COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 29

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 16 février 2005
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Protocole additionnel à la convention sur le transfèrement des personnes condamnées (n° 1550) - M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur

- Amendement à la convention relative à la création du Bureau européen des radiocommunications (n° 1858) - M. Roland Blum, rapporteur

- Stocks de poissons grands migrateurs dans le Pacifique (n° 2058) - M. Louis Guédon, rapporteur

  

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Transfèrement des personnes condamnées

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Chantal Robin-Rodrigo, suppléant M. Jean-Paul Bacquet, empêché, le projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention sur le transfèrement des personnes condamnées (n° 1550).

Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteur suppléant, a rappelé que la convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, adoptée en 1983, représentait un instrument très précieux de coopération internationale en matière pénale en permettant, facilitant ou accélérant le rapatriement de centaines de détenus dans leur pays d'origine. Elle a considéré que cet instrument servait donc tout à la fois l'intérêt propre de ces derniers et celui des Etats concernés : il est en effet acquis que la prévention de la récidive passe par la prise en compte, très en amont, de la réadaptation et de la réinsertion sociale des détenus, ce que ne permet pas l'accomplissement de la peine dans un pays étranger.

Reste que cette convention très ambitieuse s'est, en pratique, heurtée à un certain nombre de difficultés d'application, relevées tout aussi bien par les organes compétents du Conseil de l'Europe, telle l'assemblée parlementaire, que par certaines organisations non gouvernementales (ONG).

Ainsi que l'a expliqué Mme Chantal Robin-Rodrigo, c'est afin de résoudre ces difficultés que le Conseil de l'Europe a, en 1997, complété la convention de 1983 par un protocole, aujourd'hui soumis à l'approbation de notre Assemblée.

S'il ne résout pas l'ensemble des difficultés apparues avec l'application de la convention de 1983 - tel n'est d'ailleurs pas son objectif -, ce texte permet néanmoins d'améliorer partiellement le fonctionnement des transfèrements de personnes condamnées au sein des Etats parties. En effet, il comble deux lacunes dans le dispositif même de la convention.

En premier lieu, la convention a omis le cas des personnes en fuite, ce qui est source de situations pour le moins étonnantes. En effet, en l'absence d'instrument conventionnel, les autorités françaises, par exemple, se trouvaient impuissantes pour faire exécuter sur leur territoire, à un ressortissant français, une peine à laquelle il avait été définitivement condamné par les autorités judiciaires d'un autre Etat partie, d'où il s'était échappé.

Le présent protocole autorise donc l'Etat sur le territoire duquel s'est réfugié le condamné à mettre en œuvre ou à poursuivre l'exécution de la peine, c'est-à-dire à considérer la fuite de la personne condamnée vers son pays d'origine comme un transfèrement de facto. Cette disposition fait écho aux articles 67 à 69 de la convention d'application de l'accord de Schengen, complétant la convention sur le transfèrement des personnes condamnées, qui comportent des dispositions analogues permettant la reprise de l'exécution de la peine par l'Etat dans lequel la personne condamnée s'est enfuie.

En second lieu, le dispositif de la convention ne prend pas en considération le cas des personnes condamnées faisant, en outre, l'objet d'une mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière, c'est-à-dire destinées à revenir dans leur pays d'origine. Le protocole comble cette seconde carence de la convention, en prévoyant la possibilité de transférer, sans leur consentement, dans leur pays d'origine, les personnes condamnées frappées d'une mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière. L'absence de consentement au transfèrement de la part de la personne condamnée semble s'inscrire en faux par rapport à l'esprit humanitaire qui a présidé à la convention de 1983. C'est pourtant au nom de considérations humanitaires que cette dérogation au principe de libre consentement a été introduite par les rédacteurs du protocole. Ces derniers ont considéré que le maintien, dans l'Etat de condamnation, d'une personne appelée à être reconduite à la frontière à l'issue de sa peine ne servait nullement l'objectif de réinsertion sociale, puisque le condamné ne pouvait rester sur le territoire de l'Etat de condamnation.

Observant que le présent protocole ne permettrait pas de régler tous les problèmes liés à l'application de la convention de 1983, largement dus à la lenteur des Etats, mais représentait néanmoins une avancée, Mme Chantal Robin-Rodrigo a recommandé l'adoption du présent projet de loi.

