COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 33

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 22 mars 2005
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Convention de sécurité sociale France-Tunisie (n° 1641) - M. Henri Sicre, rapporteur

- Accord sur la conservation des albatros et des pétrels (n° 1853) - Mme Danielle Bousquet, rapporteure

- Accord de coopération avec l'Algérie en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée (n° 1861) - M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur

- Accord avec la Suisse relatif à la procédure simplifiée d'extradition et complétant la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 (n° 1981) - M. Marc Reymann, rapporteur

  
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Convention de sécurité sociale France-Tunisie

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Henri Sicre, le projet de loi autorisant l'approbation de la convention de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne signée à Tunis le 26 juin 2003 ainsi que de l'avenant n° 1 à cette convention signé à Tunis le 4 décembre 2003 (n° 1641).

M. Henri Sicre, Rapporteur, a indiqué que cette convention de sécurité sociale entre le Gouvernement français et celui de la République tunisienne a été signée à Tunis le 23 juin 2003 pour remplacer la convention générale de sécurité sociale du 17 décembre 1965, maintes fois amendée, et les nombreux protocoles et accords complémentaires intervenus depuis. Dès le 4 décembre 2003 a été signé un premier avenant à cette nouvelle convention, destiné principalement à tenir compte de la suppression, dans la législation française, de l'allocation veuvage, mentionnée dans la convention.

La France a conclu, entre le début des années 1950 et aujourd'hui, une trentaine de conventions bilatérales en matière de sécurité sociale. Par ailleurs, un règlement communautaire de 1971, relatif à la coordination des régimes de sécurité sociale, lie notre pays à vingt-neuf Etats européens.

Le travail de refonte de certaines conventions bilatérales de sécurité sociale, qui a conduit à l'élaboration de la présente convention, concerne aussi d'autres pays avec lesquels les accords en vigueur sont devenus trop complexes ou caducs. Ainsi, des négociations sont actuellement en cours pour moderniser les conventions avec le Maroc et avec l'Algérie.

La convention générale de sécurité sociale entre la France et la Tunisie du 17 décembre 1965 a été modifiée à quinze reprises entre 1966 et 1982 et complétée par plusieurs autres accords. L'évolution des législations et des situations sociales des deux Etats justifie une refonte de l'ensemble de ces accords : dans la mesure où la famille du salarié doit pouvoir résider avec lui dans l'autre Etat ou, au moins, lui rendre facilement visite, et où un grand nombre de travailleurs immigrés arrivés en France dans les années 1960 sont désormais à la retraite, il est devenu nécessaire, en particulier, d'ouvrir plus largement le champ des bénéficiaires du droit aux soins de santé et de permettre aux chômeurs et aux pensionnés de bénéficier des allocations familiales.

La nouvelle convention couvre l'ensemble des risques et des catégories d'assurés. Elle repose sur des principes classiques : égalité de traitement ; principe de l'affiliation à la sécurité sociale du pays où la personne exerce son activité, malgré quelques exceptions elles aussi habituelles ; prise en compte, en tant que de besoin, des périodes d'assurance accomplies dans l'autre Etat.

La proximité géographique des deux pays et le maintien de liens étroits entre les migrants et leur famille restée en Tunisie entraînent de fréquents séjours des migrants dans leur pays d'origine et des visites en France de leurs ayants droit résidant en Tunisie. C'est pourquoi la convention lève les éventuelles clauses de résidence, règle les différents cas de transferts de résidence d'un Etat vers l'autre et fixe les modalités de prise en charge des prestations. Elle accorde aux ayants droit d'un travailleur, qui résident habituellement dans l'autre Etat alors que le travailleur réside sur le territoire de l'Etat compétent, le bénéfice des prestations en nature de l'assurance maladie.

La convention ouvre le droit aux allocations familiales conventionnelles pour les enfants des travailleurs qui résident sur le territoire de l'autre Etat, tout en limitant leur paiement à quatre enfants. Cette disposition, qui figure dans l'actuelle convention ainsi que dans les accords entre la France et la plupart des Etats africains, résulte de la volonté française de ne pas se trouver pénalisée par les différences de natalité et de se préserver des difficultés liées à la polygamie, autorisée dans certains de ces pays, à l'époque de la négociation des premiers accords. La Tunisie n'a pas demandé la renégociation de cette mesure car elle limite également le versement de ses prestations familiales à quatre enfants, dans le cadre de sa politique de gestion de la natalité.

