COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 31

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 8 mars 2005
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Michel Barnier, Ministre des Affaires étrangères

  
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Audition de M. Michel Barnier, Ministre des Affaires étrangères

Le Président Edouard Balladur, outre la situation au Liban, a souhaité que soient abordés les thèmes suivants : les relations transatlantiques, la situation au Proche-Orient après la Conférence de Londres, l'affaire iranienne dont il est difficile de démêler l'écheveau, le Togo. Il s'est également demandé si la position de la France et de l'Allemagne sur le Pacte de stabilité ne risquait pas de susciter l'incompréhension chez nos partenaires.

A propos du Liban, M. Michel Barnier, Ministre des Affaires étrangères, a rappelé que le Hezbollah venait d'organiser à Beyrouth une grande manifestation de soutien à la Syrie qui regrouperait plusieurs centaines de milliers - voire un million - de personnes. Cette démonstration de force, après les précédentes manifestations des Druzes ou des Sunnites, montre que le Liban est en mouvement, par le double effet de l'adoption de la résolution 1559 par le Conseil de Sécurité, sur proposition conjointe des Etats-Unis et de la France, et de l'assassinat de M. Rafic Hariri. La France est avant tout attachée à la liberté et à la souveraineté du Liban, son objectif n'étant nullement de déstabiliser la Syrie. Notre pays appelle au retrait de toutes les forces étrangères du Liban, que ce soient les troupes militaires ou les services secrets. Le Président Bachar Al-Assad a prononcé un discours important dans lequel il a annoncé le retrait de ses troupes, mais sans donner de calendrier, et en ne mentionnant pas la question des services secrets dont le rôle est pourtant crucial dans l'emprise sous laquelle le Liban se trouve placé. Toutefois, des indications convergentes laissent entendre qu'un retrait syrien est très clairement envisagé. La Syrie est, en tout état de cause, isolée, y compris au sein du monde arabe qui en appelle au respect de la résolution 1559. La France a pris note de ces discours et attend aujourd'hui des actes concrets, c'est-à-dire le retrait effectif des troupes syriennes de l'autre côté de la frontière libanaise. Il importe aussi que soient réunies les conditions d'organisation d'élections démocratiques libres et transparentes au Liban, sous le contrôle d'observateurs étrangers. La France attend également avec confiance, en avril prochain, les conclusions du rapport d'étape de M. Terje Roed-Larsen demandé par le Secrétaire général de l'ONU concernant la mise en œuvre de la résolution 1559. Ayant pris acte de la démission du gouvernement libanais, nous considérons, avec prudence, la situation de ce pays qui n'est pas constitué d'un seul bloc. En tout état de cause, le Hezbollah, mouvement chiite et patriote, incontournable dans la recomposition du paysage politique libanais, ne doit pas être ostracisé. Si tel était le cas, il risquerait de faire le choix de la violence. La France attend enfin les résultats de l'enquête internationale diligentée par l'ONU et conduite par M. Peter Fitzgerald, sur les conditions dans lesquelles M. Rafic Hariri a été assassiné.

A propos d'Israël et de la Palestine, le Ministre des Affaires étrangères a estimé qu'on voyait apparaître, depuis la conférence de Charm el Cheikh, un premier espoir après quatre années d'attentats et d'assassinats. Des contacts ont été repris et des groupes de travail mis en place. Cette atmosphère nouvelle est née de l'attitude de deux hommes d'Etat - M. Ariel Sharon et M. Mahmoud Abbas - qui sont aujourd'hui dans une situation fragile et ont besoin l'un de l'autre. M. Sharon a six mois pour réussir le retrait de Gaza après avoir imposé cette décision en dépit de l'opposition de son parti et d'un grand nombre de parlementaires à la Knesset. M. Shimon Peres est, pour sa part, chargé de préparer les aspects concrets de ce retrait. M. Mahmoud Abbas doit, quant à lui, réorganiser ses services de sécurité, lutter contre la corruption et conforter un accord fragile contre le recours à la violence. L'échéance difficile à laquelle il est confronté est l'élection législative de juillet prochain. Le risque est bien de voir alors le Hamas accroître son influence. Le Président de l'Autorité palestinienne doit démontrer sa capacité à lutter contre l'insécurité et à améliorer la situation matérielle des Palestiniens. C'est ce à quoi l'a encouragé la Conférence de Londres qui a réuni vingt-trois délégations, parmi lesquelles celles de nombreux pays européens, aux fins de parrainer l'effort de reconstruction palestinien. La France, quant à elle, soutient la réunion d'une conférence internationale au second semestre 2005 pour donner un nouvel élan au processus de la feuille de route.

