COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 14

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 23 novembre 2004
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Accord relatif au statut du personnel militaire et civil détaché auprès des institutions de l'Union européenne (n° 1781) - M. Bernard Schreiner, rapporteur

- Accord avec la Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles (n° 1640) - Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteure

- Accords internationaux sur l'Escaut et la Meuse (nos 1772 et 1773) - M. Philippe Cochet, rapporteur



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Accord relatif au statut du personnel militaire et civil détaché auprès des institutions de l'Union européenne

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jacques Remiller, suppléant M. Bernard Schreiner, empêché, le projet de loi n° 1781 autorisant l'approbation de l'accord entre les Etats membres de l'Union européenne relatif au statut du personnel militaire et civil détaché auprès des institutions de l'Union européenne, des quartiers généraux et des forces pouvant être mis à la disposition de l'Union européenne dans le cadre de la préparation et de l'exécution des missions visées à l'article 17, paragraphe 2, du Traité sur l'Union européenne, y compris lors d'exercices, et du personnel militaire et civil des Etats membres mis à la disposition de l'Union européenne pour agir dans ce cadre (SOFA UE).

M. Jacques Remiller, rapporteur suppléant de M. Bernard Schreiner, a rappelé que, utopie il y a dix ans, projet il y a cinq ans, la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) était aujourd'hui une réalité, dont témoignait l'existence de structures institutionnelles (comité politique et de sécurité, comité militaire, état-major, cellule de planification, centre de situation, agence européenne de défense), d'une stratégie et de moyens, ces différents éléments étant inscrits, soit dans les traités existants soit, pour certains, dans le projet de traité constitutionnel. S'agissant des structures tout d'abord, il a fait observer que, au total, plus de 200 personnes oeuvraient au jour le jour à faire vivre la PESD. Quant à la stratégie européenne de sécurité, elle a été définie en décembre 2003 et représente une avancée majeure sur un sujet encore tabou il y a cinq ans. Enfin, s'agissant enfin des moyens, l'agence européenne de défense créée le 12 juillet 2004 devrait contribuer à approfondir une démarche capacitaire européenne. Par ailleurs, lors du sommet d'Helsinki de décembre 1999, les chefs d'Etat et de gouvernement ont exprimé la volonté de doter l'Union européenne d'une force d'intervention de l'ordre de cinquante à soixante mille hommes, déployable en 60 jours, pour une durée d'au moins un an, afin d'être en mesure d'effectuer les missions de gestion de crises dites de Petersberg (aide humanitaire, évacuation de ressortissants, maintien de la paix et rétablissement de la paix). L'objectif d'Helsinki a été déclaré atteint à la fin de l'année 2003, les instruments civils et militaires de gestion de crise (structures, concepts, capacités) étant réalisés et opérationnels.

Le Rapporteur a toutefois noté que manquait à ce jour un statut des forces chargées de mener à bien les « missions de Petersberg », alors même qu'il s'agissait d'un élément essentiel pour que ceux qui participent à la sécurité de l'Europe puissent, au jour le jour, mener à bien leurs missions en toute sécurité juridique. Il a expliqué que l'objet de la présente convention, signée le 17 novembre 2003 à Bruxelles, était précisément de pallier ce manque, ce qui devenait urgent, alors que l'Union européenne multipliait ses interventions sur les théâtres extérieurs. Ainsi, c'est d'abord l'opération Concordia qui a vu, en 2003, les soldats de l'Union européenne intervenir en Macédoine à la suite de l'OTAN, en partie d'ailleurs avec les moyens de celle-ci, conformément aux accords dits de « Berlin plus », régissant les relations entre l'OTAN et l'Union. C'est ensuite, avec les seuls moyens de l'Union cette fois, l'opération Artémis en République démocratique du Congo, de juin à septembre 2003.

M. Jacques Remiller a fait observer que c'était d'ailleurs cette opération qui avait fait apparaître la nécessité de disposer d'un texte européen afin, notamment, de régler les questions liées à la présence des personnels détachés par les Etats participants à l'opération auprès du quartier général d'opération, situé à Paris. A ce jour en effet, les personnels militaire et civil détachés auprès de l'État-major de l'Union européenne ne sont régis par aucun accord leur octroyant des immunités et privilèges comparables aux fonctionnaires et agents des Communautés européennes. La seule base juridique en la matière est une décision du Conseil du 16 juin 2003, ayant pour seul objet de déterminer les conditions de travail, telles que les horaires de travail ou les congés, de définir les droits et obligations auxquels sont soumis les personnels détachés et de préciser le régime applicable aux indemnités et dépenses. Il a ajouté que, dans la perspective de la relève, le 2 décembre prochain, de l'OTAN par l'Union européenne en Bosnie, dans le cadre de l'opération Althéa, cette lacune juridique n'était pas tenable, l'existence d'un statut régissant les personnels des Etats membres intervenant dans le cadre de la PESD étant une nécessité absolue.