M. Bruno Bourg-Broc a souhaité que lui soit précisé le sens de l'article 7 du présent protocole, stipulant que « le protocole est applicable à l'exécution des condamnations prononcées soit avant, soit après son entrée en vigueur » : quel était le texte dont l'entrée en vigueur était visée ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo a indiqué qu'était visée l'entrée en vigueur du protocole.

Le Président Edouard Balladur a ajouté que cette disposition répondait à un principe général du droit pénal, selon lequel, en matière pénale, l'édiction de règles plus favorables justifie leur mise en œuvre rétroactive par rapport aux condamnations prononcées.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1550).

Création du Bureau européen des radiocommunications

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Roland Blum, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'instrument amendant la convention du 23 juin 1993 relative à la création du Bureau européen des radiocommunications (ensemble deux annexes) (n° 1858).

Après avoir rappelé que le Sénat avait adopté ce projet de loi le 12 octobre 2004, M. Roland Blum, Rapporteur, a indiqué que l'objectif principal de la réforme était de fusionner le Bureau européen des radiocommunications, créé par la convention de 1993, et le Bureau européen des télécommunications, issu d'un simple mémorandum d'accord de la même année, en élargissant le champ de compétences du premier à celui du second et au domaine des postes.

La convention du 23 juin 1993 a été amendée selon les modalités prévues par son article 20 qui dispose que « le Conseil [du Bureau européen des radiocommunications] peut adopter un amendement à la présente Convention sous réserve de confirmation écrite par toutes les paries contractantes ». L'entrée en vigueur de l'amendement est subordonnée à la réception, par le Gouvernement danois, de la notification de ratification, d'acceptation ou d'approbation de toutes les parties contractantes. En janvier dernier, seize Etats, sur vingt-neuf parties contractantes, avaient achevé leur procédure interne.

L'extension des domaines de compétences du Bureau européen des radiocommunications, qui deviendra ainsi le Bureau européen des communications, fait suite à la réforme de l'organisation de la Conférence européenne des administrations des postes et des télécommunications (la CEPT), qui est intervenue en 2001. Cette réforme a doté la CEPT d'une présidence et d'un agenda politique.

Par ailleurs, en réponse à la convergence dans le secteur des télécommunications et aux besoins de la société de l'information, les deux comités qui traitaient séparément des radiocommunications et des télécommunications, respectivement le Comité européen des radiocommunications (CER) et le Comité européen pour les affaires de réglementation des télécommunications (CEART), ont été remplacés par un comité unique, le Comité des communications électroniques (CEC). Le comité chargé des questions postales (le CERP) n'a en revanche pas été touché par ces réformes.

Depuis le début des années 1990, le CER et le CEART disposent chacun d'un bureau permanent installé à Copenhague : c'est le Bureau européen des radiocommunications (BER) pour le CER et le Bureau européen des télécommunications (BET) pour le CEART. La fusion des deux comités rend nécessaire la fusion des deux bureaux. Comme, par ailleurs, le CERP n'avait pas de bureau permanent, le nouveau bureau, créé par l'instrument dont l'approbation est l'objet du présent projet de loi, aura des compétences étendues non seulement aux radiocommunications et aux télécommunications, mais aussi au secteur postal. Il portera le nom de Bureau européen des communications (BEC).

La convention du 23 juin 1993 amendée énumère les missions du nouveau bureau qui est « d'aider et de conseiller la Conférence européenne des administrations des postes et des télécommunications ». Ces fonctions seront globalement les mêmes que celles qu'assuraient auparavant le BEC et le BET, chacun dans leur domaine. La principale innovation est le soutien à la présidence de la CEPT et la mise à jour de l'agenda politique, deux missions issues de la réforme de la CEPT.

Les règles de fonctionnement du BEC seront très voisines de celles du BER, les rares modifications visant seulement à tenir compte de l'élargissement de son domaine de compétences. En particulier, les modalités de financement du bureau par les Etats parties à la convention sont reconduites : avec vingt-cinq unités contributives, la France a versé, en 2004, environ 150 000 euros pour le BER et 75 000 euros pour le BET, soit un total de 225 000 euros.

