COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 19 octobre 2004
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Claudie Haigneré, Ministre déléguée aux Affaires européennes
- Examen pour avis des crédits des Affaires européennes pour 2005, M. Roland Blum, Rapporteur pour avis

- Examen pour avis des crédits de l'Ecologie et du développement durable pour 2005, M. Jean-Jacques     Guillet, rapporteur pour avis


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Audition de Mme Claudie Haigneré, Ministre déléguée aux Affaires européennes

Mme Claudie Haigneré, Ministre déléguée aux Affaires européennes, a constaté que, alors que l'Union européenne avait franchi en une année deux étapes historiques - l'entrée de dix nouveaux pays membres et l'adoption par le Conseil d'un nouveau projet de traité - le projet de budget, adopté par le Conseil de l'Union européenne en première lecture le 16 juillet dernier, présentait deux caractéristiques principales : il s'agit du premier budget qui concernera, sur l'ensemble de l'année, l'Union élargie à vingt-cinq membres ; ce projet de budget est, par ailleurs, caractérisé par un juste équilibre entre nos ambitions pour les politiques communes et notre souci de rigueur budgétaire.

Ce projet de budget résulte d'un compromis global entre les Etats membres, proposé par la présidence néerlandaise, qui permet de financer les priorités politiques de l'Union tout en tenant compte des impératifs de la discipline budgétaire. Il est marqué par une hausse de 4,1 % des engagements et de 5,4 % des paiements par rapport à 2004, la progression des crédits s'expliquant par la mise en œuvre des décisions des Conseils européens d'octobre et de décembre 2002 sur l'élargissement, et plus spécifiquement par la montée en puissance qui a été prévue pour 2005 des aides agricoles et des fonds structurels en faveur des nouveaux adhérents. Ce budget, qui équivaut à 0,99 % du revenu national brut de l'Union, reste très nettement sous le plafond des ressources propres, qui s'élève à 1,24 % du revenu national brut. Il s'inscrit pleinement dans le cadre des perspectives financières arrêtées par le Conseil européen de Berlin de mars 1999, ce qui constitue un motif important de satisfaction, à l'heure où s'engagent des discussions délicates sur le prochain cadre financier pluriannuel.

La structure de ce projet de budget répond bien aux ambitions de la France pour les politiques communes : maintenir en premier lieu un haut niveau d'intervention dans les différents domaines qui constituent des priorités pour notre pays : l'agriculture, la recherche, l'éducation, l'emploi et la compétitivité de nos territoires ; ensuite accompagner l'adhésion des dix nouveaux membres, en leur assurant le bénéfice des politiques communes dans des proportions adaptées à leur capacité d'absorption ; le tout, en garantissant la viabilité financière du budget européen par une discipline stricte.

Sur la base de ce projet, la contribution française au budget communautaire devrait s'établir à 16,5 milliards d'euros en 2005, ce montant étant stable par rapport à la prévision initiale inscrite dans le projet de loi de finances pour 2004.

Le surcoût lié à l'élargissement n'intervient que de manière progressive et au rythme de la montée en puissance des aides agricoles et structurelles en faveur des nouveaux adhérents. Le coût budgétaire de l'élargissement pour la France sera modéré dans l'actuelle période de programmation financière : 4 milliards d'euros environ sur la période 2004-2006, soit une moyenne de 1,3 milliard d'euros par an.

En 2005, la France devrait demeurer le deuxième contributeur du budget communautaire, derrière l'Allemagne, environ 5,9 % de nos recettes fiscales étant allouées à l'Union. La France en restera également le deuxième bénéficiaire, derrière l'Espagne. Nous devons cette bonne performance avant tout à notre excellent taux de retour sur la politique agricole commune : en 2003, la France a bénéficié de plus de 23 % des dépenses agricoles communautaires. Par comparaison, ce ratio est de 7 % pour la politique régionale.

Au total, la France est contributrice nette au budget européen, dans des proportions qui varient entre - 1,5 et - 2,7 milliards d'euros ces dernières années. Notre solde net s'est élevé, en 2003, à - 1,7 milliard d'euros, ce qui nous situe au quatrième rang des Etats membres contributeurs nets, très nettement après l'Allemagne et peu après le Royaume-Uni et les Pays-Bas. La participation, pour la première fois, des dix nouveaux adhérents au financement de la totalité de l'exercice budgétaire nous permet de faire reculer légèrement la part relative de notre contribution : nous financerons ainsi le budget de l'Union élargie à hauteur d'environ 16,5 % au lieu de 17,1 % en 2004.

