d'arrestation, de détention, de saisie de leurs bagages, l'immunité absolue de juridiction pour les paroles, écrits et actes accomplis dans le cadre de leurs fonctions, l'inviolabilité de leurs documents, l'exonération d'impôt de leurs traitements.

Des dispositions novatrices assurent la protection des collaborateurs occasionnels de la Cour pénale internationale et concernent les conseils de défense, leurs collaborateurs et les témoins.

Le Rapporteur a enfin indiqué que, dans le cadre de la ratification de cet accord, le Sénat avait adopté un article additionnel présenté par le Gouvernement relatif aux privilèges et immunités des Nations unies. En effet, à l'occasion d'un litige du travail opposant le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR) à un de ses collaborateurs, la question de la légalité du décret ratifiant l'adhésion de la France à la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies a été soumise au Conseil d'Etat, qui, par décision en date du 16 juin 2003, l'a déclaré illégal au motif que la ratification n'avait pas été autorisée par la loi. De ce fait, cette convention n'est plus applicable en France qui cependant, demeure liée par elle. Il convient donc de régulariser cette situation en votant l'article 2 de ce projet de loi.

En conclusion, M. François Loncle s'est déclaré favorable à l'adoption du projet de loi qui conforte la Cour pénale internationale.

M. Roland Blum a estimé que le retrait des Etats-Unis de la liste des Etats signataires de la convention portant statut de la Cour pénale internationale et la signature par ce même pays de 70 accords bilatéraux garantissant que les militaires américains ne puissent être déférés devant la Cour contribuaient à vider celle-ci de sa substance, voire même remettaient en cause sa raison d'être.

M. Richard Cazenave a souhaité obtenir la liste des 70 Etats ayant signé un accord bilatéral avec les Etats-Unis.

M. François Loncle s'est déclaré plus optimiste en rappelant que le Statut de Rome avait été signé par 139 Etats dont les quinze membres de l'Union européenne et les dix pays candidats, et que 93 Etats l'avaient ratifié.

Selon lui, l'opposition des Etats-Unis ne devrait pas être permanente, même si près de 70 Etats, dont la liste figure en annexe du rapport, ont signé des accords bilatéraux excluant la compétence de la CPI pour les ressortissants américains. Déjà se dessine à propos de l'Irak une volonté de recourir à la justice internationale.

Il a fait valoir que la CPI trouverait les moyens de fonctionner comme le montre le fait que le Procureur ait décidé de suivre attentivement la situation très préoccupante en Ituri (RDC), un certain nombre d'actes qui lui on été rapportés pouvant être constitutifs de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a successivement adopté l'article 1er, l'article 2 et le projet de loi (n° 1284).

Accord France-Commission préparatoire OTICE sur les installations de surveillance internationale

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Richard Cazenave, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Commission préparatoire de l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires sur la conduite des activités relatives aux installations de surveillance internationale, y compris les activités postérieures à la certification (ensemble une annexe) (n° 1283).

M. Richard Cazenave, Rapporteur, a indiqué que la France et la Commission préparatoire de l'Organisation du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (OTICE) avaient conclu, le 13 juillet 2001, un accord sur la conduite des activités relatives aux installations de surveillance internationale, y compris les activités postérieures à la certification.

Si le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE), ratifié par la France en avril 1998, n'est toujours pas entré en vigueur, les signataires ont créé dès 1996 un Comité préparatoire de l'OTICE, afin de palier la difficulté causée par le retard dans la mise en œuvre du Traité. En effet, la rédaction de ce Traité comportait un défaut, même s'il était assumé, celui de conditionner son entrée en vigueur à la signature et à la ratification du Traité par les 44 Etats membres de la Conférence du désarmement qui possèdent des capacités nucléaires, de recherche ou de production d'énergie (Etats dits « de l'annexe 2 »). Or, la Corée du Nord, l'Inde et le Pakistan ne l'ont pas signé, et neuf autres de ces Etats ne l'ont pas ratifié, dont les Etats-Unis, suite à un vote très serré au Sénat en octobre 1999.

M. Richard Cazenave a rappelé que la France avait joué un rôle important dans les négociations qui ont abouti à l'adoption du Traité en proposant notamment « l'option zéro », c'est-à-dire l'interdiction complète des essais nucléaires quelle que soit leur puissance. En outre, la France a beaucoup insisté pour que l'interdiction établie par le Traité fasse l'objet d'un mécanisme de vérification : elle a ainsi mis à la disposition de la future Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (OTICE) 17 installations faisant partie du réseau de surveillance internationale prévu par le Traité (15 en outre-mer, 2 en métropole, dont le laboratoire du CEA de Bruyères-le-Châtel dans l'Essonne).

Dans la mesure où le TICE n'est toujours pas entré en vigueur, l'organisation chargée d'en surveiller l'application, l'OTICE, n'a donc toujours pas vu le jour. Mais, une Commission préparatoire de l'OTICE, assistée d'un secrétariat technique provisoire, a été mise en place afin de préparer le système de vérification prévu par le Traité, lorsque celui-ci entrera en vigueur. En signant l'accord examiné aujourd'hui, la France a donc voulu faciliter les activités du secrétariat technique provisoire.

