COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 50

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 2 juin 2004
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Approbation du protocole sur l'eau et la santé à la convention de 1992 sur la protection et     l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux (n° 1349) - rapport

- Approbation de la convention européenne du paysage (n° 1326) - rapport
- Approbation du protocole modifiant la convention portant création d'un office européen de police     (Europol) (n° 1348) - rapport

- Approbation des protocoles d'application de la convention alpine du 7 novembre 1991 dans le     domaine de la protection de la nature et de l'entretien des paysages (n° 813) - rapport



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Approbation du protocole sur l'eau et la santé à la convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Guy Lengagne, le projet de loi n° 1349 autorisant l'approbation du protocole sur l'eau et la santé à la convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux.

M. Guy Lengagne, Rapporteur, a indiqué que le protocole sur l'eau et la santé, dont la Commission était saisie, avait été adopté à Londres le 17 juin 1999 lors de la troisième conférence ministérielle européenne sur l'environnement et la santé. Ce protocole complète la convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux. Il a été élaboré par les 36 Parties à la convention de 1992 et par les Etats membres du comité régional de l'Organisation mondiale de la santé pour l'Europe en concertation avec la Commission européenne.

La convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux a été adoptée à Helsinki en 1992 et l'ONU en est le dépositaire. Entrée en vigueur en 1996, elle a été ratifiée par la France en 1998. Elle vise pour l'essentiel à renforcer les mesures prises à l'échelon national et international pour prévenir, maîtriser et réduire les rejets de substances dangereuses dans l'environnement aquatique et diminuer la pollution d'origine tellurique du milieu marin, en particulier dans les zones côtières.

Le protocole à la convention de 1992 vise à élargir le champ d'application de cette dernière sans en modifier les principes constitutifs. L'objectif de ce texte est de prévenir, combattre et faire reculer les maladies liées à l'eau en promouvant une collaboration entre les Parties en matière de gestion de l'eau et de protection de la santé et de l'environnement. Il ne porte donc plus uniquement sur les eaux transfrontières, mais sur l'ensemble des ressources en eau de chaque Etat partie.

Dans ce cadre, les Parties sont invitées à prendre toutes les mesures propres à prévenir et à combattre les maladies liées à l'eau en assurant un approvisionnement adéquat en eau potable et en offrant un assainissement de qualité. Le protocole reprend par ailleurs les mêmes principes que ceux contenus par la convention de 1992, à savoir le principe du pollueur-payeur, le principe de précaution, le principe d'information et de participation du public et l'évaluation des mesures prises.

Selon l'étude d'impact transmise par le Gouvernement, compte tenu du droit existant et des nombreuses directives communautaires applicables en la matière, le protocole ne crée pas d'obligation juridique nouvelle à l'égard de la France, d'autant que celle-ci s'apprête à transposer la directive établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau. De fait, ce protocole est principalement destiné à fournir aux pays d'Europe centrale et orientale un cadre juridique leur permettant de réduire l'incidence des maladies d'origine hydrique, qui s'expliquent par la vétusté de leurs réseaux de distribution d'eau et par des capacités insuffisantes en matière d'assainissement.

Si notre pays est doté d'un réel savoir-faire en la matière, grâce à ses grandes entreprises et à la pratique de la gestion déléguée du service public de l'eau, il ne faut pas oublier pour autant que dans certaines régions la ressource en eau se raréfie en période de canicule, ou qu'elle est, comme en Bretagne, impropre à la consommation en raison des pollutions d'origine agricole. Il convient donc de ne pas nous reposer sur nos lauriers et l'examen de ce projet de loi permet de rappeler le caractère extrêmement sensible de l'accès à l'eau pour nos concitoyens.

Enfin, le Rapporteur s'est interrogé sur l'utilisation des termes de ratification et d'approbation en estimant qu'il y avait un manque de rigueur en la matière. Il a ensuite proposé d'adopter le présent projet de loi.

Le Président Edouard Balladur a demandé quel était le champ d'application géographique de ce protocole.

Le Rapporteur a répondu qu'il était ouvert à la signature des parties à la convention de 1992 - soit 35 Etats et la Communauté européenne - ainsi qu'aux membres de la région européenne de l'OMS.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 1349).