A propos des relations entre la France et les Etats-Unis, M. Michel Barnier a constaté que le dialogue avait repris dans un meilleur climat. Certes, les Etats-Unis n'ont pas infléchi leur doctrine. Pour le Président George Bush, la transformation du monde et la lutte contre le terrorisme passent par la liberté et la démocratie. Mais ce qui est nouveau est l'affirmation par le Chef de l'Etat américain de l'intérêt qu'il porte au rôle de l'Europe dans la réalisation de ce projet. L'Europe, quant à elle, doit faire entendre sa voix en militant pour un monde organisé en plusieurs pôles. Elle doit se donner les moyens d'une vraie autonomie avec sa propre vision du monde. C'est pourquoi le dialogue transatlantique ne peut se dérouler uniquement dans le cadre de l'OTAN.

M. Michel Barnier a indiqué que la question iranienne avait largement été évoquée lors des rencontres avec le Président George Bush. Les négociations avec l'Iran sont aujourd'hui très fragiles et ont failli s'interrompre l'été dernier. Toutefois, la démarche diplomatique vaut mieux que toute autre option, notamment militaire ; c'est pourquoi la France est favorable à ce que ce processus de négociation soit soutenu par le plus grand nombre, comme la Russie et la Chine s'y sont ainsi engagées. De leur côté, les Etats-Unis se montrent désormais plus ouverts, après la visite en Europe de leur Président. Il importe de faire en sorte que la prolifération cesse dans cette région, tout en étant conscient que l'Iran doit lui-même faire face à des pressions internes avec les élections prochaines qui verront s'opposer les conservateurs et les modernes. D'ores et déjà, ce pays a suspendu ses installations d'enrichissement d'uranium. Il faut désormais obtenir que cette suspension temporaire devienne définitive ou indéfinie. Les Iraniens n'entendent pas cependant renoncer à la technologie nucléaire à des fins civiles, ce que l'on peut comprendre. Toutefois, la difficulté tient au fait que le développement d'une telle technologie et celle qui aboutit à la fabrication des armes nucléaires passent par des étapes initiales communes. Comment s'assurer alors de la bonne foi de l'Iran, si ce n'est en l'accompagnant dans ses recherches civiles ? En dernière instance, la France a fait savoir qu'elle soutiendrait une saisine du Conseil de sécurité de l'ONU si les négociations échouaient.

Le Ministre des Affaires étrangères a enfin souhaité évoquer la situation au Kosovo. Alors que le Premier ministre, M. Ramush Haradinaj, vient de démissionner après son inculpation par le Tribunal pénal international pour l'Ex-Yougoslavie, il importe que le gouvernement kosovar puisse continuer son action. La France assume ses responsabilités dans cette région qui est aujourd'hui en équilibre délicat, encore sujette à un risque sérieux d'effondrement. On constate que la Croatie a fait le choix de la démocratie et de l'Europe, que l'Albanie s'inscrit également dans la perspective européenne alors que la Serbie hésite encore et que la Macédoine avance après s'être dotée d'un gouvernement pluriethnique. La responsabilité de l'Union européenne est de faire progresser le Kosovo, notamment grâce à la décentralisation et au respect des minorités, sans brusquer ce mouvement. A cet égard, la position de certains de nos partenaires européens qui prônent, au contraire, une indépendance rapide du Kosovo suscite quelques craintes, l'intégration dans l'ensemble européen n'étant pas compatible avec l'exacerbation des réflexes nationalistes.

Le Président Edouard Balladur a souhaité connaître le sentiment du Ministre des Affaires étrangères sur la proposition visant à confier à l'Union européenne la charge de pacifier et sécuriser la bande de Gaza ainsi que celle de sa restauration économique.

Il l'a également interrogé sur les projets de la France et de l'Allemagne visant à modifier profondément le pacte de stabilité européen, lui demandant si ces positions ne risquaient-elles pas d'être mal comprises par nos partenaires européens.