Les mesures de coordination en matière de sécurité sociale entre la France et la Tunisie s'appliquent à environ 10 000 personnes chaque année et entraînent des transferts financiers de l'ordre de 3 millions d'euros par an des régimes sociaux français vers les régimes sociaux tunisiens, les flux financiers des régimes tunisiens vers les régimes français étant beaucoup plus limités. Il est donc particulièrement important qu'elles soient précises et parfaitement adaptées à l'évolution des législations et des populations concernées. Un instrument juridique unique est incontestablement préférable à une série d'accords portant chacun sur un risque ou sur un type d'assurés.

Le Président Edouard Balladur a demandé si les allocations familiales pouvaient être versées en cas de polygamie.

M. Henri Sicre a répondu que c'était possible dans les pays où la polygamie est encore autorisée, ce qui n'est pas le cas de la Tunisie.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1641).

Accord sur la conservation des albatros et des pétrels

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Danielle Bousquet, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord sur la conservation des albatros et des pétrels (ensemble deux annexes) (n° 1853).

Mme Danièle Bousquet, rapporteure, a rappelé que l'accord dont la Commission était saisie avait été signé par la France en 2001. Cet accord vise à améliorer la protection des albatros et des pétrels. Limité à l'hémisphère sud, la France y est partie au titre des Terres australes et antarctiques françaises. Cet accord, dit de Canberra, découle de la Convention de Bonn de 1979, qui énumère les espèces animales en voie d'extinction. La liste de ces espèces est révisée de manière périodique. A cette occasion, il est apparu que la convention était insuffisamment protectrice pour les albatros et les pétrels. Il a donc été décidé d'élaborer un accord spécifique.

En mer, les albatros et les pétrels sont tout particulièrement menacés par la technique de la pêche à la palangre. Celle-ci utilise de longues lignes munies d'hameçons, qui constituent des pièges pour les oiseaux marins. Les spécialistes estiment que les palangriers capturent plus de 300 000 oiseaux marins par an, dont environ 100 000 albatros. La FAO s'est d'ailleurs saisie de cette question au motif que les captures involontaires d'oiseaux marins nuisent à la rentabilité des pêches. Sur terre, il existe d'importantes menaces pesant sur la nidification du fait d'autres espèces animales ou de l'activité humaine.

Le champ territorial d'application de l'accord est défini par rapport à l'aire de répartition des albatros et des pétrels. Sont concernés les Etats qui exercent leur juridiction sur une partie de l'aire de répartition ou qui ont des navires battant leur pavillon pouvant prélever en dehors de leur juridiction des albatros et des pétrels. L'accord décrit les mesures devant être mises en œuvre par les Etats parties, à savoir la restauration des habitats, l'élimination des espèces qui les menacent, la réduction des activités humaines. Il prévoit une coopération entre les Parties et un renforcement de leur capacité d'action. Enfin, il crée des institutions spécifiques chargées de mettre en œuvre l'accord.

Les territoires français concernés par l'accord sont les îles d'Amsterdam et Saint-Paul, l'archipel Crozet, l'archipel des Kerguelen et la Terre Adélie. Les experts estiment que les populations de plusieurs espèces de pétrels et d'albatros présents dans ces territoires sont menacées d'extinction. Par ailleurs, la France est confrontée à une importante pêche illégale dans la zone. Non seulement cette pêche menace à court terme la ressource halieutique, mais encore les navires pirates ne respectent aucune mesure de protection des oiseaux marins. Afin de lutter contre les filières de pêche illégales, la France a recours aux moyens de la Marine nationale et à la surveillance par satellite. Elle a par ailleurs demandé à l'OCDE de se saisir de cette question, afin de remettre en cause les filières de production et de commercialisation, plus faciles à démanteler que les sociétés de pêche qui ont recours aux pavillons de complaisance et au système des sociétés écrans qui les protège des poursuites.

A ce jour, l'accord a été signé par onze Etats et ratifié par six d'entre eux. Il est en vigueur depuis le 1er février 2004. Il est souhaitable que la France l'approuve rapidement, car il constitue un progrès pour la diversité biologique. Il faudrait toutefois en étendre l'application à l'hémisphère nord ; la France doit par ailleurs entreprendre une action internationale des plus vigoureuses pour lutter contre la pêche illégale et ses méfaits.