En cette période charnière de la construction européenne, nous devons également préparer l'avenir à plus long terme c'est-à-dire réussir la ratification de la Constitution européenne, car comme le Président de la République l'a indiqué lors de son intervention du 14 juillet dernier, ce texte engage l'avenir des Français. C'est pourquoi il sera soumis à la consultation des citoyens.

Nous devons préparer cette échéance, d'abord en vérifiant si le traité européen exige des modifications de notre constitution nationale et, le cas échéant, en menant à bien une éventuelle révision. Nous aurons également à ouvrir un large débat sur la constitution européenne, afin de l'expliquer et de convaincre nos concitoyens. Nous devons aussi assurer sur le long terme un financement efficace et transparent pour l'Union. C'est l'objet des discussions sur les prochaines perspectives financières qui viennent de s'engager et se prolongeront sans doute jusqu'à 2006. La France a d'ailleurs établi des contacts approfondis sur ce dossier avec nos différents partenaires, notamment l'Allemagne.

Le budget de l'Union après 2006 devra pouvoir porter nos ambitions pour l'Europe. Il s'agira d'abord de financer notre effort de solidarité pour les nouveaux Etats membres, principalement au titre de la politique de cohésion qui devra continuer a être mise en oeuvre sur tout le territoire européen. Cette solidarité vaut aussi pour les agriculteurs de toute l'Union, conformément à la décision qu'a prise le Conseil européen à Bruxelles en octobre 2002, le Gouvernement demeurant particulièrement vigilant sur ce point. Le budget de l'Union devra enfin permettre le développement de nouvelles politiques au service de la croissance et de la sécurité, qui constituent deux priorités essentielles pour le Gouvernement, et contribuer à renforcer la présence de l'Europe dans le monde.

Tous ces objectifs peuvent être atteints en dépensant moins que ne le propose la Commission et en affichant une croissance plus raisonnable des crédits. Car nous ne pouvons pas ignorer la contrainte financière, qui s'exerce aujourd'hui sur tous les Etats membres et que le budget de l'Union devra, lui aussi, respecter.

Les trois principaux chantiers qui feront de 2005 une étape clé pour l'aventure européenne seront le parachèvement de la rénovation des institutions, la poursuite de l'élargissement et l'adaptation des moyens et des politiques de l'Union élargie. Le Gouvernement s'emploiera à expliquer ces enjeux sur le terrain, auprès de nos concitoyens.

Le Président Edouard Balladur a souhaité savoir si, après l'élargissement de 2004, la part de la France dans le budget européen allait augmenter en proportion. En outre, on peut s'étonner que le projet de budget européen soit en hausse de 4 % en crédits d'engagement et de plus de 5 % en crédits de paiement, alors même que la Commission multiplie les conseils de bonne gestion à destination des Etats membres. Une telle augmentation en France équivaudrait, hors inflation, à un accroissement des dépenses budgétaires de plus de 2 % en volume, ce qui constituerait une hausse particulièrement élevée. Enfin, il a demandé si la mise en œuvre de nouvelles dispositions institutionnelles résultant de l'adoption du traité relatif à la constitution entraînerait des coûts supplémentaires.

M. Roland Blum, Rapporteur pour avis, s'est interrogé sur la position française lors des négociations de l'Agenda 2007 et les soutiens que notre pays pourrait recueillir parmi les autres Etats membres, notamment au regard de la renégocation du « chèque britannique ». Quel est l'avenir de la politique agricole commune dans les perspectives financières pour 2007-2013 ? Quelles sont, enfin, les modalités de financement des opérations militaires dans le cadre de la politique de défense commune qui commence à voir le jour en Europe ?