Le Ministre des Affaires étrangères a estimé que la question n'était pas de remettre en cause les règles posées par le Pacte de stabilité, mais de prendre en considération deux facteurs : en premier lieu, les aléas de la croissance économique justifieraient l'introduction de possibilités d'adaptation du Pacte ; en second lieu, il serait souhaitable que le Pacte de stabilité prenne en compte la qualité des dépenses publiques, sans se limiter à une approche exclusivement quantitative de celles-ci, c'est-à-dire les dépenses d'avenir ou liées à des engagements de longue durée, par exemple en matière de recherche, d'aide au développement, de sécurité ou de défense. Il a indiqué que la présidence luxembourgeoise du Conseil préparait un texte de compromis, sur lequel n'existait cependant pas, à ce jour, d'accord du Conseil.

Relevant la déstabilisation continue du Liban, M. Roland Blum s'est dit sceptique quant à l'intention de la Syrie de respecter la résolution 1559 du Conseil de sécurité, celle-ci préférant s'en tenir à l'accord de Taëf. Puis il a souhaité connaître la position de la France quant à l'inscription, souhaitée par certains, du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes établie par l'Union européenne. Enfin, concernant le Togo, il s'est interrogé sur le risque d'ivoirisation qui pesait sur ce pays et a demandé quelle position la France adopterait concernant la validité démocratique de la prochaine élection présidentielle dans ce pays.

M. Jean-Paul Bacquet a demandé au Ministre des Affaires étrangères si l'implantation des colonies en Cisjordanie ne lui semblait pas une question plus aiguë que celle du démantèlement des colonies de Gaza et dans quelle mesure, au vu des conséquences de la construction de la barrière de sécurité sur la géographie de la zone, la création d'un Etat palestinien viable restait réalisable. Evoquant ensuite la publication récente du rapport annuel de la Cour des comptes, mettant en évidence les déficiences de la gestion de son patrimoine immobilier par le ministère des Affaires étrangères, il a demandé comment le Ministre accueillait ces critiques, soulignant que ce sujet ne pouvait être dissocié du manque de moyens du ministère, souligné sur tous les bancs de l'Assemblée.

M. Hervé de Charette a souhaité connaître les projets de l'Union européenne en vue d'aider les responsables israéliens et palestiniens à trouver une solution au conflit qui les oppose. S'agissant des démarches européennes visant à conduire l'Iran à renoncer à l'arme nucléaire, il a fait observer que, dans la même région, le Pakistan, l'Inde et Israël étaient déjà dotés de cette arme, sans que l'Union européenne ne mène d'actions particulières. Enfin, il a estimé que, si, lors de la période troublée qu'avaient connue les Balkans dans la décennie précédente, la priorité avait été donnée au respect des droits de l'Homme, aujourd'hui, priorité devait être donnée à la reconstruction des liens traditionnels entre la France et la Serbie.

Constatant l'évolution toujours plus dramatique de la situation au Darfour, au sujet de laquelle certains allaient jusqu'à parler de génocide, M. Paul Quilès a interrogé le Ministre des Affaires étrangères sur l'action de la France et de l'ONU, pour faire en sorte qu'on quitte le terrain des mots pour passer aux actes.

M. Michel Barnier a apporté les éléments de réponse suivants :

-  les accords de Taëf prévoient ce qui s'apparente plutôt à un redéploiement des troupes syriennes du Liban. L'inscription du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes établie par l'Union européenne constitue une demande récurrente d'Israël qui en fait une priorité. Or, sur cette question, qui nécessite un accord unanime des vingt-cinq Etats membres, ces derniers sont partagés. La situation est en effet compliquée. Les importantes manifestations de rue qui viennent de se dérouler attestent de la très forte représentativité politique, parlementaire ou sociale de ce parti, mais, d'autre part, l'existence de sa branche armée justifie la prise en compte des préoccupations d'Israël quant à sa propre sécurité.

Dans la situation actuelle, marquée par l'assassinat de Rafic Hariri, ce serait une erreur que de chercher à ostraciser le Hezbollah, en exacerbant ses liens de dépendance avec l'Iran et la Syrie. Il convient au contraire d'adopter une attitude différente, à laquelle le chef du Hezbollah paraît être sensible, en consolidant chez les Chiites libanais le sentiment patriotique et d'appartenance nationale afin de ne pas créer chez eux le sentiment de ne pas avoir d'autre choix que de se mettre sous la tutelle de puissances extérieures.

