COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 57

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 6 juillet 2004
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Hervé de Charette, Vice-Président

SOMMAIRE

 

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- Conclusions de la mission d'information sur la coopération internationale
    pour lutter contre le terrorisme

- Convention transfèrement des condamnés France-Fédération de Russie (n° 1429) -rapport
- Convention fiscale France-Djibouti (n° 1636) - rapport



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Conclusions de la mission d'information sur la coopération internationale pour lutter contre le terrorisme

Le Président Hervé de Charette a indiqué que la mission d'information sur la coopération internationale pour lutter contre le terrorisme était composée de M. Michel Delebarre, président et de MM. Jean-Louis Bianco, Loïc Bouvard, Jacques Myard, Marc Reymann et François Rochebloine. Le rapporteur en était M. Frédéric de Saint-Sernin jusqu'à sa nomination au Gouvernement. Il a donc donné la parole à M. Delebarre pour qu'il présente les conclusions de la mission d'information.

M. Michel Delebarre a tout d'abord rappelé que l'objectif de la mission d'information était d'évaluer les réalisations concrètes de la coopération internationale anti-terroriste, dont la nécessité est unanimement reconnue, mais qui donne l'impression d'une grande dispersion. Il a précisé que la mission d'information avait choisi de répondre à un certain nombre de questions que l'on est conduit à se poser lorsque l'on étudie la coopération internationale anti-terroriste.

La première de ces questions porte sur le fait de savoir si la lutte contre le terrorisme doit être considérée comme une guerre. La mission d'information a considéré que le concept de « guerre contre le terrorisme » n'était pas adapté et qu'il pouvait même être contre-productif, tout en refusant d'exclure a priori l'utilisation de moyens militaires dans la lutte contre le terrorisme. M. Michel Delebarre a relevé que l'outil militaire était utile pour surveiller des routes maritimes internationales et pour détruire des bases utilisées par les réseaux terroristes dans des zones de non droit. Pour autant, les réseaux terroristes prennent de moins en moins la forme d'organisations structurées et centralisées, ce qui rend nécessaire le développement de moyens non militaires anti-terroristes que sont les services de renseignement, de police et de justice.

Une deuxième question abordée par la mission d'information avait trait au rôle des Nations Unies dans la lutte contre le terrorisme. Tout d'abord il importe de ne pas sous-estimer la portée de la fonction « déclaratoire ».des Nations Unies utile pour faire naître une prise de conscience universelle de la réalité de la menace terroriste.

Un autre domaine d'intervention privilégiée pour les Nations Unies devrait être l'assistance technique et juridique aux Etats « faibles », dans la mesure où les difficultés de la coopération s'expliquent généralement par la faiblesse institutionnelle de certains Etats. A cet égard il semble nécessaire de développer considérablement les moyens de l'ONUDC, l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.

Enfin, il faut rappeler que l'ONU, c'est également le Conseil de sécurité, c'est-à-dire une institution qui dispose à la fois d'une légitimité et d'un véritable pouvoir de contrainte supra nationale qui peut être nécessaire dans la lutte contre le terrorisme.

M. Michel Delebarre s'est ensuite interrogé sur l'efficacité des actions menées contre les réseaux terroristes depuis le 11 septembre 2001. Il a estimé que la « première ligne de défense contre le terrorisme » fonctionnait relativement bien si l'on en juge par l'existence de tentatives d'attentats déjoués en très grand nombre. Il est par ailleurs probable que l'absence d'attentats de grande ampleur entre le 11 septembre 2001 et le 11 mars 2004 en Europe est un signe de l'efficacité des services de renseignement, de police et de justice, les terroristes ayant préféré s'attaquer à des objectifs « périphériques » (Casablanca, Istanbul Bali, Djerba...) car leurs objectifs étaient plus difficiles à atteindre en Europe.

Il a par ailleurs indiqué que l'impact positif de la coopération opérationnelle au quotidien devait être salué, que se soit au niveau transatlantique, malgré les différends sur l'Irak, ou avec de nouveaux acteurs dans ce domaine, apparus depuis le 11 septembre dans certains pays du Sud, jusque là rétifs à la coopération internationale antiterroriste.