Cette contribution est stable depuis plusieurs années et devrait rester au même niveau pour les quatre prochaines années. L'étude d'impact transmise par le Gouvernement pour l'information des parlementaires estime que les contributions au BEC devraient être sensiblement équivalentes à la somme des contributions au BER et au BET. Il devrait néanmoins y avoir des économies indirectes du fait de la réduction du nombre de réunions du conseil.

Cette fusion des bureaux permanents assurera ainsi une meilleure harmonisation des travaux dans les différents secteurs des communications électroniques et de la poste, sans entraîner de surcoût.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1858).

Stocks de poissons grands migrateurs dans le Pacifique

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Louis Guédon, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion à la convention relative à la conservation et à la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central (ensemble quatre annexes) (n° 2058).

Avant de présenter la Convention relative à la conservation et à la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central, dite Convention d'Honolulu, signée le 5 septembre 2000, M. Louis Guédon, Rapporteur, a rappelé quelles étaient les espèces désignées par l'appellation « poissons grands migrateurs ». Toutes les espèces énumérées à l'annexe 1 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer signée à Montego Bay en 1982, à l'exception des balaous ou sauris, sont concernées par la Convention d'Honolulu. En réalité, quatre espèces de thons ont une importance commerciale dans le Pacifique : le thon obèse, le thon jaune, la bonite à ventre rayé et le germon. Ces quatre espèces ont la faculté de se déplacer sur de grandes distances, d'où leur appellation.

Faisant une parenthèse, le Rapporteur a souligné l'importance économique des thonidés pour l'Atlantique, estimant que nombre d'accords européens avaient conduit à donner à l'Espagne les autorisations de pêche en thons qui auparavant revenaient à la France. Ainsi le premier port de pêche français a perdu 50 % de ses bateaux et les quotas actuellement accordés en Méditerranée sont de 7 000 tonnes alors que les quantités pêchées avoisinent les 15 000 tonnes. En Atlantique, quelques centaines de tonnes sont encore pêchées et le port de l'Ile d'Yeu reste actif alors que celui de Belle-Ile est devenu un désert touristique en raison de l'arrêt de la pêche. Il est regrettable qu'il n'y ait pas en France de véritable politique maritime de pêche.

Les ressources en thons représentent également un capital économique important pour la plupart des Etats et territoires océaniens. En effet, l'Océan Pacifique occidental et central est actuellement la plus importante zone de pêche dans le monde pour les thonidés. Sur une moyenne des dix dernières années, les captures de thons dans cette zone ont pratiquement été équivalentes, en volume, au total des captures combinées dans les zones de pêche du Pacifique oriental, de l'Océan Indien et de l'Océan Atlantique. Les espèces de thonidés à forte valeur commerciale, principalement le thon obèse, sont déjà pleinement exploitées dans l'Océan Pacifique occidental et central. Des interrogations subsistent cependant sur l'état de certains stocks, comme le thon jaune. Il convient donc d'adopter une attitude prudente pour ne pas mettre en péril ces ressources et de veiller aux stratégies de pêche et à l'état du stock d'un point de vue régional.

C'est dans ce contexte qu'a été adoptée la Convention d'Honolulu qui est entrée en vigueur le 19 juin 2004 et qui a, entre autres, prévu, conformément à l'article 9, la mise en place d'une Commission pour la conservation et la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans l'Océan Pacifique occidental et central, dénommée Commission des pêches du Pacifique central et occidental (CPPCO). Le principal objectif de la Commission est d'assurer la conservation à long terme et l'exploitation durable des stocks de poissons grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central, dans le respect du principe de précaution, de la prise en compte des besoins spécifiques des petits Etats en développement insulaires du Pacifique et des droits souverains des Etats côtiers dans les zones relevant de leur juridiction nationale. La Commission est maintenant opérationnelle depuis la tenue de sa première réunion les 9 et 10 décembre 2004.

Dans un premier temps, la France a refusé de signer la Convention d'Honolulu estimant ne pas disposer d'assurances concernant la participation effective à la Commission ainsi créée de ses collectivités d'outre-mer que sont Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. En effet, ces deux dernières plus particulièrement souhaitaient que les compétences qui leur sont reconnues par leurs statuts respectifs en matière internationale, ainsi que pour la gestion de leurs zones économiques exclusives soient pleinement prises en compte. Elles souhaitaient également disposer du droit de vote. Outre la France, la Nouvelle-Zélande pour Tokelau et les Etats-Unis pour les Iles Mariannes du Nord, Guam et les Samoa américaines se trouvaient dans la même situation.

