COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 10

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 9 novembre 2004
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Edouard Balladur,

Président de la Commission des Affaires étrangères

et de M. Guy Teissier, Président de la Commission de la Défense

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, Ministre de la Défense, sur la situation en Côte d'Ivoire


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Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, Ministre de la défense, sur la situation en Côte d'Ivoire.

M. Edouard Balladur, Président de la Commission des Affaires étrangères, a remercié Mme Michèle Alliot-Marie d'avoir répondu aussi rapidement à l'invitation des deux commissions.

Mme Michèle Alliot-Marie a déclaré à titre liminaire qu'elle avait une pensée particulière pour les soldats français décédés en Côte d'Ivoire et pour leurs familles. Le rapatriement des soldats blessés, dont les premiers sont arrivés en France dès dimanche 7 novembre, s'achève. Ils sont hospitalisés dans les établissements de Percy, Bégin et du Val de Grâce. Les honneurs militaires seront rendus le 10 novembre aux soldats décédés.

Puis, la Ministre a rappelé la chronologie des événements. Les forces françaises stationnées à Bouaké en appui des forces de l'ONU ont été attaquées samedi 6 novembre, vers quatorze heures, par deux aéronefs des forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI). Ces bombardements ont fait des victimes en grand nombre et le Président de la République a immédiatement ordonné une riposte sur les forces aériennes militaires ivoiriennes, qui ont été intégralement neutralisées avant vingt-deux heures.

M. Kofi Annan, Secrétaire général des Nations unies, et M. Jean-Marie Guéhenno, Secrétaire général adjoint, directeur du Département des opérations de maintien de la paix, ont fait part de leur condamnation de l'action contre les forces françaises et ont soutenu la riposte qu'elles ont conduite, ainsi que leur action en faveur de l'application des accords de Marcoussis. Le Secrétaire général a renforcé les règles d'engagement de la force de l'ONU en Côte d'Ivoire (ONUCI), permettant ainsi d'ouvrir le feu dans des conditions moins restrictives que celles précédemment en vigueur. Le Président de l'Union africaine, M. Olusegun Obassanjo, a également fait part de son soutien à la France.

La situation sécuritaire s'étant sérieusement dégradée dans la nuit du 6 au 7 novembre, il a été décidé de renforcer les effectifs des forces françaises de l'opération Licorne, chargée de protéger les ressortissants français et étrangers présents en Côte d'Ivoire : 800 soldats, dont un escadron de gendarmes mobiles, ont été envoyés sur place, d'abord depuis Libreville et Dakar, puis depuis la France. Des bandes de « jeunes patriotes » se sont livrées à des exactions, des actes de pillage et de vandalisme. Jusqu'à 30 000 de ces voyous ont été dénombrés dans les rues d'Abidjan, à la suite d'appels au lynchage des populations blanches, et ils ont menacé les emprises militaires de la force Licorne. Actuellement, 2 000 ressortissants français, belges et libanais ont été accueillis pour moitié par le 43ème bataillon d'infanterie de marine (BIMA) et pour moitié dans les emprises de l'ONUCI. L'effectif total des ressortissants français et de la communauté internationale présents à Abidjan est de 10 000 personnes. Afin d'assurer leur protection, une partie des forces sécurisant la zone de confiance a été redéployée dans la capitale, notamment pour sécuriser l'aéroport, les ponts et l'hôtel Ivoire.

La tension a cru le 8 novembre au matin, une rumeur ayant circulé autour d'une supposée volonté de la France de démettre le Président Gbagbo des ses fonctions. La Ministre de la Défense a indiqué qu'elle avait appelé son homologue ivoirien pour infirmer cette rumeur. Le déploiement des forces de gendarmerie ivoirienne aux abords du siège de la présidence, ainsi qu'une conférence de presse commune aux trois généraux commandant les FANCI, l'ONUCI et la force Licorne, ont également permis de favoriser le retour au calme. Même si les ponts ont été rouverts, il n'en demeure pas moins que la situation reste instable et que des groupes continuent à se livrer à des pillages. L'un des responsables des « jeunes patriotes », M. Charles Blé-Goudé, a même demandé ce mardi 9 novembre le retrait des militaires français des abords de l'hôtel Ivoire avant seize heures. Il semble qu'une manifestation pacifique ait actuellement lieu devant ce même hôtel.

