COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 16

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 1er décembre 2004
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Accord de coopération transfrontalière avec la Belgique


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Accord de coopération transfrontalière avec la Belgique

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Bruno Bourg-Broc, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, d'une part, et le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la communauté française, le Gouvernement de la région wallonne et le Gouvernement flamand, d'autre part, sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux (n° 1331).

M. Bruno Bourg-Broc, Rapporteur, a tout d'abord indiqué que le présent projet de loi avait pour objet d'autoriser l'approbation d'un accord portant sur le principe et l'application de la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux. Cet accord a été signé le 16 septembre 2002 par cinq Parties qui sont le Gouvernement français, le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la Communauté française de Belgique, le Gouvernement de la Région wallonne de Belgique et le Gouvernement flamand de Belgique, commun à la Communauté flamande et à la Région flamande. Il répond à une demande déjà ancienne des responsables locaux, tant belges que français, de disposer d'un outil fonctionnel pour faciliter leurs activités communes. A cet égard, il convient de souligner que ce texte a été adopté par le Sénat le 6 janvier 2004 sur le rapport de M. Pierre Mauroy. L'objet du présent accord est de faciliter et de promouvoir la coopération transfrontalière franco-belge en complétant le cadre juridique offert par la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales du 21 mai 1980, dite « Convention de Madrid ».

Préférant s'attacher au commentaire de quelques articles de ce projet jugés délicats et renvoyant au rapport pour l'examen détaillé de l'ensemble des articles de la convention, le Rapporteur a indiqué que l'article 3 reconnaissait aux collectivités territoriales et organismes publics locaux français la capacité juridique de conclure des conventions de coopération avec leurs homologues belges afin de coordonner leurs décisions, de réaliser et de gérer ensemble des équipements ou des services publics d'intérêt local commun. Ne peuvent faire l'objet de telles conventions l'exercice de compétences qui relèvent de l'Etat, comme l'état-civil par exemple, ou qui touchent aux pouvoirs de police et de réglementation. De même, de telles conventions ne peuvent avoir pour effet de modifier le statut, ni les compétences des collectivités territoriales ou des organismes publics locaux qui y sont parties.

Le Rapporteur a souligné qu'un certain nombre de problèmes lui étaient apparus qu'il avait traités de façon détaillée dans son rapport. Tout d'abord, il s'agit d'un texte qui contient des stipulations à la fois nombreuses et riches et d'un niveau juridique complexe, qui ne sont pas rédigées clairement et risquent d'être mal interprétées par les responsables locaux qui devront les appliquer. Malgré les nombreuses questions posées par le Rapporteur aux différents ministres compétents, les réponses qui lui ont été faites sont restées insuffisamment explicites.

En outre, cette convention, pour être mise en œuvre, doit être articulée avec les principes constitutionnels de libre administration des collectivités locales et de contrôle administratif exercé par les préfets, avec le droit communautaire et avec les lois et règlements nationaux.

Par ailleurs, les collectivités territoriales et les organismes publics locaux français, mais également les administrés français, pourront être amenés à se soumettre au droit de l'autre partie contractante, en l'occurrence soit le droit fédéral belge, soit le droit wallon, soit le droit flamand. En effet, l'article 4, paragraphe 6, stipule qu'il reviendra à la convention de coopération transfrontalière qui sera signée entre les collectivités de définir le droit applicable aux obligations qu'elle contiendra.

Enfin, un nouvel instrument juridique est créé qui est porteur d'interrogations. L'article 11 stipule que les collectivités françaises et belges pourront créer un Groupement local de coopération transfrontalière (GLCT) doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière et soumis au droit interne de la Partie où il aura son siège : soit en Belgique, soit en France. S'agissant du droit interne applicable lorsque le siège sera situé en France, un premier problème apparaît qui est lié aux modifications successives du Code général des collectivités territoriales. Ces modifications ont conduit à la coexistence dans ce code de deux articles consacrés aux organismes publics de droit étranger auxquels peuvent adhérer ou participer les collectivités françaises. Il s'agit des articles L1115-4 et L1115-4-1 qui prévoient les différents cas de figure possibles et que le rapport tente de récapituler sous la forme d'un tableau figurant en annexe. A la lecture de ce tableau, force est de constater que la règle de détermination du droit interne applicable pour créer un GLCT dans le cadre de la présente convention n'est pas claire. Le deuxième problème est celui du droit au recours de l'administré français et du contrôle de légalité exercé par le préfet, mais également du contrôle budgétaire par les Chambres régionales des comptes, lorsque le GLCT sera basé en Belgique et donc soumis au droit belge. Enfin, un troisième problème apparaît s'agissant de la dissolution du GLCT. Aux termes de l'article 15, hormis les cas où le GLCT peut être dissous de plein droit à l'expiration de la durée pour laquelle il a été institué ou à la fin de l'opération qu'il avait pour objet de conduire, dans tous les autres cas il faudra recueillir l'unanimité de ses membres.