Cette coopération peut prendre la forme d'échanges d'informations, sur le modèle de ce que l'Union européenne et les Etats-Unis ont réalisé par la signature d'un accord sur le transfert des données personnelles des passagers des vols transatlantiques. Cette démarche a été critiquée du fait de son caractère intrusif dans la vie privée des citoyens, elle doit ainsi être encadrée, mais elle est globalement nécessaire.

M. Michel Delebarre a ensuite présenté l'opinion de la mission d'information dans le débat entre coopération bilatérale et coopération multilatérale dans la lutte contre le terrorisme. Il a rappelé que les règles fondamentales du renseignement, comme celles de la protection de la source ou du « tiers exclu » rendaient concrètement très difficile la mutualisation du renseignement dans un cadre multilatéral au niveau européen. L'essentiel est de s'assurer que les services nationaux coopèrent au quotidien, que les juges échangent des informations. Il faut donc veiller à ce que policiers et justiciers nationaux ne se heurtent pas aux frontières intérieures de l'Union. Si cela ne passe pas par la communautarisation de domaines comme la police, la justice ou le renseignement, cela légitime l'existence d'aiguillons, comme Europol et Eurojust, où les représentants des services nationaux apprennent à se parler et à se connaître.

La mission d'information ayant conclu au caractère irremplaçable du cadre bilatéral en matière de coopération opérationnelle, il était nécessaire de s'interroger sur les moyens permettant d'améliorer cette forme de coopération. Il semble que la voie à privilégier ne réside pas tant dans le développement de structures internationales de coordination, mais bien davantage dans l'évolution ou la réforme des appareils anti-terroristes des pays qui souhaitent coopérer ensemble. Cette évolution a un aspect quantitatif - pour coopérer, notamment dans le domaine du renseignement, il faut des moyens - et un aspect qualitatif. Sur ce dernier point, la mission d'information a relevé que les difficultés de la coopération étaient souvent moins liées à une absence de volonté qu'aux différences entre les systèmes nationaux de lutte anti-terroriste (divergences dans les législations, absence de centralisation des poursuites en matière de terrorisme...).

En ce qui concerne la coopération antiterroriste dans le cadre européen, la mission d'information a estimé que le rôle de l'Union européenne ne devait pas se substituer à l'action prioritaire des Etats membres, comme le coordinateur de l'Union européenne pour la lutte anti-terroriste, M. Gijs de Vries l'a lui-même indiqué devant la Commission. La politique européenne en matière de lutte anti-terroriste ne doit pas concurrencer les politiques nationales, voire se substituer à celles-ci, mais leur apporter un appui quand des synergies sont possibles. Par ailleurs, le principal rôle que l'Union européenne doit jouer en matière de lutte contre le terrorisme est de tout mettre en œuvre pour faire disparaître les freins qui empêchent la coopération directe entre Etats membres, tout particulièrement dans le domaine judiciaire. Enfin, la protection civile est également un domaine où la légitimité de l'intervention de l'Union européenne semble réelle et où elle peut apporter une plus-value.

Sur la menace du terrorisme non conventionnel, M. Michel Delebarre s'est dit inquiet car la volonté d'utiliser des armes nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques est inhérente au terrorisme international islamiste, qui recherche la visibilité symbolique de ces actions autant que le nombre de victimes le plus important possible. D'ailleurs, il existe des précédents dans l'utilisation de moyens NRBC lors d'attentats ou de tentatives d'attentats. Or, seule une action concertée de la Communauté internationale, par l'intermédiaire du Conseil de sécurité, peut permettre de contrer la menace, afin de limiter au maximum les risques d'acquisition par les terroristes d'armes de destruction massive.

Une autre priorité absolue dans ce domaine réside dans l'intensification des efforts d'amélioration des dispositifs de protection des populations civiles en cas d'attaques terroristes de grande ampleur, sujet sur lequel les Etats-Unis ont pris une longueur d'avance sur l'Europe, ce qui justifierait une action déterminée dans le cadre de l'Union européenne.