La Ministre de la Défense a terminé son point de situation en soulignant que, tout au long des incidents de ces derniers jours, le dialogue entre les chefs d'état-major français et ivoirien n'a jamais été rompu. Si la situation est calme et sous contrôle, elle demeure néanmoins précaire à Abidjan.

M. Guy Teissier, Président de la Commission de la Défense, a dénoncé la partie de cache-cache politique que joue le Président Gbagbo. Tel Janus, il fait des déclarations rassurantes et se dit conscient de la gravité de la situation, tout en continuant à alimenter l'agitation d'éléments incontrôlés. Cette attitude lui permet de gagner du temps pour s'armer en moyens puissants, susceptibles de permettre à ses troupes de franchir la zone de confiance. Les bombardements contre les troupes françaises étaient destinés à tester notre réactivité. Dans ces conditions, dans quelle mesure peut-on encore faire confiance au Président ivoirien ?

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que la France a tout intérêt à préserver la stabilité de la Côte d'Ivoire. Repliée sur elle-même en raison de la crise qui l'affecte, la Côte d'Ivoire a déjà perdu de son attractivité économique et de son produit intérieur brut. Elle rencontre aussi des problèmes avec le Fonds monétaire international. Si le calme n'est pas maintenu et si le pays est coupé en deux, ce conflit aura une incidence directe sur la situation de l'Afrique de l'Ouest puis, par répercussion, sur l'ensemble du continent africain. Une extension du conflit entraînerait des mouvements de populations incontrôlés et des drames humanitaires. De nombreuses ressources d'origine pétrolière ou minière ne seraient plus accessibles. Les conséquences géostratégiques de l'extension de ce conflit peuvent donc être très importantes.

La France, qui a un attachement particulier pour la Côte d'Ivoire et ses habitants, a essayé de trouver une solution politique en commun avec les différentes parties : les accords de Marcoussis, confortés par ceux d'Accra, en sont le résultat. Tous les pays africains voisins ont d'ailleurs signé et paraphé ces accords, mais il subsiste, de la part de tous les belligérants, une volonté de ne pas les mettre en œuvre.

L'ONU a pris conscience de son rôle et une résolution doit être adoptée le 10 novembre par le Conseil de sécurité. Ce texte prévoit des sanctions individuelles à l'encontre de ceux qui ne respectent pas le calendrier des accords de Marcoussis et d'Accra.

S'agissant des bombardements contre les troupes françaises à Bouaké, la thèse de l'accident n'est guère crédible. Les Sukhoï et les hélicoptères Mi 24 visaient des cibles militaires des Forces nouvelles depuis trois jours avec une relative précision. Les soldats français blessés qui ont été rapatriés en région parisienne ont indiqué que les Sukhoï étaient déjà passés deux fois en enfilade au-dessus de la base française avant d'effectuer leur bombardement. De plus, les véhicules qui stationnaient dans le camp arboraient des drapeaux français particulièrement visibles. Compte tenu du climat actuel, on ne peut totalement exclure l'hypothèse d'une initiative personnelle des pilotes. Il reste toutefois difficile de savoir si un ordre a été réellement donné.