Rappelant qu'il n'existait pas de lien systématique entre augmentation des crédits et accroissement de l'efficacité d'une politique, M. Michel Destot a interrogé la Ministre sur les orientations envisagées concernant les critères d'affectation des crédits européens dans le cadre des perspectives financières 2007-2013. S'agissant par exemple des crédits affectés à la recherche et à l'innovation, dont il a fait valoir que le saupoudrage et la dispersion ne permettraient pas de faire face aux performances américaines aujourd'hui, chinoises demain, il a souhaité savoir si la sélection de pôles de compétitivité en nombre restreints, mais correctement dotés, faisait partie des pistes envisagées. De même, concernant les crédits de cohésion consacrés au renforcement de la solidarité, il a mis en avant l'intérêt d'une réflexion sur les écarts de richesse au sein d'un même tissu urbain : si, actuellement, les crédits de ce type profitent aux régions considérées comme délaissées, c'est-à-dire caractérisées par un niveau de richesse inférieur de 25 % à la moyenne, ne serait-il pas temps de réviser les critères d'attribution de ces fonds afin que les quartiers défavorisés, dont le différentiel de richesse avec les quartiers résidentiels est généralement supérieur de 25 %, puissent en bénéficier ? A cet égard, M. Michel Destot a ajouté qu'il en allait des progrès de la citoyenneté européenne, ces quartiers en difficulté concentrant généralement des populations particulièrement peu favorables à la construction européenne.

Mme Claudie Haigneré a apporté les éléments de réponse suivants :

- sur la période 2004 - 2006, le coût de l'élargissement pour l'Union européenne s'élève à 42,5 milliards d'euros en crédits d'engagement et à 27,9 milliards d'euros en crédits de paiement (valeur 2002). Ces masses financières répondent à l'application de deux principes : aucun nouveau membre ne doit être contributeur net à ce stade ; ces pays ne bénéficieront que progressivement des crédits de la PAC, ne recevant que 25 % des aides à ce titre en 2004, pour parvenir progressivement à 100 % en 2013 ;

- pour l'année 2005, le coût de l'élargissement pour la France s'élève à 1,3 milliard d'euros ; en proportion, la France financera le budget de l'Union élargie à hauteur de 16,5 % en 2005, contre 17,1 % en 2004 ; ces coûts sont tout à fait raisonnables au regard de l'ampleur de l'élargissement ;

- les projets de budgets élaborés par la Commission sont généralement fondés sur une évaluation excessive des dépenses ; d'où, en 2005, l'adoption d'un projet de budget par le Conseil, inférieur aux propositions de la Commission. Ce constat vaut également dans le cadre de l'élaboration des perspectives financières 2007-2013 ;

- l'impact budgétaire du traité constitutionnel est difficile à chiffrer. Il convient d'abord de rappeler que le traité ne modifie pas de façon significative le périmètre des politiques communes. Toutefois, il est vrai, la mise en place d'un Ministre des affaires étrangères de l'Union, et la constitution d'un service diplomatique afférent, entraîneront des dépenses dont l'évaluation fait l'objet d'un processus qui vient tout juste d'être entamé. S'agissant des politiques communes nouvelles, telles que l'espace par exemple, elles entraîneront sans doute des dépenses, non encore chiffrées ; cependant, dans le cas cité, il faut rappeler qu'existent d'ores et déjà des financements européens dans le cadre des programmes Galileo et GMES et que l'utilisation de ces capacités dans les secteurs de l'environnement ou des transports sera source d'économies ;

- le cadre que s'est fixé la France dans la négociation sur les perspectives financières 2007-2013 est celui de la discipline budgétaire. La Commission, pour sa part a élaboré des propositions volumineuses, aussi bien dans leur contenu que dans leur coût, dont l'origine est notamment liée à la méthode de travail choisie, à savoir la constitution de groupes de travail thématiques ayant chacun élaboré leurs projets, ensuite rassemblés dans un projet unique. Avec la présidence néerlandaise, la France travaille sur ces propositions, dans le but de dégager à chaque fois des priorités et une cohérence d'ensemble des projets, ainsi que d'évaluer la valeur ajoutée communautaire par rapport aux actions nationales. Trois grands domaines sont passés au crible selon cette méthode dite des building blocks. Le premier concerne la politique agricole commune : en la matière, la réforme est déjà faite et le budget concerné est stabilisé jusqu'à 2013. Le deuxième domaine a trait à la politique de cohésion, qui comprend trois volets : la convergence et la solidarité, qui regroupent 78 % de ces crédits, plus spécifiquement destinés aux nouveaux Etats membres ; la compétitivité des territoires, soit 18 % des crédits dont la France défend le principe de leur attribution à tous les Etats ; la coopération transfrontalière et régionale. Le troisième domaine regroupe les autres politiques communes ;