M. Michel Delebarre a enfin abordé la question du financement du terrorisme, qui a été mis au premier plan de la lutte internationale mais dont il est pourtant possible de discuter l'efficacité. Il est en effet très difficile de traquer les flux financiers destinés à des organisations terroristes qui ne sont illégaux, contrairement à l'argent de la drogue ou du crime, qu'en raison de leur utilisation et non de la transaction elle-même. En outre, les spécificités de la finance islamique (utilisation de la technique de l'hawala, détournement de l'obligation islamique de l'aumône...) rendent très complexes les circuits financiers éventuellement destinés à des réseaux terroristes. Enfin, il faut savoir que l'organisation d'un attentat ne nécessite que de peu de fonds, ce qui permet aux cellules terroristes de s'autofinancer, par le biais de la petite délinquance par exemple, sans avoir recours aux circuits financiers internationaux.

L'utilisation de l'outil financier peut cependant être utile pour lutter contre l'acquisition par des groupes terroristes d'armes de destruction massive - dans ce cas, la barrière financière reste un obstacle incontestable - ou encore comme preuve judiciaire. Mais au total on peut s'interroger sur le choix qui a été fait de transposer les outils utilisés pour la lutte contre le blanchiment au financement du terrorisme.

M. Michel Delebarre a conclu en rappelant la nécessité de privilégier une approche pragmatique et évolutive en matière de lutte contre le terrorisme, ce qui a par exemple conduit la mission d'information à accorder une priorité aux coopérations bilatérales, souvent plus opérationnelles. Pour autant, la mission d'information s'est refusée à établir des conclusions définitives, estimant qu'il était surtout nécessaire de savoir s'adapter aux circonstances.

Tout en adhérant aux conclusions du rapport, M. Jacques Myard, a regretté que l'on n'ait pas abordé la diversité du terrorisme. Si les attentats du 11 septembre 2001 et du 11 mars 2004 étaient dirigés contre le modèle occidental, il n'en va pas de même des actes terroristes de libération nationale qui peuvent être tout aussi aveugles mais qui ne relèvent pas de la même démarche.

Il a par ailleurs estimé que le mandat d'arrêt européen était certes une avancée, mais que son application au terrorisme pouvait poser des problèmes politiques, qu'une clause dérogatoire aurait permis d'éviter. Selon lui, la coopération européenne en matière de sécurité civile ne peut fonctionner que dans un cadre interétatique, ce qui a toujours existé. A cet égard, il a rappelé qu'en France la sécurité civile était principalement une compétence du département. Par ailleurs, il a jugé que le niveau multilatéral était inadapté à la coopération en matière de terrorisme en raison de son manque d'efficacité.

M. Paul Quilès s'est félicité des conclusions du Rapporteur mais aurait souhaité que les causes du terrorisme soient analysées comme ce fut le cas dans le rapport qu'il avait fait pour la Commission de la Défense au lendemain des attentats du 11 septembre. Selon lui, on évoque ici et là la guerre contre le terrorisme mais en réalité la guerre implique une revendication territoriale ou la volonté de prendre le pouvoir, ce qui n'est pas le but d'Al Qaeda. Aussi, a-t-il estimé qu'il fallait rechercher les causes profondes du terrorisme dans une interprétation excessive et réductrice de l'Islam.

Il a considéré que les frustrations, les images et les fautes politiques alimentaient le terrorisme : frustrations au Moyen-Orient, utilisation par Al Qaeda d'images pour effrayer, notamment en Irak, et erreurs politiques successives de l'administration américaine.

S'associant à ces remarques, M. Axel Poniatowski s'est étonné que l'on élude les causes du terrorisme global comme si le sujet était tabou depuis le 11 septembre. Selon lui, ce terrorisme ne vient pas de nulle part, même s'il est parfois délicat d'en discerner les causes.

Il a fait valoir que le renseignement technologique avait montré ses limites et s'est demandé si le renseignement humain n'avait pas été sous-évalué.