Les Chiites représentent 30 à 40 % de la population libanaise et constituent par conséquent une force politique très importante qui pourrait s'exprimer de manière représentative à travers le jeu des élections démocratiques, processus qu'il convient de privilégier ;

-  au Togo, la France n'a qu'une seule politique : soutenir l'action déterminée menée par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en vue de faire respecter la légalité constitutionnelle. La pression internationale, qui a accompagné la prise en charge par les Africains eux-mêmes de la gestion de cette crise, a abouti à des résultats positifs. M. Faure Gnassingbé, le fils de l'ancien Président togolais, a démissionné pour se présenter, dans les règles, aux élections prévues le 24 avril prochain, dans le strict respect de la constitution togolaise.

En conséquence, l'Union européenne comme les Etats-Unis sont d'ores et déjà en train de mettre en place les moyens nécessaires pour aider à l'organisation et au bon déroulement de ces élections, qui doivent être libres et transparentes. Il est clair que la Constitution, dont chacun a exigé le respect, ne permet pas à certains leaders de l'opposition de se présenter librement, ce qui ne les empêche pas pour autant de jouer un rôle éminent dans les législatives qui devraient suivre très prochainement.

De façon plus générale, le Ministre des Affaires étrangères s'est proposé d'intervenir une prochaine fois devant la Commission des Affaires étrangères sur la définition des nouvelles relations que l'Europe et la France doivent désormais entretenir avec l'Afrique et qui s'articulent autour de trois principes : partenariat, africanisation, mutualisation.

Afin de prévenir des risques de dérive, nous devons désormais réfléchir à l'instauration de nouveaux rapports de partenariat avec des pays dont nous partageons la langue et une histoire commune. Après celle de la colonisation puis de la coopération, ce partenariat marquerait une troisième étape ; il permettrait de définir clairement les intérêts et les engagements mutuels de chacun, notamment en matière militaire ou de coopération financière, économique ou culturelle.

Par ailleurs, la France entend conforter « l'africanisation » de la solution des crises. Ce processus de prise en charge de la situation d'abord par les Africains eux-mêmes vient de produire des résultats au Togo. Il est aussi à l'œuvre dans la région des Grands lacs, comme au Darfour ou en Côte d'Ivoire avec l'action de médiation menée au nom de l'Union africaine par le Président Thabo Mbeki.

La mutualisation, enfin, constitue la troisième dimension de cette politique. Pour répondre efficacement à l'ampleur des enjeux auxquels l'Afrique est confrontée (sécurité, développement, instabilité...), nous avons nous-mêmes intérêt à mutualiser, au moins en partie, au niveau de l'Union européenne nos politiques nationales qui, aujourd'hui, demeurent juxtaposées quand elles ne sont pas concurrentes ;

-  les jours qui passent rendent plus difficile la création d'un Etat palestinien économiquement viable et dont le territoire permettrait de préserver le lien entre Gaza et la Cisjordanie. La réimplantation en Cisjordanie de colons retirés de Gaza est condamnable tout comme est condamnable le tracé du mur, ce que la Cour suprême d'Israël elle-même a reconnu, obligeant les autorités israéliennes à en rectifier le tracé ;

-  les critiques et observations de la Cour des Comptes doivent être prises d'autant plus au sérieux qu'elles sont très largement justifiées. Il convient de professionnaliser la gestion immobilière du Quai d'Orsay, qui dispose d'environ un million de mètres carrés dans le monde, pour un budget annuel d'une quarantaine de millions d'euros. L'exercice est difficile, mais à travers un rôle accru de la commission interministérielle des opérations immobilières de l'Etat à l'étranger, il faut mettre un terme aux dérives constatées, s'agissant notamment des constructions ou des grosses réparations.

Il faut impérativement procéder à une réorganisation qui portera en priorité sur le regroupement à Paris, dans un site unique, des 3000 fonctionnaires parisiens du ministère dispersés actuellement dans onze endroits - insuffisamment équipés pour la plupart et inadaptés aux conditions de travail de notre temps. L'hôtel du Quai d'Orsay demeurera un lieu de conférences ou de réceptions ;

-  le rôle que l'Union européenne peut jouer à Gaza est défini dans le plan d'action sur le conflit israélo-palestinien présenté par M. Javier Solana et approuvé par le Conseil européen le 5 novembre dernier ; ce plan précise les actions à conduire en matière de sécurité, de gouvernance (formation de policiers et de juges par exemple) et de soutien institutionnel de l'Autorité palestinienne, mais aussi en matière économique ; ainsi, la question de la réouverture du port et de l'aéroport de Gaza est très importante et l'Union doit être en mesure d'y assurer la sécurité ; elle doit au préalable obtenir d'Israël la garantie que les équipements financés par l'Union ne seront pas, comme par le passé, détruits ; Israël, qu'il faut aider à réussir son retrait, doit également accepter une présence internationale à Gaza.