M. Jean-Paul Bacquet a demandé si la palangre était utilisée dans le cadre de la pêche industrielle, avant d'interroger la Rapporteure sur les chances de voir cet accord suivi d'effet.

Le Président Edouard Balladur a fait observer que l'accord prévoyait que « les Parties s'efforcent d'effectuer des recherches et de procéder à des contrôles tant en mer qu'à terre » et qu'il leur revenait dès lors de sanctionner par voie d'amende les personnes méconnaissant les stipulations de l'accord.

M. Serge Janquin a estimé que les stipulations de l'accord invitant les Parties à réduire les perturbations affectant les pétrels et les albatros, notamment en raison du tourisme, risquaient de demeurer un vœu pieux. Il s'est interrogé sur la portée effective de l'accord faute de sanctions présentant un caractère dissuasif.

La Rapporteure a apporté les éléments de réponse suivants :

-  la pêche à la palangre est pratiquée à l'échelle industrielle au moyen de lignes très longues comportant un grand nombre d'hameçons ;

-  l'objectif de protection des oiseaux marins contenu dans l'accord de Canberra rejoint les recommandations de la FAO ; celles-ci ont des chances d'être suivies d'effet dans la mesure où la capture accidentelle d'oiseaux marins nuit à la rentabilité de la pêche ;

-  si les activités touristiques peuvent menacer la vie de certaines espèces, tel n'est pas le cas dans les Terres australes et antarctiques françaises, le tourisme y étant inexistant compte tenu des conditions climatiques qui y règnent et de la difficulté d'y accéder ;

-  les autorités françaises ont renforcé leurs moyens de surveillance en mer contre la pêche illégale ; elles ont par ailleurs conduit à terre une action d'éradication des espèces non indigènes constituant une menace pour la nidification des pétrels et des albatros.

Conformément aux conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1853).

Accord de coopération avec l'Algérie en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Paul Bacquet, le projet de loi, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée (n° 1861).

M. Jean-Paul Bacquet, Rapporteur, a rappelé que la Commission des Affaires étrangères avait eu plusieurs fois à connaître de projets de loi portant approbation d'accords bilatéraux relatifs à la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée, signés par la France, par exemple, avec la Russie, l'Ukraine, le Tadjikistan, la Slovaquie ou la Bulgarie.

Ces différents accords répondent à une nécessité : face au développement malheureusement trop connu d'une criminalité qui ignore les frontières, les services de police doivent pouvoir mener des actions concertées et échanger des informations. C'est pourquoi notre pays a mis en œuvre depuis plusieurs années, une politique tendant à signer des accords bilatéraux qui s'inspirent d'un accord type adapté à chaque fois aux spécificités du pays concerné.

Le texte soumis à la Commission ce jour est sensible car il porte sur un pays pour lequel il n'est nul besoin de rappeler les liens qui nous unissent à lui : c'est l'Algérie avec qui un accord de coopération a été signé le 25 octobre 2003. La signature de cet accord est intervenue sous l'empire de deux évolutions. La première porte sur la situation de la sécurité en Algérie qui s'améliore mais change aussi de visage ; la seconde consiste en un renforcement de la coopération policière entre l'Algérie et la France depuis quelques années, sans cadre formel cependant.

La situation de la sécurité en Algérie s'est améliorée sensiblement depuis cinq ans, la politique de réconciliation nationale engagée par le Président Bouteflika ayant produit ses effets. Ainsi on comptait 13 morts par semaine en 2004 du fait des actes terroristes - ce qui n'est pas mince - mais doit être rapporté aux 220 morts hebdomadaires de 1997, année la plus violente en Algérie depuis le début de la guerre civile. La politique de concorde qui a trouvé corps dans la loi votée par le Parlement en juillet puis par le peuple algérien en septembre 1999 a été marquée par des amnisties massives.

Si les villes sont aujourd'hui plus sûres en raison de la mise en place d'un déploiement sécuritaire très important autour des agglomérations, le terrorisme frappe encore, notamment les zones rurales et enclavées comme la Kabylie ou les Aurès. Ainsi, il y a quelques jours à peine, trois policiers auraient été tués à Bouira, à 100 kilomètres d'Alger, en Kabylie.