M. Hervé de Charette a estimé que la distinction proposée par M. Jacques Myard entre les différentes formes de terrorisme existantes posait une question extrêmement difficile et qu'il convenait de faire preuve de la plus grande prudence à l'égard des sollicitations de certains acteurs, notamment au Moyen-Orient, visant à faire légitimer tout ou partie des actions terroristes commises. En revanche, il a jugé que la distinction entre ce que François Heisbourg avait appelé l'hyperterrorisme et les autres formes de terrorisme était tout à fait pertinente ; il a d'ailleurs estimé que cette forme particulière de terrorisme, qui posait des questions graves, était largement sous-estimée en Europe et que ce combat n'y avait pas toute l'ampleur qu'il méritait. Il a ensuite regretté le scepticisme du rapport concernant la construction d'un espace européen de sécurité, à travers la mise en commun des moyens nationaux de lutte contre le terrorisme. Evoquant les très fortes réticences des services de renseignement à coopérer, il a néanmoins fait valoir que des efforts restaient à faire et des exercices à mener avant d'affirmer que la coopération dans ce domaine ne fonctionnait pas.

M. Michel Delebarre a apporté les éléments de réponse suivants aux diverses remarques et questions :

- faut-il départager les bonnes et les mauvaises pratiques en matière terroriste ? Une telle démarche serait extrêmement complexe, outre le fait qu'elle n'entre pas dans le sujet examiné par la mission ;

- dès lors que sont évoquées des destructions massives, une coopération européenne en matière de protection civile a toute sa pertinence, à l'instar de celle qu'a proposée Michel Barnier, alors Commissaire européen, en matière de lutte contre les catastrophes naturelles ;

- les causes du terrorisme telles qu'elles sont analysées dans le rapport présenté par M. Paul Quilès sous la précédente législature n'ont pas changé. Les analyses qu'il propose restant pertinentes, la mission a délibérément fait le choix de se situer dans sa continuité. Plus encore, les événements intervenus depuis deux ans, notamment la charge symbolique attachée à un attentat comme celui de Madrid, confortent ces analyses ;

- les Etats-Unis, sans baisser la garde en matière de renseignement technologique, comme le montre leur démarche en matière de recueil de données sur les passagers du trafic aérien, ont considérablement renforcé le volet humain de leur renseignement depuis le 11 septembre 2001 ;

- toutes les auditions menées par la mission ont conclu à la supériorité de la coopération bilatérale en termes d'efficacité du renseignement, l'ambition d'une approche européenne multilatérale en la matière suscitant encore un profond scepticisme. L'audition de M. Gijs De Vries a d'ailleurs bien montré que le coordonnateur de l'Union européenne pour la lutte contre le terrorisme lui-même privilégiait l'action directe des Etats par rapport au cadre multilatéral.

En application de l'article 145 du Règlement, la Commission a autorisé la publication du rapport d'information.

Convention transfèrement des condamnés France-Fédération de Russie

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Bernard Mazouaud, suppléant M. René André, empêché, le projet de loi n° 1429 autorisant la ratification de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées à une peine privative de liberté entre la République française et la Fédération de Russie.

M. Bernard Mazouaud, Rapporteur suppléant, a tout d'abord rappelé que les moyens de doter la France et la Russie des instruments conventionnels nécessaires à l'approfondissement de leur coopération judiciaire avaient été examinés pour la première fois au cours de la visite que M. Youri Tchaïka, ministre de la justice de la Fédération de Russie, avait effectuée à Paris, du 12 au 14 novembre 1999. L'adhésion de la Fédération de Russie aux conventions ad hoc du Conseil de l'Europe avait ensuite permis de combler le vide juridique existant en ce qui concerne l'entraide judiciaire en matière pénale et l'extradition. Par ailleurs, la négociation d'une convention bilatérale sur le transfèrement des personnes condamnées avait été entreprise en 1999, mais elle se trouvait interrompue depuis novembre 2000. La perspective de la visite d'Etat du Président Poutine en France avait incité les deux parties à reprendre les négociations afin que la France et la Russie disposent d'un instrument juridique pour organiser le transfèrement des détenus russes et français présents dans les prisons françaises et russes. Le rapporteur a fait valoir que ce vide juridique serait bientôt comblé par la ratification de la convention signée à Paris, le 11 février 2003, mettant en place une procédure simple pour faciliter le transfèrement des détenus ressortissants de l'un des États parties vers leur État d'origine pour y purger leur peine, afin de favoriser leur réinsertion sociale et de limiter le sentiment d'isolement.