A cet égard, la position israélienne semble évoluer. Il y a quelques mois encore, le Premier ministre Ariel Sharon excluait toute présence militaire internationale dans la bande de Gaza ; aujourd'hui l'idée d'une telle présence qui constituerait une garantie fait son chemin ; reste à définir la nature de cette présence internationale, l'OTAN ne semblant pas l'instance la plus adéquate ;

-  ce n'est pas parce que Israël, l'Inde et le Pakistan disposent d'ores et déjà de l'arme nucléaire, qu'il faut nécessairement autoriser l'Iran à s'en doter ; il faut au contraire aller, c'est l'objectif final, vers la dénucléarisation de la région. Mais nous n'en sommes pas là ; il faut d'abord arrêter le développement et la mise au point de nouvelles armes. C'est ce qui est négocié avec l'Iran. En tout état de cause, les traités sur le nucléaire mériteraient un toilettage ; il n'est ainsi pas normal que la France ne puisse pas coopérer avec l'Inde dans le domaine du nucléaire civil ;

-  il faut que la France renforce ses liens avec la Serbie ; le Président Slobodan Milosevic est parti et il convient d'en tirer les conséquences pour renouer des liens forts. La France doit aider la Serbie dans la voie de l'adhésion à l'Union européenne et encourager ce pays à jouer son rôle dans la stabilité de la région. La paix dans les Balkans passe par Belgrade ; à cet égard, la position de certains pays européens, favorables à la partition du Kosovo, doit être accueillie avec circonspection, car cette solution risque fort de relancer le conflit dans toute la région.

-   la situation au Darfour demeure dramatique, même si, depuis l'implication de la communauté internationale, elle ne s'est pas aggravée mais stabilisée. Les organisations humanitaires sont très présentes et elles peuvent encore faire leur travail. La conclusion de l'accord avec le Sud est un élément essentiel de la stabilisation du Soudan. Mais les difficultés demeurent à l'ouest, voire à l'est, et la situation est susceptible de se dégrader de nouveau. La France appuie pleinement la démarche du Conseil de sécurité et du Secrétaire général des Nations unies dans la région. Il faut conforter l'action de l'Union africaine sur place en renforçant en particulier notre appui logistique. Les exactions commises doivent être punies et faire l'objet de procédures devant la Cour pénale internationale. L'Union européenne est unanime sur ce point, mais le Soudan, comme les Etats-Unis, y sont opposés.

M. François Rochebloine a réagi aux propos du Ministre à propos du Liban en soulignant que les accords de Taëf et la résolution 1559 comportaient une différence importante. Les premiers ne portent que sur le redéploiement des troupes présentes au Liban, tandis que la seconde porte à la fois sur le retrait des troupes syriennes et sur l'impossibilité de prolonger le mandat de l'actuel président de la République, M. Emile Lahoud. La mort de M. Rafic Hariri a provoqué le rassemblement des Libanais de toutes confessions. Si les Etats-Unis demandent avec force l'application de la résolution 1559, la France paraît moins ferme et semble s'en remettre à la seule responsabilité de l'ONU. S'agissant du mur israélien en Cisjordanie, quelles actions la France entend-elle entreprendre ?

M. Jacques Myard s'est félicité de la relance de l'action bilatérale en Afrique en estimant que le multilatéralisme conduisait à la confusion et à l'effacement. Il a considéré que le Pacte de stabilité ne comportait que des désavantages et qu'il n'avait aucune justification macro-économique ; il faut revenir sur cette erreur, alors même que les Etats-Unis n'appliquent pas de règles aussi draconiennes pour leur économie. L'indépendance du Kosovo créerait un précédent remettant en cause les frontières de la plupart des Etats de la région, ce qui serait extrêmement dangereux. Il convient donc d'opter pour un statut d'autonomie.

Mme Geneviève Colot a fait observer que la Moldavie présentait la particularité d'avoir un pouvoir exécutif et un Parlement d'obédience communiste, souhaitant néanmoins se rapprocher de l'Union européenne et tourner le dos à la Russie. Le Ministre des Affaires étrangères a-t-il eu des contacts avec les autorités moldaves ? Quelle est la position de la France sur cette question ? Quelles sont les informations disponibles sur l'existence de stocks d'armes nucléaires russes en Transnistrie ?