- dans le cadre de cette négociation sur les perspectives financières, la France bénéficie du soutien de cinq autres Etats, qui se sont joints à elle pour écrire à la Commission, en décembre dernier, afin de faire prévaloir une croissance du budget de l'Union limitant ce dernier à 1 % du RNB de l'Union. La convergence franco-allemande en la matière est essentielle. Dans certains domaines, la France et l'Allemagne sont rejointes par l'Espagne, bien que ce pays, n'étant pas contributeur net, ne soit pas signataire de la lettre des six pays précitée. L'Italie et le Danemark sont également proches de cette ligne. Enfin, il convient de noter que tous les nouveaux Etats membres ne sont pas favorables à une explosion du budget communautaire ;

- l'accord sur la politique agricole commune, au Conseil européen d'octobre 2002, a permis de fixer les financements afférents jusqu'en 2013. Si la France a dû consentir des efforts au cours des négociations, le résultat obtenu la satisfait globalement et elle veillera avec vigilance à ce que les engagements pris dans ce cadre jusqu'en 2013 soient respectés. Les négociations internationales menées dans le cadre de l'OMC ou dans des enceintes régionales telles que le MERCOSUR rendaient nécessaire la fixation d'un nouveau cadre pérenne de la PAC : la Commission bénéficie ainsi d'un mandat clair, qui n'exclut pas d'ailleurs une implication politique des Etats membres, comme l'a demandé la France ;

- en matière militaire, seuls les coûts communs liés aux opérations en cours font l'objet d'une mutualisation, avec répartition selon une clé qui dépend du PNB de chaque pays impliqué. Comme dans le cadre de l'OTAN, les coûts liés aux contingents nationaux sont imputés aux nations contributrices. La France, qui joue à cet égard un rôle important, aurait donc intérêt à voir s'accroître la part des coûts mutualisés ;

- le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT) du 14 septembre 2004 prévoit le développement de pôles de compétitivité reposant sur un partenariat actif entre les industriels, les centres de recherche et les organismes de formation initiale et continue. 750 millions d'euros sur trois ans dont 90 millions d'euros d'exonération sont prévus en appui à cet objectif. La notion même de pôle implique une approche sélective, qui devra s'inscrire dans une perspective européenne. Au plan européen, cette approche qualitative doit également être favorisée : si la Commission a proposé de tripler les crédits destinés à la recherche, il faut avant tout réfléchir en termes d'efficacité de ces crédits. A cet égard, l'existence de grands programmes structurants est fondamentale. Tel est le sens du travail d'évaluation mené dans le cadre des building blocks évoqués ci-dessus ;

- l'attribution de crédits structurels aux quartiers en difficulté s'effectue, dans le cadre des perspectives 2000-2006, au travers du programme URBAN. Les perspectives financières 2007-2013 prévoient une disparition des zonages dans l'objectif II, ce qui permettra une souplesse accrue d'attribution des fonds. C'est aux Etats membres qu'il reviendra d'intégrer ces quartiers dans les propositions qu'ils feront à la Commission en vue d'être éligibles au FEDER ou au FSE.

M. André Schneider a souhaité savoir si le Gouvernement comptait accroître son effort en faveur de Strasbourg, pour que celle-ci soit confirmée dans son statut de capitale de l'Europe élargie.

M. Christian Philip, faisant état des controverses actuelles sur la falsification par la Grèce des statistiques économiques remises aux autorités communautaires, a demandé quelles étaient les garanties apportées par l'Union en matière de contrôle des dépenses des fonds européens. Alors que la Présidence néerlandaise a entamé des discussions sur la question du correctif budgétaire britannique, quelles sont les perspectives en la matière ?

M. Jacques Godfrain a indiqué que l'Union européenne avait conclu des accords avec des organisations humanitaires pour que celles-ci distribuent de la poudre de lait aux populations des pays en voie de développement en situation de pénurie alimentaire. Depuis plusieurs mois la Commission a diminué ses envois, alors même que les besoins sur le terrain augmentent : le Gouvernement français peut-il intervenir pour que la Commission reprenne la distribution au niveau antérieur ?

M. Richard Cazenave a interrogé la Ministre sur le montant du budget européen consacré à la recherche. Existe-t-il une volonté européenne commune de faire de la recherche l'une des priorités d'action de l'Union ? Il importe en la matière d'éviter le saupoudrage des fonds communautaires en les attribuant de manière sélective, de telle sorte que l'Union puisse rivaliser avec ses principaux concurrents. Enfin, il a regretté que certains pays bénéficiaires de soldes nets en raison du niveau des aides communautaires qui leur sont allouées, comme l'Espagne et le Portugal, puissent pratiquer une politique de dumping fiscal.