M. Edouard Balladur, Président de la Commission des Affaires étrangères, a demandé quels étaient exactement les missions et le statut des forces françaises en Côte d'Ivoire et si leur mandat justifiait, d'un point de vue juridique, leur présence à Abidjan. Observant que les forces françaises semblent par ailleurs plus actives et efficaces que celles des Nations unies, il a également souhaité savoir si l'attitude moins entreprenante de l'ONUCI était délibérée. Se référant ensuite aux propos de la Ministre évoquant une responsabilité personnelle du Président Gbagbo devant la communauté internationale, il a demandé si cette responsabilité pouvait aller jusqu'à une mise en accusation devant la Cour pénale internationale. Il a enfin demandé si les accords de Marcoussis étaient encore applicables et s'il était possible d'envisager de nouvelles bases pour arriver à la solution du conflit.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que les missions de l'ONUCI étaient différentes de celles assignées au dispositif Licorne. L'ONUCI a pour mission d'assurer la paix et de faire respecter les différents accords. Elle doit veiller au processus de démobilisation, désarmement et réinsertion (DDR). Les troupes de l'opération Licorne, quant à elles, doivent protéger les ressortissants français et les membres de la communauté internationale. Elles apportent leur soutien aux forces de l'ONUCI en cas de besoin. Ce fut le cas vendredi 5 novembre dans la soirée, lorsque les éléments marocains de l'ONUCI ont demandé de l'aide pour bloquer un convoi de FANCI se dirigeant vers le nord de la Côte d'Ivoire.

Il n'y a aucune contestation possible par rapport au statut de nos forces à Abidjan, car leur mandat correspond tout à fait aux missions qui leur ont été assignées ces derniers jours. Le dispositif regroupe désormais 5 000 militaires français.

L'ONUCI doit faire face à un double problème. Tout d'abord, jusqu'à samedi soir, elle n'avait la possibilité d'utiliser des armes qu'en cas de légitime défense. Elle n'avait donc pas les moyens de répondre aux bombardements menés en violation du cessez-le-feu. Cette insuffisance juridique du mandat a pris fin avec l'extension des capacités de tir hors du cas restreint de légitime défense. La deuxième mission des Nations unies au Congo (MONUC II) s'était d'ailleurs retrouvée en très grande difficulté en Ituri pour les mêmes raisons. L'autre problème de l'ONUCI est le manque d'homogénéité quant au niveau, voire à la motivation des 6 200 hommes qui la composent. Cette force comprend notamment des soldats originaires de pays anglophones, qui ne parlent pas la langue pratiquée par la population locale ; il s'agit là d'un problème courant dans les forces des Nations unies.

Les sanctions permises par le projet de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU sont personnelles et peuvent se traduire notamment par un gel des avoirs ou une interdiction de sortie du territoire. Il s'agit donc de mesures prises dans le cadre de l'ONU, ce qui n'exclut naturellement pas d'éventuelles suites judiciaires internationales.

Les accords de Marcoussis constituent la seule solution politique pour éviter le chaos. Grâce au processus de désarmement, regroupement et réinsertion des rebelles, ils peuvent prémunir contre des incidents permanents. En parallèle, ils prévoient l'organisation d'élections en 2005, afin de mettre en place des autorités pleinement légitimes et d'inciter les protagonistes à se confronter sur le seul terrain politique. Les acquis des accords de Marcoussis n'ont pas été négligeables, comme en a attesté la participation de certains ministres des Forces nouvelles au gouvernement de réconciliation nationale. Néanmoins, la réforme des conditions de nationalité pour être éligible à la présidence de la République n'est pas entrée en vigueur, de sorte que la question de la possibilité d'une candidature de M. Alassane Ouattara reste posée. Ce problème est pourtant l'une des clés d'un retour à la stabilité.

M. Edouard Balladur, Président de la Commission des Affaires étrangères, a souhaité préciser qu'il n'avait nullement suggéré l'abrogation des accords de Marcoussis, mais qu'il s'était seulement interrogé sur l'éventuelle nécessité de les compléter ou de les préciser.