Approbation de la convention européenne du paysage

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Roland Blum, le projet de loi n° 1326 autorisant l'approbation de la convention européenne du paysage.

M. Roland Blum, Rapporteur, a déclaré que la convention, dont la Commission était saisie, avait été adoptée par le Conseil de l'Europe à Strasbourg le 19 juillet 2000. Elle a ensuite été signée par la France le 20 octobre 2000 à Florence. Elle résulte de propositions élaborées par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe en 1994, faisant suite à la Charte du paysage méditerranéen. Cette convention constitue le premier instrument européen spécialement consacré au paysage. Elle vient ainsi compléter les différents instruments de protection du patrimoine et de l'environnement existants.

A ce jour, la notion de paysage n'est que partiellement prise en compte par le droit international. Ainsi, la convention de l'UNESCO de 1972 concernant le patrimoine mondial culturel et naturel ne protège que les sites ayant une valeur universelle exceptionnelle, ce qui demeure particulièrement restrictif. Par ailleurs, certaines conventions régionales comportent des mesures de protection du paysage, mais elles ont un champ d'application territorialement limité. Quant aux conventions sur l'environnement existantes, elles mentionnent le paysage sans en donner de définition précise. La convention adoptée par le Conseil de l'Europe comble donc une lacune du droit international.

Tout d'abord, la convention, dans son préambule, fait explicitement référence à la notion de développement durable et elle affirme la nécessité de protéger le paysage en ce qu'il constitue une ressource commune qu'il convient de protéger, de gérer et d'aménager dans le cadre d'une coopération entre pays européens. Ensuite, elle apporte une définition précise du paysage, lui donnant ainsi une véritable dimension juridique. Enfin, elle définit également les notions de « politique du paysage » et « d'objectifs de qualité paysagère ». La convention doit s'appliquer à l'ensemble du territoire de chaque Etat partie et elle concerne aussi bien les espaces naturels que ruraux, urbains et péri-urbains. Son objectif est de promouvoir la protection, la gestion et l'aménagement des paysages et d'organiser la coopération européenne dans ce domaine.

A cette fin, la convention, dite de Florence, se fonde sur les principes suivants : l'importance du paysage pour la qualité de vie des populations ; l'incitation des Etats parties à mettre en œuvre des politiques publiques spécifiques portant sur les paysages ; le droit à la participation des citoyens.

Le droit français est d'ores et déjà conforme, pour l'essentiel, à la convention. La loi du 2 mai 1930 sur la protection des monuments naturels et des sites, aujourd'hui intégrée au code de l'environnement, et la loi du 8 janvier 1993 relative à la protection et la mise en valeur des paysages qui figure dans le code de l'urbanisme entrent ainsi dans le cadre de la convention. De même le code rural, le droit forestier et les règles applicables en matière d'aménagement du territoire sont, pour l'essentiel, conformes à la convention.

L'adoption de la présente convention n'entraînera donc pas de bouleversement majeur de notre ordonnancement juridique. Elle devrait en revanche conduire les pouvoirs publics français à mieux prendre en compte les paysages quotidiens et les paysages dégradés dans les politiques d'aménagement du territoire, ce dont on ne peut que se féliciter. Pour ces raisons, le Rapporteur a proposé à la Commission d'adopter le présent projet de loi.

Le Président Edouard Balladur a demandé si les Etats concernés par cette convention étaient uniquement les Etats membres du Conseil de l'Europe.

M. Guy Lengagne a souhaité savoir pour quelle raison l'Union européenne était concernée par la convention.

Le Rapporteur a répondu que la convention était ouverte à la signature des 46 Etats du Conseil de l'Europe, à celle de tout Etat européen non membre du Conseil de l'Europe et à celle de la Communauté européenne, dans la mesure où elle exerce des compétences qui entrent dans le champ d'application de la convention.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1326).

Approbation du protocole modifiant la convention Europol et le protocole sur les privilèges et immunités d'Europol

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Philippe Cochet, le projet de loi n° 1348 autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention portant création d'un office européen de police (convention Europol) et le protocole sur les privilèges et immunités d'Europol, des membres de ses organes, de ses directeurs adjoints et de ses agents.