Les Groupes islamistes armés (GIA) sont considérés comme moribonds aujourd'hui, alors que le GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat), affilié au réseau Al Qaïda, demeure actuellement le plus actif en Algérie. Créé en 1998, le nombre de ses membres est évalué à 450 personnes. Ses liens avec la mouvance terroriste internationale sont de plus en plus patents. Ainsi Abou Moussab Al-Zarkaoui, le terroriste jordanien qui sévit en Irak, a publiquement, via Internet, salué les combattants du GSPC en janvier dernier, officialisant, de la sorte, le rapprochement progressif entre Al Qaïda et ce groupe. Cette « mise en réseau » de la mouvance terroriste algérienne ne rend que plus nécessaire la coopération policière entre la France et l'Algérie.

C'est l'objet de l'accord soumis à la Commission en vue de sa ratification. Ce n'est pas cependant son seul but. Plus globalement, il met en place les instruments nécessaires pour organiser une coopération qui, aujourd'hui, existe mais sans cadre formel.

Cette coopération connaît une montée en puissance depuis 2001, qui démontre la nécessité d'adopter un cadre juridique en la matière. Les chiffres sont les suivants : 6 réponses de la part des services de police français pour 20 demandes adressées à la partie algérienne en 2001 ; 40 pour 54 en 2002 ; 164 pour 200 en 2003 et, enfin, 441 réponses pour 556 demandes du 1er janvier 2004 au 25 janvier 2005. Les services de police français se montrent satisfaits de la qualité des réponses apportées par les autorités algériennes et on peut citer quelques exemples marquants : en février 2004, la brigade financière de la Préfecture de Police a sollicité des renseignements sur le groupe Khalifa Airways. Les autorités algériennes ont fourni des éléments d'information complets sur la situation de cette compagnie qui ont permis de faire avancer l'enquête du côté français. En juillet dernier, les informations transmises ont également permis d'interpeller le responsable d'une association impliquée dans l'organisation d'une importante filière d'immigration illégale en provenance de l'Algérie. Plusieurs réseaux de trafics de faux visas ont aussi été identifiés grâce à cette coopération.

La coopération franco-algérienne en matière de sécurité s'inscrit également dans le cadre de relations plus étroites entre les pays du Maghreb et les pays de l'Union européenne. En 1995 a été créée la Conférence des ministres de l'Intérieur de Méditerranée occidentale réunissant chaque année les ministres de l'Intérieur du Maroc, de l'Algérie, de la Tunisie, de l'Espagne, du Portugal, de l'Italie et de la France. En 2001, s'y sont adjoints la Libye et Malte. Cette conférence a permis de mettre en place des commissions thématiques sur le blanchiment d'argent, le terrorisme, l'immigration illégale, la lutte contre le trafic d'objets d'arts, la protection civile... En outre, la France a pris l'initiative de la création d'un groupe de travail informel - c'est l'initiative 3+3 - regroupant les ministres de l'Intérieur des trois pays du Maghreb et de la France, de l'Espagne et de l'Italie. Si la première réunion de ce groupe s'est tenue en décembre 2003, on doit constater cependant qu'elle n'a pas connu de réunions depuis.

L'accord franco-algérien reprend en fait les stipulations de l'accord type que l'on retrouve dans les autres accords de coopération. Le champ de la coopération prévue dans cet accord est très large. L'article 1er de l'accord prévoit ainsi que la France et l'Algérie mènent une coopération opérationnelle et technique en matière de lutte contre la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants, le terrorisme, les infractions économiques et financières comme le blanchiment, la traite des êtres humains, le trafic de biens culturels et d'objets d'art volés, le faux et les contrefaçons, l'immigration irrégulière, la cybercriminalité... Trois domaines sont privilégiés : la lutte contre la criminalité internationale, la drogue et le terrorisme.

Cette coopération, que l'on souhaitera active, est cependant encadrée. Elle ne pourra méconnaître la garantie des droits fondamentaux et les intérêts essentiels de l'Etat. Chacune des Parties pourra rejeter la demande formulée par l'autre Etat lorsqu'elle estime que, en vertu de sa législation nationale, une réponse positive à cette requête porterait atteinte aux droits fondamentaux de la personne ou à sa souveraineté, à sa sécurité, à l'ordre public, aux règles d'organisation et de fonctionnement de l'autorité judiciaire ou - la formule est large - à d'autres intérêts essentiels.