M. Richard Cazenave a demandé si les nouveaux moyens juridiques dont l'ONU a décidé de doter sa force en Côte d'Ivoire, l'ONUCI, seront suffisants pour relancer l'application des accords de Marcoussis. Il n'existe pas de solution alternative à la mise en œuvre de ces accords, mais comment est-il possible de contraindre à la négociation des acteurs pratiquant un double langage ?

M. Jérôme Rivière a relevé que les forces françaises se trouvent sous mandat de l'ONU, ce qui les fragilise. Les nouvelles règles d'engagement, durcies, sont-elles suffisantes et auraient-elles permis une riposte efficace si elles avaient été en vigueur lors de l'agression contre la force Licorne, le 6 novembre ?

M. Jean-Yves Hugon a demandé quelles conclusions politiques, diplomatiques et économiques tireraient les autorités françaises s'il était avéré que l'attaque contre les forces françaises avait été délibérée.

M. Jacques Myard a jugé que, si le Président Gbagbo s'est lancé dans une telle aventure, c'est qu'il estime pouvoir gagner. De fait, son réarmement récent lui confère la supériorité militaire sur les Forces nouvelles. Dans ces conditions, l'équilibre précaire des accords de Marcoussis n'est-il pas dépassé ?

En réponse à ces questions, Mme Michèle Alliot-Marie a apporté les réponses et précisions suivantes :

- les sanctions prévues, notamment le gel des avoirs, ont une réelle portée, mais il faut également mettre en œuvre une action internationale plus coordonnée. Il est indéniable que M. Guillaume Soro a été encouragé par certains, de même qu'il est certain que des mercenaires sont présents en Côte d'Ivoire et que les armes affluent de part et d'autre de la zone de confiance. Une solution consisterait à appliquer de manière plus effective les conventions internationales contre le mercenariat. De même, de nombreux chefs d'Etats africains sont désemparés devant les volte-face du Président Gbagbo et leur action conjointe pourrait peser sur ce dernier ;

- les règles durcies appliquées par le contingent de l'ONUCI et, partant, par les forces françaises, permettent d'ouvrir le feu de manière préventive. Si elles avaient été en vigueur au moment du drame du 6 novembre, les avions des FANCI auraient pu être abattus avant qu'ils ne bombardent les positions françaises. Il convient de souligner que, après la riposte française, les avancées terrestres des FANCI ont été stoppées ;

- l'équilibre des forces entre les belligérants est compromis depuis un certain temps. On constate le délitement des Forces nouvelles qui sont composées d'éléments disparates tels d'anciens détenus récemment libérés. Ainsi, un certain nombre de ces soldats ne sont plus payés, comme l'a montré un incident survenu l'an passé, qui a coûté la vie à un soldat français défendant un village. En achetant des armes, notamment des avions Sukhoï, un drone israélien et des hélicoptères Mi 24, le président Gbagbo entendait permettre aux FANCI d'écraser les Forces nouvelles. Aujourd'hui, la situation n'est plus la même, puisque les forces françaises ont privé les troupes gouvernementales de leur supériorité aérienne ;

- il est difficile de spéculer sur les résultats de l'enquête diligentée pour expliquer les circonstances de l'agression contre les forces françaises. Si l'on ignore à ce jour qui en a pris l'initiative, le caractère volontaire de ces actes amènera la France à réclamer une indemnisation. Les pouvoirs publics français n'ont pas attendu pour que, conformément à une pratique constante, les armées soutiennent financièrement et psychologiquement les blessés et les familles des victimes.

M. Hervé de Charette a souhaité savoir quel pouvait être l'avenir de la présence de la communauté française en Côte d'Ivoire. Il s'est interrogé sur les objectifs poursuivis par la France, le pays étant coupé en deux.

Mme Michèle Alliot-Marie a souligné que la France ne se satisfaisait pas de cette division et que l'un des objectifs qu'elle avait poursuivis consistait à étendre progressivement la zone de confiance vers le nord du pays.