M. Jean-Claude Guibal a demandé si l'Union européenne envisageait de prendre en matière de coopération transfrontalière des initiatives comparables au district européen récemment introduit par le législateur français dans le code général des collectivités territoriales. Quelles sont les perspectives en matière de coopération renforcée ? L'Europe peut-elle jouer un rôle sur la scène internationale autrement qu'en étant organisée comme une Union à géométrie variable ?

Mme Claudie Haigneré a apporté les éléments de réponse suivants :

- Strasbourg bénéficie, en tant que capitale européenne, d'un soutien très fort du gouvernement français mais également d'autres pays européens, comme le Luxembourg. Dans le cadre du contrat triennal, le gouvernement est déterminé à mettre en valeur cette ville très européenne, à renforcer ses activités et à la doter de davantage d'atouts. La desserte aérienne met maintenant la ville à une demi-journée des vingt-cinq capitales européennes et le TGV la reliera à Paris en 2007 ;

- différents types de coopération transfrontalière sont actuellement mis en place. Les districts européens fonctionnent dans les régions frontalières de l'Est de la France sous différentes formes. Une mission portant sur le renforcement de la coopération transfrontalière vient d'être confiée par le Gouvernement à M. Alain Lamassoure. La Commission européenne a par ailleurs proposé une nouvelle structure, le Groupement européen de coopération transfrontalière (GECT) qui permettra la conduite de projets bénéficiant d'un financement par les fonds européens, au titre de la coopération interrégionale ;

- à l'occasion de son analyse détaillée des fonds structurels pour 2002 et 2003, l'OLAF a détecté des irrégularités respectivement dans 2 % et 1,5 % des cas, et la France était concernée dans 10 % des cas ;

- si la compensation britannique pouvait s'expliquer lors de sa mise en place, aujourd'hui elle n'est plus justifiée. Le PIB britannique est supérieur à la moyenne européenne, la PAC a été profondément réformée, le coût de l'élargissement aux dix nouveaux Etats membres n'est pas convenablement pris en charge par le Royaume-Uni dans les dispositions actuelles. Par ailleurs, vingt-quatre Etats membres de l'Union européenne sont opposés à ce que le mécanisme du « chèque britannique » perdure. La Commission européenne a également fait part de son souhait de rediscuter cette compensation, mais elle a proposé un mécanisme de correction généralisée des soldes qui n'apparaît pas satisfaisant pour la France qui est très déterminée sur ce thème. Elle est en effet le premier financeur de ce dispositif, supportant, en 2005, 28 % du « chèque britannique », soit 1,4 milliard d'euros, à comparer avec le coût de l'élargissement aux dix nouveaux Etats membres qui se chiffre à 1,3 milliard d'euros pour cette même année ;

- il est indéniable que la nouvelle politique européenne en matière agricole a un impact sur les associations humanitaires, en limitant les stocks disponibles ; la Commission européenne, et notamment le commissaire européen chargé de l'agriculture, s'est engagée à élaborer différentes options dans ce domaine, que le Ministre de l'Agriculture, M. Hervé Gaymard, et la Ministre déléguée aux Affaires européennes suivront avec vigilance ;

- la contribution française à l'effort de recherche représente 2,2 % de son PNB, l'Union européenne y consacrant 1,9 %. Très en retard par rapport à des pays comme la Suède, toutes deux se sont donné pour objectif le chiffre de 3 %. Ainsi le budget européen pour 2005 prévoit de consacrer 3,7 milliards d'euros sur 116 milliards à la recherche et développement. Parallèlement, une réflexion est menée sur une révision de la stratégie de Lisbonne : la recherche, le développement et l'innovation doivent en constituer l'un des cinq grands piliers et cette idée doit non seulement être déclinée au niveau européen mais également dans les politiques nationales. Outre l'aspect financier, la France, pour sa part, insiste sur l'aspect qualitatif et notamment la prise en compte du volet environnemental et du volet social ;

- il est vrai que beaucoup de pays qui, à l'instar de l'Espagne, bénéficient des fonds structurels tout en ayant atteint des niveaux de développement économique comparables au niveau de la France verront forcément leurs soldes nets diminuer au fur et à mesure que les dix nouveaux Etats membres seront les premiers bénéficiaires de ces fonds. Cependant il faut garder à l'esprit le fait que les situations varient d'un nouvel Etat membre à l'autre et que l'attribution de fonds structurels nécessite également un cofinancement par les budgets nationaux. Plus précisément s'agissant d'un éventuel dumping fiscal pratiqué par ces pays, l'une des premières étapes de la politique communautaire en la matière consiste à harmoniser l'assiette de l'imposition des sociétés, avant de passer, dans une seconde étape, à l'harmonisation des taux, vraisemblablement dans le cadre de coopérations renforcées ;

- concernant la possibilité de recourir aux coopérations renforcées, non seulement le traité constitutionnel en facilite quelque peu l'usage, mais il les étend à la politique de défense de l'Union européenne, sous forme de coopération structurée.