L'accord prévoit enfin l'institution d'un comité de suivi appelé « Comité mixte de coopération technique en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée », qui se réunira au moins une fois par an, alternativement dans chacun des pays.

Cet accord paraît un progrès réel notamment dans le cadre du rapprochement entre la France et l'Algérie qui devrait se conclure d'ici quelques mois par la signature d'un traité d'amitié. En conclusion, le Rapporteur a proposé d'adopter le projet de loi en autorisant l'approbation.

Observant que l'exposé des motifs du projet de loi indiquait que l'Algérie ne pouvait faire face seule à toutes les formes de criminalité en raison de la lutte contre le terrorisme qui monopolise ses forces de sécurité, M. Serge Janquin a précisé qu'il fallait être conscient que certains trafics comme celui de la drogue et des voitures volées bénéficiaient aussi de la complicité d'acteurs politiques et économiques algériens. Il a également considéré que, si l'accord franco-algérien portait sur la coopération policière contre un grand nombre de crimes ou de trafics, son objet essentiel était bien la lutte contre le terrorisme.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1861).

Accord avec la Suisse relatif à la procédure simplifiée d'extradition et complétant la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 (n° 1981)

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Marc Reymann, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la procédure simplifiée d'extradition et complétant la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 (n° 1981)

M. Marc Reymann, Rapporteur, a souligné que le texte dont la Commission est saisie s'inspire en fait des stipulations de la convention du 10 mars 1995 relative à la procédure simplifiée d'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne. On transpose ici, entre la Suisse et la France, les nouvelles règles en vigueur au sein de l'Union, ou tout du moins les règles qui étaient en application avant la mise en place du fameux mandat d'arrêt européen en 2004. Il faut rappeler que ce mandat d'arrêt européen que notre Constitution a reconnu en 2003 a rendu presque obsolète le mécanisme d'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne en y substituant une procédure permettant aux autorités judiciaires de faire exécuter directement dans un autre Etat membre les décisions de justice sans avoir à recourir à la procédure lourde et formelle de l'extradition. La convention européenne du 10 mars 1995 d'extradition simplifiée ne s'applique donc plus aujourd'hui que dans quelques cas marginaux au sein de l'Union européenne. Ses stipulations n'en ont pas moins inspiré les autorités françaises et helvétiques. Entre un système de mandat d'arrêt direct et la procédure traditionnelle et formelle de l'extradition, il s'agit de rendre plus facile la coopération judiciaire en simplifiant la procédure et en réduisant les délais d'extradition.

Avant de présenter les règles simplifiées d'extradition qui s'appliqueraient en vertu de l'accord signé le 10 février 2003 par la France et la Suisse, il convient de rappeler quelles sont les dispositions applicables normalement en matière d'extradition entre ces deux pays. C'est la convention de 1957 qui s'applique entre la France et la Suisse comme avec de nombreux autres Etats puisque ce texte a été signé par les Etats membres du Conseil de l'Europe ainsi que par l'Afrique du Sud et Israël. Aux termes de cette convention, les Parties contractantes s'engagent à se livrer réciproquement les individus poursuivis pour une infraction ou recherchés aux fins d'exécution d'une peine. Les faits en question doivent être punis par les lois des deux Parties. Ne peuvent donner lieu à extradition les infractions de nature politique.

La procédure applicable est la suivante. Lorsqu'un Etat demande l'extradition d'une personne, il adresse cette demande par écrit et par la voie diplomatique. De multiples formalités s'ensuivent comme la présentation de l'original de la décision de condamnation ou du mandat d'arrêt. En France l'extradition est décidée par un décret du Premier ministre pris sur le rapport du Garde des Sceaux comme le prévoit l'article 696-18 du code de procédure pénale. Le principe de spécialité s'applique alors. Cela signifie que l'individu livré par un Etat ne sera ni poursuivi, ni jugé, ni détenu en vue de l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté, ni soumis à toute autre restriction de sa liberté individuelle, pour un fait quelconque antérieur à sa remise à l'Etat requérant et distinct de celui qui a motivé l'extradition. La Convention de 1957 prévoit une procédure d'urgence, celle de l'arrestation provisoire. Elle consiste pour un pays à demander l'arrestation d'un individu - à titre en quelque sort conservatoire - en s'engageant parallèlement à formuler une demande d'extradition en bonne et due forme dans les plus brefs délais. L'arrestation est, comme son nom l'indique, provisoire : elle s'achève si l'Etat requérant n'a pas demandé l'extradition dans un délai de dix-huit jours.