Il a indiqué que cette convention, classique dans son contenu, puisqu'elle reprenait largement la convention établie en la matière par le Conseil de l'Europe en 1983, offrait l'occasion de faire le point sur les réformes en cours de l'appareil judiciaire russe, et plus particulièrement sur la situation d'un système pénitentiaire en mutation.

Rappelant que le Président Vladimir Poutine avait présenté l'importante modification du code pénal de 1996, intervenue au mois de décembre 2003, comme un moyen d'« humaniser le code pénal », il a fait valoir que d'ores et déjà, cette « humanisation » du système répressif russe produisait ses effets en matière pénitentiaire, même si, au regard de l'immensité du chantier de l'amélioration de la situation dans les prisons russes, les progrès, certes réels, restaient néanmoins limités. Il a appuyé son propos par des chiffres permettant de prendre la mesure de l'entreprise, rappelant qu'avec 815 000 personnes détenues, à ce jour, dans les établissements pénitentiaires russes, la Russie affichait un ratio de 685 prisonniers pour 100 000 habitants, très supérieur à la moyenne européenne, qui était de 80 détenus pour 100 000 habitants. Il a précisé que, sur ces 815 000 personnes, 4 000 se trouvaient dans les prisons russes, c'est-à-dire soumises à un régime d'enfermement strict, la majeure partie des détenus, soit 600 000, étant incarcérée dans ce qu'on appelle des établissements de rééducation, où ils disposaient de la liberté d'aller et venir et de travailler au sein de l'établissement. Le reste est incarcéré dans des « colonies », qui sont des foyers ouverts.

Il a expliqué que le système pénitentiaire russe souffrait de trois maux : en premier lieu, la vétusté des bâtiments, les prisons au régime si rigoureux étant, par exemple, situées dans des bâtiments construits avant la révolution ; en deuxième lieu, la surpopulation, avec une chambre pour dix détenus dans les prisons ; en troisième et dernier lieu, un état sanitaire préoccupant, avec un nombre important de détenus souffrant du SIDA et de la tuberculose et touchés par la toxicomanie et l'alcoolisme.

Il a cependant fait valoir que la situation des prisons russes s'améliorait depuis peu, comme l'avaient récemment reconnu et le comité européen pour la prévention de la torture et l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. En premier lieu, le nombre de détenus a diminué de 300 000 depuis 2001, grâce à la réforme conjointe du code pénal et du code de procédure pénale, qui favorisent les peines alternatives à l'emprisonnement. 68 % des personnes jugées en Russie sont aujourd'hui condamnées à des peines non privatives de liberté. Amendes, peines d'intérêt général, bientôt surveillance électronique à domicile : la Russie, y compris par une coopération soutenue avec la France, est engagée dans une profonde refonte de son système judiciaire. En second lieu, l'administration pénitentiaire, qui relevait traditionnellement du ministère de l'intérieur est, depuis 1998, gérée par le ministère de la justice.

Il a relevé que, dans ce contexte de lente mais réelle amélioration de la situation pénitentiaire en Russie, la ratification du présent projet de loi permettrait l'entrée en vigueur d'une convention qui concernait potentiellement quelque 433 personnes, très majoritairement russes puisque seuls trois ressortissants français étaient aujourd'hui détenus en Russie, dont deux en détention provisoire. C'est effectivement une caractéristique russe que d'avoir, sur 815 000 détenus, 136 000 personnes en détention provisoire. Il a ajouté que le point cardinal de la convention résidait dans le principe de libre consentement du détenu : seules les personnes ayant formulé le souhait d'être transférées - ou leur représentant - peuvent l'être, dès lors que les États de condamnation et d'exécution de la peine en sont d'accord. Au-delà de ce principe de base, un certain nombre de conditions tenant aussi bien à la personne du condamné, qu'à la décision judiciaire ou aux faits à l'origine de la condamnation doivent être remplies.

Soulignant, en conclusion, l'utilité de cette convention, tant pour des raisons humanitaires et sociales, tenant notamment à la réinsertion des personnes condamnées et à leur rapprochement avec leur environnement familial et culturel que pour des considérations de bon fonctionnement du système pénitentiaire français, tenant aux difficultés linguistiques et culturelles ainsi qu'à l'isolement des détenus étrangers, il a invité la Commission à adopter le présent projet de loi.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1429).