Pour tenter de résoudre ces difficultés plusieurs solutions se présentent. La solution consistant à rédiger un protocole additionnel à la présente convention sous forme d'échange de lettres qui modifierait et expliciterait les articles les plus délicats de la présente convention présentant une certaine lourdeur eu égard aux nombreuses parties prenantes en Belgique, la solution la plus satisfaisante consisterait sans doute pour la France à la fois à émettre, à l'attention des parties signataires, des réserves d'interprétation portant sur les points les plus délicats et à clarifier par ailleurs son droit interne applicable en procédant à une modification du Code général des collectivités territoriales.

Enfin, il serait de bonne méthode qu'une circulaire puisse être rédigée par le Gouvernement à destination de tous les élus locaux susceptibles de faire application de la présente convention, mais également à destination des services départementaux et régionaux chargés du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire, qui expliciterait clairement le contenu des articles de ce texte et l'interprétation qui doit en être faite.

Au vu de ces observations et considérant que la procédure d'ajournement était lourde et pénalisante pour les collectivités territoriales concernées par ce texte, M. Bruno Bourg-Broc a proposé d'adopter le présent projet de loi en émettant des réserves de principe consistant à suggérer au Gouvernement français de rédiger la circulaire précitée afin de minimiser le risque que la mise en application de la présente convention par les collectivités territoriales n'aboutisse, à plus ou moins long terme, à accroître le contentieux administratif.

Après avoir souhaité savoir si la France disposait d'une frontière commune avec les différentes parties signataires de l'accord, le Président Edouard Balladur a fait observer que l'adoption de ce projet de loi par la Commission, assorti d'une recommandation au Gouvernement de résoudre les difficultés soulevées par l'accord, permettrait d'avancer et de répondre à l'attente des collectivités territoriales concernées.

M. Bruno Bourg-Broc a répondu que la France avait une frontière commune avec la Communauté française de Belgique, dont fait partie la Région wallonne à l'exception de la partie germanophone, et avec le Gouvernement flamand de Belgique qui est commun à la Communauté flamande et à la Région flamande.

M. Patrick Delnatte a précisé que le fédéralisme belge prévoyait l'attribution de compétences aux régions et aux communautés linguistiques. Dans les Flandres, ces deux entités ont fusionné. Hormis Bruxelles, qui constitue la Région de Bruxelles-Capitale, toutes ces entités sont concernées et cinq départements français sont frontaliers avec la Belgique. Il a ensuite fait observer que la France avait déjà signé des accords de coopération transfrontalière avec tous ses voisins et que la Belgique faisait figure d'exception. Les assemblées belges concernées et le Sénat français ont d'ores et déjà autorisé l'approbation de cet accord, seule l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée à ce jour. La Communauté urbaine de Lille est très intéressée par cet accord et elle envisage de créer un district européen avec quatre groupements intercommunaux belges. Le Premier ministre a pour sa part annoncé qu'un tel projet pouvait être mis en œuvre dans le cadre de l'expérimentation prévue par la dernière réforme de la décentralisation. Il a par ailleurs décidé de mettre en place un groupe de travail parlementaire franco-belge, qui serait chargé du suivi de la mise en œuvre de l'accord. A ce titre, il pourrait faire des propositions pour aplanir les difficultés posées par les différences des systèmes juridiques français et belges. Les collectivités concernées étant prêtes à appliquer l'accord, il serait regrettable que la Commission des Affaires étrangères en freine la mise en place.

Mme Martine Aurillac a émis le souhait que la Commission des Affaires étrangères soit représentée au sein du groupe de travail interparlementaire.

M. Patrick Delnatte a indiqué que, d'après ses informations, la mission interparlementaire devait comporter du côté français cinq membres, dont trois députés, un sénateur et un membre du Parlement européen. Compte tenu de la nécessité de représenter les différentes sensibilités politiques, il n'a pas été prévu qu'un membre de la Commission des Affaires étrangères participe au groupe de travail.

M. Bruno Bourg-Broc a déclaré qu'il n'avait pas été informé de la mise en place de ce groupe de travail. Afin de ne pas retarder l'entrée en vigueur de la présente convention, la Commission des Affaires étrangères pourrait toutefois adopter le présent projet de loi en insistant sur la nécessité de l'assortir d'une circulaire interprétative.

Le Président Edouard Balladur a conclu en proposant à la Commission d'adopter le projet de loi et en indiquant qu'il adresserait au Ministre des Affaires étrangères une lettre récapitulant les interrogations de la Commission, afin qu'il puisse donner à l'Assemblée nationale toutes les explications nécessaires en séance publique lors de la discussion de ce texte.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1331).

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