M. Philippe Cochet, Rapporteur, a expliqué que depuis la tragédie du 11 mars dernier à Madrid, accroître la coopération policière et judiciaire dans l'Union européenne était devenu une nécessité absolue. La lutte contre le terrorisme commande une telle coopération. L'approbation du protocole modifiant la convention portant création d'un office européen de police (Europol) et celui concernant les privilèges et immunités de ses membres s'inscrit dans cette logique.

Le Rapporteur a rappelé qu'Europol avait été créé par le Traité de Maastricht. Deux conceptions se sont alors opposées. L'une, soutenue par l'Allemagne, souhaitait doter Europol de compétences opérationnelles comme un FBI européen, l'autre, défendue par la France, estimait qu'Europol devait rester une simple centrale d'échanges d'informations, chaque Etat conservant la plénitude de ses compétences opérationnelles.

Depuis Europol s'est renforcé. Ses effectifs et son budget ont connu une progression très forte depuis son entrée en activité, le 1er juillet 1999. On compte aujourd'hui 304 emplois budgétaires contre 210 en 1999. Le budget d'Europol alimenté par des contributions des Etats membres calculées en fonction de leur PNB est passé de 19 millions d'euros en 1999 à 55,5 millions d'euros en 2003. En 2003, la France y a contribué à hauteur de 16 %, soit plus de 8 millions d'euros, derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni. Sa contribution pour 2004 devrait s'élever à 8,5 millions d'euros.

Les compétences matérielles de l'Office ont été progressivement étendues et couvrent pratiquement l'ensemble de la criminalité organisée transnationale. Ses compétences opérationnelles seront renforcées avec l'entrée en vigueur du protocole soumis à examen.

Europol a renforcé sa coopération en matière répressive sur le plan international en signant de nombreux accords bilatéraux d'une part avec des organisations européennes et internationales comme l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol) et l'Organisation mondiale des douanes (OMD), d'autre part avec des pays (Etats-Unis, Islande, Norvège).

Europol a pour tâche de traiter des renseignements relatifs aux activités criminelles. Son objectif est d'améliorer l'efficacité des services compétents des Etats membres et leur coopération dans le cadre de la prévention et de la lutte contre les formes graves de la criminalité organisée à caractère international. L'Office s'emploie à promouvoir l'analyse criminelle et l'harmonisation des techniques d'enquête au sein des Etats membres, soutient leurs activités répressives quand il existe une structure ou une organisation criminelle et que deux Etats membres au moins sont affectés. L'Office fournit trois types de services aux Etats membres : l'échange d'informations, l'analyse criminelle et la coordination opérationnelle.

Le Rapporteur a estimé que cet organisme efficace était insuffisamment utilisé par la France, qui y est sous-représentée en termes de personnels par rapport à sa contribution au budget.

Il a précisé que la modification proposée visait à permettre la participation des agents d'Europol aux équipes communes d'enquête (ECE), que les Etats membres réunis à Tampere en 1999 se sont engagés à créer, création inscrite à l'article 13 de la Convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale conclue le 29 mai 2000.

M. Philippe Cochet a ensuite décrit le fonctionnement des équipes communes d'enquête utilisées pour conduire des enquêtes pénales demandant une action coordonnée et concertée.

La participation des agents d'Europol à des ECE résulte d'un accord entre le directeur d'Europol et les autorités compétentes des Etats membres participant à une ECE. Cette présence doit faciliter l'utilisation postérieure des informations obtenues lors de l'enquête. Les agents d'Europol ne peuvent participer à aucune activité de nature coercitive, ne disposent d'aucun pouvoir judiciaire propre et doivent se conformer au droit interne de l'Etat membre dans lequel ils interviennent dans l'exercice de leurs missions.

Le Rapporteur a indiqué que la rédaction actuelle de l'article 695-2 du code de procédure pénale ne prévoyait pas spécifiquement la participation de membres d'Europol aux ECE et ne faisait expressément référence qu'aux prérogatives des agents détachés par un autre Etat membre de l'Union européenne. Il s'est déclaré favorable à l'adoption du présent projet de loi autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention Europol qui permet d'accroître la coordination opérationnelle des différentes instances de l'Union et de la police des Etats membres.