Convention fiscale France-Djibouti

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Philippe Cochet, le projet de loi n° 1636 autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti.

M. Philippe Cochet, Rapporteur, a insisté sur la particularité de cette convention, seule de cette catégorie qu'ait signée la France. Il a évoqué la situation politique économique et sociale de Djibouti marquée par la dépendance de l'économie djiboutienne à l'égard de l'activité portuaire, la présence de forces armées et l'importance de l'aide au développement. Cette économie est fragilisée par la corruption et la faiblesse de l'investissement en dépit d'une croissance de 3,5 % et d'une faible inflation de 2 %.

Il a considéré que la présence de forces étrangères françaises, américaines mais aussi allemandes et espagnoles sur le sol djiboutien permettait au pays de bénéficier d'une importante rente de situation peu favorable à une discipline budgétaire. Djibouti demeure un pays pauvre classé au 153ème rang sur 175 de l'indice de développement humain établi par le PNUD et dans lequel les inégalités sont importantes. Le PIB par habitant devrait toutefois augmenter en 2004 pour la première fois depuis longtemps.

Il a estimé que les attentats du 11 septembre 2001 avaient rehaussé l'intérêt stratégique de Djibouti qui accueille des forces de la coalition antiterroriste (Etats-Unis, Allemagne, Espagne). En 2002, les Etats-Unis ont installé à Djibouti leur commandement opérationnel antiterroriste pour la Corne de l'Afrique et le Yémen, base militaire faite pour durer. En contrepartie de cette présence internationale, Djibouti a obtenu en 2003 une aide financière importante (25 M $ des Etats-Unis, 2 M€ de l'Allemagne). La présence militaire à Djibouti est en voie de pérennisation et s'inscrit dans le cadre affiché de la lutte contre le terrorisme international.

Evoquant les relations bilatérales, il a indiqué que la France est le premier bailleur de fonds de Djibouti. La présence des forces françaises de Djibouti (FFDj) est le pilier autour duquel s'organise cette relation. La convention vise à pérenniser la présence de ces forces à Djibouti et à formaliser juridiquement, à ce titre, le versement au gouvernement djiboutien d'une contribution forfaitaire de 30 M€ par an.

Les articles 1 et 12 comportent l'engagement du gouvernement français de verser au gouvernement djiboutien cette contribution annuelle en contrepartie de la présence des FFDj pour une durée de 9 ans renouvelable. Les articles 2 à 7 détaillent les contributions directes ou indirectes des FFDj au budget djiboutien.

L'article 8 de la convention concrétise cet engagement politique. En 2003, l'augmentation de contribution, d'un montant de 11 M€, a été versée par le ministère de la Défense. A cette aide exceptionnelle sont venues s'ajouter les diverses taxes et aides versées normalement au gouvernement djiboutien.

L'article 9 vise à obtenir de la partie djiboutienne qu'elle renonce à contester le montant des versements effectués avant la forfaitisation des taxes et à mettre fin aux diverses réclamations pendantes relatives à des anciens versements et portant notamment sur l'assiette de ces impôts.

Le Rapporteur a expliqué que la convention devait prendre effet au 1er janvier 2004, et qu'il convenait de la ratifier rapidement pour concrétiser juridiquement un engagement politique important, dans un contexte de concurrence étroite avec les Etats-Unis. Par cette convention, la France confirme son implantation militaire à Djibouti sur le long terme. Il a d'ailleurs précisé que le projet de loi djiboutien portant ratification de la convention a été approuvé en conseil des Ministres le 15 juin 2004.

M. François Loncle a souhaité que des considérations de politique internationale ne puissent être invoquées pour empêcher en quoi que ce soit que la lumière soit faite sur la mort du juge Borel.

Partageant ce souci, M. Philippe Cochet a considéré que la convention avait pour objectif d'apaiser les relations franco-djiboutiennes ce qui permettrait de mettre à jour les circonstances de cette pénible affaire.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1636).

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