Depuis 1992, 87 demandes d'extraditions ont été présentées par la France à la Suisse et 182 demandes formulées par la Confédération helvétique à l'attention de notre pays. Ces demandes portent essentiellement sur des affaires de vol ou d'escroquerie, de violences ou de trafics de stupéfiants. Elles portent aussi sur des homicides ou des dossiers de terrorisme. Aucune affaire fiscale n'a fait l'objet de demandes d'extradition. Les infractions fiscales n'entrent pas dans le champ de ces procédures.

Ces procédures d'extradition peuvent prendre plusieurs mois et constituer un frein au bon fonctionnement de la justice. C'est pourquoi en 1992 la Suisse a proposé à la France de créer une procédure simplifiée qui permette d'aller plus vite lorsque aucun obstacle ne s'y oppose. La négociation a été longue comme souvent en ces matières qui mettent à la fois en cause les pouvoirs régaliens de l'Etat et les droits fondamentaux des individus. Elle a été également largement tributaire des négociations européennes qui ont abouti à la convention du 10 mars 1995.

La procédure simplifiée que l'accord franco-suisse entend mettre en œuvre permettra d'enserrer l'extradition dans des délais très précis et de ne pas avoir à passer par la voie diplomatique habituelle et par la prise d'un décret du Premier ministre en France. La procédure simplifiée s'appliquera dans deux cas : soit l'individu en question aura fait l'objet d'une arrestation provisoire sans demande d'extradition classique ; soit une demande d'extradition classique aura déjà été formulée et, avec l'accord de l'individu poursuivi, on décidera d'accélérer la procédure.

Cette procédure débutera par une demande de la France ou de la Suisse tendant à la remise d'une personne par la voie simplifiée. La mise en œuvre de cette procédure ne sera possible que si la personne en question y consent. L'accord prévoit que le recueil de ce consentement devra respecter des formes très précises afin de s'assurer de sa réalité. La personne inquiétée, qui pourra être assistée d'un conseil, devra être informée des conséquences de son consentement recueilli par les autorités judiciaires dans les conditions prévues par la procédure pénale interne. Ce consentement sera consigné par écrit dans un procès-verbal. Ces garanties sont importantes car le consentement donné est ensuite irrévocable.

La personne en question pourra aussi renoncer au principe de spécialité. Cela permettra à l'Etat requérant de diligenter à son égard les procédures judiciaires pour des faits autres reprochés à l'individu en cause. Une fois ce consentement recueilli, il appartiendra à l'Etat requis d'en informer l'autre Partie dans un délai de dix jours. Cet Etat requis aura, par ailleurs, vingt jours pour informer l'autre pays de sa propre décision d'extrader la personne. La remise de cette personne s'effectuera au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date à laquelle la décision d'extradition a été communiquée à l'autre Partie. On le voit, les délais seront particulièrement courts et leur non-respect aura des conséquences importantes, puisque la personne qui aura été arrêtée provisoirement pourra être relâchée sauf cas de force majeure que l'accord ne définit pas.

Un ajustement de notre code de procédure pénale sera nécessaire comme cela a été le cas après la ratification de la convention européenne du 10 mars 1995 (articles 696-25 et suivants du code). Le Gouvernement envisage l'introduction d'une clause particulière pour les extraditions simplifiées franco-suisses et non une clause générale, puisque notre pays n'a signé aucun autre accord du même ordre.

Ces stipulations ont donc un intérêt évident dans le cadre de la construction d'un espace européen de justice qui ne se limiterait d'ailleurs pas à la seule Union européenne ; c'est pourquoi il est important d'adopter le projet de loi en autorisant l'approbation, les Suisses ayant, de leur côté, achevé de diligenter les procédures nécessaires.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1981).

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● Albatros

● Algérie

● Pétrels

● Suisse

● Tunisie


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