Mme Martine Aurillac a interrogé M. Michel Barnier sur les enjeux de la réunion de Cayenne consacrée à l'aide internationale en faveur d'Haïti.

Citant MM. Michel Aoun, Amine Gemayel et Walid Joumblatt, M. Loïc Bouvard a demandé quelles étaient les personnalités libanaises susceptibles d'arriver au pouvoir. Alors que la Moldavie a choisi, comme l'Ukraine et la Géorgie, de tourner le dos à la Russie, quelle est l'attitude de cette dernière vis-à-vis des pays de son ancien pré carré ? L'Union européenne peut-elle véritablement mener une action indépendante, alors que certains de ses membres, comme la Grande-Bretagne, souhaitent qu'elle agisse principalement dans le cadre de l'OTAN ?

M. Michel Barnier a apporté les éléments de réponse suivants :

-  la résolution 1559 et les accords de Taëf ont été cités pour évoquer la question du retrait de la Syrie du Liban. Il est important que ce retrait soit effectif. S'agissant de la voix de la France, les communiqués communs avec les Etats-Unis ont été nombreux ces dernières semaines. Pour sa part, la France souhaite la libération et la souveraineté politique du Liban et non pas déstabiliser la Syrie ;

-  s'agissant des relations bilatérales que la France entretient avec les pays africains, trois dimensions doivent être prises en compte : la rénovation de ces relations, « l'africanisation » et la mutualisation des ressources au niveau européen. Il n'y a pas, de notre côté, de nostalgie. De l'autre côté, il ne doit pas y avoir d'agressivité par rapport au passé. Or il est frappant de constater qu'en Côte d'Ivoire le discours des partisans du Président Laurent Gbagbo met toujours la France en accusation alors que 7000 Français - sur 8000 qui y résidaient - ont maintenant quitté ce pays ;

-  on ne peut comparer la situation des Etats-Unis et celle de l'Europe. Les Etats-Unis sont une seule nation alors que les Etats membres ne veulent pas être une nation européenne mais une communauté de nations avec une même monnaie. Pour ce faire, ils ont besoin d'un règlement de copropriété qui est le Pacte de stabilité ;

-  sur le Kosovo, il ne faut fermer aucune option hormis la partition et le retour en arrière ;

-  il y a un mouvement démocratique en Moldavie, en Géorgie et en Ukraine et l'on peut imaginer que le modèle démocratique européen serve de référence, en tout cas pour l'Ukraine. En Moldavie, il s'agit d'un succès des communistes avec une dimension proeuropéenne. A cet égard, le Ministre des Affaires étrangères a indiqué qu'il n'avait pas encore eu de contacts avec ce pays mais que celui-ci avait été évoqué lors de son dernier voyage en Ukraine. La question de la Transnistrie préoccupe en effet beaucoup les Ukrainiens en raison de la situation actuelle de cette région qui représente un risque réel pour notre sécurité, non seulement en raison du stockage d'armes nucléaires, mais aussi à cause des trafics divers qui y prospèrent. On se situe là dans le contexte plus large de nos relations avec la Russie. A cet égard, il serait bon que le Gouvernement et la Commission des Affaires étrangères réfléchissent à une redéfinition de la relation européenne avec la Russie car l'on sent une crispation actuellement dans ce pays et une sensibilité des autorités russes à l'égard de ce qui se passe autour de leur pays, notamment dans les Etats baltes, mais également en Pologne, en Ukraine, en Moldavie et en Géorgie ;

-  il y a actuellement beaucoup d'éléments démontrant que les Anglais considèrent que leur intérêt est de jouer le jeu européen. Sur l'Afrique comme sur le Proche-Orient, nous partageons les vues des Britanniques. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'une partie du projet de Constitution européenne a été rédigée en s'appuyant sur la déclaration de Saint-Malo ;

-  la semaine prochaine, la France organise à Cayenne, en Guyane, une conférence originale à laquelle sont conviés douze ministres en provenance notamment d'Amérique latine et le Premier ministre haïtien, M. Gérard Latortue, afin de définir et mettre en place des projets concrets visant à améliorer la situation des Haïtiens dans leur vie quotidienne. Il s'agit d'une réunion pratique où les projets seront examinés un par un et où chaque pays participant aidera ou financera celui ou ceux de ces projets pour lesquels il dispose d'une compétence ou d'un savoir-faire particulier.

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● Haïti

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