M. Hervé de Charette a ensuite demandé comment pouvait être envisagé un pouvoir stable à Abidjan et s'il était encore possible de faire encore confiance à M. Gbagbo ou s'il convenait de rechercher un nouvel interlocuteur. Il a enfin souhaité connaître le rôle joué par le Burkina Faso dans la crise ivoirienne.

M. Yves Fromion a relevé que le rôle de médiation joué par les soldats africains de l'ONUCI est particulièrement précieux pour assurer l'ordre public. Il s'est ensuite interrogé sur les actions exactes menées par les troupes françaises en réaction à la progression vers le nord des FANCI, le vendredi 5 novembre, le bombardement du lendemain ayant été présenté comme une possible mesure de rétorsion.

Mme Michèle Alliot-Marie a précisé que trois colonnes des FANCI avaient tenté de prendre Bouaké en tenaille. Les forces marocaines ont ralenti un moment la progression de l'une d'elles, mais, dépassées par le nombre, elles ont fait appel aux forces françaises.

M. Axel Poniatowski a souhaité savoir comment était organisée la surveillance des frontières, en vue notamment de maîtriser les trafics d'armes. Il a également demandé quels seraient les problèmes qui résulteraient d'une acceptation du principe de la partition du pays, en s'interrogeant sur la justification politique d'une telle option.

Après avoir souligné l'importance du renforcement du dispositif militaire français, M. Bernard Deflesselles a formulé plusieurs interrogations sur la capacité des troupes sur place à faire face dans la durée au réarmement systématique, à la duplicité du pouvoir en place et aux mouvements de foules. Il a ensuite souhaité savoir si une deuxième phase de renforcement militaire était d'ores et déjà envisagée.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que la communauté française en Côte d'Ivoire était passée de 20 000 à 12 000 personnes en deux ans, en raison des départs des familles des expatriés travaillant dans de grandes entreprises et ayant peu de liens avec le pays. Sur les 12 000 Français restant, la moitié est constituée de binationaux et la plupart résident depuis très longtemps là-bas. Il n'y a pas de demande massive de rapatriement et il faut saluer la solidarité manifestée par la grande majorité des Ivoiriens face aux exactions subies par les communautés étrangères.

L'objectif poursuivi par la France est la stabilisation du pays, car un approfondissement de la crise aurait des conséquences directes sur l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest et, au-delà, sur l'Afrique tout entière, en raison de la nature multiethnique de la plupart des pays africains. Si, après la décolonisation, une génération de chefs d'Etat a réussi à faire vivre ensemble les différentes ethnies au nom de l'intérêt général, aujourd'hui cette culture se délite. Il n'est pas possible de permettre une déstabilisation généralisée du continent qui accroîtrait de façon considérable la menace terroriste.

Le Burkina Faso a été montré du doigt par le Président Gbagbo dès le début de la crise, au motif que certains dignitaires de ce pays auraient encouragé les visées de Guillaume Soro, mais son influence a été avant tout financière et non pas directement militaire. D'ailleurs, comme les autres Etats voisins de la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso contribue désormais à la surveillance des frontières.

Nul ne conteste le rôle joué par les soldats africains de l'ONUCI. En revanche, l'absence de maîtrise de la langue locale par les contingents anglophones rend l'accomplissement de leur mission nettement plus difficile. Les autres contingents participant à l'ONUCI ont permis également de limiter les réactions passionnelles liées à la présence militaire d'une ancienne puissance coloniale, même s'il convient de rappeler que les forces françaises ont été appelées par le Président Gbagbo.

En cas de partition de la Côte d'Ivoire, le phénomène d'éclatement des Etats s'étendrait très rapidement à l'ensemble de l'Afrique.

Les soldats français rempliront leur mission. Une démonstration de force évite de recourir à la force. Les tirs d'intimidation ont ainsi limité le nombre des blessés parmi des insurgés, qui, d'ailleurs, disposaient à Abidjan d'armes légères distribuées à la présidence.