M. Richard Cazenave a ensuite précisé que l'accord, signé le 13 juillet 2001, entre la France et la Commission préparatoire de l'OTICE, visait à déterminer les modalités d'organisation des activités de surveillance exercées par le Secrétariat technique provisoire dans les 17 installations du système de surveillance internationale situées sur le territoire français. L'accord prévoit notamment le mode de constitution des équipes envoyées en France par le Secrétariat technique provisoire, le statut juridique et fiscal de ces équipes, les délais de préavis...

Dans la mesure où la ratification de l'accord du 13 juillet 2001 contribuera au bon fonctionnement de la Commission préparatoire de l'OTICE, le Rapporteur a donc recommandé l'adoption du projet de loi n°1283.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1283).

Traité France-Royaume-Uni relatif aux contrôles dans les ports maritimes de la Manche et de la Mer du Nord

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Louis Guédon, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du traité entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la mise en œuvre de contrôles frontaliers dans les ports maritimes de la Manche et de la mer du Nord des deux pays (n° 1246).

M. Louis Guédon a rappelé que le Royaume-Uni faisait face, depuis environ cinq ans, à une augmentation considérable de l'immigration clandestine qui prend souvent la forme de demandes d'asile adressées aux autorités britanniques dont le nombre est passé de 71 300 en 2001 à 84 130 en 2002.

Quant à l'immigration clandestine, elle était évaluée en 2000 à 180 000 personnes, les principales nationalités représentées étant des Afghans, des Iraniens, des Kurdes de Turquie, des Albanais du Kosovo, des Chinois et des Sri Lankais.

L'attractivité du territoire britannique a donc des conséquences pour la région côtière française qui est de ce fait un lieu de transit important.

Le Rapporteur a indiqué que le Royaume-Uni, en réaction à l'augmentation de l'immigration clandestine, avait adopté de nouvelles législations plus contraignantes, comme la loi relative à l'asile et à l'immigration de 2002, qui renforce le dispositif datant de 1971. Les autorités britanniques s'attaquent en outre successivement aux différentes routes, maritime et ferroviaire, de l'immigration. Le protocole de Sangatte de 1991 et son protocole additionnel de 2000 ont mis en place un dispositif de contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire transmanche. Il s'agit, avec ce nouveau texte, d'étendre aux ports maritimes le système de contrôle mis en place pour le trafic ferroviaire.

Le flux des passagers entre la France et le Royaume-Uni s'est élevé, en 2002, à 15 millions de personnes, avec un pic en août de 59 500 passagers par jour.

L'importance du trafic de passagers, et en particulier dans le port de Calais, fait qu'il est aujourd'hui impossible de mener à bien des contrôles de police « à 100% », faute de pouvoir mobiliser en permanence des personnels en nombre suffisant. Pourtant, la convention de Schengen impose un contrôle exhaustif des personnes franchissant une frontière extérieure de l'espace Schengen, notamment pour prononcer un refus d'entrée à l'encontre des personnes faisant l'objet d'un signalement ou pour interpeller les personnes recherchées. C'est pourquoi la commission de contrôle Schengen a estimé en 2002 que la France ne remplissait pas ses obligations.

Le traité prévoit, dans les zones de contrôle des ports maritimes de la Manche et de la Mer du Nord des deux pays, la création de Bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) qui permettent d'effectuer les contrôles policiers des deux pays frontaliers sur une même aire d'arrêt pour les véhicules.

Du côté français, deux bureaux seront ainsi créés. Le premier sera mis en service à Calais où existent déjà des pré-contrôles depuis la signature, en août 2002, d'un accord entre les ministres de l'Intérieur des deux pays. Le second bureau sera installé à Dunkerque. Le moindre trafic passager dans les autres ports ne justifie pas selon les Britanniques la création d'autres bureaux. Du côté britannique il est prévu la création d'un BCNJ à Douvres. Les contrôles effectués par ces BCNJ porteront tout à la fois sur les personnes, sur les véhicules et sur le fret.

Le traité s'accompagne de trois arrangements administratifs signés en novembre 2003 entre les autorités des deux pays. Le troisième arrangement prévoit la mise à disposition par le Royaume-Uni de matériels hautement performants pour la détection de personnes à l'intérieur des véhicules. Sept ports de la Manche et de la Mer du Nord en seront équipés (Cherbourg, Caen-Ouistreham, Calais, Dieppe, Dunkerque, Roscoff et Saint-Malo). Ces matériels, dont les autorités estiment que l'efficacité permet d'éviter d'ouvrir des bureaux communs dans les autres ports, seront utilisés par les compagnies de transport.