M. Jacques Remiller s'est ensuite attaché à présenter ce statut, dont il a fait remarquer le caractère très classique, calqué, pour partie, sur la convention qui avait été signée entre les Etats membres de l'OTAN en 1951, et adapté aux règles propres à l'Union européenne, par exemple en matière de libre circulation des personnes. Il a précisé qu'il prévoyait, tout d'abord, en distinguant selon la nature des personnels concernés, un certain nombre d'éléments matériels, relatifs aux soins médicaux et dentaires, au port de l'uniforme et d'armes, à la nécessité d'un ordre de mission et au régime fiscal des soldes et traitements perçus. Il a ajouté que ce statut définissait ensuite, pour les personnels détachés auprès des institutions de la PESD, civil et militaire, un régime d'immunité de juridiction pour les paroles, écrits et actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions.

S'agissant du cas spécifique des personnels mis à disposition des quartiers généraux, les compétences juridictionnelles respectives de l'État d'origine et de l'État de séjour y étaient précisément définies : ainsi, chaque État membre a une juridiction exclusive pour les infractions punies par ses lois et règlements et qui ne le sont pas par l'autre État membre. En cas de concurrence de juridiction, l'État d'origine exerce par priorité celle-ci pour les infractions portant atteinte uniquement à sa sûreté, à sa propriété ou à un de ses personnels ou lorsque les infractions ont été accomplies dans l'exécution du service.

Le règlement des dommages faisait également l'objet d'une disposition spécifique ; notamment, la renonciation des États membres à toute demande d'indemnité à l'encontre d'un autre État membre a lieu dans des conditions classiques.

M. Jacques Remiller a par ailleurs noté que le présent statut réglait la question de la compatibilité entre ce statut et d'autres statuts de forces - dans les faits, celui de l'OTAN : le principe en est que le statut faisant l'objet de la présente convention ne s'applique que dans les cas où les quartiers généraux et les forces sont mis à disposition de l'Union européenne pour la préparation et l'exécution des missions de Petersberg et que leur statut n'est pas couvert par un autre accord. Lorsque le statut de ces quartiers généraux et de ces forces est régi par un autre accord et que ces quartiers généraux et forces, ainsi que leur personnel, agissent dans le cadre mentionné ci-dessus, des arrangements spécifiques peuvent être conclus entre l'Union européenne et les Etats ou les organisations engagés afin de décider quel est l'accord applicable à l'opération ou à l'exercice concerné.

M. Jacques Remiller a enfin précisé que le présent statut pouvait être appliqué à des États tiers qui participeraient à des opérations ou des exercices militaires réalisés sous l'égide de l'Union européenne, comme ce fut le cas, par exemple, au Congo, où se sont joints aux treize membres de l'Union participant à l'opération, l'Afrique du Sud, le Brésil, le Canada et Chypre.

Après avoir rappelé qu'à ce jour, seule l'Autriche avait ratifié la présente convention, le 8 septembre dernier, M. Jacques Remiller a jugé important que la France soit parmi les premiers Etats membres à procéder à cette ratification, conformément au rôle moteur qu'elle joue dans la construction de la politique européenne de sécurité et de défense. Il a donc vivement recommandé l'adoption par la Commission du présent projet de loi.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1781).

Accord avec la Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Chantal Robin-Rodrigo, le projet de loi n° 1640 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre.

Mme Chantal Robin-Rodrigo, Rapporteure, a indiqué que ce projet de loi avait pour objet d'autoriser l'approbation de l'accord entre le Gouvernement français et le Gouvernement roumain sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre : il s'agit de faciliter l'exercice d'une profession par les membres de la famille des diplomates français en Roumanie, et des membres des familles des diplomates roumains en France.

L'Assemblée nationale a déjà approuvé trois accords bilatéraux de ce type : les premiers avec le Brésil et avec l'Australie, en juin 2003, un troisième avec la Nouvelle-Zélande, en avril 2004. Celui qui est l'objet du présent projet de loi reprend le même modèle.