Examen pour avis du budget des Affaires européennes pour 2005

M. Roland Blum, Rapporteur pour avis, a indiqué que le budget de l'Union européenne pour 2005 s'inscrivait dans un contexte marqué par quatre événements importants pour l'Europe. Tout d'abord, alors que l'élargissement en 2004 à dix nouveaux Etats membres représentant 80 millions d'habitants fait de l'Union européenne, première puissance commerciale au monde, la troisième puissance démographique, le budget pour 2005 est le premier qui porte sur une Europe à vingt-cinq en année pleine. Le projet de constitution européenne est le deuxième événement marquant pour l'année qui vient. Il constitue un progrès sensible par rapport au Traité de Nice. Par ailleurs, la décision qui pourrait être prise par le Conseil européen en décembre prochain concernant l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie posera, quant à elle, la question de la nature même de l'Europe. Enfin, les négociations relatives aux perspectives financières pour la période 2007-2013, dites « Agenda 2007 », auront une portée stratégique pour l'avenir de l'Union européenne.

Avec un montant de 116 milliards d'euros en crédits d'engagement et de 105 milliards d'euros en crédits de paiement, le budget européen pour 2005 représente un tiers du budget de l'Etat français et, en crédits d'engagement, 1,09 % du revenu national brut de l'Union européenne, ce qui demeure inférieur au plafond fixé par les perspectives financières de 2000-2006. Ce budget connaît une augmentation de 5,4 % en crédits de paiement, due pour l'essentiel à l'élargissement à dix nouveaux membres. Il se caractérise cependant par la volonté de la Commission et, plus encore, du Conseil de maîtriser au mieux les dépenses communautaires et de réduire la « surbudgétisation » des crédits de paiement. La politique agricole commune représente 43 % de ce budget, la politique régionale une part de 36,5 % et les politiques internes de 7,7 %.

La France contribuera à hauteur de 16,6 milliards d'euros en 2005 au budget de l'Union, soit 6,1 % de ses recettes nettes fiscales. On constate qu'en raison de la sous-consommation des crédits, la France n'a eu finalement à contribuer qu'à hauteur de 15,4 milliards d'euros en 2004 alors qu'en loi de finances initiale, le prélèvement sur recettes prévu était de 16,4 milliards d'euros. Deuxième contributeur et deuxième bénéficiaire du budget communautaire, notre pays se situe au 4e rang des contributeurs nets pour un montant de - 1,929 milliards d'euros en 2002 et de - 1,725 milliards d'euros en 2003, derrière l'Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Les dépenses de l'Union européenne en France proviennent à 83 % de la politique agricole commune, à 11 % des politiques régionales et à 6 % des politiques internes.

Pour la période 2004-2006, l'élargissement de 2004 aura un coût de 17 milliards d'euros en crédits de paiement pour l'Union européenne. La France contribuera à cet effort à hauteur de 4 milliards d'euros. Au terme de l'accord de Copenhague de 2002, les nouveaux Etats membres bénéficieront de manière progressive des effets de la politique agricole commune jusqu'à un versement intégral en 2013. Les dépenses relatives aux politiques régionales seront également étalées. Pour la période 2004-2006, les dépenses en faveur de ces pays s'élèveront à 46,1 milliards d'euros en crédits d'engagement et à 33,4 milliards d'euros en crédits de paiement. En 2005, la France contribuera, pour sa part, à hauteur de 1,3 milliards d'euros.

Le projet de constitution européenne prévoit, quant à lui, une simplification de la procédure budgétaire. Il mettra fin à la distinction actuelle entre, d'une part, les dépenses obligatoires qui représentent 40 % du budget - pour l'essentiel des dépenses agricoles - et pour lesquelles le Conseil peut imposer ses vues et, d'autre part, les dépenses non obligatoires pour lesquelles le Parlement européen conserve le dernier mot. Le projet de Constitution propose de limiter la discussion budgétaire à une seule lecture au Conseil et au Parlement européen, les désaccords entre ces deux institutions étant soumis à un comité de conciliation. En cas d'échec d'une telle conciliation, il appartiendrait à la Commission de préparer un nouveau projet de budget, celui-ci étant alors réglé provisoirement sur la base du budget de l'année précédente.