C'est ainsi que dans le cadre de différentes conférences préparatoires portant sur les activités de ladite Commission, des négociations ont eu lieu associant les pays disposant de territoires afin de trouver une solution acceptable pour tous. Finalement, le texte présenté par ces trois pays a fait l'objet de l'annexe 2 du règlement intérieur qui traite des droits des « Territoires Participants » et a été adopté lors de la conférence préparatoire de Rarotonga en septembre 2003. Cette annexe accorde d'importants droits de procédure aux « Territoires Participants » et n'exclut pas la possibilité pour ceux-ci d'exercer le droit de vote. Cependant, les conditions dans lesquelles celui-ci pourra s'exercer devront faire l'objet d'une négociation ultérieure.

C'est dans ces conditions que le Conseil interministériel de la mer du 16 février 2004 a décidé que la France devait être membre de la CPPCO, chargée de gérer les ressources halieutiques. Même s'il n'y a pas de pêche métropolitaine dans cette partie du Pacifique, il convient de veiller à nos intérêts dans ce domaine. C'est pourquoi, la possibilité de signer l'instrument n'étant plus ouverte, le délai étant passé, la France souhaite maintenant y adhérer, comme l'y autorise l'article 35 de la Convention d'Honolulu. C'est l'objet du présent projet de loi dont le Rapporteur a recommandé l'adoption. En effet, en ratifiant le 19 décembre 2003 l'accord de New York sur les stocks chevauchants, la France s'est engagée à adhérer aux organisations de pêche ou à coopérer avec elles. Elle est du reste membre de toutes les organisations régionales de pêche, que ce soit par l'intermédiaire de l'Union européenne ou directement quand ses collectivités d'outre-mer sont concernées. Si elle n'était pas partie à la Convention d'Honolulu, elle serait donc néanmoins tenue d'appliquer les mesures prises par la CPPCO, en vertu de l'accord de New York précité. Il est donc préférable qu'elle puisse participer en tant qu'Etat membre aux travaux de la Commission et non en qualité de simple observateur, afin de pouvoir faire entendre sa voix et défendre les intérêts de ses collectivités d'outre-mer concernées par la Convention.

Notant que la présente convention était relative à la conservation et à la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central, le Président Edouard Balladur a souhaité savoir ce qu'il advenait du Pacifique oriental.

M. Louis Guédon a répondu que la Commission Interaméricaine du Thon Tropical (CITT) était compétente pour réglementer la gestion et la conservation des stocks de thons dans l'océan Pacifique oriental.

Mme Martine Aurillac a souhaité connaître la composition de la Commission.

M. Louis Guédon a indiqué que, conformément à l'article 9 paragraphe 2 et à l'annexe I de la Convention d'Honolulu, toute entité de pêche dont les navires pêchent des stocks de poissons grands migrateurs dans la zone de la Convention qui se déclare liée par la présente Convention participe aux travaux de la Commission, y compris à la prise de décisions, et se conforme aux obligations qui lui incombent en vertu de la présente Convention. Actuellement, seuls les pays qui ont signé et ratifié la Convention d'Honolulu peuvent prendre part, en tant que membres à part entière, aux réunions de la Commission et au processus décisionnel, les autres étant relégués au rang d'observateurs tout en conservant un droit de parole. A titre d'exemple, la première réunion de la Commission en décembre dernier a réuni les 17 membres fondateurs (Australie, Chine, Iles Cook, Fidji, Etats fédérés de Micronésie, Kiribati, Corée du Sud, Iles Marshall, Nauru, Nouvelle-Zélande, Niue, Papouasie Nouvelle-Guinée, Samoa, Iles Salomon, Tonga, Tuvalu, Taiwan en tant qu'entités de pêches) ainsi qu'un « Territoire », Tokelau, déclaré « Territoire participant » par les autorités néo-zélandaises ainsi que le permet la Convention.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2058).

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● Transfèrement

● Radiocommunications


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