L'accord a pour objectif de permettre aux personnes à charge des agents des missions diplomatiques et consulaires d'exercer une activité professionnelle salariée dans leur pays de résidence, alors que cette possibilité leur est normalement fermée en raison de leur statut dérogatoire du droit commun et de l'existence de privilèges et immunités dont ils bénéficient en application des conventions de Vienne de 1961 et 1963.

Mme Chantal Robin-Rodrigo a précisé que les « personnes à charge » concernées par ces dispositions étaient les conjoints et les enfants à charge âgés de moins de vingt-et-un ans, ou sans condition d'âge s'ils étaient handicapés et célibataires. Seules quelques dizaines de personnes seraient actuellement visées dans les deux pays par ces dispositions, qui sont néanmoins très attendues, car les conjoints des agents en poste à l'étranger souhaitent de plus en plus souvent poursuivre leur activité professionnelle.

La contrepartie, logique, de la possibilité d'exercer une activité professionnelle est la renonciation aux immunités pour toutes les questions liées à l'activité professionnelle concernée. L'autorisation d'exercer cette activité sera accordée par l'Etat d'accueil à l'issue d'une procédure prévue par l'accord et cessera dès que la personne concernée ne remplira plus les conditions fixées pour bénéficier des dispositions de l'accord (à la fin de son contrat de travail, si elle est cesse d'être une personne à charge d'un membre de mission officielle, ou après la cessation des fonctions de celui-ci).

Les bénéficiaires de cet accord seront imposables dans l'Etat d'accueil sous réserve des dispositions pertinentes de la convention fiscale entre la France et la Roumanie, et soumise au régime de sécurité sociale du pays d'accueil.

Conformément aux conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1640).

Accord international sur l'Escaut et la Meuse

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Philippe Cochet, le projet de loi n° 1772 autorisant l'approbation de l'accord international sur l'Escaut et le projet de loi n° 1773 autorisant l'approbation de l'accord international sur la Meuse

M. Philippe Cochet, rapporteur, a rappelé que les deux accords dont l'approbation était soumise à l'autorisation de l'Assemblée nationale avaient été signés le 3 décembre 2002 à Gand (Belgique) en vue de préciser le cadre de la coopération internationale en matière de réduction des pollutions affectant les fleuves de la Meuse et de l'Escaut. Ces deux accords doivent succéder aux accords de Charleville-Mézières conclus le 26 avril 1994 dans l'esprit de la convention d'Helsinki du 17 mars 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux.

Les accords de Charleville-Mézières, entrés en vigueur en 2002, ont défini de manière précise la délimitation des deux bassins versants et fixé comme objectif le développement d'une coopération et d'une gestion coordonnée du bassin hydrographique transfrontalier. A cette fin, ils ont institué pour chacun des bassins concernés une commission internationale, chargée notamment de veiller à la mise en œuvre des mesures de protection et de centraliser les informations relatives aux sources de pollution.

La directive du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, adoptée le 23 octobre 2000, a nécessité une mise à niveau des deux accords de Charleville-Mézières. Ceux-ci présentaient en effet des insuffisances sur trois points par rapport aux exigences introduites par la directive : l'objectif du bon état général des eaux de surface, côtières et souterraines d'ici 2015 ; l'établissement d'un plan de gestion unique dans chaque district hydrographique international ; l'obligation de consultation du public sur l'élaboration du plan de gestion.

Les deux accords de Charleville-Mézières doivent donc être abrogés et remplacés par des accords plus exigeants, permettant la mise en œuvre d'une gestion durable et intégrée de l'eau des deux districts hydrographiques de la Meuse et de l'Escaut. Les deux accords conclus à Gand par l'Allemagne, la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et les trois régions belges pour celui relatif à la Meuse et par la Belgique, la France, les Pays-Bas et les trois régions belges pour celui relatif à l'Escaut, poursuivent cet objectif en renforçant la coordination des Etats parties et en instaurant une plus grande intégration des politiques mises en œuvre dans le cadre des deux bassins hydrographiques.

Ces deux accords internationaux sur la Meuse et sur l'Escaut devraient entrer en vigueur dès l'année prochaine. Les procédures de ratification sont terminées ou sont sur le point d'aboutir dans chacun des Etats parties. Il importe donc de ne pas retarder l'entrée en vigueur de ces deux accords, afin que la France se conforme aux objectifs de la directive cadre européenne en matière de politique de l'eau. Pour ces raisons, le Rapporteur propose à la Commission d'adopter les présents projets de loi.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 1772 et 1773).

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● Défense européenne

● Roumanie

● Escaut - Meuse


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