Dans la perspective des négociations de l'Agenda 2007, le Gouvernement devra faire preuve de vigilance puisque, avec l'élargissement, la contribution de la France connaîtra une hausse alors que notre pays percevra moins de subsides en provenance de l'Union en raison de la réorientation des politiques structurelles. Les premières propositions de la Commission laissent entrevoir un surcoût pour la France de l'ordre de 5 milliards d'euros en 2013. En effet, le collège des commissaires milite en faveur d'une forte augmentation du budget qui atteindrait, en 2013, 1,27 % du revenu national brut en crédits d'engagement et 1,15 % en crédits de paiement, soit, par rapport à 2006, une hausse de 31 % en crédits d'engagement et de 25 % en crédits de paiement. Dans cette hypothèse, la France aurait à contribuer de manière supplémentaire pour un montant de 6,5 milliards d'euros, ne recevant en contrepartie que 1,5 milliard. En décembre 2003, notre pays ainsi que cinq autres Etats membres se sont exprimés en faveur d'une limitation du budget communautaire à 1 % du revenu national brut. D'autres Etats, en revanche, comme l'Espagne, la Grèce ou le Portugal sont favorables aux propositions de la Commission. En écho aux conclusions du rapport de MM. Vinçon et Laffineur remis en février 2004, la représentation nationale doit inviter le Gouvernement à la plus grande vigilance sur ce dossier.

L'accord de Fontainebleau de 1984 a mis en place le mécanisme dit du « chèque britannique » qui prévoit le remboursement au Royaume-Uni des deux tiers de sa contribution nette. Dans ses orientations pour l'Agenda 2007, la Commission européenne a avancé des propositions afin d'adapter ce mécanisme, notamment par l'instauration d'un dispositif de correction généralisée au bénéfice des plus importants contributeurs nets. Ces propositions, qui ne sont pas satisfaisantes, ont cependant peu de chance d'être adoptées puisque le Royaume-Uni y est opposé et que la règle de l'unanimité demeure en la matière. La France ne peut, elle non plus, accepter un tel dispositif qui se traduirait par une hausse importante de sa participation au budget communautaire. Notre pays préfère, à juste titre, plaider pour une plus grande rigueur budgétaire. Il appartiendra au Gouvernement de rallier à sa position des alliés de poids au sein de l'Union.

Le financement de la politique étrangère et de sécurité commune s'inscrit dans le cadre des dépenses relatives à l'action extérieure de l'Union. Il représentera 62,6 millions d'euros en crédits d'engagement en 2005 à destination d'opérations en Bosnie, en Macédoine, ainsi que pour des actions de non prolifération en Russie. Concernant la politique européenne de sécurité et de défense, seules les dépenses civiles et administratives sont prises en charge par l'Union européenne, les autres dépenses étant réglées par les Etats membres notamment, pour une part, en fonction de leur revenu national brut. Les dépenses communautaires au titre de la politique européenne de sécurité et de défense se sont élevées à 30 millions d'euros pour 2004.

En conclusion, le projet de budget pour 2005 démontre le souci, pour l'heure, d'assurer une bonne maîtrise des dépenses européennes et le Rapporteur a invité la Commission à donner un avis favorable à l'adoption de l'article 43 du projet de loi de finances. Des inquiétudes demeurent donc pour les perspectives financières de 2007-2013.

M. Richard Cazenave a souhaité obtenir des précisions sur le montant du prélèvement communautaire français qui serait de 15,4 milliards d'euros en 2004, soit 1 milliard de moins que ce qui avait été initialement prévu.

Le Président Edouard Balladur a demandé si cette diminution de la contribution française pouvait avoir des répercussions sur le budget de l'Etat français.

M. Roland Blum a indiqué qu'il y avait un décalage entre le projet de budget, indicatif, et l'exécution réelle de celui-ci. D'après les estimations relatives à l'exécution du budget de 2004, la contribution française s'élèverait à 15,4 milliards d'euros. Le milliard d'euros qui n'aura pas été consommé au titre de l'année 2004 constituera une augmentation des recettes de l'Etat français au titre du budget en cours.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 43 du projet de loi de finances pour 2005.