L'expérience acquise à Calais, où ces matériels de détection sont déjà utilisés depuis deux ans, a montré leur efficacité et leur supériorité sur les contrôles humains. A Calais, 6 300 voyageurs clandestins ont été interpellés entre janvier et octobre 2003. Il semble que la fiabilité de ce dispositif ait commencé à dissuader les immigrants, car le nombre de clandestins interpellés est tombé de 100 par jour en 2002 à 100 par mois en 2003.

Parallèlement à ces nouveaux équipements, la mise en œuvre du présent traité se traduira par un renfort d'effectifs, nécessaire pour permettre aux BCNJ de fonctionner 24 heures sur 24. C'est le ministère britannique de l'Intérieur qui fournit les personnels les plus nombreux : l'arrivée d'une centaine de fonctionnaires est prévue pour assurer les effectifs du BCNJ de Calais.

L'ensemble de ces renforts permettra d'assurer une efficacité accrue du contrôle des personnes mais il faut compter avec son corollaire : une inflation des interpellations et des procédures de réadmission, de déferrement et de reconduite à la frontière.

Le Rapporteur a donc appelé à la vigilance pour ce qui concerne l'affectation de personnels en nombre suffisant pour répondre à l'ensemble des tâches dévolues aux services de la police aux frontières.

Enfin, le traité clarifie le traitement des demandes d'asile entre les deux pays, en adoptant un système semblable à celui retenu pour les contrôles dans les gares ferroviaires. Si une personne émet une demande d'asile au cours d'un contrôle effectué en France par les agents britanniques et ce jusqu'avant le départ du navire, la demande sera examinée par les services français compétents. En revanche, si la demande est présentée après le départ du navire, ce sont les services britanniques qui s'en saisiront.

Le Rapporteur a souligné que les services de la police aux frontières avaient observé au cours de cette année une baisse importante, de 83 %, du flux de migrants dans le Pas-de-Calais, avec 95 000 interpellations au 1er décembre 2002, contre 16 000 seulement au 1er décembre 2003. Certes, cette baisse s'accompagne de déplacements des migrants vers d'autres points d'ancrage : le Havre, Dieppe, St Omer, Zeebrugge. Beaucoup de migrants font également l'objet d'interpellations sur les liaisons autoroutières.

Le Rapporteur a fait état de la diminution des Irakiens interpellés (5 000 au lieu de 33 000 en 2001, ainsi que des Afghans (1 143 au lieu de 43 300). Des émigrants d'autres nationalités sont cependant davantage représentés : + 728 % pour le Soudan, + 652 % pour les Vietnamiens, + 792 % pour les Palestiniens. Sont également plus nombreux les Indiens et les Chinois.

En conclusion, le Rapporteur a indiqué que le traité devrait permettre à la France, qui constitue sur sa façade ouest une frontière extérieure de l'espace Schengen, de mieux contrôler cette frontière. La présence de nombreux policiers britanniques dans les BCNJ augmentera l'efficacité des contrôles de personnes à la sortie de l'espace Schengen. Le traité devrait donc jouer son rôle de dissuasion et faire baisser durablement la pression migratoire dans le Pas-de-Calais à destination du Royaume-Uni.

M. Guy Lengagne a tout d'abord observé que cette situation découlait de la législation anglaise relative au statut des demandeurs d'asile très attractive pour les candidats à l'immigration. Les autorités britanniques ont demandé et obtenu la fermeture du centre de Sangatte, ce qui n'a pas fait disparaître le flux de migrants mais a entraîné sa dispersion dans toute la région.

En outre, le système des contrôles d'immigration réalisés en amont sur le territoire de l'Etat de départ, déjà appliqué à la gare du Nord par exemple pour l'embarquement sur Eurostar, risque d'être mal vu par les compagnies maritimes dans la mesure où les 50 000 passagers quotidiens vont certainement être perturbés par les contrôles successifs.

De même, il conviendrait d'être prudent devant les chiffres de l'immigration qui augmentent ou diminuent en fonction de l'évolution des conflits afghans, irakiens ou autres.

Enfin, certes ces mesures sont efficaces, mais, d'une façon concrète, les populations du Kosovo, d'Albanie ou d'Afghanistan par exemple fuient leur pays même si les contrôles aux frontières anglaises sont stricts et c'est la France qui doit gérer la situation créée par la difficulté de gagner le territoire britannique.

Le Président Edouard Balladur en a conclu que la solution résidait probablement dans l'adaptation de la législation actuellement applicable au Royaume-Uni.

M. Richard Cazenave a souligné qu'il revenait, dans l'espace Schengen, au premier Etat qui accueille les immigrants de traiter la question du droit d'asile. Dans ces conditions, la solution du problème se situe plus en amont car ces clandestins entrent sur le territoire français en provenance d'autres pays de l'Union européenne.

M. Guy Lengagne a cependant indiqué que la plupart de ces immigrants ne souhaitaient pas rester en France mais désiraient aller au Royaume-Uni, aussi ne présentent-ils pas de demandes d'asile en France.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1246).

_____

· Processus euroméditerranéen

· Amérique latine

· Rwanda

· Cour pénale internationale

· Essais nucléaires

· Royaume-Uni


© Assemblée nationale