Mme Martine Aurillac s'est enquise du délai prévu par l'article 4 § 4 pour l'entrée en vigueur du Protocole qui renvoie à l'article 46 § 4 de la Convention Europol.

M. Philippe Cochet a indiqué que le délai prévu à l'article 46 § 4 était de trois mois.

Le Président Edouard Balladur a indiqué que M. Alain Bocquet avait déposé, au nom du groupe communiste, en application de l'article 91 du Règlement, une exception d'irrecevabilité, une question préalable et une motion d'ajournement au projet de loi autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention Europol et le protocole sur les privilèges et immunités d'Europol, sur lesquelles il appartenait à la Commission des Affaires étrangères de se prononcer.

La Commission a rejeté l'exception d'irrecevabilité, la question préalable et la motion d'ajournement présentées par M. Alain Bocquet.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1348).

Approbation des protocoles d'application de la convention alpine

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Michel Destot, le projet de loi n° 813 autorisant l'approbation des protocoles d'application de la convention alpine du 7 novembre 1991 dans le domaine de la protection de la nature et de l'entretien des paysages, de l'aménagement du territoire et du développement durable, des forêts de montagne, de l'énergie, du tourisme, de la protection des sols et des transports.

M. Michel Destot, Rapporteur, a tout d'abord rappelé qu'environ 13 millions de personnes habitent l'arc alpin, qui couvre une superficie de plus de 190 000 km², englobant sept pays, environ 100 régions et, selon la définition de la Convention alpine, plus de 6 000 communes, dont celle de Grenoble qui est la plus grande.

Les Alpes constituent ainsi l'un des plus grands espaces naturels d'un seul tenant en Europe, qui se distingue par sa nature, sa culture et son histoire. L'arc alpin est aussi un espace économique indispensable pour la population qui y habite, et revêt une importance particulière pour les régions extra-alpines, notamment comme support de voies de communication essentielles. Mais les Alpes sont aussi un habitat et un refuge indispensables pour nombre d'espèces animales et végétales menacées. Aujourd'hui, de nombreux problèmes économiques et écologiques dépassent le cadre des frontières nationales ; ils doivent donc être résolus à l'échelle alpine ou même dans un contexte européen.

Il a indiqué que la Convention sur la protection des Alpes avait pour objet l'harmonisation des politiques des Etats parties, et visait la sauvegarde de l'écosystème naturel ainsi que la promotion du développement durable des Alpes, tout en protégeant les intérêts économiques et culturels des populations qui y habitent et des pays adhérents.

Pour atteindre ces objectifs, les pays de l'arc alpin (l'Allemagne, la France, l'Italie, le Liechtenstein, Monaco, l'Autriche, la Suisse, la Slovénie) et l'Union européenne, Parties contractantes à la Convention, ont négocié, entre 1994 et 2000, sept protocoles sectoriels d'application.

La Convention alpine est d'abord un traité international qui définit un ensemble d'obligations générales, avec un cadre institutionnel. Elle prévoit ainsi une conférence régulière des parties contractantes (Conférence alpine), un organe exécutif (Comité permanent), chargé d'appliquer les décisions de la Conférence alpine et de veiller à leur suivi. Enfin, un secrétariat permanent est institué, dont le siège est à Innsbruck, avec un bureau à Bolzano.

La Convention alpine constitue en réalité un cadre général que viennent préciser les protocoles d'application, qui prévoient des modalités d'action et de développement, mais aussi des mesures conformes aux principes du développement durable.

A l'heure actuelle, neuf protocoles ont été négociés entre 1994 et 2000, dont les sept protocoles suivants sont soumis à l'approbation parlementaire :

- protection de la nature et entretien des paysages,

- aménagement du territoire et développement durable,

- forêts de montagne,

- protection des sols,

- énergie,

- tourisme,

- transports,

La mise en œuvre de la Convention alpine et de ses protocoles s'effectuera essentiellement par la prise en compte des objectifs et des engagements prévus par ces textes dans les projets actuels et futurs de la France. Elle n'impose aucune modification du droit interne en vigueur et n'entraînera aucune charge financière nouvelle pour la France car elle n'influence pas directement les instruments de protection ni les mesures d'encouragement existantes.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 813).

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· Convention européenne du paysage

· Convention alpine

· Europol

· Protocole sur l'eau et la santé


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