Examen pour avis du budget de l'Ecologie et du Développement durable pour 2005

M. Jean-Jacques Guillet, Rapporteur pour avis, a indiqué que les crédits du Ministère de l'écologie et du développement durable pour 2005 s'établissaient à 825 millions d'euros en moyens de paiement contre 856 millions d'euros pour 2004, soit une diminution globale de - 3,6 %. Le collectif budgétaire pour 2004 devrait cependant prévoir un abondement supplémentaire de 140 millions d'euros, ce qui devrait permettre de porter la prévision de consommation de crédits pour l'exercice 2005 à 965 millions d'euros. Par ailleurs, les effectifs du ministère augmentent de 20 postes et le taux de consommation des crédits a progressé de 44,73 % en 2001 à 98,06 % en 2004.

Parmi les priorités d'action du présent budget, trois concernent l'action internationale de la France : la lutte contre le changement climatique, avec la mise en œuvre du plan climat présenté le 22 juillet incluant la transposition de la directive quotas à compter du 1er janvier prochain ; la préservation de la biodiversité et la promotion du développement durable. Les effectifs du ministère de l'Ecologie et du Développement durable consacrés à l'action internationale sont de 47 agents, mais d'autres ministères sont mobilisés autour de la promotion du développement durable, qui constitue un sujet transversal par nature.

Sur la scène internationale, la France, prenant acte des oppositions à la création d'une organisation mondiale de l'environnement dotée de pouvoirs comparables à ceux de l'organisation mondiale du commerce, s'est engagée en faveur de la création d'une agence des Nations Unies chargée de l'environnement, l'ONUE, qui se substituerait à l'actuel Programme des Nations Unies (PNUE). Une telle réforme, qui doit être proposée à la soixantième assemblée générale des Nations Unies l'an prochain, permettrait d'améliorer l'application des accords multilatéraux environnementaux et renforcerait les moyens consacrés à leur suivi. Il importe dans ces conditions que la France honore ses promesses en terme de contributions. La création d'une telle organisation constitue une première étape vers une meilleure articulation entre le droit international environnemental et le droit international commercial, alors même que des conflits sont possibles, comme en atteste le protocole de Carthagène qui autorise les Etats signataires à restreindre les échanges d'OGM en conflit avec les règles de l'OMC.

La France a par ailleurs pris une part très active à la réflexion sur les moyens d'accroître l'aide publique au développement par la création de nouvelles contributions financières internationales dont la faisabilité a été étudiée dans le rapport récemment remis au Président de la République par M. Jean-Pierre Landau.

L'annonce faite par la Fédération de Russie de son intention de ratifier le protocole de Kyoto va permettre son entrée en vigueur puisque le seuil de 55 Etats représentant 55 % des émissions de gaz à effet de serre sur la base des émissions de 1990 va être franchi. Le protocole entrant dans sa phase opérationnelle, la France doit donc se préparer à cette échéance, ainsi qu'à la deuxième phase de réduction des émissions qui débutera en 2010. A cette fin, le registre national des quotas d'émission est en cours d'élaboration. Il n'est pas certain que les Etats-Unis qui représentent 36 % des émissions restent durablement en dehors du protocole, alors même que le système d'échange des quotas d'émission se développe. Il est regrettable que la France n'honore pas l'intégralité des contributions dues au titre de ses obligations dans les instances internationales chargées de la question du climat. Elle devrait également renforcer ses capacités d'expertise pour préparer les différentes conférences internationales traitant du climat : la Mission interministérielle de l'effet de serre souffre ainsi toujours d'un manque de personnel, puisqu'elle dispose de 9,5 postes réels, alors que le service équivalent en Allemagne est doté de 90 personnes et que le service britannique dispose de 40 agents.

Le prochain sommet de la Francophonie de Ouagadougou devrait permettre d'améliorer la coordination entre les pays membres sur les questions de développement durable. Il doit également permettre de faire progresser la défense de la diversité culturelle dont l'UNESCO est actuellement saisie. Alors que les pays francophones sont souvent insuffisamment mobilisés dans les différentes enceintes internationales, ce sommet devrait permettre d'y remédier.

En conclusion, le rapporteur a demandé que la France puisse honorer ses engagements internationaux en matière de développement durable et regretté que la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances n'ait pas permis d'améliorer la lisibilité des actions entreprises en la matière. Considérant que le budget présenté parle Ministre de l'Ecologie et du développement durable était acceptable, il a donné un avis favorable à son adoption par la Commission.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'Ecologie et du Développement durable pour 2005.

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