L'objectif ultime est de permettre l'organisation d'élections, suivies d'un retrait des forces françaises. La situation reste toutefois extrêmement tendue et il n'est plus question d'alléger le dispositif en janvier 2005, comme cela avait pu être envisagé avant les événements de ces derniers jours.

M. Jacques Remiller a rappelé qu'il s'était rendu en Côte d'Ivoire, en avril 2004, avec M. Henri Sicre, au titre d'une mission de la Commission des Affaires étrangères chargée de vérifier la mise en œuvre des accords de Marcoussis. Le rapport d'information présenté à la suite de ce déplacement avait mis en évidence les tensions régnant dans le pays. Le nécessaire désarmement des factions, préalable aux élections, ne pouvait que les exacerber. Au vu de cette mise en garde, n'aurait-on pas pu éviter les incidents de ces derniers jours et, notamment, le saccage des lycées français d'Abidjan ?

M. Jean-Claude Guibal a demandé si le Président Laurent Gbagbo était désormais isolé ou s'il bénéficiait encore de soutiens extérieurs à la Côte d'Ivoire.

M. Marc Joulaud a rappelé qu'il s'était rendu avec le Président Guy Teissier et plusieurs membres de la Commission de la Défense en Côte d'Ivoire, il y a un an, et qu'il avait pu assister à la formation de pilotes ivoiriens par des mercenaires biélorusses. Quels sont désormais la volonté et les moyens du Président Gbagbo pour réarmer les FANCI et recourir à l'appui de mercenaires ? Peut-il compter sur le soutien d'autres Etats ?

M. Jean-Paul Dupré a demandé si la disparition évoquée de deux de nos concitoyens était confirmée.

M. Michel Destot a indiqué que le prochain sommet de la francophonie se tiendrait dans deux semaines à Ouagadougou, au Burkina Faso. Cette réunion internationale sera-t-elle l'occasion pour le Président de la République d'adresser un message fort sur la position de la France en Afrique ?

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que le rapport parlementaire publié par MM. Remiller et Sicre à leur retour de Côte d'Ivoire avait été examiné attentivement et qu'il rejoignait les analyses du ministère de la Défense. Le Président Gbagbo, en dépit des pressions exercées par la communauté internationale, n'a pas modifié sa position. L'attaque subie le 6 novembre par les forces françaises à Bouaké pose la question des moyens de riposte et du respect des décisions de l'ONU. En effet, il n'était alors pas possible d'ouvrir le feu de manière préventive.

Laurent Gbagbo n'a plus aucun soutien diplomatique en Afrique. L'Union africaine l'a condamné unanimement. Beaucoup de ses homologues sont exaspérés par son attitude. Qu'il manifeste une volonté de se réarmer est probable. Qu'il en ait les moyens est moins sûr, à l'exception peut-être d'un recours au mercenariat, dans la mesure où la Côte d'Ivoire est déjà très endettée et où le Fonds monétaire international contrôle de près l'évolution de la situation financière du pays.

Les autorités françaises n'ont, pour l'instant, aucune confirmation quant à la possible disparition de deux de nos compatriotes en Côte d'Ivoire.

Il ne fait aucun doute que le Président de la République et l'ensemble de ses homologues africains exprimeront, à l'occasion du prochain sommet de la francophonie, leur sentiment unanime sur la situation en Côte d'Ivoire.

M. Guy Teissier, Président de la Commission de la Défense, a estimé qu'un délai important serait nécessaire avant que les effectifs engagés dans l'opération Licorne puissent être réduits.

M. Edouard Balladur, Président de la Commission des Affaires étrangères, s'est déclaré réconforté par la réaction cohérente de l'opinion publique et de la représentation nationale dans l'épreuve difficile que traverse le pays. La France ne peut pas se désengager de l'Afrique francophone. Sa présence, qui résulte de liens anciens, forts et légitimes, est souhaitée par les populations locales. Reste à en adapter les modalités.

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● Côte d'Ivoire


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